Mme Raymonde Le Texier. Je commencerai par faire observer que, sur cet article, un grand nombre d’amendements ont été déposés par tous les groupes parlementaires, ce qui doit être interprété comme un signal d’alerte quant aux conséquences négatives qu’il entraînerait, s’il était adopté.
La suppression de l’exonération dont bénéficient les particuliers employeurs pèsera sur les ménages qui emploient des aides ménagères, des gardes d’enfant ou toute personne pour les aider dans divers domaines.
Nous relevons d’ailleurs que ce champ de compétences a été fortement élargi par ce Gouvernement, ce qui conduit en conséquence à une extension du champ des exonérations correspondantes. Supprimer des exonérations dans l’année qui suit leur mise en place relève d’une particulière incohérence, qui mérite d’être soulignée.
Par ailleurs, le coût de la suppression des exonérations accordées aux associations pèsera sur les structures gestionnaires et les principaux financeurs. Il est estimé à 62 millions d'euros pour les conseils généraux, à 32 millions d'euros pour la sécurité sociale et à 38 millions d'euros pour les autres intervenants.
En d’autres termes, nous sommes en présence d’une nouvelle débudgétisation, qui pèsera tant sur les ménages que sur les structures.
Pour les utilisateurs de services à domicile, il en résultera un inévitable ralentissement du recours à ces services.
Ainsi, des ménages réduiront les heures dont ils ont besoin. Cette diminution de l’aide apportée au financement de la famille pèsera sur les femmes, notamment sur les mères. Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce point, le partage des tâches étant ce qu’il est.
Le nombre même de particuliers employeurs qui recourent aujourd’hui à des aides à domicile montre que nous ne sommes pas en présence de catégories privilégiées. Il s’agit le plus souvent de ménages où les femmes, parfois seules, exercent une activité et doivent assumer une charge de travail et des horaires importants.
S’agissant de femmes parvenues à un certain niveau de qualification et de responsabilités, c'est-à-dire, cette fois, des classes moyennes, cet article sera très sérieusement pénalisant.
Il suffit de passer un moment au Sénat et de s’y entretenir avec les agents d’accueil, les journalistes de Public-Sénat, les administrateurs ou les assistants parlementaires – la mienne est en tout cas à votre disposition pour vous expliquer son organisation –, pour comprendre qui sera pénalisé par le présent dispositif.
Ce seront des jeunes femmes qui ne peuvent jamais, du fait de leurs responsabilités ou de leur emploi, être à l’heure pour récupérer leur enfant à la sortie de l’école ou de la crèche. Quand les enfants sont grands, ces femmes doivent, en plus de tout le reste, payer les frais de scolarité et de cantine de leurs enfants. S’ils sont en bas âge, c’est la crèche au taux plein qu’il leur faut payer, car leurs salaires sont décents. Certaines mères doivent même s’offrir les services d’une « nounou » à temps partiel, chargée de récupérer les grands à l’école et les petits à la crèche.
Ce sont ces femmes-là que vous pénaliserez !
En ce qui concerne les services à la personne, le problème est analogue. De nombreuses heures d’aide seront supprimées. Plusieurs estimations, réalisées par les structures concernées, nous sont parvenues. Si elles sont exactes, 54 000 bénéficiaires seront touchés, et 11 500 emplois sont menacés.
Là encore, on cherche la cohérence du dispositif en matière d’emploi : qui prendra le relais des intervenants ? Qui occupera ces emplois, indispensables aux personnes fragiles et aux familles ?
Il y va non seulement d’un grand nombre d’emplois mais aussi, sans doute, de la qualité du service rendu par les structures touchées par ces réductions budgétaires. Ce sont tous les efforts réalisés pour la qualification et la formation des intervenants, surtout en direction des publics jeunes et âgés, qui risquent d’être atteints.
J’ai conscience de la longueur de mon propos, monsieur le président, mais je vous demande votre indulgence.
La troisième victime directe de cette mesure, ce sont les salariés. Il est clair que l’on s’achemine vers des suppressions d’emploi et vers la réapparition du travail au noir ou, en tout cas, la dissimulation partielle des heures effectuées.
Je me permettrais également de souligner que les salariés dont il s’agit – dans les structures spécialisées comme chez les particuliers – sont dans leur immense majorité des femmes, souvent peu qualifiées.
Quel que soit le point de vue adopté, l’article 90 est purement et simplement préjudiciable. Choisir entre l’une ou l’autre de ses cibles – soit le salarié, soit l’employeur –, c’est choisir entre la peste et le choléra !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il vous faut conclure !
Mme Raymonde Le Texier. C’est pourquoi le groupe socialiste estime qu’il faut supprimer cet article.
Consciente d’avoir excédé mon temps de parole, je vous prie de m’excuser (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP) d’avoir perturbé la sieste de certains !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l’amendement n° II-353 rectifié.
Mme Anne-Marie Payet. Selon une enquête réalisée par l’institut IPSOS, une grande proportion des particuliers qui emploient un ou des salariés à domicile disent le faire pour répondre à un besoin essentiel.
Ils estiment que les dispositifs fiscaux jouent un rôle majeur dans leur décision d’employer. Un tiers d’entre eux envisagerait d’embaucher des salariés supplémentaires ou d’augmenter le nombre d’heures effectuées si ces avantages étaient majorés. Au contraire, s’ils étaient réduits, 37 % de ces particuliers déclarent qu’ils cesseraient d’employer ou de déclarer leur salarié.
Cependant, au-delà des menaces qui pèsent sur le secteur des services à la personne, la modification des dispositifs existants aurait des conséquences majeures sur la société française : elle remettrait en question tout à la fois le travail féminin, la solidarité intergénérationnelle et l’accompagnement de la dépendance.
Dans mon département, malgré la crise économique, le nombre de particuliers employeurs est en constante augmentation et il a même augmenté en moyenne, et j’insiste sur ce point, davantage que sur l’ensemble du territoire national. D’après les chiffres publiés au premier trimestre 2010 par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les particuliers employeurs y sont au nombre de 27 310 au total.
Les particuliers employeurs représentent un ménage sur vingt et une personne âgée de plus de soixante ans sur dix. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les besoins vont probablement s’amplifier. L’activité qu’ils créent représente aujourd’hui près de 3,9 millions d’heures travaillées et 30 millions d’euros de masse salariale nette.
Monsieur le président, mes chers collègues, supprimer cet avantage fiscal favorisera la montée en puissance du travail dissimulé, une régression du travail féminin, une hausse du taux de chômage.
Je vous demande donc de voter cet amendement visant à préserver les plus fragiles et les secteurs créateurs d’emplois, et de supprimer l’article 90.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° II-354 rectifié bis.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je serai très rapide car il me semble que les deux derniers orateurs ont présenté des arguments que j’aurais tout à fait pu développer moi-même.
J’aimerais simplement insister sur le fait que le besoin d’aide et d’assistance est autant ressenti par les femmes que par les hommes : aujourd’hui, certains hommes ont également besoin d’être aidés ou assistés.
C’est là un autre combat que je mène, mais qui me paraît tout aussi respectable.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Bravo !
M. Charles Guené. Merci, ma chère collègue !
M. le président. Les amendements nos II-361 rectifié et II-375 rectifié ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat sur l’article 90 est difficile, car il nous oblige à arbitrer entre nos penchants naturels – en l’espèce, notre intérêt pour les dispositifs encourageant l’aide à domicile – et, par ailleurs, de froids raisonnements budgétaires. (Sourires.)
Mes chers collègues, excusez le représentant de la commission des finances que je suis de se référer, compte tenu des déficits et de la situation générale que vous connaissez, de à ces froids raisonnements budgétaires.
Si nous remettions en cause l’article 90 – ainsi que le proposent les auteurs de ces amendements de suppression –, ou bien si nous nous contentions de diminuer l’abattement sur les cotisations sociales de 15 à 10 points, nous remettrions purement et simplement en question l’une des principales mesures de réduction de dépenses et d’économies budgétaires du présent projet de loi de finances.
Je veux le dire avec une certaine solennité : si mon rôle n’est pas facile,…
M. Adrien Gouteyron. Certes, il n’est pas facile !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … il est de mon devoir de l’exercer !
Le gain que nous attendons de la suppression de l’abattement en question s’établit à 460 millions d’euros en 2011 et à 700 millions d’euros en 2012.
Si nous ne votons pas l’article 90, nous serons confrontés à une alternative.
Première branche de l’alternative, nous décrédibilisons l’idée, qui circule tout de même, ici ou là, selon laquelle le Sénat est attaché à la réduction du déficit,…
M. Jean Desessard. Quid de la réduction de la TVA sur la restauration ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et on mesurera alors l’écart entre les propos et les actes du Sénat !
Mme Raymonde Le Texier. C’est une plaisanterie !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ma chère collègue, non, réduire les déficits, ce n’est pas une plaisanterie ! Vous êtes peut-être au courant de ce qui se passe autour de nous, et des enjeux attachés à la conduite d’une politique budgétaire responsable ?... Il est de mon devoir de les rappeler, non seulement à vous, mais à l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, y compris à mes amis les plus proches.
Seconde branche de l’alternative, nous réalisons sur d’autres postes budgétaires – en particulier dans les crédits de la mission « Travail et emploi », que Mme la secrétaire d’État défend ce soir – des économies à due concurrence. L’exercice ne serait certainement pas facile et conduirait, à mon avis, à pénaliser les publics fragiles, beaucoup plus que ne le fera la suppression de cet abattement de cotisations sociales.
La prise de conscience de cet enjeu budgétaire m’a donc poussé à contrarier mon penchant naturel, qui allait dans le sens des présents amendements. Je voudrais toutefois ajouter deux autres considérations.
Tout d’abord, il ne me semble pas exact d’affirmer que la remise en cause des exonérations sociales encouragera vraiment le travail au noir. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Personne n’est tenu de partager toutes mes opinions, chers collègues, mais qu’il me soit permis de les exprimer !
D’une part, l’intérêt à déclarer ses salariés reste réel sur le plan financier. D’autre part, au regard du droit du travail, les risques encourus par les employeurs de travailleurs non déclarés sont très graves : en d’autres termes, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les contrôles existent et ils se multiplieront. C’est d’ailleurs ce que l’on doit souhaiter.
Ensuite, du point de vue budgétaire, nous avons voté, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, une nouvelle norme de dépense : la stabilisation en valeur des dépenses de l’État, hors pensions et charge de la dette. En principe, du moins si nous faisons ce que nous disons, nous devrions la respecter pour la première fois dans le présent projet de loi de finances.
Si l’article 90 était remis en cause sans économies budgétaires à due concurrence – à la vérité, je n’ai d’ailleurs pas lu d’amendements déposés en ce sens par nos excellents collègues lors de l’examen des crédits –, le surcroît de dépenses pour l’État – lié à la nécessité de prolonger la compensation à la sécurité sociale du coût total de l’abattement – serait tel qu’il n’y aurait aucune chance que nous respections la norme.
Cela laisserait donc à penser que la parole du Premier ministre n’est que du vent, et que nous nous asseyons sur une norme que nous avons nous-mêmes édictée il n’y a guère que quelques jours, en adoptant la loi de programmation des finances publiques ! Serait-ce bien raisonnable ? Serait-ce très cohérent ?
En cette période de tourmente dans la zone euro et de crise des dettes souveraines – calmée sans doute pour quelques jours, pas plus –, inutile de vous dire ce qui pourrait advenir des États ne respectant pas leurs engagements et les règles de gouvernance de leurs finances publiques !
Pour l’ensemble de ces raisons, j’espère que vous n’en voudrez pas trop à la commission des finances, mes chers collègues, de souhaiter que l’article 90 soit adopté conforme. (Exclamations.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Un effort financier massif a été fait depuis plusieurs années pour développer les services à la personne.
Le coût des aides au secteur des services à la personne – 6,8 milliards d’euros par an – a augmenté de plus de 50 % depuis 2006.
Dans le cadre du chantier de la réduction des niches fiscales et sociales, le Gouvernement suivra les préconisations de la Cour des comptes visant à « refroidir la machine ». La montée en charge du secteur est maintenant assurée et il convient donc de recentrer les aides sur les publics prioritaires. À l’origine, les mesures dont nous venons de débattre étaient conçues pour être temporaires et encourager le développement du secteur.
Cependant, nous réaffirmons nos priorités, en l’occurrence ne pas toucher aux publics les plus fragiles – les personnes âgées dépendantes ou handicapées –, qui ont besoin d’un employé à domicile. Le dispositif d’exonération propre à ces publics, plus favorable, restera inchangé.
Nous souhaitons en outre préserver l’équilibre global du secteur. Nous ne remettrons donc pas en cause le crédit et la réduction d’impôt – à hauteur de 50 % –, qui ne seront pas « rabotés ». Pour les particuliers, cet avantage fiscal compensera la moitié du surcoût lié à la suppression des exonérations spécifiques.
Avec le maintien de l’avantage fiscal de 50 %, le coût du travail déclaré restera toujours inférieur à celui du travail au noir.
L’impact sur les employeurs sera limité. Le coût moyen pour un particulier employeur de la suppression des exonérations sera de 380 euros par an dans le cas d’un volume de 5 à 6 heures hebdomadaires déclarées à 1,1 fois le SMIC. Après crédit ou réduction d’impôt, le surcoût annuel s’élèvera donc à 190 euros, soit moins de 16 euros nets par mois.
Les amendements de suppression coûteraient 460 millions d’euros à l’État en 2011, et 700 millions d’euros en rythme de croisière.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. J’ai bien écouté les explications de M. rapporteur général et de Mme la secrétaire d’État. Faire plaisir, c’est toujours tentant ! Mais, devant la gravité de la situation et l’importance des déficits, comme l’a très justement expliqué M. le rapporteur général, il y a des moments où il faut savoir faire preuve de responsabilité. Je suivrai donc la commission des finances.
Cela étant, je me pose encore une question, monsieur le rapporteur général. Dans vos explications, vous avez réfuté les arguments selon lesquels le vote de l’article 90 pourrait éventuellement favoriser le travail au noir, affirmant qu’il y aurait toujours un intérêt à déclarer les emplois dont nous parlons.
J’aimerais que vous soyez plus explicite et que vous nous précisiez pourquoi l’employeur aura intérêt à déclarer.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Comme vous, monsieur Cornu, je me suis demandé à quoi faisait allusion M. le rapporteur général quant à l’intérêt qu’il y aurait à déclarer les emplois à domicile dans les nouvelles conditions créées par l’article 90. Pour le moment, j’avoue n’avoir pas encore décelé quelle pourrait bien être la motivation de l’employeur dans le nouveau régime fiscal.
Vous le savez, nous combattons depuis toujours les allégements de cotisations sociales et sommes en désaccord profond avec les dispositifs fiscaux de ce type, sauf pour certains publics, en l’occurrence les personnes âgées modestes qui ont besoin d’une aide à domicile pour pouvoir rester chez elles.
Tout ce qui relève donc de ces aides apportées à des foyers qui en ont un besoin vital doit, à notre sens, non pas être porté au compte des niches fiscales mais être conçu comme participant d’une politique d’aide au maintien au domicile. C’est, en quelque sorte, une politique sociale clairement identifiée.
L’article 90 touche des activités très diverses et son champ d’application est beaucoup trop large. C’est là la difficulté.
Au rabot aveugle proposé, j’aurais préféré un rabot plus sélectif, qui sache épargner les métiers procédant d’un accompagnement social fort, destinés à aider des foyers qui, sans soutien fiscal, n’auront pas recours à ces services à la personne, faute de pouvoir les prendre totalement en charge financièrement. Dans les propositions qui nous sont soumises, le travail n’a malheureusement pas été fait de façon suffisamment sélective.
Pour notre part, nous défendrons, dans le cours du débat, des amendements qui iront dans le sens d’aides plus sélectives.
Il faut arbitrer entre la suppression totale et complète de toute exonération et la situation dans laquelle le salarié occupant un emploi à domicile permanent acquitterait l’impôt, alors que son employeur y échapperait, autant de considérations qui, du point de vue de la rémunération, posent également problème.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pas plus que les élus du groupe CRC-SPG les élus écologistes n’aiment les exonérations de charges. Mais il s’agit ici d’activités d’utilité sociale.
La montée en puissance très importante du dispositif et donc l’augmentation des déclarations témoignent de la régularisation d’un travail qui, auparavant, était effectué de façon clandestine. Il s’agit donc à la fois de reconnaître une utilité sociale et de mettre au jour des activités pour en finir avec le travail au noir.
Cela justifie que je vote, au nom des élus écologistes, ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. J’ai bien écouté les propos de M. le rapporteur général, de Mme la secrétaire d’État et de collègues de la majorité.
J’aimerais juste dire, sans y insister, que le dispositif ne vise pas spécifiquement les personnes fragiles. Sauf à ranger dans cette catégorie celles et ceux qui siègent dans cet hémicycle et qui ont plus de 70 ans, et j’en fais partie : ils ne seront pas concernés par l’augmentation de 15 points au titre des cotisations patronales sur la rémunération de leurs femmes de ménage et de leurs bonnes et conservent l’allégement majoré des charges !
Quant aux mères de famille qui ont besoin d’une nounou en plus de tout le reste, de la crèche, de la garderie, elles paieront 15 points en plus !
Ce ne sera pas mon cas : merci, madame la secrétaire d’État !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’êtes pas fragile !
Mme Raymonde Le Texier. Il faut croire que je le suis, monsieur le rapporteur général, puisque j’ai plus de 70 ans et qu’à ce titre, je suis autorisée à continuer de payer moins cher les charges sociales de ma femme de ménage !
Merci à vous, merci au Gouvernement !
Je vous invite quand même à voter les amendements de suppression, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voulais répondre à M. Cornu, ainsi qu’à Mme Beaufils.
Comme vous le savez, le choix a été fait de maintenir en totalité le régime fiscal favorable des aides à domicile. Il n’a même pas été raboté !
Or il y a bien un lien entre les deux dispositifs. En effet, lorsque l’année « n » on paie des charges sociales, l’année « n + 1 », on bénéficiera de la déductibilité fiscale. C’est la raison pour laquelle je vous disais que, même si les 15 points étaient supprimés, l’incitation serait maintenue puisque la charge pour le particulier serait plus lourde. Par conséquent, il serait en mesure de recourir au régime de déductibilité fiscale en tenant compte de la totalité des charges payées. Voilà le lien.
Cependant, je tiens à le dire, je suis tout de même surpris. En effet, depuis l’époque de M. Balladur – car c’est lui qui avait relevé substantiellement les limites de la déductibilité fiscale – je ne cesse d’entendre sur vos travées les critiques les plus véhémentes sur ce régime. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Combien de fois avez-vous raillé, et sur le mode le plus virulent, les « cadeaux aux riches » ?
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela, je l’ai entendu à longueur de temps ! Et, aujourd’hui, vous nous expliquez - mais où est votre cohérence ? – qu’il faut maintenir la totalité de ces avantages. C’est pure démagogie, pardonnez-moi de vous le dire ! En tout cas, la cohérence de votre côté, je la cherche, comme Diogène avec sa lanterne, mais je ne la trouve pas !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Moi non plus !
Mme Catherine Procaccia. En effet, la suppression concernera l’ensemble des avantages. Or, comme l’a dit ma collègue du groupe CRC-SPG, les aides sont méritées dans certains cas et pas dans d’autres. Je préfère les amendements qui viendront par la suite, qui sont plus sélectifs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-346 rectifié, II-353 rectifié et II-354 rectifié bis, tendant à supprimer l’article 90.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En conséquence, l’article 90 est supprimé et l’amendement n° II-86 rectifié septies, les amendements identiques nos II-323 et II-327, les amendements nos II-339 rectifié, II-377, II-364 rectifié, II-365 et II-328, les amendements identiques nos II-355 rectifié bis et II-376 ainsi que l’amendement n° II-356 rectifié bis n’ont plus d’objet.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Au moins, on gagne du temps !
Article 91
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-14 est abrogé ;
2° Le V de l’article L. 241-13 est ainsi modifié :
a) Les trois premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice des dispositions du présent article est cumulable avec les déductions forfaitaires prévues à l’article L. 241-18. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « à l’exception des cas prévus aux 1° et 2° » sont remplacés par les mots : « à l’exception du cas prévu à l’alinéa précédent ».
I bis (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 5134-59 du code du travail, les références : «, L. 241-13 et L. 241-14 » sont remplacées par la référence : « et L. 241-13 ».
II. – Le présent article s’applique aux cotisations et contributions sociales dues à compter du 1er janvier 2011. – (Adopté.)
Article 92
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre III du titre III du livre Ier de la cinquième partie est abrogée ;
1° bis (nouveau) L’article L. 5135-1 est abrogé ;
1° ter (nouveau) Au 4° de l’article L. 5312-1, les mots : « de la prime de retour à l’emploi mentionnée à l’article L. 5133-1 pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, » sont supprimés ;
1° quater (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 5426-5, les mots : «, de la prime de retour à l’emploi mentionnée à l’article L. 5133-1 » sont supprimés ;
2° Le 1° de l’article L. 5423-24 est abrogé.
I bis (nouveau). – Le 9° quinquies de l’article 81 du code général des impôts est abrogé.
II. – Le présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2011.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-347 est présenté par Mme Le Texier, MM. Jeannerot et Godefroy, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Printz, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Kerdraon, Desessard, Le Menn, Teulade, S. Larcher et Gillot, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-366 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° II-347.
Mme Raymonde Le Texier. L'article 92 a pour objet de supprimer la prime de retour à l'emploi de 1000 euros versée aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, l’ASS, qui reprennent un emploi après quatre mois consécutifs. Il s'agit d'un alignement par le bas, puisque, dans le dispositif du RSA, cette prime n'existe pas.
En 2009, cette prime a représenté un coût de 43 millions d'euros pour un effectif, logiquement, de 43 000 personnes. L'économie en 2011 serait de l'ordre de 48 millions d'euros.
Dans une période de difficultés actuelles en matière d'emploi et d'augmentation de la pauvreté, cette décision est tout à fait inopportune.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° II-366.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 92 supprime, à compter du 1er janvier 2011, la prime de retour à l’emploi de 1000 euros pour les bénéficiaires de l’ASS qui reprennent un travail après une durée d’activité de quatre mois consécutifs.
Deux arguments ont été invoqués pour légitimer cette suppression.
Il s’agit, premier argument, d’aligner cette prime sur le dispositif du RSA, celle-ci n’étant plus versée aux bénéficiaires du RMI et de l’allocation de parent isolé, l’API, à la suite de la mise en place du RSA, en 2009.
C’est un véritable alignement par le bas, qui se fait au détriment de populations déjà vulnérables. Si l’on peut être d’accord avec une logique d’harmonisation de notre système social, nous revendiquons en revanche un alignement par le haut.
Le second argument invoqué est strictement comptable. Une telle mesure, en effet, permettrait de réaliser une économie de 50 millions d’euros… Une goutte d’eau, lorsque l’on compare ce chiffre aux 29,71 milliards d’euros d’exonérations et autres allégements généraux de cotisations patronales, qui n’incitent d’ailleurs pas à la création d’emplois qualifiés et bien rémunérés.
Là aussi, pourquoi toujours faire peser l’effort budgétaire sur les plus modestes, quand les nantis sont épargnés ?
Cet article illustre parfaitement votre politique, car vous faites payer aux demandeurs d’emploi un déficit dont ils ne sont pas responsables, mais que vous avez orchestré par vos différentes mesures fiscales, même si la crise, il est vrai, est venue l’amplifier !
Avec ce projet de loi de finances, vous poursuivez la même logique de réduction à tout prix des dépenses de l’État, sans chercher à augmenter ses recettes grâce à une fiscalité dans laquelle chacun contribuerait en fonction de ses capacités.
M. le rapporteur général me demandait tout à l’heure si nous avions d’autres propositions. Oui, nous en avons ! Nous voulons supprimer le bouclier fiscal, augmenter la taxation sur les gros patrimoines et modifier le barème de l’impôt sur le revenu pour renforcer la contribution des hauts revenus.
Voilà des mesures qui nous semblent plus efficaces.
Comme nous l’avons déjà indiqué, nous pensons que, pour sortir de la crise, il faut relancer la demande, au travers notamment de l’augmentation des salaires, mais aussi de la hausse des minima sociaux, en l’occurrence de l’ASS.
Nous proposons ici, et c’est un minimum, la suppression de l’article 92, injuste pour ces femmes et ces hommes déjà privés d’emploi !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait défavorable !
Mme Marie-France Beaufils. C’est rapide !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-347 et II-366.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 92.
(L'article 92 est adopté.)
Article 93
Le III de l’article 141 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) est abrogé à compter du 1er janvier 2011.
M. le président. L'amendement n° II-367, présenté par Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet et Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.