Mme Nicole Bricq. Quatre milliards d’euros sont en jeu ! Et vous insinuez qu’on s’en tire bien !
M. François Baroin, ministre. Il modifie en profondeur l'ISF et supprime le bouclier fiscal.
Aucun de vos arguments ne m’a convaincu, et il vous faudra vous lever tôt et faire preuve d’une grande force de persuasion pour expliquer aux gens que les « riches », comme vous dites – expression qui fleure bon la lutte des classes –, que les plus fortunés, les plus aisés, ceux qui disposent des moyens les plus importants vont bénéficier d'un cadeau avec la suppression du bouclier fiscal ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ensuite, à supposer que vous ayez étudié cette réforme et que vous parveniez à vous départir de cette doctrine idéologique du prêt-à-penser dans laquelle vous vous enfermez depuis des années…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel mépris !
M. François Baroin, ministre. Plutôt que de me reprocher d’être méprisant, écoutez-vous donc ! Sans doute allez-vous trouver cela un peu dur, mais permettez-moi de vous dire que l'addition de mensonges ne fera jamais une vérité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous savons lire et compter ! Nous avons même été à l’école !
M. François Marc. Que dit la Cour des comptes ?
M. François Baroin, ministre. Personne ne reçoit le moindre cadeau puisque ce sont ceux-là même qui sont assujettis à l'ISF qui financeront la suppression du bouclier fiscal. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mme Borvo Cohen-Seat voudrait confisquer le patrimoine !
M. François Baroin, ministre. Parce que vous vous masquez les yeux, vous ne voulez pas voir la réalité, vous ne voulez pas voir que, en allégeant la fiscalité sur le stock de patrimoine, nous l'alourdissons concomitamment sur la transmission du patrimoine. À l'échelle d'un cycle de vie, ce sont exactement les mêmes personnes qui seront redevables. Ceux qui peuvent investir dans les entreprises, dans l'activité économique, ceux qui peuvent par conséquent créer de l'emploi pourront le faire de leur vivant ; simplement, lorsque leurs enfants prendront leur succession, ceux-ci disposeront de moyens un peu moindres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça…
M. François Baroin, ministre. Mais c’est bien de la même population qu’il s’agit.
En conséquence, je le répète, non seulement il est inexact de parler de « cadeau fiscal », mais encore personne n’y perdra puisque nous atténuons les effets de seuil. Même si je dois vous le répéter ce soir, demain, jeudi, je prendrai le temps qu'il faudra pour vous en convaincre puisque c'est tout simplement la réalité.
Monsieur Marc, parmi les contribuables assujettis à l’ISF, certains paieront moins, à savoir ceux qui n’avaient pas recours au bouclier fiscal. En revanche, d’autres paieront plus, ceux qui, au contraire, l’optimisaient au maximum. En ce sens, sa suppression rééquilibre, au sein de la population assujettie à l’ISF, les enjeux liés à la détention de patrimoine.
Dans la même perspective, réduire la tranche marginale de l’ISF contribuera à la compétitivité économique de notre pays.
Je rappelle au passage que, même profondément remanié et allégé, notre ISF restera malgré tout unique parmi les mécanismes d’imposition des plus fortunés au sein des pays de l’Union européenne.
M. François Marc. Ce n’est pas vrai !
M. François Baroin, ministre. Ensuite, après avoir parlé de « cadeau fiscal » – je vous ai démontré que vous aviez tort –, vous dites que cette réforme n'est pas entièrement financée.
Monsieur Zocchetto, je respecte votre point de vue, mais j'essaierai au cours du débat de vous démontrer le contraire. Cette réforme est financée par les mesures sur les successions, par les mesures de lutte contre l'évasion fiscale, par l’exit tax ainsi que par les sommes recouvrés par la cellule de régularisation fiscale.
Avec les services de Bercy, qui ont toute ma confiance, nous avons travaillé pendant six mois. Nous avons revu et révisé l'ensemble des chiffres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement demande que la suppression – qu’il accepte par avance – de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents soit compensée à l’euro près, c'est-à-dire à hauteur des 176 millions d'euros qu’elle devait rapporter au budget général de l’État.
M. Rebsamen a fait une petite confusion en affirmant que le déficit public pour 2010 avait été légèrement revu à la hausse, à 7,1 % du PIB, alors que nous espérions 6 %. En réalité, il a confondu les chiffres de 2010 avec ceux de 2011. Un point de plus, ce sont 20 milliards d’euros ! Quand on assène une contrevérité en s'appuyant sur des chiffres faux, il ne faut pas s'étonner ensuite de se voir renvoyer un peu vertement ses propres arguments !
Ce taux de 7 % – corrigé à 7,1 % du fait du rebasage effectué par l'INSEE lui-même – est celui de la fin de l'exercice 2010. Je me permets de rappeler que, au début de la discussion de la loi de finances initiales pour 2010, la prévision de déficit public se montait à 8,5 % de la richesse nationale. Finalement, nous sommes passés de 8,5 % à 7,1 % et nous nous sommes fixé comme objectif intangible pour la fin de l'exercice 2011 un taux de 6 %. Dès à présent, avant même la fin du premier semestre, nous pouvons garantir un taux de 5,7 % au lieu de 6 %.
M. Guy Fischer. Par anticipation !
M. François Baroin, ministre. Nous affecterons l’éventuel surplus de recettes procurées par la reprise de l'activité économique au désendettement de notre pays et à la réduction des déficits.
Contrairement à ce qu’a dit M. Rebsamen, nous sommes en avance sur le calendrier de réduction des déficits et non en retard.
M. François Marc. Ce n’est pas ce que dit Bruxelles !
M. François Baroin, ministre. Madame Bricq, vous avez évoqué vous aussi les méthodes de chiffrage. Je tiens à votre disposition l’ensemble des chiffres que nous avons retenus et vous verrez qu’ils sont sincères.
Mme Nicole Bricq. J’en ai pris connaissance !
M. François Baroin, ministre. Je vous renvoie également aux excellents travaux du rapporteur général.
Enfin, M. Fortassin, avec sa chaleureuse bonne humeur, pensait m'avoir convaincu de la nécessité de rejeter un texte que je soutiens. Même en assumant une certaine part de schizophrénie, cela me serait un peu difficile ! (Sourires.)
Monsieur le sénateur, vous avez souligné la faiblesse des recettes. L’explosion de nos déficits, incontestable, est liée essentiellement à la crise, qui a provoqué un effondrement de nos recettes.
M. François Marc. Ce n’est pas vrai !
M. François Baroin, ministre. Le retour à une dynamique des recettes ne passe pas par une augmentation des impôts. Malgré l’ampleur de cette crise, nous avons refusé de nous engager sur cette voie. Au cours de cette législature, à aucun moment le Gouvernement ne vous aura proposé un relèvement de la TVA, une hausse de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.
M. Guy Fischer. Mais les cotisations vieillesse des fonctionnaires ont augmenté !
M. François Baroin, ministre. Par avance, nous avons d'ailleurs annoncé que nous étions contre la création d'une tranche marginale de l'impôt sur le revenu, ainsi que le proposeront certains au cours de ce débat. Nous ne voudrions pas, par une augmentation des prélèvements obligatoires, casser la relance de l'activité économique.
Pour conclure, je rappellerai que la France a le triste privilège d'être sur le podium pour le niveau de ses dépenses publiques par rapport à la richesse nationale – plus de 56 % – et pour leur taux de croissance mais de l'être aussi pour le niveau de ses prélèvements obligatoires par rapport au PIB.
Puisqu’il s’agit là des deux leviers essentiels de la gestion budgétaire, nous avons fait un choix logique et simple : compte tenu de la crise – et aussi par choix politique assumé –, nous n’augmentons pas les impôts pour ne pas casser la reprise de l'activité économique, mais nous travaillons sur la maîtrise des dépenses et leur réduction. Puisque nous disposons d’une marge de manœuvre, nous poursuivrons cette politique pour l'exercice 2012 et après. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Claude Biwer applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
M. François Baroin, ministre. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, le Sénat accède bien volontiers à votre demande.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°222.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificatives pour 2011 (n° 612, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente un collectif budgétaire portant sur plusieurs centaines de millions d’euros d’abandon de recettes fiscales et prévoyant d’utiliser une recette exceptionnelle – le remboursement anticipé des constructeurs automobiles – pour apporter notre écot au plan « Grèce » de l’Union européenne...
Ainsi, nous serions sortis de la crise, la France irait mieux et nous ne pourrions que nous en satisfaire. Toutefois, la réalité économique et sociale de notre pays semble montrer que nous pourrions faire un autre usage des ressources ainsi dégagées par la « croissance retrouvée »...
Je vous invite donc, mes chers collègues, par cette question préalable, à nous demander ensemble comment agir autrement avec ce que d’aucuns nous proposent d’utiliser afin d’alléger I’ISF – pour mieux le faire disparaître demain sans doute –, ou afin d’assurer le rendement des créances souveraines sur la Grèce, tout simplement parce que nous devons être attentifs à l’usage des deniers publics.
Je formulerai deux remarques avant d’examiner cette question.
En effet, le préalable aux mesures proposées est que nous ne touchions aucunement au rendement de l’ISF.
Quelques explications s’imposent à ce propos. Il est évident, à la lecture des articles, comme de leurs exposés des motifs, que l’on tente, en fait, de favoriser l’investissement au sein des entreprises par les particuliers – en l’occurrence les redevables de l’ISF – et de défavoriser relativement les autres usages des capitaux disponibles.
On baisse l’ISF, on remet en question les conditions de donation mais, dans le même temps, on maintient le dispositif de financement des PME et on assouplit les règles de prise en compte des biens professionnels.
Ce postulat a d’ailleurs été rappelé lors de la discussion générale, monsieur le ministre : il faut favoriser le financement des entreprises, tout particulièrement des PME, par les particuliers, notamment via les dotations en capital. Quelle drôle d’idée, tout de même !
En effet, quand on examine le traitement fiscal proposé, on se rend compte que cette situation est très coûteuse pour les finances publiques.
Monsieur le ministre, quand un redevable de l’impôt sur le revenu ou de l’ISF investit dans une entreprise de notre pays, il peut, dans certaines limites – qui atteignent 50 000 euros dans le dispositif ISF-PME – déduire le montant des sommes investies de ses impôts. Ce sont, en quelque sorte, des avantages à l’entrée.
Pendant la période au cours de laquelle ce contribuable conserve ses parts sociales, ses actions, notre fiscalité lui permet d’imputer ses éventuelles pertes en capital si, par hasard, l’entreprise ne marche pas et, si elle marche, notre système actuel de crédit d’impôt sur les dividendes s’avère plus rentable que l’ancien avoir fiscal.
Ainsi, dans bien des cas, notamment pour les entreprises non cotées, notre redevable va « faire la culbute » à plusieurs reprises, grâce aux dividendes versés en échange de ses apports et aux crédits d’impôt obtenus.
Pour faire bonne mesure, toute cession anticipée de parts sociales ou de titres permet de dégager une plus-value, plus ou moins imposée, certes, mais généralement à un taux plus faible que les autres revenus.
Dès lors que l’on est assujetti à l’ISF, l’opération peut s’avérer encore plus rentable puisque l’adhésion à un pacte d’actionnaires « sauce Dutreil », ou plutôt « sauce de Wendel », comme l’histoire économique a pu le prouver quant à l’origine de la mesure, permet de percevoir des dividendes plus ou moins importants sans pour autant que l’on doive acquitter la moindre contribution au titre de la solidarité nationale. Et la cession des titres peut, notamment dans le cadre d’une donation soigneusement calculée, se dérouler dans des conditions évidentes d’optimisation fiscale.
Pourtant, dois-je rappeler que les dividendes ne sont rien d’autre que le remboursement de l’investissement initial et qu’ils constituent une préemption constante sur le produit du travail comme sur les fonds propres des entreprises ? Dans les entreprises du CAC 40, 40 milliards ou 50 milliards d’euros ne sont-ils pas ainsi distraits des fonds propres pour rémunérer le capital ?
Monsieur le ministre, l’option choisie par le Gouvernement – favoriser les investissements des particuliers et le financement des entreprises par la Bourse – est de nature à assurer à ces investisseurs un rendement de leur engagement d’autant plus significatif que la dépense fiscale associée, à l’entrée, pendant et à la sortie de ces investissements est particulièrement élevée. Or, à vous entendre tout à l’heure, j’ai cru comprendre que la politique du Gouvernement allait bientôt ruiner les riches !
Mes chers collègues, c’est ainsi que, depuis des années, se creusent les déficits publics sans que soit réglé le problème initial, c’est-à-dire l’insuffisance de fonds propres de nos PME !
A contrario, un financement par le crédit, d’autant moins onéreux qu’il serait en grande partie mieux contrôlé qu’aujourd’hui, ne poserait comme problème que celui de son effet sur les bénéfices de l’entreprise, lesquels pourraient être réduits du coût des intérêts ou de l’amortissement des prêts en capital accordés par tel ou tel établissement de crédit. La dépense fiscale, s’il y en avait une, serait alors une moins-value de recettes d’impôt sur les sociétés en provenance de l’entreprise financée, moins-value que pourrait compenser d’autant l’élévation du résultat de l’établissement de crédit.
Mais cela imposerait de changer de politique du crédit, et notamment de parvenir, au niveau européen, à un accord sur des taux directeurs les plus faibles possibles, permettant le refinancement des entreprises à moindre coût.
Voilà qui nous conduirait sans nul doute à nous interroger une nouvelle fois sur la maîtrise publique du secteur bancaire et assurantiel, en revenant, par exemple, sur le mouvement de privatisation qui n’a conduit, dans notre pays, qu’au développement de l’exclusion bancaire des plus vulnérables et à l’émergence des produits dérivés les plus spéculatifs.
Venons-en à la question de l’utilisation de l’argent public.
Quelques centaines de millions d’euros étaient bien disponibles puisqu’on a décidé de réduire les impôts. Et l’on a ainsi décidé de réduire l’ISF plutôt que de répondre aux attentes sociales immédiates.
Permettez-moi en cet instant de pointer du doigt ce que nous aurions pu faire des sommes concernées si nous avions voulu nous en servir pour – horreur inconcevable pour tous les charlatans européistes ! – augmenter les dépenses publiques.
Prenons le cas de la justice.
C’est peu dire que, depuis 2007, des mesures ont été prises dans ce domaine et que, sur tout sujet relatif aux questions juridiques et judiciaires, nous avons eu de quoi faire avec les projets gouvernementaux ! Depuis la refonte de la carte judiciaire en passant par la mise en œuvre des peines plancher, sans oublier le récent texte qui criminalise la maladie mentale bien plus qu’il ne la soigne, nous avons eu du pain sur la planche !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On n’est plus tout à fait dans le sujet !
M. Thierry Foucaud. Si, précisément, monsieur le rapporteur général, parce que nous pouvons nous demander ce que nous aurions pu faire avec 1,8 milliard d’euros au regard des besoins de la France et des Français, au lieu de satisfaire la minorité de celles et ceux qui vont bénéficier encore un peu plus de l’ISF. Vous ne daignez pas regarder la vérité en face, mais d’évidents problèmes se posent dans les domaines de la santé, de l’école, de la justice. Permettez-moi de les évoquer brièvement.
En fait, si l’on observe les indicateurs associés aux crédits de la mission « Justice », il semble bien que les délais d’instruction des affaires n’ont pas été réduits de manière significative et que la mise en œuvre des procédures est toujours aussi longue qu’auparavant.
Pour faire bonne mesure – et je ne sais si cela est dû à la sévérité des jurys ou à l’aggravation de l’échelle des peines –, nous avons battu les records d’occupation de nos prisons et de nos établissements pénitentiaires, avec plus de 65 000 détenus pour un nombre de places très nettement inférieur.
La situation, particulièrement préoccupante, peut se caractériser ainsi : trop peu de gardiens dans les établissements, trop peu de conseillers de probation, trop peu d’intervenants éducatifs en milieu ouvert, notamment pour prévenir la délinquance des plus jeunes, trop peu de personnels à la protection judiciaire de la jeunesse, pas de moyens pour construire et proposer des alternatives à la prison, etc.
Nous avons besoin d’un millier d’intervenants dans les services de probation et de moyens nouveaux pour l’aide juridictionnelle : voilà des choix qui témoigneraient clairement d’une nouvelle orientation de la mission « Justice ».
Et nous pouvons tout à fait reproduire cette démonstration dans d’autres domaines, notamment celui de l’éducation. Car le 1,8 milliard d’euros auxquels le Gouvernement est prêt à renoncer en réduisant le rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune représente plusieurs dizaines de milliers de postes d’enseignants du premier ou du second degré – 50 000, en fait –, ceux-là mêmes que l’on supprime aujourd’hui à tour de bras pour tenir l’imbécile objectif de disparition d’un emploi budgétaire sur deux agents de la fonction publique partant à la retraite !
Il y a, dans ce 1,8 milliard d’euros, mes chers collègues, de quoi commencer dès la rentrée 2011 le moratoire sur la fermeture des écoles en milieu rural que le Président de la République a cru bon d’annoncer aujourd'hui à La Canourgue, chez notre collègue Jacques Blanc, mais pour la rentrée 2012.
Le niveau des élèves en sortie de CM2 comme celui de nombreux collégiens, les difficultés d’insertion sociale et professionnelle d’environ 150 000 jeunes par génération constatées ces dernières années ne constituent-ils pas, pourtant, des raisons suffisantes pour que nous changions notre fusil d’épaule et que nous envisagions de donner aux plus jeunes des Français les moyens d’une scolarité réussie ? D’autant qu’il nous faudra ensuite payer la facture sociale résultant de cette fracture éducative !
Une meilleure formation pour nos jeunes, des angoisses moindres pour leurs parents : cela ne vaut-il pas que nous revenions tout simplement sur cette réforme de la fiscalité du patrimoine ? Mais cela implique effectivement d’opérer d’autres choix, de fixer d’autres priorités à l’action publique, de définir d’autres voies.
Et j’aurais pu évoquer de la même manière le logement, la santé, les transports, la culture.
Nous ne légiférons pas uniquement, mes chers collègues, pour complaire aux agences de notation ! Nous légiférons pour que l’argent public aille à ceux qui en ont besoin, pour répondre aux attentes sociales, pour créer les conditions de la croissance et du développement de l’ensemble de la société.
Il y a donc mieux à faire avec le fruit du travail de tous que de veiller au confort financier des contribuables de I’ISF, ainsi que cela nous est proposé aujourd’hui.
Je veux encore pointer quelques-unes des contradictions du discours gouvernemental comme de l’analyse de notre rapporteur général.
Le présent texte constitue un ensemble de mesures destinées à réformer la fiscalité du patrimoine, mais, comme par hasard, le jeu du « qui perd gagne » ne concerne pas toujours les mêmes personnes…
Figurez-vous, mes chers collègues, que la fiscalité du patrimoine, ce sont 56 milliards d’euros de rentrées fiscales pour l’État ou les collectivités, dont 14 milliards d’euros au titre de la seule taxe foncière. Quels sont, dans ce texte, les efforts réalisés sur ce dernier point ? Il n’y en a aucun ! Il aurait pourtant été bienvenu de faire un geste envers les petits propriétaires, ceux dont le pavillon de banlieue vaut, au mieux, 100 000 euros et qui ont vu, eux, leur taxe augmenter sans interruption année après année !
Autre exemple : une partie de la réforme est gagée sur la suppression du bouclier fiscal, dispositif aux effets « mitigés », selon les termes du rapporteur général lui-même. Autrement dit, pour supprimer un dispositif boiteux, le bouclier fiscal, on s’attaque à un impôt efficace, l’ISF. Parmi les perdants de la réforme figurent donc, entre autres, les 3 500 ménages qui ne sont pas redevables de l’ISF et qui avaient, pourtant, sollicité le bouclier fiscal, notamment pour leur taxe foncière. La seule réponse que l’on ait trouvée est celle de la cote mal taillée de l’article 14.
Mais surtout, comme nous nous en sommes rendu compte, la réponse la plus nette que le Gouvernement ait trouvée est celle de la remise en cause du dispositif des donations, dont on a pu vérifier, depuis la loi TEPA du 21 août 2007, tout le caractère pernicieux. Hélas, le Gouvernement fait notamment le choix de taxer un peu plus les donations d’un montant inférieur au seuil d’application de l’ISF. Cela conduit à financer la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’augmentation des droits perçus sur les donations dont le montant sera inférieur à 1,3 million d’euros, seuil d’entrée dans l’ISF et, pis encore, pour les biens immobiliers, à 800 000 euros.
Ce sont donc des ménages moyens un peu moins riches que les actuels redevables de l’ISF qui vont payer la facture pour ceux qui sont pourtant à la tête d’un patrimoine élevé.
Quant aux effets de la mesure, nous les connaissons : tandis que, le 1er juillet, les 3 millions de smicards de notre pays toucheront exactement 27,30 euros bruts de plus sur leur fiche de paie, si ce texte est voté en l’état, 310 000 foyers redevables de l’ISF gagneront, sans le moindre effort, sans fournir aucun travail, environ 1 100 euros sur l’année, soit l’équivalent d’un SMIC brut mensuel !
Encore plus fort : les quelques milliers de redevables de l’ISF qui disposent d’un patrimoine plus important vont, quant à eux, toucher le jackpot ! Avec un peu plus de 40 millions d’euros de patrimoine, ce sont 450 000 euros, soit l’équivalent d’un SMIC mensuel chaque jour, qui seront rendus à chacun de ces contribuables !
Que valent 1 000 ou 1 500 euros rendus à 300 000 contribuables de l’ISF face aux difficultés qui attendent 150 000 jeunes sans diplôme lorsqu’il s’agit pour eux de trouver un emploi et de se dessiner un avenir ? Que vaut le 1,8 milliard d’euros de baisse de l’ISF face au million de mal-logés, aux 2,6 millions de chômeurs officiels ?
Devant un tel choix de société, nous ne pouvons, mes chers collègues, que vous inviter à adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il va de soi que la commission des finances est fermement opposée à cette motion. En vérité, nous sommes impatients d’engager l’examen des articles. Il serait dommage que tout le travail accompli, qui se traduit en particulier par un rapport de près de 600 pages, soit gaspillé et n’éclaire pas utilement les délibérations de la Haute Assemblée. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Il faut donc, mes chers collègues, rejeter sans état d’âme cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Bien entendu, le Gouvernement demande également le rejet de cette motion.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 222, tendant à opposer la question préalable, à laquelle la commission et le Gouvernement sont défavorables.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 249 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS