Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis maintenant un mois et demi, j’ai été amené à travailler avec la nouvelle majorité sénatoriale. Nos rapports sont empreints de la cordialité et du respect que j’avais expérimentés avec l’ancienne majorité. Mais la politique mise en œuvre par cette majorité est d’une dureté sans pareil à l’égard des Français et des salariés. Ce texte en est d’ailleurs la preuve. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la meilleure !
M. Xavier Bertrand, ministre. D’une certaine façon, les masques tombent, puisque, pendant longtemps, vous êtes restés cantonnés à des discours et des amendements dont vous saviez qu’ils seraient rejetés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a lu ça dans la presse. C’est un « élément de langage ».
M. Xavier Bertrand, ministre. Par le projet de loi de financement de la sécurité sociale et par ce texte, vous démontrez que les grandes déclarations sont bien loin de la réalité.
Avant-hier soir, dans la nuit, plus de 9 millions de salariés ont compris que, si vous aviez également la majorité à l’Assemblée nationale, si vous étiez au gouvernement, ils perdraient les avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Nous examinons la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ces ouvriers et ces employés, cet argent est celui de leur travail. Ce travail, ils ne le volent à personne.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi. Et les chômeurs ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons besoin, pour la croissance et l’économie, de leur pouvoir d’achat. Or l’adoption des mesures proposées par la majorité sénatoriale, par la gauche, aurait pour conséquence de l’amputer. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Mme Annie David, rapporteure. Nous sommes en train d’examiner la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical !
M. Xavier Bertrand, ministre. De la même façon, si le texte présenté par Mme David était adopté et mis en œuvre, 250 000 emplois seraient immédiatement menacés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Telle n’est pas notre politique !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit, tout simplement, des emplois situés dans les zones touristiques. Je le répète, par le véritable retour en arrière défendu par ce texte, un quart de million de salariés verraient leur emploi et leur pouvoir d’achat menacés. Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Tout doit être assumé en politique.
Mme Colette Giudicelli. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour le dire, monsieur le ministre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le dis, et je l’assume ! Nous pouvons avoir des divergences de vue très fortes, tout en nous respectant mutuellement. Votre proposition de loi reflète en réalité votre idéologie par rapport au travail et au fait de travailler plus.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et les chômeurs ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Votre texte est un texte de régression (Mme Éliane Assassi s’exclame.), de recul, et une menace pour l’emploi et les salariés dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Car derrière vos bonnes intentions, la réalité se révèle tout autre.
Je sais lire, les sénateurs et sénatrices savent lire, les Français aussi savent lire : ils voient bien que ce texte est inutile et dangereux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dangereux pour qui ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Inutile, parce que vous prétendez, comme l’indique l’intitulé de la proposition de loi, garantir le droit au repos dominical. Or ce principe est réaffirmé dans la loi Mallié du 10 août 2009. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ce n’est pas parce que la gauche le reformulera qu’il différera de ce qui a été adopté par la droite ! Car on ne transige pas avec un principe inscrit dans la loi de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Réécrire tout simplement ce qui est déjà gravé dans le marbre de la loi, quelle innovation !
Ce texte est dangereux, surtout, parce que son adoption détruirait l’équilibre auquel nous sommes parvenus, dans cette même loi du 10 août 2009, sur la question du travail dominical. Il s’agit d’un bon équilibre, non pas à mes yeux, mais aux yeux des salariés, de celles et ceux qui désirent travailler le dimanche et augmenter leur pouvoir d’achat.
Que cela plaise ou déplaise, certains Français veulent travailler le dimanche (Mme Patricia Schillinger s’exclame.),…
Mme Éliane Assassi. Il y en a aussi qui veulent travailler tout court !
M. Xavier Bertrand, ministre. … dans les conditions définies par la loi du 10 août 2009.
Je ne m’interromprai pas, madame le sénateur. Quand on est sûr de ses convictions, on n’a pas besoin de s’interpeller. Le temps de parole est ainsi fait qu’il permet à chacun de s’exprimer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Cet équilibre tient compte à la fois du respect d’un droit, le repos dominical, et des évolutions de la société, ainsi que des aspirations des salariés qui souhaitaient travailler le dimanche et ne le pouvaient pas.
Je vais être franc avec vous, j’aurais voulu que nous allions plus loin concernant la possibilité de travailler le dimanche. Cela aurait évité à Catherine Procaccia de porter à mon attention des situations aberrantes où des entreprises, parce qu’elles sont implantées sur une commune ne bénéficiant pas de certaines dispositions dérogatoires, contrairement à une autre, limitrophe, ne peuvent ouvrir le dimanche, ce qui fait peser une menace sur des dizaines d’emplois. Oui, j’aurais préféré que l’on soit encore plus clair ! (Mme Éliane Assassi proteste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez voir à Paris si l’emploi est menacé !
M. Xavier Bertrand, ministre. Allez vous expliquer avec ces salariés chez Catherine Procaccia ! Le ton ne sera sans doute pas le même ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il est facile de tenir certains propos dans l’hémicycle, il est plus compliqué de dire à des salariés qui veulent travailler que ce n’est pas possible parce qu’on a souhaité qu’il en soit ainsi. La réalité, c’est que je préfère avoir des élus qui favorisent l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
J’aurais voulu, je le répète, que nous puissions aller plus loin concernant les possibilités, pour ceux qui le souhaitent, de donner du travail le dimanche ou de travailler le dimanche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le travail dans la semaine ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Tel n’a pas pu être le cas (Mme Éliane Assassi s’exclame.), nous avons néanmoins ouvert de nouvelles possibilités très concrètes, que le texte que vous nous proposez aujourd’hui refermerait. Et encore, votre main a tremblé, vous n’êtes pas allés jusqu’au bout de votre idéologie pour ce qui concerne les fameux PUCE. Sinon, votre texte aurait menacé non pas 250 000 emplois, mais 260 000 emplois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui faites peser une menace sur des milliers d’emplois !
M. Xavier Bertrand, ministre. En fin de compte, vous vous contentez d’interdire la création de nouveaux PUCE. Vous vous êtes donc bien aperçus de votre erreur en la matière, mais vous n’avez pas eu, je le dis, le courage politique de faire marche arrière. Vous restez prisonniers non pas de vos convictions, mais d’une certaine vision de l’économie, qui n’est pas adaptée à la réalité de la France d’aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Avant de passer à l’examen de votre texte, il est nécessaire, je crois, de rappeler les principes de la loi du 10 août 2009 et les avancées qu’elle a permises. Nous verrons d’ailleurs que ces dernières, malgré les exclamations qui fusent aujourd’hui sur certaines travées, ont été acceptées par les élus, qu’ils soient de gauche ou de droite. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. Philippe Dominati. C’est vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Existe-t-il deux discours ? Évidemment ! En effet, plus on est proche du terrain, plus on est pragmatique. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Il arrive même à des élus de gauche d’affirmer que ce texte est un bon texte ayant offert des opportunités pour les élus de gauche.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette loi ? Un équilibre a été trouvé, le droit au repos dominical étant non seulement maintenu mais même réaffirmé. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Des possibilités nouvelles, assorties de garanties, ont été ouvertes, pour que ceux qui le souhaitent puissent travailler le dimanche.
Opposer, comme vous le faites, les intérêts des entreprises et les considérations sociales, c’est tout simplement céder à une démagogie dont je pensais qu’elle n’avait plus sa place dans la France d’aujourd’hui.
M. Pierre Hérisson. C’est habituel !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, nous avons voulu préserver le bon équilibre.
Le repos dominical, en tant qu’élément important de notre vivre ensemble, est un principe auquel la droite comme la gauche de la Haute Assemblée sont attachés.
Certaines situations étaient pourtant totalement absurdes : des salariés n’avaient pas le droit de travailler le dimanche, des commerces où 95% du personnel était favorable à une ouverture dominicale mais qui devaient rester fermés…
Mme Annie David, rapporteure. Pourquoi y étaient-ils favorables ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je le sais, je suis allé leur rendre visite. Vous savez, quand on va sur le terrain, la réalité ne peut pas être dogmatique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est toujours sur le terrain ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans certaines zones, des entreprises entières luttaient pour leur survie. Alors que des accords avaient été signés avec les syndicats (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) et que des consensus avaient été trouvés plusieurs dizaines d’années auparavant, le travail dominical était menacé ! Pour être allé à plusieurs reprises à Plan de Campagne,…
M. Xavier Bertrand, ministre. … je peux vous affirmer que telle est bien la réalité.
Madame la rapporteure, ce n’est pas parce que l’on est attaché à un principe qu’il faut refuser de prendre en compte les réalités et les évolutions de la société. Non seulement les demandes des salariés, des entreprises et des consommateurs évoluent, mais en outre la France n’est pas une île repliée sur elle-même (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) : elle accueille notamment, nous en sommes toutes et tous fiers, de nombreux touristes, qui constituent pour elle une source de croissance. Ces derniers sont prêts à dépenser, mais pas seulement les lundis, mardis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Mme Annie David, rapporteure. On ne consomme pas tous les jours, tout de même !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et dans les propos que vous tenez sur le travail dominical, n’oubliez pas de rappeler que 6,5 millions de Français travaillent le dimanche.
M. François Calvet. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Telle est la réalité.
Voila pourquoi il était indispensable de répondre à la demande des salariés et des entreprises de certaines zones situées dans les grandes agglomérations. Alors que le personnel souhaitait travailler, sous certaines conditions, le dimanche, il ne le pouvait pas, arrêté par une loi qui les privait de cette liberté.
Voilà pourquoi il est légitime de permettre aux commerces d’ouvrir le dimanche dans un certain nombre de zones et de communes touristiques : chacun le voit bien, il s’agit d’une réponse pragmatique, ou plutôt de bon sens, pour soutenir l’activité économique et répondre à la demande sociale, qui ne s’exprime pas de la même façon, j’en ai conscience, dans toutes les communes de notre territoire. Chez moi, à Saint-Quentin, en Picardie, la demande n’est bien évidemment pas la même qu’à Plan de Campagne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bientôt, on travaillera aussi le dimanche à Saint-Quentin !
M. Xavier Bertrand, ministre. Or la loi, loin de toute intransigeance, permet une telle souplesse.
Ainsi, au fil des ans, des dérogations au principe du repos dominical ont été appliquées dans un certain nombre de situations, par exemple dans les communes et les zones touristiques, ainsi que dans certaines grandes agglomérations, lesquelles ont timidement essayé d’entrouvrir une porte qui était restée bloquée au niveau législatif. Pour votre part, vous voulez tout fermer, tout casser. (M. Pierre Hérisson s’exclame.)
De telles situations étaient source d’insécurité juridique pour les entreprises, les salariés et les élus locaux. La législation était devenue largement inadaptée aux réalités du terrain. Elle était incompréhensible tant aux touristes qu’aux professionnels eux-mêmes. Dans un même secteur touristique, un vendeur de lunettes de soleil pouvait ouvrir le dimanche, alors qu’un vendeur de lunettes de vue ne le pouvait pas. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) C’était pour le moins ubuesque !
Débarrassez-vous de vos œillères ! Pour ce qui concerne, notamment, les opticiens, la situation était incompréhensible. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il était donc du devoir du législateur de trouver une solution équilibrée et claire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est clair, il y a beaucoup de touristes qui s’achètent des lunettes de vue le dimanche ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Xavier Bertrand, ministre. J’ai l’habitude d’écouter mes interlocuteurs, cela ne m’a jamais causé de tort. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Au contraire, je peux savoir ainsi qui dit juste et qui ne remet pas en cause ses convictions. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Mon expérience parlementaire m’a appris une chose : répondre à une interpellation ne sert à rien. L’écoute, en revanche, est non seulement un droit, mais aussi l’intérêt de chacun. (Mmes Chantal Jouanno et Christiane Hummel applaudissent.)
La loi du 10 août 2009 a clarifié le droit et permis de sortir de l’insécurité juridique.
Elle a d’abord clarifié certaines règles devenues illisibles. Ainsi, la distinction, dans les zones et communes touristiques, entre les établissements autorisés à ouvrir et les autres, en fonction de la nature des produits vendus – c’est l’exemple des lunettes –, était incompréhensible dans la pratique : la loi de 2009 l’a supprimée.
Cette loi a permis une seconde avancée : sortir de l’insécurité juridique. Dans les zones commerciales des plus grandes agglomérations, des habitudes de consommation le dimanche avaient été prises : à Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, tous les acteurs – élus locaux, partenaires sociaux, entrepreneurs et salariés – étaient favorables, sans exception, à une ouverture le dimanche ; mais celle-ci n’était pas légalement possible !
Grâce à la loi du 10 août 2009, cette zone commerciale a pu continuer à se développer : des travaux ont été entrepris, des investissements réalisés, des salariés embauchés.
Tout cela s’est fait dans l’intérêt des consommateurs – à mes yeux, ils comptent –, mais aussi des salariés. Ces derniers, grâce à un accord conclu par les partenaires sociaux du secteur, bénéficient en effet d’une majoration salariale et d’un repos compensateur supplémentaire.
La situation est désormais plus claire. Les inquiétudes des uns et des autres ont été levées, parce que le cadre dessiné par la loi respecte les trois grands principes encadrant les dérogations au travail dominical : répondre à la demande des consommateurs, faciliter l’activité des entreprises, protéger les salariés concernés.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet équilibre a mis du temps pour être trouvé. Il est le fruit d’un long travail préparatoire mené avec l’ensemble des parties concernées. Je m’en souviens bien pour avoir suivi ce dossier lors de mon premier passage au ministère du travail.
De nombreux échanges avaient eu lieu avec les partenaires sociaux, en amont de l’initiative parlementaire : sur un tel sujet de société, il y a place pour le dialogue social, au niveau local comme au niveau national.
Ce n’est pas ce qui s’est passé pour cette proposition de loi ! A-t-elle été soumise aux partenaires sociaux dans les zones touristiques concernées ?
Mme Éliane Assassi. Mme David l’a dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme David l’a dit : il y a eu une concertation.
Mme Annie David, rapporteure. Bien sûr qu’il y a eu une concertation !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous faites des concertations ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Avez-vous parlé de cette proposition de loi avec les salariés des zones où son adoption marquerait un retour en arrière ?
Discuter avec les salariés, c’est toujours intéressant, vivifiant et porteur d’enseignements. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Vous qui prétendez prendre le parti des travailleurs, vous affaiblissez leur pouvoir d’achat (Oh ! sur les travées du groupe CRC.), de surcroît sans avoir pris la peine d’un véritable échange avec leurs représentants !
Un sénateur de l’UMP. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le dialogue social, j’en entends parler matin, midi et soir… Mais quand il s’agit de le pratiquer, on se croirait revenu à l’époque où Martine Aubry passait en force avec les 35 heures ! Passer en force : depuis toujours, c’est la marque de fabrique de la gauche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Voilà pour ce qui est des objectifs de la loi de 2009. J’en viens à son bilan.
Le bilan de l’application de la loi Mallié est aujourd’hui connu ; les médias s’en sont fait l’écho. Or il est particulièrement bon. Je mentionnerai simplement quelques chiffres.
Sur les cinq cent soixante-quinze communes touristiques au sens du code du travail, huit ont été classées depuis le vote de la loi Mallié ; c’est le cas, par exemple, de Fréjus et d’Agde.
Sur les quarante et une zones touristiques, sept ont été créées depuis que cette loi existe. Parmi elles, il y a le front de mer de Nice, celui de Cannes et les abords de la cathédrale de Chartres. Qui osera se lever et dire que ces zones ne sont pas touristiques ? Vous diriez, peut-être, que la cathédrale de Chartres ne présente aucun intérêt touristique ? (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Mme Éliane Assassi. On n’a jamais dit ça !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que Nice, Cannes et la Côte d’Azur n’attirent pas les touristes ? Ce n’est pas la réalité !
Dans ces zones, tous les commerces peuvent désormais ouvrir, quelle que soit leur activité.
Je veux maintenant parler des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE – l’expression est un peu absconse, mais elle correspond à une réalité importante.
Parmi les trente-deux PUCE qui ont été délimités à la demande des maires concernés, vingt-neuf correspondent à de grandes zones commerciales autour de Paris.
Sur ces trente-deux PUCE, je tiens à le souligner et je requiers particulièrement votre attention sur ce point, douze ont été délimités à la demande de maires socialistes (Sourires sur les travées de l’UMP.), deux à la demande de maires communistes ! (Applaudissements ironiques sur les mêmes travées.)
En préférant le pragmatisme à l’idéologie, ces élus locaux ont pu créer des emplois et répondre à la demande des consommateurs comme des salariés.
Ces derniers, tous volontaires, bénéficient d’emplois supplémentaires, d’un pouvoir d’achat accru et de contreparties importantes : c’est la réalité !
Mme Annie David, rapporteure. Ne dites pas qu’il y a des contreparties : c’est faux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Mais allons au fond des choses. Posons-nous la question de la cohérence politique.
Notez que je ne parle pas de cohérence idéologique. Je préfère croire aux valeurs, comme la valeur travail. L’idéologie, je la laisse ! (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De l’idéologie ? Mais vous ne faites que ça !
M. Xavier Bertrand, ministre. Parlons donc de cohérence politique : que dira la majorité de gauche du Sénat aux douze maires socialistes et aux deux maires communistes qui ont demandé et obtenu la création de zones dans lesquelles le travail dominical est autorisé ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Qu’irez-vous dire au maire communiste de Gennevilliers et à son premier adjoint, Roland Muzeau, (M. Jackie Pierre applaudit.)…
M. Philippe Dominati. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. … que vous avez bien connu sur les travées de cet hémicycle, eux qui ont demandé à obtenir un PUCE ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils appliquent la loi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que parce que Roland Muzeau est parti à l’Assemblée nationale, la majorité sénatoriale détricote un dispositif dont il a souhaité bénéficier ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Je ne suis pas sûr qu’ils seraient d’accord…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est nul !
M. Xavier Bertrand, ministre. Qu’irez-vous dire au maire socialiste de Roubaix, votre collègue M. Vandierendonck, qui a demandé un PUCE pour sa ville ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il applique la loi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Lui direz-vous, lors de la réunion du groupe socialiste, que vous avez décidé de supprimer ce dispositif ? Et lui, qu’ira-t-il dire aux commerçants de Roubaix, aux jeunes des quartiers qui sont embauchés dans cette zone d’activité ? Que le travail le dimanche, c’est terminé ?
Mme Annie David, rapporteure. Ces élus appliquent la loi qui existe aujourd’hui ; elle n’existera plus demain.
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faudra aussi vous expliquer avec le député-maire de Gonesse, M. Blazy, et avec M. David Derrouet, le maire de Fleury-Mérogis…
Plus généralement, au-delà des élus de votre famille politique qui, sur le terrain, demandent à bénéficier du travail le dimanche que vous proposez de détricoter (Mme Patricia Schillinger marque son impatience.), c’est aux commerçants, aux entrepreneurs et aux salariés de ces zones, qui permettent le développement économique de leurs territoires, que vous devrez rendre des comptes.
J’irai, moi, leur dire ceci : tout en prévoyant des garanties, nous voulons permettre aux entreprises de donner du travail. Mais vous, vous interdisez aux salariés de travailler pour augmenter leur pouvoir d’achat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Mme Annie David, rapporteure. On dirait qu’il se prépare pour la présidentielle.
M. Xavier Bertrand, ministre. En définitive, parce que chez vous l’idéologie est au pouvoir, vous faites peu de cas des salariés. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.) Certes, vous en parlez beaucoup. Mais, chaque fois, vous leur causez du tort !
Hier, c’était en supprimant les heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame également.) Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez créé ou augmenté des impôts à dix-sept reprises. Ce sont autant de mauvaises manières faites aux salariés, de mauvais coups que vous leur avez portés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible, avec tout ce que vous faites aux salariés !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, en mettant cette proposition de loi en discussion, vous leur portez un coup supplémentaire.
J’ajoute, pour conclure, que le texte adopté par la commission des affaires sociales montre bien votre embarras. Vous essayez de préserver les PUCE qui existent – sans autoriser les créations nouvelles, ce qui ne trompera personne et inquiétera tout le monde. Vous reconnaissez donc que nous avons eu raison d’adopter la loi du 10 août 2009. Tout ça pour ça ! Quelle acrobatie, finalement illisible !
M. Pierre Hérisson. Exactement !
M. Xavier Bertrand, ministre. Croyez-vous que, demain, aucune nouvelle commune n’aura besoin de créer un PUCE ? Qu’en pensent les quatorze maires de gauche d’une commune dotée d’un PUCE ? Êtes-vous vraiment certains que de nouvelles demandes ne viendront pas de vos rangs ? Bien sûr que non !
Mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que cette proposition de loi n’est rien d’autre qu’un retour en arrière et un mauvais coup porté aux salariés, à leurs droits et à la compétitivité des entreprises. (Sourires et exclamations sur les travées du groupe CRC.) Je vois les sourires, j’entends les critiques quand je parle des entrepreneurs. Mais quand une entreprise se porte mal, les salariés ne peuvent pas se porter bien !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À cause de qui les entreprises se portent-elles mal ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placé pour tenir ce discours !
M. Xavier Bertrand, ministre. La prospérité économique est dans l’intérêt de tous, surtout quand des droits et des garanties sont accordés aux salariés.
En définitive, votre initiative augure de ce que ferait une majorité de gauche : aucune proposition, seulement un positionnement par rapport à ce que nous avons voté.
Mme Patricia Schillinger. Oh là là !
M. Xavier Bertrand, ministre. Et parce que la critique doit être systématique, vous oubliez les bénéficiaires de nos mesures : les salariés.
Concernant le service minimum, que vous avez tant décrié mais grâce auquel aujourd’hui le pays n’est plus paralysé, reviendriez-vous en arrière (Mme Gisèle Printz s’exclame.), puisque c’est toute votre politique ?
Vous n’avez pas d’idées, pas de projets : vous vous positionnez uniquement par rapport à celles et ceux que nous avons fait voter ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Or, dans la situation économique que nous connaissons, nous avons besoin d’aller de l’avant ; il nous faut du réalisme et de la souplesse, de la clarté et des garanties.
C’est ainsi que nous pourrons préserver les principes sur lesquels est fondé notre modèle économique et social. L’équilibre sur lequel repose la loi du 10 août 2009, nous en avons besoin pour les entrepreneurs et pour les salariés.
Je tiens à le dire : le rejet de ce texte signifierait tranquillité et garanties pour un quart de million de salariés dans notre pays. Pour moi, cela compte ! Le Gouvernement demande donc le rejet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la haine de classe !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, après le lancement du plan de campagne de la droite pour 2012, je reviens au texte de la proposition de loi…
Le droit au repos du dimanche est l’un des marqueurs de notre société. C’est un droit fondamental pour les salariés français, consacré par la loi du 13 juillet 1906 dont les principes sont toujours en vigueur aujourd’hui.
Au fil du XXe siècle, le dimanche est devenu la journée consacrée à la famille, mais aussi à l’exercice des pratiques culturelles, sportives, touristiques et cultuelles.