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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mmes Muguette Dini, Marie-Thérèse Hermange, M. Paul Blanc, Mme Catherine Deroche, MM. Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, François Autain.

Suppléants : M. Gilbert Barbier, Mme Brigitte Bout, MM. Guy Fischer, Marc Laménie, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Mme Patricia Schillinger.

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Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. J’informe le Sénat que les questions orales n° 1176 de M. Alain Milon et n° 1178 de M. Ambroise Dupont pourraient être inscrites à l’ordre du jour de la séance du mardi 15 février 2011.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux jusqu’à dix-sept heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

utilisation du « flashball » et du « taser » par les forces de police

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’utilisation du « Flashball » et du « Taser » – ces termes ne sont pas des noms communs, je le précise, mais correspondent à des marques déposées – par les forces de police.

L’auteur de la question et le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Comme les fois précédentes, ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !), de Frédéric Taddéï.

Je demande instamment à chacun des orateurs de respecter son temps de parole.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les violences à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique sont malheureusement fréquentes. Les policiers municipaux, au même titre que les policiers nationaux et les gendarmes, sont devenus des cibles privilégiées pour des délinquants de plus en plus violents.

Dans ce contexte, un certain nombre de maires ont souhaité doter les policiers municipaux de leur commune de moyens de force intermédiaire, notamment de pistolets à impulsion électrique, de manière qu’ils soient mieux protégés.

Si une telle décision est bien compréhensible, certains s’en sont toutefois inquiétés. Les moyens de force intermédiaire, pour utiles qu’ils soient, n’en restent pas moins des armes dont l’usage doit être très encadré et subordonné à une formation spécifique.

Afin de prendre en compte les observations qui avaient été formulées par le Conseil d’État en 2009, l’armement des agents de police municipale a fait l’objet d’un nouveau décret, en date du 26 mai 2010.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser comment les agents de police municipale sont formés à l’utilisation des moyens de force intermédiaire et dans quelles conditions ces derniers sont employés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Madame Payet, l’équipement des polices municipales en pistolets à impulsion électrique et en Flashballs est conforme aux principes généraux de l’armement de la police municipale.

Celui-ci, premièrement, est facultatif en ce sens qu’il est à la diligence du maire.

Deuxièmement, il est conditionné à la conclusion d’une convention de coordination entre le maire et l’État.

Troisièmement, il est fonction de la dangerosité des missions confiées à la police municipale.

L’usage des pistolets à impulsion électrique est évidemment entouré de très fortes garanties.

Tout d’abord, une formation préalable est délivrée par le Centre national de la fonction publique territoriale. S’y ajoute une formation d’entraînement qui a lieu deux fois par an.

Ensuite, un système de contrôle permet à la fois d’assurer la traçabilité de chaque arme et d’en vérifier l’utilisation puisqu’un système d’enregistrement sonore et une caméra sont associés au viseur.

En outre, un rapport doit être remis au maire après chaque utilisation et, chaque année, le maire transmet lui-même un rapport au préfet et au procureur de la République.

Enfin, les conditions d’usage sont identiques à celles qui sont prévues pour la police et la gendarmerie nationales.

Afin d’être le plus complet possible, je précise que, à ce jour, dix-sept communes ont équipé leur police municipale de ces armes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Payet. Je remercie simplement M. le ministre de ses réponses extrêmement précises.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce jour, dans le monde, l’utilisation du Taser par les forces de police des pays qui l’ont autorisée aurait provoqué la mort de centaines de personnes.

En France, plusieurs personnes ont récemment trouvé la mort dans des circonstances faisant apparaître la responsabilité présumée de cette arme, le dernier cas de décès remontant au 30 novembre dernier.

Aujourd’hui encore, les effets du pistolet à impulsion électrique sur la santé ne sont pas réellement connus. Supposé, selon son fabricant, ne causer aucun risque mortel, le Taser se banalise de plus en plus et reste employé dans des situations qui ne nécessitent pas toujours son usage.

En réalité, cette arme, qui inflige des souffrances importantes, est utilisée comme un moyen de neutralisation, de rétorsion ou d’intimidation sur des personnes ne présentant pas forcément un danger immédiat. De nombreuses forces de police aux États-Unis utilisent régulièrement les pistolets électriques comme un moyen de contrainte pour maîtriser des personnes récalcitrantes ou perturbées et qui, pourtant, ne créent aucun trouble sérieux.

Faut-il rappeler que, dans un rapport du 23 novembre 2007 sur le Portugal, le Comité contre la torture de l’ONU a condamné l’usage et l’équipement des forces de police en Tasers ? Le Comité s’inquiétait non seulement de la douleur aiguë engendrée par ces armes, douleur constituant une « forme de torture », mais aussi du fait que l’utilisation du pistolet électrique peut causer la mort. En effet, dans bien des cas, le choc émotionnel consécutif à la douleur causée par ces armes peut entraîner un arrêt cardiaque et donc provoquer la mort.

Compte tenu des questions soulevées par le développement de ces armes à neutralisation et des cas de décès répertoriés par des études fiables, aujourd’hui, nos concitoyens ne comprennent plus que l’on généralise leur emploi sans que le Gouvernement prenne davantage en compte leur dangerosité.

Sans même évoquer les risques de bavure, toujours bien réels, le Taser suscite encore de trop nombreuses interrogations. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire le choix de la prudence – un choix qui, en l’occurrence, peut sauver des vies humaines – en suspendant l’usage de cette arme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Fortassin, puisque vous aurez la possibilité de vous exprimer à nouveau après moi, permettez-moi de vous interroger à mon tour. J’ai bien compris que vous étiez réservé quant à l’utilisation de telles armes, mais je n’ai pas saisi quelle autre solution vous proposiez. En réalité, le choix est assez simple et se situe finalement entre les armes à létalité réduite et les armes létales. Quelle est, selon vous, l’autre possibilité ?

Je vous rappelle que l’utilisation de ces armes n’est possible qu’en état de légitime défense.

Quel a été l’emploi des moyens de force intermédiaire en 2010 ? Les 3 408 Flashballs qui équipent les unités de police et de gendarmerie les plus exposées ont été utilisés à 1 481 reprises, ce qui est d’ailleurs moins important que l’année précédente, puisqu’on a dénombré 1 600 utilisations en 2009.

Concernant les lanceurs de balles de défense – il s’agit de modèles permettant de tirer à plus longue distance –, 3 166 pièces ont été utilisées à 491 reprises, chiffre cette fois plus élevé qu’en 2009.

S’agissant du pistolet à impulsion électrique, plus connu dans l’opinion publique sous le nom de Taser, il équipe les unités de police et de gendarmerie les plus exposées à hauteur de 4 051 pièces, qui ont été utilisées à 815 reprises en 2010, une donnée là encore moins importante que celle de l’année précédente puisqu’il y a eu 907 utilisations en 2009.

En outre, monsieur le sénateur, et je tiens à le préciser parce qu’un tel chiffre répond très exactement à votre question, ces armes ont été utilisées à 12 000 reprises depuis 2006. Lors de ces 12 000 utilisations, vous avez raison, des accidents sont survenus, y compris des accidents graves, mais leur nombre a été limité à vingt-deux. Ce sont certes vingt-deux cas de trop, je m’empresse de le dire, mais, rapportés au nombre total d’utilisations, ils ne représentent qu’une proportion de 0,2 %.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, lorsque des décès sont causés par l’utilisation d’armes traditionnelles, on considère que c’est une bavure et cela crée incontestablement une émotion profonde dans l’opinion publique. Lorsque c’est l’usage de Flashball ou de Taser qui est en cause, on a l’impression que c’est moins grave… Or ces armes ont tout de même entraîné la mort de vingt-deux personnes : ce n’est pas rien !

Monsieur le ministre, il existe bien une troisième solution pour dissuader des individus de se montrer par trop agressifs, pour les immobiliser ou les repousser, et on y a recours depuis fort longtemps : les canons à eau. Sachant qu’un gros orage disperse les manifestants, utilisez donc des Canadairs. Ce sera tout de même beaucoup moins dangereux ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France, comme d’ailleurs la plupart de ses partenaires européens, a fait le choix d’équiper ses forces de l’ordre en moyens de force intermédiaire, Flashball ou lanceur de balles de défense de 40 millimètres et pistolets à impulsion électrique.

L’emploi de ces moyens est évidemment encadré et demeure subordonné aux exigences de nécessité et de proportionnalité.

Malheureusement, des affaires récentes mettant en cause notamment le Flashball ont pu légitimement émouvoir nos concitoyens, lesquels s’interrogent sur les règles qui encadrent l’emploi de ces équipements.

Monsieur le ministre, même si vous nous avez déjà apporté certaines informations en répondant à notre collègue Mme Payet, pouvez-vous nous préciser le cadre législatif et réglementaire dans lequel les policiers et les gendarmes doivent inscrire leur action lorsqu’ils utilisent les moyens de force intermédiaire mis à leur disposition ?

Par ailleurs, pouvez-vous détailler les procédures de contrôle mises en œuvre lorsque des problèmes surviennent et indiquer notamment si des contrôles a posteriori sont réalisés sur les conditions d’usage de ces équipements ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Lefèvre, votre question porte en fait sur l’encadrement juridique de l’usage des moyens de force intermédiaire et sur l’évolution d’un tel usage, car il faut évidemment tenir compte des retours d’expérience.

Bien entendu, l’utilisation de telles armes s’inscrit dans un cadre légal, au travers des exigences du code pénal et du code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne la définition de la légitime défense et de l’état de nécessité.

Il existe, pour l’emploi de chaque moyen de force intermédiaire, qu’il s’agisse du Flashball ou des pistolets à impulsion électrique, une instruction qui rappelle les dispositions juridiques relatives à ces armes.

Ces instructions, je tiens à le souligner, sont régulièrement mises à jour, pour tenir compte à la fois de l’expérience et de l’évolution des connaissances médicales ainsi que des données techniques et scientifiques. Elles ont d’ailleurs été réactualisées en 2009 pour la police et au cours de l’année 2010 pour la gendarmerie.

Je le rappelle, les policiers et les gendarmes sont tenus de rendre compte de l’utilisation de ces armes.

J’ajoute que l’arme est munie d’une puce qui enregistre tous les paramètres de tir, c’est-à-dire la date, l’heure, la durée de l’impulsion électrique. Surtout, le viseur est désormais doté d’une caméra qui filme l’intervention. Par conséquent, toutes les précautions sont prises pour que la traçabilité de chaque utilisation soit totale, précisément afin d’éviter les litiges.

D’ailleurs, à ce jour, aucun décès n’a été judiciairement imputé à l’utilisation de telles armes en France.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Sans doute un effort doit-il être fourni pour communiquer davantage sur la réglementation relative à l’usage de ce type d’armes.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, il n’est pas question ici de revenir sur le principe d’un certain armement des forces de l’ordre : il importe en effet qu’elles aient les moyens de se protéger et de prévenir les accidents dont pourraient être victimes les personnes présentes sur la voie publique.

Toutefois, avant même les drames récents, plusieurs associations ont dénoncé le Flashball et le Taser comme des armes pouvant entraîner la mort, bien qu’elles soient définies comme non létales, et le Comité de l’Organisation des Nations unies contre la torture a qualifié l’utilisation du Taser de « traitement inhumain et dégradant », équivalant à une « forme de torture ».

Si l’on parle d’armes « à létalité atténuée », celles-ci n’en demeurent pas moins létales et nous devons donc les considérer comme telles.

Le Taser se range aujourd’hui parmi les armes de quatrième catégorie.

Il a par ailleurs été démontré que l’utilisation du Flashball était extrêmement imprécise du fait du risque de déviation des balles, même pour un tireur expérimenté.

Il est donc urgent d’agir pour rétablir la vérité sur ces armes et afin d’éviter au maximum les accidents.

Certes, l’arme idéale n’existe pas, mais l’État n’en a pas moins fait l’erreur de considérer Taser et Flashball comme des armes non létales. Il faut réparer cette erreur, et le faire rapidement. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître vos intentions sur ce point.

Quant aux polices municipales, elles n’ont pas les mêmes missions que la police nationale : elles doivent rester des polices de proximité et leurs agents demeurer des agents de tranquillité publique. Il est urgent de légiférer sur la question pour que cessent les confusions entre police nationale et polices municipales, qui n’ont pas et ne doivent pas avoir les mêmes prérogatives.

Aujourd'hui, il y a autant de situations que de conventions signées entre l’État et les communes. Avec une meilleure répartition des compétences, et donc la disparition des confusions, les rôles respectifs de la police nationale et des polices municipales seront mieux définis.

Sur les 18 000 policiers municipaux, 8 500 sont armés d’armes de la quatrième à la septième catégorie et il n’y a encore jamais eu d’accident.

Comptez-vous, monsieur le ministre, uniformiser les textes applicables en la matière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Je pense très sincèrement, je l’ai déjà dit, que le recours aux moyens de force intermédiaire est – en tout cas aujourd’hui, car cela évoluera peut-être – la seule alternative à l’usage de l’arme en feu en situation de légitime défense, ce qui signifie que la suppression de ces armes à létalité réduite que sont le Taser et le Flashball aurait pour conséquence l’utilisation de l’arme à feu.

On ne peut pas ignorer – ce que vous ne faites d’ailleurs absolument pas dans votre question, monsieur Gautier – que 19 policiers et gendarmes sont décédés dans l’exercice de leurs fonctions et que 12 870 policiers, dont 300 officiers et 30 commissaires de police, ont été blessés au cours de l’année 2010. Ces chiffres élevés soulignent, même s’ils sont aussi imputables à des accidents, qu’il s’agit d’un corps confronté à des situations particulières.

En 2010, il y a eu très exactement cinq affaires en France qui ont donné lieu à des enquêtes judiciaires ou administratives. Ces affaires étant en cours, je ne peux évidemment pas présager de leurs conclusions, mais, s’il y a faute, c'est-à-dire non-respect du principe de légitime défense, des sanctions seront naturellement prises. Pour être respectées, de toute évidence, les forces de l’ordre doivent être irréprochables.

À cet égard, j’insiste sur le fait que les forces de sécurité font certainement partie des services administratifs les plus contrôlés dans notre pays, ce qui est d’ailleurs parfaitement normal compte tenu des responsabilités qui sont les leurs. Ainsi, en 2010, 2 698 policiers et un peu plus de 3 000 gendarmes ont été sanctionnés pour non-respect de leurs obligations. C’est assez dire que les membres des forces de l’ordre ne sont pas à l’abri de toute punition.

Vous avez évoqué, monsieur Gautier, plusieurs associations ainsi que les Nations unies, et nous sommes nous-mêmes en discussion avec des ONG – notamment avec la représentante française d’Amnesty international – de manière à pouvoir prendre en compte, éventuellement, un certain nombre de leurs remarques.

S’agissant par ailleurs de vos questions relatives aux polices municipales, je crois y avoir déjà à peu près répondu précédemment.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour la réplique.

M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, c’est justement sur les polices municipales que mes préoccupations sont centrées et je note que vous n’êtes pas revenu sur la question clairement posée : envisagez-vous une clarification des missions des polices municipales par rapport à celles de la police nationale ?

La confusion qui est entretenue fait en effet courir des risques aux agents municipaux, car les agents des polices municipales sont souvent pris pour des policiers comme les autres, c'est-à-dire en fait des membres de la police d’État.

Je crains, de surcroît, que votre programme de diminution constante des effectifs de l’État, qui se trouve compensée sur le terrain par des recrutements en nombre à peu près équivalent dans les polices locales, ne conduise à un transfert de compétence de fait alors que tous les transferts de compétences opérés dans notre République l’ont été par la loi.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, j’ai déjà interpellé à plusieurs reprises les ministres de l’intérieur successifs – et, me semble-t-il, notamment vous-même – sur la dangerosité du Taser X26 et du Flashball.

Chaque fois, j’ai obtenu la même réponse, celle que vous nous apportez cet après-midi encore : toutes les garanties existent, d’abord du point de vue de la formation, ensuite du fait que l’utilisation est limitée à certaines circonstances, principalement la légitime défense.

En outre, nous disait-on, s’il y avait eu des morts dues au Taser aux États-Unis, il ne pouvait pas y en avoir en France parce que les impulsions électriques utilisées chez nous étaient moins fortes. Or on compte aujourd’hui deux morts, l’un à Colombes, l’autre à Marseille.

Quant au Flashball, il a fait tout récemment un blessé très grave à Montreuil.

J’avais prévu, monsieur le ministre, de vous demander qui utilisait ces armes, comment et dans quelles circonstances, mais vous avez déjà en partie répondu à ces questions et je vais vous en poser deux autres.

D’abord, n’estimez-vous pas qu’il est indispensable, conformément à ce que préconise la Commission nationale de déontologie de la sécurité dans un rapport, d’empêcher l’utilisation du Flashball dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre lors des manifestations sur la voie publique ?

Ensuite, quelle évaluation faites-vous de la dangerosité de ces armes ?

Peut-être le Taser est-il utilisé de façon moins dangereuse en France qu’aux États-Unis et peut-il être considéré, dans notre pays, comme une arme non létale lorsqu’il est employé à l’encontre de personnes qui se portent parfaitement. Mais cela reste-t-il vrai lorsqu’il est utilisé contre des personnes fragiles, et notamment contre celles qui souffrent d’insuffisance cardiaque, ce qui n’est pas écrit sur leur figure ? Il serait bon de savoir dans quels cas une décharge électrique peut être mortelle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, des enquêtes, vous le savez, sont en cours sur les décès qui se sont produits à Marseille et à Colombes et je ne peux donc pas me prononcer sur ce qui s’est réellement produit. Cependant, au terme de la procédure judiciaire, nous tirerons, le cas échéant, les leçons qui devront être tirées.

Vous m’avez interrogé sur l’utilisation de ce type d’armes à l’occasion des manifestations, et vous pensez sans doute à des manifestations comme celles qui se sont déroulées au cours de l’automne. Je vous précise que le pistolet à impulsion électrique ne doit pas être utilisé au cours de ces manifestations, sauf, naturellement, en situation de légitime défense.

Il est cependant indéniable que les policiers et les gendarmes sont de plus en plus souvent confrontés à de graves agressions qui visent à les blesser, voire à les tuer. Or mon devoir de ministre de l’intérieur est de faire en sorte que les forces de sécurité soient protégées : je ne serais pas dans mon rôle si je n’avais la préoccupation constante de garantir la protection de ceux qui ont la responsabilité d’assurer la tranquillité et la sécurité de nos concitoyens. J’observe que les voyous n’hésitent pas à tendre des guets-apens et parfois même à utiliser des armes de guerre.

Hors ces cas extrêmes, les forces de l’ordre sont souvent confrontées à des personnes en état de démence temporaire ; dans 54 % des cas, l’utilisation du pistolet à impulsion électrique est liée à la nécessité de réduire l’agressivité et la résistance de ces personnes, souvent sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants.

En outre, je rappelle que le taux d’interpellation, une donnée qui n’est tout de même pas indifférente, est de 97 % après usage d’un pistolet à impulsion électrique.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la réplique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, que la police doive être en mesure d’exercer ses missions, personne ne le conteste.

Je constate néanmoins que le syndicat national des policiers municipaux demande un moratoire sur l’utilisation du Taser par les policiers municipaux. Ainsi, au sein même des forces de police, d’aucuns se posent des questions sur l’utilisation de ces armes en l’état actuel de nos connaissances quant à leur dangerosité.

J’observe également que, du fait de l’évolution de notre législation, de plus en plus d’opérations relatives à l’ordre et à la sécurité publique seront déléguées à des services de sécurité privés. Allons-nous, monsieur le ministre, autoriser les polices privées à se doter de ces armes de quatrième catégorie ?

Il s’agit d’un point d’autant plus préoccupant que le fabricant du Taser conduit, vous le savez, une campagne de publicité à peine déguisée, accessible très facilement, pour que tout un chacun se dote de ces armes en principe non létales.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, le Flashball et les pistolets à impulsion électrique constituent une alternative à l’usage des armes à feu par les forces de sécurité, mais ces équipements n’en demeurent pas moins des armes et peuvent être dangereux.

Toutes les mesures doivent être prises pour que leur utilisation se fasse dans le respect des règles de sécurité inhérentes à leur emploi et pour éviter, dans la mesure du possible, que ne se produisent des cas de blessures corporelles graves, comme ceux dont la presse et certains de mes collègues ont pu se faire l’écho. Je sais que vous y êtes attentif.

Monsieur le ministre, je veux vous interroger sur la formation des agents pouvant être équipés de ces moyens de force intermédiaire. Vous avez déjà en partie répondu à la question. Je souhaiterais cependant savoir s’il y a une obligation de formation continue, et non pas seulement une formation avant usage de ces équipements.

Au-delà de la simple maîtrise juridique et technique de l’emploi de ces moyens, des mises en situation sont-elles prévues dans les formations pour montrer aux forces de sécurité comment réagir et dans quels cas utiliser ces armes ?

Enfin, je voudrais en savoir un peu plus sur les ventes sur Internet et par correspondance.

Je suis allée sur la Toile : sur un site, le Taser était quasiment en vente libre pour toute personne majeure ; et pour acquérir un Flashball, étaient simplement exigés un certificat médical ou un permis de chasse et une pièce d’identité.

Mme Catherine Procaccia. J’avoue que je n’ai pas poussé la « conscience professionnelle » jusqu’à commander une de ces armes pour l’apporter en séance cet après-midi (Sourires.), mais j’aimerais savoir si le Gouvernement entend encadrer ces ventes sur Internet ou par correspondance.

En effet, j’estime que l’usage de ces armes par les particuliers est beaucoup plus dangereux que leur emploi par les forces de police.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président, m’est-il possible de revenir sur une question qui m’a été posée antérieurement ? M. Charles Gautier et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont en effet soulevé des points qui méritent des éclaircissements.

M. le président. C’est possible, monsieur le ministre, mais à condition que vous répondiez également à la très importante question de Mme Procaccia.

M. Brice Hortefeux, ministre. Je me tourne donc tout d'abord vers Mme Procaccia pour lui indiquer qu’un dispositif de formation initiale obligatoire est prévu pour tous les personnels susceptibles d’utiliser ces équipements, qu’il s’agisse des pistolets à impulsion électrique ou des Flashballs et autres lanceurs de balles de défense.

Cette formation doit être validée par une habilitation qui, naturellement, est individuelle et non pas collective. Celle-ci vérifie la fois le discernement, le sang-froid et la maîtrise des équipements, sur le plan tant technique que juridique, qu’ont acquis les personnels.

Vous m’interrogez sur le volet continu de cette formation. Le maintien de l’habilitation est précisément conditionné par le suivi d’une formation individuelle annuelle. Si cette obligation n’est pas respectée, bien entendu, des mesures sont prises.

Par ailleurs, vous vous souciez de ce qu’il en est s’agissant des ventes sur Internet. Vous avez eu raison d’attirer mon attention sur ce problème, qui m’a déjà été signalé. Je vous précise donc que ces armes ne sont en vente libre nulle part, et donc en aucun cas sur Internet. Si vous avez connaissance de cas précis, je vous remercie de nous les signaler et nous ne manquerons pas d’en saisir le parquet.

Puisque je dispose encore de quelques secondes, je précise à M. Charles Gautier que, en ce qui concerne les polices municipales, un décret adopté en mai 2010 aligne le dispositif de formation à l’usage de ces équipements sur celui qui existe pour la police et la gendarmerie nationales.

Je souhaitais également répondre à Mme Borvo Cohen-Seat, mais ne me souviens plus de la question qu’elle a posée… Bien sûr, j’y répondrai dès que la mémoire me reviendra…

En tout cas, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous souhaitez observer par vous-mêmes les formations qui sont dispensées pour l’utilisation des armes de ce type, vous êtes les bienvenus. Nous organiserons avec grand plaisir la visite de ces centres de formation.