M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 485 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Roger Romani remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. L'amendement n° 484, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 514-1, L. 514-2 et L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. C’est notre dernier amendement... Nous avons un petit pincement au cœur ! (Sourires.)
M. le président. Nous n’irons peut-être pas jusqu’à observer une minute de silence ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Avec cet article additionnel, nous souhaitons rétablir le caractère suspensif des recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et les obligations de quitter le territoire français, en Guyane, à Saint-Martin, en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy.
Ce projet de loi s’applique sur les terres ultramarines, où le nombre de migrants est relativement élevé.
Toutefois, nous regrettons l’existence d’un régime dérogatoire au droit commun pour la Guyane, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dans ces quatre territoires, les migrants sont déjà privés des quelques protections existantes en métropole en cas de contrôle policier ou de mesure d’éloignement. Par exemple, seule une intervention de l’autorité consulaire peut imposer le respect d’un jour franc avant l’exécution d’une mesure de reconduite. Aucune des procédures contentieuses de droit commun suspensives d’exécution ne s’applique !
Nous souhaitons mettre fin à ce régime dérogatoire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Demandez aux élus ultramarins s’ils sont d’accord !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Lucienne Malovry, pour explication de vote.
Mme Lucienne Malovry. Je suis quelque peu étonnée par cet amendement. En effet, dans le rapport intitulé « La Guyane : une approche globale de la sécurité » et cosigné par M. Jean-Étienne Antoinette, on peut lire que la population « comprend 30 % d'illégaux. ».
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 484.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
Article 84 A
(Non modifié)
Les dispositions de la présente loi applicables aux obligations de quitter sans délai le territoire français sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
Les dispositions applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application de l’article L. 533-1 du même code sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application du 8° du II de l’article L. 511-1 du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi. Toutefois, les dispositions de l’article L. 213-1 du même code relatives aux arrêtés prononcés en application de l’article L. 533-1 du même code moins de trois ans auparavant ne sont applicables qu’aux seuls arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application dudit 8° moins d’un an auparavant.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 88 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 264 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.
M. Jacques Mézard. Pour moi aussi, c’est le dernier amendement que j’aurai l’honneur de défendre, sur ce texte du moins ! (Sourires et exclamations amusées.)
L’article 84 A, qui est issu d’un amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale, a pour objet d’assurer la continuité des procédures d’éloignement en cours au moment de la publication de la loi qui, je le crains, va être votée.
Cet article prévoit que les procédures entamées sous le régime des anciennes mesures d’éloignement vont se poursuivre sous le régime de celles qui les ont remplacées.
Or il s’agit tout de même de procédures qui ont des effets sur les libertés et il existe en droit pénal un principe selon lequel on ne doit appliquer les nouvelles procédures que dans la mesure où elles sont plus favorables à ceux qu’elles visent.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 264.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il ne s’agit que de notre avant-dernier amendement, mais mes explications vaudront également pour l’amendement n° 265, qui sera bien le dernier et sur lequel nous n’aurons donc pas à reprendre la parole. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
Je dirai simplement que ces deux amendements s’inscrivent bien sûr dans la logique des positions que nous avons défendues sur ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ce n’est pas la dernière fois que j’émettrai un avis défavorable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 88 rectifié et 264.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 84 A.
(L'article 84 A est adopté.)
Article 84
(Non modifié)
Les articles 13 à 16, 22 à 30, 32 à 37, 40 à 46, 48, 49, 52 à 56, 57 à 67 et 78 entrent en vigueur à compter d’une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le jour de la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ce délai de trois mois pour l’entrée en vigueur paraît raisonnable. Aussi est-elle défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 514, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
32 à 37
par les mots :
32 à 36
et les mots :
40 à 46
par les mots :
41 à 46
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 84, modifié.
(L'article 84 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le texte que le Sénat s’apprête à voter a une physionomie bien différente du texte issu de l’Assemblée nationale !
Une fois n’est pas coutume, nos collègues députés avaient adopté un texte excessif par certains aspects. Je pense notamment aux dispositions concernant la déchéance de nationalité, la carte de séjour « étranger malade » ou l’intervention du juge des libertés et de la détention au cours de la rétention.
Sur ces trois sujets, notre groupe s’est exprimé de manière unanime et cette unanimité est le reflet de nos convictions sur deux thèmes fondamentaux : l’humanisme et le respect des libertés individuelles de chacun.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Yves Détraigne. S’agissant de l’extension de la déchéance de nationalité, notre position sur le fond a déjà été largement exprimée, notamment par la voix de notre collègue Nathalie Goulet. Je m’en tiendrai donc à un simple rappel.
Selon nous, cette mesure aurait, de fait, conduit à créer deux catégories de Français. Je suis conscient que nous parlions de criminels. Pour autant, il y aurait bien eu ceux qui, pour des faits similaires, auraient pu se voir retirer leur nationalité française et ceux qui l’auraient conservée. Lorsqu’on est Français, que ce soit par la naissance ou parce qu’on l’est devenu, on l’est pleinement !
S’agissant de la carte de séjour accordée à un étranger malade, les députés ont craint que les évolutions de la jurisprudence récente du Conseil d’État ne fassent peser une charge déraisonnable sur le système de soins français. C’est pourquoi ils avaient souhaité revenir au droit antérieur.
Cette démarche nous est apparue comme inopportune. Ainsi, nous partageons totalement les préoccupations liées à la santé publique exprimées par la commission des lois à propos de la modification proposée par l’Assemblée nationale. Nous sommes donc satisfaits que les dispositions en question ne figurent pas dans le texte que nous nous apprêtons à voter.
S’agissant de l’intervention du juge judicaire dans la procédure de rétention, nous avons eu hier soir un débat intéressant, ce qui nous a permis d’entendre les arguments des uns et des autres. Pour autant, notre position n’a pas évolué : nous restons convaincus que la solution qui nous était proposée entre grandement en contradiction avec plusieurs principes posés par notre droit, en particulier par la Constitution elle-même.
Le fait, d’une part, qu’un étranger puisse être renvoyé sans même qu’un juge ait pu examiner le recours qu’il a déposé sur ses conditions d’arrestation ou de détention et, d’autre part, que ce recours devant le juge des libertés et de la détention n’intervienne plus qu’au terme d’un délai de cinq jours nous paraît inacceptable en l’état.
Les arguments brillamment avancés hier soir par M. Gérard Longuet et relatifs à l’indépendance et à l’impartialité des juges administratifs ne nous ont pas fait oublier l’article 66 de la Constitution, selon lequel le juge judiciaire est le gardien de la liberté individuelle.
Le projet de loi que nous avons examiné a d’abord pour objet de transposer dans notre droit trois directives européennes créant un cadre juridique pour une politique européenne de l’immigration. Nous avons naturellement soutenu cette démarche. Nous avons également soutenu plusieurs propositions du Gouvernement qui allaient certes au-delà de la simple transposition, mais qui nous semblaient nécessaires.
C’est pour moi l’occasion de saluer le travail considérable accompli sur ce projet de loi par la commission des lois et, notamment, par son rapporteur, François-Noël Buffet. Sur de nombreux points importants, il a su revenir à une position plus raisonnable et plus conforme aux principes généraux de notre droit, tout en cherchant à favoriser une meilleure maîtrise des flux migratoires, condition essentielle de la sauvegarde de nos valeurs.
Puisque ce projet de loi prévoit, d’une part, des moyens pour favoriser une intégration accrue des étrangers que nous accueillons sur notre territoire et, d’autre part, de nouveaux outils permettant de renforcer l’indispensable lutte contre l’immigration clandestine, le groupe de l’Union centriste le votera. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous voici donc parvenus à la fin d’un débat qui nous aura occupés près de six jours entiers, au cours desquels nous avons examiné environ cinq cents amendements. On peut dire que le Sénat a bien travaillé !
Je veux d’ailleurs, à mon tour, rendre hommage à M. le rapporteur, qui, bien que nous soyons en désaccord sur de nombreux points, a adopté une attitude d’ouverture tout au long de la discussion.
Comme nous l’avions affirmé d’emblée, ce texte va bien au-delà de la simple transposition des trois directives relatives, respectivement, à la « carte bleue » européenne, au retour des étrangers et à l’emploi irrégulier. En réalité, il sert de support pour introduire certaines mesures que le Gouvernement avait en tête et qui n’ont rien à voir avec lesdites directives.
Une telle manière de procéder est au fond assez logique, ce texte s’inscrivant dans une politique que nous connaissons bien puisqu’elle est à l’œuvre depuis un certain nombre d’années et qui consiste à instrumentaliser le thème de l’immigration sans se préoccuper de résoudre le problème.
En effet, nous constatons que, à cet égard, la situation ne bouge pas, malgré les grandes envolées où l’on brandit toutes sortes de chiffres : on compte toujours en France entre 300 000 et 400 000 travailleurs irréguliers, la même pression démographique s’exerçant aux frontières du territoire français. Mais ce qui compte, c’est d’en parler, pour que le journal de vingt heures s’ouvre sur ce sujet… Bref, ce qui compte, c’est de montrer que le discours de Grenoble se traduit dans les faits !
À l’issue de nos débats, je note un certain nombre de points positifs, et importants : l’article 3 bis visant à étendre les cas de déchéance de la nationalité française a été supprimé, tout comme l’article 17 ter, relatif aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée pour raisons de santé, ainsi que l’article 37, qui introduisait une inversion du contentieux administratif et du contentieux judiciaire et la mise à l’écart éventuelle du juge judiciaire.
Grâce à la suppression de ces trois dispositions centrales, le texte qui sera examiné par l’Assemblée nationale est d’une autre nature que celui qui nous avait été transmis. Nous serons évidemment attentifs à ce que les députés feront en deuxième lecture. En effet, il ne faudrait pas que l’ensemble des mesures que le Sénat a supprimées soient réintroduites, non pas subrepticement, mais par un groupe de députés très marqués à droite.
Par ailleurs, l’adoption d’une dizaine d’autres amendements a également permis d’améliorer le texte, notamment pour ce qui concerne la délivrance des documents d’identité et le caractère suspensif du recours dans le cadre du règlement Dublin II.
Malheureusement, nombre de points négatifs subsistent, à commencer par le parcours du combattant que suppose l’acquisition de la nationalité française. Je pense aussi à l’allongement des délais permettant le retrait de la nationalité et à l’extension du délai pendant lequel l’administration peut refuser d’enregistrer une déclaration de nationalité. Ainsi, l’étranger souhaitant accéder à la nationalité française est confronté à des obstacles de plus en plus élevés.
Les dispositions relatives au « mariage gris » – expression peu élégante ! – sont maintenues et l’article 23 prévoit une OQTF sans délai de départ volontaire, en vertu de ce que nous considérons comme une interprétation abusive de la notion communautaire de risque de fuite. Pourtant, la directive Retour établit clairement que le délai de départ volontaire doit constituer la règle. L’absence de délai emportera des conséquences graves, notamment la soumission de l’étranger à une mesure que nous persistons à appeler le bannissement, même si le terme fait frémir un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues.
Parallèlement est créée une interdiction de retour sur le territoire français, dont nous avons demandé à de nombreuses reprises la suppression.
En outre, un certain nombre d’articles de ce projet de loi visent à restreindre et à transposer a minima les droits de libre circulation des ressortissants communautaires, ce qui ne manquera pas de poser certains problèmes avec nos partenaires d’Allemagne, de Belgique, de Suède – j’allais évoquer le Liechtenstein, mais ce n’est pas un bon exemple ! –, alors que ce sont deux pays précis qui sont ici visés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
J’évoquerai également, monsieur le ministre, l’allongement de la durée de la rétention de 32 à 45 jours, malgré votre engagement – ou ce que nous avions interprété comme tel – de ne pas œuvrer en ce sens. Vous allez sans doute nous répondre qu’il s’agit de la durée la plus courte, mais ce n’est pas en soi un argument.
Quant à la procédure de « purge des nullités », elle vise tout simplement à entraver le travail du juge judiciaire, tandis que la procédure prioritaire est étendue au droit d’asile.
Voilà une liste assez longue, mais qui est loin d’être exhaustive, de points négatifs qui continuent d’entacher ce projet de loi. Ce dernier s’avère donc non seulement inutile – les cinq lois qui l’ont précédé n’ont pas été mises en œuvre ou se sont révélées inefficaces –, mais aussi dangereux.
Je le répète, nous serons très attentifs au débat qui s’ouvrira à l’Assemblée nationale et tirerons les conséquences des positions qui seront adoptées par les députés. Notre attention se portera tout particulièrement sur les articles susceptibles d’être soumis au Conseil constitutionnel. Bien que nous soyons assez prudents en la matière, nous pouvons dire qu’au moins une demi-douzaine d’articles suscitent des doutes quant à leur conformité au bloc de constitutionnalité.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, ne votera pas ce texte. Je vois que M. le ministre est surpris, voire stupéfait ! (Sourires.)
M. le président. C’est en raison de votre proximité régionale… et culturelle ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mézard. Certes, si l’on considère le côté positif des choses, on peut souligner que le Sénat a rejeté des dispositions particulièrement choquantes concernant la déchéance de nationalité, la saisine du juge des libertés et de la détention et la dualité des procédures administratives et judiciaires en matière de rétention administrative. J’ai d’ailleurs relevé à plusieurs reprises les observations objectives formulées par le rapporteur et me suis réjoui des quelques avancées relatives à la protection des travailleurs sans titre de séjour.
Toutefois, ce texte, le cinquième traitant de l’immigration depuis 2002, est d’abord, nous le savons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, un texte à effet médiatique. Il faut se souvenir aussi qu’il fait suite au débat catastrophique sur l’identité nationale !
Ce texte ne correspond pas, en outre, à une transposition correcte des directives européennes.
L’accumulation des lois sur ce même thème au cours des dernières années montre, d’une part, que les textes que vous faites voter n’ont pas d’effet concret et sont donc inefficaces et, d’autre part, que vous cherchez à entretenir dans l’opinion publique des réactions contre l’étranger sous toutes ses formes : tantôt c’est l’Europe qui est la cause de tous les maux ; tantôt, c’est l’immigration qui explique la crise. Un tel discours de rupture n’est pas constructif, quand notre pays a au contraire besoin de rassemblement et de confiance.
Par conséquent, je le répète, très majoritairement, nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. D’emblée, je tiens à dire que je partage l’idée émise par M. Yung selon laquelle nous avons bien et longuement travaillé.
Malgré le rejet, dont nous nous félicitons, de certaines mesures emblématiques, relatives notamment à l’extension de la déchéance de la nationalité, au droit au séjour des étrangers malades et à la saisine du juge des libertés et de la détention, il demeure que ce projet de loi est encore émaillé d’articles d’une extrême gravité, dont la mise en œuvre portera atteinte aux droits, aux libertés et à la dignité de l’être humain.
J’avoue que je suis toujours inquiète quand j’entends M. Mariani, le « Monsieur Loyal » de ce projet de loi, nous annoncer avec une légèreté indécente que la culture de la xénophobie sera la pièce maîtresse de la campagne présidentielle. S’ensuit évidemment une caricature poussée à l’extrême des étrangers, tous accusés d’être des pilleurs invétérés de notre système social.
Ainsi, après la réutilisation originale de la fameuse formule « la France, tu l’aimes ou tu la quittes », a-t-on vu fleurir d’autres jeux de mots douteux et de bien mauvais goût, des amalgames entre intégration et assimilation ou encore entre immigration et délinquance.
Vous justifiez l’ensemble de ces mesures par la nécessité de transposer plusieurs directives européennes, mais vous avez fait le choix d’une transposition partielle, après avoir procédé à des choix draconiens. En l’occurrence, l’Europe a bon dos !
Vous feignez, dans le même temps, d’oublier que les instances et les juridictions communautaires ont condamné la France à plusieurs reprises, en raison du mépris affiché à l’égard de certains ressortissants de l’Union, en violation des traités que la France a ratifiés.
Je le dis avec force : il serait de bon ton de cesser d’instrumentaliser la France, de brader son identité à votre convenance, sous couvert de la définir, et de vous servir de l’Europe comme alibi.
Aujourd’hui, dès que vous vous sentez fragilisés sur des questions sociales, vous tentez de dévier la trajectoire des colères, à l’instar de celle qui s’exprime aujourd’hui en particulier chez les magistrats et dans le monde de l’éducation, en stigmatisant, au sein de la population, des catégories de personnes pour les livrer en pâture à l’opinion.
Cette manière de procéder est extrêmement dangereuse parce qu’elle nourrit les extrêmes, qui en profitent pour bomber le torse. On ne le répétera jamais assez : en général, les gens préfèrent l’original à la copie !
Aimé Césaire disait, à la suite de Senghor, qu’un raciste est un homme qui se trompe de colère – et je profite de cette occasion pour rendre hommage à Édouard Glissant, qui vient de disparaître. Or, avec ce texte, vous donnez aux racistes de quoi nourrir leur colère envers l’autre, celui qui serait différent, étranger, immigré.
Vous l’avez compris, nous voterons contre ce texte et nous suivrons avec attention son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, au début du mois de mars. Bien entendu, nous prendrons toute notre part aux débats lorsqu’il reviendra ensuite devant notre assemblée.
Je le réaffirme, nous sommes pour le respect inconditionnel de la dignité humaine et c’est la raison primordiale pour laquelle nous sommes opposés à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Bernadette Dupont et M. Alain Gournac s’exclament.) Qu’avez-vous à dire ? Il fallait vous exprimer pendant les débats !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, comme vous vous en doutez certainement, je ne voterai pas ce projet de loi. Je combats fermement la logique de suspicion, d’enfermement et d’éloignement. Or, malheureusement, ce texte crée la suspicion, enferme et éloigne.
De surcroît, après avoir suscité le mécontentement des magistrats de l’ordre administratif, il agace désormais les magistrats de l’ordre judiciaire.
Comme j’ai eu l’occasion de le faire lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, j’apporte tout mon soutien aux personnels du milieu judiciaire et aux forces de l’ordre, sur lesquels le Président de la République et le Gouvernement tentent de faire peser depuis quelques jours des responsabilités qui n’incombent pourtant qu’à eux.
Quant aux magistrats de l’ordre administratif, dont les organisations syndicales ont appelé à manifester hier contre ce projet de loi, ils craignent, à juste titre, que trois dispositions procédurales ne menacent leurs conditions de travail : la possibilité de tenir des audiences dans les centres de rétention ; la volonté sans cesse affichée d’inverser l’ordre d’intervention des juges de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ; enfin, la possibilité de statuer par la voie d’un juge unique sur l’interdiction de retour sur le territoire français lorsque l’étranger est placé en rétention.
Les magistrats de l’ordre administratif insistent sur le fait que cette dernière disposition constitue un véritable recul des garanties apportées au justiciable alors qu’aucune situation d’urgence ne justifie, dans ce cas, l’absence de collégialité.
Ce projet de loi porte donc sans aucun doute atteinte à nos droits fondamentaux et à nos libertés individuelles en stigmatisant une fois de plus les étrangers et en suscitant des peurs.
Comment pourrions-nous, par exemple, accepter ce concept nauséabond de « mariage gris » et l’aggravation injustifiée des sanctions pénales encourues en la matière ? Pourquoi faire peser la suspicion sur la seule personne de l’étranger, le conjoint français étant nécessairement présumé de bonne foi ? C’est une véritable présomption de culpabilité qui s’attache ainsi à l’étranger !
Comment avez-vous pu, monsieur le ministre, songer à ce que de nombreuses associations et plusieurs juristes qualifient de « Guantanamo à la française » ? Vous souhaitez en effet enfermer jusque pour une durée de dix-huit mois les étrangers condamnés pour terrorisme ayant déjà purgé leur peine, en les plaçant en rétention administrative. Qu’est-ce, sinon une double peine ?
La seule vocation de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger ; elle n’est pas de mélanger mesure de sûreté et sanction d’un comportement passé.
Et que dire des droits de la défense quand vous empêchez qu’une procédure aille à son terme en refusant le recours suspensif des demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire, alors même que plusieurs associations, mais aussi la Cour européenne des droits de l’homme ont demandé que ce recours soit suspensif ?
Vous l’aurez compris, les sénateurs écologistes s’opposent fermement à ce projet de loi discriminatoire, liberticide et répressif à l’égard de l’étranger. S’il est adopté in fine, j’espère que le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme le condamneront. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)