compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Dépôt de documents
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant n° 2 à la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Instituts hospitalo-universitaires », publiée au Journal officiel du 30 juillet 2010 ;
- en application de l’article 1er de la loi n° 2009 967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le troisième rapport annuel sur la mise en œuvre de cette loi.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Le premier a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
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Agence nationale des voies navigables
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (projet n° 783 [2010-2011], texte de la commission n° 22, rapport n° 21).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à Voies navigables de France qui vous est soumis aujourd’hui est une nouvelle traduction concrète des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de transport. Il est en effet l’expression de la volonté, partagée par tous les acteurs concernés, de renforcer le report modal vers la voie d’eau et de faire évoluer la part du transport non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Face à ses voisins allemands, néerlandais ou belges, qui ont misé très tôt sur les capacités de la voie d’eau en matière de transport de fret, la France prend, à son tour la pleine mesure du formidable potentiel de développement du transport fluvial. Les excellents chiffres du trafic de fret, notamment en 2010, avec une progression de 8,6% des volumes transportés, témoignent du regain et de la vigueur de ce mode de transport, en démontrent la faisabilité et laissent ouverte la possibilité d’aller plus loin. Pour la première fois depuis les années soixante-dix, le transport de fret a dépassé en 2010 les 8 milliards de tonnes–kilomètres sur une année.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vise donc à nous permettre de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens – voire à les dépasser –, et à dessiner les contours du mode fluvial de demain. Il prévoit, pour ce faire, de modifier en profondeur l’organisation du service public de la voie d’eau.
Comme vous le savez, le Grenelle de l’environnement a donné au transport fluvial un caractère prioritaire. Le programme prévu par la loi Grenelle 1, avec la réalisation du canal Seine-Nord Europe, la régénération du réseau magistral et l’organisation de débats publics sur de nouvelles liaisons à grand gabarit, a en effet permis au transport fluvial de franchir une première étape.
Pour autant, l’organisation du service public de la voie d’eau n’est pas optimale. C’est d’elle qu’il est question aujourd'hui.
L’établissement public industriel et commercial créé en 1991 pour exploiter, entretenir, améliorer, développer et promouvoir les voies navigables – Voies navigables de France – ne maîtrise pas encore suffisamment aujourd’hui les moyens indispensables à sa gestion. Il n’exerce en effet qu’une autorité limitée sur les agents qui lui sont pourtant entièrement dédiés et qui sont indispensables à son bon fonctionnement. L’établissement ne contrôle également que très peu sa propre organisation territoriale.
Surtout, l’état des lieux du réseau impose la mise en place d’actions urgentes d’amélioration. Une réforme du service public de la voie d’eau est donc aujourd’hui nécessaire.
En effet, la volonté de mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens suppose non seulement d’accroître la compétitivité du transport fluvial et de disposer d’un réseau modernisé et fiabilisé mais également de s’appuyer sur une organisation plus efficace, en confiant la responsabilité de la gestion de ce réseau et des moyens correspondants à une entité unique.
C’est pourquoi la principale disposition du projet de loi consiste à transformer Voies navigables de France en un établissement public administratif de l’État, qui regroupera les 400 salariés de l’actuel établissement et les 4 500 agents des services déconcentrés de l’État qui, de fait, travaillent pour lui. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et d’unifier les compétences et les moyens au sein d’un nouvel établissement au service de la voie d’eau.
Concrètement, le projet de loi donne désormais au directeur général de l’établissement autorité sur toutes les catégories de personnels de l’établissement : les fonctionnaires, les ouvriers des parcs, des ateliers et des bases aériennes de l’État, les agents contractuels de droit public ainsi que les salariés régis par le code du travail. Le directeur général aura également des compétences en matière de rémunération, de gestion, de recrutement et de formation afin de lui permettre de développer une politique d’emploi adaptée.
Pour aboutir à ce projet, Thierry Mariani et moi-même avons mené une large concertation avec les représentants des personnels du ministère et de Voies navigables de France, tant sur le contenu de la réforme que sur les contours du nouvel établissement public. Il en est ressorti un consensus sur le développement de la voie d’eau, à laquelle les personnels sont extrêmement attachés. À travers l’engagement dont ils ont fait preuve par le passé et à l’occasion des discussions que nous avons menées, ils ont tous témoigné de l’intérêt qu’il portait à ce « métier de passion ».
Cette indispensable concertation a également permis de définir les garanties à apporter aux agents.
Nous avons ainsi veillé à ce que le projet de loi garantisse à chaque catégorie d’agent le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat.
Nous nous sommes également attachés à ce que le regroupement des instances de gouvernance, de concertation et de représentation des personnels au sein du nouvel établissement tienne compte de la diversité des salariés. Cette vision partagée nous a dès lors permis de signer un protocole d’accord avec la majorité des organisations syndicales. C’est sur la base de ce dernier qu’est fondé le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Le Gouvernement, je le dis solennellement, est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation, afin que puissent être apportées les meilleures garanties qui soient à la concrétisation future d’une véritable communauté de travail, qui est toute l’ambition de ce projet de loi.
Le second apport du projet de loi est de renforcer les missions de l’établissement afin d’affirmer sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle en matière de développement du transport fluvial, et ce en parfaite complémentarité des autres modes de transport.
Cet objectif vise prioritairement le grand gabarit. Mais sachez que le réseau touristique et l’indispensable prise en compte des préoccupations d’aménagement du territoire ne sont pas oubliés. Je sais à quel point le Sénat est attaché à ces problématiques.
Le projet de loi renforce les missions historiques d’entretien, d’exploitation et de développement de la voie d’eau de l’établissement, en confortant son rôle en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. Il prend notamment en compte la diversité des vocations de la voie d’eau comme réseau de transport, qu’il soit dédié au fret ou au tourisme.
Le rôle de l’établissement en matière de gestion hydraulique est également renforcé afin que soient pris en considération les enjeux liés au partage de la ressource en eau, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce point est important à vos yeux.
Enfin, dans la perspective d’accroître les ressources de l’établissement et de lui permettre de valoriser le domaine de l’État qui lui est confié, le projet de loi lui confère également des compétences nouvelles pour exploiter, à titre accessoire – ce n’est pas, j’y insiste, son objet principal –, l’énergie hydraulique des cours d’eau, au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial. Il s’agit de mettre au service de la voie d’eau, en motivant l’opérateur qui la gérera, des ressources qui lui seront extrêmement utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de fêter l’anniversaire de Voies navigables de France : vingt ans après sa création, il était temps d’en faire un établissement disposant des leviers et des moyens qui lui permettront d’aller encore plus loin et d’atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement que j’évoquais il y a un instant.
Les ressources que je viens de citer ne sont pas les seules, mais ces ressources nouvelles témoignent de notre ambition.
Pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux du Grenelle, l’établissement a besoin de bien d’autres volumes financiers. Il disposera ainsi de moyens supplémentaires afin de moderniser, restaurer et sécuriser le réseau.
Concernant le grand gabarit, l’objectif est d’ouvrir la navigation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme le font déjà nos voisins du nord ; c’est d’ailleurs une des clés de leur succès.
Pour ce qui concerne le réseau touristique, il s’agit de mettre en place une offre de service adaptée, qui tienne compte de la saisonnalité de ce secteur et de la réalité des besoins.
La mise en ouvre du programme d’investissements par VNF aura également un impact important, positif, sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de sécurité au travail. Les barrages manuels seront ainsi progressivement remplacés, parallèlement à la remise en état des équipements de sécurité des ouvrages.
Pour ce programme, l’État a décidé d’attribuer à l’établissement des ressources supplémentaires, notamment par l’augmentation de la taxe hydraulique que vous avez votée l’an dernier et qui devrait apporter à l’établissement 30 millions d’euros en année pleine. Ces ressources sont affectées au financement d’un plan d’investissement de 840 millions d’euros pour les années 2010 à 2013, un niveau jamais atteint depuis la création de l’établissement. Ces moyens additionnels sont véritablement un gage de réussite de la réforme et une illustration supplémentaire des ambitions qui sont les nôtres dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de conclure mon propos et sans préjuger des améliorations que vous apporterez à ce projet de loi, je souhaite que nos débats permettent de dégager la meilleure organisation possible du service public de la voie d’eau.
Ce texte, vingt ans après la création de VNF, est en effet une étape essentielle, cruciale, dans le développement de la voie d’eau, que nous sommes très nombreux, ici, à appeler de nos vœux.
Il est fondateur d’une nouvelle ambition pour notre pays. Je l’ai dit : nous pouvons rattraper, et même dépasser, nos voisins du nord. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un opérateur renouvelé, doté de nouvelles compétences, de nouveaux moyens et d’une nouvelle organisation.
Conformément aux exigences du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a tenu, dans le respect et l’écoute de l’ensemble des acteurs concernés, à faire de ce texte l’assise de cette ambition renouvelée du transport fluvial que, j’en suis convaincue, vous partagez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi en commission s’est déroulé dans des conditions particulières, puisque j’ai été désigné rapporteur provisoire le 7 septembre, avant d’être confirmé dans mes fonctions le 6 octobre. Je remercie les présidents et les membres successifs de la commission de m’avoir fait confiance.
Ce projet de loi vise, pour l’essentiel, à regrouper dans un même établissement public les 400 salariés de Voies navigables de France et les 4 400 agents des services de l’État qui travaillent pour les voies navigables. En effet, depuis sa création en 1991, l’État a confié à l’établissement public VNF la gestion de la plus grande partie du domaine public fluvial, en gardant les services de la navigation dans le giron du ministère. Ainsi, VNF est donneur d’ordre, mais il n’a pas d’autorité hiérarchique sur les services de la navigation : en termes de management, on appelle cela l’autorité « fonctionnelle », et tout gestionnaire sait combien ce système gêne l’action.
Vingt ans après, le Gouvernement propose de mettre fin à cette organisation : c’est d’autant plus opportun, et nécessaire, que l’heure est à la relance de la voie d’eau pour atteindre le report modal fixé par le Grenelle de l’environnement.
Ce projet de loi a été négocié avec les organisations représentatives des personnels concernés pendant six mois. Les négociations ont abouti, au début de l’été dernier, à la signature de deux documents cadres. Pour les agents publics, un protocole d’accord a été signé le 24 juin dernier par la CGT, la CFDT, l’UNSA ; seule FO a voté contre. Pour les salariés du privé, un accord cadre a été accepté le 1er juillet par la CFDT, seule organisation représentative du personnel de VNF.
Que disent ces accords ? D’abord, que l’établissement public industriel et commercial VNF devient un établissement public administratif, dénommé « Agence nationale des voies navigables » ; que les voies navigables demeurent la propriété de l’État ; que les avantages individuels et collectifs des agents publics et des salariés du privé sont préservés : leur emploi, bien sûr, mais également leurs avantages statutaires ou contractuels, individuels et collectifs. Ces accords précisent ensuite qu’aucun agent ne se verra imposer une mobilité géographique. Enfin, ils affirment que la relance de la voie d’eau concerne toutes les voies navigables, et pas seulement celles qui sont dédiées au fret. Dans ces conditions, on comprend pourquoi l’acceptabilité sociale a pu être majoritairement obtenue.
Nous sommes nombreux, cependant, à constater le décalage entre l’ampleur du travail à accomplir pour développer nos voies navigables et la focalisation si étroite de ce texte : tous les grands sujets d’aménagement du territoire en sont absents, puisqu’on ne fait ici que changer la gouvernance de VNF.
En réalité, c’est dans le schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, et dans les budgets successifs que nous aurons une première réponse à la problématique des voies navigables en France. Pour l’heure, il vaut mieux faciliter l’effort entrepris en acceptant ce texte, même partiel, et en l’améliorant.
Je voudrais néanmoins évoquer en quelques mots la problématique de nos voies navigables. Je n’étonnerai personne en disant qu’elles sont en mauvais état et qu’elles sont peu adaptées au fret contemporain. Nos voies navigables sont parmi les plus longues d’Europe, avec 8 500 kilomètres, mais leur gabarit est insuffisant, notre réseau manque de cohérence et les équipements sont généralement en très mauvais état, faute d’entretien, et ce depuis des dizaines d’années.
Dans la compétition logistique entre la route, le fer et l’eau, les voies navigables ne sont économiquement avantageuses qu’à partir d’un certain seuil de « massification » : elles peuvent être compétitives pour le transport lorsqu’elles peuvent faire circuler des péniches de plus de 650 tonnes, c'est-à-dire lorsque les voies sont dites « à grand gabarit ».
Or, sur l’ensemble de notre réseau, à peine 20 % de nos voies navigables atteignent ce seuil ; songez qu’en Allemagne c’est 70 % des voies navigables qui sont à grand gabarit ! On comprend pourquoi une autoroute fluviale relie le port de Rotterdam à Duisbourg, en Allemagne, d’où partent chaque jour une centaine de trains vers le reste de l’Europe...
Qui plus est, nos voies d’eau à grand gabarit sont mal reliées entre elles, car elles sont enclavées dans nos grands bassins : c’est tout l’enjeu du canal Seine-Nord, dont nous allons reparler, que de relier le bassin de la Seine au reste de l’Europe par la voie navigable.
Nos grandes voies d’eau enfin manquent d’entretien. Dans le rapport qu’il nous a remis en avril dernier sur l’état de nos voies navigables, le Gouvernement constate lui-même que le réseau est « vieilli, usé » et il chiffre la modernisation des seules voies à grand gabarit à 2,5 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’euros pour sa simple remise en état.
On comprend, dans ces conditions, les difficultés du report modal : depuis dix ans, le fret fluvial progresse de 9 % chaque année, notamment grâce aux conteneurs, mais sa part dans le trafic global est stable, en dessous de 4 %. C’est dire que nous avons du chemin à faire pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle. Pour le seul fret fluvial, il faudrait doubler le trafic d’ici à 2018 !
L’intérêt de nos voies d’eau, cependant, va bien au-delà du seul secteur du transport. Nous redécouvrons que nos voies navigables sont une chance pour notre pays : elles sont importantes pour l’accès à l’eau potable, pour l’industrie et pour l’agriculture. Nos barrages et les réservoirs sont utiles dans la prévention des inondations ou bien encore en cas de sécheresse. Les voies d’eau prennent de la valeur dans la vie quotidienne de nos concitoyens : on ne compte plus les aménagements de berges et les programmes de rénovation de quais dans les villes, témoins de cette redécouverte des plaisirs au fil de l’eau et de la qualité de vie au bord d’un canal.
Nos voies navigables, enfin, sont un facteur d’attractivité important pour la France, qui se glorifie d’être la première destination touristique mondiale. En d’autres termes, le gestionnaire de la voie d’eau doit, bien évidemment, se soucier du trafic fluvial ; mais il participe également à une mission bien plus large d’aménagement durable du territoire, une mission qui implique peu ou prou les collectivités publiques dans leur ensemble – État et collectivités territoriales – et à laquelle nos concitoyens sont très attentifs.
Le Gouvernement, pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle, investit dans le fluvial. L’idée d’une « relance de la voie d’eau » n’est pas nouvelle : c’est même celle qui a présidé à la création de VNF, il y a vingt ans, par le gouvernement de M. Rocard. « Le renouveau fluvial est un fait européen », avait déclaré le ministre de l’équipement Michel Delebarre. L’État confiait alors la gestion de son réseau à l’EPIC VNF, en lui affectant le produit d’une taxe nouvelle : la taxe hydraulique, qui représente aujourd’hui plus des deux tiers des ressources de l’établissement public.
L’État, cependant, a laissé son établissement public bien seul pendant de bien longues années. Songez qu’il a fallu attendre la fin de l’année 2004 pour que l’État formalise une stratégie, dans un contrat d’objectifs et de moyens, alors que la loi de 1991 prescrivait la définition d’un document stratégique pour cadrer l’action de son établissement public.
C’est donc seulement dans les années 2000 que la relance de la voie d’eau a pris de la consistance. Depuis le Grenelle de l’environnement, les choses s’accélèrent. Ainsi, le canal Seine-Nord, dont la réalisation a été annoncée pour 2019, permettra d’ouvrir la voie vers l’Europe du nord.
Dans ces conditions, VNF a défini en 2010 un programme très ambitieux, d’un montant global de 2,5 milliards d’euros pour la décennie. Ce programme comprend des investissements pour élargir les gabarits, moderniser les barrages et les écluses, ouvrir les voies principales 24 heures sur 24, comme chez nos voisins belges, hollandais et allemands.
L’État concentre donc ses efforts sur le fret fluvial compétitif, c’est-à-dire sur les voies à grand gabarit, avec en ligne de mire l’objectif du report modal défini par la loi de programme du Grenelle.
Les moyens suivront-ils ? Je crois que nous pouvons tous reconnaître que les investissements progressent. Du début des années 2000 à aujourd’hui, le rythme des investissements a quasiment doublé : nous sommes passés de 100 millions d’euros par an à 185 millions l’an passé, et VNF compte investir 200 millions cette année. Il y a eu le plan de relance, qui a apporté 50 millions d’euros annuels en 2009 et 2010. Pour cette année, nous avons voté une augmentation de la taxe hydraulique en loi de finances, qui devrait rapporter 30 millions supplémentaires, et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France contribuera pour 40 millions. Les régions contribuent également, dans le cadre des contrats de plan État-région : pour la période 2010-2013, les crédits contractualisés représentent un peu plus de 20 % des investissements programmés par VNF.
Ce rythme encourageant, qui correspond au programme de VNF pour les dix ans à venir, sera-t-il tenu ? Il est bien sûr difficile de le garantir, mais les engagements tenus à ce jour me paraissent justifier notre entier soutien à l’action entreprise : le programme de modernisation de notre réseau à grand gabarit est enfin lancé, il faut le soutenir !
Je crois donc que c’est ainsi qu’il nous faut comprendre ce texte : nous allons parler établissement public, institutions représentatives du personnel, modalités de transfert des personnels en cas de décentralisation des voies d’eau, mais le souffle qui anime ce texte, vous l’avez compris, est ailleurs. Le Gouvernement investit pour la voie d’eau et il compte, avec ce texte technique, lui donner les meilleures chances d’arriver à bon port, ce qui ne nous interdit pas, bien entendu, d’améliorer les dispositions proposées !
Sans entrer dans le détail, je relèverai que la commission a apporté des améliorations sur quatre points.
Premièrement, nous avons maintenu le nom de VNF à l’établissement gestionnaire des voies navigables : depuis vingt ans, VNF a acquis une notoriété, en particulier auprès de ses clients, et les agents des services de la navigation utilisent des vêtements de travail et des véhicules siglés « VNF ». Dans ces conditions, le maintien du nom nous est apparu de bon sens et de bonne gestion.
Deuxièmement, nous avons élargi et précisé les missions de l’établissement public. Le Gouvernement propose d’en faire un établissement public administratif, parce que VNF, après le regroupement, comptera 93 % d’agents de droit public, parce que 85 % de ses ressources proviendront de subventions et de taxes, mais aussi parce que les agents des services de la navigation ont manifesté leur préférence pour un EPA, dans lequel ils voient une garantie pour leur emploi.
Nous devons nous assurer, cependant, que ce statut n’empêche pas l’action de l’établissement en matière de développement de la voie d’eau, lequel a une forte composante industrielle et commerciale.
C’est pourquoi la commission a accepté de confier à cet EPA des compétences qui relèvent généralement de l’EPIC.
Le législateur peut tout à fait composer le type d’établissement public qu’il estime le plus souhaitable par rapport à l’objectif visé. Il est même le seul à pouvoir le faire, en vertu de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi détermine les grands principes et donne au pouvoir réglementaire les indications pour que ces grands principes soient respectés.
En conséquence, la commission a accepté que VNF puisse conduire des opérations d’aménagement pour valoriser le domaine public fluvial, y compris en créant des filiales et en prenant des participations dans des sociétés et groupements.
La commission a toutefois établi un lien plus direct de ces opérations avec les missions de VNF. Ainsi, nous débattrons à l’article 1er de l’opportunité de deux conditions supplémentaires : celle d’un capital majoritairement public pour les filiales et les sociétés auxquelles VNF aura recours, et celle d’une concertation avec les collectivités territoriales.
S’agissant toujours des missions, la commission a tenu à lever toute ambiguïté sur le fait que l’État conserve bien une compétence générale sur les voies navigables non transférées aux collectivités locales.
Nous avons bien évidemment complété la mission de gestion hydraulique, en précisant que VNF devrait concilier les usages diversifiés de la ressource aquatique et assurer l’entretien comme la surveillance des ouvrages et des aménagements hydrauliques.
Nous avons inclus dans les missions de VNF la conservation du patrimoine qui lui est afférent.
Troisièmement, nous avons cherché à accompagner au mieux le regroupement des agents de droit public et des salariés de droit privé. Le texte prévoit ainsi que VNF les comptera tous dans son personnel, de manière pérenne. C’est reconnaître que « la communauté du fluvial » a deux composantes, l’une publique, l’autre privée, partageant le même objectif : développer les voies navigables.
Dès lors, nous avons adopté une rédaction indiquant clairement au pouvoir réglementaire que chacune de ces deux composantes doit pouvoir s’exprimer collectivement, dans le fonctionnement ordinaire et pérenne de VNF. Ce principe a des répercussions très précises sur le nombre de représentants du personnel au conseil d’administration, ainsi que sur les institutions représentatives du personnel. Nous y reviendrons amplement dans l’examen des articles.
Quatrièmement, enfin, nous avons tenu à éviter tout empiètement de ce texte sur les accords passés entre l’État et les collectivités territoriales sur le transfert de voies navigables. La décentralisation des voies dites « secondaires » est un enjeu très important. Le présent texte se contente donc de préciser que les transferts à venir, qui restent facultatifs, se feront depuis VNF, et non plus depuis l’État. Cependant, cette modalité technique ne doit pas être défavorable aux accords d’expérimentation passés à ce jour, comme c’est le cas pour la région Bourgogne. Pour s’en assurer, la commission a précisé la rédaction du texte.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte technique et limité dans son objet…
MM. Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou. Très limité !
M. Francis Grignon, rapporteur. … me paraît donc utile, voire indispensable, à la relance de la voie d’eau, même si, bien sûr, il n’y suffira pas à lui seul. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Les pouvoirs publics engagent un effort financier sans précédent depuis des décennies ; VNF n’a pas ménagé sa peine pour orchestrer la relance ; les agents de la communauté du fluvial sont mobilisés : apportons-leur notre soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.