Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. La semaine dernière, notre collègue Thierry Repentin avait dit que la solution de la commission des finances était « moins pire » que celle du Gouvernement. Cela est vrai au regard des montants en jeu, mais, dans les deux cas, il s’agit d’opérer un prélèvement sur les organismes d’HLM.
Monsieur le secrétaire d’État, vous refusez d’accroître les recettes fiscales, par exemple en supprimant des niches improductives ou le bouclier fiscal ; vous renvoyez au « printemps fiscal » annoncé par le Président de la République. Si vous en aviez eu la volonté politique, vous auriez pu facilement trouver, parmi tous les amendements que nous avons présentés lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, les moyens de financer l’ANRU.
Je me souviens que M. le rapporteur général avait expliqué en commission que le présent amendement allait permettre au Gouvernement de « sortir la tête haute de cette mauvaise affaire ».
Pour notre part, tel n’est pas notre souci ! Sur le fond, la mesure proposée par le Gouvernement est inacceptable. Quant au dispositif à trois étages – ou à trois wagons ou à trois piliers, comme on voudra –, ce n’est qu’est du bricolage.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Nicole Bricq. La commission mixte paritaire examinera certainement tout cela de très près ; je ne sais pas ce qu’il en sortira, mais ce ne sera pas forcément le dispositif que le Sénat s’apprête sans doute à adopter.
Monsieur le secrétaire d'État, il eût été plus simple de vous battre pour obtenir de véritables ressources, des dotations budgétaires pour financer l’ANRU. Ici, il ne s’agit que d’un bricolage. Nous refusons absolument d’y participer, la mesure n’étant pas acceptable sur le fond. Vous invoquez à l’envi l’Union sociale pour l’habitat, mais le groupe socialiste considère que vous faites une mauvaise manière à ceux qui construisent des logements sociaux.
Il est trop facile de nous dire que 150 000 logements sociaux seront construits quand l’État n’assume pas sa compétence en la matière ! La charge retombe, la plupart du temps, sur les collectivités locales, auxquelles vous avez fait, par ailleurs, un très mauvais sort en gelant leurs dotations et en les privant de leur autonomie fiscale. C’est le même gouvernement qui fait tout cela ! Nous ne soutiendrons pas votre mauvais arbitrage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous le savons tous, les besoins en matière de construction de logements sont considérables. En cette période hivernale, quand des personnes sont à la rue, la question du financement pérenne du logement social revêt une importance toute particulière.
Les collectivités territoriales sont fortement sollicitées. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'État, d’étudier très précisément d’où viennent les financements qui permettent aujourd'hui de construire des logements sociaux dans ce pays. On verrait alors très clairement que la part de l’État dans ce financement s’est réduite comme peau de chagrin.
Mme Marie-France Beaufils. Non ! Ou alors vous ne prenez en compte qu’une partie des coûts de construction !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est en tout cas plus que sous le gouvernement Jospin !
Mme Marie-France Beaufils. Je ne suis pas en dehors de la réalité, tant s’en faut ! En matière de construction de logements, quand on établit des comparaisons avec ce qui se faisait il y a quelques années, on ne peut que constater une dégradation progressive : la participation du budget de l’État à l’effort de construction de logements sociaux a diminué. Ce sont, pour l’essentiel, les collectivités territoriales qui prennent le relais. Dans ma communauté d’agglomération, nous sommes en train de débattre du nouveau programme local de l’habitat : je parle donc en connaissance de cause !
Les organismes d’HLM, en particulier ceux qui construisent, ont très vivement réagi à votre projet. Quand un office d’HLM met en réserve des fonds en vue de financer des projets, il est bien évident qu’il ne s’agit pas de sommes « dormantes » ! La question se pose peut-être pour quelques organismes d’HLM, mais incitons-les à mobiliser leurs moyens financiers pour construire, plutôt que d’opérer un prélèvement sur les ressources de ceux qui jouent déjà leur rôle en matière de réalisation de logements sociaux !
L’amendement de la commission est un moindre mal, mais, sur le fond, il n’incite pas le Gouvernement à reconsidérer son implication financière dans la construction de logements sociaux, domaine qui relève pourtant de sa compétence.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur cet amendement. En effet, il nous est impossible de nous associer à une démarche qui ne permettra en aucun cas de redresser la situation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Cuisinier ou bricoleur, voilà mon lot ce dimanche matin ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Mon Dieu quel bonheur, d’avoir un mari bricoleur…
M. Jean Desessard. Bricoleur du dimanche ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C’est encore mieux !
Quoi qu’il en soit, le Sénat ferait preuve d’une grande sagesse s’il adoptait cet amendement. Plus nombreux nous serons à le voter, plus forts nous arriverons en commission mixte paritaire, et meilleures seront nos chances de l’emporter !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Le Gouvernement avoue en quelque sorte son incapacité à financer le logement social.
Monsieur le secrétaire d’État, selon les chiffres officiels, qui à notre avis sous-estiment largement la réalité, quelque 110 000 personnes dorment dans leur voiture, sous les ponts ou dans la rue ! Et ils sont 10 % de plus dans cette situation que l’année dernière ! Au total, plus d’un million de personnes attendent aujourd’hui un logement dans notre pays.
Les fonds « dormants » des organismes d’HLM servent souvent à faire face à la crise économique, mais aussi morale, que connaît notre société. Ils sont destinés à la construction de logements sociaux.
Votre dispositif n’est donc pas acceptable, et si l’amendement de la commission des finances est certes « moins pire », il ne réglera rien, car le prélèvement opéré sur les organismes d’HLM obérera leur effort de rénovation de l’habitat et de construction de logements sociaux.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-27 rectifié, modifié.
Mme Marie-France Beaufils. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 99 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 99
Mme la présidente. L'amendement n° II-149, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 99, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la section VII du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Contribution des sociétés d’assurance au fonds de garantie universelle des risques locatifs
« Art. ... - Tout contrat d’assurance contre les impayés de loyer qui ne respecte pas le cahier des charges mentionné au g de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation est soumis à une contribution annuelle de solidarité pour la garantie des risques locatifs.
« La taxe est égale à 25 % du montant des sommes stipulées au profit de l’assureur et de tous accessoires dont celui-ci bénéficie directement ou indirectement du fait de l’assuré.
« Le produit de la taxe est versé au fonds de garantie universelle des risques locatifs mentionné au IV de l’article L. 313-20 du code de la construction et de l’habitation. »
II. - Les dispositions du I s’appliquent à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales, s’inscrit dans le contexte général de crise du logement que notre pays traverse.
Malgré l’augmentation remarquable de la production de logements sociaux ces dernières années, plus d’un million de personnes sont inscrites sur les listes d’attente des organismes d’HLM. Le ministère du logement estime que 500 000 logements devraient être construits chaque année pour remédier au problème du « mal-logement ».
La construction de logements sociaux ne peut donc constituer la seule réponse à la crise du logement que connaît notre pays. Étant donné l’état de nos finances publiques, il nous faut innover. C’est précisément l’objet de cet amendement, qui vise à permettre aux personnes en situation de précarité d’accéder au parc locatif privé.
La garantie des risques locatifs, la GRL, est un contrat d’assurance visant à faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité – salariés en CDD, chômeurs, étudiants, jeunes ménages –, en éliminant le risque financier pour le bailleur, lié aux impayés de loyer, aux frais de procédures de recouvrement, aux dégradations du fait du locataire, etc. Le risque de sur-sinistralité est pris en charge par Action logement et par l’État. À ce jour, le produit n’est commercialisé que par trois assureurs.
Le problème est le suivant : il existe un autre produit, la garantie des loyers impayés, la GLI, qui assure également les bailleurs contre les risques d’impayés de loyer, mais selon des conditions restrictives concernant le locataire. En effet, elle ne couvre que les locataires présentant peu de risques. La totalité du risque se reporte donc sur la GRL, ce qui entraîne une augmentation significative de son coût pour les assureurs et les bailleurs : 2,18 % du loyer, contre 1,7 % en moyenne pour la GLI.
L’amendement vise donc à instituer une petite contribution sur les contrats de GLI, de l’ordre de 25 % de la cotisation d’assurance – cela ne représente que 2 euros par mois environ pour un loyer de 500 euros –, de manière à assurer la mutualisation des risques entre la GRL et la GLI.
Le raisonnement est le suivant : certains assureurs prennent des risques, en acceptant de couvrir les personnes qui ne présentent pas des garanties optimales, tandis que d’autres ne couvrent que des personnes très solvables, qui n’ont donc aucun problème pour trouver un logement. L’instauration d’une contribution vise à corriger cette inégalité des assureurs face au risque.
Je le dis clairement, il ne s’agit pas du tout de casser ou de perturber le marché de l’assurance des risques locatifs ; nous entendons le laisser fonctionner librement, tout en corrigeant ses effets pervers sur le plan social. La contribution demandée aux assureurs prenant peu de risques permettra de compenser le surcroît de risques pris par les autres, de manière que les propriétaires puissent souscrire une GRL sans être pénalisés financièrement et ainsi louer leur bien à des personnes en situation de précarité.
Au total, tout le monde devrait gagner à un tel dispositif.
En premier lieu, les assureurs pourront continuer de développer la GLI sans craindre que le marché de l’assurance des risques locatifs ne soit un jour monopolisé par la GRL. Ils ne sentiront plus peser sur eux l’épée de Damoclès de la nationalisation de ce marché, autre solution possible, mais que nous avons écartée. Le dispositif ne peut en outre qu’améliorer l’image sociale des assureurs et renforcer leur finalité mutualiste.
En deuxième lieu, les personnes en situation de précarité pourront accéder plus facilement à un logement.
En troisième lieu, certains propriétaires qui n’osaient pas louer leur logement de peur de ne pas être payés pourront désormais le faire.
En quatrième lieu, l’État ménagera ses finances, puisque la GRL ne sera pas un gouffre financier, tout en permettant à des personnes de trouver un logement moyennant une garantie d’environ 300 euros par an, montant à comparer aux 35 000 euros nécessaires pour construire un logement HLM.
Permettez-moi, pour conclure, de citer le discours prononcé en 2007 à Vandœuvre par le Président de la République : « En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun. » Cet amendement ne tend pas à autre chose.
M. Jean Desessard. Dommage que vous ayez fait cette citation, car j’étais prêt à voter cet amendement ! (Rires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. L’amendement de la commission des affaires sociales soulève un vrai problème, celui de l’équilibre financier de la GRL et de la concurrence en quelque sorte déloyale que lui fait la GLI.
Cela étant, 25 %, est-ce le bon taux ? La commission des finances s’interroge sur ce point. Elle souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement très important.
La GRL est un dispositif auquel nous croyons beaucoup. En effet, un certain nombre de propriétaires ne mettent pas leur bien sur le marché locatif par crainte de ne pas percevoir le loyer.
Par ailleurs, un certain nombre de personnes aux revenus modestes se voient refuser une location par des bailleurs privés parce que ceux-ci estiment que lorsque le loyer représente plus de 30 % ou de 33 % des ressources du locataire, le risque de ne pas être payé est trop élevé. En conséquence, de nombreux ménages modestes ne peuvent accéder au parc locatif privé.
C’est pour cette double raison qu’a été créé le dispositif de la GRL.
Un premier dispositif, dit GRL 1, a été mis en place par les partenaires sociaux, ceux-ci intervenant directement comme assureurs. Coexistaient donc un marché privé, avec la GLI, et un marché créé par les partenaires sociaux, avec la GRL 1.
Ce dispositif nous est apparu particulièrement complexe. Nous avons donc décidé, il y a un an, de négocier avec les assureurs et les partenaires sociaux du 1 % logement afin d’instaurer un nouveau dispositif, dit GRL 2, dont nous discutons actuellement.
La GRL 2 prévoit un certain nombre d’engagements de la part des assureurs, notamment le développement massif du dispositif. En effet, à partir du moment où l’État et les partenaires sociaux interviennent en tant que réassureurs, il ne peut fonctionner que s’il est réellement mutualisé. Or, force est de constater que, pour l’heure, il n’en est pas ainsi.
Selon les assureurs eux-mêmes, 400 000 contrats devaient être signés la première année. En réalité, 60 000 seulement l’ont été. Dans ces conditions, la GRL, qui avait vocation à être un dispositif universel, couvrant de bons et de mauvais risques, se transforme en une assurance des seuls mauvais risques. Autrement dit, les assureurs mettent en avant la GLI pour les bons risques – c’est tout bénéfice ! – et orientent leurs clients vers la GRL en cas de mauvais risques. Il n’y a donc aucune mutualisation, et ce dispositif ne repose que sur les épaules de l’État et des partenaires sociaux.
Voilà quatre mois, j’ai réuni les assureurs et les partenaires sociaux pour mettre un terme à ce jeu dangereux. J’ai demandé aux assureurs de me faire de nouvelles propositions sous six mois pour faire évoluer le dispositif. Ils doivent me présenter le fruit de leur réflexion vendredi prochain.
J’ai déjà prévenu les assureurs que s’ils ne jouaient pas le jeu, deux solutions seraient possibles : la mutualisation fiscale de fait, comme le propose la commission des affaires sociales, ou l’assurance obligatoire. Les deux voies ont leurs avantages.
En tout état de cause, le Gouvernement est absolument déterminé à ce que la GRL fonctionne. Ce dispositif nous paraît constituer une vraie réponse face au déficit de logements que nous connaissons.
Sur le fond, j’adhère à votre proposition, monsieur le rapporteur pour avis, mais je vous demande de retirer votre amendement, en attendant que les discussions avec les assureurs soient parvenues à leur terme. Si elles ne débouchent pas sur un accord, vous pourrez le représenter à l’occasion du prochain examen par le Sénat d’un projet de loi de finances rectificative. Il serait à mon avis préférable et beaucoup plus efficace de ne pas avoir à recourir à la fiscalité. En effet, la mesure de fiscalisation de la GLI proposée par la commission des affaires sociales comporte le risque d’entraver le développement de la GLI, et a fortiori celui de la GRL, ce qui irait à l’encontre de notre objectif.
Je vous propose donc, monsieur le rapporteur pour avis, de laisser au Gouvernement les trois semaines nécessaires pour conclure les négociations avec les assureurs. Le cas échéant, la discussion de la prochaine loi de finances rectificative nous permettra de revenir sur cette question. Je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’avais quelques hésitations en écoutant M. Vanlerenberghe. J’ai compris qu’il existe un risque d’éviction entre la GLI et la GRL, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez convaincu… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Attendez la fin…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … de voter l’amendement présenté par M. Vanlerenberghe au nom de la commission des affaires sociales ! (Exclamations amusées.)
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Nicole Bricq. M. Arthuis ménage ses effets !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, vous partagez au fond l’analyse de nos collègues de la commission des affaires sociales. Vous aurez vendredi prochain une réunion de travail avec les représentants des assureurs. Je salue votre abnégation, mais nous avons la possibilité, en adoptant cet amendement, de vous donner un argument choc dans la négociation ! (M. Jean Desessard approuve.)
Mme Nathalie Goulet. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission mixte paritaire se réunissant le lendemain de cette importante négociation, il sera toujours temps d’en tirer les conséquences. Si j’étais à votre place, monsieur le secrétaire d’État, j’exprimerais le souhait que le Sénat adopte cet amendement ! (Sourires.)
Le taux proposé pour la taxe est peut-être excessif, mais, comme le dit si joliment M. le rapporteur général, ce sera de la bonne monnaie de CMP : le taux est fixé pour l’instant à 25 %, mais il sera certainement possible de s’accorder sur un taux intermédiaire.
Je voterai donc cet amendement.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avant que notre collègue sénateur-maire d’Arras ne nous fasse part de sa décision, je voudrais appuyer les propos de M. le président de la commission des finances.
Le marché dont il s’agit est en train de se constituer et devrait atteindre une taille non négligeable. Différents intervenants, certains spécialisés, d’autres distribuant les deux catégories de produits, sont présents sur ce marché, et nous devons définir des conditions équitables de concurrence. Pour ajuster la balance, pour éviter les distorsions, il n’est sans doute pas inutile de mettre en place une incitation fiscale ; c’est ce qui est prévu par l’amendement de Jean-Marie Vanlerenberghe.
Cette proposition me paraît vraiment de nature à vous aider dans vos démarches, monsieur le secrétaire d’État, en vue de faire prendre corps à ce marché. Ce sera certainement un progrès social.
J’ajouterai, in fine, que si la GRL se trouve réservée aux mauvais risques, elle coûtera cher. Or qui paiera, chaque année davantage ? L’État, par le biais de vos crédits, monsieur le secrétaire d’État, et Action logement, c'est-à-dire les partenaires sociaux.
À mon sens, adopter la mesure proposée par la commission des affaires sociales permettrait de faire une économie de dépenses budgétaires de l’ordre de 10 millions d'euros. Ma foi, une telle somme, par les temps qui courent, c’est tout à fait bon à prendre ! J’espère, par conséquent, que notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe décidera de maintenir son amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à créer une contribution des assureurs privés qui proposent des contrats couvrant les risques d’impayés aux propriétaires bailleurs, contribution destinée à financer en partie le fonds de garantie universelle des risques locatifs. C’est une bonne idée, qui a le mérite d’être pragmatique.
Nous connaissons bien le principe de la GRL, puisque ce sont les socialistes qui, les premiers, ont préconisé la garantie universelle et mutualiste des risques locatifs. En 2007, nous proposions ainsi la création d’un fonds, géré par les partenaires sociaux, dont le financement reposait notamment sur une subvention de l’État, le produit d’une contribution sur les revenus locatifs acquittée par les propriétaires, les intérêts liés au placement des dépôts de garantie des locataires.
Quand le Gouvernement, sur l’initiative de Mme Boutin, a choisi de créer la GRL à la fin de l’année 2007, il a oublié d’ajouter à ce sigle un « U » pour universel et un « M » pour mutualiste. À l’époque, nous avions alerté la majorité : compte tenu de l’existence d’un marché de l’assurance privée contre les impayés de loyer, sans régulation, la GRL n’avait aucun avenir. Trois ans après, notre collègue Vanlerenberghe nous donne raison en présentant cet amendement.
En 2008 déjà, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, notre collègue avait tenté de remédier au naufrage annoncé ; déjà, la ministre de l’époque annonçait l’aboutissement de prétendues négociations !
Permettez-moi de citer le compte rendu intégral des débats de notre séance du 4 décembre 2008, au cours de laquelle Mme Boutin, donnant l’avis du Gouvernement sur un amendement de notre collègue Vanlerenberghe, affirmait être presque parvenue à un accord avec les assureurs :
« Nous sommes très nombreux à partager l’intérêt que vous portez à la garantie du risque locatif. […] Cependant, par un hasard du calendrier, les négociations entre l’État et les partenaires sociaux doivent aboutir demain. Dans le cadre de ces négociations, les partenaires sociaux se sont engagés à trouver un accord sur la GRL avant la fin de l’année. Ils doivent rencontrer, demain, les représentants des sociétés d’assurance. Par conséquent, les partenaires sociaux, avec qui j’ai encore discuté tout à l’heure, pensent que ce serait adresser un mauvais signal aux assureurs si, aujourd’hui, la décision que vous préconisez était prise.
« C’est la raison pour laquelle, en vertu même de ma détermination et de celle de tout le Gouvernement à voir cette question réglée, je souhaite que vous retiriez votre amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable. Croyez bien que je n’ai en vue que la bonne fin des négociations qui doivent être conclues demain. »
Mme Nicole Bricq. Le rappel est cruel !
Mme Bariza Khiari. Monsieur le secrétaire d’État, cette musique, nous l’avons déjà entendue en 2008 ! Les négociations en question n’ont jamais vu le jour.
Mme Bariza Khiari. Combien de fois allez-vous nous faire le coup des négociations en passe d’aboutir ? Il n’est pas acceptable de repousser, sous des prétextes incompréhensibles, une proposition qui serait de nature à optimiser un dispositif que la majorité a elle-même adopté.
C’est pourquoi nous invitons nos collègues à voter cet amendement de la commission des affaires sociales, soutenu par le président et par le rapporteur général de la commission des finances.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. M. le président de la commission des finances m’a ôté les mots de la bouche !
Je n’aurai pas la cruauté de Mme Khiari, mais je pense que M. Arthuis a raison : si le Sénat vote cet amendement, vous serez beaucoup mieux armé pour négocier avec les assureurs et obtenir satisfaction, monsieur le secrétaire d’État.
Je voterai l’amendement de la commission des affaires sociales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je soutiens également l’amendement présenté par M. Vanlerenberghe.
Monsieur le secrétaire d’État, si nous vous laissons négocier seul, je crains que cela ne débouche sur la signature d’une « charte de bonne conduite »… (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Le Gouvernement n’a jamais appliqué la loi de réquisition.
Mme Marie-Thérèse Hermange. À Paris, M. Chirac l’a appliquée !
M. Jean Desessard. Pourtant, elle existe, elle a été votée par les deux chambres du Parlement ! La réquisition, ce n’est pas seulement une notion invoquée par Jean Desessard, sénateur écologiste ! Mais aucun immeuble n’a jamais été réquisitionné, même pas celui, inoccupé, qui est situé au 69, rue de Sèvres.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Peut-on revenir au sujet ?
M. Jean Desessard. L’argument de M. Arthuis nous appelant à voter cet amendement pour montrer notre détermination est sans réplique ! Compter sur la bonne volonté des assureurs me paraît être un calcul risqué.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les propos de Mme Boutin cités par Mme Khiari concernaient la GRL 1. Comme je l’ai indiqué, nous sommes ensuite passés à la GRL 2 : j’ai conclu au mois de septembre 2009 les négociations qui avaient été engagées par Mme Boutin. Cependant, le bilan d’une année d’application de ce dispositif n’a pas été satisfaisant. De ce point de vue, je partage pleinement l’analyse de M. le rapporteur pour avis.
Dans le cadre des nouvelles discussions avec les représentants du monde de l’assurance, nous devons effectivement montrer notre détermination.
Cela étant dit, plusieurs tactiques sont possibles. Sans entrer dans les détails, je crains que les assureurs ne décident de se retirer des négociations si le Sénat vote cette taxe aujourd'hui. La contribution sur la GLI sera alors mise en œuvre, et l’ensemble du marché s’effondrera, pour les raisons que j’ai exposées. La GRL ne se développera jamais !
Mme Nathalie Goulet. Il faut essayer !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur pour avis, je reste convaincu qu’il serait préférable que vous retiriez votre amendement. Nous verrons vendredi quel sera le résultat des négociations.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-149 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis. Si je vous ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous me dites en substance : « Aidez-moi, retirez l’amendement ! » J’ai décidé de vous aider, mais en le maintenant ! (Très bien ! et applaudissements.)
Comme l’ont dit mes collègues de façon très convaincante, nous voulons vous aider dans une négociation que nous savons difficile : vous avez rappelé les obstacles rencontrés par Mme Boutin. Je suis persuadé que nous vous offrons de très bonnes armes dans cette perspective : le marché de la GLI représente tout de même plus de 200 millions d'euros ; je ne crois pas qu’une contribution somme toute modeste puisse le tuer.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, je maintiens cet amendement, et j’espère que le Sénat vous soutiendra en l’adoptant !