M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, notre ancien collègue Yves Dauge justifiait l’opposition de notre groupe au vote de cette proposition de loi, en regrettant que « les portes que nous espérions voir s’ouvrir [soient] restées fermées ». Elles ont depuis été cadenassées par l’Assemblée nationale !
M. David Assouline. Eh oui !
Mme Claudine Lepage. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Rappelez-vous : le projet de loi de finances pour 2010 a assoupli la loi de 2004, en autorisant la cession de n’importe quel monument national à une collectivité locale, gratuitement, simplement après accord du préfet, cette dernière pouvant ensuite revendre à n’importe quel opérateur privé. Par chance, la disposition fut censurée par le Conseil constitutionnel.
Cette tentative de passage en force du Gouvernement a conduit au rapport rendu, au nom de la commission de la culture, par Mme Férat, en juin 2010, puis à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Mais le ver était déjà dans le fruit. Les modifications apportées par les députés en témoignent encore.
Ainsi, les garde-fous érigés par la proposition de loi de Mme Férat et M. Legendre ne nous semblaient pas suffisamment solides pour contrecarrer la tentation étatique de brader ce patrimoine dans un unique souci budgétaire.
La voie est aujourd’hui encore plus largement ouverte, et la volonté du Gouvernement encore plus limpide : remplir les caisses de l’État, intention bien sûr parfaitement louable, mais au mépris de toute autre considération, telle que – pourquoi pas ? – la valorisation du site cédé. À cet égard, il est significatif qu’aucun bilan n’ait été dressé des dévolutions réalisées depuis 2004.
La politique culturelle du Gouvernement se réduit-elle à une vision purement comptable ? Nous pouvons le craindre.
J’en veux pour preuve un exemple que je connais bien : le palais Lenzi à Florence, pour lequel rien de moins qu’une vente à la découpe est programmée. Ce palais, propriété de la France, accueille l’antenne consulaire ainsi que l’Institut français, et il devrait effectivement faire l’objet d’une vente partielle. Les craintes exprimées en 2010 par la commission de la culture « de voir naître une conception patrimoniale tendant à "découper" les monuments historiques en fonction de leur utilisation » prennent ici tout leur sens.
L’absence de répertoire des quelque 1 500 biens français, situés dans 160 pays et évalués à 4,47 milliards d’euros, renforce encore notre méfiance, tout comme la quasi-opacité entourant leur gestion. Cela mériterait d’ailleurs que la commission de la culture se saisisse du dossier.
Le palais Buquoy à Prague, la Case de Gaulle à Brazzaville, l’Hospice wallon à Amsterdam, l’église Saint-Louis-des-Français à Lisbonne sont autant d’ambassades, de centres culturels, de logements de fonctions, mais aussi de lieux de culte, dont une centaine à la valeur patrimoniale exceptionnelle. Une trentaine d’entre eux auraient même vocation à être classés monuments historiques sur le territoire français et certains, tel le palais Thott à Copenhague, le sont déjà suivant la législation locale.
De surcroît, nombre d’entre eux sont de prestigieux vecteurs de l’image de la France à l’étranger et de son rayonnement.
Pourtant, quelques-uns sont d’ores et déjà prévus à la vente. L’État n’est pas prêt à renoncer à la manne financière qu’ils représentent, surtout depuis que le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères ne peut plus être assuré que par les seuls produits de cession de ses biens immobiliers, plus aucun crédit d’investissement n’étant inscrit dans le budget général.
Pour ajouter encore à ces difficultés, le Quai d’Orsay n’est pas en mesure de bénéficier, pour de bien obscurs motifs, de la totalité de ces produits de cession.
Ce sombre tableau ne serait pas complet sans l’évocation des atermoiements du Gouvernement au sujet de la création d’une agence foncière de l’État à l’étranger. Le chantier semble à l’arrêt, alors même que le ministre M. Henri de Raincourt pointait, il y a encore quelques mois, la mise en lumière « de l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».
Devant cet état de fait, il importe de prendre toutes les mesures pour éviter le pire, et donc d’encadrer davantage ces ventes en prévoyant une procédure similaire à celle qui est prévue par la proposition de loi pour les cessions aux collectivités territoriales. C’est le sens des amendements que j’ai déposés avec mes collègues du groupe socialiste-EELV et que je vous demande de soutenir.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le patrimoine historique est constitutif de l’identité qui unit chacun de nous et dont l’importance est peut-être encore davantage ressentie par nos compatriotes expatriés. À l’étranger, comme à l’intérieur de nos frontières, nous devons le préserver en s’assurant qu’il ne soit pas simplement mis au service de la réduction de la dette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Chapitre IER
Utilisation du patrimoine monumental de l’État
Article 1er A
Avant le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine, il est ajouté un article L. 610-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 610-1. – La conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, dans ses qualifications historique, archéologique, architecturale, urbaine et paysagère, sont d’intérêt public.
« Les collectivités publiques intègrent le patrimoine culturel dans leurs politiques et leurs actions d’urbanisme et d’aménagement, notamment au sein des projets d’aménagement et de développement durables établis en application des articles L. 122-1-1 et L. 123-1 du code de l’urbanisme, afin d’en assurer la protection et la transmission aux générations futures.
« Lorsqu’un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l’humanité en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en date du 16 novembre 1972, l’impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et la zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d’urbanisme de la ou les collectivités concernées. L’État peut également, à tout moment, recourir aux procédures prévues aux articles L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et aux articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l’urbanisme.
« Lorsque la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent engage l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un plan local d’urbanisme, le représentant de l’État dans le département porte à sa connaissance les mesures et les conditions à respecter pour assurer l’atteinte des objectifs visés aux deux premiers alinéas du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravie de constater que notre liasse d’amendements a fondu comme neige au soleil. Je me demande ce qui s’est passé dans cet hémicycle pour que nous en soyons arrivés là, mais tout espoir est donc permis : acceptons-en l’augure !
L’élément fondateur de ce texte repose sur la définition d’un principe de précaution, qui doit être observé avant toute décision de transfert de propriété d’un monument historique appartenant à l’État.
L’Assemblée nationale a souhaité modifier sur le fond quelques éléments clés du dispositif tel qu’adopté en première lecture au Sénat. Malheureusement, certaines de ces modifications paraissent ouvrir de véritables brèches dans le système initialement envisagé.
Je regrette que mes collègues de la majorité sénatoriale n’aient pas souhaité que nous en débattions en commission. Cela a été dit, je n’y reviendrai pas, sauf pour souligner que nous avons manqué une occasion de faire un travail de fond.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous étudions aujourd’hui le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et non de la commission de la culture du Sénat.
M. Jacques Legendre. Eh oui !
Mme Françoise Férat. L’article 1er A avait été adopté par notre commission sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont. Il précise que la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel sont d’intérêt public. Si l’État est garant du respect, sur son territoire, des sites inscrits au rang de patrimoine mondial par l’UNESCO, il n’avait pas en revanche les moyens de faire respecter les obligations liées à cette qualification.
Pour y remédier, Ambroise Dupont évoquait, dans le cadre d’un rapport sénatorial, deux solutions, qui ont été adoptées.
L’impératif de protection du patrimoine mondial et de sa valeur universelle exceptionnelle peut justifier le recours par l’État à des procédures hors normes, et ce à plusieurs niveaux : dans le cadre de l’archéologie préventive ; lorsque la conservation d’un immeuble est menacée ; dans le cadre des directives territoriales d’aménagement et de développement durables, qui permettent de déterminer les objectifs et orientations de l’État dans différents domaines, sur des territoires présentant des enjeux nationaux ; dans le cadre d’un projet d’intérêt général défini par un article du code de l’urbanisme ; lorsque la carence de SCOT – schéma de cohérence territorial – ou un périmètre insuffisant nuit gravement à la cohérence des politiques publiques.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement afin de prévoir que le préfet de département porte à la connaissance de la collectivité les contraintes liées au patrimoine mondial à l’occasion de l’élaboration d’un SCOT ou d’un PLU – plan local d’urbanisme.
Or c’est le préfet de région et non le préfet de département qui est le mieux placé pour intervenir dans cette procédure. En effet, certains sites du patrimoine mondial sont particulièrement étendus et nécessitent une coordination entre territoires, justifiant l’intervention du représentant de l’État au niveau régional. Je prendrai pour exemple le Val-de-Loire, qui s’étend sur 280 kilomètres.
Il ne faut pas oublier non plus que le préfet de région coordonne les décisions relatives aux monuments historiques. C’est lui notamment qui a compétence pour délivrer les autorisations de travaux, après instruction des DRAC.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déposé un amendement dans ce sens. Je considère d’ailleurs, monsieur le président, qu’il est défendu. (MM. Jacques Legendre, Pierre Bordier et Jean-Pierre Chauveau applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Je voudrais, du moins, je l’espère, clore le débat. En effet, malgré mon rappel au règlement, malgré les interventions du groupe socialiste-EELV visant à brosser un cadre général pour la discussion qui va s’ouvrir, il y a encore des choses à réaffirmer sur la forme. J’aimerais que l’on y mette un terme pour en venir au fond.
Les délais d’examen de ce texte en deuxième lecture ont été très rapides car le groupe UCR voulait qu’il soit inscrit très vite à l’ordre du jour, en début de session. Si bien que la proposition de loi est arrivée très rapidement en commission où le cadre ne se prêtait pas à des discussions approfondies, des discussions qui permettent de détailler chaque point jusqu’à trouver les rédactions exactes, jusqu’à parvenir à des compromis acceptables par les uns et par les autres.
Le texte tel qu’il nous est arrivé exprimait une position. Et nous, les membres de la majorité sénatoriale avons affirmé une autre position de principe à laquelle nous tenons d’autant plus que, comme tous les intervenants l’ont dit, nous sommes échaudés par l’attitude de l’Assemblée nationale. Cette dernière, à laquelle le Sénat avait transmis un texte qui, sans nous satisfaire, était le fruit de discussions civilisées, l’a alourdi, aggravé et endommagé. Or nous ne voulions pas retomber dans un dialogue de sourds. Comme l’a bien démontré Mme Blandin, le souci commun de la commission était de proposer un certain nombre d’aménagements pour border le texte. Nous pensons en effet que la proposition de loi déposée par Mme Férat et M. Legendre manquait de cadrage et de bordures de nature à empêcher les dérives que vous dénoncez par ailleurs.
Il n’a pas été tenu compte de cette lacune en première lecture au Sénat. La situation a encore été aggravée par les discussions à l’Assemblée nationale. En commission, saisis de la rédaction issue de ses travaux et pressés par le temps, nous avons voulu commencer par affirmer des questions de principe. Nous tenions, en effet, à vous faire entendre un message, celui qu’un travail en finesse, un travail de fond peut aboutir à un consensus. L’enjeu, ce n’est pas de s’aligner sur quelques concessions à la marge, de l’ordre de la virgule ! L’enjeu, il est complètement autre, surtout depuis que la majorité sénatoriale a changé ! L’enjeu, c’est de vous faire entendre nos préoccupations, pour que vous les intégriez !
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
M. David Assouline. C’est, d’ailleurs, cette méthode que nous vous demandons de suivre dans le débat qui commence. M. Legendre n’a pas parlé de divergence de position entre la gauche et la droite. Il a dit – et je l’ai bien entendu – qu’il faudrait que le Sénat, dont le texte émane, soit entendu et que sa vision des choses s’impose à l’Assemblée nationale quand il lui sera transmis.
Après les débats, après la discussion des amendements, j’espère que M. Legendre portera vers l’Assemblée nationale, dans une éventuelle CMP, la position qui sera celle du Sénat, même si – et il faut vous y habituer, cela nous est arrivé de temps à autre dans le passé – le texte en question sera probablement l’expression d’une majorité de gauche.
Si vous faites des signes et acceptez de voter ce qui est acceptable, même lorsque cela provient des socialistes ou des communistes, vous aurez prouvé que l’on peut avancer. En tous les cas, telle est notre position, une position d’ouverture.
Et je veux rappeler que, dans le passé, chaque fois que vous examiniez une proposition de loi déposée par la gauche, vous ne cherchiez même pas à l’amender, vous ne cherchiez même pas à l’améliorer. Parce qu’elle était de gauche, vous la tapiez. Nous, nous ne sommes pas dans cette optique puisque nous allons amender cette proposition de loi pour, je l’espère, la rendre acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
le département
par les mots :
la région
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable. Cette modification ne nous a pas paru opportune. Tout en admettant que ses fondements sont intéressants, nous pensons néanmoins que les représentants de l’État dans les départements sont aptes à se concerter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L’interlocuteur des DRAC, c’est non pas le préfet de département, mais le préfet de région. C’est lui qui est chargé de porter à la connaissance des services des collectivités territoriales les éléments d’information concernant le patrimoine en général. C’est ainsi qu’il fournit les éléments de la carte archéologique au fur et à mesure de son élaboration et l’information relative aux monuments historiques au fur et à mesure de leur protection.
Il est logique qu’il coordonne également cette information pour les sites UNESCO dont le périmètre est, de surcroît, souvent très large.
Cette précision est, en réalité, de niveau réglementaire. Si elle doit être intégrée dans la loi, il faut qu’elle détermine des autorités pertinentes pour exercer cette compétence.
En ce qui me concerne, mes relations avec les DRAC passent par les préfets de région.
Il me paraît tout à fait normal d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. M. le ministre a fort bien expliqué les motifs qui ont conduit au dépôt de cet amendement, lequel tend aussi à revenir à la rédaction initiale du texte.
Je veux profiter de cet instant pour exprimer une certaine consternation. Nous venons de découvrir la liasse des amendements. On nous en avait annoncé 81. (M. Vincent Eblé s’exclame.) Alors qu’il aurait été utile de tous les étudier en profondeur, nous n’avons pas pu le faire, faute de temps.
Et voilà que tout à coup, 41 amendements disparaissent ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Il n’en reste plus que 40 à examiner en séance !
Lors de son rappel au règlement, M. David Assouline nous a expliqué que, pour tenir le délai de quatre heures prévu pour le débat, on allait supprimer des amendements.
Mme Cécile Cukierman. Ne jouons pas la montre !
Mme Catherine Morin-Desailly. Mais ce tour de passe-passe nous semble un peu étrange ! (MM. Jean-Jacques Mirassou et David Assouline s’exclament.) Il est vrai que – et vous l’avez encore démontré tout à l’heure – vous avez l’art de la pirouette. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Ce que je veux signaler, c’est que je ne comprends pas. On nous propose un amendement visant à supprimer ce haut conseil qui vise à protéger le patrimoine monumental (M. David Assouline s’exclame.)… Mon cher collègue, laissez-moi parler ! Je vous ai écouté lorsque vous étiez à la tribune tout à l’heure ! On nous propose, disais-je, un tel amendement et, tout à coup, cet amendement de suppression disparaît !
Sans poursuivre la polémique, mais pour montrer quelle est la situation, je voulais simplement dire que c’est le premier texte examiné par la commission que nous étudions.
Il faudrait revenir à un travail méthodique.
M. David Assouline. Oh là là !
Mme Catherine Morin-Desailly. Le règlement du Sénat a été modifié voilà quelques années pour permettre à la commission d’effectuer ce travail de fond. Il n’est ni très logique, ni compréhensible pour les uns et les autres de voir des amendements apparaître et disparaître sans avoir le loisir d’en discuter !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas membre de la commission de la culture. Je siège à la commission des affaires étrangères. Mais j’aimerais que l’on m’explique pourquoi on préfère le département à la région.
En tant qu’élue, il me semble assez logique et cohérent de faire le lien entre ce sujet et la DRAC. D’ailleurs, l’évolution de la carte intercommunale, des bassins de vie et de tout ce dont nous allons débattre après minuit et avant quatre heures demain nous rapproche plutôt d’une compétence régionale.
Cela étant, je ne demande qu’à comprendre. Je voudrais simplement que l’on m’explique.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je ne sais pas si je répondrai à la question qui vient d’être posée mais je serai bref, ne serait-ce que pour ne pas allonger le débat et nous permettre de terminer dans les délais, qu’il importe de respecter.
Nous sommes favorables au maintien du représentant de l’État dans le département, conformément à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, il nous paraît plus logique que ce soit le préfet du département qui soit saisi. Car il est tout de même le plus proche de toutes les questions concernant le département ! Et le préfet de département aura tout loisir de consulter le préfet de région à propos d’une question qui concerne plus particulièrement ce dernier. Je pense que, sur l’ensemble du territoire, les relations entre les uns et les autres sont assez bonnes pour qu’ils puissent, tout naturellement, se concerter.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du même code est complété par des articles L. 611-2 à L. 611-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 611-2. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine monumental placé auprès du ministre chargé des monuments historiques, qui établit la liste des monuments classés ou inscrits transférables au sens de l’article 4 de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État. Il tient compte des conditions imposées par les dons et legs. Le caractère non transférable d’un monument est apprécié notamment au regard de l’appartenance de celui-ci à la mémoire de la Nation, de sa notoriété et de son rayonnement, susceptibles d’en faire un élément du patrimoine européen ou universel, de l’importance des moyens financiers dont il a bénéficié, du caractère récent de son acquisition, de la nature du site, susceptible de justifier une gestion de long terme ou de l’application d’un principe de précaution imposée par des conditions de conservation particulièrement délicates. Il se prononce sur le caractère transférable des monuments qu’il a décidé d’examiner ou dont l’examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques et avant toute cession par l’État de l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits. Les membres du Haut conseil du patrimoine monumental sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans qui concerne l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits ; ils peuvent rendre un avis lorsqu’un tiers au moins d’entre eux le demande.
« En outre, le Haut conseil du patrimoine monumental :
« 1° Se prononce sur l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l’État ;
« 2° Identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux susceptibles d’avoir une utilisation culturelle et formule, pour chacun d’eux, des prescriptions dans le respect des avis et des préconisations émis par la Commission nationale des monuments historiques ;
« 3° Se prononce sur l’opportunité du déclassement du domaine public soit d’un monument historique appartenant à l’État en vue de sa vente, soit d’un monument historique ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales en vue de sa revente ;
« 4° Veille à la protection des monuments d’intérêt historique appartenant à l’État situés en dehors du territoire français qu’il a identifiés et dont tout projet de vente est préalablement soumis à son examen ;
« 5° Peut demander à l’État d’engager une procédure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1, L. 621-4 et L. 621-25. Il peut également donner son avis en cas de désaccord avec l’autorité administrative qui autoriserait un déplacement des objets mobiliers ou ensembles historiques mobiliers mentionnés à l’article L. 622-1-2.
« Art. L. 611-3. – Le Haut conseil du patrimoine monumental est constitué à parts égales de parlementaires, notamment de membres des commissions permanentes chargées de la culture, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des administrations chargées de la gestion du domaine de l’État, des monuments historiques et des collectivités territoriales ainsi que de personnalités qualifiées choisies par le ministre chargé des monuments historiques pour leurs connaissances en histoire, en architecture et en histoire de l’art. Ses avis sont motivés, rendus publics et publiés au Journal officiel. Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil du patrimoine monumental.
« Art. L. 611-4 (nouveau). – Lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions, notamment en matière de présentation au public et de diffusion de l’information relative au monument. Ces prescriptions s’imposent au propriétaire, à l’utilisateur ou au gestionnaire et à tout détenteur de droits réels sur le monument. Elles figurent dans les documents définissant les conditions d’utilisation, de gestion ou de transfert du monument, notamment dans le cadre des transferts décidés en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État. »
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.
Mme Françoise Férat. L’article 1er crée le Haut conseil du patrimoine, le HCP. Il en définit les missions, ainsi que la composition.
Cette instance s’inscrit dans la logique des travaux de la commission Rémond, chargée en 2003, par le ministre de la culture, de définir les critères qui justifiaient qu’un monument reste la propriété de l’État et la liste des monuments qui pourraient être proposés aux collectivités territoriales pour un transfert de propriété.
Plusieurs éléments de l’article 1er font effectivement référence, explicitement ou non, à cette commission.
Un monument jugé non transférable par le Haut conseil implique donc le maintien de la propriété de l’État. Ainsi, lorsqu’il analysera un monument historique qui lui sera soumis ou qu’il décidera d’étudier de son propre chef, il rendra un avis clair sur la possibilité de céder ou non sa propriété.
Le texte issu de la commission avant la première lecture avait précisé que le Haut conseil se prononce avant toute vente par l’État de l’un de ses monuments.
Il a également été créé l’obligation d’information des membres du Haut conseil de tout projet de bail emphytéotiques d’une durée supérieure ou égale à trente ans. La composition du Haut conseil avait été modifiée pour intégrer des représentants des collectivités.
La méthode choisie est celle d’une définition progressive de la liste des monuments transférables de l’État. Ce dernier est propriétaire d’environ 1 700 monuments historiques. Il est illusoire d’envisager l’analyse en bloc par cette instance.
C’est pourquoi il est prévu une liste évolutive : l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales ; l’éventuelle utilisation culturelle d’un monument ; l’opportunité de déclassement du domaine public, en vue d’une revente, d’un monument ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités. Il s’agit là d’un « verrou ».
L’Assemblée nationale a réintroduit la liste détaillée des critères de la commission Rémond dans le code du patrimoine.
La commission de la culture avait fait le choix d’y faire référence sans les énumérer afin de ne pas lier à l’avance le Haut conseil, qui pourrait très bien définir de nouveaux critères – par exemple, à dimension sociale – pour demander le maintien de la propriété de l’État. Dans la rédaction actuelle du texte, il lui sera difficile de s’écarter des critères Rémond prévus pour des monuments culturels, et de définir sa propre jurisprudence.
C’est pourquoi j’ai déposé un amendement sur cet article. Je vous demande de bien vouloir considérer qu’il est défendu.