M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure. Vous avez déjà doublé votre temps de parole !
M. Jack Ralite. Certes, mais c’est important ! (Sourires.)
Par ailleurs, monsieur le président, j’interviens ici pour la dernière fois !
M. le président. Alors, je vous accorde cette dérogation ! (Nouveaux sourires.)
M. Jack Ralite. Vous clivez la société entre citoyens à part entière et citoyens à part. Vous n’avez plus d’hospitalité pour l’autre. C’est une « désaffiliation », dit Robert Castel, alors qu’il faut mettre au jour une nouvelle sollicitude sociale et en finir avec l’irrespect, ce réalisme du statu quo, qui comprend toujours les forts et jamais les faibles.
Quand il pleut, je garde la possibilité de choisir mon parapluie ! J’attends donc que vous votiez notre amendement, qui ne représente, vous en conviendrez, que quelques gouttes !
Permettez-moi, mes chers collègues, d’ajouter une dernière chose. Nous discutons d’une redistribution, mais elle ne se situe pas au niveau souhaitable, car nous ne nous attaquons pas au processus d’enrichissement. Or l’argent, qui mène le monde quand on le laisse libre, ne constitue pas une source de richesse essentielle. En raisonnant ainsi, on fait la part belle aux grands intérêts financiers et on laisse de côté la production. Or c’est d’elle que vient, et durablement, la richesse. C’est là que les hommes et les femmes pensent, créent, échangent, parlent de leur travail, un travail si malade aujourd’hui qu’il peut mener au suicide. Ils y parlent de la culture, du développement, de leurs désirs, du geste bien fait.
Avec mes amis, nous ne nous résoudrons jamais à abandonner cet espace, où il y a fondamentalement à prendre en considération. Il est habité par les malaises qui se répandent chez ceux qui s’entêtent à travailler correctement et récusent la contrainte du management, le « ni fait ni à faire », par les souffrances qui entament ceux à qui une partie de leurs activités est empêchée, par les colères des professionnels qui, sur toute la palette de leurs responsabilités, ne retrouvent plus leurs métiers dans ce qu’ils font.
Pour cela, pas besoin de « consensus » – ce mot piège qui ne touche en rien à la reféodalisation planétaire, où les grandes entreprises marchent à l’horloge et sont frelons profitant des abeilles –, mais d’un vrai travail historique. Il faudra bien emprunter ce chemin avec les intéressés, qui ont besoin de droits nouveaux, parce que, en tant qu’experts du quotidien, ils sont devenus incontournables. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un moment d’émotion, qui s’apparente à celui d’une « dernière séance », mon cher collègue, vous qui vous intéressez à l’art cinématographique.
Cela étant, dans l’objet de ces amendements, je perçois une sorte de nostalgie de l’ISF. Nos collègues souhaitent maintenir cette singularité française, peut-être au nom de la culture française, comme on défend l’exception française dans le cinéma.
Jack Ralite s’est exprimé avec beaucoup de conviction. Mais très franchement, ce retour en arrière, deux mois après un vote ayant permis de trouver un équilibre sur cette question, irait à l’encontre de nos grandes orientations.
Dans ces conditions, la commission des finances ne peut que demander le rejet de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Cela étant, je souhaite adresser un message amical à Jack Ralite, avec qui j’ai travaillé dans mes précédentes fonctions à l’installation d’un très beau campus à Aubervilliers. Je tiens à lui dire que je lui souhaite bon vent dans ses nouvelles aventures hors du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er B
Le code général des impôts est ainsi modifié :
I. – Le dernier alinéa du I de l’article 209 est ainsi modifié :
A. – La première phrase est complétée par les mots : « dans la limite d’un montant de 1 000 000 € majoré de 60 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant » ;
B. – À la seconde phrase, après le mot : « reporté », sont insérés les mots : «, dans les mêmes conditions, ».
C. – Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de la fraction de déficit non admise en déduction en application de la première phrase du présent alinéa. » ;
II. – L’article 220 quinquies est ainsi modifié :
A. – Le I est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « de l’antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l’avant-dernier exercice puis de celui » sont supprimés, les mots : « ces bénéfices » sont remplacés par les mots : « ce bénéfice », les mots : « des bénéfices exonérés » sont remplacés par les mots : « du bénéfice exonéré » et le mot : « ont » est remplacé, trois fois, par le mot : « a » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’option mentionnée au premier alinéa n’est admise qu’à la condition qu’elle porte sur le déficit constaté au titre de l’exercice, dans la limite du montant le plus faible entre le bénéfice déclaré au titre de l’exercice précédent et un montant de 1 000 000 €. » ;
3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « une créance », sont insérés les mots : « non imposable » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
4° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
B. – Au premier alinéa du II, après la référence : « au I », sont insérés les mots : « est exercée au titre de l’exercice au cours duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de cet exercice. Elle » ;
III (nouveau). – L’article 223 I est ainsi modifié :
A. – Le a du 1 est complété par les mots : «, dans les limites et conditions prévues au dernier alinéa du I de l’article 209 » ;
B. – Le 4 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’application de la limite prévue au dernier alinéa du I de l’article 209, le bénéfice imposable s’entend du bénéfice de la société déterminé selon les modalités prévues au présent 4. » – (Adopté.)
Article 1er CA (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 209 quinquies du code général des impôts est complété par les mots : « réalisés au titre des exercices clos avant le 6 septembre 2011 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er CA
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Marc et Rebsamen, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er CA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour le recouvrement de l’impôt sur les sociétés au titre d’un exercice fiscal donné, toute société est tenue d’acquitter un impôt au moins égal à la moitié du montant normalement exigible résultant de l’application du taux normal, prévu au deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts, à l’assiette de son bénéfice imposable.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Mes chers collègues, cet amendement ne vous est pas inconnu puisque, reprenant un article de notre récente proposition de loi tendant à améliorer la justice fiscale, à restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés et à favoriser l’investissement, il vise à instaurer un seuil plancher en la matière.
Notre texte d’avril dernier s’inscrivait dans une volonté, encore intacte aujourd’hui, de rétablir une plus grande justice, mais aussi, à un moment où l’on parle tant de la nécessaire réhabilitation de l’éthique d’entreprise, de réconcilier certaines grandes firmes avec une véritable exigence de citoyenneté.
Nous l’avons rappelé, la fiscalité doit être l’outil de la solidarité nationale, mais à la condition qu’elle soit juste et équitable.
Ne nous cachons pas que, à l’heure où de nouvelles recettes fiscales doivent être trouvées, plafonner l’usage cumulatif des différentes dispositions fiscales dérogatoires à 50 % de l’impôt sur les sociétés rapporterait, d’après mes calculs, près de 10 milliards d’euros : ce n’est pas rien !
L’objet de mon amendement, pour le résumer, consiste à égaliser les conditions de fiscalité auxquelles sont soumises les entreprises françaises. En effet, il a été établi que les sociétés de grande taille, en particulier celles du CAC 40, acquittent aujourd'hui un impôt sur les sociétés très faible, alors que les petites et moyennes entreprises sont soumises à des taux beaucoup plus importants : de l’ordre de 21 %, contre seulement 8 % pour les sociétés du CAC 40.
Afin d’introduire plus de justice entre les différentes entreprises françaises, nous proposons un dispositif simple : que toute entreprise acquitte au moins la moitié du montant qu’elle doit au titre de l’impôt sur les sociétés tel qu’il résulte de l’application du taux légal en vigueur. En d’autres termes, si ce dernier est de l’ordre de 33,3 %, chaque entreprise devrait payer un peu plus de 16 % pour respecter ce plancher d’imposition minimale.
Cet amendement me paraît tout à fait pertinent dans le contexte actuel, où nous recherchons des recettes supplémentaires en même temps qu’un système plus juste, plus équitable ; ce qui est vrai pour les particuliers, l’est aussi pour les entreprises.
Aussi l’adoption de cet amendement me semble-t-elle être un signal qu’il est nécessaire d’envoyer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’observation de François Marc est juste et rejoint les conclusions d’une étude récemment menée par la direction générale du Trésor : l’impôt sur les sociétés implicite tend à être dégressif, les grandes entreprises bénéficiant en pratique d’un taux d’imposition inférieur à celui auquel sont soumises les petites entreprises.
Au-delà des difficultés méthodologiques posées par des analyses de ce type, il y a de nombreuses raisons qui peuvent expliquer une telle situation. Nous devons y être attentifs.
Monsieur Marc, comme l’a indiqué notre collègue Philippe Dominati, rapporteur de la proposition de loi que vous avez déposée le 23 février dernier, le dispositif que vous préconisez élude la nécessité d’une profonde révision des niches dans le cadre de l’élaboration d’une véritable stratégie fiscale pérenne.
Il procède en outre d’une vision réductrice de la situation des grandes entreprises, la mise en place d’un impôt minimal pouvant conduire à remettre en cause des avantages fiscaux dont certaines ont pu légitimement bénéficier et qui ne relèvent ni de l’évasion fiscale ni, a fortiori, de la fraude.
Je crois préférable de s’atteler à un travail plus complexe d’évaluation de l’efficacité socio-économique de certains régimes – déductibilité des charges d’intérêt, système « mères-filles », amortissements exceptionnels – afin, le cas échéant, d’en restreindre le champ d’application.
Le dispositif proposé par le Gouvernement pour réduire les possibilités de report en arrière et en avant dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés me semble répondre à cette préoccupation.
Au contraire, celui que propose François Marc est rendu inopérant et il est source d’ambiguïtés par sa formulation ; en particulier, la notion de « montant normalement exigible » paraît dépourvue de réelle portée normative.
La commission des finances émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. L’avis du Gouvernement est identique.
La proposition du Gouvernement s’inspire du système allemand d’imposition sur les sociétés.
Mme Nicole Bricq. Parlons-en !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Comme vous le savez, le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont annoncé une convergence de la France et de l’Allemagne en matière d’impôt sur les sociétés.
Mme Nicole Bricq. Ça tombe bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est dans ce cadre que nous souhaitons nous rapprocher du système allemand ; celui-ci nous paraît plus juste, qui évite les reports en arrière et en avant et qui fixe un impôt sur les sociétés minimal pour les grands groupes.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er CA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I bis - Cette taxe n’est pas déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Mme la ministre nous a parlé de la convergence avec l’Allemagne ; justement, l’amendement que va exactement dans ce sens !
Il porte sur la taxe de risque systémique acquittée par les banques. En France comme en Allemagne, elle a été instaurée pour pallier les conséquences des crises financières par lesquelles ces banques sont susceptibles d’être affectées.
Pour répondre brièvement à ce qu’a dit tout à l’heure M. Baroin, je rappelle qu’un débat existe à l’heure actuelle au sujet des fonds propres des banques et de leur recapitalisation. Hier encore, Mme la directrice générale du FMI a répété qu’il y avait un problème pour les banques européennes, non pas seulement à cause des difficultés d’accès aux liquidités bancaires – sur ce point, la Banque centrale européenne fait le nécessaire –, mais aussi en raison des menaces que la baisse de la croissance fait peser sur ces mêmes banques.
Un double risque existe donc : celui d’une crise financière et celui d’une crise économique. Voilà qui relativise beaucoup le « cocorico » que nous avons entendu au mois de juillet, lorsque les banques françaises ont passé haut la main les stress tests européens…
Pour ce qui concerne maintenant la taxe de risque systémique, les députés de la majorité avaient demandé qu’elle soit déductible dans le calcul de l’impôt sur les sociétés, ce qui rendait la mesure complètement neutre pour les banques.
Or nos collègues allemands ont voté une loi et celle-ci, au mois de juillet dernier, a donné lieu à un décret d’application qui prévoit que le produit de la taxe – 1 milliard d’euros chaque année – alimenterait un fonds permettant, en cas de crise bancaire, de ne pas solliciter une nouvelle fois les contribuables pour qu’ils soutiennent les banques.
J’observe que, lorsque nous les avons soutenues, celles-ci se sont empressées de rembourser les sommes prêtées afin de pouvoir recommencer à distribuer des rémunérations variables excessives et des bonus à leurs traders – les deux prochains amendements que je défendrai ont trait à cette question.
Pour notre part, nous voulons que la taxe de risque systémique ne soit plus déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés : cette mesure nous semble juste et efficace, particulièrement dans la période actuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mme Bricq et ses collègues du groupe socialiste s’en tiennent à une logique en quelque sorte punitive.
J’ai rappelé tout à l’heure, à propos d’un autre amendement qui tendait à pénaliser les banques, que trois nouvelles contributions avaient été récemment instituées à la charge de celles-ci. Disons que la barque est assez chargée…
La commission des finances peut d’autant moins vous suivre, madame Bricq, que votre idée de rendre des taxes non déductibles est susceptible, dans certains cas, de conduire des entreprises déficitaires à devoir acquitter un impôt sur les sociétés. Cette disposition ne serait donc guère porteuse de clarification.
Pour ces raisons, la commission des finances ne peut qu’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd’hui, les dépenses qui ne sont pas déductibles au titre de l’impôt sur les sociétés revêtent le caractère d’une sanction ou d’une pénalité.
Selon vous, madame Bricq, la taxe allemande ne serait pas déductible de l’impôt sur les sociétés...
Mme Nicole Bricq. Exactement !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Eh bien, nous examinerons cette question dans le cadre de la mission sur la convergence de la fiscalité franco-allemande, que François Baroin a mise en place, et nous vous donnerons une réponse plus complète à l’issue de ses travaux.
Pour le moment, dans le système français, une taxe de cette nature demeure déductible. En attendant une étude plus approfondie qui nous permettra d’être mieux informés, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er CA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 80 duodecies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« Il en est de même pour leurs indemnités de départ de l’entreprise, lorsqu’elles sont composées de primes ou d’actions gratuites. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Les sociétés qui envisagent d’augmenter le salaire de leurs dirigeants dans un délai inférieur à six mois avant leur départ de l’entreprise sont soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, si vous le voulez bien, je présenterai en même temps l’amendement n° 4 rectifié qui, s’il ne porte pas sur la même assiette, poursuit un objectif identique.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l’article 1er CA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier qui, au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe.
II. – La taxe est assise sur la part variable des rémunérations attribuées, chaque année, par les personnes morales mentionnées au I, à ceux de leurs salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise, ainsi qu’aux professionnels de marché sous le contrôle desquels opèrent ces salariés.
La part variable des rémunérations mentionnée à l’alinéa précédent correspond au montant brut de l’ensemble des éléments de rémunération attribués à ces salariés au titre de l’année en considération de leurs performances individuelles ou collectives, y compris lorsque leur versement et leur acquisition définitive sont sous condition, à l’exception des sommes leur revenant au titre de l’intéressement ou de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise en application du livre III de la troisième partie du code du travail. Les éléments de rémunération qui entrent dans l’assiette de la taxe sont pris en compte quelle que soit l’année de leur versement ou celle au cours de laquelle leur acquisition est définitive. Lorsque la part variable prend la forme d’une attribution d’options sur titres, d’actions gratuites ou d’autres titres consentis à des conditions préférentielles, y compris lorsque cette attribution est effectuée par une société mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle le salarié exerce son activité, l’assiette est égale à la juste valeur de ces options, actions ou titres à la date de leur attribution, telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales. Seule la part variable de la rémunération individuelle qui excède 10 000 € est prise en compte dans l’assiette de la taxe.
III. – Le taux de la taxe est de 50 %.
IV. – La taxe est exigible au premier jour du mois qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi. Lorsque tout ou partie de la part variable des rémunérations définie au II est attribué après cette date, la taxe correspondante est exigible au premier jour du mois suivant la décision d’attribution.
La taxe est déclarée et liquidée dans les vingt -cinq jours de son exigibilité sur une déclaration dont le modèle est fixé par l’administration. Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.
V. – Dans le cas où le montant de la part variable des éléments de la rémunération finalement versés ou acquis aux salariés est inférieur au montant compris dans l’assiette de la taxe, aucune restitution n’est opérée.
VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
Veuillez poursuivre, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements concernent un problème bien identifié lors de la crise de 2008 : celui de la prise de risque excessive et des rémunérations tout aussi excessives qui l’accompagnent. Là se trouve l’une des causes centrales de la crise financière.
Or, une fois que les banques et les grandes entreprises françaises se sont « délestées », le business est reparti comme par le passé… Aussi est-il vraiment nécessaire d’agir contre ces rémunérations excessives.
L’amendement n° 5 rectifié bis vise à fiscaliser les indemnités de départ des dirigeants.
L’amendement n° 4 rectifié tend tout simplement à satisfaire aux conclusions du rapport sur les pratiques de rémunérations variables excessives que Michel Camdessus avait remis à Mme la ministre de l’économie au mois de janvier 2011, ainsi qu’à la directive européenne n° 2010/76/CE du 24 novembre 2010, désignée par le nom bucolique de « CRD3 ». Celle-ci exige que la part variable et la part fixe soient « équilibrées ». Cette disposition a été très mal traduite dans un arrêté du ministre français de l’économie et des finances, l’adjectif « équilibré », qui était explicite, ayant été remplacé par « proportionné », moyennant quoi la part variable peut dépasser la part fixe.
Je considère que le souci d’égalité fiscale et de justice doit conduire à encadrer ces pratiques de rémunération, qui sont extrêmement mal vécues par nos concitoyens. Les écarts de revenus dans notre pays sont injustifiés au regard des résultats économiques des entreprises qui pratiquent les plus hautes rémunérations. Ils sont injustifiés aussi en considération de la différence qui existe entre les bas et les plus hauts salaires.
Il est véritablement nécessaire d’y remédier. Il ne s’agit pas d’une mesure purement symbolique : il s’agit de répondre à une exigence de justice et d’efficacité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ces deux amendements pourraient être introduits dans la loi de finances pour 2012.
L’amendement n° 5 rectifié bis est peut-être insuffisamment normatif dans sa rédaction.
Mme Nicole Bricq. On peut mieux faire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est question de sociétés qui « envisagent » d’augmenter les salaires, de leurs « dirigeants »,… Tout cela est un peu approximatif. Qu’est-ce qu’un dirigeant ? Est-ce un mandataire social ?
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Est-ce un directeur ? Et à quel niveau de la hiérarchie devient-on un dirigeant ? Tout cela est imprécis.
Ce que vous suggérez apparaît en outre spécialement pénalisant. Je rappelle qu’après plusieurs relèvements les actions gratuites sont déjà assez lourdement taxées : c’est le cas pour la plus-value d’acquisition, pour la plus-value de cession et pour les stock-options. Ainsi, cette assiette est déjà assez lourdement frappée.
J’estime que ces dispositions devront être reconsidérées plus globalement dans le cadre d’une réforme de l’impôt sur le revenu permettant d’éviter l’existence de statuts trop particuliers.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 4 rectifié, je rappelle qu’en France comme au Royaume-Uni la taxe sur les bonus des traders a été créée en 2010 à titre exceptionnel. Pérenniser cette taxe de manière isolée conduirait immanquablement à fragiliser un peu plus la place de Paris. Est-ce bien le moment, à la veille d’une fusion avec Deutsche Börse dont les effets sont encore incertains ? Le bilan du coût économique et du rendement budgétaire risquerait fort d’être négatif.
Puisque vous souhaitez, madame Bricq, une convergence entre la France et l’Allemagne, peut-être conviendrait-il d’attendre que les traders allemands soient soumis aux mêmes dispositions fiscales.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.