Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, je tiens à réagir aux propos de Mme la secrétaire d’État, car on ne peut laisser dire que ces articles visent simplement à corriger certains prétendus abus. Il n’est qu’à se reporter aux débats de l’Assemblée nationale. En effet, l’un de nos collègues députés a tranquillement expliqué que certains étrangers venaient en France pour profiter de la prise en charge, au titre de l’AME, des cures thermales ! Or l’on sait pertinemment – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont l’IGAS et l’IGF qui l’affirment – que les dépenses de l’AME restent inférieures de près de 800 euros aux dépenses engagées par l’assurance maladie pour un affilié au régime général !
À qui veut-on faire croire que ces dispositions ont pour objet de lutter contre les abus ? Il faut être sérieux et cesser de dire n’importe quoi ! Vous voulez nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
J’ajoute que, si un certain nombre de ressortissants de l’Union européenne bénéficiaient de la CMU, comme c’était le cas avant 2008, nous ne nous poserions pas ces questions sur l’AME.
Ces questions spécifiques aux ressortissants européens ont une dimension communautaire et appellent un traitement particulier.
Enfin, j’apprécie la décision de la commission des finances de s’en remettre à la sagesse de notre assemblée, et je souhaite que cette sagesse puisse s’exprimer.
Mme Nathalie Goulet. Bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-156, II-213, II-278 et II-287 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 86 bis est supprimé, et l’amendement n° II-37 n’a plus d’objet.
Article 86 ter (nouveau)
I. – L’article L. 251-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf pour les soins délivrés aux mineurs et pour les soins inopinés, la prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, pour les soins hospitaliers dont le coût dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d’État, à l’agrément préalable de l’autorité ou organisme mentionné à l’article L. 252-3 du présent code. Cet agrément est accordé dès lors que la condition de stabilité de la résidence mentionnée au même article L. 252-3 est respectée et que la condition de ressources mentionnée à l’article L. 251-1 est remplie. La procédure de demande d’agrément est fixée par décret en Conseil d’État. »
II. – Le dernier alinéa de l’article L. 252-3 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois le service des prestations est conditionné au respect de la stabilité de la résidence en France, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. L’article 86 ter prévoit, lui, l’obligation d’un accord préalable des caisses pour les soins hospitaliers les plus coûteux et celle de résidence en France pendant la durée des soins.
L’évolution des dépenses n’est pas disproportionnée dans le cadre de l’AME par rapport à celle de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Il s’agit, en effet, d’une augmentation de 43 %, comme Mme la secrétaire d’État l’a précisé tout à l’heure, alors que, sur la même période, elle s’élève à 35 % pour le reste des assurés sociaux.
L’augmentation des dépenses hospitalières, dont nous avons parlé, expliquerait, d’après les services du ministère de la santé, la moitié de la hausse du coût de l’AME depuis 2008. Or cette croissance est moins due à une recrudescence du nombre des soins ou à leur plus grande complexité qu’à la nouvelle tarification adoptée par les hôpitaux. Je vous renvoie à ce qu’a dit, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, sur le problème des groupes homogènes de séjours et des tarifs journaliers de prestations.
Si la commission des affaires sociales admet la nécessité d’une obligation de résidence pendant les soins, elle ne peut, cependant, se rallier à la mise en place d’un agrément préalable des caisses pour les soins hospitaliers coûteux.
En effet, cette disposition ne paraît pas pouvoir être réellement efficace dès lors que, comme le reconnaissent les auteurs des amendements correspondants à l’Assemblée nationale, les soins inopinés ne peuvent être soumis à cette procédure d’agrément préalable.
Celle-ci s’apparente à un réexamen systématique des conditions d’accès à l’AME, dont la durée moyenne actuelle est de vingt-trois jours. Ainsi, soumettre la conduite d’examens à un délai si long ne peut que conduire à aggraver la situation sanitaire du malade.
Une telle procédure est également susceptible de pousser les bénéficiaires de l’AME à retarder leur demande de soins, détériorant également leurs conditions de santé.
Elle risque, enfin, de transformer les examens planifiés en soins inopinés, lesquels perdraient ainsi toute leur efficacité.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose de supprimer l’obligation d’agrément préalable tout en maintenant celle de résidence pour l’accès aux soins et aux prestations.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-38 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° II-157 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° II-214 rectifié est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-288 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° II–38.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous, les sénatrices et sénateurs écologistes, demandons la suppression de l’article 86 ter, qui conditionne le bénéfice de la prise en charge pour certains soins au titre de l’AME à un agrément préalable.
Cette disposition laisse à penser qu’une majorité d’étrangers fraudent. Après la fraude documentaire des candidats à l’immigration, voici revenu le mythe de l’étranger fraudeur aux soins !
Selon les chiffres-chocs soumis, le dispositif de l’AME subirait 50 % de fraudes. Mais que recouvre exactement ce chiffre de la révision générale des politiques publiques ?
Premièrement, si l’on regarde de plus près, ces fraudes ont été constatées sur la totalité des contrôles effectués, exercés non pas de manière aveugle, mais sur dénonciation ou suspicion de fraude.
Dès lors, dans un cas suspicieux sur deux, la fraude présumée n’existe pas ! Il serait donc utile de préciser que les cas de fraude concernent les opérations où celle-ci est présumée, et non leur ensemble.
Deuxièmement, je souhaite vous soumettre également un chiffre éloquent : 70 % des AME correspondent à des frais d’hospitalisation. Admettez, mes chers collègues, qu’il semble très difficile de commettre des fraudes lorsqu’une hospitalisation est en cause ! À mon souvenir, il n’y a eu ni substitution d’identité enregistrée ni chirurgie esthétique constatée !
Le raisonnement de la majorité s’écroule donc devant cette évidence : l’AME est utilisée principalement à la fois pour des pathologies importantes, mais également en dernier lieu, car l’étranger sans papiers ne profite pas d’un système. Au contraire, il a plutôt tendance à attendre le dernier moment pour recourir aux soins. Le système d’AME que vous proposez va encore aggraver cette situation.
J’ajoute, mes chers collègues, que nous doutons de l’efficacité du dispositif qui est proposé. Demander un agrément préalable revient non seulement à alourdir la procédure, mais également à transférer sur les professionnels de santé les charges de l’AME.
Avec ou sans accord, les professionnels dispenseront les soins, car quelquefois, l’urgence ou la gravité des pathologies justifieront une réaction immédiate.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° II-157.
Mme Évelyne Didier. À ce stade des débats, il ne me paraît pas inutile de rappeler précisément ce dont on parle. Aux dires de certains, on pourrait croire que les dépenses liées à l’AME coûtent une somme considérable à notre pays. En réalité, il n’en est rien puisque le rapport de l’IGAS et de l’IGF précise qu’elles représentent moins de 0,3 % des 160 milliards d’euros de dépenses engagées par l’assurance maladie, tous régimes confondus. Le prétexte avancé est donc fallacieux.
Constater la faiblesse de ces dépenses ne nous interdit toutefois pas de réfléchir et de chercher à limiter la fraude, ce qui est tout à fait légitime. Or les articles que nous examinons, dont les dispositions sont, dans la pratique, irréalisables, ne participent pas de ce débat raisonné. Ils constituent une charge en règle contre l’AME, contre la tradition de notre pays en matière d’accueil et, en définitive, contre les politiques de prévention et la santé publique.
L’article 86 ter, qui vise ni plus ni moins à soumettre l’exercice de la médecine à l’octroi d’une autorisation préalable, n’y fait pas exception.
On peut d’ailleurs craindre que cette mesure ne soit qu’une phase, une expérimentation destinée à réduire la prise en charge par la dépense publique, fiscale ou sociale, en conditionnant l’ensemble des actes médicaux onéreux à une autorisation préalable.
Par ailleurs, nous regrettons que cette disposition, qui constitue un acte de méfiance à l’égard de la communauté médicale, renvoie la délivrance de cette autorisation aux préfets, l’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles faisant tout à la fois référence au « directeur de la caisse primaire d’assurance maladie des travailleurs salariés » et au « représentant de l’État dans le département ». Ces derniers ne disposent d’aucune légitimité en termes de santé. On peut même craindre que cette disposition, présentée comme une mesure de rationalisation des dépenses de santé, ne permette en fait aux préfets de disposer d’éléments complémentaires afin de participer de manière plus fructueuse, si j’ose dire, à la politique de lutte contre l’immigration.
Pour toutes ces raisons, et parce que cette disposition semble vraiment contraire aux idées fondamentales de notre pays qui garantissent l’accès de tous à la santé, le groupe CRC-SPG propose la suppression de l’article 86 ter. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour présenter l'amendement n° II-214 rectifié.
Mme Bernadette Bourzai. Tout d’abord, je crois utile de rappeler certaines évidences et d’exposer certains faits, qui, s’ils semblent incontestables et acquis pour certains, ne le sont pas pour d’autres, à moins, peut-être, qu’ils ne feignent de les ignorer...
Rappelons donc que, pour accéder à l’AME, les étrangers en situation irrégulière doivent déjà aujourd’hui satisfaire à des conditions strictement contrôlées, c'est-à-dire être présents depuis plus de trois mois sur le territoire, vivre en France de façon permanente et habituelle, disposer de ressources inférieures à 634 euros par mois.
Par ailleurs, le droit à l’aide médicale d’État est actuellement valable pour une durée d’un an renouvelable. Aussi, tous les ans, les demandeurs doivent apporter toutes les preuves nécessaires pour l’obtenir et se soumettre aux contrôles de leur identité, de leur résidence, de leurs ressources.
Cette procédure, qui, on le voit bien, est exigeante, rend difficile l’obtention de l’AME. N’oublions pas tout de même que les associations consacrent une partie importante de leur temps de travail à accompagner vers le droit à la santé et l’accès aux soins les bénéficiaires qui ont du mal à rassembler tous les justificatifs nécessaires.
De plus, ces difficultés d’accès à l’AME sont déjà source de ruptures de prise en charge au moment du renouvellement annuel.
L’article 86 ter vise à soumettre à l’agrément préalable des caisses primaires d’assurance maladie et au contrôle systématique des conditions de ressources et de stabilité de résidence les soins hospitaliers dont le montant dépasserait un seuil fixé par décret en Conseil d’État, le coût du forfait hospitalier journalier étant également concerné. Il ne peut qu’engendrer des lourdeurs administratives préjudiciables à la délivrance des soins aux personnes concernées.
Une telle disposition non seulement retardera la prise en charge médicale et provoquera des discontinuités graves dans les soins et la prévention, mais pourra aussi conduire à un renoncement pur et simple des demandes d’agrément, en raison de démarches insurmontables devant être renouvelées fréquemment.
De surcroît, elle créera nécessairement une charge administrative supplémentaire, dont les hôpitaux et les caisses primaires d’assurance maladie gagneraient à se passer.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° II-288 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Ayant vous-même été préfet voilà quelques années, ma chère collègue, vous auriez pu être appelée à prendre des décisions comme celles qu’a exposées tout à l’heure Mme Didier.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le président, je confirme que la commission des finances s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. L’article 86 ter vise à instaurer une double condition : la stabilité de la résidence durant l’ensemble de la période des droits ouverts et la délivrance d’un agrément préalable du représentant de l’État ou de la caisse primaire d’assurance maladie pour une hospitalisation dont le coût est supérieur à un seuil fixé par décret du Conseil d’État. L’agrément sera obligatoire à l’occasion du service de prestations particulièrement coûteuses, afin de lutter contre la fraude.
Je voudrais rappeler que, pour les bénéficiaires de la CMU de base et de la CMU complémentaire, la condition de stabilité de la résidence peut être vérifiée à tout moment et, le cas échéant, donner lieu à suspension ou suppression des prestations.
L’agrément en question ne sera exigé ni pour les soins de ville ni pour les soins hospitaliers inopinés, qu’ils soient urgents ou simplement programmés. Je l’ai d’ailleurs précédemment indiqué.
Je précise de nouveau qu’un décret en Conseil d’État fixera le seuil et précisera la notion de soins inopinés.
Par conséquent, le Gouvernement demande aux auteurs de ces quatre amendements identiques de bien vouloir les retirer.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-38, II-157, II-214 rectifié et II-288 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L'amendement n° II-279, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. La commission des finances s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles et des amendements portant article additionnel, rattachés à la mission « Santé », nous en sommes parvenus à l’article 86 quater.
Article 86 quater (nouveau)
L’article L. 252-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu’ils ont versées à tort. En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II-39 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° II-158 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° II-215 rectifié est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° II-289 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° II–39.
M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d’État, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, par cet amendement, les sénatrices et sénateurs écologistes demandent la suppression de l’article 86 quater, qui prévoit la récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires de l’AME.
Cette disposition procède, une nouvelle fois, d’une stigmatisation des étrangers en situation irrégulière. Celle-ci laisse entendre que le coût de l’AME et son augmentation sont dus à l’utilisation frauduleuse, par les bénéficiaires, de ce dispositif.
Ce postulat est inexact, puisqu’il suffit d’examiner la politique d’immigration de la France depuis quelques années pour s’en rendre compte.
Si l’AME a augmenté, ce n’est pas parce que l’État français à ouvert grand ses frontières, mais au contraire, parce qu’il les a fermées de manière quasi hermétique.
Cette fermeture des frontières, assortie d’une politique restrictive en matière d’octroi de visas et d’asile, a eu un effet immédiat : l’augmentation du nombre d’étrangers sans papiers en France.
À cela s’ajoute l’exclusion d’une partie des ressortissants européens du bénéfice de la sécurité sociale, comme c’est le cas, par exemple, pour les Roumains.
L’augmentation du nombre de prises en charge au titre de l’AME est donc avant tout une conséquence de la politique inique du Gouvernement en matière de régularisations.
C’est pour toutes ces raisons que le coût de l’AME croît, et non pas parce que l’étranger est un profiteur !
J’ajoute que le fait d’exiger le remboursement des sommes versées à tort est tout à fait ridicule et inapproprié. L’AME, ce n’est pas une prestation sociale versée à l’étranger. Les bénéficiaires ne touchent jamais une somme d’argent, puisque le prix de la prestation est directement versé aux professionnels de la santé.
Dans ces conditions, demander le remboursement, à des personnes en situation de grande précarité et insolvables, de sommes qu’elles n’ont jamais perçues est donc non seulement honteux, mais également pour le moins absurde.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° II–158.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article prévoit que les caisses primaires d’assurance maladie peuvent obtenir le remboursement des sommes versées à tort à des bénéficiaires de l’AME. La notion de « sommes versées à tort » vise, en réalité, les sommes qu’auraient pu percevoir des fraudeurs.
Pour notre part, et il est important de le préciser, les étrangers en situation irrégulière qui perçoivent indûment des prestations au titre de l’AME ne constituent qu’une minorité. La fraude n’est pas plus développée qu’ailleurs et, naturellement, il convient de la sanctionner lorsqu’elle est avérée, car elle porte atteinte au système tout entier.
Or cet article, juxtaposé aux précédents, donne l’impression que les députés qui en ont proposé l’insertion ont une vision déformée de la réalité, tendant à voir derrière chaque bénéficiaire de l’AME un fraudeur potentiel.
On doute, d’ailleurs, comme pour l’ensemble de ces articles, qu’il puisse être opérant.
Notre collègue Jean Desessard vient de le rappeler, l’article 86 quater précise que, en cas de précarité, la dette pourrait être remise ou réduite. Autant dire que cette possibilité sera systématiquement utilisée, puisque, ne l’oublions pas, l’AME est destinée à des personnes dont les revenus n’excèdent pas 634 euros.
Aussi proposons-nous, par cet amendement, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° II–215 rectifié.
M. Yves Daudigny. La fraude, même si elle est totalement inacceptable, est, c’est bien connu, l’argument régulièrement évoqué lorsque l’on veut justifier des mesures d’encadrement qui ont en fait d’autres buts inavoués : des restrictions, des économies, etc.
Les deux derniers rapports, de 2003 et de 2007, de l’IGAS et de l’IGF ont conclu que l’AME est un dispositif maîtrisé, avec des potentialités de fraude de la part des bénéficiaires qui apparaissent limitées, et qu’il remplit des objectifs de santé publique essentiels.
Curieusement, ces rapports n’empêchent pas les auteurs des articles remettant en cause l’AME d’entretenir un climat de suspicion, ni ceux qui les ont votés d’utiliser ce dispositif comme un instrument de la politique de l’immigration et non comme l’outil de santé publique qu’il devrait être.
Les effets délétères de telles mesures sont évidents, en premier lieu pour les personnes concernées, d’autant plus que celles-ci sont davantage touchées que la moyenne par des affections graves, mais également pour l’ensemble de la population, d’un point de vue sanitaire tout autant qu’économique.
L’article 86 quater prévoit la récupération des sommes indûment versées aux bénéficiaires de l’AME par les caisses primaires d’assurance maladie, les CPAM. Outre le coté stigmatisant et inutilement suspicieux d’une telle mesure, faut-il rappeler, mes chers collègues, que le public concerné est précaire et qu’il se trouve souvent en France dans le dénuement le plus total ? (M. Alain Gournac s’exclame.)
Même si une somme se révélait avoir été indûment perçue, ce qui reste peu probable compte tenu du caractère exigeant de la procédure et de la surveillance soigneuse du dispositif par les CPAM, la récupération se heurterait inévitablement à l’insolvabilité des personnes.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° II-289 rectifié.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Tous les dispositifs d’aide peuvent donner lieu à des fraudes et l’AME ne fait pas exception à la règle.
Il s'agit ici de pouvoir récupérer, en cas de fraude, une somme qui a été versée à tort. Or les directeurs des caisses primaires d’assurance maladie sont les plus à même de recouvrer ces indus, comme le prévoit cet article.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je suis heureuse d’entendre mes collègues de gauche affirmer qu’ils ne sont pas favorables à la fraude et qu’il faut la réprimer.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Toutefois, leurs amendements n’ont dès lors plus de raison d’être, puisque c’est bien de sanctionner la fraude qu’il s’agit ici.
Lorsque la sécurité sociale verse une prestation indue à l’un de nos concitoyens, quel qu’il soit, elle est en droit de lui en réclamer le remboursement. Je ne vois pas pourquoi il en irait différemment pour les étrangers.
Mme Évelyne Didier. Les rétrocommissions aussi, il faut les réclamer !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Je veux simplement indiquer à nos collègues que la commission des affaires sociales s’était prononcée pour le maintien de cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-39, II-158, II-215 rectifié et II-289 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 86 quater.
(L'article 86 quater est adopté.)
Article 86 quinquies (nouveau)
I. – La section 2 du chapitre II du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un XII ainsi rédigé :
« XII. – Aide publique à une couverture de santé
« Art. 968 E. – Le droit aux prestations mentionnées à l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles est conditionné au paiement d’un droit annuel d’un montant de 30 € par bénéficiaire majeur. »
II. – Après le mot : « sens », la fin du premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « de l’article L. 161-14 et des 1° à 3° de l’article L. 313-3 de ce code, à l’aide médicale de l’État, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l’article 968 E du code général des impôts. »
III. –Après l’article L. 253-3 du même code, il est inséré un article L. 253-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L 253-3-1. – I. – Il est créé un Fonds national de l’aide médicale de l’État.
« Le fonds prend en charge les dépenses de l’aide médicale de l’État payée par les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale.
« Le fonds prend également en charge ses propres frais de fonctionnement.
« II. – Le Fonds national de l’aide médicale de l’État est administré par un conseil de gestion dont la composition, les modalités de désignation des membres et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret.
« Sa gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations.
« III. – Le Fonds national de l’aide médicale de l’État perçoit en recettes le produit du droit de timbre mentionné à l’article 968 E du code général des impôts. Un arrêté des ministres chargés de la santé et du budget constate chaque année le montant du produit collecté et versé au fonds.
« L’État assure l’équilibre du fonds en dépenses et en recettes. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.