Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Monsieur Arthuis, vous avez commencé votre propos en disant que cet article résultait d’un amendement du Gouvernement. Je crois bon d’ajouter que la rédaction de cet amendement a été négociée avec le président de l’Assemblée des départements de France et que, à l’issue de cette négociation, celui-ci a annoncé qu’il était favorable à cette disposition.
Comme l’a relevé tout à l’heure M. Doligé, c’est la libre administration des collectivités locales qui est ainsi transcrite dans cet article. Il s’agit non d’une obligation, mais d’une faculté. Les collectivités qui souhaitent effectivement s’engager dans cette dépense ont la liberté de définir le calendrier et le degré de valorisation, qui seront fortement liés aux possibilités financières des départements. Chaque conseil général pourra évidemment invoquer l’état de ses finances pour expliquer sa réponse à la demande qui lui sera présentée.
Il ne faut pas oublier, lorsqu’on examine cet article, que deux tiers des sapeurs-pompiers volontaires sont issus de familles d’anciens sapeurs-pompiers, aujourd'hui vétérans. Il y a une véritable culture familiale du sapeur-pompier volontaire. Or cet article apporte une juste reconnaissance des anciens qui peut effectivement avoir un effet sur la vocation de jeunes, filles et garçons. Cette reconnaissance témoignée à leurs aînés sera susceptible de les encourager à s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires.
J’ajouterai que beaucoup d’entre nous ici – c’est mon cas – ont vu des pluies diluviennes s’abattre sur leur territoire, entraînant des coulées de boue et des inondations de caves. Ce genre de choses se produit généralement sur plusieurs communes. Dans ces moments-là, tous les sapeurs-pompiers actifs sont présents.
La loi de 2004 nous donne la possibilité de créer des réserves communales. Malheureusement, cela ne se fait pas. Toutefois, ces réserves communales, nous les avons en quelque sorte sous la main avec les vétérans : ce sont en effet eux qui, dans des circonstances dramatiques comme celles que je viens d’évoquer, sont les premiers à aider la population, à coordonner l’action sur le terrain.
Ne serait-ce que pour ces deux raisons, j’estime qu’il faut maintenir l’article 13 ter et donc repousser ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Permettez-moi, d’abord, de rendre hommage à la volonté constante de MM. Arthuis et Adnot de lutter contre l’augmentation des dépenses publiques. C’est une volonté que je partage totalement.
Certains peuvent considérer que ce qui est fait dans ce sens n’est pas suffisant, tandis que d’autres estiment que c’est trop ! Dans certains programmes présentés en vue de la prochaine élection présidentielle, d’après ce que j’ai lu, il est proposé de repousser la date fixée pour le rééquilibrage de nos finances publiques. Nous, nous avons pris une position, nous avons défini un objectif.
Je pense, monsieur le président Arthuis, monsieur le président Adnot, que vous vous trompez. Je crois que, au contraire de ce que vous affirmez, ce texte permettra à terme de diminuer les dépenses publiques.
Tout le débat a mis en exergue le caractère absolument indispensable des sapeurs-pompiers volontaires et l’intérêt qu’il y avait de tout faire pour en avoir davantage.
Il est indiscutable que la crise des vocations commence à se faire sentir puisque, je l’ai dit, les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires ont diminué cette année de 2 000 unités.
Il faut donc revaloriser leur engagement, notamment par de la considération. Celle-ci est déjà très forte, surtout en milieu rural. C’est le cas en Mayenne, dans l’Aube, en Maine-et-Loire, comme dans de nombreux autres départements.
Mais il faut aussi leur témoigner concrètement une certaine reconnaissance.
Mme le rapporteur l'a rappelé, les deux tiers des sapeurs-pompiers volontaires sont des enfants ou des petits-enfants de sapeurs-pompiers volontaires. C’est la raison pour laquelle cette revalorisation me paraît extrêmement importante.
On ne peut que rendre hommage au Gouvernement d’avoir engagé une grande concertation sur ce sujet et pris soin de recueillir l'avis des collectivités locales, des associations et de l’Assemblée des départements de France. J’entends souvent les élus, dans les congrès des associations, se plaindre de l’absence de concertation. Sur ce sujet, on ne peut faire grief au Gouvernement de ne pas avoir sollicité les élus.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rejeter ces deux amendements identiques. Si je comprends les préoccupations exprimées par leurs auteurs, je pense à l’inverse que, sans cet effort, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminuera. N’oublions pas que le coût annuel d'un sapeur-pompier volontaire est de 2 000 euros, contre 45 000 euros pour un sapeur-pompier professionnel.
Je reste persuadé que notre état d’esprit est le même : même si nous divergeons sur les dispositions à prendre, nous sommes tous d’accord pour admettre qu’il faut plus de sapeurs-pompiers volontaires.
M. Jean Arthuis. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certains mettent en avant leur expérience. Pour ma part, je n'ai été président d’un SDIS proche de celui de l'Aube que pendant vingt-trois ans ! (Sourires.)
Monsieur Adnot, dans ce domaine, nous n'avons pas mis en place la même politique. En Seine-et-Marne, nous avons considéré que, pour valoriser le volontariat, il valait mieux former les sapeurs-pompiers volontaires et les doter en matériels. Pour ce faire, il nous a semblé préférable de les rassembler. Nous avons donc supprimé progressivement un certain nombre de centres de première intervention. C’est pour cette raison que, dans ce département, on compte seulement 61 CPI, ce qui est très peu ; par ailleurs, la plupart de leurs membres participent aussi au SDIS. L’organisation qui prévaut est donc toute différente.
Dans le même temps, grâce aux moyens accordés à la formation et aux conventions signées avec les entreprises, nous sommes parvenus à valoriser le volontariat et à augmenter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Aujourd'hui, en Seine-et-Marne, leur nombre est beaucoup plus important qu’il y a dix ans.
M. Jean-Claude Peyronnet. Huit ans !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, vous savez très bien, mon cher collègue, que, dans les zones urbaines, en particulier en banlieue parisienne, les conditions de vie sont telles qu’il est beaucoup plus difficile de recruter. Pourtant, nous y sommes parvenus.
On ne peut donc pas prétendre que la baisse du volontariat soit une fatalité. Pour ma part, je pense que ce texte favorisera au contraire son regain.
J’en viens à l'allocation de vétérance. Éric Doligé, qui connaît parfaitement ce sujet, a fort opportunément rappelé les différentes étapes ayant abouti à la création de cette mesure.
Il existe un département qui versait cette allocation avant même qu'elle ne soit instaurée par la loi du 3 mai 1996 ; son montant était d'ailleurs bien supérieur à celui de l'allocation de fidélité, que la loi du 13 août 2004 a ensuite mis en place. Par conséquent, la mesure prévue à l'article 13 ter de la proposition de loi ne coûtera pas grand-chose à certains départements, puisque l’allocation de vétérance a déjà été revalorisée pour atteindre le niveau de l’allocation de fidélité. Mon collègue Roland Courteau me disait que tel était le cas dans votre beau département, monsieur Peyronnet.
Comme l'a souligné Mme le rapporteur, la reconnaissance de ce qu'ont accompli les sapeurs-pompiers volontaires pendant toutes ces années – vingt ans, vingt-cinq ans, parfois trente ans – implique une revalorisation de l’allocation de vétérance, qui passera, pour certains, de 426,10 euros à 658,20 euros. Elle ne concernera que les départements qui n’ont pas encore accompli d’efforts en ce sens. Monsieur Adnot, les remarques que vous avez formulées sur les CPI sont justes, mais je tiens à préciser que ces structures sont mutualisées.
Pour ma part, comprenant la nécessité de la rigueur, je suis favorable à la règle d'or. Elle s’applique d’ailleurs déjà aux collectivités locales, puisqu’il leur est impossible d'avoir un budget en déficit. Désormais, nous disposerons enfin d’un système pérenne en lieu et place des différents systèmes successifs, à savoir l’allocation de vétérance, l’allocation de fidélité et la prestation de fidélisation et de reconnaissance.
Certains prétendent que cette disposition coûtera 30 millions d'euros, ce qui est faux. En effet, cela supposerait que l’ensemble des départements ne versent que l’allocation de vétérance, qui bénéficie à 95 000 sapeurs-pompiers volontaires.
Pour ce qui concerne le SDIS, monsieur Adnot, les chiffres relevés en Seine-et-Marne sont comparables à ceux que vous avancez. Il est vrai que votre département se trouve dans une situation un peu particulière. Il fait partie de ceux qui comptent encore beaucoup de CPI communaux et il est vrai que l’application de cette mesure leur coûtera un peu plus cher. J'espère que le département de l'Aube, compte tenu de ses faibles ressources, bénéficiera d'une péréquation des droits de mutation, ce qui lui permettra de financer ces quelques centaines de milliers d'euros supplémentaires. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Ce sujet est complexe, chacun le voit bien. En réalité, il s’agit d’un retour en arrière, puisque l’article 13 ter concerne les sapeurs-pompiers volontaires ayant cessé leur activité avant 2004.
Personnellement, je ne pense pas que cet article apporte quoi que ce soit, sinon aux sapeurs-pompiers volontaires dont les petits-enfants ou arrière-petits-enfants souhaitent devenir pompiers : il ne concerne en effet que des personnes qui sont déjà à la retraite.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Éric Doligé. Par conséquent, ce texte ne me semble pas de nature à favoriser considérablement l'embauche de nouveaux volontaires.
Il arrive un peu comme un « cheveu sur la soupe », pardonnez-moi cette expression, dans un texte dont l'objectif est de sécuriser le volontariat, en apportant un certain nombre de précisions indispensables sur son cadre juridique.
Je remarque d’ailleurs que l’adoption de l'amendement n° 4 aurait eu pour conséquence de détruire le texte, en rendant impossible le volontariat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est sûr !
M. Éric Doligé. En effet, comment mobiliser un seul sapeur-pompier volontaire, si onze heures de repos minimum sont imposées entre l'activité professionnelle et celle qui est effectuée dans le SDIS ?
Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas parlé de onze heures !
M. Éric Doligé. Dans ces conditions, les volontaires n’auraient pu intervenir que le week-end. Encore aurait-il fallu qu’ils ne fassent pas les trois-huit ! (Sourires.) Il va de soi que cet amendement va totalement à l'encontre du texte.
Jean Arthuis a souligné que l'article 13 ter aurait pu être déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, la disposition prévue est présentée comme facultative. En outre, c’est le Gouvernement qui l’a insérée par voie d’amendement. Pourtant, personne n'est dupe, je l’ai dit tout à l'heure : à partir du moment où quelques départements l’auront acceptée, …
M. Gérard César. Tous suivront !
M. Éric Doligé. … une forte pression s'exercera sur les autres. Cette situation pourrait finir – c’est un risque – devant un tribunal quelconque, puisque les sapeurs-pompiers volontaires ne seront pas tous à égalité, certains bénéficiant de la revalorisation de l’allocation de vétérance, d’autres non.
Nous sommes tous favorables au volontariat. Pourtant, je suis persuadé que cet article n’est pas la bonne solution. Il faudrait d’abord en finir avec le problème, prétendument réglé, entre les « blancs » et les « rouges ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Éric Doligé. Cela a été rappelé tout à l'heure, sur les quatre millions de sorties que les sapeurs-pompiers effectuent par an, 60 % à 70 % d'entre elles sont des secours à personnes. Une partie est notamment liée à l'absence de médecins dans les zones rurales.
Par ailleurs, dans certains centres de première intervention, les sapeurs-pompiers volontaires sont démotivés, parce qu’ils se voient confier des travaux parfois subalternes et peu intéressants. Il est vraiment temps de mener une réflexion de fond sur ce sujet.
Monsieur Arthuis, je vous le dis en toute amitié : il est inutile de vous faire des illusions sur le sort de cette disposition ; elle a déjà été votée par l'Assemblée nationale !
M. Jean Arthuis. Cela ne fait rien !
M. Éric Doligé. Je connais bien votre position, que je partage.
On sait que le mode de financement en vigueur repose sur les communes, les intercommunalités et les départements, lesquels paient toujours les surplus. Par conséquent, comme l’a souligné Philippe Adnot, ce sont les 102 départements qui prendront cette mesure de plein fouet et assumeront cette charge supplémentaire, sous la pression, on s'en doute bien, des sapeurs-pompiers volontaires eux-mêmes.
Nous sommes tous conscients que nous aurons une nouvelle dépense à supporter. Ce n’est pas acceptable.
Pour ma part, je nourrissais un espoir fort. À chaque fois que les 102 présidents de conseils généraux se réunissent au sein de l’ADF, aucun n’est prêt à accepter une charge supplémentaire ; tous s'insurgent contre ce qu’ils jugent inadmissible et réclament le dépôt d’amendements. Mais, une fois dans l’hémicycle, plus personne ne se manifeste ! Ainsi, ceux qui m'ont poussé à défendre en leur nom cette position ne sont plus là pour me soutenir : entre-temps, ils ont reçu des appels du monde des sapeurs-pompiers les invitant à se rétracter.
En d’autres termes, l’ADF a tourné casaque ; chacun joue son propre jeu. L'Assemblée nationale reprendra les choses en main On peut décider des dépenses supplémentaires, ce sont les départements qui paieront, cela n'a aucune importance. Je le sais, c'est un combat perdu d'avance.
Je n'ai donc aucune intention de faire obstacle à l’adoption de ce texte. Je suis bien conscient qu’il faut que la procédure aille vite : un congrès est prévu au mois de septembre et la session extraordinaire s’achève le 13 juillet. N’étant pas courageux, je vous suivrai, monsieur le secrétaire d'État, mais à contrecœur. J’aurais préféré me ranger aux côtés de Jean Arthuis et Philippe Adnot, qui me séduisent, ils le savent bien, en permanence. (Sourires.)
J’espère que mes propos auront été entendus. Quand on fait de la politique, il faut être courageux : on l’est tous, bien sûr, dans cet hémicycle, mais deux le sont davantage encore. Par ailleurs, quand on adopte une position, il ne faut pas en changer en permanence. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je ne voterai pas ces amendements identiques, car je suis de ceux qui pensent que leur adoption entraînerait la destruction du texte.
M. Jean Arthuis. Mais non !
M. François Fortassin. Bien entendu, il est assez séduisant d’affirmer qu'il ne faut pas prévoir des dépenses supplémentaires. Philippe Adnot a pointé l'incohérence du texte, mais, dans ce cas, il faut aller jusqu'au bout ! On ne peut pas dans le même temps se plaindre de devoir supporter des dépenses supplémentaires et déplorer que les services ne fonctionnent pas.
Cette proposition de loi est susceptible d'être votée à une large majorité. Dans ce domaine assez sensible, le Sénat a tout intérêt à ne pas se signaler de façon négative, car, comme l'a souligné Éric Doligé, le texte sera voté à l'Assemblée nationale.
Qui plus est, je n'ai pas été convaincu par les arguments qui ont été avancés. Je ne suis pas certain, d’une part, que l’adoption de ce texte entraînera une augmentation du nombre de sapeurs-pompiers volontaires, d’autre part, qu’elle se traduira, comme le prétend Jean Arthuis, par une désaffection. En votant l'article 13 ter, la Haute Assemblée adressera une marque de considération à l’égard des sapeurs-pompiers volontaires.
La désaffection que l’on constate n’est pas tellement due à des considérations financières, même si, dans une période difficile où les gens sont au chômage, cela peut entrer en ligne de compte. Elle vient du fait que le volontariat trouve sa source dans la générosité, le don de soi, l'altruisme. Or la société dans laquelle nous vivons fait de plus en plus appel à des comportements individualistes, qui n’incitent pas à de telles attitudes.
Par conséquent, toute mesure susceptible d’apporter des améliorations en ce sens et de montrer que la représentation nationale, dans sa diversité, est groupée derrière ce texte me paraît justifiée. C'est pour cette raison que je voterai l'article 13 ter.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Selon les départements, les histoires sont différentes. La situation décrite par mon ami Philippe Adnot n’est pas du tout la même que celle que je peux connaître dans la Haute-Vienne : nous avons seulement une trentaine de centres et 800 volontaires, alors que, si j’ai bien compris, dans le sien, il y a pléthore de centres et 2 500 volontaires…
M. Philippe Adnot. Non, 3 500 !
M. Jean-Claude Peyronnet. Les situations sont donc, je le répète, tout à fait différentes, ce qui peut expliquer nos divergences de positions.
Comme l’a dit Éric Doligé, il convient d’adopter rapidement ce texte pour ne pas perdre notre capacité à recruter des sapeurs-pompiers volontaires, du fait de la menace que fait peser l’application de la directive européenne relative au droit du travail. Voilà quel est l’objet de ce texte ; les autres points peuvent être considérés comme des cavaliers.
En écoutant les interventions des uns et des autres, j’ai assisté à un concert d’hypocrisies. Certains se réfugient derrière le vote de l'Assemblée nationale, car ils n’osent pas avouer qu’ils sont prêts à voter les amendements de MM. Adnot et Arthuis. En réalité, personne ne se risque à dire que les départements sont confrontés à des dépenses qui pèsent de plus en plus lourd.
Nous ne sommes pas hostiles à l’allocation de vétérance, bien au contraire. Mais nous ne croyons pas qu’elle permettra un recrutement massif de sapeurs-pompiers volontaires. Il s’agit d’une reconnaissance, qui s’intègre dans un ensemble de mesures prises ces dernières années pour favoriser le volontariat, comme les conventions signées avec les entreprises ou les dispositions sur les absences.
Dans de nombreux départements ruraux, les centres ne peuvent fonctionner que parce que les communes mettent à disposition, de jour et hors week-end, leurs employés. Le volontariat diminue, monsieur le secrétaire d'État, non pas tant pour les raisons que vous avez citées, mais parce que, même s’il existe toujours des personnes dévouées, des raisons objectives rendent le recrutement de plus en plus difficile : il n’y a plus d’artisans ou de commerçants et les entreprises sont réticentes à lâcher leurs employés.
J’ai bien écouté les propos des uns et des autres. Éric Doligé a instruit un procès en règle contre l’article 13 ter. Il l’a même descendu en flammes ! Dans ces conditions, on peut s’étonner qu’il ne vote pas les amendements de MM. Arthuis et Adnot. En tout cas, nous pouvons retenir tous les arguments qu’il a avancés.
Pour notre part, notre position est assez claire : nous sommes favorables à l’allocation de vétérance, mais nous n’acceptons pas, monsieur le secrétaire d'État, la façon inadmissible dont les choses se sont passées. Une nouvelle fois, le Gouvernement n’hésite pas à « charger la barque » des collectivités et, en quelque sorte, à manipuler nos règles législatives : il a en effet déposé, à l’Assemblée nationale, sur cette proposition de loi, un amendement visant à introduire une telle disposition et permettant de contourner l’article 40 de la Constitution.
Encore une fois, on fait adopter une mesure, qui n’est pas mauvaise en soi, en prévoyant qu’elle sera uniquement à la charge des collectivités. Comme nombre de mes collègues, je prédis qu’une fois que la mesure aura été votée et mise en œuvre dans un ou deux départements, elle finira forcément par être étendue, par capillarité, à l’ensemble du territoire. Voilà comment le Gouvernement impose aux collectivités une charge supplémentaire sans compensation ! Il aurait bien mieux valu que nous prenions la responsabilité de généraliser l’allocation de vétérance, ce qui nous aurait alors permis d’obtenir une compensation. Au lieu de cela, on laisse hypocritement les collectivités libres de s’administrer, et donc de choisir. Mais, en réalité, il ne s’agira pas d’un choix : la décision leur sera imposée, puisqu’elles subiront la pression exercée par les sapeurs-pompiers.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais, alors, vous les votez ou vous ne les votez pas, ces amendements ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Berthou, pour explication de vote.
M. Jacques Berthou. J’interviendrai non pas sur la question de l’allocation de vétérance, mais pour évoquer la baisse des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires. Cela a été dit, elle s’explique par un certain nombre de raisons, mais je voudrais insister sur l’une d’entre elles, à laquelle j’ai personnellement été confronté, et qui me semble importante : il s’agit de la relation entre les volontaires et les professionnels.
Que se passe-t-il lorsqu’un CPI est à proximité d’un SDIS ? Les premiers à partir sont les sapeurs-pompiers professionnels, si bien que les volontaires s’interrogent sur leur place : doivent-ils simplement intervenir en renfort ? Ces questions doivent faire l’objet, dans les départements, de discussions. Ne faudrait-il pas, en effet, appeler en même temps les volontaires et les professionnels ?
M. Jean Arthuis. C’est ce qu’il faut faire !
M. Jacques Berthou. Évidemment !
Nos administrés nous demandent parfois pourquoi une dizaine de personnes sont appelées pour une intervention minime. Or, si l’on se réfère à la déontologie, le premier arrivé décide s’il a, ou non, besoin de renfort. Ne nions donc pas l’importance de la relation entre les volontaires et les professionnels !
M. Jean Arthuis. Absolument !
M. Jacques Berthou. Il faut trouver un équilibre ; peut-être évitera-t-on alors que les sapeurs-pompiers volontaires ne se découragent.
M. Jean Arthuis. Très juste !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je voterai mon amendement et le texte.
L’article 13 ter était à ce point essentiel que le Gouvernement l’a introduit par voie d’amendement dans la proposition de loi, alors qu’il n’y figurait pas à l’origine.
Sur les voies et moyens d’encourager le volontariat, il y a en effet une harmonie subtile à trouver entre les professionnels et les volontaires. L’observation qui vient d’être faite par Jacques Berthou est parfaitement juste. Nombre de volontaires sont découragés, car ils ont l’impression d’être les supplétifs des professionnels. Une telle situation ne peut pas durer.
Monsieur le secrétaire d'État, il s’agit d’une question de gouvernance des services départementaux d’incendie et de secours. Pour soutenir le volontariat, les collectivités territoriales doivent encourager leurs collaborateurs à devenir sapeurs-pompiers volontaires. Il faut aussi que les entreprises prennent conscience que la présence de volontaires dans leurs équipes leur permet de s’attacher les services de personnes véritablement compétentes pour réagir en tant que de besoin et organiser des actions de prévention. Voilà une voie d’avenir !
Ce qui conditionne les vocations et l’adhésion des volontaires, c’est la qualité des centres de secours et des équipements. C’est aussi le regroupement, car une trop grande dispersion les conduit à sortir pour des interventions subalternes, comme la destruction de nids d’hyménoptères. La concurrence entre les blancs et les rouges rend même parfois difficile la nécessaire harmonie des transports sanitaires… Est également en cause le charisme – j’en ai l’exemple dans mon département – des responsables des centres de secours, qui doivent témoigner de la considération aux jeunes, pour que ces derniers n’hésitent pas à proposer leurs services en tant que sapeurs-pompiers volontaires.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas, d’un côté, nous lamenter sur l’état calamiteux de nos finances publiques et, de l’autre, accepter ces « petites » dispositions. Cela ne représente peut-être pas grand-chose, mais ce qui fait l’ampleur de nos déficits publics, c’est bien l’addition de toutes ces petites lâchetés. C'est la raison pour laquelle je voterai mon amendement, dussé-je être le seul.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, il n’y a pas ici deux sénateurs qui seraient plus responsables que les autres en matière de finances publiques. Nous avons tous la volonté de maîtriser la dépense publique. Mais nous savons tous aussi que cet article 13 ter n’a rien à faire dans ce texte, cette proposition de loi serait parfaitement acceptable. Elle permet en effet d’organiser tout ce avec quoi nous sommes d’accord, à savoir les droits des sapeurs-pompiers volontaires, notamment en termes de protection sociale et de sécurisation.
Nous pouvons donc supprimer cet article sans remettre en cause tout le texte. J’incite M. le secrétaire d'État et ses collaborateurs à se rappeler que, en 2004, on nous a « vendu » l’allocation de fidélité et d’autres dispositions, en nous affirmant que la garantie d’une retraite permettrait de ne pas voir les volontaires disparaître. Et maintenant vous venez nous dire que, sur cette seule année, on en a perdu 2 000 ! C’est bien la preuve que la perspective de la retraite ne permet pas de garder des sapeurs-pompiers, qui sont remplacés par d’autres tous les huit ans. Votre mesure, vous devez le comprendre, n’enrayera pas cette tendance !
Personnellement, je n’ai pas seulement en tête la maîtrise de la dépense publique ; je sais que cet article ne vous permettra pas d’atteindre vos objectifs, c’est-à-dire de fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires. En outre, il n’y a pas de problème, dans mon département, entre les volontaires et les professionnels, car les centres de secours intègrent des volontaires.
Il est évident que ce que vous aviez dit en 2004 s’est révélé faux ; dans quelques années, vous verrez que l’article 13 ter n’aura rien apporté ni réglé. Nous devrons revenir sur le sujet en ayant, dans l’intervalle, perdu beaucoup de CPI, car les communes se seront découragées.
Je voterai donc mon amendement. S’il n’est pas adopté, je m’abstiendrai lors du vote sur l’ensemble du texte : la méthode consistant à ajouter une disposition n’ayant rien à voir avec l’objet d’un texte censé mettre notre pays en conformité avec la législation européenne, en confortant le statut des sapeurs-pompiers, se retournera en fait contre eux, puisque 80 % des volontaires ne verront jamais la couleur de leur retraite !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)