M. le président. L'amendement n° I-154 rectifié, présenté par M. Placé, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Desessard, Dantec, Gattolin, Labbé et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 265 bis A du code des douanes est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement concerne les carburants qui sont produits à partir de cultures habituellement alimentaires comme les céréales ou la betterave. Si les industriels parlent de « biocarburants », simple transcription de biofuel, sans doute pour profiter de la connotation positive associée au préfixe « bio », nous les dénommons, pour notre part, « agrocarburants ».
Permettez-moi d’ailleurs de rappeler que la Haute Assemblée avait majoritairement préféré le terme « agrocarburant » au terme « biocarburant » ; cette position n’avait malheureusement pas été retenue en commission mixte paritaire.
Les agrocarburants bénéficient aujourd’hui d’une réduction de la taxe intérieure de consommation au motif qu’ils contribueraient à notre indépendance énergétique ainsi qu’à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Or les agrocarburants ne constituent pas une solution d’avenir. Si l’on veut, comme on le doit d’ailleurs, aider les agriculteurs, il y a bien d’autres voies que cette fausse piste.
Tout abord, l’efficacité énergétique des agrocarburants est très faible, ce qui signifie qu’il en faut une très grande quantité. Ils exigent la mobilisation d’espaces considérables, alors que les surfaces arables ne sont évidemment pas infiniment extensibles.
En outre, leur coût de production étant fortement corrélé au prix du pétrole, même la perspective attendue d’une augmentation du coût des énergies fossiles ne rendra pas les agrocarburants plus compétitifs.
En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, il convient de se méfier des calculs trop hâtifs. L’utilisation des terres arables européennes à des fins énergétiques crée, en effet, le besoin de nouvelles terres agricoles, le plus souvent obtenues par déforestation dans les pays du Sud.
Au-delà des conséquences très négatives sur l’effet de serre, la famine est à craindre, les agrocarburants ayant un impact extrêmement préoccupant sur les marchés alimentaires. Les matières agricoles sont déjà en proie à des spéculations financières, que la FAO a largement dénoncées.
Il ne semble donc vraiment pas opportun que la production de carburant pour les nombreux véhicules individuels des pays du Nord contribue à faire grimper les prix des aliments, ce dont pâtissent en priorité les populations du Sud.
Enfin, d’un point de vue environnemental, la culture des agrocarburants pose de nombreux problèmes. Il s’agit le plus souvent de monocultures intensives, usant immodérément des produits phytosanitaires, avec toutes les conséquences que l’on connaît sur la biodiversité, la fertilité des sols et les ressources en eau. Faut-il vous rappeler que le produit fabriqué par Union Carbide à Bhopal, de triste mémoire, était quasi exclusivement destiné à nos cultures de betteraves ?
Pour toutes ces raisons, nous considérons que la production d’agrocarburants ne doit pas bénéficier d’une réduction de la taxe intérieure de consommation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le coût de cette niche fiscale est estimé à 360 millions d’euros en 2010 et à 200 millions d’euros en 2011.
Compte tenu de l’existence d’autres dispositifs visant au respect des objectifs européens d’incorporation, il paraît aujourd’hui peu justifié de maintenir l’exonération de la taxe intérieure de consommation pour les biocarburants.
Depuis la révision des directives européennes, il peut y avoir également un risque au regard de la compatibilité avec le droit européen, car la fiscalité devrait évoluer du fait des directives 2009/28/CE sur la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et 2009/30/CE sur la qualité des carburants liant l’octroi des aides financières aux biocarburants au respect des critères de durabilité.
Depuis le 5 décembre 2010, date butoir de transposition de ces deux textes, notre système fiscal actuel est fragilisé. La défiscalisation assise en France sur les agréments délivrés en fonction de critères qui, dans les années 2000, différaient des critères de durabilité pourrait être contraire au droit communautaire, sauf à démontrer qu’il existe un surcoût de production par rapport à l’énergie fossile et un bénéfice environnemental. Or cela est loin d’être établi.
Au surplus, la directive 2009/28/CE fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie dans les transports. Cela pourrait être interprété strictement comme une obligation d’incorporation des biocarburants qui, au regard du paragraphe 5 de l’article 16 de la directive 2003/96/CE, rendrait illégale toute aide fiscale directe.
L’argumentation fiscale du coût et de la compatibilité avec le droit européen, lequel a profondément évolué depuis la prise en compte des critères de durabilité, ont motivé l’avis favorable de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Dès 1992, la France s’est engagée dans un soutien marqué en faveur du développement de filières de production d’agrocarburants à travers la mise en place d’une incitation financière indirecte, à savoir une défiscalisation, sous la forme d’un remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation, la TIC, accordée aux opérateurs pétroliers et d’une obligation d’incorporation. Il s’agissait de répondre aux objectifs communautaires de réduction de gaz à effet de serre et d’incorporation d’énergies renouvelables.
Telle était la situation au moment où ces mesures ont été adoptées et avant, d’ailleurs, madame Blandin, que le mouvement écologiste ne change d’avis sur l’opportunité des biocarburants, je me permets de vous le rappeler.
Mme Marie-Christine Blandin. Vous aussi, vous avez changé !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. À cet égard, dans sa communication du 31 janvier 2011 intitulée « Énergie 2020 : Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sécurisée », la Commission européenne réaffirme le rôle prédominant des biocarburants de première génération pour atteindre les objectifs communautaires, dans un contexte de croissance des transports de 18 %.
La question du niveau de la défiscalisation a été abondamment débattue, puis tranchée lors des discussions de l’an dernier. Le Gouvernement, dès lors que les objectifs d’incorporation demeurent, n’entend pas revenir sur cet accord qui a permis de donner de la visibilité aux opérateurs économiques, en prorogeant l’existence de la défiscalisation jusqu’en 2013.
Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement en reste là, et je vous demande, madame Blandin, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cet amendement soulève un vrai problème de politique industrielle.
Comme l’a dit le ministre lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2010, si ma mémoire est bonne, un plan de dégressivité de l’aide fiscale a été défini, de manière à permettre aux industriels de s’organiser et à ne pas créer de rupture dans une branche qui est caractérisée par des investissements lourds.
Si la défiscalisation est appelée, en principe, à s’éteindre en 2013 pour les biocarburants dont il a été question, d’ici là, l’effort de recherche et développement se poursuit pour qualifier de nouvelles générations de biocarburants, notamment dans le cadre des financements apportés par l’emprunt national.
Il y a dans notre pays plusieurs équipes de recherche au sein des universités, des secteurs industriels, des établissements de recherche, qui travaillent de manière partenariale pour parvenir à la définition des nouvelles générations de biocarburants.
On peut donc penser que l’interruption brutale de la défiscalisation dès le 1er janvier 2012 remettrait en cause ces plans, tant du côté des établissements industriels qui fonctionnent aujourd'hui que de celui des projets de recherche et développement et de qualification de nouveaux procédés. Ce serait manifestement très dommageable pour l’emploi dans une branche qui nous est particulièrement utile, car elle est exactement à la jonction des productions agricoles et de l’industrie manufacturière.
Dans bon nombre de nos départements, notamment dans le grand Bassin parisien, les développements industriels auxquels l’effort d’innovation en matière de biocarburants a donné lieu occupent aujourd'hui une place importante dans la définition des activités des territoires, donc dans les politiques de l’emploi. C'est pourquoi il me semble que cet amendement est trop radical, va trop vite, arrive trop tôt.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Je tiens à expliquer pourquoi je ne voterai pas cet amendement.
Au passage, si je voulais faire un peu d’humour, je dirais à Mme Blandin que, en tout état de cause, il ne me dérange pas puisque nous parlons d’un sujet qui n’existe pas. En France, les agrocarburants n’existent pas : si l’on se réfère à la définition précise donnée par la Commission générale de terminologie et de néologie et parue en juillet 2007 au Journal officiel de ce qu’est un biocarburant ou un agrocarburant, on doit constater qu’il n’existe pas aujourd'hui en France d’agrocarburant correspondant à cette définition. Je pourrais donc m’en tenir là et dire qu’après tout vous ne discutez de rien puisque, juridiquement, cela n’existe pas.
Mais j’ai cru comprendre, en écoutant mes amis auteurs de cet amendement, qui ont l’habitude d’user d’un français un peu hétérodoxe, qu’ils parlaient en fait des biocarburants.
S’il est question des biocarburants, je veux reprendre la très bonne argumentation que vient de développer M. le président de la commission des finances, insister sur quelques points et vous faire part de considérations plus politiques.
Il est clair que cette filière, qui a été encouragée par la France, est très créatrice d’emplois. Nous avons obtenu des résultats. Il est vrai aussi, madame Blandin, madame Bricq, qu’on peut contester les études qui ont été faites, mais quand deux groupes de chercheurs français et étrangers arrivent à des conclusions convergentes en matière de bilan carbone de la filière, on ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. Dans leurs rapports, qui ont été établis en 2010, ces experts français et étrangers reconnus font état de 15 % à 30 % de gains.
Enfin, le bilan fiscal de cette filière, qui figure dans les documents budgétaires en votre possession, est positif puisque, en 2011, on estime que, telle qu’elle fonctionne, cette filière rapportera 153 millions d'euros à l’État.
Au-delà de ces arguments techniques, je voudrais revenir sur quelques arguments politiques.
En réalité, les arguments qui ont été exposés ne s’appliquent pas à la situation française des biocarburants. Il y a, chers collègues, une certaine incohérence intellectuelle dans vos propos.
Nous sommes tous favorables à la diminution de consommation des énergies fossiles. Toutefois, s’agissant des transports terrestres, en dehors du chemin de fer, nous n’avons aujourd'hui ni n’aurons dans un futur proche, pour remplacer le pétrole et alimenter les moteurs thermiques, autre chose que ces produits issus de la biomasse qu’on doit désigner par ce qu’ils sont, à savoir des biocarburants.
Le dérèglement climatique, ce n’est pas un risque hypothétique : c’est une douloureuse réalité. Lorsqu’on évoque les biocarburants, mes chers amis, on ne peut pas faire disparaître le terme « environnement » du débat. Il est clair que c’est un débat sur l’environnement que nous avons, et je suis au moins autant que vous favorable à la préservation de l’environnement, laquelle passe, selon moi, par le développement de cette filière.
Par ailleurs, vous reprenez à votre compte un raisonnement développé par les organisations non gouvernementales. Or les ONG ont des habitudes planétaires et leurs arguments s’appliquent souvent à d’autres régions du monde. Dans ces conditions, appliquer ce raisonnement à la situation française n’est pas réaliste. En France, il n’y a pas de concurrence entre production alimentaire et non alimentaire sur l’usage des sols agricoles. Nous sommes dans un pays à surproduction agricole et la politique agricole commune en préparation va geler encore 7 % des surfaces. Cet argument qui vaut pour d’autres régions de la planète ne vaut pas pour la France.
Enfin, nous devons certes réaffirmer tous ensemble que la première mission de l’agriculture, c’est de nourrir les hommes. Mais le développement des biocarburants de deuxième génération, comme l’a rappelé le président Marini à l’instant, passe par l’équilibre économique des filières de la première génération. Si vous tuez cette filière, personne ne financera la recherche et développement de la filière de deuxième génération, dont nous avons pourtant besoin.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers amis, de retirer cet amendement. Pour ma part, s’il est maintenu, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Nous voterons contre cet amendement pour deux raisons.
Premièrement, un engagement de dégressivité des aides a effectivement été pris pour aller jusqu’à 2013.
Deuxièmement, sur le bilan environnemental – c’est l’ancienne présidente de l’ADEME qui vous parle –, j’ai eu la chance de faire l’évaluation des agrocarburants. Elle montrait très clairement que, jusqu’à un taux d’incorporation de 7 % à 10 %, il n’y avait aucun problème de changement d’affectation des sols, donc aucun problème de bilan environnemental. Ce bilan a même été positif.
Au passage, s’agissant de la terminologie, même si elle n’est pas officielle, je souligne qu’il me paraît plus opportun de parler d’« agrocarburants ».
Nous nous sommes fixé un objectif de l’ordre de 10 % à l’horizon 2015. Nous sommes donc aujourd'hui dans les clous. Il n’y a aucune raison, à ce stade, de réduire ou de supprimer la niche fiscale dont bénéficient les agrocarburants de première génération.
J’ajoute que l’ADEME, grâce au plan qu’elle a développé et dans le cadre du Fonds démonstrateur de recherche « biocarburants de deuxième génération », finance les deux filières. C’est peut-être cette deuxième génération qui nous permettra d’aller au-delà de l’incorporation de 10 %.
En tout cas, à ce stade, que ce soit sur le plan fiscal ou sur le plan environnemental, aucun argument ne peut justifier la suppression de cette aide.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Notre collègue Chantal Jouanno indiquait à l’instant que les biocarburants ne posaient pas de problème pour l’environnement. Quant à l’orateur précédent, il a même souligné qu’ils auraient une influence plutôt favorable sur celui-ci.
Je reste tout de même très dubitatif, surtout après avoir entendu tout à l’heure les arguments évoqués à l’appui de son amendement par Marie-Christine Blandin. On peut effectivement avoir quelques doutes sur l’efficacité énergétique des biocarburants. Si l’on ne produit que des quantités dérisoires d’énergie à partir de cette filière, on peut imaginer qu’il faudra cultiver des espaces considérables pour obtenir une production suffisante.
Or, aujourd'hui, dans un contexte inquiétant de raréfaction progressive des terres agricoles, il y a des choix à faire, des priorités à définir.
Au surplus, nous savons que les matières agricoles sont déjà l’objet de spéculations de nature purement financière. Par conséquent, faut-il développer une production qui va être soumise à une spéculation croissante, dans un contexte de raréfaction des terres agricoles ? La question est en fait cruciale de savoir si cette niche fiscale a encore sa légitimité aujourd'hui.
Il ne s’agit pas, cher collègue, de condamner ces agrocarburants ; il s’agit de savoir s’il faut laisser subsister encore un an ou deux la niche fiscale ou bien, au contraire, s’il n’est pas temps de mettre l’accent sur les recherches concernant la deuxième génération. Dans ce cas, la niche fiscale n’a plus nécessairement la finalité qui lui avait été initialement attribuée.
Cet amendement prend dès lors toute sa signification : il nous permet aujourd'hui de regarder l’avenir différemment, compte tenu des contraintes nouvelles qui pèsent aujourd'hui sur l’agriculture. C'est au regard de ces considérations que notre rapporteur spécial sur l’agriculture, Yannick Botrel, a indiqué qu’il était favorable à cet amendement et que la commission des finances l’a suivi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. J’ai bien entendu M. Deneux nous dire que les biocarburants n’existaient pas, mais à en juger par la qualité de son intervention, je vois qu’il a parfaitement compris de quoi nous parlions ! (Sourires.)
Je voudrais rassurer quelque peu le président Marini.
M. Robert del Picchia. Il n’est pas inquiet !
Mme Marie-Christine Blandin. Sur la recherche et développement, votre inquiétude est juste, mais Mme Pécresse nous a montré ici même à quel point notre culture était différente de celle de l'Allemagne et combien les investissements en recherche et développement issus des entreprises privées étaient ridicules à côté de ceux de la recherche publique.
Or celle-ci travaille, elle, sur la deuxième génération. Elle y a été encouragée par les déclarations de Jean-Louis Borloo : « La position de notre pays est claire : cap sur la deuxième génération de biocarburants ! [Il faut faire] une pause sur les nouvelles capacités de production agricole. » La continuité de l’État m’autorise à penser que ces propos restent valables…
Le confort fiscal que vous préconisez n’est pas stimulant pour la recherche. Vous évoquez le problème de l'emploi, mais il faut savoir que certains métiers restent les mêmes pour la deuxième génération, comme le travail sur les rendements de l’éthanol. On pourrait comparer cette situation à celle des équipementiers automobiles qui se mettent à travailler pour les transports en commun.
Mais de nouvelles pistes sont également ouvertes : je pense à la cellulose, à la lignine, à la filière bois et aux micro-algues. Quant à la paille, on est en train d’y renoncer, car on a une approche systémique et qu’on n’a pas envie d'en priver les agriculteurs.
L’amendement n° I-154 rectifié permet d’aller de l’avant dans toute une série de recherches.
Dernier point : nous n'avons qu'une planète et nous ne pouvons pas nous payer le luxe de cultiver des terres arables pour faire tourner des moteurs prétendument non polluants de voitures individuelles, alors que d’autres ont vraiment besoin de ces terres, mais, eux, pour survivre.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole.
Mme Chantal Jouanno. Je la demande également, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Deneux, je ne peux vous donner de nouveau la parole, car vous avez déjà expliqué votre vote, et je suis obligé de faire respecter le règlement. Si chacun répond à la réponse qui lui a été faite, nous ne parviendrons pas à achever cette discussion budgétaire dans des conditions raisonnables.
Madame Jouanno, bien que vous ayez également déjà expliqué votre vote, je consens à vous donner la parole parce que vous avez été citée, mais pour une minute seulement.
Mme Chantal Jouanno. Je veux seulement apporter un double éclairage.
Tout d’abord, le bilan environnemental est négatif dès lors qu'il y a changement d'affectation des sols et que des cultures ou des forêts sont détruites pour produire des agro-carburants. L'étude de l’ADEME montrait très clairement qu’il n’y a aucun risque en la matière si le taux d’incorporation des biocarburants ne dépasse pas 10 %, taux qui est l’objectif pour 2015, d'autant que la France a institué une procédure très encadrée.
En revanche, au-delà de ce taux, il existe un risque. C'est la raison pour laquelle Jean-Louis Borloo avait évoqué la nécessité de faire une pause. À l'époque – vous vous en souvenez certainement, madame Blandin –, certains voulaient porter ce taux à 15 %. M. Borloo avait alors indiqué que nous ne pourrions dépasser le taux de 10 % qu’avec les agrocarburants de deuxième génération, qui deviendront peut-être des biocarburants.
C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est important de maintenir le dispositif. Je le répète, en l’absence de risque de changement d'affectation des sols, il n’y a aucun danger de dégradation du bilan environnemental.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mes chers collègues, il ne s'agit pas de supprimer brutalement le dispositif puisque, M. le secrétaire d'État l'a rappelé, celui-ci devait initialement s’achever en 2012 et qu’il a été prolongé jusqu'en 2013. L’année dernière, nous étions donc déjà confrontés à ce problème.
La défiscalisation a été puissante puisqu’elle a abouti à des investissements d’un montant estimé à 2 milliards d'euros. Or ces investissements seront pour la plupart amortis en 2012. Il ne peut donc y avoir de fragilisation de la filière du fait de cette mesure.
Si notre pays est un producteur européen très important, c’est aussi parce que cette défiscalisation a favorisé l'émergence de quasi-monopoles, ce qui n'était pas vraiment le but recherché. La filière biodiesel a permis aux producteurs de biocarburants de percevoir une sorte de rente.
La défiscalisation a produit les effets escomptés. À un moment donné, une niche doit être évaluée au regard de son efficacité économique et environnementale.
Si le dispositif était peut-être justifié au démarrage de la filière, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Du reste, dans les pays voisins – l'Allemagne, qui est souvent citée, le Royaume-Uni –, les mécanismes de défiscalisation s’acheminent tous vers leur extinction. L’adoption de cet amendement ne ferait donc pas de la France un cas isolé.
Dans le rapport Guillaume sur l’évaluation des niches fiscales, il apparaît que ces mesures ont produit leurs effets, que les investissements ont été amortis. Plutôt que de prolonger cette niche fiscale, il recommande de passer à des subventions directes à la recherche et développement, qui seraient des instruments beaucoup plus efficaces pour faciliter l’émergence de la deuxième génération.
L’avis favorable émis par la commission se justifie donc pleinement si l’on s’en tient au seul critère de l’efficacité de la dépense fiscale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, ce dispositif de défiscalisation a porté sur un montant allant jusqu’à environ 400 millions d’euros. Pour l’année 2011, si je ne me trompe, le coût est de 200 millions d’euros, soit deux fois moins, et il est prévu que le coût de la mesure ira décroissant jusqu’à la fin de 2013.
Par ailleurs, l’aide à la recherche en vue de la deuxième génération dans les différentes filières nécessite, il est vrai, des fonds publics. Mais je n’imagine pas que l’on puisse aujourd'hui réviser les affectations de crédits déjà prévues au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Enfin, madame le rapporteur général, puisque vous évoquez la filière du biodiesel, je voudrais rappeler que le principal opérateur industriel, le groupe Sofiprotéol, compte dans son capital, et dans une position de quasi-actionnaire de référence, la Caisse des dépôts et consignations. Cette filière est donc, pour une large part, encouragée par les pouvoirs publics : il serait peu cohérent de renverser la vapeur aussi brutalement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5 ter.