M. Jean-Jacques Lozach. … à un abattement qui s’est traduit par la courte majorité du Sénat lors du vote final sur la réforme territoriale. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Quant à M. Marleix, il déclarait : « Il faut être agrégé de droit public pour comprendre qui est qui et qui fait quoi. L’urgence est là : il faut simplifier l’architecture territoriale. » Or nous nous acheminons vers une overdose de complexification.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez n’a rien pour soulever l’enthousiasme. L’action Attractivité économique et compétitivité des territoires subit une érosion de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement. Autant d’implications en moins pour la DATAR ! L’action Développement solidaire et équilibré des territoires voit ses crédits de paiement amputés de 16 millions d’euros. Quant à la dotation d’équipement des territoires ruraux, elle n’apporte rien de plus au cumul de la dotation de développement rural et de la dotation globale d’équipement.
Le Gouvernement applique aux collectivités territoriales sa révision générale des politiques publiques, multiplie les restructurations, par exemple pour les hôpitaux, dégrade la qualité du service public, considérant que les services publics sont le problème de la France parce qu’ils nuisent à sa compétitivité.
N’oublions pas qu’une nation vivante, ce sont d’abord des territoires et des habitants traités de manière égale et considérés comme une richesse ; c’est un pacte de confiance et un contrat territorial ; ce sont des solidarités et des efforts partagés. Tous ces éléments sont au service d’un grand dessein, d’un avenir considéré comme une marche vers le progrès, et non comme un retranchement, la fin des ambitions collectives ou la démission.
Le budget de la mission que nous examinons nous renvoie à la situation de la collectivité ayant pleinement compétence en matière d’aménagement du territoire, autrement dit la région. Le comité Balladur proposait de « renforcer le rôle des régions françaises, notamment au regard de leurs homologues étrangères. » En réalité, les régions sortent exsangues de la réforme territoriale, à l’image du département, dont la capacité à agir fond comme neige au soleil.
Ainsi, en 2009, pour la première fois de leur histoire, les conseils généraux ont réduit de 3,95 % leurs dépenses d’équipement brut, c’est-à-dire les investissements effectivement concrétisés. C’est un signe incontestable de leurs difficultés actuelles.
La réforme des collectivités traduit un objectif unique : envisager l’avenir au travers d’un dialogue simplissime, un face-à-face entre l’État et les métropoles, laissant les espaces interstitiels à un sort peu enviable, celui du chacun pour soi ou de la débrouillardise. Tout autre échelon est considéré comme un obstacle, voire un contre-pouvoir, qu’il importe de fragiliser ou de faire disparaître à terme.
Or, pour que notre pays soit attractif, il faut que tout son espace le soit ; la reprise d’une croissance économique durable nécessite des collectivités fortes, déployant leurs services à la population et investissant pour l’équipement de la nation.
En matière de technologies de l’information et de la communication, quel hiatus entre, d’une part, les déclarations officielles et offensives et, d’autre part, leurs déclinaisons concrètes, d’une lenteur qui suscite l’impatience, voire la colère ! Le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire, le CIADT, caractérisé par cette priorité numérique, remonte pourtant à 2001, voilà presqu’une décennie !
Les annonces du CIADT du 11 mai dernier sont plus qu’écornées par leur traduction budgétaire pour 2011. Le sort réservé aux zones de revitalisation rurale suscite nombre d’inquiétudes, alors que ces zones devraient s’inscrire dans la durée.
La réalité est cruelle, que ce soit en matière d’infrastructures de transport, de crédits accordés par le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, de logement, d’offre de soins. Le FNADT subit, lui aussi, une restriction de ses moyens. Les projets de pôles d’excellence rurale sélectionnés ou en cours d’arbitrage risquent fort de connaître une réponse budgétaire très insuffisante.
Cette réalité bien terne vient se greffer sur une toile de fond : la crise sans précédent que traverse, depuis trois ans, le monde agricole, en particulier toutes les filières de l’élevage.
Mes chers collègues, l’État est défaillant et exacerbe les fractures. Quelle est sa stratégie pour que la politique d’aménagement post-2013 ne soit pas réorientée sur les seuls grands pôles urbains ? A-t-il des idées claires en matière de cohésion territoriale et de péréquation ?
En effet, les projets des territoires sont plombés par l’étranglement des départements et des régions. La soumission à l’incontestable effet de ciseau entre l’accroissement des dépenses, sociales en particulier, et le gel des dotations est la traduction d’un véritable coup de poignard budgétaire, alors que la création du conseiller territorial insulte le bon sens.
À l’image du projet de budget pour 2011, cette politique témoigne d’une coupable indifférence face au désarroi non seulement des élus locaux, mais aussi des populations et des territoires qu’ils représentent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je me réjouis que l’aménagement du territoire soit rattaché à votre ministère.
M. Jacques Blanc. Moi aussi ! Bravo !
Mme Anne-Marie Escoffier. C’est un domaine qui a beaucoup évolué au cours de son histoire, puisqu’il a été rattaché successivement à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur, à la santé, puis à l’intérieur, toujours avec la volonté de donner un signe. Celui qui est donné aujourd'hui, monsieur le ministre, est d’importance, et je ne peux que m’en féliciter.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le Gouvernement a pris des engagements forts, notamment au travers des décisions du CIADT, du Grenelle de l’environnement et des Assises des territoires ruraux, engagements qui ont pour finalité de mailler les territoires en maisons de santé, de parfaire la couverture en téléphonie mobile et haut débit, de développer deux mille kilomètres supplémentaires de lignes TGV, d’avancer dans le désenclavement routier des territoires les moins bien desservis. Ce sont là des objectifs que l’on ne peut évidemment que partager, comme le font tous les membres du RDSE. Désormais, le Gouvernement doit tenir ses engagements ; il y va de la parole et de la crédibilité de l’État.
Mais force est de constater, monsieur le ministre, que ces engagements sont quelque peu contredits par les décisions politiques et les arbitrages budgétaires.
Je ne m’attarderai pas sur les chiffres pour 2011 de la mission « Politique des territoires », l’une des plus petites, qui accuse une baisse sensible par rapport à 2010. Il m’est cependant impossible de ne pas souligner la diminution de 7,5 % en autorisations d’engagement et de 13,5 % en crédits de paiement. Le programme Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, qui regroupe les moyens mis à la disposition de la DATAR, se voit en particulier « allégé » de 35 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 48 millions d’euros en crédits de paiement.
La prime à l’aménagement du territoire, qui a, par le passé, joué un rôle de levier économique non négligeable pour les territoires les plus fragiles, a vu ses moyens fondre comme peau de chagrin.
Certes, la politique d’aménagement du territoire est, par essence, transversale, et bien d’autres ministères y contribuent. J’entends bien aussi l’antienne de la dette publique, de même que la crise économique qui nous oblige...
Mais justement, dans la difficile situation que connaît notre pays, permettez-moi de faire part de mon inquiétude à l’égard des territoires les moins favorisés.
J’admets que le budget pour 2011 soutient des initiatives intéressantes, comme les pôles de compétitivité, les grappes d’entreprises, les pôles d’excellence rurale, pour lesquels des moyens significatifs sont dégagés.
Ces actions ont plusieurs vertus, dont la première est d’avoir redonné confiance et fierté aux territoires, de leur avoir permis de révéler et d’exprimer des talents et, ainsi, d’avoir su créer des dynamiques positives. Les villes n’ont pas le monopole de l’excellence et de la compétence.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Cependant, la réussite de ces territoires dépend très souvent de la combinaison de multiples facteurs.
Le maintien des services de l’État et des services publics est évidemment essentiel, en particulier pour les territoires les plus isolés et à faible densité démographique. La politique menée par le Gouvernement semble répondre malheureusement à une logique de concentration et de rentabilisation dictée par la RGPP, alors qu’il s’agit avant tout pour ces territoires ruraux d’être desservis pour mieux servir une population souvent tentée par l’exode rural. Aujourd’hui, il faut se battre pour simplement maintenir des services, alors qu’il faudrait, me semble-t-il, améliorer et moderniser ces derniers. Comment dans ces conditions rendre réellement plus attractifs les territoires ruraux ?
Avec les cartes judiciaire, hospitalière, scolaire, pénitentiaire, c’est un ensemble de services de l’État et de services de proximité qui sont transférés vers les métropoles régionales ou économiques. Mais tous les départements ne sont pas irrigués par de telles métropoles !
M. Jacques Blanc. Eh non !
Mme Anne-Marie Escoffier. Pour ceux qui ne le sont pas, les écarts se creusent avec les autres territoires ! De l’inégalité s’ajoute à l’inégalité. N’est-ce pas contraire à nos principes républicains de justice et d’égalité ?
L’avant-projet de schéma national des infrastructures de transport, le fameux SNIT, vient donner le coup de grâce aux territoires ruraux. Les routes nationales, pourtant restées de la compétence de l’État, les voies ferrées de fret, les transports express régionaux, les TER, sont délaissés au profit de quelques grandes lignes à grande vitesse et autres axes autoroutiers.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Ces inquiétudes sont réelles, monsieur le ministre, d’autant que vous appartenez à un gouvernement qui a fait le choix de restreindre les marges de manœuvre des collectivités territoriales, qui sont pourtant des acteurs économiques incontournables en matière d’aménagement du territoire.
M. François Patriat. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Or leurs marges de manœuvre sont à tel point réduites qu’elles doivent de plus en plus suppléer aux défaillances de l’État, notamment en matière d’infrastructures ou de services au public. Comment pourront-elles continuer à le faire, entre des hausses de dépenses liées à des transferts de compétences insuffisamment compensés, la mise à mal de leur autonomie financière, le gel des dotations pour les prochaines années, sans parler des financements croisés, dont on ne sait pas trop ce qu’ils vont devenir ?
Assurément, il y a bien d’autres choses à dire concernant l’aménagement du territoire. Le maintien d’une agriculture forte et diversifiée est évidemment la condition de la vitalité du monde rural. Quand l’agriculture est en crise, c’est toute la ruralité qui souffre. De ce point de vue, je salue une nouvelle fois aujourd'hui la réunion pertinente des secteurs de l’agriculture et de l’aménagement du territoire au sein d’un même ministère.
Autre sujet de taille, le logement constitue un vrai défi. À cet égard, je m’inquiète du recentrage de la politique du logement et des aides à la pierre sur les zones tendues. S’il peut paraître justifié de soutenir la construction de logements nouveaux et l’accession dans les zones tendues, on néglige néanmoins l’importance de la demande dans les zones B2 et C et les objectifs de développement économique qui doivent y être réalisés.
En France, 30 % des ménages résident dans des communes rurales et des agglomérations de moins de 5 000 habitants. Les revenus de ces ménages sont inférieurs à ceux de nos concitoyens demeurant dans les grandes agglomérations.
Monsieur le ministre, dans un contexte difficile, avec des crédits en baisse, je m’interroge : comment pourrez-vous tenir les engagements du Gouvernement en matière d’aménagement du territoire ? Quelles réponses apporterez-vous aux territoires ruraux pour les rassurer ? Surtout, quelles perspectives la République est-elle en mesure d’offrir à la ruralité et à ceux qui la font vivre au quotidien ? Pour ma part, j’exprime ma grande confiance en votre action. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à étudier les crédits de la mission « Politique des territoires », qui, rappelons-le, est la plus petite mission du budget général, puisqu’elle représente 0,1 % des crédits de paiement. Cette place au sein de la loi de finances n’est pas représentative de la réalité, l’ensemble des politiques publiques devant, en principe, contribuer à un aménagement équilibré du territoire.
Pour ce qui concerne les crédits affectés à cette mission, remarquons tout d’abord que les autorisations d’engagement diminuent de 7 %, tandis que les crédits de paiement chutent de près de 13,5 %. Nous le déplorons au moment même où la solidarité nationale devrait s’exprimer pleinement, en raison de la crise économique et sociale que nous traversons. Il faut d’ailleurs noter qu’une baisse continue est prévue jusqu’en 2013.
Venons-en aux programmes constitutifs de cette mission, notamment au programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, qui subit globalement une diminution des crédits d’un peu plus de 10 % en autorisations d’engagement et de 14 % en crédits de paiement.
Le CIADT du 11 mai dernier a entériné le maintien de la politique de pôles dits « de compétitivité » ou « d’excellence rurale », ce que ce programme confirme. Ainsi, les pôles de compétitivité disposent pour la nouvelle période d’une enveloppe de 1,5 milliard euros.
Aux côtés de ces pôles, nous trouvons des instruments tels que la prime d’aménagement du territoire, utilisée ici comme un amortisseur de crise.
Sur le fond, nous voyons bien la logique profonde des réformes engagées, qu’elles concernent les collectivités ou le domaine économique. Il s’agit de rationaliser, de centraliser les pouvoirs, les savoirs, les moyens au sein de pôles – je pense non seulement aux pôles de compétitivité et d’excellence rurale, mais aussi aux nouveaux pôles urbains et autres métropoles –, ce qui, de fait, creuse l’écart avec le reste du territoire.
C’est aussi une manière de mettre en concurrence des territoires au lieu de favoriser les coopérations entre eux avec la péréquation des richesses.
Une telle politique de spécialisation est totalement contraire au développement durable.
Cette construction d’une France à plusieurs vitesses est bien visible dans le projet du Grand Paris, par exemple, qui divise la région capitale entre zones de développement économique et zones désertées. Il s’articule autour d’une spéculation foncière renforcée rejetant hors de l’agglomération les populations les plus fragiles. Le phénomène métropolitain n’est donc pas utilisé pour lutter contre les inégalités ; bien au contraire, il contribue à les renforcer.
La fracture est criante dans plusieurs domaines, notamment en termes numériques. Malgré les promesses récurrentes du Gouvernement, aujourd’hui, certaines zones restent orphelines d’accès aux nouvelles technologies. Les collectivités financeront la majeure partie des investissements.
Enfin, je remarque, une nouvelle fois, que la dimension fiscale reste très importante, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial. Ainsi, les dépenses fiscales rattachées au programme 112 atteignent un montant de 408 millions d’euros, et ce alors qu’aucune évaluation de leur efficacité n’a été réalisée. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage de faire un bilan de ces exonérations, qui témoignent avant tout d’une politique pointilliste ?
Examinons maintenant l’action 2 « Développement solidaire et équilibrée des territoires », qui représente le cœur de cette mission. Son budget progresse de 0,6 %, un peu moins que l’inflation annoncée de 1,5 %. Nous pourrions regarder ce budget de manière positive si la RGPP n’était pas passée par là.
Le nouveau ministre du budget déclare que la RGPP « se poursuivra sans altérer en aucune façon ni notre modèle social, ni la qualité de nos services publics, ni la façon dont nous vivons dans la République. » Il faut oser !
Ce n’est d’ailleurs pas l’avis de M. Henri Sterdyniak, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Il déclare en effet : « La RGPP n’est pas une réforme pensée. Si l’on avait redéfini les missions, on se serait aperçu qu’il fallait peut-être dépenser un peu plus ici et un peu moins là. Mais l’on n’a pas fait ce choix. Et l’on va forcément vers une dégradation des services publics ».
Cette déclaration est illustrée par de nombreux exemples sur le terrain. Tous les secteurs sont touchés : la santé et l’éducation nationale sont mises à rude épreuve, la police aussi, où la réduction des effectifs est appliquée sans considération du surcroît des missions imposées.
À ce titre, je veux rappeler l’initiative remarquable prise par des magistrats, des médecins hospitaliers et des chercheurs, qui ont eu le courage de lancer l’Appel des appels, contre la logique comptable des réformes de la justice, de l’hôpital et de la recherche.
Il s’agit d’un fait unique, qui démontre le malaise présent aujourd’hui dans les territoires. Les services publics ne sont plus assurés dans de bonnes conditions, et c’est toute la cohésion sociale nationale qui s’en trouve mise à mal.
En effet, où sont donc les crédits pour des hôpitaux en zones rurales ? Pourquoi ferme-t-on petit à petit des tribunaux, des gendarmeries et des services de proximité ? Dans quelle mesure La Poste ne va-t-elle pas disparaître totalement de certains secteurs ?
Je ne peux pas, si j’en viens à la question de la présence territoriale des services publics, faire l’impasse sur la question du fret ferroviaire, laminé par les politiques successives de démantèlement de cette activité.
Vous avez fait le choix de ne pas adopter notre proposition de résolution, qui permettait à la fois de décréter un moratoire sur la fermeture des triages et de définir l’activité de transport de marchandises en wagon isolé d’intérêt général.
Pourtant, en reconnaissant cette dimension d’intérêt général, cela aurait donné de la force à l’ambition de développement des modes alternatifs à la route, conformément aux engagements du Grenelle.
Cette politique de casse du fret a des conséquences particulièrement inquiétantes, notamment dans ma région de Lorraine. Ainsi, le conseil économique, social et environnemental de Lorraine s’est vu contraint d’adopter une motion demandant à ce que les aménagements pour le délestage du sillon ferroviaire lorrain sur la branche Hagondange-Conflans de l’eurocorridor fret soient considérés par l’État comme contribuant à un outil essentiel pour renforcer la performance de l’eurocorridor et celle de l’axe ferroviaire du sillon lorrain métropolitain, reliant le Luxembourg et l’Allemagne.
À l’inverse de cette exigence, le site de Conflans-Jarny est en voie de démembrement, avec treize postes supprimés sur les vingt et un actuels. Apparemment, la situation évolue, mais nous trouvons cette logique du plan fret symptomatique de l’impasse de l’idéologie dominante et de son incompatibilité avec le développement durable.
Enfin, le désengagement de l’État favorise le partenariat public-privé, ou PPP, comme en témoigne, notamment, l’esprit même des pôles d’excellence rurale, les PER, puisque ne sont éligibles au sein de ce programme que les projets conçus en PPP.
Pour conclure, notons que le ministre aurait annoncé la signature, le 28 septembre dernier, d’une charte entre l’État et différents opérateurs publics s’intitulant « Plus de services au public », élément du plan d’action en faveur des territoires ruraux, dotés de 2,3 millions d’euros en crédits de paiement pour cette année.
Que pourrons-nous faire avec une somme aussi faible ? Peut-être nous le préciserez-vous, monsieur le ministre ?
Sur le fond, cette évolution dans le vocabulaire met en exergue la différence de conception entre le service public, occupé seulement de l’intérêt général, et le service au public, dont l’objectif est d’être d’abord rentable. Force est alors de reconnaître que l’État se désengage de cette dimension d’intérêt général, au nom de la rigueur.
Ainsi, le Gouvernement impose le gel des dotations de l’État, alors même que la réforme des collectivités a placé certaines d’entre elles dans une situation financière intenable.
Je rappelle ici que, consécutivement à cette réforme, l’autonomie financière des départements est passée de 35 % à 12 % ! La perte de maîtrise financière et de leurs ressources par les collectivités est une atteinte forte à la conception républicaine qui prévalait jusqu’ici dans notre pays et qui assurait un aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons regretter que l’effort budgétaire du Gouvernement en direction de notre territoire et de son aménagement souffre d’un manque de clarté, dû à l’éparpillement des crédits d’État entre plusieurs programmes et missions.
Les rapporteurs ont d’ailleurs très bien détaillé les chiffres et l’ensemble des actions que nous devons intégrer pour avoir une vue d’ensemble des différentes politiques qui contribuent à l’aménagement du territoire.
Depuis quelques années, de nombreuses initiatives très intéressantes ont été prises. En 2009 et 2010, les Assises des territoires ruraux ont permis de dégager un nombre important de propositions qui ont été formulées par les différents acteurs locaux. Lors de ces débats, nous avons tous ressenti une très forte demande des habitants, en matière de services à la population.
La poursuite de la politique des pôles d’excellence rurale, les PER, avec le lancement d’une seconde génération d’appels à projets, est une excellente chose. Le succès des pôles d’excellence rurale, les PER, est indéniable, puisque, à l’heure actuelle, plus de 454 dossiers sont en cours d’instruction, dont 7 provenant de mon département.
Le système des grappes d’entreprises permettant d’intensifier les coopérations entre des entreprises qui appartiennent souvent à la même filière est très apprécié. Il complète les dispositifs des pôles de compétitivité et des pôles d’excellence rurale et il concourt parfaitement à développer principalement nos PME et nos TPE, ou très petites entreprises, qui ont un fort ancrage local.
Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, le 1er octobre dernier, j’avais eu l’occasion de saluer la signature, intervenue entre l’État et neuf des principaux opérateurs publics français, d’une convention de partenariat des services publics dont l’ambition est d’accompagner le développement des territoires ruraux dans lesquels la population commence à croître.
Cette expérimentation m’apparaît tout à fait pertinente, puisqu’elle permettra, entre autres, peut-être très prochainement, de payer ses factures EDF dans les bureaux de poste, d’acheter des produits postaux à l’office du tourisme, d’avoir accès dans une mairie à un VisioGuichet permettant d’entrer en relation avec un conseiller de Pôle Emploi ou de la Caisse d’allocations familiales, la CAF, ou encore de bénéficier dans des gares de services de Pôle emploi, de la CAF, de l’assurance maladie, entre autres.
Comme le rappelait le Premier ministre lors d’un précédent congrès des maires, nos services publics ne sont pas simplement un pilier de notre modèle social et de notre cohésion, mais aussi un atout pour l’attractivité de nos territoires.
Par ailleurs, m’associe aux inquiétudes de plusieurs de mes collègues, dont Pierre Hérisson, qui nous ont signalé que, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de La Poste, le décret qui devait permettre à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, de calculer le coût de la mission d’aménagement du territoire de La Poste, n’est toujours pas publié.
Un territoire attractif et dynamique doit aussi, aujourd’hui, bénéficier d’un accès aux nouvelles technologies très performantes et, en particulier, au haut et très haut débit. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
Je tiens à saluer les efforts du Gouvernement qui a engagé la phase de lancement opérationnel du programme national sur le très haut débit.
Ce programme sera d’abord financé par les investissements d’avenir, à hauteur de 2 milliards d’euros. Les collectivités territoriales seront pleinement associées à ce programme, puisque l’appel à projets pilotes s’adresse à ces dernières, en partenariat avec les opérateurs nationaux. En outre, 500 000 euros par projet seront investis par l’État.
En revanche, malgré les différentes mesures qui ont été prises ces dernières années pour lutter contre la désertification médicale, je reste inquiet de la situation que nous rencontrons sur le terrain, dans nos cantons et nos communes.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Bernard Fournier. Ceux qui partent trouvent de moins en moins de successeurs. Nos campagnes peinent à attirer de nouveaux médecins, qui se concentrent dans certaines régions comme l’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, PACA. Seulement 8,6 % des nouveaux inscrits de 2009 se sont installés comme médecins libéraux.
Nous savons tous très bien que le recours aux praticiens étrangers, notamment roumains ou bulgares, est de plus en plus fréquent. Il a ainsi augmenté de 20,6 % en trois ans. Le président du Conseil national de l’Ordre des médecins s’est inquiété à plusieurs reprises du problème posé par le niveau de ces praticiens. Voilà quelques semaines, il mettait en garde les collectivités locales contre les agences qui, moyennant rémunération, se font fort d’attirer dans les campagnes françaises ces diplômés étrangers.
Ainsi, je compte beaucoup sur les décisions qui ont été prises, lors du Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire, le CIADT, du 11 mai dernier, qui a acté le lancement d’un programme de financement de 250 maisons de santé dans les territoires ruraux.
Ces maisons de santé, définies par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009, permettent de favoriser les coopérations entre les professionnels de santé, d’optimiser la prise en charge des patients et de répondre aux attentes des jeunes professionnels.
Elles pourront bénéficier de financements pour les études préalables et l’ingénierie, sous la responsabilité des agences régionales de santé, à hauteur de 50 000 euros maximum par projet, ainsi que pour leurs dépenses de fonctionnement dans le cadre de l’expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels.
Des financements pourront également leur être attribués pour l’investissement au moyen de la dotation globale d’équipement, la DGE, de la dotation de développement rural, la DDR, ou du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT, sous la responsabilité des préfets. L’État pourra prendre en charge jusqu’à 25 % du coût du projet, voire 35 % dans les territoires prioritaires identifiés par le schéma régional d’organisation des soins, le SROS, ou dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
En outre, des propositions intéressantes ont été formulées par Mme Élisabeth Hubert, dans son rapport sur la médecine de proximité, qu’elle a remis à M. Nicolas Sarkozy, le 26 novembre dernier.
Le Président de la République a d’ailleurs précisé qu’il souhaitait vivement que plusieurs de ces mesures fortes puissent être prises dès 2011, pour répondre aux défis et aux priorités identifiés par Mme Élisabeth Hubert, en particulier la simplification des conditions d’exercice, l’appui à l’exercice regroupé des professionnels et l’aide à l’installation dans les zones sous-denses.
Ma dernière remarque portera sur une disposition contenue dans le dispositif des ZRR du projet de loi de finances. Si l’extension de l’exonération d’impôt sur les bénéfices aux reprises d’activité est une très bonne chose, je ne ferai pas le même commentaire sur l’article 88, qui limite aux organismes employant moins de dix personnes l’exonération de cotisations dont bénéficient les organismes d’intérêt général situés en ZZR.
Je suis tout à fait d’accord avec notre rapporteur pour avis, Rémy Pointereau, qui pense que cela risque de mettre en péril de nombreuses associations indispensables à l’animation des territoires ruraux.
Pour terminer, je déplore, avec Gérard Bailly, le terrorisme des normes de plus en plus envahissantes, coûteuses et insupportables, surtout en période de restrictions budgétaires et de maîtrise des coûts pour nos collectivités.
Monsieur le ministre, vous l’avez compris, je voterai naturellement ce budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. François Patriat.