compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Daniel Raoul.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 26 mai 2011, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016.
Acte est donné de cette communication.
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Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 27 mai 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-155 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
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Éthique du sport et droits des sportifs
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 422, texte de la commission n° 545, rapport n° 544).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.
M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sport a aujourd'hui le pouvoir, reconnu, de rapprocher les peuples et de promouvoir une forme de compétition positive et constructive, en tenant à l’écart les rivalités partisanes, voire violentes, trop souvent à la base des relations humaines. Oui, le sport peut et même doit apaiser les mœurs !
C’était du reste la volonté autant que l’espoir de Pierre de Coubertin lorsqu’il a donné un nouveau souffle aux jeux Olympiques. À ce propos, il convient, me semble-t-il, de raviver la flamme originelle, de maintenir et d’entretenir un tel état d’esprit, voire, dans certains cas et pour certaines disciplines sportives, de le restaurer.
En tout cas, c’est bien dans cette démarche que s’inscrivent les auteurs de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter au nom des membres du RDSE.
Faut-il rappeler à quel point le sport constitue non seulement un facteur de cohésion sociale, mais aussi un vecteur d’éducation et d’identité culturelle ? À mon sens, ce n’est plus à démontrer. Nous sommes tous très fiers lorsqu’un Français monte sur l’une des marches du podium, surtout si c’est la plus haute : nous sentons tous une très forte émotion nous envahir, et c’est alors un grand moment de communion nationale ! Mais tout cela n’a d’intérêt que si de telles victoires sont obtenues à la régulière, dans le respect de l’éthique et des valeurs sportives.
Plus largement, nous sommes tous très fiers lorsqu’un athlète, quelles que soient sa nationalité, ses croyances ou sa couleur de peau, accomplit une performance physique et sportive qui repousse encore un peu plus loin les limites du possible. Car le sport, qu’il soit pratiqué seul ou en équipe, demeure avant tout un défi à soi-même, un défi physique, mais également psychologique. Pratiquer un sport, c’est apprendre non seulement à se connaître, mais aussi à mieux connaître et respecter les autres.
Au-delà de tout esprit de compétition, au-delà de toutes les médailles que l’on peut collectionner et de tous les trophées que l’on peut brandir, l’essentiel est bien ailleurs ; mes chers collègues, vous connaissez la formule : « L’essentiel est invisible pour les yeux. » L’essentiel, c’est d’être un homme le plus accompli possible, bien dans son corps, bien dans sa tête – mens sana in corpore sano » disait-on du temps des Romains –, en harmonie avec soi-même et avec ceux qui l’entourent. Voilà, madame la ministre, la première fonction du sport, et de très loin la plus importante.
C’est bien cette fonction sociale du sport qu’il faut réhabiliter, a fortiori dans une société en perte de repères. C’est pourquoi il ne saurait y avoir de sport sans éthique : ce serait un non-sens ! Sport et éthique sont consubstantiels ; devoir le rappeler aujourd’hui est bien la preuve qu’il y a un malaise qu’il ne nous est pas permis de nier.
Mes chers collègues, pratiquer une activité sportive, c’est entrer dans une formidable école de respect et de civisme. Le sport se trouve aujourd’hui, plus que jamais, au fondement même du « vivre ensemble ».
Ce sont justement ces fondamentaux que nous souhaitons restaurer, car on les trouve toujours au sein du sport amateur, certes, mais de moins en moins, hélas, au plus haut niveau. On a parfois l’impression que l’esprit de compétition, exacerbé par des enjeux financiers colossaux, vient dénaturer l’essence même du sport, au point que le législateur et le politique doivent intervenir et s’en mêler pour demander, comme on le dit dans un match, un « temps mort », provoquer une réflexion, une prise de conscience collective.
À l’instar de bien d’autres secteurs qui traversent une crise forte, le sport a selon moi besoin d’être, lui aussi, régulé, pour mettre un terme à certaines dérives qui sont inacceptables, car elles sont tout simplement contraires aux valeurs sportives. En effet, ces évolutions mettent en péril les fondements mêmes de notre société et jouent contre le sport lui-même.
Nous en convenons tous : le sport de compétition et les sportifs de haut niveau doivent pouvoir constituer un exemple et un modèle à suivre pour l’ensemble de la société, à commencer par notre jeunesse à qui l’on reproche si souvent manque de rigueur, manque de respect, manque de civisme et absence d’efforts. Aujourd’hui, du fait de l’hypermédiatisation du sport, les jeunes s’identifient totalement aux sportifs professionnels ou de haut niveau, devenus de véritables « dieux modernes », comme l’étaient les héros grecs de l’Antiquité.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : renforcer l’éthique du sport, c’est aussi panser les maux de notre société. C’est en cela, du reste, que nous défendons, au travers de notre proposition de loi, une cause noble et humaniste, tout comme nous l’avions fait voilà déjà un peu plus d’un an en permettant l’adoption par le Parlement du texte instaurant un service civique, lequel donne grande satisfaction sur le terrain, madame la ministre.
C’est dans la même démarche citoyenne, civique et humaniste que les sénateurs du RDSE se sont inscrits en déposant la présente proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui.
Mes chers collègues, il est difficile de ne pas le constater, nous assistons à une véritable « crise des valeurs sportives ». Depuis plusieurs années, le problème du dopage entache le crédit du monde sportif.
Toutefois, il est loin d’être le seul fléau, hélas ! L’actualité sportive est régulièrement émaillée d’affaires qui viennent éclabousser la réputation de nombreux champions, tout en jetant l’opprobre sur l’ensemble d’une discipline. Cet opprobre se propage du haut vers le bas, du monde professionnel vers celui des amateurs, qui sont alors victimes des comportements irresponsables de ceux qui sont censés donner l’exemple.
Ces « affaires », qui concernent en premier lieu le dopage, sont particulièrement choquantes et consternantes, car elles salissent durablement l’image de certaines disciplines. Il n’y a pas de place pour les tricheurs dans le sport : ou l’on accepte une compétition « à armes égales », ou l’on déclare forfait, sans quoi la victoire ne vaut rien !
Évidemment, il n’y a pas que le dopage : la violence sur les terrains de sport et en dehors, le trucage de matchs, la corruption ou encore le racisme sont des phénomènes tout aussi choquants et, malheureusement, de plus en plus fréquents. Disons-le haut et fort à cette tribune : ils n’ont rien à voir avec le sport, ils n’ont rien à faire dans le monde sportif, ils sont contraires à toutes les valeurs de tous les sports !
Je n’entrerai pas dans le détail des dernières polémiques, notamment celle des « quotas » dans les centres de formation de football, car nous savons tous ce qu’il en est. D’ailleurs, il faut le dire, notre texte avait été déposé bien avant que n’éclate cette affaire navrante, qui n’aurait jamais dû voir le jour si nous connaissions un climat sain et apaisé ; elle est donc une preuve supplémentaire de la grave crise que traverse le sport.
Quoi qu’il en soit, l’actualité n’a jamais été aussi brûlante que ces dernières semaines, et l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée de notre proposition de loi, issue de longs travaux internes de réflexion, n’en est donc que plus satisfaisante pour nous. Elle est l’occasion pour le Parlement, et d’abord pour le Sénat, d’adresser un message fort et sans ambiguïté en direction du monde sportif.
Nous avons fait le choix, délibéré, de déposer un texte qui prenne en compte diverses problématiques pour tenter, au mieux et au plus vite, de redorer le blason du sport en restaurant l’éthique dans ces activités et en renforçant les droits des sportifs. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité, tant les attentes sont grandes, et nous avons conscience de ne pas résoudre tous les problèmes avec notre texte. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous faisons preuve d’humilité. Nous attendons donc beaucoup de la procédure parlementaire pour enrichir et améliorer, sensiblement sans doute, nos propositions. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons accepté de collaborer avec la commission de la culture et son excellent rapporteur, que je tiens à remercier particulièrement du travail accompli.
J’ai ainsi accepté plusieurs de ses propositions, qui ont dès lors pu être introduites dans notre texte lors de son examen en commission la semaine dernière.
En revanche, je n’ai pas pu donner mon accord à quelques-unes de ses propositions qui, bien qu’elles soient intéressantes, sont selon moi sans lien avec les objectifs visés par le texte.
Entendons-nous bien, mes chers collègues : notre proposition de loi n’a pas vocation à devenir un texte « fourre-tout » portant diverses dispositions sur le sport et les sportifs.
Notre but n’est pas non plus de mettre en accusation qui que ce soit. Nous proposons plutôt une série de dispositifs pratiques tendant, avant tout, à réintroduire l’éthique sur le devant de la scène sportive.
En effet, il est devenu intolérable que des messages négatifs de violence, de dopage, de non-respect des autres puissent être véhiculés par le sport.
Nous préconisons donc, tout d’abord, d’instaurer des règles de base et de réaffirmer les valeurs intangibles auxquelles le monde sportif, dans sa globalité, ne devrait plus déroger. Cette « remoralisation », si l’on peut dire, du sport passe, selon nous, par la rédaction, et surtout le respect, d’une « charte éthique ».
Notre idée est née tout simplement de la réussite de ce type d’initiatives prises par les fédérations dans certaines disciplines ; je pense particulièrement aux arts martiaux, qui ont joué le rôle de précurseurs, ou au rugby. Nous souhaitons donc, tout simplement, généraliser l’existence de ces chartes éthiques.
Les fédérations et les dirigeants sportifs ont un rôle majeur à jouer dans le respect d’une éthique sportive. Ils doivent être partie prenante, avec les sportifs et à leurs côtés. Je rappelle, car ce point n’est pas assez souvent souligné, que les fédérations sportives participent à l’exécution d’une mission de service public. Désormais, elles devront toutes se doter d’une charte de ce type, qui réaffirmera une série de valeurs, comme la solidarité, la loyauté, le respect de soi et des autres. C’est tout le sens de l’article 1er de ce texte.
Dans cette même logique de renforcement des pouvoirs des fédérations sportives, nous proposons, à l’article 3, d’élargir le rôle de celles-ci en matière d’édiction de mesures destinées à réguler leur discipline.
En effet, au vu de leur mission de régulation, les fédérations et les ligues se voient dans l'obligation d’adopter des règles relatives à l’environnement juridique, administratif et financier dans lequel se déroulent les compétitions sportives. Une évolution du code du sport concernant la définition des compétences des fédérations et des ligues nous paraît indispensable afin, notamment, de conforter cette capacité des organisateurs à définir et à faire appliquer les règlements.
Mes chers collègues, la disposition que nous vous proposons d’adopter permettra de sécuriser l’institution de la « licence club », sur le modèle de celle qui est accordée par l’UEFA pour la participation des clubs de football aux compétitions européennes. Ce système représente pour un projet clef cette institution, qui a pour objectif de renforcer la crédibilité du football.
Une telle démarche est, bien sûr, valable pour toutes les disciplines. Il s’agit de s’appuyer sur un ensemble de standards de qualité, que les clubs doivent remplir pour pouvoir participer à des compétitions et parmi lesquels figurent la transparence ou encore l’intégrité. Ainsi, une licence accordée sera le gage d’un certain niveau de qualité, synonyme de garanties juridiques et, par là même, d’éthique.
Par ailleurs, l’article 3 fixe un plafond salarial s’imposant aux clubs. Est principalement visé le monde du football, qui concentre la plupart des situations les plus extrêmes. On y découvre, par la presse, l’existence de contrats fabuleux.
Le constat est bien connu : tous les meilleurs joueurs sont concentrés dans une dizaine de clubs aux moyens financiers colossaux, dont la plupart, il faut le souligner, sont paradoxalement terriblement endettés.
La bonne gestion financière des clubs doit être un critère pour le respect de l’éthique sportive. Où est l’éthique quand un club remporte le Championnat ou la Coupe d’Europe alors qu’il connaît un niveau d’endettement record et que, dans le même temps, certains se privent des meilleurs talents pour que leurs comptes ne soient pas dans le rouge ? C’est une situation proprement scandaleuse !
Déjà pratiqué dans les principaux sports aux États-Unis, le salary cap, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a pour but de limiter la masse salariale de chaque club. J’avais d’ailleurs eu l’occasion, madame la ministre, d’en faire la promotion et d’en demander l’instauration en France dans un rapport sénatorial, que j’avais remis en 2004, intitulé Quels arbitrages pour le football professionnel ? Tout le monde se souvient sans nul doute de ce rapport remarquable… (Sourires.) Le salary cap a déjà été mis en place en France par la Ligue nationale de rugby, qui est toujours en avance, soulignons-le. Nous souhaitons maintenant sa généralisation.
Bien entendu, il faudra que cette mesure soit reprise à l’échelon européen, les compétitions étant également organisées à ce niveau, tandis que le marché des transferts, quant à lui, est mondial.
Cette uniformité en Europe est indispensable. Vous le savez bien, madame la ministre, et nous comptons sur vous pour continuer à relayer la position de la France dans sa bataille, qui sera difficile, pour l’intégrité financière du sport en Europe.
Nous savons que les instances de l'Union européenne de football association, l’UEFA, présidée par Michel Platini, plaident en faveur du « fair-play financier », qui a précisément pour objet de freiner l’inflation des dépenses engagées par les clubs.
La tendance est donc favorable à un assainissement de la vie financière du football. Il faut persévérer dans ce sens. C’est la seule voie possible, selon nous, pour restaurer éthique et confiance dans le monde du football professionnel et du sport professionnel en général et pour éviter une grave crise.
Toujours dans le même esprit, l’article 5 de la présente proposition de loi tend à renforcer le contrôle de gestion applicable aux clubs professionnels.
Le dernier article que nous avions souhaité inscrire au titre Ier consacré au respect des valeurs du sport concerne la prévention des conflits d’intérêt. En effet, en matière de sport comme pour la chose publique, on ne peut être à la fois juge et partie. Il est temps d’encadrer et de limiter certains cumuls de fonctions.
C’est pourquoi l’article 6 du texte initial prévoit certaines incompatibilités dans le domaine sportif. Il sera désormais interdit à une même personne privée de détenir le contrôle ou d’être dirigeant de plus d’une société sportive dont l’objet social porte sur une même discipline sportive.
Lors de l’examen en commission de notre proposition de loi, un certain nombre d’articles ont été ajoutés au titre Ier par M. le rapporteur, avec notre accord. Ils concernent la revente illicite de billets aux abords des enceintes sportives ou sur internet, le plafonnement de la rémunération des agents sportifs, la prévention des conflits d’intérêt en matière de paris, ou encore la création d’un délit pénal de manipulation de compétition sportive. Toutes ces mesures garantissent une plus grande éthique dans le monde du sport, pris au sens le plus large. À l’évidence, nous les approuvons pleinement.
Le deuxième pan de ce texte concerne la formation des sportifs.
Le sport professionnel se trouve confronté au problème de l’adaptation de l’enseignement, notamment dans le secondaire. De trop nombreuses difficultés subsistent qui entravent la mise en œuvre d’un double projet de vie, sportif et professionnel.
La formation des jeunes sportifs est donc indispensable pour assurer leur éducation et leur avenir de ces derniers, au même titre que leur engagement dans une carrière sportive est indispensable pour irriguer les disciplines en futurs talents.
C’est pourquoi nous avons souhaité que les établissements scolaires du second degré permettent aux sportifs évoluant dans des centres de formation agréés de concilier le déroulement de leurs études avec la poursuite de leur carrière sportive, comme c’est déjà le cas pour les sportifs de haut niveau. Tel est l’objet des articles 7 et 8.
Un amendement de la commission visant à ouvrir aux centres de formation agréés par le ministère des sports la possibilité de bénéficier de la part « barème » de la taxe d’apprentissage est venu, avec notre accord, compléter le dispositif.
Le dernier grand chantier proposé par notre texte, et non des moindres, est la lutte contre le dopage. Ce dernier porte atteinte aux valeurs éthiques fondamentales du sport. Il met en péril non seulement la santé des athlètes, mais aussi la crédibilité et l’intégrité de leur discipline. Il est, selon nous, la négation même de l’esprit sportif. Il constitue un fléau qu’il convient d’éradiquer !
Le sportif doit être un modèle de dépassement de soi, aussi bien au moment de la compétition que pendant toute la période d’entraînement. La devise des jeux Olympiques modernes, Citius, altius, fortius – plus vite, plus haut, plus fort –, traduit une conduite à suivre au quotidien, une manière de vivre pour les sportifs, une exigence de chaque instant, autrement dit une éthique. Le sportif doit songer à son propre dépassement avant de chercher à dépasser les autres.
À l’origine source de plaisir, le sport est trop souvent devenu, sous la pression des impératifs médiatiques, publicitaires et financiers, un combat acharné où tous les coups sont permis. On voit parfois, dans les manchettes des journaux, les mots : « Défaite interdite ! ». Que signifie une telle expression dans le sport ? Elle ouvre la porte à tout, en l’occurrence au dopage. Celui-ci constitue un grave problème de santé publique et surtout, je le répète, la négation de toutes les valeurs qui font du sport un instrument irremplaçable d’intégration sociale et de formation à l’esprit civique.
Nous savons tous à quelles pressions peuvent être soumis les sportifs : le poids des intérêts financiers, des médias ou, tout simplement, l’angoisse de l’échec, la peur de perdre, toutes ces pressions conjuguées sont à l’origine du dopage et des terribles drames humains dont nous avons tous connaissance.
La France, il faut le souligner, a été l’un des premiers pays à réprimer le dopage. En presque cinquante ans, plusieurs textes législatifs se sont succédé. Très tôt, dès 1965 avec la loi Herzog, puis, en 1989, avec la loi Bambuck, notre pays a organisé la répression de l’usage de stimulants lors des compétitions sportives. La loi Buffet de 1999 a ensuite fait de la lutte contre le dopage une priorité. Puis, la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a institué l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, dotée de pouvoirs étendus en matière de contrôles, d’analyses et de sanctions.
En outre, l’adoption, dans le cadre de l’UNESCO, de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, ratifiée par la France en 2007, a permis de fixer un cadre juridique contraignant pour l’application du code mondial antidopage.
Enfin, la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants a mis en place une législation pénale spécifique et renforcé les pouvoirs de l’AFLD. Des outils juridiques et des instances existent donc, mais cela ne suffit pas !
La France est reconnue sur le plan international pour son exigence dans ce domaine. Il nous a même été parfois reproché d’avoir une législation trop sévère par rapport à celle des autres pays… Ne tombons pas dans ce piège : nous devons montrer l’exemple et nous ne serons jamais coupables de trop en faire dans la lutte contre le dopage.
La France a considérablement contribué à faire avancer cette cause à l’échelle mondiale, et il faut s’en féliciter. La création de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, en 1999, et l’adoption, en 2003, du code mondial antidopage attestent d’une volonté réelle et générale d’enrayer ce fléau.
La proposition de loi que nous soumettons aujourd’hui à l’examen du Sénat permet d’avancer davantage dans la voie de la lutte contre le dopage.
La ratification de l’ordonnance du 14 avril 2010 était attendue : nous la rendons effective. Prévue par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, cette ordonnance vise, d’une part, à harmoniser le code du sport avec les dispositions les plus récentes du code mondial antidopage, et, d’autre part, à clarifier certaines dispositions du code du sport relatives à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
D’un point de vue pratique, il nous avait semblé plus simple de proposer l’abrogation de cette ordonnance afin de réintroduire sans les modifier certaines de ses dispositions restant pertinentes et d’adapter celles qui en ont besoin. Au final, lors de mes nombreux échanges avec M. le rapporteur, mon point de vue a évolué, et nous avons accepté de procéder autrement. La ratification de l’ordonnance dans son ensemble, assortie de quelques modifications ponctuelles, permettra, notamment, une meilleure lisibilité de ce texte. Nous en avons pris acte.
Concernant les adaptations que nous avons souhaité proposer sur le thème de la lutte contre le dopage, un point me tient particulièrement à cœur : il s’agit du renforcement des pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage, notamment par le transfert à cette dernière du pouvoir de sanction des sportifs dopés, qui relève aujourd'hui des fédérations.
Je sais que cette mesure ne fait pas l’unanimité et je le regrette fortement. Aussi, je souhaite préciser notre position.
Ce transfert serait, je crois, le meilleur moyen de renforcer l’éthique, puisqu’il permettrait d’ôter toute suspicion dans les décisions des fédérations concernant d’éventuelles sanctions à l’encontre d’un sportif contrôlé positif. En effet, on comprend aisément qu’une fédération ait du mal à sanctionner l’un des siens sachant que cela revient à jeter le discrédit sur la discipline sportive qu’elle est chargée de promouvoir. Elle sera donc toujours tentée – me semble-t-il, mais je suis prêt à évoluer sur ce point – d’absoudre, de minimiser et de passer l’éponge. Et si elle le fait de façon totalement méritée et justifiée, il subsistera toujours un doute, pour ne pas dire plus, qui nuira au sportif concerné, comme à la fédération elle-même.
Aussi, selon moi, la moins mauvaise solution, qui rendrait d’ailleurs service aux fédérations sportives, serait bien de leur retirer ce pouvoir de sanction, conformément au principe de séparation des pouvoirs.
J’ajoute que la plupart des fédérations agréées sont de très petite taille et qu’elles sont gérées par des bénévoles. Il leur est parfois difficile de s’occuper des affaires de dopage.
En outre, elles ont été parfois amenées à juger de façon très différente des affaires similaires, ce qui pose, dès lors, un véritable problème d’équité entre les sportifs.
Enfin, au risque de me répéter, le conflit d’intérêt me semble patent. En effet, les missions des fédérations étant de défendre l’image de leur discipline, ainsi que les intérêts économiques liés à cette dernière, la lutte contre le dopage s’oppose à ces objectifs. Ce point fera sans doute l’objet d’un débat.
Notre proposition de loi vise également à confier à l’Agence française de lutte contre le dopage de nouveaux pouvoirs en matière de prévention et de recherche.
Nous nous réjouissons que la commission soit allée dans notre sens en rappelant l’importance du rôle tenu par le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry en matière de recherche sur les produits dopants.
Par ailleurs, dans ce même esprit, nous sommes satisfaits de l’initiative de M. le rapporteur, qui est très actif sur ce dossier, vous l’aurez noté, mes chers collègues, et qui souhaite donner à l’AFLD le pouvoir d’effectuer des contrôles sur des compétitions sportives nationales se déroulant à l’étranger. Il s’agit d’un réel progrès.
Pour terminer, je souhaite aborder la question des derniers articles qui ont été introduits dans le texte d’origine au travers des amendements adoptés en commission et qui sont sans aucun lien avec l’objet même de cette proposition de loi.
Sans même évoquer le fond de ces amendements, je trouve particulièrement regrettable qu’ils aient pu être introduits dans notre texte, avant la séance publique et sans notre accord, à la différence des propositions de M. le rapporteur. Je trouve pour le moins étrange que des amendements ne convenant pas aux auteurs d’une proposition de loi puissent, eux, à la différence de ceux du rapporteur, être intégrés dans ces conditions au texte qui doit être discuté en séance publique. Je tenais à le souligner.
Par conséquent, le texte qui est proposé au Sénat aujourd’hui correspond à ce que souhaitent les auteurs de la proposition de loi, à l’exception des deux dispositions issues des amendements que je viens de mentionner et visant, l’une, le contrat de concession entre l’État et le Stade de France – Mme la ministre évoquera sans doute ce dossier –, l’autre, les conditions de diffusion audiovisuelle de brefs extraits de compétitions sportives.
C’est pourquoi je vous présenterai des amendements de suppression de ces deux dispositions qui, encore une fois, n’ont rien à faire dans ce texte : elles sont hors sujet et, comme je l’ai souligné, il n’est pas question pour nous de faire de cette proposition de loi un véhicule législatif destiné à toutes dispositions autres que celles qui visent à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
Mes chers collègues, tout en souhaitant la suppression des deux dispositions que je viens d’évoquer, je vous invite à adopter la présente proposition de loi et, ainsi, à vous associer au groupe du RDSE pour adresser un message fort au monde sportif et à l’ensemble de la société française : la pratique du sport ouvre des droits pour les sportifs, comme pour les dirigeants, mais elle implique aussi, et surtout, des devoirs et le respect d’un certain nombre de valeurs et de principes. C’est précisément ce que l’on appelle « l’éthique du sport », qu’il convient de revaloriser pour le plus grand bien de tous ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)