Article 75 ter
L’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour, le président de cette juridiction peut prévoir que la salle d’audience de la cour est reliée, en direct, par un moyen de communication audiovisuelle qui garantit la confidentialité de la transmission avec une salle d’audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice plus aisément accessibles par le demandeur, dans des conditions respectant les droits de l’intéressé prévus par le premier alinéa. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à sa disposition. Si l’intéressé est assisté d’un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui. Ces opérations donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal dans chacune des salles d’audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore. Le requérant qui refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 87 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 241 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 466 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 87 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement de suppression dépasse le simple cadre de ce projet de loi. Il est pour nous le moyen de signaler notre grande réticence à l’utilisation de la visioconférence dans l’exercice des droits de la défense.
Le recours aux moyens de communication audiovisuelle dans les enceintes judiciaires semble être la nouvelle panacée pour « moderniser » le procès. Ce problème avait déjà été soulevé lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI. Les arguments opposables à ce dispositif restent aujourd'hui les mêmes puisqu’ils touchent au principe même du procès équitable.
À l’instar du recours systématique à la vidéosurveillance, le développement du recours aux nouvelles techniques dans l’administration de la justice est inquiétant à partir du moment où l’on se refuse à tout recul objectif et à toute analyse rétrospective. Nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne nous avaient pourtant invités à engager une telle réflexion lors de l’examen de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.
Cet article touche une question essentielle au regard de l’impératif de protection de l’équilibre de la procédure et de la garantie des droits de la défense. Initialement, le dispositif devait être réservé aux requérants situés outre-mer, mais la commission, sur proposition du Gouvernement, en a étendu l’application à l’ensemble du territoire en l’assortissant, certes, de certaines garanties importantes que je tiens à saluer. Je me félicite, en particulier, du dernier paragraphe de l’article 75 ter aux termes duquel « le requérant qui refuse d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour ». C’est une garantie essentielle, mais nous savons que, dans la pratique, ce refus ne sera pas forcément vu favorablement et pourra entraîner des conséquences négatives pour le requérant.
L’arrêt Marcello Viola c/Italie de la Cour européenne des droits de l’homme du 5 octobre 2006 a posé pour principe que, « si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s’assurer que son application dans chaque cas d’espèce poursuit un but légitime ».
À partir du moment où le recours aux nouvelles techniques est la norme, le contrôle du but légitime dans chaque espèce est sans objet.
Nous considérons que, lorsqu’il y a un débat en matière pénale, le contact, la vision par le juge quel qu’il soit, y compris au niveau de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de la personne qui risque d’être visée par une mesure contraignante et négative est absolument indispensable. Le recours à la visioconférence dans de tels cas doit être exceptionnel et motivé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 241.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article est une grave entrave à l’égalité de traitement de tous les étrangers demandeurs d’asile. Il introduit, en effet, la possibilité d’utiliser la visioconférence pour la tenue d’audiences de la Cour nationale du droit d’asile. À l’origine, l’article ne prévoyait cette possibilité que pour les demandeurs d’asile d’outre-mer, mais il est désormais question de l’étendre à tous les requérants : ceux de province n’ayant pas les moyens de se rendre en région parisienne et ceux dont les frais de transport ne sont pas pris en charge.
Si un tel dispositif semble se soucier de l’intérêt des demandeurs d’asile, puisqu’il permet à ces derniers de ne pas avoir à se déplacer à Montreuil-sous-Bois, siège de la CNDA, c’est pourtant loin d’être le cas. En effet, jusqu’alors, la Cour organisait des missions foraines dans les principaux territoires d’outre-mer accueillant des demandeurs d’asile : en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte.
La visioconférence aura pour conséquence la suppression de ces missions, suppression essentiellement motivée par la diminution des dépenses dont le coût se situe actuellement entre 33 000 euros et 44 000 euros par mission. Or, quel que soit son coût, la présence de la Cour est nécessaire : la visioconférence, encadrée de toutes les garanties que l’on peut imaginer, ne remplacera pas la véritable audience qui permet de réaliser une instruction, avec un véritable dialogue. Il s’agit d’un droit pour le requérant, d’une garantie qu’il ne faut en aucun cas lui ôter ; pourtant, l’adoption de cet article aboutira à ce résultat concernant les demandeurs se trouvant outre-mer qui, la possibilité de visioconférence existant, ne disposeront plus d’aucune solution de rechange.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 novembre 2003, avait d’ailleurs affirmé que le recours à la visioconférence devait être subordonné au consentement de l’étranger. Tel ne sera plus le cas outre-mer, car la visioconférence sera la seule solution proposée.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 466.
Mme Bariza Khiari. Les raisons justifiant la demande de suppression de l’article 75 ter ont été parfaitement exposées par mes collègues et je n’ai rien à ajouter. Je considère donc que mon amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 87 rectifié, 241 et 466. En effet, ces amendements vont à l’encontre de la position de la commission, qui a adopté un amendement du Gouvernement tendant, au contraire, à permettre à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, de recourir très largement à la visioconférence, et pas uniquement pour les requérants situés outre-mer.
En effet, le recours à la visioconférence permettra de faciliter l’accès à la CNDA aux requérants qui n’ont pas les moyens de se rendre en région parisienne ; ce point mérite, à mon sens, d’âtre souligné. Il favorisera également l’implication des avocats de province dans le contentieux de l’asile ; pour l’instant, ces avocats n’effectuent pas le déplacement devant la Cour pour défendre la cause de leur client.
La commission a toutefois apporté un certain nombre de garanties. En particulier, elle a précisé qu’un requérant qui refuserait d’être entendu par un tel procédé serait, de plein droit, convoqué à sa demande pour être entendu dans les locaux de la Cour ; il lui appartiendra ensuite de s’y rendre ou non.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Mon analyse est identique à celle de M. le rapporteur ; j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 rectifié, 241 et 466.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 467, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
I. - Troisième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Si l’intéressé est assisté d’un conseil et, le cas échéant, d’un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d’asile selon le choix de l’intéressé.
II. - Quatrième phrase
Remplacer les mots :
d’audience ou
par les mots :
d’audience et
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Je défends cet amendement à la demande de mes collègues de l’outre-mer, car ils y attachent une importance particulière.
Le principe de la visioconférence va s’appliquer aux audiences de la Cour nationale du droit d’asile : vous considérez donc que l’humanité de la justice passe davantage par la rapidité de la décision que par la relation entre le demandeur et les juges.
Deux points restent toutefois à prendre en compte dans le projet de loi qui nous est présenté. Le premier concerne la place des auxiliaires de justice lors de l’audience, le second le compte rendu de l’audience audiovisuelle.
Concernant le premier point, le projet de loi amendé place obligatoirement le conseil auprès du demandeur d’asile. La qualité des avocats de province ou d’outre-mer n’est pas mise en cause par cet amendement, qui tend avant tout à garantir la dignité et la responsabilité des demandeurs : quelle justice oblige l’intéressé à user d’une tactique de défense ?
Le demandeur d’asile, souvent assisté juridiquement et psychologiquement par une association, peut vouloir que son avocat se trouve auprès des juges et soit, ainsi, plus à même d’apprécier dans quelle atmosphère se déroulent les travaux de la Cour. Évidemment, le décret en Conseil d’État qui fixera les modalités d’application de cette mesure devra prévoir une disposition permettant à l’avocat de s’entretenir avec son client.
Il manque également une disposition concernant l’interprète. En effet, l’audition de nombreux demandeurs d’asile nécessite un interprète. Comme pour l’avocat, ce dernier doit pouvoir humaniser l’audience audiovisuelle par sa présence auprès du demandeur ou respecter la pudeur du réfugié en se trouvant du côté du juge. Il est par contre impensable de placer systématiquement l’interprète, qui est souvent le premier à recueillir le témoignage d’un parcours douloureux, du côté du juge, comme lors des audiences audiovisuelles de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, afin de limiter toute relation entre ces personnes partageant la même langue.
Je crois donc nécessaire que toutes les options soient ouvertes au demandeur d’asile concernant la présence de son avocat et de l’interprète, lorsque le recours à ce dernier s’avère nécessaire.
Le second point qui mérite d’être corrigé dans ce dispositif concerne le rapport de l’audience ou son enregistrement. Il est prévu que l’audience fasse l’objet soit d’un enregistrement sonore, soit d’un enregistrement audiovisuel, soit encore d’un compte rendu écrit par procès-verbal dans chacune des salles d’audience. Or les magistrats administratifs de la CNDA travaillent sur dossier. On ne peut laisser à la disposition du juge qu’un enregistrement pour reprendre le témoignage du demandeur. Le dossier, pour être complet, doit être facilement accessible. Il est évidemment plus simple de prendre connaissance d’un procès-verbal écrit que d’utiliser un enregistrement, analogique ou numérique.
Jean-Étienne Antoinette et tous nos collègues d’outre-mer demandent donc que ces modifications soient prises en compte, afin non d’améliorer ce dispositif, mais pour que soient au moins respectées les conditions d’accès du demandeur d’asile au juge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement qui vise à permettre à l’interprète d’être présent auprès de l’étranger, en cas d’audience réalisée par visioconférence, et à préciser que l’audience donne lieu à la rédaction d’un procès-verbal et d’un enregistrement, alors que le texte du projet de loi prévoit que le recours à l’un ou l’autre de ces procédés est suffisant. Cet amendement appelle trois observations.
Premièrement, l’assistance d’un interprète est déjà prévue par le droit en vigueur, il est donc inutile de le préciser de nouveau.
Deuxièmement, dans un souci d’efficacité, il est préférable de permettre à la Cour d’avoir recours aux interprètes présents dans ses locaux, plutôt qu’à des interprètes qui seraient recrutés en province ou outre-mer, dans des conditions qu’il conviendrait d’ailleurs de préciser.
Troisièmement, il ne paraît pas nécessaire d’établir à la fois un procès-verbal des audiences et un enregistrement audiovisuel ou sonore de celles-ci. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu’en matière pénale le code de procédure pénale n’oblige pas de cumuler les deux modes de compte rendu.
En toute hypothèse, le demandeur aura accès à l’intégralité de son dossier avant l’audience, comme le spécifie le texte adopté par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 75 ter.
(L’article 75 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 75 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 244 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L’amendement n° 469 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase de l’article L. 551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous souhaitons étendre le délai dont disposent les étrangers placés en centre de rétention pour formuler une demande d’asile. Ce délai est actuellement de cinq jours, et nous proposons de le prolonger à dix jours, pour une raison très simple : une fois ces cinq jours passés, la demande d’asile n’est plus recevable. Or les conditions dans lesquelles les étrangers sont placés en centre de rétention administrative ne permettent pas toujours d’assurer au mieux la garantie de leurs droits, pas plus que leur application. Le surpeuplement et le trop faible nombre d’agents en poste ne permettent pas non plus d’assurer la diligence nécessaire à la notification des droits dans une langue compréhensible par chacun.
En outre, les étrangers se trouvent souvent dans des situations de détresse lors de leur placement en centre de rétention ; il est important de leur laisser un délai plus long pour exercer effectivement les droits qui leur sont garantis. Un délai de dix jours devrait permettre de rendre pleinement effectif l’exercice de ce droit.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 469.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À son arrivée en centre de rétention, un étranger se voit notifier l’ensemble des droits dont il peut se prévaloir en matière de demande d’asile et dispose d’un délai de cinq jours pour formuler sa demande ; au-delà de ce délai, cette demande n’est plus recevable.
Cet amendement a pour objectif d’allonger à dix jours la période pendant laquelle une demande d’asile peut être valablement formulée par un étranger placé en centre de rétention. En effet, aujourd’hui, effectuer une demande d’asile en rétention est particulièrement difficile, pour ne pas dire illusoire. La CIMADE, que l’on rencontre souvent lorsque l’on se rend dans ces centres de rétention, parle même d’un « droit virtuel ».
Il est évident que le délai imparti pour formuler la demande d’asile, dont le cœur est le récit de l’étranger, est insuffisant. En si peu de temps, il est matériellement impossible de réunir les éléments, témoignages et autres documents nécessaires pour attester le récit et justifier ainsi la demande, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter ces documents.
Par ailleurs, cette barrière se conjugue à d’autres obstacles ; en effet, il est obligatoire de rédiger en français la demande d’asile, document de seize pages, et ce sans l’assistance gratuite d’un interprète. En outre, dans certains centres de rétention, il est interdit de posséder un stylo, objet considéré comme dangereux !
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, après sa visite en France du 21 mai au 23 mai 2008, ait souligné que « la procédure impose un délai extrêmement bref pour la formulation de la demande d’asile », avant de conclure que « l’ensemble de la procédure d’asile dans les centres de rétention apparaît donc comme expéditive, laissant implicitement présumer que la demande est abusive ». Pour notre part, nous considérons que ce sont votre volonté et votre détermination à porter atteinte aux droits de l’étranger qui, aujourd’hui, deviennent abusives !
Telles sont les raisons qui motivent notre amendement n° 469. Grâce à son adoption, l’effectivité du droit d’asile en centre de rétention sera rétablie, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, au motif que le délai actuel de cinq jours est suffisant, notamment pour permettre à l’étranger de recevoir l’aide d’une des associations intervenant dans les centres de rétention administrative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 244 et 469.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 247 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L’amendement n° 474 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 75 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 553-6 du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 553-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 553-7. - L’administration tient à jour et publie l’inventaire des locaux de rétention administrative prévus à l’article R. 551-3. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement concerne les locaux de rétention administrative. Ces derniers permettent de retenir les étrangers et sont également des lieux de privation de liberté, comme les centres de rétention administrative, à la seule différence qu’ils sont temporaires au lieu d’être fixes et permanents.
Au demeurant, cette caractéristique ne saurait justifier qu’ils soient si mal connus. À l’heure actuelle, l’administration ne possède pas de liste exhaustive des lieux de rétention administrative sur le territoire français. Cette carence prive les associations d’accompagnement juridique des informations susceptibles de leur permettre de jouer leur rôle, mais elle empêche également tout contrôle.
Étant donné les déficiences relevées dès 2008 par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, notamment concernant le local de rétention de Choisy-le-Roi, dont l’aménagement a été qualifié d’« attentatoire à la dignité humaine », il est indispensable de donner aux associations les moyens d’intervenir afin qu’elles jouent pleinement leur rôle de contrôle.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 474.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À ce jour, il n’existe pas de liste exhaustive des locaux de rétention administrative existant sur le territoire français. Or cette absence de transparence est d’autant plus condamnable qu’elle induit un véritable préjudice pour les étrangers.
À titre d’exemple, elle empêche les associations, notamment celles qui se chargent de l’accompagnement juridique, d’assurer une présence effective dans ces lieux. Les étrangers retenus se voient donc privés d’une aide, d’un conseil précieux et particulièrement utiles, étant donné la situation extrêmement précaire dans laquelle ils se trouvent. Par ailleurs, sans liste exhaustive, il est impossible de mettre en œuvre des contrôles dans l’ensemble des locaux de rétention administrative.
À cet égard, il convient de rappeler que, en novembre 2008, le premier contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, avait souligné que l’aménagement du local de rétention administrative de Choisy-le-Roi était « attentatoire à la dignité humaine » et qu’« aucune prescription de sécurité ne saurait [le] justifier ».
Il ne s’agit pas là d’un simple feu de paille : cette question ne cesse de faire écho à toutes les turpitudes qui sont à l’origine des convulsions que connaissent les locaux de rétention administrative.
Nous souhaitons donc que ces locaux soient soumis à l’impératif de transparence, car l’opacité est la marque de ceux qui ont quelque chose à se reprocher.
C’est pourquoi nous proposons que l’administration tienne à jour et publie un inventaire des locaux de rétention administrative. Les droits et la dignité humaine des étrangers n’en seront que mieux respectés et protégés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avant de se prononcer, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les locaux de rétention administrative sont créés soit à titre permanent, soit pour une durée définie par arrêté préfectoral. Une copie de l’arrêté portant création de tout local de rétention est transmise sans délai au procureur de la République, au directeur de l’Agence régionale de santé et au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
De plus, ces lieux sont accessibles, comme les centres de rétention permanents, à l’autorité judiciaire, au contrôleur général des lieux de privation de liberté et aux parlementaires. Ils seront également ouverts à des associations humanitaires, qui y exerceront une mission d’observation distincte de l’action des associations habilitées à aider les personnes retenues à exercer leurs droits.
Le contrôle des conditions de vie des personnes retenues est donc pleinement assuré avec les dispositifs existants.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je me permets d’indiquer aux auteurs de ces deux amendements que ceux-ci comportent une bizarrerie : il n’est tout de même pas très orthodoxe que la loi vise un article réglementaire. C’est même impossible ! C’est pourquoi, même si je soutenais cette proposition sur le fond, je ne voterais pas les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président de la commission, moi, je considère que votre objection est un prétexte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Même s’il y a probablement une anomalie dans la forme, il y a surtout une réalité de fond !
J’ai l’habitude de me rendre dans les centres de rétention administrative. Ceux-ci sont certes difficiles d’accès, mais, au moins, nous les connaissons. Le problème que nous rencontrons avec les locaux de rétention administrative, c’est que nous ne les connaissons pas !
Je suis persuadée que beaucoup de mes collègues parlementaires sont souvent appelés par des familles ou des associations et découvrent à cette occasion, comme cela m’est arrivé récemment, que tel local a été décrété local de rétention.
Si vraiment on n’a rien à se reprocher, si vraiment on considère que la France est un État de droit où les choses doivent se faire dans la transparence, pourquoi a-t-on peur de dresser une liste de ces locaux ?
Mme Patricia Schillinger et M. Richard Yung. Très bien !