M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’est pas facile d’intervenir en dernier ! Il y aura sans doute des redites dans mon intervention, et je vous prie par avance de m’en excuser. Mais je ne pouvais me taire sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.
« La perversion de la Cité commence par la fraude des mots », disait un philosophe grec.
« Euthanasie volontaire », « aide active à mourir », « aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés », « assistance médicalisée pour mourir », quels que soient les termes employés, ne nous y trompons pas : il s’agit bien d’assister le suicide d’autrui en légalisant l’acte de mort.
Au nom de quoi ? Au nom du respect de la liberté et de la dignité de l’homme affaibli, dans le but d’abréger, à sa demande, ses souffrances, afin qu’il soit l’acteur de sa propre mort ?
Mais quelle est donc, mes chers collègues, cette conception de l’homme qui rabaisse sa dignité et l’enferme dans son seul état biologique, psychique ou psychologique ?
C’est le principe même d’humanité qui fait la grandeur, la liberté et la dignité de l’homme, quel que soit son état, du début à la fin de la vie. Si la société ne reconnaît pas ce principe imprescriptible et inaliénable, elle court le risque d’exclure les personnes les plus vulnérables et d’aboutir, à plus ou moins brève échéance, à l’eugénisme, au meurtre des personnes désignées comme indésirables, à une déviance des consciences. La société perd ses repères.
Comment ? Chacun le sait : le champ d’une loi d’exception, même bien encadrée, finit toujours par s’élargir et son application par se généraliser. Qu’adviendra-t-il des malades devenus incapables de s’exprimer ? Qui jugera de l’intensité de leur souffrance ? Qui prendra l’ultime décision ?
Je ne peux ainsi passer sous silence le sort des personnes mentalement handicapées, dont certaines sont complètement mutiques. Qui jugera pour elles ? les médecins ? les familles ? les tuteurs ? Et à quelle aune, sinon à celle de leur propre capacité à continuer de supporter ou non la dépendance de leurs proches ? Je pense en particulier aux parents âgés : épargnons-les ! Ne prenons pas le risque de commencer par légaliser, avant d’imposer un geste létal non désiré.
Puisque nous parlons de dépendance, mes chers collègues, pensez-vous qu’à l’heure où le Gouvernement se penche sur la manière de prendre en charge la perte d’autonomie – débat de société et affaire de cœur s’il en est, comme le disait une voix autorisée lors d’une récente cérémonie de vœux ! –, cette proposition de loi soit vraiment opportune ?
Je ne ferai à personne l’affront de penser que, sous couvert de compassion et de sollicitude, il y aurait ici une manière de traiter du financement de la dépendance. Mais prenez-y garde : certains pourraient faire ce procès, et aucun parlementaire n’en sortirait grandi.
Ces propositions sont inacceptables à tous égards. On ne vole pas la mort d’autrui. Une demande d’euthanasie doit être écoutée, et reçue en priorité comme un appel.
Tous les témoignages sont formels : pour certains, c’est un appel à apaiser des souffrances devenues intolérables, pour d’autres, un appel à un accompagnement médical adapté, et surtout à un accompagnement psychologique et affectif qui ne laisse pas le malade à sa solitude face à la mort qui vient.
De plus ces propositions de loi sont inutiles. La loi Leonetti de 2005, insuffisamment connue et exploitée, permet de répondre à ces situations extrêmes. Elle exige l’administration de soins appropriés, même au prix d’un raccourcissement de la vie, refusant tout à la fois l’euthanasie et l’acharnement thérapeutique.
Les soins palliatifs existent et apportent dans tous les cas une réponse apaisante à la souffrance et à la crainte, ô combien humaine, de la mort.
Voir partir un proche en paix, à son heure, permet à ceux qui restent d’être, eux aussi, en paix.
Ne laissons pas le corps médical courir le risque de trahir le serment d’Hippocrate ! Ne laissons personne prendre le risque de se sentir coupable de n’avoir trouvé, comme unique solution au stade ultime de la vie, que l’œuvre intentionnelle de mort. Celle-ci n’est-elle pas une manière de dire : « Dans notre impuissance, nous ne pouvons que t’abandonner », une impuissance oublieuse des rapports de cœur et de la main tendue, peut-être à la recherche du « meilleur des mondes » ?
« Ce n’est pas un droit à l’euthanasie que demandent les grands malades, mais un droit à la solidarité », disait récemment à la radio la mère d’un grand accidenté de la vie. (Mme Marie-Thérèse Hermange opine.)
Je citerai à mon tour les propos de Mme Pavageau, dont l’exemple était cité par Marie-Thérèse Hermange : « Tous ceux qui demandent à mourir sont surtout en quête d’amour ».
Il nous reste, bien entendu, monsieur le ministre, mes chers collègues, à réitérer une nouvelle fois une demande forte et urgente. Celle-ci concerne le développement de soins palliatifs qui couvrent l’ensemble du territoire et qui soient accessibles à tous. Cette demande, je la fais mienne !
Vous l’aurez compris, je ne peux, en mon âme et conscience, voter un texte autorisant le geste létal légalisé sur mon prochain. Sachez que je suis largement soutenue, tout au moins si j’en juge par le nombre de courriels que j’ai reçus, en provenance de la France entière, émanant de correspondants connus et inconnus, attachés à une société à visage humain et au respect de la vie ! Une partie de ces 350 courriels émane des « sans voix », comme ils se nomment eux-mêmes.
J’ai aussi reçu un message de l’Ordre des médecins, qui vous a sans doute été adressé à tous, mes chers collègues. J’ai par ailleurs appris cet après-midi, de la bouche d’un professeur de médecine, que l’Académie nationale de médecine s’était prononcée contre cette proposition de loi.
Quoi que certains disent en se fondant sur des sondages récemment publiés, trop réducteurs, toutes ces personnes sont bien plus nombreuses que les partisans d’un texte qui lève l’interdit de tuer !
« Tu ne tueras pas ! » : l’interdit de tuer doit rester le fondement de tout pacte social.
Mme Annie David. Dans ce cas, il faut retirer nos soldats d’Afghanistan !
Mme Bernadette Dupont. Restons logiques : la peine de mort a été abolie pour les coupables ; ne la restaurons pas, sous une autre forme, pour les innocents ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire à tous, et en particulier au président Larcher, le fond de ma pensée. Passons sur quelques exclamations, heureusement peu nombreuses, et reconnaissons que le débat qui nous réunit ce soir est un beau débat, qui fait honneur à la Haute Assemblée, et à la vie politique aussi !
Ce débat démontre que nous savons nous concentrer sur les sujets essentiels, et quoi de plus essentiel que la fin de vie ?
Certains d’entre vous ont réagi lorsque j’ai utilisé, tout à l’heure, le mot « euthanasie ».
Patrick Ollier, qui, par respect pour le Sénat autant que par amitié pour moi, est présent parmi nous depuis le début de notre discussion, me faisait remarquer que l’euthanasie était ainsi définie dans le dictionnaire Larousse : « Acte d’un médecin qui provoque la mort d’un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie, illégal dans la plupart des pays ».
M. René-Pierre Signé. Et qui décide seul !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne crois pas que ce mot soit déplacé dans ce débat !
Selon d’autres définitions, l’euthanasie désigne l’acte mettant fin à la vie d’une autre personne pour lui éviter l’agonie.
Dans une acception plus contemporaine, et plus restreinte, l’euthanasie est décrite comme « une pratique, action ou omission visant à provoquer le décès d’un individu atteint d’une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et/ou physiques intolérables ». Cette définition vise plus particulièrement l’acte d’un médecin ou un acte effectué sous son contrôle.
J’ai donc utilisé ce mot à dessein, et je ne pense pas qu’il ait été inapproprié compte tenu du débat qui est le nôtre ce soir.
Beaucoup d’entre vous ont cité le cas de Vincent Humbert, et je l’ai d’ailleurs fait moi-même. À cet égard, la question qui se pose est la suivante : la loi Leonetti aurait-elle pu s’appliquer ?
M. François Autain. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je partage ce point de vue, monsieur le sénateur.
Cette proposition de loi aurait-elle apporté toutes les solutions ? Je n’en ai pas le sentiment.
M. Jean Desessard. Mais si !
M. Xavier Bertrand, ministre. Comme je l’ai dit tout à l’heure à propos de l’Observatoire national de la fin de vie, des questions restent en suspens et un certain nombre de travaux doivent encore être conduits en ce qui concerne non seulement l’euthanasie, mais également le suicide assisté, qui est certainement la solution dans certains des cas que nous avons évoqués.
Cependant, je ne me résous pas non plus à franchir ce pas. Je pense en effet que, face à certaines situations bien particulières, la question en jeu est non pas celle de la fin de vie, mais le souhait de mettre un terme à sa vie alors que l’on n’a pas les moyens de le faire.
Évitons d’être manichéens et de chercher à opposer la loi Leonetti à la proposition de loi présentée ce soir, car aucun de ces deux textes n’est en mesure de résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Je le répète, j’ai été marqué par le témoignage de Mme Humbert. Même si nous avons tous parlé du cas de Vincent Humbert, et je ne dénie à personne le droit de le faire, elle reste la seule, en tant que mère, à pouvoir réellement juger de la situation de son fils.
La France, madame Létard, nous le savons, a un retard important en matière de prise en charge de la fin de vie. Je suis persuadé que nous sommes capables de le combler. Cependant, la question n’est pas uniquement celle du nombre de lits ou d’unités de soins palliatifs, il s’agit aussi de culture, je veux parler de la culture palliative des professionnels de santé.
Madame Desmarescaux, nous partageons les mêmes réflexions, les mêmes préventions, les mêmes objectifs. Nous avons également une approche commune de la notion de dignité humaine, dont personne n’a le monopole. Le regard que vous portez, nous sommes nombreux à le porter non seulement dans cet hémicycle, mais également dans la société française.
Monsieur Barbier, j’ai été marqué par vos propos. Vous avez raison : tout le monde, sans exception, a peur de souffrir et souhaite une mort sans souffrance. Or des soins adaptés peuvent pallier cette peur et cette souffrance. Vous l’avez dit, l’un des enjeux est de ne pas confondre le droit de mourir avec le droit à la dignité.
Monsieur Fischer, vous estimez que nous ne sommes pas égaux face à la mort. Ainsi, certains se rendent à l’étranger afin de « s’offrir une mort choisie ». Voilà pourquoi il faut développer sans faiblir les soins palliatifs, en promouvoir la culture et la pratique.
L’humanisme que vous évoquez, moi, je le vois dans le devoir que nous avons de protéger les plus faibles, ceux qui ont perdu l’autonomie de la volonté comme le dit M. Godefroy, et de proposer à tous ceux qui en ont besoin un égal accès aux soins palliatifs.
Monsieur Fouché, vous l’avez indiqué, ce n’est pas parce qu’il existe un cadre légal qu’il n’y a pas de dérive. En Belgique, par exemple, près de 47 % des euthanasies sont pratiquées hors du cadre légal. Voilà pourquoi un cadre légal qui irait beaucoup plus loin, ce que je ne souhaite pas, n’apporterait pas une garantie complète.
Monsieur Kerdraon, vous avez évoqué la culpabilité de celui qui peut choisir sa mort et la crainte de peser sur son entourage. Mais cette crainte peut aussi être induite par les souffrances de l’entourage. Ce choix relève-t-il toujours et uniquement d’un désir intime ? À mon sens, il est difficile de le savoir. Pensez à ces malades dont la conscience vacille et alterne entre des moments de flou et des moments de lucidité. C’est bien un risque que les soins palliatifs, en soulageant la souffrance du patient et des proches, permettent d’éviter.
Monsieur Détraigne, je partage votre point de vue. Plutôt que d’ouvrir une brèche dans notre législation autorisant une mort rapide et sans détour, nous devons continuer à protéger les plus vulnérables en développant les soins palliatifs.
Madame Schillinger, en revanche, je ne partage pas votre point de vue. Quelles garanties réelles cette proposition de loi offrirait-elle à la personne alors que le contrôle s’effectuera a posteriori ? Nous le savons, ce texte permettrait des dérives possibles vis-à-vis des personnes vulnérables, celles qui ne sont plus capables d’exprimer une demande à la fois libre et éclairée. Or on ne m’enlèvera pas de l’esprit que légaliser, c’est prendre le risque de banaliser.
Monsieur Retailleau, vous avez raison, avec l’euthanasie, on peut confondre le droit à mourir et le droit à la dignité. Or je suis également persuadé que la dignité humaine ne se résume pas à la seule question de l’intégrité physique ou psychique.
Monsieur Mézard, vous avez invoqué la liberté de choix pour demander la légalisation de l’euthanasie, en parlant toutefois d’exception. Je le répète, légaliser, c’est toujours prendre le risque de banaliser. Il ne faut pas méconnaître ce risque, même si, j’en suis sûr, la banalisation n’est pas dans l’intention des promoteurs du texte ou du rapporteur. Reste que ce risque existe et qu’il peut parfois se tapir sous les meilleures intentions.
Madame Hermange, je suis d’accord avec vous. On peut partager les interrogations de ceux qui veulent légaliser l’euthanasie sans partager aucune de leurs convictions. Vous avez raison de rappeler que l’euthanasie va non seulement à l’encontre de nos « fondements anthropologiques », diront certains, mais aussi et surtout de notre tradition juridique, qu’il s’agisse de la Constitution européenne ou de la législation française ainsi que de la déontologie et de la pratique médicales.
Madame Payet, je vous rejoins : la peur de souffrir, la peur de mourir, nous le savons, ne feront que grandir, car elles sont aussi liées à l’augmentation de l’espérance de vie. D’une certaine façon, la loi du 22 avril 2005 a été conçue pour répondre aux attentes et aux peurs des Français, et j’entends par là les patients comme leurs proches.
Comme vous le soulignez, la demande de mort n’est-elle pas avant tout une demande de secours, un cri de détresse, une souffrance qu’il convient surtout d’apaiser ? Cette idée a d’ailleurs été reprise par de nombreux intervenants, et nous devons aussi l’avoir présente à l’esprit.
Monsieur Desessard, vous avez évoqué la pratique de l’euthanasie en France. Aucune étude n’existe sur le sujet.
Vous avez également évoqué l’euthanasie légale pratiquée aux Pays-Bas, sur laquelle nous possédons plus d’informations, en soulignant que c’est ainsi que l’on peut sortir de la clandestinité. Mais comment expliquez-vous la proportion à peu près équivalente d’euthanasies illégales qui est pratiquée dans le même pays ?
En outre, un chiffre n’est jamais évoqué par les partisans de l’euthanasie : le nombre des décès que nous aurions ainsi à constater dans notre pays, compte tenu de la différence démographique entre les pays où cette pratique est légale et la France. Les proportions seraient en effet difficilement acceptables pour certains de nos concitoyens.
Monsieur Lorrain, certains partagent avec vous le souci du risque de confusion que vous avez évoqué et les dérives possibles que cette proposition de loi pourrait provoquer.
Monsieur Guillaume, selon vous, il ne s’agit pas d’une proposition de loi sur l’euthanasie. Dois-je vous rappeler la définition de ce mot, notamment celle du Larousse ? Certes, le terme n’est pas employé dans le texte, mais l’acte est bien présent. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les amendements qui seront défendus tout à l’heure.
Cette proposition de loi, disons-le clairement, vise à créer une exception légale au principe de l’interdiction de donner la mort. Ce n’est pas neutre, ce n’est pas un texte banal. Pour le dire autrement, la proposition de loi vise à créer une autorisation légale à donner la mort, c’est-à-dire à autoriser l’euthanasie.
Je peux le dire de différentes façons, le propos peut être adouci, mais, en définitive, nous en arriverons exactement au même point pour définir ce qui est ici proposé.
Monsieur Lardeux, je vous rejoins également quand vous dites qu’il ne faut pas céder à l’émotion dès que l’on aborde le thème de la fin de vie, mais qu’il faut s’interroger avec objectivité afin de faire le choix le plus juste possible.
Vous pointez également l’acception parfois trop large de la notion de « fin de vie ». Comme je l’ai dit tout à l’heure, ne confondons pas les situations. En revanche, vous le savez, je n’ai jamais eu de doute quant au bien-fondé de la loi Leonetti, texte qu’il faut promouvoir encore et toujours dans les pratiques et la connaissance.
Monsieur Milon, j’ai été marqué par la justesse de ton de votre intervention. Il est vrai que le sujet est complexe, qu’il entrecroise les soubassements sociologiques, juridiques, sociétaux de notre condition d’homme ainsi que de notre statut de citoyen. Il fait en outre peser une lourde responsabilité sur les épaules du législateur comme sur celles des soignants.
C’est pourquoi il convient d’avancer avec autant de prudence que de résolution afin que chacun puisse accéder, si besoin est, à ces soins que nous avons évoqués tout au long de cette soirée, à savoir les soins palliatifs.
Madame Dupont, la fraude des mots que vous avez évoquée en commençant votre intervention n’est pas imputable aux promoteurs du texte ; c’est, d’une certaine façon, la confusion inhérente à un débat. Tout à l’heure, j’ai cité à dessein ce sondage dans lequel 94 % des Français se déclarent favorables à l’euthanasie. Or, dans leur esprit, c’est une fin de vie telle qu’elle est prévue dans la loi Leonetti. Voilà pourquoi il faut nous garder de la confusion et des grandes envolées. Sachons conserver le ton approprié dans ce débat juste et digne.
Quoi qu’il en soit, la position du Gouvernement n’a pas évolué depuis le début de la discussion générale. Nous refusons de franchir ce pas comme il nous est proposé de le faire. Toutefois, nous avons bien conscience de la responsabilité qui est la nôtre de développer encore et toujours les soins palliatifs. Tous ceux qui l’ont dit ce soir sont dans leur droit, tous ceux qui attendent ces soins pour accompagner leur fin de vie sont également dans leur droit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Rassurez-vous, je ne vais pas me livrer à une réponse exhaustive à tous les intervenants. Je veux simplement remettre un peu d’ordre dans cette discussion.
Tout d’abord, il n’a jamais été question que les personnes dépendantes ou celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer puissent « bénéficier » de l’assistance médicale à mourir. Le texte les exclut clairement du dispositif, et nous y avons tenu. Je tiens à le rappeler, car cet argument a été utilisé à plusieurs reprises dans le débat.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Or cela pourrait créer une confusion.
Les mineurs sont également exclus du dispositif, car nous avons estimé que ce sujet était trop compliqué pour être abordé dans le présent texte.
Ensuite, je voudrais dire à ceux qui ont fait un rapprochement avec la peine de mort que cette comparaison n’est pas acceptable. La peine de mort était une punition. Ce châtiment avait par définition vocation à être violent, parce qu’il était « exemplaire », ou du moins était-ce ainsi qu’on voulait le concevoir. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Or ce que nous proposons, c’est tout le contraire. Nous cherchons à répondre à une sollicitation de personnes en grande difficulté, en grande souffrance. Il y a donc une différence fondamentale entre ces deux aspects. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous ne sommes pas encore sur les amendements !
Mme Annie David. Laissez parler le rapporteur !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. Mes chers collègues, il est de tradition que le rapporteur puisse s’exprimer.
M. Guy Fischer. C’est la moindre des choses !
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. J’espère que cela ne vous dérange pas trop ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Quel que soit le texte en discussion ici, lorsque le rapporteur s’exprime, j’évite en général de l’en empêcher. Pour autant, je ne vous demande pas de souscrire à mon propos.
Le nom de Vincent Humbert a été évoqué par certains d’entre vous. Pour ma part, je n’ai jamais voulu aborder directement son cas, car j’ai beaucoup trop de respect pour les personnes concernées par sa situation. Reste que je vais expliquer pourquoi cette proposition de loi aurait été très importante pour le cas de Vincent Humbert, qui est d’ailleurs loin d’être unique.
Mes chers collègues, voilà un jeune homme qui s’est retrouvé dans l’impossibilité de bouger et, dans un premier temps pensait-on, dans l’impossibilité de communiquer. Sa maman a trouvé la voie pour communiquer avec lui. Il a alors manifesté son intention d’arrêter cette vie qui n’était plus supportable pour lui.
Qu’a répondu la société ? Parce que Vincent Humbert ne pouvait plus se mouvoir, la société a accepté, et c’est tant mieux, qu’on le nourrisse, qu’on lui apporte tous les soins. Mais, lorsqu’il a demandé si l’on pouvait l’aider à accomplir, conformément à son désir, l’acte qui lui aurait permis de mettre un terme à une vie qui, pour lui, n’avait plus de sens, la société lui a répondu que c’était impossible.
Pour les personnes se trouvant dans cette situation, une telle réponse de la société constitue une double peine. En effet, parce que vous ne pouvez plus vous mouvoir, la société refuse que l’on vous porte assistance, malgré la demande que vous formulez avec beaucoup de force !
Mme Humbert a pris la décision d’aider son fils et le docteur Chaussoy, en son âme et conscience, a finalement décidé d’aider Mme Humbert, après une première tentative. Mais, mes chers collègues, que se serait-il passé si Vincent Humbert était resté en vie ? La justice aurait interdit à Mme Humbert de continuer à voir son fils, de peur qu’elle ne renouvelle son acte. Nous aurions été alors en présence de la situation la plus dramatique qui soit, une situation inhumaine. En effet, ce jeune homme, enfermé dans son « corps-sarcophage », aurait perdu, en plus de tout espoir que l’on puisse lui venir en aide et de tout lien avec sa vie antérieure – la belle vie –, le seul lien d’amour qui lui restait, c’est-à-dire le contact avec sa maman.
Je ne veux plus que de telles situations se produisent et milite donc pour que, par humanité, dans des cas comme ceux-là – je pense que vous ne pouvez que souscrire à cette idée –, une loi permette à la société de venir en assistance à la personne qui formule une demande en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)