Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Je suis favorable à l’amendement de M. Cazeau parce qu’il vise à rétablir la version initiale du Gouvernement. Cela dit, M. le rapporteur a parfaitement raison de souligner la contradiction totale qui existe entre l’objet et l’amendement lui-même. M. Cazeau en a d’ailleurs convenu.
Par ailleurs, j’émets un avis défavorable sur l’amendement de Mme Hermange. Je reste en effet persuadé que son adoption conduirait à opérer un véritable recul.
Mme la présidente. Monsieur Cazeau, l’amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Non, madame la présidente, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 24 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l’amendement n° 39 rectifié bis.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je n’ai, pour ma part, aucune raison de retirer mon amendement. Tous les scientifiques le disent depuis une dizaine d’années, la vitrification va permettre de réduire le nombre d’embryons conservés. Mon amendement n’est rien d’autre qu’un amendement de cohérence par rapport à cette nouvelle technique qui est ici envisagée.
De plus, contrairement à ce que prétend M. le rapporteur, la mesure que je préconise ne sera pas d’application trop rapide puisque, dans un amendement qui viendra ensuite en discussion, je propose un délai d’un an pour assurer la transition.
Si l’on est vraiment sûr qu’il s’agit d’une technique éprouvée, on en prend acte et on l’inscrit dans la loi : c’est ce que vous nous proposez. J’ouvre une parenthèse pour signaler qu’il y a aussi des articles scientifiques dans lesquels sont évoqués un certain nombre de problèmes. Mais quand on veut les occulter, on y arrive toujours…
On nous dit que la vitrification ovocytaire va limiter le nombre d’embryons. J’en prends acte. Je comprends très bien qu’il faille un délai aux laboratoires pour s’adapter : je propose de le fixer à un an, mais j’accepterais qu’il soit porté à deux ou trois ans, si vous préférez.
Pour autant, il va arriver un moment où, dans nos congélateurs, ce seront non pas 150 000 embryons surnuméraires qui seront conservés, mais 300 000. Or il s’agit aussi, à l’image de la dette financière dont nous parlons souvent, d’une autre dette que nous laissons à nos enfants.
M. Guy Fischer. Oh là là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comparaison n’est pas raison !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Hermange, l’article 22 du projet de loi prévoit déjà de limiter le nombre d’ovocytes fécondés. Pour cette raison, je pense que l’adoption de votre amendement non seulement n’apporterait rien de plus, mais à mon sens opérerait aussi un recul.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Article additionnel après l’article 19
Mme la présidente. L’amendement n° 166, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2141-11 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue par l’article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Article 20
L’article L. 2141-2 du même code est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. » ;
2° Au dernier alinéa :
a) À la première phrase, les mots : «, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « et consentir » ;
b) Après la première phrase est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils doivent être mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ».
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Cet article 20 a pour objet, d’une part, d’affirmer la finalité médicale de l’assistance médicale à la procréation, et, d’autre part, d’ouvrir l’accès à l’AMP aux personnes liées par un pacte civil de solidarité, et ce sans condition de délai.
Notre groupe a déposé deux amendements sur cet article.
L’un vise à supprimer tout critère relatif au mode d’union des couples ayant recours à l’aide médicale à la procréation : c’est l’amendement n° 25 rectifié.
L’autre tend à ouvrir l’aide médicale à la procréation à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels : c’est l’amendement n° 26, sur lequel je m’attarderai un peu.
À notre sens, l’AMP doit être ouverte à l'ensemble des couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, à partir du moment où ils ont un projet familial.
Il est important, à ce stade, de rappeler que l’orientation sexuelle des futurs parents fait partie de leur vie privée et qu’elle ne nous regarde pas. La Cour européenne des droits de l’homme l’a explicité, le 22 janvier 2008, dans l’arrêt E.B. contre France, tout comme, plus récemment, le tribunal administratif de Besançon : aucune discrimination ne peut et ne doit être faite sur le fondement de l’orientation sexuelle, puisque cet élément est une composante de la vie privée.
De plus, la société ne doit plus avoir peur de l’homoparentalité. La famille, aujourd’hui, ce n’est plus uniquement une mère et un père mariés et des enfants.
Plus de la moitié des enfants naissent hors mariage, et il existe de nombreux schémas familiaux différents : la famille monoparentale – un foyer sur cinq –, la famille recomposée et la famille homoparentale. Chacun d’entre nous, quoi qu’il en pense, doit prendre acte de cette évolution.
L’homoparentalité est désormais un fait que l’on ne peut ignorer : de plus en plus d’enfants dans le monde ont été, sont et seront élevés par deux parents de même sexe, sans être ni plus malheureux ni moins heureux que les enfants des autres couples.
Des études ont montré qu’être élevé dans une famille homoparentale ne constitue pas un facteur de risque pour les enfants, et d’autres ont prouvé que les enfants qui grandissent dans des familles homoparentales ne se différencient pas des enfants de couples hétérosexuels. Les enfants sont tout à fait capables, comme l’ont démontré les psychiatres et les psychanalystes, de construire leur altérité dans un couple de même sexe.
Enfin, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples homosexuels, que nous souhaitons, n’est aucunement un moyen de satisfaire un désir d’enfant. L’AMP doit répondre à un projet familial, à la volonté de fonder une famille.
Un couple qui, souhaitant fonder une famille, se heurte à une infertilité biologique ou sociale doit pouvoir bénéficier des progrès de la science.
Comme vous le savez, plusieurs pays ont déjà adapté leur législation en ce sens. De nombreux couples de même sexe souhaitant fonder une famille partent alors s’établir à l’étranger : en Belgique, au Danemark, aux Pays-Bas, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suède, ou encore, plus récemment, en Espagne.
Les schémas familiaux ont changé ; la société évolue. À mon sens, ce projet de loi relatif à la bioéthique devrait avoir pour objectif de faire coïncider de telles évolutions avec les progrès des techniques dans la recherche et la science.
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 158 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2141-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « composé d’un homme et d’une femme, de deux femmes ou d’une femme célibataire en âge de procréer » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « l'infertilité », sont insérés les mots : «, excepté dans le cas du couple de femmes ou de la femme célibataire, » ;
3° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« L'homme et la femme ou les deux femmes formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en concubinage et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Dans le droit fil de l’argumentation développée par notre collègue Richard Yung, nous proposons, par cet amendement, d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires en âge de procréer, que l’infertilité soit médicale ou qu’elle soit « sociale ».
Cette possibilité existe déjà chez certains de nos voisins : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, la Grèce ou l’Espagne. Bon nombre de couples homosexuels ou de femmes célibataires partent d’ailleurs à l’étranger pour bénéficier de ces techniques.
La société évolue et les familles d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que celles du début du siècle dernier. Aussi, la révision des lois de bioéthique devrait être l’occasion de repenser les conditions d’accès à l’AMP.
L’assistance médicale à la procréation doit permettre l’exercice du droit à un projet parental par toutes les femmes, stériles ou non, qu’elles soient en couple avec un homme ou une femme ou qu’elles soient célibataires.
L’infertilité médicale des femmes ne doit plus être le seul critère permettant d’accéder à l’AMP.
Mme la présidente. L'amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Collin et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
…° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou d’une femme célibataire en âge de procréer » ;
…° Au deuxième alinéa, après les mots : « l’infertilité », sont insérés les mots : « d’un couple ou d’une femme célibataire ».
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Actuellement, toute femme célibataire âgée de plus de vingt-huit ans peut demander un agrément en vue de l’adoption d’un enfant auprès du conseil général dont elle dépend. Une femme seule peut donc adopter. En revanche, l’accès à l’assistance médicale à la procréation lui est refusé.
Pourquoi traiter différemment cette femme, qui peut adopter seule, mais qui ne peut recourir à l’AMP ? Il y a là, me semble-t-il, une incohérence juridique.
L’objet de notre amendement est donc de permettre aux femmes célibataires médicalement infertiles d’avoir accès à l’AMP.
Sur ce point précis, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport intitulé L’évaluation de l’application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, publié en 2008, s’était interrogé sur la rigidité du cadre d’accès à l’AMP et avait recommandé de l’ouvrir aux femmes célibataires médicalement infertiles.
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « Les personnes formant le couple doivent être vivantes, en âge de procréer et consentir ».
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La législation française mise en place en 1994 encadre très strictement l’assistance médicale à la procréation, destinée, selon les termes de la loi, à répondre à la demande parentale d’un couple infertile pour des raisons pathologiques ou à éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. En outre, l’assistance médicale à la procréation est réservée aux couples hétérosexuels stables, en vie et en âge de procréer.
Notre législation se fonde sur un modèle familial dominant, ignorant aujourd’hui assez largement les évolutions à l’œuvre dans la société française. Elle ne laisse aucune place à d’autres modes de parentalité, alors qu’aujourd’hui cette dernière se conjugue désormais au pluriel.
Familles monoparentales, coparentalité, ménages sans famille, réseaux familiaux : l’institution familiale a désormais plusieurs visages et les trajectoires de vie prennent des formes de plus en plus variées, en alternant séquences de vie en couple et séquences de célibat, sans pour autant renoncer à un autre trait de la modernité familiale, à savoir l’attention portée à l’enfant avec l’amour parental comme pierre angulaire.
Nous avons majoritairement admis, depuis quarante ans, qu’il puisse y avoir un découplage entre sexualité et procréation. Il nous faut désormais admettre qu’il puisse y avoir découplage entre sexualité et procréation par l’entremise de la médecine ou d’un tiers consentant, entre conjugalité et filiation, entre parentalité et famille.
Nous considérons qu’il est aujourd'hui de la responsabilité du législateur de prendre en compte ces évolutions majeures et qu’il n’est plus possible de maintenir une législation aussi ostensiblement sourde aux évolutions de la société.
C'est pourquoi nous pensons que l’AMP doit s’ouvrir à d’autres formes de parentalité auxquelles les pratiques sociales actuelles ont d’ores et déjà donné une réalité tangible et ainsi être accessible à tous les couples, quelles que soient les causes de leur infertilité, médicale ou sociale.
Les seules questions à prendre en considération sont celles de la consistance du projet parental et de l’intérêt de l’enfant. Il est, en effet, légitime et nécessaire de se poser la question des éventuelles conséquences psychologiques, affectives et sociales pour un enfant de naître dans des conditions particulières ou de grandir dans une famille dont la configuration serait éloignée des normes sociales majoritaires.
L’expérience désormais acquise, comme la littérature abondante et les recherches réalisées, par exemple, aux États-Unis et en Europe du Nord, montrent assez clairement qu’il n’y a pas d’impact majeur de l’homoparentalité sur le bien-être et le devenir psychologique des enfants. Nous devons donc lever les préjugés et les craintes formulées à l’égard de l’homoparentalité et témoigner du fait que les familles homoparentales sont à la fois des familles hors normes et des familles ordinaires.
Quant à ceux qui doutent de la consistance du projet parental hors des couples « traditionnels », c’est, d’une manière générale, bien mal connaître le parcours du combattant de l’AMP comme de l’adoption. Toutes les situations d’aide à la procréation, de gestation pour autrui ou d’adoption ont en commun un solide projet parental, bien souvent plus abouti que celui des couples classiques dans lesquels l’heureux événement n’est pas toujours un événement attendu.
Avoir un enfant est pour beaucoup de ces couples infertiles un parcours difficile, une somme de souffrances physiques et psychologiques, parfois très grandes. La durée moyenne d’une démarche d’AMP est aujourd’hui de trois ans, un délai durant lequel les parents d’intention ont largement le temps de prendre la mesure de leur choix et des responsabilités qu’il implique.
S’il n’existe pas de droit à l’enfant, il existe cependant la liberté d’en avoir et nous considérons donc qu’il devrait exister un droit à la parentalité. C'est la raison pour laquelle nous vous présentons cet amendement.
Madame la présidente, comme j’ai dépassé un peu mon temps de parole, cet argumentaire vaudra aussi pour l’amendement n° 26.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Un projet implique la nécessité de s’inscrire dans la durée et le texte en discussion prévoit d’apprécier cette durée, fixée à deux ans de vie commune, en mettant sur le même plan le mariage et le PACS.
D’un strict point de vue juridique, il ne me paraît pas possible d’assimiler le PACS au mariage. Dans le premier cas, il s’agit d’un contrat civil qui organise une simple relation patrimoniale n’ouvrant ni droits à la filiation ni droits à héritage ; dans le second, il s’agit d’une institution qui ouvre des droits et génère une filiation. Par ailleurs, la manière dont peut se terminer un mariage ou un PACS n’est pas de même nature.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, au travers de cet amendement, introduire l’idée selon laquelle il y a, d’un côté, le mariage, qui est un signe de stabilité et, de l’autre, une durée de vie commune de deux ans, qui est un autre signe de stabilité.
Cet amendement me donne l’occasion de poser au Gouvernement une question plus générale : les droits du PACS tendent à se rapprocher de plus en plus de ceux du mariage. Il arrivera un moment où se posera la question de savoir si l’une des deux institutions n’est pas superflue. Si tous les droits du pacsé sont identiques à ceux de la personne mariée, il faudra en tirer les conclusions.
Mme la présidente. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 141 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 141 rectifié qui, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ils sont mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Anne-Marie Payet. Ces amendements visent à rétablir le texte de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique tel que prévu dans la loi du 6 août 2004.
Dans l’intérêt de l’enfant, un projet parental nécessite de la stabilité. Le mariage, institution fondée sur l’engagement entre un homme et une femme, est également un acte fondateur de filiation. Il paraît donc le plus à même d’apporter cette stabilité. À défaut de mariage, l’existence d’une vie commune stable d’au moins deux ans est raisonnable, ce délai présentant en outre l’intérêt de s’assurer de l’infécondité du couple.
Mme la présidente. Les amendements nos 7 rectifié ter et 26 sont identiques.
L'amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. de Legge, Hyest, Cazalet, Couderc, Doligé, Vial, Darniche, Revet et B. Fournier, Mmes G. Gautier, Henneron et Hermange et MM. Bailly et Retailleau.
L'amendement n° 26 est présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié ter.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu. Dans la logique du précédent, il est de simple coordination.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 26.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mmes Rozier, Hermange et B. Dupont et MM. du Luart, Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier et Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
Ils doivent être mariés
Remplacer la fin de l'alinéa par les mots :
ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Cet amendement s’inscrit dans la logique de l’amendement présenté par Dominique de Legge.
Je voudrais ajouter qu’il y a effectivement deux contrats très différents qui n’emportent pas du tout les mêmes conséquences en matière de droit de la famille : le mariage et le PACS. Le mariage a des conséquences en termes de filiation, le PACS n’en a pas, mais ce dernier a des conséquences en termes patrimoniaux et peut être rompu de façon unilatérale. Ce n’est donc pas exactement la même chose.
La commission des affaires sociales souhaite placer ces deux éléments sur le même plan. De surcroît, pour les concubins, elle a supprimé le délai de vie commune de deux ans.
Le Conseil constitutionnel a toujours affirmé, et encore dans une jurisprudence récente, puisqu’elle date d’octobre dernier, que le mariage bénéficiait d’un traitement spécifique en matière de filiation, d’un « ADN juridique », en quelque sorte. Il n’y a là aucun jugement de valeur, c’est un point de vue juridique.
Par ailleurs, j’observe aussi que la commission des affaires sociales, à l’occasion d’une proposition de loi relative à l’adoption, l’an dernier encore, avait indiqué que l’exigence de sécurité pour l’enfant justifie de réserver aux couples mariés la possibilité d’adopter conjointement.
Le même besoin de sécurité doit s’appliquer, me semble-t-il, à l’enfant issu d’une AMP. La condition de deux ans de vie commune pour les couples non mariés, pacsés ou concubins, ne me paraît pas constituer un obstacle insurmontable et permet de vérifier que la relation est stable.
On a longuement évoqué ce matin l’intérêt de l’enfant : je pense qu’il vaut bien ce délai de deux ans pour vérifier le caractère stable de la relation.
Par ailleurs, je suis favorable à la levée de l’anonymat pour le don de gamètes.
Quant à la question de l’homoparentalité, nous y reviendrons ultérieurement, elle est liée à la gestation pour autrui, notamment lorsqu’il s’agit d’un couple homosexuel qui souhaite bénéficier d’une AMP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 158 rectifié. Elle ne souhaite pas ouvrir l’accès à l’AMP aux couples non hétérosexuels.
Pour les mêmes raisons, elle est défavorable à l’amendement n° 159 rectifié.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, qui vise à ouvrir l’AMP aux couples homosexuels.
La commission émet aussi un avis défavorable sur les amendements nos 6 rectifié ter et 140 rectifié, car ils sont contraires à l’amendement de la commission des lois, adopté par la commission des affaires sociales.
Il en est de même pour les amendements identiques nos°7 rectifié ter et 26. Je souligne, au passage, le paradoxe qui veut que les amendements de MM. Godefroy et de Legge soient identiques, mais pour des raisons inverses. J’attire l’attention de leurs auteurs sur les effets, peut-être contraires à leurs intentions, que pourrait avoir l’adoption de cette disposition.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements nos 141 rectifié et 122 rectifié, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois est défavorable à l’amendement n° 158 rectifié. Elle rappelle que, sur la question de l’homoparentalité, le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur la révision des lois de bioéthique, qu’il « serait peu compréhensible qu’une évolution sociale de cette importance soit initiée dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation, qui relève d’une logique spécifique », outre l’intérêt qu’il y a pour l’enfant d’être accueilli dans une famille composée d’un père et d’une mère.
La commission des lois est également défavorable à l’amendement n° 159 rectifié. On ne peut pas comparer l’AMP et l’adoption. Dans le premier cas, l’enfant n’est pas conçu et il revient à la société de s’assurer qu’il sera accueilli dans les meilleures conditions possibles. Dans le second cas, il s’agit de prendre en charge un enfant déjà né en lui donnant la chance d’être accueilli par un couple ou par un adulte qui deviendra son père ou sa mère.
La commission des lois est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, qui a le même objet que l’amendement n° 158 rectifié.
J’en arrive à l’amendement n° 6 rectifié ter, en précisant que mon commentaire vaudra pour les amendements nos 140 rectifié, 7 rectifié ter, 26, 141 rectifié et 122 rectifié. Ils portent tous sur le même sujet et visent à revenir sur l’état actuel du droit, qui impose que le couple candidat à l’AMP soit marié ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune de deux ans.
Il est effectivement important, dans l’intérêt de l’enfant, de maintenir une exigence de stabilité du couple. Toutefois, cette stabilité peut s’apprécier de différentes manières. Il peut s’agir, bien sûr, de l’engagement d’un couple à travers le mariage. Aux termes du projet de loi, le Gouvernement a proposé que cet engagement puisse aussi se manifester par la conclusion d’un PACS. Si ce dernier contrat à vocation patrimoniale n’est pas comparable dans tous ses effets au mariage, il constitue tout de même, par rapport au simple concubinage, un engagement supérieur, les intéressés organisant les conditions de leur vie commune.
À ce titre, le PACS constitue un élément de preuve suffisant pour marquer la stabilité ou l’engagement des intéressés.
Cette stabilité peut aussi s’apprécier au regard de la durée et de la continuité de la vie commune.
S’appuyer pour la définir sur des critères de concubinage notoire, inscrits à l’article 515-8 du code civil, plutôt que sur une durée de vie commune de deux ans, concilie à la fois l’exigence de stabilité absolument nécessaire et une certaine souplesse, qui permet de s’adapter à des situations particulières.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur tous ces amendements.