M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 1091, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaiterais attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur les dangers de l’aluminium pour la santé publique.
Encore un produit dangereux, encore une alerte, encore un principe de précaution, me direz-vous, mais j’ai le souvenir de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt attirant, ici même, notre attention sur les méfaits du sel dans l’alimentation : il a fallu une quinzaine d’années pour qu’il soit entendu…
Omniprésent dans notre vie quotidienne, l’aluminium est l’un des métaux lourds les plus dangereux pour notre santé. On le retrouve pourtant dans beaucoup d’aliments et dans bien d’autres produits de consommation courante. Il en va ainsi notamment de ces produits que l’on cuit en papillote.
Or plusieurs études laissent penser que certaines maladies seraient favorisées par l’ingestion chronique de petites doses d’aluminium.
Dès 2003, l’Institut de veille sanitaire publiait un rapport spécifiant que « de nombreuses études montrent que l’aluminium peut être toxique pour les plantes, les animaux et l’homme ».
L’aluminium présente aussi une neurotoxicité pouvant entraîner la maladie d’Alzheimer ainsi que d’autres maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson.
La principale voie d’exposition à l’aluminium pour la population générale est celle de l’alimentation. Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments, certains consommateurs peuvent en absorber 2,3 milligrammes par kilogramme par semaine, soit plus de deux fois la dose tolérable par l’être humain !
En plus de sa concentration à des taux variables dans les denrées alimentaires, l’aluminium est présent sous forme d’alliages avec différents métaux dans les appareils de consommation, les conditionnements de denrées alimentaires et les ustensiles de cuisine.
Il existe également une contamination des aliments par contact.
Officiellement, les poêles en aluminium recouvertes de polytétrafluoroéthylène, comme celles de la marque Teflon, seraient inoffensives. Cependant, ces poêles, qui résistent à une température de 260°degrés, peuvent se dégrader et laisser ensuite des vapeurs toxiques se dégager.
En Finlande, les fabricants d’ustensiles de cuisine ont d’ailleurs l’obligation de mentionner les risques encourus pour la santé du fait de l’utilisation des casseroles et poêles en aluminium.
Certes, après quarante ans d’études menées sur le sujet, la controverse scientifique sur la toxicité de l’aluminium se poursuit, mais ne conviendrait-il pas, madame la secrétaire d'État, d’informer plus précisément les consommateurs sur les dangers de l’aluminium dans l’alimentation, en particulier du fait des contaminations par contact ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame Goulet, vous interrogez le Gouvernement sur les dangers de l’aluminium pour la santé publique.
En effet, l’aluminium est très largement présent dans notre vie quotidienne. Il est notamment utilisé par l’industrie agroalimentaire pour la production, la conservation en tant qu’additif et pour l’emballage des denrées dans les barquettes et les boîtes.
À l’échelon européen, l’aluminium n’est actuellement pas couvert par une législation.
Dans un avis du 22 mai 2008, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, indique que, dans les conditions normales et habituelles d’utilisation, la contribution de la migration à partir de matériaux en contact avec les aliments ne représente qu’une faible fraction de l’apport alimentaire total.
Toutefois, l’AESA fait remarquer qu’en présence d’acides et de sels, l’utilisation de récipients, de plateaux en aluminium ou de papier d’aluminium ménager pour les plats cuisinés et de restauration rapide peut accroître modérément les concentrations en aluminium de certains aliments.
L’AESA confirme par ailleurs que la dose hebdomadaire tolérable provisoire, la DHTP, est de un milligramme par kilogramme de poids corporel par semaine, soit en moyenne 8,5 milligrammes par jour pour un adulte.
En France, l’arrêté national datant du 27 août 1987 relatif aux matériaux et objets en aluminium ou en alliages d’aluminium au contact des denrées alimentaires, produits et boissons alimentaires, définit les critères de pureté pour l’aluminium utilisé pour la fabrication des matériaux et objets en aluminium ou alliages d’aluminium destinés au contact des denrées.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a élaboré des fiches documentaires sur l’aluminium, à l’adresse des industriels et destinées à préciser les modalités de vérification de l’aptitude des matériaux au contact alimentaire.
Une évaluation des risques sanitaires liés à l’exposition de la population française à l’aluminium a été réalisée en 2003 par plusieurs agences sanitaires françaises, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, et l’Institut de veille sanitaire, l’INVS.
Cette évaluation des risques sanitaires a notamment porté sur un examen de l’ensemble des études épidémiologiques et toxicologiques disponibles sur le sujet en fonction des différentes sources d’exposition pour l’homme, et sur une analyse de la qualité des preuves disponibles.
Les résultats de ce travail ont permis de préciser les niveaux d’apport pour certaines catégories de populations à risques, ainsi que les différentes spéciations dans les denrées qui conditionnent la biodisponibilité de l’aluminium.
Ce travail a aussi permis d’établir des recommandations dans le but d’améliorer l’état des connaissances. Il a montré qu’en l’état actuel des connaissances une relation causale entre l’aluminium et la maladie d’Alzheimer ne peut être raisonnablement envisagée.
Dans son rapport du 15 juillet 2008 relatif à l’actualisation de l’exposition par voie alimentaire de la population française à l’aluminium, l’AFSSA estime que l’ingestion d’aliments constitue 95 % des apports quotidiens d’aluminium. La teneur en aluminium des produits frais d’origine végétale ou animale est le reflet de la présence naturelle de cet élément dans l’environnement.
Cette présence naturelle se situe le plus souvent dans une gamme de un à dix milligrammes par kilogramme de matière humide brute. Pour d’autres denrées, comme les produits en conserve ou transformés, l’aluminium mesuré peut provenir d’un ajout d’additifs alimentaires ou de la migration à partir des emballages.
L’examen des données d’exposition française à l’aluminium par l’alimentation, au regard de la DHTP, montre que les risques de surexposition possibles sont faibles. En effet, l’apport total estimé, toutes catégories d’aliment confondues, reste inférieur à la DHTP, aussi bien en moyenne qu’au 97,5 percentile, quelles que soient les catégories de la population concernée, y compris les nourrissons.
Sur ces bases et en l’état actuel des connaissances, madame le sénateur, il n’apparaît pas nécessaire de renforcer la réglementation relative à l’aluminium dans l’alimentation.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse. Ces problèmes de sécurité alimentaire vont croissant et inquiètent, ce qui est normal, outre les consommateurs vigilants, l’ensemble de la population. À cela s’ajoutent les problèmes de pollution et tout ce qui interfère avec la santé.
Ce débat est important, d’autant que la mission « Sécurité sanitaire » a évolué. Elle regroupe désormais la sécurité sanitaire des animaux et de l’alimentation, alors que l’on aurait pu imaginer que ces domaines seraient maintenus séparés, comme par le passé.
Nous serons vigilants sur ces questions. La migration des emballages ne m’a pas totalement rassurée…
désertification médicale dans les zones rurales
M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 1144, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. André Trillard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la désertification médicale, principale faiblesse de notre système de santé, a fait l’objet, la semaine dernière, d’un débat très riche auquel je regrette de n’avoir pu participer.
Vous me permettrez de revenir sur un aspect du dossier.
Les chiffres sont connus, je rappellerai simplement que le nombre de médecins en France devrait encore chuter d’ici à 2019, alors que la population augmentera de 10 %.
Maisons de santé pluridisciplinaires, bourses aux étudiants s’engageant à exercer en zone rurale, augmentation du numerus clausus, reconnaissance de la médecine générale comme spécialité, telles sont, parmi beaucoup d’autres, les mesures, souvent innovantes, mises en place par l’État et les collectivités depuis des années.
Si je souscris au parti pris de l’incitation, je crains toutefois que certaines des mesures prises en ce sens ne soient incomplètes pour répondre au défi du vieillissement de la population et du maintien à domicile, souhaitable, des personnes âgées.
C’est un véritable plan ORSEC qu’il faut mettre en œuvre, sous peine de voir se généraliser des situations parfois dangereuses, que nous connaissons déjà dans certains cantons de Loire-Atlantique.
Et que dire de ces maires appelés le week-end sur les lieux de morts violentes ou de suicides, qui ne trouvent aucun médecin pour signer le certificat de décès, puisque cela ne relève pas du 15, c’est-à-dire du SAMU !
Élu de terrain d’un département bien doté mais très déséquilibré, puisque l’essentiel du corps médical se concentre à Nantes, au détriment de quatre zones déficitaires, je m’interroge sur le bien-fondé des seules incitations financières. L’argent n’est pas tout !
Bien des généralistes gagnent mieux leur vie en milieu rural qu’en milieu urbain, eu égard à leur charge de travail considérable.
M. René-Pierre Signé. Oui !
M. André Trillard. Il est surtout nécessaire de compléter la « carotte » financière par des contreparties en termes d’environnement de travail, d’accueil familial et de qualité de vie.
Au Canada, les jeunes médecins se voient proposer une prime au départ, mais aussi un emploi pour leur conjoint et une maison, en échange de cinq années d’exercice dans une région isolée ou difficile. Ce sont autant de ferments d’enracinement.
Confrontée au même problème pour ses assistantes sociales dans les années soixante, la Mutualité sociale agricole, a réagi en proposant aux candidates issues des zones rurales des bourses couvrant la totalité de leur hébergement en ville et en prenant en compte leurs études pour le décompte des retraites, le montant de la bourse servant de salaire. Et cela a fonctionné !
Pourquoi ne pas mettre en place un système de bourses plus ambitieux, destiné à inciter les bacheliers issus des territoires concernés, qui n’envisagent, pour des raisons financières, qu’une formation bac +2, à choisir la belle profession de médecin ?
Je connais des jeunes qui, s’ils avaient la chance d’être aidés à réaliser un tel rêve, ne quitteraient pas pour un empire leur canton rural une fois devenus médecins !
Ces mesures inspirées de la réalité du terrain, tout comme celles qui sont proposées par Mme Élisabeth Hubert dans son rapport sur la médecine de proximité, sont autant de pistes à explorer.
J’aimerais connaître votre avis, madame la secrétaire d’État, ainsi que les intentions du Gouvernement pour désamorcer ce qui pourrait devenir une véritable bombe à retardement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Trillard, la préoccupation du Gouvernement de garantir à tous l’accès aux soins s’est traduite par l’élaboration progressive d’un certain nombre de dispositifs, de diverses natures, notamment des incitations financières, vous l’avez rappelé, mais aussi un assouplissement des modalités de l’exercice médical.
La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, qui place l’accessibilité des soins au premier rang de ses priorités, complète ces dispositifs.
Il est vrai, monsieur le sénateur, que nous avons privilégié les mesures incitatives, le ministère ayant réaffirmé sa confiance dans les professionnels médicaux pour faire face à leurs responsabilités et répondre aux enjeux de santé publique. Il convient aujourd’hui de poursuivre les efforts déjà entrepris.
Parmi ces mesures, la loi HPST prévoit notamment en son article 46 un contrat d’engagement de service public, ou CESP, à destination des étudiants et des internes. Les bénéficiaires se verront verser une allocation mensuelle de 1 200 euros jusqu’à la fin de leurs études, en contrepartie d’un engagement d’exercice dans des lieux spécifiques où la continuité des soins fait défaut. Cela fait écho à ce qui a été engagé dans le cadre de la MSA, comme vous l’avez rappelé.
M. Jean-Luc Fichet. Cela ne marche pas !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La durée de leur engagement est égale à celle qui correspond au versement de l’allocation et ne peut être inférieure à deux ans. À ce jour, 200 étudiants et internes ont été sélectionnés.
En outre, des efforts ont déjà été entrepris pour rendre la médecine générale de premier recours plus attractive et pour sensibiliser les étudiants en médecine à cet exercice, notamment en zone rurale. La loi HPST a défini en son article 36 les missions du médecin généraliste de premier recours.
Par ailleurs, depuis 2008, le Gouvernement encourage la structuration de la filière universitaire de médecine générale et la généralisation du stage de médecine générale chez le praticien libéral en deuxième cycle et au cours de l’internat de médecine générale.
Les actions directes sur le numerus clausus, qui a été doublé au cours des dix dernières années, sur les épreuves classantes nationales, qui permettent de répartir au mieux les postes d’interne selon les régions et les spécialités, sur le post-internat, ainsi que la montée en charge du CESP devraient permettre un rééquilibrage des médecins entre les régions tout en veillant à garantir une offre de soins adaptée aux besoins de soins des territoires.
À ce titre, deux réflexions sont actuellement menées. La première porte sur l’opportunité de modifier le numerus clausus, sachant que toute modification, quel qu’en soit le sens, n’a d’effets sur la densité médicale qu’à un horizon de dix à quinze ans, eu égard à la durée des études de médecine.
La seconde réflexion porte sur l’opportunité de réformer le dispositif actuel du post-internat, afin qu’il puisse mieux répondre aux besoins de formation et de soins présents et à venir.
La promotion de l’exercice regroupé des professionnels de santé, notamment en maisons de santé pluridisciplinaires, répond au souhait des professionnels d’un cadre d’exercice rénové, qui optimise le temps médical et évite l’isolement. Il s’agit d’un cadre d’exercice plus attractif pour les jeunes professionnels et qui contribue ainsi à pérenniser l’offre de santé sur le territoire.
Le regroupement des professionnels participe à la réponse aux besoins de santé de la population et à l’amélioration de la qualité des soins – parcours des patients, continuité des soins et qualité des prises en charge. Un statut juridique spécifique de société interprofessionnelle ambulatoire sera rapidement mis en place pour faciliter le déploiement des maisons de santé pluridisciplinaires.
L’amélioration des conditions d’exercice des professionnels passe aussi par la simplification administrative, pour optimiser le temps médical.
J’attache la plus grande importance à ce que les problèmes que vous évoquez soient pris en compte dans la définition des priorités régionales.
Dans les territoires, les agences régionales de santé ont pour mission de construire, en concertation avec les représentants des collectivités territoriales, les professionnels de santé concernés, y compris les étudiants et les internes, ainsi que les usagers, la stratégie d’organisation des soins ambulatoires, de dégager des axes d’amélioration et d’apporter un soutien aux professionnels de santé porteurs de projets en ce sens.
Vous l’aurez compris, monsieur le sénateur, le Gouvernement partage pleinement les préoccupations qui sont les vôtres et entend faire le nécessaire pour garantir l’accès aux soins de tous, sur l’ensemble des territoires.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas totalement convaincu.
Le premier problème n’est pas de nature médicale : c’est, dans notre société, celui de l’accès de tous les jeunes à niveau égal au même type d’études. (M. Jean-Luc Fichet acquiesce.)
Dans mon propre canton, les jeunes qui passent le baccalauréat sont presque tous bacheliers, le taux de réussite se situant en effet entre 90 % ou 91 %. Cependant, mis à part ceux qui sont issus des familles un peu aisées, aucun de ces bacheliers, qui ont tous les moyens intellectuels de poursuivre de brillantes études supérieures, n’ira au-delà de bac +2 !
Si vous ne cherchez pas la solution du problème dans une promotion des études à durée longue dans les milieux ruraux, vous ne parviendrez à aucun résultat. En tant que vétérinaire, j’ajouterai que, pour la médecine vétérinaire, vous rencontrerez le même problème.
M. René-Pierre Signé. Il n’y a plus que des Belges !
M. André Trillard. C’est exact, l’école vétérinaire de mon département, la Loire-Atlantique, compte douze étudiants belges !
Il n’est pas normal de faire croire que nous sommes égaux devant les études longues. Des familles doivent payer des chambres dès la première année d’études supérieures ; dans d’autres familles, les parents récupèrent leur progéniture tous les soirs et ces étudiants retrouvent la chambre dans laquelle ils ont toujours vécu. Les choses sont différentes !
Imaginez une famille, non pas même de smicards ou de bénéficiaires de minima sociaux, mais d’agents de maîtrise avec deux salaires, qui aurait trois loyers à payer en même temps, dans des villes aussi diverses que Toulouse, Paris et La Roche-sur-Yon…
J’ai connu cette situation pendant un an. C’est déjà très difficile quand on a un certain niveau de revenus, mais, quand on a des revenus moyens, c’est mission impossible !
C’est là que se trouve la solution d’avenir ! En augmentant le niveau d’études de nos jeunes en milieux ruraux, quelle que soit la profession, de bac +2 à bac +3, bac +4 ou bac +5, on parviendra à des résultats !
Peut-être faut-il adapter les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, pour qu’ils ne soient pas uniquement des outils de nomadisme estudiantin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1011, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'État, je souscris tout à fait aux propos qui viennent d’être tenus et qui rendent ma question presque superfétatoire.
La pénurie de médecins généralistes, spécifiquement dans les zones rurales, pose un véritable problème. Elle a des conséquences dramatiques en termes de déclin rural. Pour y remédier, la solution la plus souvent utilisée actuellement, ainsi que la plus rapide à mettre en œuvre, à défaut d’être la plus satisfaisante, consiste à aller chercher des médecins dans les pays d’Europe de l’Est, en particulier en Roumanie. Les offres incitatives de soi-disant chasseurs de tête encouragent ces praticiens à venir en France, si bien qu’ils sont nombreux à le faire.
Bien entendu, il ne s'agit pas de mettre en cause la nationalité de ces médecins, qui est tout à fait respectable : loin de moi toute xénophobie, mais leur qualification est tout de même incomplète. Force est de le constater, la formation de ces médecins est bien moins poussée qu’en France et ils arrivent sans préparation d’accompagnement ni assistance à l’installation. En outre, la barrière linguistique constitue un obstacle sérieux à l’exercice du métier.
Le Gouvernement doit prendre conscience de ce problème de santé grave, aux lourdes répercussions locales. Il faut envisager une réorganisation de notre système de santé, comme M. Trillard l’a proposé, en réglementant les installations des médecins comme on l’a fait pour les pharmaciens, afin qu’ils ne s’entassent pas tous dans les villes du Midi, voire en revenant sur le principe du paiement à l’acte. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
En Europe, le paiement à l’acte n’existe plus qu’en France. Or il incite les gens à aller consulter et multiplie les examens superflus. En outre, il faut relever beaucoup le numerus clausus. Vous affirmez, madame la secrétaire d'État, qu’il faudrait de dix à quinze ans pour qu’une telle mesure produise ses effets, ce qui est exact, mais il faut bien commencer un jour ! Or ce n’est pas ce que nous faisons aujourd'hui, bien au contraire.
Dans une faculté comme celle de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 2 500 étudiants sont inscrits en première année et 300 seront reçus. Les jeunes concernés sont titulaires de bacs S avec mention ; ils ont suivi les filières royales du secondaire, comme celle des lycées européens. Ne nous faites donc pas croire, madame la secrétaire d'État, que 2 200 d’entre eux sont incapables de devenir médecins !
Ces jeunes, chassés de la médecine, sont même parfois dégoûtés des études en général, tant ils se sentent victimes d’une injustice : ils ont travaillé, ils ont obtenu de bons résultats dans le secondaire et ils se font rejeter des études supérieures médicales parce que le concours y est fondé essentiellement sur les mathématiques et la physique !
Les compétences exigées n’ont rien à voir avec l’exercice de la médecine. Pour ma part, quand je devais parcourir douze kilomètres dans la neige pour aller mettre une mèche à un grand-père qui saignait du nez on ne me demandait pas si j’avais fait des études de mathématiques !
C’est là qu’est le problème : les gens ne se rendent pas compte de ce qu’est la médecine de campagne. Celle-ci n’exige pas forcément des connaissances extrêmement approfondies dans ces disciplines-là.
Il faudrait donc, madame la secrétaire d'État, que l’organisation du système sanitaire français soit revue et corrigée.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, prenant en compte les évolutions inéluctables de la démographie médicale, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé ont progressivement augmenté depuis 2000 le numerus clausus des études médicales. Celui-ci, qui concernait 3 850 étudiants en 2000, est passé en 2009 à 7 400, ce dernier chiffre ayant été confirmé depuis lors.
Parallèlement, depuis l’année universitaire 2007-2008, le nombre de places offertes aux épreuves classantes nationales en médecine générale représente plus de la moitié des postes ouverts ; il en constituait 53 % en 2010-2011.
À l’occasion des journées de réflexion sur le numerus clausus organisées en novembre et décembre 2010, il a été souligné que le niveau de ce numerus clausus ne pouvait être modifié par à-coups sans que cela entraîne des conséquences importantes, en particulier sur la qualité de la formation. Par ailleurs, les effets d’une modification du numerus clausus ne commencent à se faire sentir sur la démographie elle-même qu’au bout de quinze ou vingt ans, même si, je sais, monsieur le sénateur, que pour vous l’essentiel est de commencer.
M. René-Pierre Signé. Les changements seraient perceptibles rapidement.
M. Jean-Luc Fichet. Tout à l'heure, vous évoquiez un effet au bout de dix ans !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Tout dépend des études dans lesquelles s’engage l’étudiant : elles peuvent durer de dix à vingt ans.
Le numerus clausus ne peut donc résoudre à lui seul les problèmes démographiques ou de répartition qui se posent à court terme. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en œuvre un éventail de mesures permettant d’orienter les flux de formation des médecins, tant pour la répartition géographique que pour la répartition par spécialité.
Rappelons que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la détermination du nombre d’internes à former par spécialité et par subdivision territoriale pour une période de cinq ans. Ces quotas sont établis en fonction des besoins de soins, au vu des propositions de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, l’ONDPS.
Ainsi, il est désormais possible d’ajuster la proposition de postes d’interne au plus près des besoins de prise en charge spécialisée.
Enfin, la mise en place de la filière universitaire de médecine générale marque la volonté forte du Gouvernement en la matière. Nos efforts continuent de porter sur l’orientation des étudiants et internes vers la médecine générale et sur la valorisation de la filière universitaire de médecine générale.
La généralisation du stage de deuxième cycle de médecine générale permettra à chaque étudiant de découvrir cette spécialité pour, éventuellement, s’orienter dans cette voie ultérieurement. Il est également prévu d’offrir aux futurs internes, pour la période 2010-2014, plus de la moitié des postes en médecine générale, afin de favoriser des vocations dans cette spécialité.
Par ailleurs, la loi HPST prévoit en son article 47 la montée en charge concrète de la filière universitaire de médecine générale, en programmant chaque année, pendant quatre ans, la nomination de vingt professeurs, trente maîtres de conférences et cinquante chefs de clinique des universités de médecine générale.
Voilà, monsieur le sénateur, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
On s’est préoccupé bien tardivement de la formation des praticiens qui sont, si j’ose dire, des spécialistes de la médecine générale.
Vous le savez, les étudiants reçus au concours sont si peu nombreux qu’ils se dirigent tous vers les disciplines nobles de la médecine, comme la neurochirurgie ou la chirurgie cardio-vasculaire. En revanche, ils répugnent à travailler dans les zones rurales. C’est d’autant plus vrai que la profession est désormais très féminisée : les jeunes filles n’aiment pas beaucoup vivre à la campagne, et on peut les comprendre.
Ceux qui souhaitent encore s’installer dans les zones rurales sont donc extrêmement rares. C’était le cas a fortiori quand il n’existait pas de formation spécifique pour la médecine générale. On commence à remédier au problème, et il était temps.
De même, il est nécessaire que soient passés entre des étudiants et l’État ou les collectivités locales des contrats – vous les avez évoqués, madame la secrétaire d'État – grâce auxquels des médecins s’installeront peut-être dans quelques années à la campagne. Toutefois, on ne doit pas se contenter de mesures incitatives : il faut des mesures contraignantes !
Madame la secrétaire d'État, un pharmacien peut-il s’établir n’importe où ? Non ! Ce n’est pas possible, car l’ouverture des pharmacies est régulée par la loi. Un médecin peut-il s’installer partout ? Oui ! Peut-on être remboursé dix fois si l’on voit dix médecins dans la journée ? Oui ! Est-ce tolérable ? Comment voulez-vous que la sécurité sociale ne soit pas en déficit !
En outre, il faut mettre fin au paiement à l’acte. Les patients doivent être abonnés à un centre médical. Ceux qui ne sont pas malades, et c’est tant mieux pour eux, contribueront pour ceux qui le sont et allégeront d’autant la tâche des médecins.
Il ne s'agit là que de l’une des solutions envisageables ; plusieurs autres sont possibles, mais il ne faut pas se limiter, comme on le fait aujourd’hui, à quelques mesures incitatives.
On vient, à juste titre d'ailleurs, d’ouvrir un peu la filière de médecine générale, mais ce ne sera pas suffisant. Le numerus clausus permet à 4 000 étudiants de devenir médecins. Or il en faudrait 10 000, quitte à réduire ce nombre dans quelques années, quand l’effectif sera satisfaisant.
Il faut agir, sinon il n'y aura plus personne dans les campagnes. Aujourd'hui, je vous le garantis, madame la secrétaire d'État, ce sont les pompiers qui soignent les gens et qui les transportent à l’hôpital, car il n'y a plus de médecins !