M. Guy Fischer. On est loin de 1 200 euros…
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’apport global brut aux salariés s’élèverait à près de 2,8 milliards d’euros : ce n’est pas rien pour notre économie !
Sur la base de ces estimations, la prime rapporterait 375 millions d’euros aux finances sociales en 2011 – tout à l’heure, j’avais arrondi le montant à 400 millions d’euros. Sur cette somme, 170 millions d’euros seraient perçus au titre du forfait social.
Sur les finances de l’État, en revanche, la prime aurait un effet négatif,…
M. Yves Daudigny. En effet !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … dans la mesure où elle entraînerait des pertes de recettes au titre de l’impôt sur le revenu comme de l’impôt sur les sociétés. Cette perte de recettes s’élèverait à 395 millions d’euros en 2011, puis à plus de 640 millions d’euros à partir de 2012.
Au total, en régime de croisière, la perte nette pour les finances publiques dans leur ensemble représenterait entre 300 et 350 millions d’euros… À moins que les primes versées, dopant la consommation, n’apportent un supplément de dynamisme à l’activité des entreprises, dont résulterait à terme un surcroît potentiel de recettes. Mais, pour le moment, il n’est pas certain que ce mécanisme jouera.
Reste que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale me chagrine par un côté : en instaurant cette prime, nous créons une nouvelle niche sociale ! Or il me semble que le Gouvernement avait pris l’engagement, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, que toute création d’une nouvelle niche sociale s’accompagnerait de la suppression d’une autre niche sociale pour un montant équivalent. Je laisse à M. le ministre le soin de confirmer ou d’infirmer mon propos, sachant que qui ne dit mot consent.
Quoi qu’il en soit, par la création de cette prime, nous ne prenons pas le chemin du respect d’une pareille règle !
Je tenais à faire cette observation, même si les comptes ne seront pas trop perturbés pour ce qui concerne la sécurité sociale ; celle-ci, en effet, percevra des recettes nouvelles grâce à l’instauration de la prime.
Le budget de l’État, en revanche, accusera une perte de recettes de l’ordre de 395 millions d’euros. Aussi cette mesure n’est-elle pas la plus favorable à l’équilibre global des comptes, au moment où nous voulons démontrer, à l’extérieur de notre pays, que la France est un pays vertueux dans la gestion de ses finances publiques…
M. Guy Fischer. Ce sont de belles paroles !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sans doute cette question est-elle très marginale, voire purement anecdotique ; ce n’est certainement pas ce qui comptera le plus dans la détermination de la position de ceux qui nous regardent d’un œil particulièrement attentif.
Pour conclure, je veux souligner que ce nouvel exercice législatif montre que toute réforme sociale intervenant dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale et dont les conséquences financières sont significatives peut être présentée sous la forme d’un collectif social. Cette démarche a le mérite de la transparence et de la clarté. Puissent le Gouvernement actuel et ceux qui lui succéderont poursuivre dans cette voie lors des prochaines réformes ! D’ailleurs, il n’aurait pas été plus mal, au moment de la réforme des retraites, de procéder ainsi.
Je vous invite, mes chers collègues à adopter le projet de loi modifié par les amendements que je vous proposerai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 260 portant sur l’ensemble du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, M. Jean Louis Masson et moi-même avons été déclarés comme nous abstenant, alors que nous souhaitions voter contre.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jugement que je porterai, au nom du groupe de l’Union centriste, sur le présent projet de loi sera contrasté.
Si, d’un côté, nous ne pouvons que saluer le signal positif envoyé en termes de maîtrise des finances publiques, de l’autre, nous demeurons assez réservés au sujet de la principale mesure envisagée : la fameuse prime de 1 000 euros, qui ne porte pas si bien son nom.
M. Guy Fischer. M. le rapporteur général a dit : 700 euros !
M. François Zocchetto. Tout d’abord, la nature de ce texte n’est pas anodine. En effet il n’est pas insignifiant que, pour la première fois depuis la création, en 1996, des lois de financement de la sécurité sociale, notre assemblée soit saisie d’un projet de loi de financement rectificative.
Ce texte anticipe ce que sera l’état de notre droit positif après l’adoption de la loi constitutionnelle relative à l’équilibre des finances publiques, en tout cas dans la version que le Sénat a votée en première lecture le 15 juin dernier et dont nous serons de nouveau saisis la semaine prochaine.
On le sait, une des principales dispositions de ce texte vise à conférer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale le monopole de la création, de la modification et de la suppression des recettes fiscales et sociales.
La même logique inspire le présent projet de loi, très important puisqu’il marque une première.
L’instauration du monopole fiscal est le résultat d’une véritable prise de conscience du caractère désormais intolérable de la dérive de nos comptes sociaux. Il manifeste une réelle volonté politique d’y mettre un terme.
Cette volonté ne nous semble pas platonique et elle commence à porter ses fruits, comme le montre ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, l’a rappelé tout à l’heure, ce projet de loi entérine une évolution positive des comptes sociaux.
Alors que le déficit du régime général devait s’élever à 20,9 milliards d’euros, il pourrait se limiter – si j’ose dire – à 19,3 milliards d’euros ; nous enregistrerions donc une amélioration du solde de 1,6 milliard d’euros.
Même si cela est bien, nous devons nous garder de tout triomphalisme. Car si cette embellie est réelle, son montant, chacun en a bien conscience, est très insuffisant par rapport aux efforts nécessaires pour crédibiliser l’objectif d’assainissement fixé par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011–2014.
Par ailleurs, l’examen de la structure de l’amélioration comptable conduit à relativiser son ampleur. En effet, seuls 600 millions d’euros proviendraient d’une baisse des dépenses. Autrement dit, l’effort structurel de redressement ne représenterait qu’un peu plus du tiers de l’amélioration globale ; le reste serait imputable à un simple rebond conjoncturel, assurément bienvenu mais dont nous ne sommes pas à l’origine.
De même que la crise avait vertigineusement plongé le système dans le rouge, de même le redémarrage de la croissance engendrerait 600 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2011.
Les derniers 400 millions d’euros de redressement, toujours à l’actif du volet recettes, seraient directement liés au dispositif de partage de la valeur ajoutée que le présent projet de loi met en place ; telle est même sa raison d’être.
Or c’est sur cette question, centrale, que nous émettons certaines réserves. De quoi, au juste, s’agit-il ? Il est proposé de créer, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, le mécanisme que M. le ministre a décrit tout à l’heure.
Mais quels en seraient les bénéficiaires, et pour quel montant ? Compte tenu du périmètre retenu, à savoir les entreprises de plus de cinquante salariés dont les dividendes ont augmenté par rapport aux dividendes moyens versés au cours des deux exercices précédents, seuls 4 millions de salariés – dans le meilleur des cas – seraient concernés,…
M. Guy Fischer. 4 millions sur 25 millions !
M. François Zocchetto. … et percevraient en moyenne 700 euros, le montant total des primes versées s’élevant à 2,8 milliards d’euros.
Toutefois, je le sais, la finalité poursuivie est moins celle d’une distribution de pouvoir d’achat qu’un objectif d’équité.
M. François Zocchetto. Reste que les chiffres sont ceux-ci : 4 millions de salariés pour un montant moyen de prime de 700 euros.
La France comptant une trentaine de millions d’actifs et 23 millions de salariés, la mesure – il est préférable de le dire clairement aujourd’hui – concernera seulement un salarié sur six.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. François Zocchetto. De même, il faut indiquer le montant moyen de la prime : 700 euros plutôt que 1 000 euros. Là encore, ne créons pas d’illusions qui deviendraient dans les prochaines semaines des désillusions.
Mais le plus grave est ailleurs. La principale critique qu’il est possible d’adresser à ce dispositif a été mentionnée par le rapporteur général lui-même. Elle porte sur la substitution potentielle, voire probable, de la prime aux revalorisations salariales.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. François Zocchetto. Il existe à cet égard un risque majeur, qui n’a pas échappé aux rédacteurs du projet de loi. Celui-ci prévoit en effet que « cette prime ne peut se substituer à des augmentations de rémunération prévues par la convention ou l’accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail. Elle ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération […] ».
M. Guy Fischer. Ce sont des vœux pieux !
M. François Zocchetto. Mais comment s’assurer que ces dispositions ne seront pas seulement déclaratives ? J’espère que M. le ministre apportera une réponse à cette question précise.
Celle-ci se pose d’autant plus que, à l’évidence, les entreprises auront intérêt, sur le plan fiscal comme social, à accorder sous la forme d’une prime ce que, dans un contexte différent, elles auraient distribué sous la forme de salaires.
M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord.
M. François Zocchetto. Malgré le forfait social, il sera toujours plus intéressant pour un employeur de débourser un euro sous la forme d’une prime que de débourser le même euro sous la forme d’un salaire.
Comment éviter cela ? Comment prévenir de tels arbitrages rationnels de la part des chefs d’entreprise ? Monsieur le ministre, si vous avez une réponse à cette question, nous serons ravis de l’entendre.
Mais s’il y avait éviction, substitution, effet d’aubaine, effet de vases communicants – peu importe le nom que vous donnerez à ce phénomène –, cela mettrait à bas tout l’édifice projeté. En pareil cas, en effet, les salariés ne gagneraient rien. Autrement dit, ils perdraient sur le plan de la protection sociale ce qu’ils ne gagneraient pas en termes de pouvoir d’achat.
De surcroît, comme Alain Vasselle l’a bien signalé tout à l’heure, l’effet de la mesure pourrait être calamiteux pour les finances publiques,…
M. Guy Fischer. Effectivement !
M. François Zocchetto. … le budget de l’État subissant une perte de recettes au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, la mesure affecterait aussi lourdement les finances sociales, la perte de cotisations sociales excéderait les gains tirés du forfait social et des impôts sociaux assis sur la prime.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous apporterez des réponses précises aux questions que nous vous avons posées. J’espère qu’en nous rassurant, elles nous permettront de lever nos réserves. Vous avez compris qu’à cet instant du débat il faut nous aider à le faire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées de l’UMP. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous inaugurons aujourd’hui la pratique des lois de financement rectificative de la sécurité sociale. Il est regrettable que nous le fassions, en vérité, sur décision de l’Élysée – pour ne pas parler d’injonction.
Prise de remords, à l’approche des prochaines échéances, sur la question du pouvoir d’achat, pour laquelle des promesses avaient été faites, la présidence de la République veut mettre en place au plus vite la « prime de partage des profits », héritière de la « prime de 1 000 euros pour 8 millions de salariés » annoncée en avril dernier, mais revue à la baisse dans son montant comme dans son périmètre, tous deux ayant fondu avec la chaleur des premiers jours de l’été…
Les autres dispositions du texte, qui portent, pour l’essentiel, sur des précisions et des ajustements en rapport avec les grands équilibres des finances sociales annoncés à l’automne dernier, n’ont aucun véritable caractère d’urgence : elles sont plutôt un alibi législatif. Aussi, ce projet de loi est un texte d’information doublé d’une opération de communication politique. Il s’agit de dire, comme Pierre Dac : « ça ne va pas plus mal que si c’était pire ! »
L’article 1er instaure un dispositif assez classique de prime d’intéressement, sur un mode un peu gaulliste, un peu social, mais surtout très partiel : 7 millions de salariés travaillant dans les entreprises de moins de 50 employés en seront vraisemblablement exclus en raison de son caractère facultatif ; 7 millions d’employés du secteur public ou affiliés ne seront pas non plus concernés ; enfin, parmi les 9 millions de salariés restants, seuls seront concernés ceux dont la société verse des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes versés au cours des deux exercices précédents.
Avec de telles conditions, une firme comme Total, qui a réalisé un profit de 10 milliards d’euros en 2010, ne serait même pas concernée par le nouveau régime d’obligation. C’est dire le niveau de contrainte…
Au final, nous nous avançons vers un dispositif certes appréciable pour ceux qui en bénéficieront,…
M. Bernard Cazeau. … mais qui ne touchera au plus qu’un cinquième des salariés, de façon assez lacunaire et assez inégale de surcroît. Les trois quarts des salariés n’auront rien. Voilà la vérité de la mesure que vous vous proposez d’adopter !
Il est tout aussi regrettable de constater que vous instaurez un régime dérogatoire pour les prélèvements sociaux applicables à la prime. Le vieux travers préélectoral des exonérations fiscales et sociales…
M. Guy Fischer. Et voilà ! Toujours plus !
M. Bernard Cazeau. … sans compensation – M. le rapporteur général en a parlé – refait surface au moment le plus inopportun, en pleine crise des finances publiques, et cela au prix d’une belle incohérence.
Jugez plutôt : l’article 1er du texte, qui crée la prime, étend le champ des niches sociales, tandis que l’annexe financière du même texte insiste sur les gains espérés de la réduction des niches pour la période 2012–2014.
M. Guy Fischer. On n’est pas à une contradiction près !
M. Bernard Cazeau. Une nouvelle niche sociale voit donc le jour. Outre qu’elle sera assujettie à la CSG et à la CRDS, la prime le sera seulement, par ailleurs, au forfait social applicable en matière d’intéressement et non aux cotisations patronales et salariales de sécurité sociale.
Alors que paraît ces jours-ci un rapport parlementaire du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur le coût exorbitant de l’exonération des cotisations sociales patronales sur les heures supplémentaires – 1,3 milliard d’euros par an –, le moins que l’on puisse dire est que le sujet tombe à point nommé !
Au final, vous instaurez un dispositif incertain dans ses effets, une niche fiscale et sociale de plus et vous créez un effet d’aubaine supplémentaire pour les grands groupes, tout en donnant de surcroît des arguments aux entreprises concernées pour ne pas négocier réellement sur les salaires. (M. Guy Fischer opine.)
Ce dossier semble très équivoque, monsieur le ministre. D’ailleurs, les organismes publics et paritaires consultés ne s’y sont pas trompés puisque tous ont émis un avis défavorable sur ce texte. Qu’il s’agisse de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, ou de la Mutualité sociale agricole, la MSA, aucune institution compétente ne l’approuve ni ne le cautionne.
Venons-en maintenant aux finances sociales proprement dites.
Le projet de loi ne modifie qu’à la marge les grands équilibres financiers des régimes sociaux.
Concernant l’équilibre général, on notera que le résultat de l’exercice 2010 est légèrement meilleur que ne le prévoyait la loi de financement pour 2011. Le déficit pour 2010 serait donc non plus de 24,7 milliards d’euros, mais de 23,9 milliards d’euros.
Il faut s’en réjouir, mais sans tomber dans la déculpabilisation, car il s’agit tout de même du plus important déficit annuel jamais enregistré par la sécurité sociale !
Pour 2011, une nouvelle prévision de déficit situe le régime général en déséquilibre de 19,3 milliards d’euros, contre 20,9 milliards d’euros initialement prévus. On peut lire sous la plume du rapporteur Vasselle : « 1,6 milliard d’euros de mieux ».
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Cazeau. Mais ce sont malheureusement 1,6 milliard d’euros dans un univers de valeurs négatives…
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est mieux que rien ! C’est un début !
M. Bernard Cazeau. Tant mieux pour vous si vous vous en contentez, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
Le projet de loi de financement rectificative vise donc essentiellement à communiquer sur une forme d’amélioration comptable de la situation – un peu plus d’encaissement, un peu moins de décaissement –, dont on nous dit qu’elle augurerait un grand bouleversement, une tendance profonde et soudaine à l’amélioration des comptes.
Du côté des recettes, le redressement de la masse salariale témoignerait d’une sortie de crise bien réelle, d’une croissance retrouvée, forte et solide. Du côté des dépenses, les moindres versements du régime vieillesse témoigneraient de la performance de la réforme des retraites ; le respect de l’ONDAM, quant à lui, témoignerait de la pertinence du taux d’évolution des dépenses d’assurance maladie fixé par la loi de financement de la sécurité sociale.
Tout cela semble quelque peu idyllique. En politique, la dure réalité est bien souvent enjolivée, mais là, monsieur le ministre, elle est carrément travestie !
De surcroît, les prévisions de croissance rapportées dans l’annexe du texte reposent sur un certain angélisme économique alors que les incertitudes restent grandes pour l’économie française dans la seconde partie de l’année 2011.
Baisse des immatriculations automobiles, ralentissement de l’activité du bâtiment, hausse des prix à la consommation dans l’énergie et l’alimentaire, instabilité de la zone euro, exportations à la traîne : nous ne sommes assurément pas encore sortis de la crise !
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Bernard Cazeau. L’activité n’a-t-elle d’ailleurs pas connu un coup de frein au second trimestre avec une croissance proche de zéro, malgré un premier trimestre pourtant encourageant ?
Le rebond du chômage au mois de mai, avec 17 000 chômeurs de plus, n’en est-il pas l’illustration la plus évidente ?
Les craintes persistantes sur l’emploi devraient, me semble-t-il, conduire à atténuer l’hypothèse très optimiste d’une croissance de la masse salariale privée évaluée à 3,2 % pour l’exercice 2011.
Notre lecture de la situation est donc celle-ci : une projection comptable en amélioration de 1,6 milliard d’euros, certes, mais pas encore une trajectoire de redressement.
Gardez-vous de tout triomphalisme, car, en matière de finances sociales plus encore que dans d’autres disciplines, une hirondelle ne fait pas le printemps.
Derrière une amélioration assez limitée, sinon cosmétique, demeurent les problèmes de fond que nous dénonçons sans relâche depuis maintenant près de dix ans.
Les annexes de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale sont riches d’enseignement à ce propos : de 2012 à 2014, le déficit cumulé atteindra 55 milliards d’euros ! Plus de 18 milliards d’euros par an en moyenne, soit un quasi-doublement par rapport à l’année 2008, année de l’entrée en crise.
Mais alors, si la crise est derrière nous et que le déficit demeure à peu près identique, c’est bien qu’il s’agit non pas d’un déficit de crise, mais d’un déficit structurel ! C’est donc que vous vous êtes trompés – je ne dirai pas que vous nous avez menti – sur la réalité de la situation en prétendant que le creusement du déficit des années 2009 et 2010 était pour l’essentiel imputable à la crise et à la contraction des recettes que celle-ci entraînait. C’est donc que la fuite en avant se poursuit et qu’elle se prolonge à un rythme important.
La Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui vient de reprendre 68 milliards d’euros de dette supplémentaire au titre des déficits 2009 à 2011 du régime général moyennant une prolongation de sa durée de vie, est promise à un bel avenir.
Les années passent et, pourtant, votre stratégie ne change pas : elle consiste aujourd’hui comme hier à laisser filer les comptes comme pour mieux contempler l’effondrement de notre protection sociale solidaire ; elle consiste à faire payer aux générations de demain l’absence de prise de décisions aujourd’hui.
Pas d’urgence, peu de contenu pour les salariés et beaucoup d’affichage : estimant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les débats, le groupe socialiste soumettra au vote de notre assemblée une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde. (M. Jean Milhau applaudit.)
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que cette possibilité soit ouverte, en théorie, depuis l’adoption de la loi organique du 22 juillet 1996, c’est la première fois que nous examinons un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Mais il n’est finalement qu’un prétexte pour faire adopter une mesure qui ne fait pas l’unanimité : la prime du partage de la valeur ajoutée, appelée tout d’abord « prime de 1 000 euros », puis « prime de dividendes », et que je qualifierai pour ma part de « prime électorale » !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Françoise Laborde. Mon intervention portera essentiellement sur ce point.
Annoncée solennellement par le Président de la République au nom de la défense du pouvoir d’achat, cette prime fait partie des multiples déclarations du Gouvernement depuis plusieurs semaines pour tenter d’apaiser les Français sur la question de leur niveau de vie. En vain ! Le moral des ménages ne cesse de baisser,…
M. Guy Fischer. Il est au plus bas !
Mme Françoise Laborde. … alors que Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 d’être le « président du pouvoir d’achat ».
M. Guy Fischer. Mensonge !
Mme Françoise Laborde. À l’époque, beaucoup de nos concitoyens l’ont cru. Cette année, les gains de pouvoir d’achat seront très faibles. En 2010, le pouvoir d’achat individuel a augmenté de 0,1 %, soit six fois moins qu’en 2009, et il devrait encore reculer en 2011.
En revanche, les dépenses contraintes des ménages ne cessent de croître.
Voilà deux mois, François Baroin, alors ministre du budget, avait déclaré que « tous les salariés qui participent à l’augmentation de la richesse de leur entreprise [devaient] pouvoir en bénéficier ». À cette occasion, il avait laissé entrevoir la possibilité d’une prime d’au moins 1 000 euros. (M. Guy Fischer s’exclame.)
Vous-même, monsieur le ministre, aviez assuré que cette mesure concernerait tous les salariés d’entreprises qui versent des dividendes à leurs actionnaires, soit 8 millions de salariés, c'est-à-dire plus d’un salarié sur deux.
Alors que les sociétés du CAC 40 vont distribuer des dividendes records à leurs actionnaires – il s’agit tout de même de 50 milliards d’euros pour 2011 –, une telle mesure pouvait effectivement paraître séduisante.
Mais, au fil des semaines, nous avons pu constater que le Gouvernement s’est montré beaucoup plus prudent sur la portée et l’ampleur du dispositif : le montant de cette gratification n’atteindrait finalement que 700 euros et il y aurait très peu d’élus, certainement à peine la moitié, puisque la prime ne sera obligatoire que pour les entreprises de plus de cinquante salariés et qu’elle ne sera versée que si les dividendes augmentent.
Votre prime se réduit comme une peau de chagrin ! Vous risquez surtout d’accroître les inégalités de revenus entre les salariés puisque la prime ne concernera qu’une partie d’entre eux – une infime partie d’entre eux, oserai-je dire.
Le but de cette prime ? Redresser le pouvoir d’achat des Français en berne et inciter les entreprises à mieux partager le fruit de leurs bénéfices.
Monsieur le ministre, je doute que cette mesure réponde aux besoins des plus démunis et aux difficultés sociales. Son effet devrait être indétectable pour l’économie. En revanche, il est à craindre qu’elle ne devienne une aubaine pour les entreprises, qui pourront transformer les augmentations en primes exceptionnelles. Pour nous, c’est bien évidemment inacceptable.
Votre dispositif soulève un autre problème : le choix du critère du dividende. Une entreprise peut faire d’énormes bénéfices sans reverser de dividende ; elle sera alors dispensée de s’acquitter de la prime. C’est le cas de plusieurs grandes entreprises du fait d’une stabilité ou d’une baisse du dividende distribué. Je citerai, par exemple, France Télécom, Vivendi, EDF, ou encore Total, qui affiche pourtant les profits les plus élevés de France – plus de 10 milliards d’euros en 2010.
Pis, le mode de calcul retenu pour évaluer l’augmentation des dividendes réduit encore plus le nombre d’entreprises concernées puisque les dividendes versés seront à comparer à la moyenne de ceux qui ont été distribués les deux années précédentes, et non la seule dernière année, comme cela était initialement envisagé.
Ce calcul est effectué en se fondant non pas sur l’enveloppe globale de dividendes versés, mais sur le dividende versé par action. C’est ainsi, par exemple, que les salariés de GDF SUEZ seront privés de prime cette année.