Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Paul Virapoullé.
2. Fin de mission d'un sénateur
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances ; Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
MM. Didier Boulaud, Jean-Pierre Chevènement, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Louis Carrère, Mme Dominique Voynet, MM. Daniel Reiner, Bernard Piras, Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
Adoption des crédits de la mission.
Article additionnel après l'article 69
Amendement no II-169 du Gouvernement. – MM. le ministre d’État, François Trucy, rapporteur spécial ; Jean-Louis Carrère, Mme Bernadette Dupont. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
5. Communication du Conseil constitutionnel
6. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
7. Retrait de l’ordre du jour d’une question orale
8. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Mmes Nathalie Goulet, Gisèle Printz, MM. Robert Tropeano, Guy Fischer, Michel Guerry, Ronan Kerdraon, René Vestri, Mme Janine Rozier.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants.
Demande de priorité des amendements nos II-61 et II-170. – MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – La priorité est ordonnée.
Articles additionnels après l’article 68 ter (priorité)
Amendement n° II-61 (priorité) de Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. – Mme le rapporteur pour avis, MM. le ministre d’État, Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-170 (priorité) du Gouvernement. – MM. le ministre d’État, le rapporteur spécial, Guy Fischer, Ronan Kerdraon. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-62 de Mme Gisèle Printz. – M. Ronan Kerdraon.
Amendement n° II-95 de Mme Gisèle Printz. – M. Ronan Kerdraon.
MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet des amendements nos II-62 et II-95.
Amendement n° II-100 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendement n° II-101 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet des amendements nos II-100 et II-101.
Amendement n° II-65 de Mme Gisèle Printz. – Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet.
Amendements identiques nos II-63 rectifié de Mme Gisèle Printz et II-105 de M. Guy Fischer. – MM. Ronan Kerdraon, Guy Fischer, le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° II-68 de Mme Gisèle Printz. – M. Gisèle Printz.
Amendement n° II-102 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet des amendements nos II-68 et II-102.
Amendement n° II-104 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendement n° II-66 de Mme Gisèle Printz. – Mme Gisèle Printz.
MM. le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet des amendements nos II-104 et II-66.
Amendement n° II-103 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le ministre d’État. – Rejet.
Adoption des crédits de la mission.
Mme Gisèle Printz, M. le ministre d’État.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte spécial : Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
Mmes Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances ; Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Fortassin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
MM. François Fortassin, Roland Ries, Louis Nègre, Marcel Deneux, Mmes Évelyne Didier, Mireille Schurch, MM. Jacques Blanc, Michel Teston, René Vestri.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Suspension et reprise de la séance
Mmes Évelyne Didier, la ministre.
M. Jacques Blanc, Mme la ministre.
M. Marcel Deneux, Mme la ministre.
Mmes Gisèle Printz, la ministre.
Mmes Mireille Schurch, la ministre.
MM. Louis Nègre, Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports
Mme Nathalie Goulet, M. le secrétaire d'État.
MM. Michel Teston, le secrétaire d'État.
M. Jacques Gautier, Mme la ministre.
M. Jean-Pierre Sueur, Mme la ministre.
M. René Vestri, Mme la ministre.
M. Roland Courteau, Mme la ministre.
Amendement n° II-191 du Gouvernement. – Mmes la ministre, Fabienne Keller, rapporteur spécial. – Adoption.
Amendement n° II-98 de M. Gérard Bailly. – M. Paul Blanc, Mmes Fabienne Keller, rapporteur spécial ; la ministre. – Retrait.
Amendements nos II-131 et II-132 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Fabienne Keller, rapporteur spécial ; la ministre. – Retrait de l’amendement no II-132 ; rejet de l’amendement no II-131.
Amendement n° II-96 de M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. – M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie ; Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial ; la ministre. – Retrait.
Amendement n° II-190 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le président de la commission. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
État C
Amendement n° II-30 rectifié de la commission. – MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Adoption des crédits des comptes spéciaux « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres ».
Amendement n° II-189 du Gouvernement. – Mmes la ministre, Fabienne Keller, rapporteur spécial ; M. Michel Teston. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Articles additionnels après l’article 70
Amendement n° II-114 rectifié de Mme Fabienne Keller. – Mme Fabienne Keller, M. le président de la commission, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° II-115 rectifié de Mme Fabienne Keller. – Mme Fabienne Keller, M. le président de la commission, Mme la ministre. – Retrait.
Article additionnel après l’article 71
Amendement n° II-42 de Mme Évelyne Didier. – Mmes Évelyne Didier, Fabienne Keller, rapporteur spécial ; la ministre. – Retrait.
Articles 71 bis, 72, 73 et 73 bis. – Adoption
Articles additionnels après l’article 73 bis
Amendement n° II-134 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° II-133 de M. Jean-Pierre Sueur. – M. Jean-Pierre Sueur.
Mmes Fabienne Keller, rapporteur spécial ; la ministre, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet des amendements nos II-134 et II-133.
Solidarité, insertion et égalité des chances
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Mmes Isabelle Pasquet, Marie-Thérèse Hermange, Gisèle Printz.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Amendement n° II-20 de la commission. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial ; Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° II-21 de la commission. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial ; Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. – Retrait.
Amendement n° II-155 de M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° II-19 de la commission. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. – Retrait.
Amendement n° II-154 rectifié de M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis, Mme la ministre, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mmes Isabelle Pasquet, Gisèle Printz, Marie-Thérèse Hermange. – Adoption.
Amendement n° II-153 de M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis. – Retrait.
Adoption des crédits de la mission, modifiés.
Article additionnel après l'article 87
Amendement n° II-113 de Mme Gisèle Printz. – Mme Gisèle Printz, M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial ; Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° II-188 du Gouvernement. – Mme la ministre, MM. le rapporteur pour avis, Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
M. le rapporteur pour avis, Mme la ministre.
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Fin de mission d'un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 25 novembre 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 1er décembre 2010, de la mission temporaire sur les métiers et les compétences dans le secteur des énergies marines renouvelables, confiée à Mme Gisèle Gautier, sénatrice de la Loire-Atlantique, auprès de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
4
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et article 69).
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le ministre d’État, pour votre première intervention significative devant le Sénat à l’occasion de la présentation du projet de budget de la défense, permettez-moi de vous féliciter pour cette nomination majeure.
Même si vous avez occupé par le passé des fonctions plus importantes encore au service de notre pays, je connais trop la passion du service de l’État qui vous anime – elle vous a d’ailleurs toujours animé – pour douter que la mission qui vient de vous être confiée avec le ministère de la défense ne vous intéresse infiniment. (M. Robert del Picchia applaudit.)
Pour les rapporteurs de la commission des finances de la Haute Assemblée, qui sont tout autant attachés à leur fonction, il s’agit là d’une réelle satisfaction et d’un encouragement majeur au moment où, une fois de plus, ils s’interrogent sur le fait de savoir si les programmes militaires, tels qu’ils ont été élaborés avec tant de soin avec la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, pourront être respectés.
Nous comptons beaucoup sur votre investissement et sur votre motivation, comme vous pouvez compter, monsieur le ministre d’État, sur notre vigilance et notre soutien, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition,…
M. Jean-Louis Carrère. Ça, ce n’est pas sûr !
M. François Trucy, rapporteur spécial. … car ici, au Sénat – vous le savez parfaitement –, devant les nécessités et les exigences de la défense nationale, les préoccupations partisanes passent au second plan : seuls comptent les intérêts majeurs de l’État.
En revanche, nous avons des sujets d’inquiétude et nous allons, les uns et les autres, vous les exposer.
Le rapport écrit que Jean-Pierre Masseret, Charles Guéné et moi-même avons rédigé est suffisamment complet pour que je n’aie pas à reprendre ici, alors que le temps nous est mesuré de manière insupportable, les données de la mission et de ses chapitres.
Si je me permets de dire que le temps nous est mesuré de manière insupportable, c’est en songeant aux 182 heures que nous avons consacrées ici même à débattre de la réforme des retraites alors que, aujourd'hui, nous ne disposons chacun que de dix minutes pour analyser le troisième budget de l’État et ses 37 milliards d’euros. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Avouez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il y a là matière à s’interroger. Cela étant, monsieur Carrère, je ne regrette pas ces 182 heures, je fais juste une comparaison !
Monsieur le ministre d’État, je limiterai mon propos à quelques considérations, questions ou réflexions que je souhaite vous adresser.
Je commencerai par évoquer quelques-uns des sujets de satisfaction. Ils ne sont pas mineurs.
J’aborderai tout d’abord la tenue de nos forces en Afghanistan, où elles affrontent depuis déjà longtemps un ennemi redoutable sur un terrain extraordinairement difficile. Le sang versé rend compte de la dureté des combats et force le respect.
N’en déplaise aux partisans du départ de la France de ce théâtre d’opérations, c’est au prix de tels sacrifices que notre pays peut encore conserver sa place au Conseil de sécurité des Nations unies, au moment où son poids économique relatif diminue proportionnellement face à celui de pays émergents de la taille de la Chine, de l’Inde et du Brésil, et où sa capacité à contribuer efficacement à la paix mondiale reste essentielle.
Face aux difficultés rencontrées sur ce terrain, je remercie votre prédécesseur d’avoir amélioré de manière significative les moyens de nos soldats, et pas simplement ceux de leur sécurité.
Ensuite, monsieur le ministre d’État, je vous félicite des efforts déployés par votre ministère et vos états-majors en faveur de tous les domaines concernés par la vaste réorganisation des armées. Aucune opération aussi gigantesque n’a jamais été imposée à un grand corps de l’État.
Cette réorganisation prévoit une réduction drastique des effectifs sans que soient affaiblies – c’est l’objectif – les capacités opérationnelles ; la réalisation de bases de défense, seule méthode qui permette une mutualisation sensible des moyens et de la logistique ; le maintien des objectifs et des moyens d’un recrutement dont la qualité garantit celle des unités et des écoles ; une programmation ambitieuse pour tous les matériels de la défense ; enfin, des économies, partout recherchées, qui doivent en principe être réinvesties dans l’équipement et le maintien en condition opérationnelle.
Que ce soit conformément à la loi relative à la programmation militaire, au Livre blanc fondateur ou à la très civile révision générale des politiques publiques, la RGPP, les armées produisent des efforts dignes d’éloges pour respecter une feuille de route particulièrement difficile.
Enfin, les récents accords franco-britanniques, sur lesquels vous nous donnerez certainement de plus amples détails, monsieur le ministre d’État, sont sources d’une autre satisfaction, qui est de taille. Nous espérons beaucoup de ces accords, mais que pouvons-nous en attendre ? Ils sont en effet un peu inespérés, tant on connaît le peu d’appétence des Anglo-saxons pour une coopération avec les Français.
Les quelques remarques qui vont suivre, monsieur le ministre, constituent en revanche d’importants sujets de préoccupation.
Je m’interroge avec inquiétude – je ne suis d’ailleurs pas le seul – sur les perspectives de ressources de la mission « Défense » d’ici à 2014.
Tout d’abord, je m’interroge sur les fameuses « ressources exceptionnelles ». La vente des fréquences hertziennes est-elle vraiment escomptable en 2011 ? En tout cas, l’est-elle plus qu’en 2010 ?
Les ressources exceptionnelles provenant de ventes immobilières du patrimoine de la défense, même revues à la baisse, vont-elles véritablement alimenter votre budget à la hauteur qui était initialement prévue ?
Face à ces difficultés à vendre – elles ne sont pas étonnantes dans le contexte économique actuel –, que devient le projet Balard d’un Pentagone à la française ? Je sais bien que ce projet ne doit pas être financé par le produit des cessions immobilières précédemment citées, mais est-on sûr que, si le ministère de la défense déménage à Balard en 2014, l’État ne se retrouvera pas pendant plusieurs années avec une partie importante du patrimoine actuel sur les bras ?
La question des ressources exceptionnelles n’est pas essentielle, car de telles ressources, si elles devaient être manquantes, peuvent toujours être compensées, comme on l’a vu en particulier l’an dernier.
L’essentiel, pour la commission des finances, c’est que le taux de croissance sera probablement nettement inférieur aux prévisions du Gouvernement – ce dernier prévoit un taux de 2 % l’année prochaine et de 2,5 % de 2012 à 2014 –, de sorte que, pour ramener le déficit national à trois points du PIB en 2013, il faudra vraisemblablement prendre des mesures supplémentaires sur les dépenses et les recettes. Dans ces conditions, il est à craindre que la mission « Défense » ne serve de variable d’ajustement. Nous en avons un peu l’habitude !
Par ailleurs, si l’on souhaite se projeter au-delà de 2013, on ne trouve par définition rien, dans la programmation triennale 2011-2013, sur 2014 et sur ce qui servira de point de départ au calcul des ressources de la mission « Défense » cette année-là. Prendra-t-on en compte les ressources totales qui sont actuellement prévues pour 2013 ou les seuls crédits de paiement ?
Mais la question des ressources n’est pas tout. Parviendrons-nous à respecter « physiquement » la loi relative à la programmation militaire ? Disposerons-nous des effectifs et des matériels prévus ?
L’impression qui se dégage est que, du fait d’une sous-estimation initiale de la masse salariale et de la faible inflation en 2009, il existe un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, potentiellement à hauteur de plusieurs milliards d’euros. Cela constitue un véritable sujet de préoccupation supplémentaire à l’horizon 2014.
À cela s’ajoutent les graves incidents industriels qui affectent certains programmes ou l’entretien de très grosses unités de la marine nationale. Je pense ainsi au récent accident d’entretien du Charles de Gaulle – je ne parle pas de la première hélice –, qui a ridiculement retardé, et peut-être en partie compromis, le succès d’une campagne internationale très prometteuse, dont nous attendions beaucoup.
On peut surtout s’inquiéter des retards de l’A400M et de ceux du NH90 ; mais d’autres évoqueront sûrement ces sujets, qui plus est mieux que moi.
Enfin, je regrette, monsieur le ministre d’État, qu’un récent rapport de la Cour des comptes sur la gestion des hôpitaux militaires ait cloué au pilori la direction centrale du service de santé des armées, la DCSSA, pour sa gestion des établissements, oubliant les contraintes exorbitantes qui pèsent sur ceux-ci et les efforts exceptionnels que la direction déploie jour après jour pour constituer les antennes chirurgicales avancées, les ACA, lesquelles non seulement assurent efficacement la sécurité sanitaire de nos troupes lors des opérations extérieures, mais aussi se déploient au profit des populations locales, comme tout le monde en est le témoin.
Certes, la direction centrale du service de santé des armées doit sûrement faire plus d’efforts de gestion, engager des réformes importantes et développer d’autres formes de coopération et de complémentarité avec le secteur civil ; mais lorsqu’un rapport est injuste avec une institution, il peut y perdre une part importante de son efficacité. Je le regrette.
Monsieur le ministre d’État, sur le papier, le projet de budget de la défense pour 2011 est sincère et équilibré. Si l’on prend en compte les prévisions de ressources exceptionnelles, il est conforme, à l’épaisseur du trait, aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire.
Nos inquiétudes concernent plutôt les années suivantes, à l’horizon 2014, je le répète, et plus encore à l’horizon 2020, comme mes collègues ne manqueront pas de le souligner. Certes, la réserve de budgétisation prévue dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 est en principe susceptible d’abonder les plafonds de crédits prévus par cette même loi, mais l’ensemble des ressources de la mission « Défense » risquent d’être nettement inférieures à la programmation.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des éléments de nature à nous rassurer, monsieur le ministre d’État, en particulier en ce qui concerne la révision de la loi relative à la programmation militaire, qui doit avoir lieu en 2012 ?
En conclusion, Charles Guené et moi-même avons proposé à la commission des finances, en tant que rapporteurs spéciaux, d’approuver les crédits de la défense, ce qu’elle a fait. Nous proposons aujourd'hui au Sénat de faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même avons décidé cette année de nous écarter de notre logique sectorielle habituelle pour poser clairement la question aujourd’hui essentielle des perspectives budgétaires des crédits de la mission « Défense », dans le contexte de la nécessaire réduction du déficit public.
Notre collègue François Trucy vient de présenter le cadre programmatique du présent projet de loi de finances : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, dont les perspectives d’exécution suscitent certaines inquiétudes.
Je vais maintenant présenter les grands équilibres du présent projet de loi de finances. Mon collègue Jean-Pierre Masseret s’intéressera ensuite aux perspectives de la mission « Défense » à plus long terme. Cela nous permettra de mettre en évidence le fait que des choix politiques essentiels, qui vont bien au-delà des seuls enjeux de finances publiques, devront être faits ces prochaines années.
Les crédits de paiement de la mission « Défense » proposés pour 2011 s’élèvent, je le rappelle, à plus de 37 milliards d’euros. Je n’entrerai pas dans les détails des différents programmes, car nos collègues rapporteurs pour avis le feront avec talent tout à l’heure.
Pour ma part, je m’efforcerai de répondre à trois questions.
Tout d’abord, le montant global des ressources prévues pour 2011 est-il conforme à la loi relative à la programmation militaire ?
Ensuite, dans quelle mesure ces crédits permettront-t-ils d’exécuter « physiquement » ladite loi ?
Enfin – cette question est essentielle –, dans quelle mesure les objectifs opérationnels seront-ils atteints ?
En ce qui concerne le montant global des ressources prévues pour 2011, les ressources pour la mission « Défense » sont, à l’épaisseur du trait près, conformes à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Selon le Gouvernement, les ressources seraient inférieures de seulement 50 millions d’euros au montant fixé par la loi de programmation militaire. En effet, les crédits de paiement seraient de 500 millions d’euros de moins, mais, en contrepartie, les ressources exceptionnelles qui auraient dû être perçues en 2009 et en 2010 le seraient de manière décalée, d’où 450 millions d’euros de ressources supplémentaires.
Ce serait seulement ensuite, en 2012 et surtout en 2013, que, si l’on ajoute les ressources exceptionnelles aux crédits de paiement fixés par le projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, les ressources totales de la mission « Défense » seraient nettement inférieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire.
Cette affirmation selon laquelle les ressources globales seraient en 2011 inférieures de seulement 50 millions d’euros à ce que prévoit la loi de programmation militaire doit cependant être nuancée.
Tout d’abord, comme cela a été expliqué dans le rapport, il nous semble que le Gouvernement minore d’une trentaine de millions d’euros le montant des ressources qui découleraient en 2011 de l’application stricte de la loi de programmation militaire. Le manque de ressources globales serait donc non de 50 millions d’euros, mais de 80 millions d’euros. On peut bien entendu discuter ce chiffre, mais ce qu’il montre, c’est que l’on se situe bien dans l’épaisseur du trait, 80 millions d’euros représentant 0,2 % de la mission « Défense ». Il ne s’agit donc pas d’un montant significatif.
Le montant attendu des ressources exceptionnelles constitue un sujet plus important. Il s’élève à plus d’un milliard d’euros en 2011, dont 850 millions d’euros de ressources hertziennes. L’enjeu n’est peut-être pas si essentiel que cela en lui-même. En effet, si le Gouvernement veut garantir à la mission « Défense » les ressources prévues, il peut toujours compenser les ressources exceptionnelles manquantes, comme il l’a fait en 2009.
Ce qui nous préoccupe, c’est plutôt que d’éventuels manques à gagner en 2011, voire au cours des années suivantes, ne soient pas compensés, alors que nous sommes sortis de la logique du plan de relance pour entrer dans celle d’une réduction forte du déficit public.
Par ailleurs, pour atteindre l’objectif de déficit public de 6 points de PIB en 2011, l’effort discrétionnaire de réduction du déficit risque de devoir être plus important que celui qui est actuellement prévu, ce qui pourrait impliquer une contrainte plus forte sur la mission « Défense ».
Monsieur le ministre d’État, dans quelle mesure les montants prévus pour 2011 permettront-ils d’exécuter « physiquement » la loi de programmation militaire ?
Les ressources de la mission « Défense » devraient donc être, en 2011, globalement en ligne avec ce que prévoit la loi de programmation militaire, si l’on excepte les aléas des ressources exceptionnelles et d’un éventuel effort supplémentaire qui pourrait être demandé à la mission « Défense ».
Une deuxième question est de savoir dans quelle mesure ces ressources permettront l’exécution « physique » de la loi de programmation militaire. En effet, ce n’est pas tout d’avoir l’argent, encore faut-il qu’il permette de disposer des effectifs et des équipements prévus !
De ce point de vue, la situation paraît préoccupante du fait de la « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement. Ainsi, en 2011, selon la programmation révisée du Gouvernement, les dépenses d’équipement seraient réduites de 500 millions d’euros par rapport à la loi de programmation militaire pour permettre le financement du « dérapage » des dépenses de fonctionnement.
Comme mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même l’avions déjà souligné lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, cette situation s’explique notamment par le fait que, contrairement aux lois de programmation militaire précédentes, la loi actuelle programme en euros constants non seulement les dépenses d’équipement, fortement dépendantes de l’inflation, mais aussi l’ensemble des dépenses. Celles de personnel sont ainsi concernées alors qu’à court terme elles ne dépendent pas de l’inflation.
L’inflation ayant été quasiment nulle en 2009, le pouvoir d’achat de la mission « Défense » se trouve réduit de plusieurs centaines de millions d’euros par an. À cela s’ajoute le fait que certaines dépenses de personnel dérapent en euros courants. Ainsi, un projet de décret d’avance récemment transmis à la commission des finances tend à accroître les dépenses de personnel de la mission « Défense » de 200 millions d’euros en 2010, hors opérations extérieures, ou OPEX.
Non seulement les dépenses de personnel sont supérieures à ce que prévoit la loi de programmation militaire, mais, de plus, elles ne permettent pas d’avoir le niveau d’effectifs prévu. En effet, la loi de programmation militaire définit deux objectifs en la matière : un en niveau et un en évolution par rapport à l’année précédente.
L’objectif d’évolution par rapport à l’année précédente est à peu près respecté, mais les effectifs ayant été plus faibles que prévu en 2008, on observe dès lors un écart significatif en 2009 et en 2010 en équivalents temps plein travaillé, ou ETPT.
En outre, certaines dépenses d’équipement viendront se substituer à d’autres, jugées sinon plus utiles, du moins plus urgentes. Ainsi, en conséquence de l’absence de contrat à l’exportation du Rafale, la mission « Défense » va devoir acquérir onze de ces avions en plus sur la période 2010-2012, dont quatre en 2011.
Pour terminer, j’en viens aux perspectives relatives aux objectifs opérationnels.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la loi de programmation militaire fixe non seulement des objectifs de moyens, mais aussi – c’est évidemment l’essentiel – des objectifs de capacités opérationnelles. Ces derniers sont repris par les contrats opérationnels des différentes armées ainsi que par les projets annuels de performance annexés aux projets de lois de finances.
L’indicateur du projet annuel de performance le plus important aux yeux de mes collègues rapporteurs spéciaux et de moi-même est celui qui est intitulé : « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France ». Depuis l’année dernière, il est d’ailleurs l’un des quatre indicateurs principaux de la mission « Défense ».
Cet indicateur concerne notamment les capacités de projection de l’armée de terre qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, doit notamment pouvoir projeter 30 000 combattants à 8 000 kilomètres dans un délai de six mois. Pour la première fois, le présent projet de loi de finances prévoit que cet objectif de l’armée de terre ne sera pas parfaitement atteint en 2011, puisqu’il ne le serait qu’à 95 %, et à 90 % en 2013. Les auteurs du projet de loi de finances expliquent cette évolution défavorable par une précision laconique : « Les prévisions tiennent compte des contraintes budgétaires de la période ».
Il serait donc illusoire de s’imaginer que les contraintes budgétaires n’auront pas de conséquence sur les capacités opérationnelles. On commence déjà à le voir pour 2011. En l’absence d’une volonté politique forte de préserver les capacités opérationnelles, cette tendance pourrait être encore plus nette en 2014, voire en 2020. Ce sont donc des choix importants qui devront être faits ces prochaines années, comme notre collègue Jean-Pierre Masseret va maintenant l’expliquer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rapporte le programme 146, qui concerne l’équipement des forces. Chacun ici sait ce que cela signifie : il s’agit de garantir à nos armées du matériel moderne et performant pour respecter les contrats opérationnels que lui fixe l’autorité politique.
Ce sont des crédits importants – « des sous », comme on dirait en province ! –, puisqu’ils s’élèvent à 13 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à presque 12 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits, répartis sur nos cinq systèmes de force, doivent permettre la mise en application des engagements tant du Livre blanc sur la défense que de la loi de programmation militaire.
Par conséquent, les seules questions que nous nous posons sont les suivantes : ces crédits sont-ils et seront-ils respectés ? Quelles sont les perspectives en matière d’équipement eu égard aux contraintes budgétaires qui, manifestement, perdureront ?
Au final, quelles questions devons-nous les uns et les autres, que nous soyons de droite ou de gauche, traiter sans complaisance, ne serait-ce que pour préparer le rendez-vous de 2012 fixé par la loi de programmation militaire ?
Tout d’abord, je souhaiterais dresser un premier constat que mes collègues ont déjà évoqué et que je n’approfondirai donc pas. La loi de programmation militaire ne démarre pas sous les meilleurs auspices puisque, comme nous venons de le voir à l’instant, les dépenses de fonctionnement ont été sous-estimées – c’est d’ailleurs souvent le cas – et resteront durablement supérieures aux prévisions. Elles empiéteront donc demain sur les dépenses d’équipement. Mon collègue a évoqué la commande de treize Rafale supplémentaires pour permettre à l’industriel de compenser l’absence de contrat à l’export. Or c’est une mesure qui devra être financée !
De 2011 à 2013, il faudra réaliser une économie sur les équipements d’environ 1,8 milliard d’euros.
Je rappelle ici que l’objectif du Livre blanc concernant les augmentations prévisibles était une progression en volume de 1 % par an. Cet objectif semble hors d’atteinte, et, par conséquent, nous allons nous trouver dans un dispositif d’évolution soit en zéro volume, soit en zéro valeur – voilà le pire ! – avec, comme d’habitude, un écart entre la réalité et la prévision. Je siège au sein de cette assemblée depuis un certain nombre d’années maintenant, et je n’ai jamais vu une loi de programmation militaire tenir parfaitement les prévisions d’origine !
Il y aura donc vraisemblablement des étalements de certains programmes, des réductions des capacités opérationnelles et un danger de ruptures capacitaires, voire des réductions d’effectifs. Or tout cela conduit à des conséquences politiques quant à la situation de la France dans l’organisation du monde et dans le rôle qu’elle entend jouer au sein de l’espace européen.
Monsieur le ministre d’État, voilà pourquoi le rendez-vous de 2012 – il est prévu – prend un sens particulier. Je vais me permettre quelques suggestions et questions. Je prends la précaution oratoire de dire que je n’adopte nullement une posture politicienne. J’ai dépassé l’âge de ce genre de fantaisies ! (Sourires.) Ce sont donc des questions que je pose en tant que responsable politique et qui visent uniquement, à l’évidence, les intérêts de la France.
Il me semble, modestement, que, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous devrions tout d’abord revoir le Livre blanc tel qu’il a été rédigé, nous interroger sur les conséquences réelles d’un retour en clair-obscur dans l’organisation militaire intégrée de l’OTAN – et je précise que j’y étais favorable, étant probablement un socialiste hérétique par rapport à cette question.
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Il nous faut sortir d’un débat incessant, mais toujours conduit en catimini, sur l’Afghanistan. On sait bien qu’il y a un débat permanent sur le sujet, mais il n’est jamais rendu public ni posé devant la représentation nationale ou l’opinion publique.
Ensuite, il est nécessaire de mesurer ce que représente – et c’est un homme de l’Est qui vous le dit – la réforme portant fermeture drastique de régiments et de bases. Il faut aussi examiner – vous le ferez volontiers, j’imagine – le partenariat stratégique à front renversé franco-britannique.
Il faudrait peut-être repositionner, en quelque sorte, la pensée stratégique de notre pays, sujet qui est posé, je le répète, aussi bien à la gauche qu’à la droite.
De nombreuses questions doivent être tranchées. Faut-il un ou deux porte-avions ? La défense doit-elle être anti-missile ou non ? Quel avenir envisager pour la relation franco-allemande ? Où va la politique commune de sécurité et de défense ? Jusqu’où le nombre des avions de chasse va-t-il décroître ? Que reste-t-il de nos ambitions de nation cadre, de notre position autonome et de notre dogme de souveraineté ? Comment, au final, la nouvelle grille de lecture de nos intérêts vitaux se conjugue-t-elle ?
Je répète à cette tribune que nous devons traiter ces questions. Monsieur le ministre d’État, vous les aborderez tout autant que nous, qui sommes dans l’opposition nationale, parce que c’est une responsabilité collective qui nous est posée à tous. Nos concitoyens ont le droit de connaître nos positions, et nous devons y répondre collectivement.
En tant que rapporteur du programme 146, vous imaginez bien que je suis très intéressé par le versant industriel de cette vaste problématique. De nombreuses questions doivent encore être soulevées : que souhaitons-nous conserver de notre autonomie, de nos compétences, de nos bureaux d’étude et de nos savoir-faire dans ce vaste chantier industriel ? Quel rôle doit être attribué à la DGA ? À quoi devons-nous, ou non, renoncer ? Quelle ampleur donner à la mutualisation dans le cadre européen de ces chantiers industriels ? Dans le partenariat franco-britannique récent, quelles seront les conséquences industrielles ?
Les Britanniques sont-ils motivés par autre chose que par le simple constat d’échec patent de leur politique de défense au cours des dix dernières années, et peut-être par le besoin de trouver un allié crédible ?
Nous devons nous poser toutes ces questions, monsieur le ministre d’État, pour préparer le rendez-vous de 2012, sans complaisance ni défiance.
Étant le dernier rapporteur spécial à intervenir, je rappelle à M. le ministre d’État ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2011 et de l’article 69, qui porte sur la responsabilité pécuniaire des militaires.
À titre personnel, comme d’habitude, je m’abstiendrai, comme je me suis abstenu en commission des finances : François Mitterrand disait qu’il ne fallait jamais voter contre les crédits de défense de son pays, et je partage cet avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État – mais peut-être devrais-je dire « monsieur le Premier ministre » ? J’avoue ne pas savoir quelle formule doit être employée pour respecter la coutume républicaine ! –, mes chers collègues, en ce qui concerne le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le projet de budget pour 2011 respecte les objectifs fixés en vue de renforcer les moyens des services de renseignement.
Avec 165 recrutements supplémentaires prévus l’an prochain, la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, devrait avoir augmenté ses effectifs de 10 % sur trois ans, soit les deux tiers de la progression prévue par la loi de programmation. L’effort est d’autant plus significatif qu’il porte sur des personnels de haut niveau, en particulier des ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique et recrutés par contrat.
Il faut également saluer les progrès accomplis, ces dernières années, pour améliorer la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Une réforme de l’encadrement supérieur est en cours afin de rendre les carrières plus attractives et de favoriser les passerelles avec la fonction publique d’État. La création d’un corps d’administrateurs, en partie recrutés à la sortie de l’ENA, est un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.
Enfin, l’effort sur les moyens techniques et les infrastructures ne se relâche pas. Il devra être poursuivi, en accord avec l’augmentation des effectifs et les besoins croissants de traitement des flux de communication.
L’accentuation des moyens humains et techniques de la DGSE engagée depuis deux ans est donc une réalité dont je me réjouis. Restons conscients, toutefois, qu’elle se chiffre en dizaines de millions d’euros, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble du budget de la défense. Il s’agit surtout, à mon sens, d’un rattrapage nécessaire, car, dans le passé, les moyens de la DGSE n’avaient pas suivi les exigences découlant du nouvel environnement de sécurité et des nouvelles technologies de communication.
À l’inverse de la DGSE, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, qui est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense, doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois. La mise en place de procédures numérisées permettra des gains sur des postes de gestion administrative alors que le service augmentera le nombre de ses personnels les plus qualifiés, comme en témoigne le doublement des emplois civils de catégorie A en deux ans. Cette évolution devrait améliorer la capacité du service en matière d’exploitation du renseignement et de contrôle de la sécurité des systèmes d’information du ministère.
En ce qui concerne la recherche de défense, autre grand volet du programme 144, nous constatons depuis trois ans un tassement des crédits d’études amont – autour de 650 millions à 700 millions d’euros par an, en comptabilisant les financements complémentaires issus du plan de relance – et, pour 2011, des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent.
Je reconnais que nous faisons mieux qu’au cours de la loi de programmation militaire précédente. Je crains malheureusement que ce plafonnement ne se révèle vite insuffisant pour maintenir nos compétences technologiques. En effet, les dépenses de développement, qui font travailler les bureaux d’études, sont en forte baisse. Par ailleurs, le budget d’études amont sera de plus en plus absorbé par les besoins liés à la dissuasion. Le solde disponible se réduit pour les autres domaines, notamment l’aéronautique ou les missiles conventionnels, sans parler de sujets comme les technologies anti-missiles.
Dans ce contexte difficile, des initiatives positives ont été prises pour encourager la recherche duale, notamment le dispositif Rapid qui a rencontré un certain succès, mais ce type de mesure n’atténuera qu’à la marge les insuffisances dans le domaine de la recherche militaire.
Enfin, je déplore le peu de progrès réalisés dans la coopération européenne en matière de recherche de défense, notamment le rôle limité de l’Agence européenne de défense.
Je dirai un mot pour terminer sur le programme 212 Soutien de la politique de la défense, plus spécifiquement sur la politique immobilière.
Les craintes que nous avons exprimées à plusieurs reprises, depuis deux ans, sur la grande fragilité des hypothèses de ventes immobilières se sont malheureusement révélées pleinement fondées.
Il a fallu renoncer à la cession en bloc des immeubles parisiens du ministère de la défense. Les ventes d’emprises en région rapportent moins que prévu. Le projet de location de l’hôtel de la Marine n’est toujours pas clarifié.
Nous constatons que les recettes immobilières sont désormais reportées, pour l’essentiel, à 2013.
Sur 2009 et 2010, le déficit en ressources, supérieur à un milliard d’euros sur deux ans, n’a pas été intégralement compensé par l’autorisation de consommer des crédits de report. Nous avons de réelles inquiétudes quant aux conséquences de ce déficit sur les opérations d’entretien immobilier, les programmes de mises aux normes environnementales, le cadre de vie et de travail des personnels, voire certaines infrastructures opérationnelles comme les pistes aériennes.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis malgré tout un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes Environnement et prospective de la politique de défense et Soutien de la politique de la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous comprendrez le plaisir du sénateur girondin que je suis de présenter le rapport dont j’ai la responsabilité au nouveau ministre de la défense, lui adressant à cette occasion tous mes vœux de réussite.
Parmi les domaines que je dois plus particulièrement suivre au sein du programme 146 Équipement des forces, dont je partage la charge avec mon collègue Daniel Reiner, je mentionnerai tout d’abord la dissuasion nucléaire.
L’année 2010 marque une étape très importante pour la modernisation de notre force de dissuasion avec l’entrée en service des nouveaux missiles dans chacune des deux composantes et le lancement de la version M 51.2 du missile balistique.
Le M 51.2 intégrera la future tête nucléaire océanique, la TNO, dont la fiabilité et la sûreté seront validées par la simulation.
Le respect des échéances constitue une remarquable performance technique qui illustre la compétence des équipes du ministère de la défense, du Commissariat à l’énergie atomique et de l’industrie. C’est aussi le résultat de la constance avec laquelle, année après année, les programmes liés à la dissuasion nucléaire ont bénéficié des financements nécessaires, à la hauteur prévue par les lois de programmation successives.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat tient particulièrement à saluer cet effort, en souhaitant bien entendu qu’il se poursuive.
Dans l’environnement international actuel, la dissuasion nucléaire doit demeurer un volet fondamental de notre stratégie de défense.
M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Notre pays a eu l’occasion, tout au long de cette année, en particulier à la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, d’exprimer une vision réaliste du désarmement nucléaire fondée sur des actes concrets, mais soucieuse de ne pas affaiblir notre sécurité. Je me félicite que cette approche se retrouve dans le concept stratégique adopté la semaine dernière à Lisbonne par l’Alliance atlantique.
Je voudrais également saluer la coopération engagée avec le Royaume-Uni sur certains aspects du programme de simulation.
Outre son intérêt technique et financier, le traité signé le 2 novembre dernier comporte une dimension politique tout à fait évidente puisque nos deux pays réaffirment leur détermination à maintenir une capacité nucléaire minimale crédible et le rôle de leurs forces nucléaires pour la sécurité de l’Europe dans son ensemble.
S’agissant de l’action Commandement et maîtrise de l’information, qui relève également du périmètre de mon rapport, je constate que les procédures nécessaires à la réalisation des recettes exceptionnelles, qui doivent financer une bonne part de ces actions, sont désormais – « enfin », pourrais-je dire – lancées.
Je souhaiterais tout particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre d’État, sur les programmes liés à l’espace.
La fonction « connaissance et anticipation » constitue la grande priorité du Livre blanc. Le développement des moyens spatiaux au profit du renseignement en est la traduction la plus manifeste, avec le doublement annoncé du budget militaire spatial d’ici à 2020 et un plus large éventail de capacités.
Or nous ne retrouvons pas véritablement les signes de cette ambition dans les budgets présentés depuis trois ans.
Certes, il faut se réjouir que la pérennité de nos capacités d’observation spatiale soit désormais garantie, avec le lancement en national, sans attendre l’accord de tous nos partenaires européens, de la succession d’Helios II.
La commission des affaires étrangères est en revanche assez inquiète des décalages envisagés pour le satellite d’écoute Ceres et pour le satellite d’alerte avancée. Dans ces deux domaines, les démonstrateurs spatiaux qui ont été réalisés ont démontré à la fois l’excellent niveau de nos technologies et la grande utilité des informations recueillies.
C’est vrai pour l’écoute électromagnétique. C’est également vrai pour l’alerte, qui présente un caractère hautement stratégique dans le cadre du débat actuel sur la défense anti-missile balistique, comme l’a souligné dans son rapport Josselin de Rohan.
Monsieur le ministre d’État, il ne faudrait pas perdre le bénéfice des réalisations expérimentales engagées. Nous vous demandons donc de regarder le calendrier de ces deux programmes avec beaucoup d’attention.
Je terminerai en évoquant deux points particuliers.
Le lancement d’une nouvelle étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, ou SCCOA, est lui aussi retardé. Dans les opérations prévues, certaines me paraissent plus urgentes que d’autres, particulièrement la mise à niveau des radars de surveillance de l’espace aérien.
En ce qui concerne les drones, enfin, nous souhaitons qu’une décision soit rapidement prise pour assurer à nos forces, à proche échéance, les capacités qui répondent à leur besoin et à leur sécurité tout en travaillant à une solution pérenne, en coopération européenne, pour le moyen terme.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits du programme Équipement des forces, comme d’ailleurs sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, s’agissant de ma partie, qui concerne les équipements conventionnels du programme 146, je ferai deux séries de considérations ayant trait, d’une part, aux données financières et, d’autre part, aux données physiques, c'est-à-dire aux programmes d’équipement proprement dits.
Concernant les données financières, qui représentent ma première partie de considérations, je présenterai quatre remarques simples.
Premièrement, la programmation budgétaire ne sera pas intégralement respectée : les crédits budgétaires – hors ressources exceptionnelles, mais l’histoire récente a montré qu’elles pouvaient être exceptionnelles – seront inférieurs de 3,63 milliards d’euros aux prévisions de la loi de programmation sur les exercices 2011, 2012 et 2013.
Deuxièmement, la réduction des ressources budgétaires affectera essentiellement les années 2012 et 2013. En effet, pour 2011, les prévisions portant sur les seules ressources budgétaires font apparaître un manque de 500 millions d’euros pour 2011, de 1,34 milliard d’euros en 2012 et de 1,79 milliard d’euros en 2013. Les problèmes sont donc reportés sur les exercices futurs, ce qui n’est jamais une bonne méthode.
Troisièmement, au sein de la mission « Défense », les crédits de paiement affectés à l’équipement des forces diminueront de 5,78 % en 2011. La sanctuarisation des équipements militaires a vécu. Ces derniers vont redevenir la variable d’ajustement budgétaire qu’ils ont toujours été. La parenthèse n’aura duré que trois ans.
Quatrièmement, la réduction des crédits d’équipement va entraîner le report de programmes importants : la rénovation des Mirage 2000D – notre rapport écrit insiste sur ce programme et j’y reviendrai tout à l’heure –, le programme d’avions ravitailleurs multirôle, la quatrième étape du programme de surveillance de l’espace aérien et de commandement des opérations aériennes, certains programmes d’armement terrestre, ainsi que le programme de satellite d’écoute Ceres qui devait entrer en service en 2016. J’observe que l’armée de l’air a été particulièrement mise à contribution, ce qui posera des problèmes redoutables pour notre aviation de combat.
Ma deuxième série de considérations concernera la mise en œuvre des programmes.
Pour ce qui est de ma partie, les équipements conventionnels, je distinguerai ce qui va bien ou mieux de ce qui ne va pas ou inquiète.
Dans la première série, je mentionnerai trois sujets.
Le premier est le sauvetage – le mot n’est pas trop fort ! – du programme d’avions de transport A400M. Votre prédécesseur s’y est impliqué, monsieur le ministre d’État. Comme on le sait, ce programme a suivi le chemin critique de l’Europe de la défense. Après de longs mois de discussion, l’avenant au programme a été signé entre les États contractants et EADS. Je veux espérer que les difficultés soient désormais derrière nous et regrette, naturellement, l’augmentation du coût de ce programme, en dépit du choix initial d’un marché forfaitaire.
Le second est la mise à l’eau, le 4 mai 2010, de la première frégate multi-missions, l’Aquitaine, qui vous est chère, monsieur le ministre d’État ; elle a mis un terme aux tergiversations sur ce programme qui était initialement ciblé sur dix-sept frégates, mais qui bénéficiait de financements innovants – il faut toujours s’en méfier ! – et se trouve désormais réduit à onze unités pour la France.
Enfin, je voudrais dire un mot de la remise sur pied du programme de fabrication du petit missile terrestre, successeur du missile Milan, auquel je me suis particulièrement intéressé, avec notre collègue Jacques Gautier. Certes, rien n’est encore décidé sur le long terme, mais la situation semble évoluer dans la bonne direction et nous pouvons garder l’espoir que le remplacement de ce missile, dans sa trame, restera européen.
Concernant les sujets d’inquiétude, je citerai au tout premier rang le report du programme de rénovation du Mirage 2000D. Le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D, excellent avion qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, rester opérationnel au moins jusqu’en 2025. Évidemment, le report de cette rénovation, dû à l’acquisition anticipée de onze Rafale, s’il était confirmé l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence du Mirage 2000D dès 2014 et réduire ainsi à 150 avions le format de l’aviation de combat française. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Pierre Masseret, tout doit être fait pour éviter d’en arriver là, sinon l’armée de l’air ne pourra plus remplir ses contrats opérationnels.
Je citerai également le report du programme de l’avion ravitailleur multi-rôle, ou MRTT, destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, qui va nous contraindre à trouver des solutions palliatives. Toute rupture capacitaire est en effet inacceptable pour l’aviation de combat, en général, et pour les forces aériennes stratégiques, en particulier.
Ensuite, je mentionnerai l’absence de décision concernant le choix du remplacement du système intérimaire de drones MALE. Je sais bien que la succession du Harfang déployé en Afghanistan devrait se décider dans les semaines qui viennent, et j’observe néanmoins que l’industrie française disposait de toutes les technologies utiles pour être présente sur ce segment et que nous avons collectivement « raté la marche ».
Enfin, j’évoquerai le report du programme Scorpion destiné à assurer la plus grande cohérence du matériel utilisé pour les équipements de l’armée de terre. Ce programme particulièrement intelligent connaît des reports successifs depuis plusieurs années, qui risquent fort d’engendrer des surcoûts et de le rendre finalement moins pertinent.
Pour terminer, je préciserai que la commission unanime a approuvé l’amendement relatif aux marins-pompiers de Marseille, adopté par l’Assemblée nationale : ces militaires seront ainsi traités comme leurs collègues civils. Mme Bernadette Dupont tenait beaucoup à ce que nous le mentionnions, et je l’ai fait pour elle.
Sous le bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre d’État, je me joins aux collègues qui m’ont précédé pour exprimer mon plaisir personnel de vous retrouver à cette place !
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite pour ma part évoquer rapidement, sans citer les chiffres compte tenu de la modestie du temps de parole qui m’est imparti, les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le projet de budget pour 2011 s’inscrit dans le cadre fixé par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 qui prévoit, à terme, la suppression de 54 000 postes. Cette diminution du format, qui devra s’appliquer progressivement d’ici à 2014, est sans précédent. Mais, plus encore que la déflation des effectifs, la réorganisation des méthodes constitue l’enjeu majeur de cette réforme.
La mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le redéploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation, toutes ces mutations menées de front constituent autant de défis pour nos armées.
Les perspectives d’avenir offertes par cette réforme sont réelles : une organisation rationalisée et mutualisée est une condition de la fiabilité de notre outil opérationnel, mais l’effort demandé en termes de transformations est considérable.
Les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations : tel est l’enjeu de la réforme. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, l’outil militaire dans sa globalité sera fragilisé.
La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
En 2010, le pilotage de la déflation a été satisfaisant. Pour l’instant, le seul volet de la réforme qui rencontre des difficultés est le reclassement des militaires vers la fonction publique. Il fallait s’y attendre : seulement la moitié de l’objectif a été atteint ; les administrations réduisant leurs effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, elles n’accueillent donc pas nos militaires à bras ouverts.
J’en viens aux crédits du programme 178 pour 2011. Le présent projet de loi de finances a amélioré la situation du titre 2, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’en félicite, même si elle doute que cette augmentation soit suffisante, puisque ce titre n’est abondé qu’à hauteur de 113 millions d’euros par rapport à une perte en ligne évaluée à 200 millions d’euros.
L’une des difficultés de la « manœuvre » tient manifestement au respect de la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Par rapport aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale, alors même que les effectifs diminuent.
Certaines dépenses ont été souhaitées, comme l’intégration dans l’OTAN : la participation pleine et entière à l’OTAN se traduit par un surcoût de près de 26 millions d’euros pour 2010 et, à terme, de 56 millions d’euros en année pleine. De même, le doublement des effectifs à Abou Dabi induit une augmentation de la masse salariale, qui passe de 6,7 millions d’euros en 2009 à 19,4 millions d’euros en 2011.
En revanche, d’autres dépenses ont été subies, comme l’augmentation du coût de l’indemnisation du chômage des militaires, qui s’élève à plus de 100 millions d’euros depuis 2009 : ce montant atteint des records et montre l’impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires lorsque cesse leur contrat.
L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes. De ce point de vue, trois points me préoccupent.
Le premier concerne la fidélisation des militaires du rang. L’âge moyen de départ des militaires du rang de l’armée de terre ne cesse de baisser. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours exercent-elles une influence sur ce phénomène, mais il faudra aussi prendre en compte des causes plus structurelles liées à l’évolution de notre société.
Le second point concerne les conséquences de la réforme des retraites, laquelle se traduira globalement par un décalage de deux ans des limites d’âge, une augmentation du taux de cotisation et le passage de quinze ans à dix-neuf ans et demi du bénéfice du minimum garanti. Cette dernière mesure est un sujet de préoccupation, car elle risque de dissuader les contractuels, qui font des carrières courtes, de renouveler leur contrat après dix ans. À ce sujet, j’aimerais donc savoir, monsieur le ministre d’État, quelle initiative vous comptez prendre pour gérer la spécificité de leur situation.
Le troisième point qui nous inquiète est l’incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Naturellement, le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format des forces, qui repose en partie sur les départs naturels. Pourriez-vous nous indiquer précisément, monsieur le ministre d’État, l’effet de cette réforme sur le rythme de la déflation ?
Ces préoccupations ne se cumulent pas avec les difficultés attendues sur les opérations extérieures, ou OPEX. Je voudrais ici me féliciter au contraire de la progression de leur budgétisation : ces opérations appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles ; il faut cependant espérer qu’elles ne deviennent pas toutes permanentes !
J’ajouterai un dernier mot, pour évoquer le budget des réserves militaires : il reste très en deçà des montants qui permettraient aux armées d’atteindre les objectifs fixés en matière de recrutement et d’activité. Lors des auditions organisées par la commission, les militaires indiquent régulièrement que ces réserves sont indispensables pour répondre aux besoins des armées.
En conclusion, je souhaite souligner l’ampleur des réformes en cours : peu d’organisations publiques ou privées de cette taille se sont lancées dans une modification aussi profonde de leur mode de fonctionnement, de leurs implantations géographiques et de leurs effectifs. Je tiens donc à saluer la nomination de M. le ministre d’État et à lui adresser tous nos vœux de réussite dans l’exercice d’une fonction difficile.
M. Didier Boulaud. Il en aura bien besoin, le pauvre homme !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Monsieur Boulaud, nous ne doutons pas de la volonté de M. le ministre d’État !
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, sur le plan politique, je n’ai rien à souhaiter à M. le ministre d’État ! (Sourires.)
En revanche, sur le plan personnel, c’est un peu différent ! Votre retour parmi nous, monsieur le ministre d’État, évoque pour moi, vous pouvez l’imaginer, certains paysages parmi lesquels nous avons évolué il y a de nombreuses années. Et je dis cela sans nostalgie, car il s’agit de moments agréables de notre vie !
Après la situation des personnels que vient d’exposer notre collègue André Dulait, je vais vous présenter les crédits de fonctionnement du titre 3 du programme 178, titre récapitulant les dépenses de fonctionnement courant des armées, c’est-à-dire celles qui sont affectées principalement au maintien en condition opérationnelle des matériels et à l’entraînement des personnels.
Le projet de loi de finances pour 2011 attribue 5,8 milliards d’euros de crédits de paiement à ce titre 3, soit une hausse de 5,7 % par rapport à 2010.
Parmi les quatre actions regroupées dans le titre 3, seule l’action n° 1, Emploi des forces, augmente de 22 %, permettant l’amélioration de l’insertion de la France dans des dispositifs militaires multinationaux, comme la force de réaction rapide de l’Union européenne et la capacité de réaction rapide de l’OTAN.
Les crédits des trois autres actions consacrées à chacune des trois armées décroissent, ce qui correspond au transfert de la majorité des crédits de soutien vers les bases de défense, qui constituent « le principal levier de la mutualisation de l’administration générale et du soutien commun », selon les termes du ministère.
Leur déploiement suppose une harmonisation des procédures, aujourd’hui différentes selon les armées, en matière de systèmes d’information, et de gestion du personnel et des soldes, qui devrait être achevée vers 2012 ou 2013.
Je crains que ce processus de mise en place des bases de défense n’ait été trop hâtif et trop bousculé. Je comprends, cependant, qu’il convenait de réduire le plus possible la période de transition entre l’ancien et le nouveau système. Nous jugerons sur les résultats et observerons si cette mutualisation des procédures, qui suppose celle des soutiens, aboutira bien à l’objectif visé, c’est-à-dire la réduction des effectifs des personnels qui leur sont dévolus – cela me fait toujours mal d’en parler, même si j’en comprends la nécessité ! – et in fine des économies budgétaires.
J’en viens aux difficultés financières et d’organisation suscitées par le maintien en condition opérationnelle de matériels de plus en plus vecteurs de technologies.
La maintenance et son coût ne sont devenus des sujets de préoccupation qu’à partir des années quatre-vingt-dix, du fait de la complexité croissante des matériels utilisés. Les armées se sont progressivement organisées, à partir de l’année 2000, pour mieux structurer leurs services de maintenance.
Ainsi furent successivement créés le service de soutien de la flotte, le SSF, en 2000, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, le SIMMAD, en 2002, le service industriel de l’aéronautique, le SIAé, en 2007, alors que la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, le SIMMT, le sera en 2011.
Mais, malgré ces réorganisations, les coûts ne cessent de croître. L’actuelle loi de programmation militaire prévoit que les coûts des matières premières et des prestations industrielles continueront à augmenter mais que l’effectif des personnels civils ou militaires relevant du ministère de la défense et affectés à la maintenance décroîtra, ce qui pourrait conduire à une stabilité des coûts globaux.
Il est en effet prévu qu’une part importante des activités de maintenance sera transférée à des structures de type industriel, qu’elles soient privées ou étatiques, auxquelles sera assuré un calendrier prévisionnel de travaux, leur permettant de mieux organiser ces derniers et d’en réduire, de ce fait, les coûts.
Je terminerai mon propos en évoquant le sujet de l’entraînement des forces, lequel, comme vous le savez, monsieur le ministre d’État, est essentiel pour maintenir la capacité opérationnelle de notre armée.
Les temps d’entraînement réalisés, armée par armée, ont été, nous dit-on, stables en 2009 par rapport à 2008. Il est tout de même prévu que, pour l’armée de terre, l’objectif de 120 jours d’entraînement par homme et par an soit ramené à 105 jours d’ici à 2013. Cette évolution est significative.
Le chef d’état-major de l’armée de terre estime que cette réduction n’affecterait pas la capacité opérationnelle de son armée, notamment du fait de sa participation accrue à des opérations extérieures. Or je crois pour ma part que les militaires prenant part à celles-ci devraient pouvoir bénéficier, auparavant, d’un entraînement particulièrement intensif. Nous ne parlons pas ici d’une partie de rugby ou d’un match de basket-ball !
Les quotas d’heures d’entraînement de la marine, comme ceux de l’armée de l’air, resteront inchangés, sauf pour l’aviation de transport, du fait du vieillissement du parc.
Bien que nous ne disposions pas de critères de comparaison satisfaisants, ces éléments permettent d’estimer que nos forces bénéficient d’un entraînement qualitativement comparable à celui des autres principales armées occidentales.
En résumé, monsieur le ministre d’État, je récapitulerai ainsi les grands enjeux du titre 3 : le regroupement des soutiens au sein des bases de défense produira-t-il les économies espérées en termes de personnels ? Le ministère de la défense parviendra-t-il à mieux impliquer les industriels français dans la « bataille » des coûts de maintien en condition opérationnelle ? Les réductions budgétaires permettront-elles le maintien d’un niveau d’entraînement suffisant de nos troupes ?
Sous le bénéfice de ces observations, la majorité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dont je ne fais pas partie, a donné un avis favorable à l’adoption de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Le projet de budget que vous nous présentez ce matin, monsieur le ministre d’État, en relais de votre prédécesseur, s’inscrit dans un contexte stratégique en plein mouvement. Son examen intervient juste après le sommet de Lisbonne, dont nous aurons l’occasion de reparler le 9 décembre prochain.
La crise financière mondiale est loin d’être terminée. Elle connaît même, depuis quelques semaines, des soubresauts inquiétants, d’aucuns prédisant le pire pour les temps à venir.
La défense européenne est paralysée, comme le révèlent à l’évidence, de notre point de vue, les récents accords franco-britanniques.
L’Union européenne ne va pas très bien. L’un de vos prédécesseurs à Matignon, avec lequel vous avez cosigné une tribune sur le désarmement nucléaire, a même récemment déclaré que « l’Europe politique est morte ».
Enfin, le centre de gravité du monde s’est déplacé vers l’Asie et le Pacifique, et ce pour très longtemps.
Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui devant une situation anachronique : le ministre qui défend le projet de budget de la défense pour 2011 devant la Haute Assemblée n’est pas celui qui l’a présenté, voilà quelques jours, devant l’Assemblée nationale. En outre, il ne l’a pas préparé et il ne saurait être tenu pour responsable de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, qui, comme toutes ses devancières, est déjà très largement à la dérive. Mieux, il n’était pas aux responsabilités au moment de la rédaction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui sous-tendait cette loi de programmation militaire et aurait dû sous-tendre la suivante, puisqu’il était alors chargé d’élaborer, et nous nous en étions d’ailleurs réjouis, le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. Je serais tenté de dire : tant mieux pour vous, monsieur le ministre d’État ! En effet, chacun s’accorde aujourd’hui à estimer que, hormis quelques rares éléments, ce fameux Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale aurait déjà dû être remis sur le métier.
Je ne doute pas que vos conseillers vous aient informé de cette situation et que, par conséquent, ce soit en toute connaissance de cause que vous vous présentez aujourd’hui devant nous, car il va vous falloir, comme le veut la tradition républicaine, « assumer l’héritage ». Et quel héritage ! Vos souvenirs de ministre du budget vous seront d’un précieux secours…
Pourtant, tout n’avait pas si mal commencé ! Dès son arrivée, le nouveau Président de la République, partageant –pour une fois ! – notre diagnostic, cent fois répété dans cette enceinte, sur la très mauvaise situation financière de la défense, liée au calamiteux héritage laissé par le tandem formé de M. Chirac et de Mme Alliot-Marie, avait décidé une remise à plat totale des dépenses militaires.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Il ne faut pas oublier la responsabilité de M. Alain Richard !
M. Didier Boulaud. C’était, ni plus ni moins, à une impasse financière de l’ordre de 50 milliards d’euros qu’il fallait faire face, sans compter – et personne ne s’en faisait l’oracle – que la crise économique allait passer par là.
Mes chers collègues, mon propos ne saurait se concentrer sur le seul projet de budget pour 2011, tant celui-ci est étroitement lié à ce qui en découlera jusqu’en 2013, et même au-delà. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement pour une annuité budgétaire qui n’est, somme toute, que de transition, d’aucuns qualifiant son contenu de tour d’écrou et d’escamotage ?
Mes collègues reviendront plus en détail sur différentes mesures de ce projet de budget. Par ailleurs, les différents rapporteurs, parfois en termes élégants, ont déjà exprimé de réelles inquiétudes.
Surtout, ne nous trompons pas sur le vote émis par la commission, qui ne reflète que les dispositions de la majorité à se montrer une fois de plus – j’allais dire une fois de trop – particulièrement bienveillante, soit dit en ces termes pour ne pas être désagréable. Car c’est la même majorité qui s’esbaudit toujours, cinq ans après son adoption, devant la funeste loi de programmation militaire précédente, persuadée qu’elle est que celle-ci a été la seule de l’histoire à avoir été irréprochable. Et pourtant… Mais plus c’est gros, plus ça passe, selon un vieil adage !
En effet, j’y insiste, la loi de programmation militaire en cours d’exécution est, elle aussi, à jeter aux oubliettes. Le Livre blanc, quant à lui, est obsolète, car il manquerait d’ores et déjà quelque 25 milliards d’euros à l’échéance de 2020 pour qu’il puisse être appliqué.
Pour autant, il ne faudrait pas que la seule logique financière prenne le pas sur les choix stratégiques, au risque de voir des programmes non encore engagés, peut-être les plus utiles, être abandonnés, et tous les programmes de production annihiler, pour longtemps et de manière sans doute rédhibitoire, tous les programmes de recherche.
Monsieur le ministre d’État, le budget de 2011 sera le dernier en année pleine du quinquennat ; il est à l’image d’une politique qui n’aura tenu ni les engagements ni les promesses qui la sous-tendaient.
Tout d’abord, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, votée tardivement à l’été 2009 alors qu’une de ses annuités était déjà largement engagée, reposait sur des perspectives de financement irréalistes. Elle tablait sur l’obtention de recettes exceptionnelles – 1,8 milliard d’euros – et un montant total d’économies de 3,5 milliards d’euros sur les seuls exercices 2009 à 2011, que l’on savait hors d’atteinte. La vente d’actifs industriels et immobiliers, ainsi que les marges d’action dégagées par la baisse des effectifs et l’externalisation de certaines tâches confiées au secteur civil, n’ont pour l’heure pas même produit 20 % du montant d’économies officiellement escompté.
Enfin, de nombreux coûts ont été délibérément ignorés ou sous-estimés.
Ainsi, premièrement, le coût du retour au sein des structures militaires intégrées de l’OTAN, de l’ordre de 600 millions à 800 millions d’euros, a été passé sous silence, de même que les frais d’installation de la base d’Abu Dhabi.
Deuxièmement, la charge des opérations extérieures –environ 850 millions d’euros par an, dont 470 millions d’euros pour l’Afghanistan –, certes mieux prise en compte désormais, reste cependant notablement sous-budgétée.
Troisièmement, le bilan coûts/avantages du resserrement du dispositif territorial des armées a été mal pondéré. Non seulement la constitution du réseau des bases de défense, qui est passé, on ignore par quel miracle, de plus de quatre-vingt-dix bases au départ à une cinquantaine, est plus lente que prévu, mais elle est surtout dispendieuse. Et ne parlons pas du projet de Pentagone à la française, le fameux « Balardgone », qui ne s’imposait pas vraiment en période de restrictions budgétaires !
Certes, le plan de relance a eu un effet apparemment positif pour le ministère de la défense, qui a ainsi pu bénéficier d’une manne inattendue de quelques centaines de millions d’euros. Mais cet argent, destiné à une consommation rapide, a été affecté moins au financement de programmes prioritaires qu’à des achats ou à des contrats immédiatement négociables.
Quant aux mesures budgétaires de restriction pour 2010, puis de réduction pour la période allant de 2011 à 2013, elles ont achevé de désorganiser les finances de la défense, les coupes dans les crédits militaires ne s’étant pas accompagnées d’une révision de la programmation.
C’est pourtant une telle révision qu’ont entreprise, avec plus d’ampleur, de transparence et de lucidité, Allemands et Britanniques, confrontés eux aussi à de graves difficultés. Mais voilà, le Président de la République, avant l’échéance de 2012, se refuse à un exercice de vérité qui manifesterait, pour solde de tout compte, le naufrage de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
L’amputation du budget de la défense à hauteur de 3,6 milliards d’euros entre 2011 et 2013 nous est curieusement présentée comme étant pratiquement indolore, bien que le décryptage des propos des chefs d’état-major, toujours soucieux de ne fâcher personne, fasse apparaître que nul ne sait où la hache va tomber, ni d’ailleurs à quel rythme. L’affichage dans le projet de loi de finances initiale de cette réduction des crédits sur trois ans ne restitue pas, en outre, la véritable donne budgétaire en exécution. En effet, si l’on s’amuse – que l’on me pardonne d’employer cette expression, étant donné la gravité du sujet – à additionner les annulations, les gels et les reports probables, l’effort budgétaire demandé à la défense sera en réalité plus proche de 6 milliards d’euros que des 3,6 milliards d’euros annoncés.
Parallèlement, s’agissant des investissements, le déficit de financement, entre crédits de paiement et engagements, s’élèvera à plusieurs milliards d’euros ; ce seront autant de traites tirées sur l’avenir.
Celui ou celle qui vous succédera en 2012 peut d’ores et déjà se préparer à affronter une situation particulièrement détériorée, monsieur le ministre d’État ! En réalité, l’opacité du projet de budget pour 2011 que vous nous présentez ne vise qu’à masquer le désordre. C’est la raison pour laquelle mon groupe ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense est évidemment remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements, pris à Bruxelles par le Gouvernement, de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013.
La mission « Défense » voit ses crédits réduits de 3,6 milliards d’euros, réduction partiellement compensée par la croissance aléatoire de recettes exceptionnelles. Les trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances évaluent la perte de ressources potentielle à ce titre à 5 milliards d’euros pour la période 2009-2014. Ils évoquent également un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, un tel dérapage, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, ayant été observé en 2009. Ce n’est pas une petite encoche !
À cela s’ajoute le surcoût lié aux opérations extérieures, qui n’est pris en compte que partiellement par la réserve de précaution interministérielle. Au total, selon les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, il pourrait manquer entre 10 milliards et 35 milliards d’euros sur l’ensemble de l’enveloppe prévue par la loi de programmation militaire.
Enfin, le risque n’est pas mince de voir les crédits du ministère de la défense servir de gisement d’économies, si les prévisions de croissance du Gouvernement – 2 % du PIB pour l’an prochain – devaient s’avérer trop optimistes, comme l’annonce l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, qui table sur une progression du PIB de 1,6 % seulement. Vous devrez donc vous battre, monsieur le ministre d’État, défendre bec et ongles vos crédits ! Dans une enveloppe de plus en plus contrainte, vous êtes en effet affronté à des choix de plus en plus difficiles.
Vous recevez un héritage et vous allez exercer, du moins je l’espère, votre droit d’inventaire. Cependant, j’observe que l’argument industriel est passé avant l’argument militaire dans un certain nombre d’arbitrages. C’est ainsi que le « bourrage » de votre budget par l’acquisition de treize Rafale supplémentaires se fait au détriment des soixante-dix-sept Mirage 2000-D que le chef d’état-major de l’armée de l’air qualifiait, le 7 octobre 2009, d’« élément central de notre stratégie de modernisation de l’aviation de combat ».
La dégradation de notre capacité en matière d’aviation de transport militaire, consécutive au retard de l’Airbus A400M et à l’obsolescence des Transall, va se traduire par une baisse de notre capacité de projection. Alors qu’il est prévu que celle-ci soit forte de 30 000 hommes, cet objectif ne serait plus atteint qu’à hauteur de 95 % en 2011 et de 90 % en 2013.
J’observe que les effectifs, en exécution budgétaire, sont inférieurs de 4 000 équivalents temps plein travaillé aux prévisions. La modification brutale et injuste du régime de retraite des personnels non officiers est très mal ressentie. S’il est un arbitrage que vous auriez pu corriger, c’est bien celui-là ! Il est nécessaire de trouver une solution pour maintenir le minimum garanti, d’environ 600 euros par mois, après quinze ans de services. Un contrat de confiance a été passé avec nos soldats !
Il y a ainsi dans l’héritage que vous avez reçu, monsieur le ministre d’État, quelques mesures que votre autorité pourrait permettre de revoir. Elle en sortirait, croyez-le, renforcée.
Le diable se niche, dit-on, dans les détails. Le lance-roquettes unitaire, le LRU, devait remplacer le lance-roquettes multiples, le LRM, depuis l’interdiction des armes à sous-munitions, respectée par la France mais non par la Russie, les États-Unis, la Chine, le Pakistan, Israël ou l’Inde. Notons que, sur deux régiments LRM, l’un, celui d’Haguenau, a été supprimé, tandis que l’autre, celui de Belfort, devait être converti en régiment LRU, afin de permettre à l’armée de terre de conserver une capacité de frappe tout temps vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que ne peut faire l’arme aérienne, beaucoup plus coûteuse.
Le chef d’état-major de l’armée de terre soulignait, en octobre 2009, la valeur dissuasive de ce système d’armes, dont sont dotés Américains et Britanniques, qui permet d’emporter une charge de soixante-dix kilogrammes à soixante-dix kilomètres, avec un écart décamétrique. Or la mise en place du LRU est décalée. Jusqu’à quand ? Peut-être nous le direz-vous, monsieur le ministre d’État. Les crédits de paiement, qui étaient de 25 millions d’euros en 2010, sont ramenés à 7,8 millions d’euros pour 2011. Cela signifie que nous n’avons quasiment plus d’artillerie.
En effet, la loi de programmation militaire prévoyait par ailleurs la livraison, pendant la période 2009-2014, de soixante-neuf automoteurs à roues Caesar dotés d’un système d’artillerie de 155 millimètres. Quatre seulement seront livrés en 2011, contre vingt-cinq en 2010, tandis que les autorisations d’engagement tombent de 30 millions d’euros en 2010 à 1,97 million d’euros en 2011. Est-ce bien sérieux ?
Les arbitrages financiers peuvent-ils se substituer à l’appréciation politico-militaire que nous vous demandons de porter, monsieur le ministre d’État ? Je souhaite que vous puissiez vous pencher sur ce dossier du LRU. Là aussi, votre autorité serait bien nécessaire.
Bien entendu, une loi de programmation militaire vaut aussi par la perspective politico-stratégique dans laquelle elle s’inscrit. En 2009, nous avons réintégré la structure militaire de l’OTAN, au prétexte de faire avancer la défense européenne. Il n’en est évidemment rien résulté de tel, bien au contraire ; jamais l’effort de défense des pays européens, en dehors de la Grande-Bretagne et de la France, n’a été aussi faible, puisqu’il a à peine atteint 1 % de leur PIB.
Vous ferez valoir, en sens inverse, les accords franco-britanniques. Mais chacun sait qu’ils s’inscrivent dans une logique strictement bilatérale et répondent à des considérations essentiellement budgétaires.
La France a accepté, par le traité de Lisbonne de 2008, que l’OTAN soit, pour les pays qui en sont membres, l’instance d’élaboration et de mise en œuvre de leur politique de défense. La réintégration du commandement militaire de l’OTAN par la France qui s’est ensuivie a un coût, en personnels et en crédits. Nous aimerions que vous l’évaluiez. Rappelons que l’OTAN accuse cette année un déficit de 650 millions de dollars, qui pourrait atteindre 1,4 milliard de dollars en 2011.
Mais l’OTAN, ce n’est pas seulement une organisation, c’est aussi une politique. D’abord, c’est notre participation à la force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan. Celle-ci représente plus de 50 % du surcoût des opérations extérieures. Le sommet de l’OTAN de Lisbonne a semblé fixer le cap vers un retrait, sans préciser de calendrier, alors qu’il eût fallu réviser à la baisse les objectifs trop ambitieux arrêtés au sommet de Bucarest : nous n’exporterons pas la démocratie à l’occidentale en Afghanistan.
En refusant de nous fixer le seul objectif réaliste, à savoir dissocier les Pachtounes du terrorisme international d’Al-Qaïda, nous nous mettons dans un engrenage dont nous ne pourrons pas sortir honorablement.
À cet égard, la déclaration finale du sommet de Lisbonne ne signifie rien d’autre qu’un alignement sur les positions américaines à venir, quelles qu’elles soient. Nous n’avons d’autre moyen de peser sur les décisions, qui seront prises le moment venu par le président américain, que l’influence que peut-être vous pourrez exercer sur les responsables militaires et politiques américains. La politique de contre-insurrection, on le sait bien, ne peut réussir que si elle est menée par une force autochtone. Aucune autre n’a jamais réussi.
La décision la plus grave prise au sommet de Lisbonne est évidemment le ralliement de la France, sans tambours ni trompettes, à une défense antimissile à l’égard de laquelle nous avions toujours marqué les plus extrêmes réserves. La déclaration finale précise que cette défense antimissile sera partie intégrante de notre posture générale de défense. Nous n’avons pas obtenu qu’il soit précisé que cette défense antimissile ne saurait être qu’un complément à la dissuasion, et non un substitut. Bien au contraire, l’OTAN endosse la posture de défense américaine, qui repose sur une triade : nouvelles armes conventionnelles, défense antimissile et armes nucléaires, dont le rôle est appelé à se réduire. La déclaration de Lisbonne est claire à cet égard : elle vise « à réduire notre dépendance dans la stratégie de l’OTAN à l’égard des armes nucléaires ».
Cette orientation est néfaste, monsieur le ministre d’État. Elle contribuera à saper la crédibilité et la légitimité de notre dissuasion. Or celle-ci reste nécessaire. La France n’est pas menacée que par le terrorisme. L’évolution rapide de la géographie des puissances en Asie et au Moyen-Orient comporte des risques bien supérieurs, comme en témoignent les récents événements de Corée. Que seront demain les relations entre la Russie et les États-Unis ? Ne soyons pas naïfs, un monde sans armes nucléaires n’est pas pour demain. Les États-Unis et la Russie détiennent respectivement 9 000 et 13 000 têtes nucléaires, soit plus de 90 % du total mondial.
Pour les stratèges du Pentagone, les arsenaux russe et chinois sont « dimensionnants ». Si nous avons calibré notre dissuasion en fonction du principe de stricte suffisance, nous voyons qu’en Asie les arsenaux nucléaires se développent, que ce soit en Chine, en Inde, au Pakistan ou en Corée du Nord. Le Pakistan refuse l’ouverture d’une négociation sur un traité d’interdiction de production de matières fissiles à usage militaire. La Chine refuse un moratoire. Aux États-Unis, le président Obama ne trouve pas les soixante-sept sénateurs qui lui seraient nécessaires pour ratifier le traité d’interdiction des essais nucléaires signé en 1992.
De toute façon, pour des raisons industrielles, le démantèlement des arsenaux existants, à supposer qu’il soit décidé, prendrait trente ans. Nous n’avons pas, comme les États-Unis, les moyens de mener des guerres conventionnelles à longue distance, qu’un monde sans armes nucléaires rendrait aussi possibles.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je termine, monsieur le président.
Il n’y a que très peu de temps que la France a fait évoluer sa position sur la défense antimissile. Dans son discours de Cherbourg, en janvier 2008, le Président de la République a admis que la défense antimissile pouvait être un « complément » de la dissuasion nucléaire. L’argument est connu : la possession d’un glaive ne dispense pas de se donner la protection d’un bouclier. Cependant, il n’y a pas d’exemple, monsieur le ministre d’État, que, dans la lutte entre le glaive et le bouclier, le glaive ne l’ait, en définitive, emporté. Je pourrais évoquer à cet instant le limes romain, la grande muraille de Chine, la ligne Maginot, le mur de l’Atlantique : tous ont été percés ou contournés, et nous savons, par des renseignements puisés à la meilleure source, que le bouclier antimissile n’est efficace qu’à 80 %.
Le coût de 200 millions d’euros avancé à Lisbonne par le secrétaire général de l’OTAN pour l’accès à un système de commandement et de contrôle, dit C2, est manifestement sous-évalué. Celui de la seule défense de théâtre atteindrait 833 millions d’euros, selon le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense.
Loin d’être complémentaire de la dissuasion, la défense antimissile se révélera contradictoire, pour des raisons de coût, par le sentiment de fausse sécurité qu’elle ne manquera pas d’engendrer dans l’opinion, en créant un syndrome « ligne Maginot », profondément démobilisateur pour l’esprit de défense, en France et en Europe. Il n’est que de regarder autour de nous pour constater que ceux qui s’en déclarent partisans sont ceux qui font le moins pour leur défense. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de cette question.
Cet acquiescement à la défense antimissile est une conséquence fâcheuse de la décision de réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN. On ne peut pas ne pas approuver ce que tous nos alliés approuvent, me direz-vous peut-être, monsieur le ministre d’État. Mais « on ne peut pas ne pas », c’est le leitmotiv des suivistes, or je ne vous range pas dans cette catégorie. Alors, éclairez-nous donc sur la portée que vous donnez à la déclaration à laquelle la France a souscrit à Lisbonne ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, l’examen des crédits de la défense n’autorise pas à exploser les temps de parole ! (Sourires.)
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre d’État, ce projet de budget, transmis par votre prédécesseur, correspond à une politique de défense avec laquelle nous sommes en profond désaccord. De surcroît, il ne répond plus que partiellement aux grandes orientations du Livre blanc et aux engagements pris par le Gouvernement au travers de la loi de programmation militaire.
Que reste-t-il en effet de la loi de programmation militaire quand les crédits que vous nous proposez d’adopter conduiront à une réduction des effectifs, des frais de fonctionnement, des commandes ?
Cependant, mes critiques porteront essentiellement sur les priorités au nom desquelles des économies sont réalisées, le choix des secteurs touchés et le bénéfice incertain qu’apporteront ces économies et les recettes exceptionnelles.
Le montant des économies que vous envisagez de réaliser au cours des trois prochaines années s’élève à 3,6 milliards d’euros, avec une diminution des crédits de 5 milliards d'euros. Comme l’avait très justement fait remarquer le délégué général pour l’armement, avec un certain sens de l’euphémisme, ce projet de budget « marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévue au titre de la loi de programmation militaire ». En clair, il manquera 2 milliards d’euros pour les équipements et les études en amont.
En revanche, les recettes exceptionnelles provenant des cessions immobilières et de la vente de fréquences hertziennes, par lesquelles vous comptez compenser la suppression de certains crédits, ne sont pas acquises, et nous en ignorons toujours le rythme et le montant réel.
Monsieur le ministre d’État, vous prenez ce ministère en main au moment le plus fort de la réforme engagée par votre prédécesseur, à l’heure des plus durs efforts demandés à nos armées.
La réforme que vous voulez poursuivre a un prix humain et matériel très lourd. Elle se met en place avec la disparition de 8 000 emplois par an, la suppression de nombreuses unités, la fermeture ou le déménagement de plusieurs établissements. Toutes ces dispositions ont de graves conséquences économiques et sociales pour les régions et les populations concernées.
Les économies imputées à la création des soixante bases de défense destinées à rationaliser le soutien aux armées n’ont pas été évaluées et les crédits de fonctionnement de ces bases seront amputés de 130 millions d’euros sur trois ans.
Les mesures d’économie qui pèsent sur le fonctionnement de l’ensemble de nos armées auront également des conséquences négatives dans de nombreux domaines. Cela a d’ailleurs été souligné par les différents chefs d’état-major lors de leurs auditions par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Certains redoutent ainsi la perte de savoir-faire essentiels, comme le vol sous jumelles de vision nocturne, le ravitaillement en vol, alertent sur les difficultés que nous rencontrerons en matière de surveillance maritime, par manque de moyens, ou sur les risques de baisse de la qualité de la préparation opérationnelle.
Les économies envisagées seront aussi réalisées au prix de réductions capacitaires. Plusieurs programmes d’équipement, pourtant nécessaires au maintien de nos capacités opérationnelles à un certain niveau, seront retardés : le programme FELIN du fantassin du futur, les ravitailleurs MRTT ou la rénovation des Mirage 2000-D.
Nos armées porteront aussi le poids des surcoûts ou des besoins non programmés lors de l’élaboration de la loi de programmation militaire. Je pense notamment à la création de la nouvelle base d’Abu Dhabi, à la commande de onze Rafale pour soutenir la construction aéronautique, en situation d’échec à l’exportation, aux travaux de dépollution des sites cédés, ou encore aux achats « en urgence opérationnelle » dus à l’insuffisance de certains équipements de nos troupes en Afghanistan.
Je déplore une nouvelle fois le niveau trop élevé des crédits affectés à notre force de frappe, considérant que celle-ci n’est plus adaptée aux nouvelles menaces auxquelles nous devons faire face.
Si l’on prend en compte les études, les opérations d’armement, l’entretien programmé du matériel et les infrastructures liées à la dissuasion, ce sont 3,4 milliards d’euros par an, soit près de 10 millions d’euros par jour, qui seront consacrés à l’arme nucléaire. À elles seules, nos forces nucléaires consomment 21 % des crédits d’équipement.
J’estime en outre que le renouvellement des deux composantes nucléaires, avec la mise en service d’un nouveau missile air-sol de moyenne portée et celle du M 51 pour la force océanique stratégique, participe plus de la modernisation et du renforcement de notre arsenal nucléaire que du maintien de sa crédibilité.
En cela, notre pays ne respecte pas non plus l’un des engagements fondamentaux du traité de non-prolifération nucléaire, que nous avons signé : ne pas procéder à des recherches sur de nouveaux systèmes d’armes nucléaires.
Mais, au-delà de ces considérations sur l’affectation des crédits dont vous disposerez, mes critiques portent sur les orientations de la politique de défense que vous mettrez en œuvre.
Certaines d’entre elles nous coûtent très cher. Elles sont la traduction d’une politique d’alignement atlantiste que je condamne.
C’est, par exemple, le cas de la guerre que nous menons en Afghanistan. Avec 1,3 million d’euros chaque jour, elle représente, à elle seule, un peu plus de la moitié des surcoûts de nos opérations extérieures.
Alors que tout démontre qu’il n’y a pas de solution militaire pour régler les problèmes de ce pays et qu’il faudrait rapidement engager le retrait progressif de nos troupes hors de ce que vous appeliez il n’y a pas si longtemps, monsieur le ministre d’État, le « piège afghan », vous nous demandez une rallonge de 218 millions d’euros pour prolonger notre intervention dans ce pays.
La réintégration au sein du commandement militaire de l’OTAN nous coûte aussi fort cher, environ 85 millions d’euros par an avec la mise en place de personnels français dans la structure de commandement, somme bien supérieure à celle qui avait été budgétée.
Pourtant – nous avions dénoncé ce fait à l’époque – cette réintégration, qui à mes yeux remet en cause notre autonomie stratégique, a été décidée sans que le Président de la République ait obtenu des garanties sur les deux exigences qu’il avait formulées : un accroissement significatif du poids de notre pays dans les structures de décision militaires et un renforcement de l’Europe de la défense. Je me souviens, monsieur le ministre d’État, que vous aviez d’ailleurs manifesté un certain scepticisme lorsque le Président de la République avait pris cette décision.
Le dernier sommet de l’OTAN est, à bien des points de vue, révélateur de notre perte d’autonomie stratégique, du recul de l’Europe de la défense et de l’existence de coûts financiers difficilement maîtrisables.
En avalisant le nouveau concept stratégique, le Président de la République et vous-même avez accepté de mettre notre pays au service d’une alliance politico-militaire strictement offensive. L’objectif est d’intervenir partout dans le monde, non pour établir un système de sécurité collective, mais, plus prosaïquement, pour défendre les intérêts des sociétés occidentales et de l’économie de marché.
Pour ma part, je suis convaincue que notre pays, au nom de son histoire, de ses valeurs et de ce qu’il représente dans le monde, devrait avoir une tout autre ambition que celle de jouer un rôle de gendarme dans des pays moins développés économiquement.
En outre, le principe du bouclier antimissile a également été entériné à Lisbonne. Les États-Unis ont ainsi fait accepter et payer par leurs alliés une décision qui implique la mise en place d’un système de défense extrêmement coûteux, à la fiabilité et à la doctrine d’emploi incertaines, et dont les règles d’engagement les laissent seuls maîtres des tirs. Tout cela au bénéfice quasiment exclusif de leur industrie d’armement !
Ce projet nous coûtera très cher, puisque nous devrions supporter environ 12 % des dépenses totales, dont le montant est estimé entre 80 millions et 150 millions d’euros. Participer à son développement accentuera encore la dépendance des pays européens à l’égard des États-Unis, en les plaçant à nouveau sous la protection du parapluie nucléaire américain. Ce système de défense antimissile contribuera inéluctablement, en suscitant la réaction d’agresseurs potentiels, à alimenter la course aux armements dans le monde.
Dans ce domaine aussi, monsieur le ministre d’État, vous avez opéré un très net revirement par rapport à l’époque où vous signiez dans Le Monde une tribune prônant le désarmement nucléaire mondial et soutenant les propositions faites à cet égard par le Président Obama.
La perspective d’une Europe de la défense s’éloigne, car il est vraisemblable que les sommes considérables consacrées au bouclier antimissile feront défaut au financement de programmes de recherche menés en commun avec certains de nos partenaires européens.
Enfin, les accords de défense, exclusivement bilatéraux, récemment signés à Londres avec notre partenaire britannique, au prétexte de mutualiser certaines de nos capacités, ne permettront pas de futurs programmes de coopération avec d’autres pays européens. En cela, ils empêcheront également la mise en place d’une défense européenne commune.
Monsieur le ministre d’État, telles sont les remarques critiques que je souhaitais formuler, au nom du groupe CRC-SPG, sur le projet de budget que vous nous avez présenté. Je regrette de n’y avoir pas retrouvé la marque de certaines des convictions que vous avez exprimées par le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier. (MM. Jacques Blanc et André Dulait applaudissent.)
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances. Enfin un spécialiste !
M. Jacques Gautier. Monsieur le ministre d’État, je souhaite tout d’abord saluer, au nom du groupe UMP, votre nomination à la tête du ministère de la défense et des anciens combattants. Ces responsabilités vous sont conférées à un moment crucial pour notre politique de défense et nos forces armées, au plan tant national qu’international.
En effet, parallèlement à la déflation des effectifs liée à la RGPP et au nouveau format découlant de la mise en œuvre des orientations du Livre blanc, les armées ont engagé une lourde restructuration, comportant notamment la mise en place d’une nouvelle carte de stationnement des unités, la rationalisation de la fonction de soutien, la création des centres ministériels de gestion, une mutualisation accélérée, l’externalisation de certains services et, bien sûr, la création des bases de défense.
En regard de ces efforts importants, le Président de la République a tenu à ce que les économies ainsi réalisées par les armées soient sanctuarisées et affectées, d’une part, à la revalorisation de la condition militaire, et, d’autre part, à l’équipement des forces, qui a longtemps servi de variable d’ajustement.
Je veux souligner l’engagement et le sens du service des personnels placés sous votre autorité, qui subissent une réorganisation difficile, permanente, mais indispensable. Je tiens d’ailleurs à rendre un hommage appuyé à tous nos soldats en opérations extérieures et à leurs familles.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jacques Gautier. Il me paraît important de leur faire savoir que la représentation nationale les assure de son profond soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, que le groupe UMP avait votée avec enthousiasme, engage un effort sans précédent dans le domaine des équipements, permettant à nos armées de retrouver un niveau opérationnel satisfaisant et adapté à leurs missions, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures. De plus, des crédits satisfaisants sont enfin affectés à l’entretien de base et au maintien en condition opérationnelle, le MCO.
Si 2009 a été une année exceptionnelle, notamment pour le programme 146 cher à mon collègue Daniel Reiner, qui restera certainement sans équivalent en termes d’effort budgétaire, l’exercice 2010 a été lui aussi d’un niveau satisfaisant, bien qu’inférieur à celui de l’année précédente.
Le projet de budget de la défense que vous présentez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 prévoit un abattement de 3,6 milliards d’euros des crédits sur trois ans par rapport à la LPM, en partie compensé par une réévaluation des recettes exceptionnelles, dont on doit espérer qu’elles seront, enfin, au rendez-vous. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Mais il est clair, pour chacun d’entre nous, que l’impact de la crise internationale et la nécessité de résorber les déficits budgétaires obligeront les pays européens, dont la France, à réaliser de nouvelles économies, lesquelles se feront certainement sentir durement en 2012 et en 2013. Je crains que les crédits que vous défendez ne deviennent un TOTB, un « terrible objet de tentation budgétaire », et que vous ne soyez amené, dans la perspective de la clause de revoyure du Livre blanc, à faire des choix difficiles, portant peut-être même sur le format de nos armées.
Nos rapporteurs nous ont présenté avec une grande précision l’ensemble des programmes et des crédits qui s’inscrivent dans cet environnement particulièrement tendu, en formulant des observations pertinentes. Ils ont relevé des sujets de satisfaction, mais aussi exprimé des inquiétudes et des regrets : je pense au report de la mise à niveau du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, le SCCOA, ou du concept Scorpion, aux retards dans le domaine satellitaire, y compris en matière d’alerte avancée, ou dans la rénovation des Mirage 2000-D ; je crains même l’abandon pur et simple de cette remise à niveau, avec pour conséquence la limitation à 130 ou à 150 en 2020 du nombre d’appareils de combat multi-missions de notre armée de l’air.
Monsieur le ministre d’État, j’attire votre attention sur le risque dramatique d’un décrochage capacitaire pour notre pays. Il y a des limites à la compression budgétaire, et n’oublions pas que la défense représente 165 000 emplois directs, ainsi que des milliers d’autres dans les PME sous-traitantes.
Je ne détaillerai pas davantage les investissements et programmes retenus ou repoussés, car cela a déjà été fait, mais je voudrais mettre l’accent sur un certain nombre de dossiers qui me tiennent à cœur.
Contrairement à ma collègue Michelle Demessine, je me félicite de la conclusion du double accord franco-britannique de défense, qui garantit aux deux pays la pérennité et la souveraineté de leurs forces de dissuasion, complément et non substitut de la défense antimissile balistique. Cet accord représente aussi la première application, en vraie grandeur, d’une coopération structurée permanente, au sein d’un noyau dur d’États pilotes décidés à consacrer un effort important à leur défense et à travailler ensemble. J’espère que d’autres pays nous rejoindront ; je pense, en particulier, à l’Italie et à l’Espagne.
Le second volet de cet accord va permettre la mutualisation de certains équipements, comme le MRTT, le multi-role transport tanker, de certaines formations et de certaines opérations de MCO : je pense à l’A400M.
Ce rapprochement jette aussi les bases d’une complémentarité et d’une interopérabilité de nos groupes aéronavals, ainsi que de la création d’une brigade franco-britannique qui, en raison des similitudes d’emploi et de règles d’engagement des forces, devrait être opérationnelle et réellement projetable, contrairement à la brigade franco-allemande, dont l’existence demeure avant tout, il faut bien l’avouer, hautement symbolique.
Enfin, ce rapprochement permettra le partage des coûts de recherche et de développement, indispensable pour garantir notre souveraineté ainsi que la pérennité d’une partie importante de l’industrie de défense en France et en Europe. Cela est vrai pour le domaine nucléaire et pour les « briques » technologiques que nous pourrons apporter à la défense anti-missile balistique de l’OTAN, mais aussi pour un certain nombre de programmes majeurs restant à préciser.
Nous soutenons donc, monsieur le ministre d’État, l’engagement d’un effort annuel supplémentaire de 50 millions d’euros pour chacun des deux pays dans le domaine de la recherche et du développement, et ce dès 2011.
Je voudrais évoquer également le présent et l’avenir des drones de moyenne altitude et de longue endurance, les drones MALE. L’accord franco-britannique permet d’envisager sérieusement la mise en œuvre vers 2020-2023 d’un drone MALE de nouvelle génération et à forte capacité, issu certainement du démonstrateur Mantis de BAE Systems.
Toutefois, il est indispensable d’apporter, dès 2013, une réponse pragmatique aux besoins de nos forces sur le terrain dans le domaine des drones MALE. Votre prédécesseur était sur le point d’arrêter son choix, entre le traitement des obsolescences et un achat complémentaire de drones Harfang, l’adaptation du Heron TP d’Israël Aircraft Industries à plus forte capacité ou l’achat de drones de General Atomics ayant fait leurs preuves sur le terrain et à fortes capacités d’emport. S’agissant de cette dernière option, il semblerait que nous ayons obtenu des assurances quant à l’autonomie d’emploi et à l’installation de systèmes français.
Votre choix sera difficile, car il faut prendre en compte non seulement les coûts d’achat et de maintenance, le calendrier et les retombées pour l’industrie française, mais aussi les besoins des militaires sur le terrain et l’émergence de nouvelles menaces, notamment celles d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ou des pirates au large de la Somalie.
À Lisbonne, la France a obtenu de nombreuses avancées sur l’évolution du concept stratégique de l’OTAN, ainsi que sur la réduction des effectifs et du nombre des agences de l’Alliance. Nous devons nous féliciter de notre retour au sein du commandement intégré, sans lequel ces résultats n’auraient pu être envisagés, pas plus d’ailleurs que l’accord franco-britannique.
Je crois cependant que ce sommet témoigne d’un certain éloignement des États-Unis par rapport à la vieille Europe,…
M. Didier Boulaud. Et ce n’est pas fini !
M. Jacques Gautier. … que nos alliés Américains souhaitent voir s’engager plus avant dans sa propre défense, y compris avec la défense antimissile balistique. En effet, la priorité des États-Unis, on le sait bien, est dorénavant l’Asie, où se trouvent des pays partenaires, clients ou concurrents pouvant représenter des risques ou des menaces tangibles pour les États-Unis dans les prochaines décennies.
Au-delà du projet de loi de finances pour 2011, monsieur le ministre d’État, les difficultés budgétaires nous obligeront à aller plus loin dans les mutualisations et les rationalisations. Ce qui a été fait dans nos armées devra être étudié pour nos industries de défense, car on voit bien que l’on ne peut conserver, à l’échelon européen, une multitude d’acteurs mineurs, tributaires de leurs marchés nationaux. Il faut favoriser soit la complémentarité, comme avec « One MBDA », soit les adossements industriels bi- ou multilatéraux, en particulier pour les groupes d’armement terrestre.
À votre arrivée au ministère de la défense, vous auriez déclaré qu’il s’agissait d’une mission passionnante, dans un ministère où il y a énormément de choses à faire, avec des moyens financiers importants. Vous avez déjà pu découvrir, monsieur le ministre d’État, que votre mission est en effet particulièrement exaltante, qu’il y a énormément à faire, mais que, malheureusement, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous…
M. Jean-Louis Carrère. Votez-lui un bon budget !
M. Jacques Gautier. … face aux défis que nous devons relever ensemble, d’autant que, derrière ces programmes et ces budgets, il y a des hommes et des femmes dévoués, au service des armes de la France, allant parfois jusqu’au sacrifice suprême.
Monsieur le ministre d’État, le groupe UMP vous accorde sa totale confiance pour conduire les réformes nécessaires et vous apportera son entier soutien pour l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. François Trucy, rapporteur spécial. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Défense » pour 2011 ne correspondent pas tout à fait aux annuités prévues dans la loi de programmation militaire adoptée par le Sénat en juillet 2009. La défense contribue à la maîtrise des dépenses de l’État : par rapport aux crédits programmés jusqu’en 2014, ses dotations budgétaires sont réduites de 3,6 milliards d’euros.
Notre situation budgétaire est une contrainte qui pèse aussi sur la défense, et cela est normal. Le ministère de la défense ne peut pas s’exonérer des efforts engagés pour rétablir l’équilibre des finances publiques. Néanmoins, mes chers collègues, cette contrainte est également une véritable occasion, pourvu que nous ayons la volonté politique de la saisir.
Je concentrerai mon propos sur cette volonté politique, qui sera décisive pour la France et l’Europe dans les années à venir.
La contrainte budgétaire est une occasion de renforcer les deux piliers de la puissance militaire française : l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Ces deux piliers sont complémentaires et ils se confortent mutuellement. Sur ce point, la doctrine centriste, qui a été portée notamment par Jean Lecanuet, a été consacrée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Monsieur le ministre d’État, j’espère que vous partagerez cette conviction et que, comme celle de votre prédécesseur, M. Hervé Morin, votre action s’inscrira dans cette voie.
Des progrès historiques ont été accomplis ces dernières années pour construire une véritable Europe de la défense. En moins de dix ans, la politique européenne de sécurité et de défense est devenue une réalité. Depuis 2002, grâce à l’engagement de la France, plus de vingt opérations civiles et militaires se sont déployées dans les Balkans, en Afrique, en Asie, au Proche-Orient, dans le Caucase et jusque dans l’océan Indien. En moins de dix ans, près de 70 000 citoyens civils et militaires de l’Union européenne ont été employés au service de la sécurité internationale.
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil européen est doté d’une présidence stable. L’action extérieure de l’Union est plus cohérente, grâce à la création d’un haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune.
Plus encore que les améliorations institutionnelles, ce sont les projets concrets qui font avancer la défense européenne. C’est grâce à eux que l’Europe de la défense a été relancée sous la présidence française de l’Union européenne.
La mise en œuvre d’un programme ERASMUS militaire pour les officiers, la constitution d’un groupe aéronaval européen, la création d’une flotte européenne de transport, le déploiement d’un réseau de surveillance maritime des côtes européennes : ce sont ces réalisations qui font avancer les choses. Me trouvant, voilà trois jours, au Centre satellitaire de l’Union européenne, à Torrejón, j’ai été fier de constater que l’Europe était désormais beaucoup plus compétente que les États-Unis en matière d’analyse des images satellitaires, même si celles dont elle dispose sont beaucoup moins claires.
La création, l’été dernier, par la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, d’une flottille commune d’avions de transport tactique reflète une tendance de fond à la coopération. Grâce au sauvetage pour lequel votre prédécesseur s’est battu, monsieur le ministre d’État, cette flottille doit être dotée, à terme, d’Airbus A400M.
Enfin, l’accord historique conclu avec la Grande-Bretagne le 2 novembre dernier marque une avancée considérable. La mise à disposition réciproque de matériels et de troupes par les deux principales puissances militaires de l’Union européenne n’est pas seulement le signe d’un rapprochement bilatéral ; c’est aussi un levier d’action pour renforcer l’intégration européenne.
La France et le Royaume-Uni comptent parmi les rares pays respectant le seuil de dépenses pour la défense fixé par l’OTAN à 2 % du produit national brut. Le fait que ces deux grandes puissances mutualisent certains de leurs moyens est un grand pas vers la création d’une véritable défense européenne intégrée.
Cependant, le travail à accomplir pour parvenir à développer la puissance européenne est immense, et il risque de pâtir de la réduction des moyens. Depuis plusieurs années, la diminution des crédits consacrés à la défense partout en Europe est une vraie menace pour la sécurité et l’indépendance du continent. Entre 2001 et 2009, le budget militaire des États européens membres de l’OTAN est ainsi passé de 228 milliards à 197 milliards d’euros. Cette diminution est aggravée par le manque de coopération.
À cet égard, un article récent du New York Times dressait une rapide comparaison entre l’Europe et les États-Unis : on compte vingt et un chantiers navals en Europe, contre trois aux États-Unis ; les pays de l’Union européenne ont quatre-vingt-neuf programmes d’armement différents, contre seulement vingt-sept pour les États-Unis, dont le budget de la défense est pourtant presque trois fois supérieur à l’ensemble des budgets de la défense européens ; la part de la recherche et du développement dans le budget européen de la défense a chuté de 13 % entre 2001 et 2008, alors que les États-Unis consacrent à ce secteur six fois plus de crédits que l’ensemble de l’Europe, pour un PIB presque équivalent.
La fragmentation des marchés de la défense européens coûte cher. Il est urgent de renforcer la coopération, la mutualisation et l’intégration des moyens. C’est en suivant cette voie que l’Europe de la défense progressera. Cela est nécessaire pour peser dans les affaires internationales et pour défendre nos valeurs dans le monde ; cela est nécessaire pour éviter une perte catastrophique de compétences technologiques et opérationnelles ; cela est nécessaire, enfin, pour entretenir une relation équilibrée avec nos alliés, en tout premier lieu avec les États-Unis.
Cela m’amène à évoquer le second pilier sur lequel doit reposer notre défense, l’Alliance atlantique.
J’aimerais insister sur le point suivant : le fait que la France ait rejoint le commandement intégré de l’OTAN lors du sommet de Strasbourg renforce notre capacité d’influence. La nomination du général Abrial à l’un des deux postes de commandement suprêmes n’est pas qu’un symbole.
Je salue la décision du Président de la République de revenir sur le choix fait par le général de Gaulle en 1966, dans un contexte très différent. C’est une excellente décision pour la France et je voudrais lui rendre hommage pour avoir fait « bouger les lignes ».
À ce propos, monsieur le ministre d’État, une phrase rapportée voilà quelques jours dans la presse a pu donner à penser que j’avais ironisé sur la présence, au sommet de Lisbonne, de trois anciens secrétaires généraux du RPR, porteurs de la doctrine gaulliste. Or il n’en est rien. Au contraire, je me réjouis que le Président de la République, Mme Alliot-Marie et vous-même, monsieur le ministre d’État, ayez pris part à ce sommet.
La décision prise par le Président de la République est également excellente pour l’Europe de la défense. Grâce à ce choix, le projet européen peut avancer sans être en permanence suspecté de fragiliser le lien transatlantique. Notre partenaire britannique y est sensible, et il n’est pas le seul. Les pays d’Europe de l’Est, très attachés à l’Alliance atlantique, le sont aussi. Le fait que la France ait repris toute sa place dans l’OTAN rassure la Pologne et ses voisins. L’Europe de la défense y gagne.
Cela m’amène à évoquer le renforcement nécessaire du partenariat avec la Russie, qui doit être une priorité de l’Alliance atlantique, comme l’a souligné le Président de la République lors du sommet de l’OTAN de Lisbonne, le 20 novembre dernier. La présence de la Russie auprès de l’OTAN a montré que l’épisode ouvert par la crise géorgienne est en train d’évoluer. Maintenant, il faut avancer.
L’Union européenne doit comprendre que ce rapprochement est dans son intérêt. La page de la guerre froide est tournée depuis longtemps. Les menaces ont changé de nature, elles ont aussi changé d’origine. Les chefs d’État français, allemand et russe l’ont compris. Lors de leur récente rencontre, à Deauville, ils ont manifesté leur volonté de renforcer le partenariat stratégique qui doit nous unir. La vente de missiles Mistral à la Russie est également un excellent signe. Cette volonté doit se concrétiser par des projets communs, notamment en matière de défense antimissile.
Aujourd’hui, la Russie concentre ses troupes dans le Caucase, bien sûr, mais surtout à l’est de ses frontières. À ses côtés, l’Europe de la défense doit progresser. Le monde avance vite, la Chine avance vite : cette semaine, au salon aéronautique de Zhuhai, elle a présenté sa nouvelle génération d’avions de combat, qui pourront décoller des porte-avions.
Il est urgent que l’Europe comble son retard, en matière d’exploration spatiale, de recherche avancée, de capacités rapides d’intervention. Pour associer les États membres de l’Union à cet effort, il faut une volonté politique forte.
Monsieur le ministre d’État, je crois que vous partagez cette volonté. J’espère que, sous votre direction, votre ministère continuera à faire progresser à la fois notre influence dans l’OTAN, notre partenariat avec la Russie et l’Europe de la défense : trois objectifs qui se complètent et se renforcent. Dans cet espoir, le groupe Union centriste votera pour l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’aurai d’abord, à cet instant, une pensée pour le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Je suis heureux de savoir qu’il va bien.
Je voudrais aborder deux sujets, monsieur le ministre d’État : notre place dans l’OTAN et la situation en Afghanistan.
Le sommet de l’OTAN de Lisbonne n’a pas apporté la clarification et les précisions attendues, tout au moins pour l’observateur que je suis. Une fois encore, le Parlement a été complètement mis à l’écart. On discute à Lisbonne, monsieur le ministre d’État, mais pas à Paris : ici, c’est silence radio ! Pas de débat au Parlement avant les sommets de l’OTAN ! L’Élysée ordonne et dispose. On suit le mouvement, mais en silence.
Je voudrais dire quelques mots de l’ensemble des décisions qui ont été prises et acceptées par le Gouvernement lors de ce sommet.
En ce qui concerne l’Afghanistan, le calendrier de retrait reste flou, dans l’attente des décisions qui seront prises par le Président Obama à la fin du mois de décembre 2010.
En ce qui concerne le bouclier antimissile, il s’agit d’un accord qui nous engage fortement, alors que le projet n’est qu’au stade de l’ébauche, emporte des conséquences graves pour notre autonomie stratégique et risque de placer les industries européennes de défense en position de sous-traitants.
Quant au nouveau concept stratégique, qui entérine une extension du domaine d’action de l’OTAN vers une approche globale, civile et militaire, dans la gestion des crises, il laissera clairement l’Union européenne sous la dépendance de l’Alliance atlantique. Ce nouveau concept renforce la maîtrise et la prééminence politique des États-Unis sur les alliés : exit l’Europe de la défense. Que de revirements, que de renoncements ! Et que l’on ne nous accuse pas d’être timorés, que l’on n’essaie pas de nous rassurer en nous affirmant que le temple sera bien gardé !
Sur la situation en Afghanistan, dont vous n’êtes bien évidemment pas le premier responsable, monsieur le ministre d’État, le constat tient en trois mots : échec, confusion, désordre. Tous les six mois, un changement de stratégie est annoncé. Cela revient à dire qu’il n’y a pas de stratégie !
Je rappelle que MM. Kouchner et Morin, exfiltrés depuis du Gouvernement, avaient déclaré que « la nouvelle stratégie concertée de la communauté internationale avait été décidée à Londres, le 28 janvier 2010 ». Et avant Londres, c’était Bucarest, en avril 2008 : il s’agissait alors de gagner les cœurs et les esprits, d’amener le peuple afghan à faire cause commune avec la force internationale et à rejeter les talibans…
Qu’est-ce alors que cette « nouvelle nouvelle » stratégie concoctée à Lisbonne ? Mon sentiment, monsieur le ministre d’État, est qu’il s’agit d’une stratégie de communication, un point c’est tout !
Ces stratèges-là sont aussi perdus aujourd’hui qu’il y a quelques mois : ils s’enfoncent dans le bourbier et ils ne trouvent pas la sortie.
Hier encore, on refusait à grands cris de parler d’un calendrier de retrait, et de grands spécialistes m’expliquaient qu’il ne fallait pas donner de l’espoir et des informations aux talibans, que c’était criminel ! Alors, pourquoi annoncer ce calendrier aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a changé sur le terrain ?
Je vais vous le dire : rien n’a changé sur place ! En revanche, à Washington, à Londres et à Berlin, on constate la prise en compte d’une réalité : l’OTAN n’en mène pas large, et les États-Unis conduisent leur barque en fonction de leurs intérêts politiques supérieurs. L’OTAN suivra, et les Européens aussi !
Les États-Unis avaient déjà annoncé qu’ils entameraient leur retrait en 2011. Les Pays-Bas et le Canada annoncent également leur départ cette même année. L’Allemagne reconsidère périodiquement – devant son Parlement, elle – son engagement militaire et fixe le début du retrait à 2012. En Grande-Bretagne, l’échéance semble fixée à la fin de 2014.
Chez nous, votre prédécesseur avait fait la déclaration suivante : « En 2011, nous allons transférer toute une série de districts aux Afghans. À ce moment-là, il pourra y avoir les premiers déplacements ou retraits des forces alliées d’Afghanistan… » Qui faut-il croire ? La confusion est à l’œuvre !
À Lisbonne, il a été question de « transfert de la responsabilité » aux forces afghanes, ce qui ne signifie pas retrait des troupes ! La sécurité sera cogérée, district par district, par les forces coalisées et les forces afghanes. Dans le meilleur des cas, il y aura plus tard transfert intégral de la responsabilité à l’armée afghane : cela, c’est la théorie.
En réalité, l’engagement risque de se prolonger indéfiniment. On voit mal émerger d’ici à trois ans un État afghan doté de structures suffisantes pour assurer sa propre sécurité, s’appuyant sur un pays pacifié et des populations réconciliées. Nous sommes venus, nous avons vu, nous n’avons pas vaincu…
Je m’interroge : si, à partir de 2011, les forces de l’OTAN réorientent leur mission vers la formation des forces afghanes, quelles forces poursuivront les actions militaires les plus dures dans les districts et les régions non sécurisés ? Les forces américaines seules ? Formation des forces afghanes ou pas, nos soldats seront impliqués dans les combats. Faudra-t-il alors renforcer notre présence ? Étant donné le budget de la défense, l’état de nos finances et l’état de nos forces, pourrons-nous, en toute sécurité et avec les moyens adéquats, augmenter encore le nombre de nos soldats sur place ?
Si l’on en croit les annonces ayant suivi le sommet de Lisbonne, il y a maintenant une stratégie, avec une perspective de sortie du conflit. Cette stratégie, nous la réclamions depuis longtemps ; est-elle adaptée à la situation ?
L’OTAN a cherché à donner le change dans le domaine militaire et, surtout, à rassurer les opinions publiques occidentales. Mais nous savons tous que la solution sera politique et diplomatique. Dans ces conditions, quelle elle est la stratégie politique pour sortir du conflit ? Le silence nous assourdit ! Et les négociations avec les talibans pour partager le pouvoir ? On n’en parle pas. Et la guerre sans merci livrée sur la zone frontalière, côté pakistanais ? On n’en parle pas.
Il n’y a aucune avancée en termes d’implication positive des pays riverains. Tout se passe comme si ces derniers regardaient avec attention comment le piège afghan se referme, une fois de plus, sur les troupes étrangères, chacun faisant ses calculs pour le coup d’après !
Les objectifs de l’intervention restent toujours mal définis : lutte contre le terrorisme d’Al-Qaïda ? Victoire militaire sur les talibans ? Construction d’une démocratie et d’un État de droit ? Soutien au pouvoir de M. Karzaï ? Reconstruction de l’économie ? Réconciliation et réintégration des talibans ? Cette confusion n’est ni responsable ni efficace.
Elle n’est pas responsable, parce que nos soldats doivent connaître avec précision le but de leur présence sur le terrain où ils risquent leur vie.
Elle n’est pas efficace, parce que le plein soutien de la nation ne peut se manifester que si les objectifs politiques et militaires de la guerre sont clarifiés, assumés et partagés.
Nous nous sommes éloignés des objectifs établis lors du début de l’intervention française en Afghanistan. Nous en payons aujourd’hui les conséquences.
Après 2007, la dérive s’est accentuée, et le Président de la République a accepté de placer nos troupes à la remorque de l’OTAN, ce qui, à Kaboul comme à Paris, signifie clairement à la remorque des États-Unis.
Monsieur le ministre d’État, la stratégie mise en œuvre a échoué, l’option militaire n’est pas la bonne.
Ailleurs, les parlements discutent sans faux-fuyants de l’engagement en Afghanistan, et ils appellent un chat un chat. La corruption, les trafics de drogue, les hésitations dans la conduite des opérations, la dure réalité des combats sont mis sur la table.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Et le temps de parole ?
M. Jean-Louis Carrère. Rassurez-vous, je vais m’arrêter. Je sais que je vous lasse, excusez-moi !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Mais non !
M. Jean-Louis Carrère. Cela étant, hier soir, c’est vous qui nous avez beaucoup lassés ! Donc, à la sœur, la sœur et demie !
Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre d’État, cette guerre est un piège. Vous-même avez d’ailleurs utilisé cette métaphore. Cependant, il ne s’agit pas ici de jouer avec les mots.
Nous persistons à demander un retrait progressif, calculé et planifié d’Afghanistan, mais avec une perspective de sortie confirmée et débattue.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. J’espère que vous pourrez répondre à cette demande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, c’est en vérité un exercice complexe que de tenter d’évaluer la crédibilité et la solidité du présent budget, qui est le troisième de l’État.
Au fond, on ne sait pas quelles sont ses priorités et à quelles demandes il répond : s’agit-il de garantir la sécurité du territoire national et de nos concitoyens ? D’assurer la protection des intérêts de la France ? De consolider l’industrie de la défense, qui, après avoir beaucoup exporté, est aujourd’hui en difficulté ? Que ce soit au nom de l’amitié ou de l’emploi, cette dernière préoccupation existe chez certains.
À dire vrai, on a l’impression d’avoir changé de planète en quelques semaines, et pas seulement de ministre. Le Livre blanc à peine digéré, la loi de programmation militaire à peine votée – loi que ce budget a bien entendu théoriquement vocation à respecter –, des décisions lourdes ont été prises, qui changent totalement la donne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le débat sur ces questions a été réduit à la portion congrue. Après le changement de pied historique opéré par le Président de la République à propos de l’OTAN, changement qui fut décidé en conclave restreint, bien avant d’être discuté ici pour la beauté de l’argumentation, le ralliement de la France au concept de bouclier antimissile constitue à son tour une remise en cause profonde des notions qui ont fondé jusqu’ici la politique de sécurité et de défense de la France, mettant à mal au passage, une fois de plus, notre relation privilégiée avec l’Allemagne. Quant à l’Europe de la défense, n’en parlons plus !
La décision est déjà prise ; elle l’a été au sommet de Lisbonne. Dans ces conditions, à quoi bon maintenir le débat d’orientation sur la défense antimissile qui doit théoriquement se tenir le 9 décembre au Sénat ?
La décision a donc été prise, disais-je, à l’issue d’un marathon fébrile. Il a en effet fallu convaincre de la pertinence d’une « complémentarité » entre la dissuasion nucléaire et le bouclier antimissile et mettre en échec la stratégie de ces États européens, dont l’Allemagne, qui, prenant au mot le discours de Barack Obama à Prague, ont tenté de traduire en un engagement concret, évidemment graduel et progressif, ce rêve d’une dénucléarisation de l’Europe, vingt ans après la fin de la guerre froide.
Le ralliement français au bouclier antimissile pose évidemment des problèmes majeurs, en termes de souveraineté partagée ou de transfert de souveraineté. Qui décidera demain des équipements nécessaires et qui les fournira ? Les États-Unis, évidemment, qui ont un argument imparable : « je paie, donc je décide ». Ils décideront également de l’emploi du bouclier, terme d’ailleurs ambigu, erroné. On peut imaginer qu’il a été choisi à dessein par les spin doctors américains. Un bouclier est en effet passif, alors que l’on parle ici d’armes destinées à être employées.
Cette décision pose aussi des problèmes de crédibilité pour notre pays, qui, plus que d’autres et avant d’autres, monsieur le ministre, a renoncé à une partie de son arsenal nucléaire, sans toutefois en retirer aucun bénéfice moral ou diplomatique, notamment chez nos partenaires du Sud, tant les actes d’aujourd’hui démentent les engagements d’hier.
J’ai écouté avec l’attention qu’elle mérite l’argumentation du Président de la République. Le bouclier antimissile ? Il vaut mieux pouvoir neutraliser un missile avant qu’il ne fasse des dégâts au sol, a-t-il dit. C’est évident ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Surtout si c’est le palais de l’Élysée qui est visé !
Mme Dominique Voynet. La menace, c’est l’Iran, ajoute in petto le Président de la République.
Alors là, monsieur le ministre, je ne comprends plus ! En effet, si les dirigeants politiques et religieux de l’Iran, qui sont certes virulents, mais pas complètement irrationnels, en venaient à oser frapper l’un ou l’autre des pays dotés de l’arme nucléaire, cela signerait tout simplement l’acte de décès de la dissuasion nucléaire. À vrai dire, le simple fait que l’on se pose la question est déjà en soi problématique.
Je ne dis pas que l’Iran, dont les dépenses militaires, inférieures à 10 milliards d’euros, sont toutefois cent fois moins élevées que celles des pays de l’OTAN, ne pose pas de problèmes de sécurité au monde, mais je pense que c’est du côté du terrorisme, de la biopiraterie que se situe la menace iranienne, et pas du côté du nucléaire. La dissuasion nucléaire permettra-t-elle d’y répondre ? Bien sûr que non !
On ne sait plus vraiment quelle menace la dissuasion nucléaire vise à conjurer dans un monde multipolaire complexe.
Un monde sans armes nucléaires, ce n’est pas pour demain, me répondrez-vous. Évidemment ! Mais je retiens des conclusions du sommet de Lisbonne, que j’ai épluchées, que les pays de l’OTAN pourraient être les derniers à y renoncer.
Tant qu’un pays tiers disposera de quelques ogives, on pourrait effectivement être tenté de maintenir notre armement à un niveau opérationnel. Alors même que le Président de la République reconnaît finalement à demi-mot, puisqu’il éprouve le besoin de doter la France du bouclier antimissile, que les efforts consentis en matière de dissuasion ne permettent pas d’assurer de façon certaine et définitive la protection du territoire et de la population, nous sommes donc contraints d’inscrire une fois de plus dans le budget des sommes considérables à cette fin.
Si les finances publiques étaient florissantes, si nous n’avions que des problèmes de riches, nous pourrions nous accommoder de la juxtaposition de programmes coûteux, aux objectifs fumeux, et consacrer notre énergie à des débats moraux sur la question de l’acceptabilité du nucléaire.
Monsieur le ministre, le moment n’est-il pas venu de faire des choix ? Nous pourrions consacrer 3,4 milliards d’euros par an à l’équipement des troupes, à leur formation, à leur maintien en condition opérationnelle, à leur entraînement, à leur acheminement en toute sécurité sur les théâtres d’opérations, à la satisfaction des engagements qui ont été pris envers nos soldats.
Vous avez posé des actes forts par le passé et vous êtes prononcé nettement, par exemple, en faveur d’un processus de désarmement nucléaire. Vous êtes un esprit libre, vous avez été Premier ministre, ministre des affaires étrangères, vous n’avez plus rien à prouver. Faites en sorte que prévale l’idée selon laquelle notre sécurité commune repose davantage sur nos efforts pour préserver la paix, pour accompagner le développement, pour conserver la confiance des pays qui doutent de notre détermination en la matière, que sur le montant des crédits que nous affecterons à une politique dépassée, qui n’a pas fait plus la preuve de son efficacité que la ligne Maginot en son temps. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part de deux observations et de deux interrogations.
Ma première observation sera en forme de paradoxe : jamais les outils qui pourraient être mis au service d’une authentique politique européenne de défense et de sécurité n’ont été aussi importants ; pourtant, jamais la perspective de la mise en place d’une telle politique n’a paru aussi éloignée.
L’encre du traité de Lisbonne est à peine sèche, l’outil des coopérations structurées est là, sur la table, mais personne n’envisage de s’en emparer. L’OCCAR, l’organisme conjoint de coopération en matière d’armement, existe et travaille plutôt bien. L’Agence européenne de défense existe, mais elle a si peu de moyens…
Nous allons bientôt transposer les deux directives du paquet « défense ». C’est une autre approche, par la base, de ce qui pourrait être l’amorce d’une restructuration, difficile mais nécessaire, des industries de défense européennes. L’idée est d’accomplir, petit à petit, grâce à quelques règles simples, ce que la volonté des États peine à réaliser. Pourquoi pas ? Après tout, la méthode des petits pas a fait ses preuves en son temps.
Cela peut réussir, à condition toutefois de ne pas faire n’importe quoi lorsque nous transposerons ces deux directives ! Il faudra se garder, en particulier, de livrer le marché de la défense aux industries non européennes, sous couvert de concurrence non faussée.
Quoi qu’il en soit, l’Europe de la défense perd son souffle. Jamais la perspective d’une défense commune n’a paru aussi lointaine. Les partenariats industriels qui existaient sont en train de se déliter. L’Allemagne regarde à nouveau vers l’Est. Ainsi, Siemens est sorti du capital d’Areva pour nouer une alliance avec les Russes : pourquoi ? Avons-nous commis des erreurs ?
Dans l’industrie navale, les dirigeants du groupe allemand Thyssen Krupp Marine Systems semblent préférer s’allier avec le groupe émirati Abu Dhabi Mar plutôt qu’avec l’entreprise française DCNS, une telle alliance étant considérée outre-Rhin comme « autrement plus solide que la perspective d’un groupe naval européen ».
La même DCNS vient de divorcer d’avec Navantia, qui fut son partenaire dans le domaine des sous-marins, au motif que ce dernier lui faisait des infidélités avec les industriels américains, et on voit mal, à vrai dire, ce qui pourrait la conduire à une relation plus poussée avec l’italien Fincantieri, compte tenu, par exemple, de l’échec de la coopération sur les torpilles lourdes. Bref, le spectacle n’est pas beau à voir !
Dans le domaine des blindés, la situation est pire encore ! Chaque État européen ayant encouragé ses propres industriels, aucun groupe n’a pu émerger à l’échelle européenne. Cette situation a favorisé le rachat par des groupes américains d’industriels européens, comme en Suisse ou en Espagne. En France, trois constructeurs, dont une société entièrement détenue par l’État, se partagent un marché étroit et semblent peu enthousiastes – c’est un euphémisme ! – à l’idée d’un regroupement. Moyennant quoi, c’est un groupe italien qui vient de remporter le marché des porteurs polyvalents terrestres…
Dans le domaine aéronautique, l’avion A400M se fera, mais après combien de tergiversations, après quel feuilleton ! Je n’ai pas le souvenir que la construction du Transall par la France et l’Allemagne, voilà bien longtemps, ait suscité tant de tracas ! Quant au remplaçant des avions Rafale, la question n’est plus, à mon avis, de savoir s’il sera français ou même européen ; à ce stade, tout porte à croire qu’il sera – qu’il est déjà –, avec le Joint Strike Fighter, en grande partie américain.
Ma seconde observation portera sur le fait que, face à cette situation – ou peut-être à cause d’elle –, la stratégie française paraît changer de pied depuis trois ans, et d’une façon spectaculaire ces dernières semaines, sans que le Parlement y soit associé par le biais d’un débat, hélas !
Ce changement se manifeste, d’abord, avec la réintégration par la France du commandement militaire intégré de l’OTAN. Vous n’en étiez pas un fervent partisan, monsieur le ministre d’État, ou alors sous certaines conditions, dont vous pourrez peut-être nous préciser si elles sont en voie d’être satisfaites.
Ce changement s’exprime, ensuite, par les récents accords de Londres, qui semblent sonner le glas d’une approche multilatérale de défense, et en particulier de l’Agence européenne de la défense. Cela ne manque pas de sel quand on sait qu’une Française, Mme Claude-France Arnould, vient d’en prendre la direction.
Ce changement se traduit, enfin, par la participation de la France à la mise en place de la défense antimissile de l’OTAN, qui vient d’être décidée au sommet de Lisbonne.
Que dire de ces décisions, sinon qu’elles paraissent surtout s’imposer à nous ? En outre, chacune d’entre elles a sa logique propre, et on peut entendre les arguments qui les sous-tendent.
La France aura plus de poids au sein de l’OTAN que hors de cette instance.
La France, en désaccord avec l’Allemagne pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire en particulier, et le nucléaire en général, s’est tournée vers le Royaume-Uni, seul partenaire européen à consentir un effort financier comparable au sien en matière de défense. C’est un PACS de raison, comme le dit notre collègue Jean-Pierre Chevènement.
Enfin, la défense antimissile balistique semble s’imposer à nous, car c’est moins un équipement militaire contre une menace encore bien lointaine qu’un outil diplomatique au service d’une stratégie d’influence, et c’est aussi le moyen de financer une formidable course aux technologies spatiales.
Tout cela annonce-t-il la fin de l’Europe de la défense, l’échec de l’approche multilatérale qui avait prévalu à Saint-Malo ? Souhaitez-vous, au contraire, que l’alliance franco-britannique crée ce noyau dur, cette masse critique dont nous appelons tous de nos vœux l’émergence, et que nos amis Allemands, Italiens, Espagnols et, au-delà, tous nos amis européens, veuillent tôt ou tard nous rejoindre ?
Monsieur le ministre d’État, nous attendons avec intérêt vos réponses à ces quelques interrogations sur l’Europe de la défense et de l’industrie de l’armement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le projet de budget pour 2011 de la mission « Défense », je tiens à rendre un hommage appuyé à tous nos militaires engagés sur différents terrains d’opérations à travers le monde, assurant par leur action pour la paix le respect des engagements internationaux de la France.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Piras. Le risque ultime qu’ils courent nous oblige à veiller à garantir, au travers de la définition des moyens mis à leur disposition, l’efficacité de leur action et leur sécurité.
À ce titre, le présent projet de budget est préoccupant. Il conduira, à terme, à une insuffisance des moyens consacrés à la défense, qui sera préjudiciable à la sécurité de notre pays et au respect de nos engagements internationaux.
La question de l’utilité des lois de programmation militaire se pose. En effet, une réduction de 3,63 milliards d’euros pour la période 2011-2013 est prévue par rapport à la loi de programmation militaire pour 2009-2014. Les crédits budgétaires inscrits dans cette programmation triennale marquent incontestablement un décrochage par rapport à celle-ci.
Nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre d’État ! La baisse des crédits budgétaires est en partie masquée par la hausse des recettes exceptionnelles, qui la ramène à 1,25 milliard d’euros. En fait, cette hausse tient essentiellement à un glissement des recettes non réalisées en 2009 et en 2010, mais pourtant mises à contribution pour rendre présentables ces deux exercices budgétaires.
En ce qui concerne le projet de budget pour 2011, ce sont 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles non prévues qui sont prises en compte, permettant de masquer une réduction des crédits par rapport à 2010 d’un montant équivalent.
Le fait que le financement du budget de la défense repose dans une mesure importante sur des recettes exceptionnelles amène à s’interroger sur la pérennité de celui-ci. Le principe et le régime de ces recettes exceptionnelles, qui avaient pourtant une finalité particulière, à savoir le financement d’un supplément de dépenses d’équipement résultant d’engagements antérieurs, ne risquent-ils pas d’être remis en cause au regard des nouvelles contraintes budgétaires ?
En outre, la réalité de ces recettes exceptionnelles est, en l’espèce, pour le moins sujette à caution. Les exercices 2009 et 2010 prouvent qu’une grande partie des recettes exceptionnelles pourtant inscrites dans le budget n’ont pas été perçues. Je vous rappelle, monsieur le ministre d’État, que les finances publiques reposent sur le principe de sincérité budgétaire. Or, en dépit des annonces, aucune ressource tirée de l’utilisation du spectre hertzien et quasiment aucune ressource immobilière n’ont été perçues en 2009 et en 2010. Un nouveau report de la réalisation de ces recettes exceptionnelles aurait une incidence notable sur le budget de 2011. Nous verrons…
Le débat parlementaire sur les crédits de cette mission a mis en lumière des problématiques qui n’ont pas reçu de réponse satisfaisante.
Ainsi, le projet de partenariat public-privé pour le site de Balard est-il réellement opportun sur le plan financier ? Quelle sera l’incidence financière de la réforme des retraites que vous avez soutenue, monsieur le ministre d’État ? Quelle est l’efficacité financière de la politique d’externalisation conduite ? Le réseau des bases de défense est-il réellement efficient ? Je pourrais multiplier les exemples témoignant que vos orientations manquent de cohérence au regard de la rigueur budgétaire imposée.
Dans leur excellente note de présentation, les rapporteurs spéciaux ont souligné que les moyens financiers seront nettement inférieurs à ceux qui étaient prévus dans le Livre blanc de 2008. En octobre dernier, vous avez même précisé, monsieur le ministre d’État, que l’écart avec les prévisions de la loi de programmation militaire pourrait atteindre 20 milliards d’euros et remettre profondément en cause notre modèle d’armée.
La rareté des ressources financières, même si les impératifs budgétaires ne devraient pas régir les choix stratégiques essentiels, va inéluctablement conduire à des arbitrages sur trois éléments fondamentaux : l’effectif de notre armée, les spécifications des matériels produits et destinés à équiper notre armée pour qu’elle puisse assurer efficacement ses missions, le ciblage de la recherche et du développement sur des technologies adaptées à la nature des conflits futurs.
Il semble acquis que le format prévu pour l’armée française à l’horizon 2020 ne pourra être atteint et que des arbitrages politiques vont être nécessaires, l’ambition étant que la France conserve son statut militaire mondial, condition indispensable pour que nous puissions influer sur les grandes décisions internationales. Les orientations prises par le Gouvernement ne nous éclairent pas sur ses réelles intentions à cet égard.
Avec un Livre blanc et une loi de programmation militaire obsolètes, nous avons vraiment le sentiment de naviguer à vue. Ces deux documents fixaient des objectifs parfois critiquables, mais qui avaient le mérite d’exister. Or, le projet de budget présenté et les suivants en sont déconnectés. Vers quelle défense allons-nous désormais ?
Ce flou est d’autant plus inquiétant que, parallèlement, la construction de l’Europe de la défense est au point mort. Il est incontestable que l’Agence européenne de défense est dans un état végétatif et que la mécanique bureaucratique des coopérations structurées permanentes aboutit, ce qui était prévisible, à une impasse.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Bernard Piras. Certes, les récents accords bilatéraux franco-anglais vont dans le bon sens, mais ils soulignent en creux la défaillance de la construction européenne.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre d’État, que, devant autant d’incertitudes et d’incohérence, nous ne puissions voter le projet de budget que vous nous soumettez.
Pour conclure, j’aimerais vivement connaître, monsieur le ministre d’État, votre position sur la réintégration de la France au sein du commandement militaire de l’OTAN, sur la participation de notre pays au projet américain de bouclier antimissile,…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est dur !
M. Bernard Piras. … sur la poursuite de l’engagement militaire français en Afghanistan,…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est très dur !
M. Bernard Piras. … sur le désarmement atomique de la France. Vos réponses seront particulièrement instructives quant au rôle que vous ambitionnez de jouer au sein du nouveau gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je ne devais pas intervenir ce matin, puisque j’avais prévenu le service de la séance que je renonçais à mon temps de parole. Cependant, mon nom ayant été maintenu sur le dérouleur à la suite d’un malentendu, je ne puis résister au plaisir de dire à M. le ministre d’État Alain Juppé à quel point mes collègues du groupe UMP et moi-même nous réjouissons qu’il prenne la tête du ministère de la défense, si important à nos yeux. Son expérience de Premier ministre, son passage au Quai d’Orsay seront d’une utilité considérable dans le traitement de dossiers essentiels pour notre pays.
Je voudrais évoquer brièvement un sujet qui me tient particulièrement à cœur, parmi tous ceux qui méritent notre attention dans le cadre de cette discussion, celui des réserves.
Avec 22 milliards d’euros, le programme 178 « Préparation et emploi des forces » regroupe près de la moitié des crédits et plus des deux tiers des ressources humaines du ministère. Il concentre toutes les problématiques de la gestion des ressources humaines des armées.
Dans un contexte de restrictions budgétaires sévères, davantage d’attention devrait être portée aux réserves. Elles ont été un peu oubliées dans le Livre blanc. Certes, nous n’avons pas, en France, de tradition comparable à celle des États-Unis et de leur garde nationale. C’est seulement au milieu des années quatre-vingt-dix que la France a commencé à prêter attention à cette question. Encore aujourd’hui, les investissements, dans ce domaine, sont largement insuffisants. Outre les problèmes financiers, des progrès sont à faire dans la définition des missions des réservistes. Je pense notamment à la réserve citoyenne, presque totalement ignorée par le Livre blanc.
La loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense a permis de développer une nouvelle réserve militaire, opérationnelle et citoyenne, complétée par des réserves à caractère civil : les réserves communales de sécurité civile, la réserve sanitaire et la réserve civile de la police nationale. Ces réserves doivent permettre aux pouvoirs publics de prolonger et d’amplifier la capacité de l’État à faire face aux crises, à intervenir et à protéger la population, sur la scène internationale comme sur le territoire national.
Nous avons à l’étranger tout un vivier de compétences et de réseaux qui mériteraient d’être mieux utilisés. Je sais que ce sujet vous est cher, monsieur le ministre d’État ! La réserve citoyenne pourrait permettre aux Françaises et aux Français de l’étranger de mettre bénévolement leur expertise au service de notre rayonnement économique et stratégique, ainsi que d’améliorer notre capacité de réaction en cas de crise.
Un tel développement pourrait aussi s’appuyer sur la refonte des journées d’appel de préparation à la défense. Ces journées citoyennes sont indispensables, mais, malheureusement, dans de très nombreux pays, elles ne sont pas organisées, alors qu’elles constituent pourtant un moyen incontournable de transmettre à des jeunes en grande majorité binationaux, qui souvent n’ont jamais de contact avec la France ou avec l’institution militaire, un certain esprit civique, des messages sur notre pays, sur la nation, sur nos valeurs.
On constate depuis plusieurs années une diminution du budget des réserves, qui entraîne une réduction du nombre d’actions de formation et d’entraînement des réservistes. Les amputations de crédits altèrent la crédibilité de la réserve, devenue variable d’ajustement du ministère.
Dans le cadre des prescriptions du Livre blanc, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a fixé comme objectif de disposer de 40 000 réservistes opérationnels en fin de programmation, à raison de vingt-cinq jours d’activité par an. Pour passer de 35 000 réservistes opérationnels à la fin de 2008 à 40 000 en 2015, une stratégie de montée en puissance est nécessaire : il faudrait recruter 1 600 nouveaux réservistes par an. Malgré de nombreux nouveaux recrutements, l’expansion des réserves est mise à mal par un nombre important de cessations d’activité, pour cause de départ ou de non-renouvellement de contrat.
En 2009, le nombre des réservistes a diminué de 1 800 et on a observé une stagnation du nombre de jours d’activité, qui s’est établi à vingt et un. Un problème de motivation, de compréhension et de valorisation des missions, de « sous-emploi » des réservistes se pose.
En ce qui concerne les dépenses salariales de la réserve opérationnelle, les crédits affectés à la réserve militaire au titre des rémunérations et charges sociales, hors pensions et en incluant la réserve de la gendarmerie, ont atteint, en 2008, 123,16 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2007. En excluant la réserve de la gendarmerie, ce montant ne s’élève plus qu’à 77,01 millions d’euros. Pour 2011, le projet de loi de finances prévoit 88,5 millions d’euros de crédits à ce titre, hors réserve de la gendarmerie. De 2002 à 2008, les dépenses salariales hors pensions et hors réserve de la gendarmerie sont passées de 47 millions à 88 millions d’euros, ce qui correspond à la croissance d’environ 20 000 à 32 000 de l’effectif des réservistes.
Ces réservistes sont un peu démoralisés. Il serait important, monsieur le ministre d’État, que vous vous consacriez aussi à la mise en lumière de leur valeur ajoutée dans notre dispositif de défense nationale.
En tant qu’ancienne élue des Français de Grande-Bretagne, je ne peux que me réjouir de la signature récente de l’accord franco-britannique, que nous avions tant appelée de nos vœux. Il était essentiel d’arrimer la Grande-Bretagne à notre dispositif européen. Bien évidemment, comme chacun des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j’ai des inquiétudes quant à l’avenir de l’Europe de la défense. Je crois toutefois que cet accord, par sa très grande valeur symbolique, pourra peut-être inciter les Allemands à s’engager dans une nouvelle dynamique de défense à l’échelle européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre d’État, je me réjouis moi aussi de votre retour au Gouvernement. Je forme des vœux pour la réussite de votre action à la tête de ce très important ministère régalien.
Pardonnez-moi d’en venir maintenant à des considérations bassement budgétaires (Sourires), mais j’aimerais vous interroger sur un point qui a fait naître un doute dans l’esprit des membres de la commission des finances.
Le Gouvernement nous a transmis récemment un projet de décret d’avance visant à ouvrir un peu plus de 1 milliard d’euros de crédits, dont 930 millions d’euros destinés au paiement des salaires de décembre des agents de l’État. Huit ministères sont concernés par cet ajustement des frais de personnel, dont le vôtre, à hauteur de 231 millions d’euros.
Un certain nombre d’explications nous ont été données. Ainsi, un ajustement de 29 millions d’euros est dû au fait que le décret d’avance de septembre n’a pas permis de financer l’intégralité des surcoûts des OPEX. Le montant demandé s’explique aussi, à hauteur d’une centaine de millions d’euros, par les dérapages du dispositif d’indemnisation du chômage, de la restructuration de la défense, qui a entraîné le versement d’indemnités plus importantes que prévu, et des dépenses liées au traitement du dossier de l’amiante. Cependant, la destination d’une bonne centaine de millions d’euros demeure inexpliquée.
Monsieur le ministre d’État, tout cela nous amène à nous interroger : les prévisions de dépenses de personnel pour 2011 ne souffrent-elles pas de la même sous-estimation ? Les dépenses d’investissement et d’équipement ne sont-elles pas vampirisées par les dépenses de fonctionnement ? J’espère que vous pourrez apaiser nos craintes à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai été très sensible aux paroles aimables que beaucoup d’entre vous ont eues à mon égard. Je suis heureux de retrouver dans cette enceinte nombre de visages familiers, parfois depuis les bancs de l’école !
Je mesure pleinement la lourdeur de la tâche qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. Être à la tête d’une communauté d’hommes et de femmes dont nous connaissons tous ici l’engagement généreux et passionné au service de notre pays et des valeurs de la République est pour moi une grande fierté.
Je voudrais d’ailleurs saluer à mon tour l’extraordinaire capacité d’adaptation et de modernisation des personnels de la défense, qui, depuis 1995, mettent en œuvre les réformes avec un fort sentiment de responsabilité. On dit souvent que la France est incapable de se réformer ; nos armées apportent la démonstration du contraire.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Alain Juppé, ministre d’État. Je suis fier de vous présenter ce projet de budget de la défense, que je n’ai pas préparé mais que j’assume bien entendu totalement.
Ce projet de budget se réfère notamment au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. Il s’inscrit en outre dans un monde en plein changement, qui nous oblige à nous adapter en permanence aux nouvelles menaces et à veiller aux intérêts de notre pays sur la scène internationale.
De ce point de vue, le mois de novembre a connu une actualité diplomatique particulièrement intense, avec le sommet de l’OTAN à Lisbonne, les 19 et 20 novembre, et la signature, le 2 novembre, d’un traité de défense et de sécurité entre la France et le Royaume-Uni.
Le sommet de l’Alliance atlantique de Lisbonne a été, à mon sens, important et positif. La France a obtenu satisfaction dans un grand nombre de domaines, par exemple au travers de l’affirmation d’une volonté de réforme interne de l’OTAN très ambitieuse. Le secrétaire général de l’Alliance s’est ainsi engagé à mener à bien, dans les prochaines années, une restructuration qui aboutira à la baisse de 30 % des effectifs des états-majors de l’Alliance, au passage de quatorze à trois du nombre des agences spécialisées et à la réduction de 60 % du nombre des comités. Je ne ferai offense à personne en disant que l’Alliance est quelque peu bureaucratique ; elle s’est véritablement engagée dans un processus de réforme destiné à améliorer son efficacité, comme le voulaient un certain nombre d’États membres, au premier rang desquels figurait la France.
Ce sommet nous a aussi permis de prendre un nouveau départ dans la relation avec la Russie. Que le Président des États-Unis, le Président de la Russie et le Président de la République française marchent d’un même pas sous le sigle de l’OTAN, vingt ans à peine après la chute du mur de Berlin, a constitué un symbole fort.
Au cours du sommet de Lisbonne ont également été évoquées la situation en Afghanistan – j’en reparlerai –, la défense antimissile et la dissuasion nucléaire.
Je voudrais maintenant répondre aux questions que vous avez bien voulu me poser. Je précise que je ne suis pas là pour justifier mes propres positions, mais pour défendre celles du Gouvernement. J’espère néanmoins que les quelques réflexions suivantes permettront d’éclairer le débat.
Tout d’abord, je n’ai jamais été hostile au retour de la France au sein de la structure militaire intégrée de l’OTAN. Cela est d’autant plus vrai que, en 1995, Jacques Chirac et moi-même avions essayé d’engager ce mouvement, en fixant deux conditions : un meilleur partage des responsabilités, au sein de l’Alliance, entre les Américains et les Européens, d’une part, la réalisation de progrès sur la voie de la mise en place d’une défense européenne digne de ce nom, d’autre part. À cette époque, aucune de ces deux conditions n’avait été satisfaite.
Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Lors du sommet de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998, la Grande-Bretagne a accepté, pour la première fois, l’idée qu’une défense européenne capable de se doter des moyens d’agir de manière autonome n’était pas en contradiction avec l’Alliance atlantique. Par ailleurs, des progrès significatifs ont été accomplis en matière de défense européenne, puisque nous avons su mener dans ce cadre une bonne vingtaine d’opérations extérieures, notamment l’actuelle opération Atalante, placée sous commandement britannique.
Ces progrès ont-ils été confirmés ? Je pense que nous pouvons répondre par l’affirmative.
Ainsi, l’un des deux commandements suprêmes stratégiques de l’Alliance atlantique, le SACT – le commandement suprême allié Transformation, affecté à la transformation de l’Alliance –, dont le siège est à Norfolk, a été confié à un général français, le général Abrial.
M. Didier Boulaud. Qu’en restera-t-il ?
M. Alain Juppé, ministre d’État. La France dispose, en outre, d’autres commandements importants au sein de l’Alliance.
En matière de défense européenne, la situation est plus controversée. Le traité franco-britannique revêt, selon moi, une extrême importance. Sa portée ne se réduit pas à la simple recherche de mutualisations budgétaires dans un contexte de rigueur de part et d’autre du Channel. Il traduit véritablement une volonté d’agir ensemble, y compris en créant une force d’intervention commune. J’ai d’ailleurs noté que ce traité avait été salué par tous les participants du sommet de Lisbonne comme un apport positif non seulement à l’Alliance atlantique, mais aussi à l’Union européenne. Permettra-t-il de favoriser, d’accélérer le processus de renforcement de la défense européenne ? Nous le verrons. En tout cas, je prendrai rapidement des initiatives afin que nous puissions aussi avancer avec d’autres partenaires, par exemple l’Allemagne ou la Pologne dans le cadre de ce que l’on appelle parfois le « triangle de Weimar », sur la voie de la coopération en matière de défense. Cela est absolument indispensable.
En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, sujet que nous approfondirons le 9 décembre prochain, lors du débat d’orientation au Sénat sur la défense antimissile, je rêve bien sûr comme vous, mesdames Demessine et Voynet, d’un monde sans armes nucléaires.
Cependant, si vous vous référez aux déclarations que j’ai faites ces derniers mois, et notamment à l’entretien que j’ai accordé à la Revue de la défense nationale, vous constaterez que ma position n’est pas que la France doit donner l’exemple avant tous les autres pays ! Il existe, sur notre planète, des arsenaux nucléaires considérables. Tant que des progrès nouveaux n’auront pas été accomplis à l’échelle mondiale dans la voie de leur réduction – à cet égard, on a pu voir que la ratification du traité de désarmement START par les États-Unis n’allait pas vraiment de soi ! –, ainsi que de la maîtrise de la prolifération nucléaire, la France ne devra pas baisser la garde.
Je ne puis partager, sur ce point, l’analyse de M. Chevènement : il n’y a pas eu de renoncement français à Lisbonne. Il est écrit noir sur blanc, dans la déclaration finale, que l’Alliance demeurera une alliance nucléaire tant qu’il y aura des armes nucléaires sur la surface de la Terre, que la défense antimissile a pour objet de soutenir et de renforcer la dissuasion – to bolster deterrence – et que notre force de dissuasion nucléaire reste totalement sous souveraineté française.
M. Didier Boulaud. Il ne suffit pas de l’affirmer pour que ce soit vrai !
M. Alain Juppé, ministre d'État. J’ai entendu invoquer les mânes du général de Gaulle. C’est un exercice extrêmement répandu par les temps qui courent,…
M. Didier Boulaud. Surtout à Colombey-les-Deux-Églises !
M. Alain Juppé, ministre d'État. … surtout parmi ceux qui ne furent jamais de ses zélateurs de son vivant ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous nous avez aussi fait le coup avec Mitterrand !
M. Alain Juppé, ministre d'État. Mon propos n’avait rien d’agressif, monsieur le sénateur.
Que dirait le général de Gaulle aujourd’hui ? Je n’en sais trop rien !
En tout état de cause, la Russie a proposé de participer au dispositif de défense antimissile, ce qui a fait dire au Premier ministre que l’on voit peut-être émerger de nouveau le concept d’une défense européenne de l’Atlantique à l’Oural ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.) Je suis donc assez à l’aise sur ce sujet.
À Lisbonne, la France a seulement accepté un financement commun du centre de commandement et de contrôle du bouclier antimissile. La dépense sera certes non négligeable, mais toutefois relativement modérée. Pour le reste, le dispositif sera mis en place sur l’initiative des États membres. Bien entendu, lors du prochain débat sur le bouclier antimissile, je serai à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour approfondir ce sujet.
Pour l’heure, je voudrais maintenant concentrer mon propos sur le projet de budget de la défense pour 2011, année charnière pour nos armées, et essayer de répondre aux questions qui m’ont été posées sur ce thème.
Comme vous le savez, le Livre blanc puis la loi de programmation militaire ont défini une trajectoire de ressources reposant sur une progression des dotations de la mission « Défense » indexée sur l’inflation jusqu’en 2012, dite de « 0 volume », puis de 1 % en volume à compter de 2012.
La dégradation de nos comptes publics issue de la crise économique et financière a imposé, au printemps dernier, un effort de redressement, auquel la défense a contribué en réduisant les annuités 2011 à 2013 pour un montant cumulé de 3,6 milliards d’euros, soit 3,7 % des 95 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire.
La défense demeure néanmoins une priorité de l’État. Ses crédits budgétaires augmenteront de 3 % entre 2011 et 2013, alors que l’ensemble des dépenses de l’État sera stable sur cette période et que de nombreux ministères verront leurs crédits baisser.
Nos partenaires étrangers ont vécu les mêmes événements et ont pris des décisions comparables, quoique souvent plus rigoureuses. Ainsi, le Royaume-Uni et l’Allemagne prévoient de baisser leur budget de défense respectivement de 8 % et de 14 % entre 2010 et 2014. Certes, comparaison n’est pas raison, mais tous les pays doivent faire face aux mêmes contraintes.
À ces crédits budgétaires s’ajouteront des recettes exceptionnelles, pour un montant total de 3,3 milliards d'euros pour les années 2011 à 2013, supérieur d’environ 2,3 milliards d’euros au montant initialement prévu dans la loi de programmation militaire pour cette même période.
La perte de recette nette cumulée pour ces trois années n’est donc que de 1,3 milliard d’euros, sur un total programmé de 96 milliards d’euros, soit une « encoche » légèrement supérieure à 1 %.
Si l’on s’attache à la seule année 2011, on constate que nous bénéficierons de 30,15 milliards d’euros de crédits budgétaires, auxquels s’ajouteront 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles, soit un total très voisin de celui qui est prévu dans la loi de programmation militaire. Comme plusieurs orateurs l’ont relevé, nous sommes donc bien dans l’épaisseur du trait.
Je ne partage pas les craintes formulées par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement pour 2011, qui semble tout à a fait à la portée de notre économie, sauf catastrophe par définition imprévisible.
Le milliard d’euros de recettes exceptionnelles pour 2011 se décompose en 150 millions d’euros de produits de cessions immobilières et 850 millions d’euros de produits de cessions de fréquences, englobant le produit de la cession d’usufruit des satellites de télécommunication, dont le cahier des charges vient d’être envoyé aux deux candidats retenus, et un premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN, dont 1’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, a désormais fixé le calendrier, avec une conclusion prévue en juillet 2011.
S’agissant des produits de cessions immobilières, monsieur Boulaud, je vous accorde que le montant prévu est très inférieur à celui de 2010, qui reposait sur un projet de cession groupée de l’immobilier parisien. Votre scepticisme était légitime, puisque ce projet n’a pas été réalisé.
Au total, nous sommes très proches du scénario de la loi de programmation militaire. Cela nous laisse donc un peu de temps pour appliquer les mesures d’économies, essentiellement prévues pour 2012 et 2013.
M. Didier Boulaud. Après les élections !
M. Alain Juppé, ministre d'État. Le vote des budgets de 2012 et de 2013 interviendra avant les élections, monsieur le sénateur ! En l’occurrence, c’est le calendrier budgétaire qui importe.
La loi de programmation militaire est essentiellement consacrée au développement des équipements. Nous visons toujours un objectif de 17 milliards d’euros par an en moyenne consacrés à l’agrégat « équipement » sur la période 2009-2014, contre 15 milliards d’euros par an pour la précédente LPM.
En 2009, nous avons consommé 18 milliards d’euros à ce titre. Notre objectif pour 2010 est de 17 milliards d’euros, même s’il sera sans doute difficile à tenir à cause des retards de paiement liés à la mise en place du logiciel Chorus et des moins-values de recettes exceptionnelles prévisibles pour cette année. Enfin, nous prévoyons de consacrer à l’agrégat « équipement » 16 milliards d’euros en 2011, 16,8 milliards d’euros en 2012 et 17,4 milliards d'euros en 2013.
Je voudrais souligner les progrès considérables réalisés depuis 2008 en matière de financement des OPEX. Celui-ci repose non plus sur des ponctions sur les crédits d’équipement – la « cannibalisation » qu’ont évoquée certains orateurs –, mais sur des crédits budgétaires. En 2011, nous continuerons à augmenter la provision pour OPEX, qui s’élèvera à 630 millions d’euros, contre 570 millions d’euros en 2010. Si les surcoûts liés aux OPEX sont stabilisés, en 2011, à leur niveau de cette année, soit 870 millions d’euros, la dépense sera financée à plus de 70% en loi de finances initiale. Comme en 2009 et en 2010, le solde sera financé sur la réserve de précaution interministérielle. Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que le projet de loi de finances rectificative pour 2010 procède aux ouvertures de crédits nécessaires, à hauteur de 247 millions d’euros.
Je voudrais maintenant répondre aux questions posées par de nombreux intervenants sur l’évolution du théâtre afghan. Certains ont parlé de « piège », et il est vrai que la situation est extraordinairement difficile.
Il n’est pas dans notre intérêt que l’Afghanistan reste ou devienne chaque jour davantage un foyer de terrorisme intégriste. Par conséquent, nous défendons nos intérêts en intervenant dans ce pays, qui est l’une des bases principales de cette forme de terrorisme, mais également des valeurs, comme l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous sommes présents en Afghanistan à la demande d’un gouvernement qui est issu d’élections démocratiques, même si leur transparence peut être discutée, et qui promeut lui aussi de telles valeurs.
Je ne partage pas le pessimisme de ceux d’entre vous qui estiment que la situation ne cesse de se dégrader. Lors du sommet de Lisbonne, le général Petraeus a affirmé que l’on constate des progrès, notamment en matière de sécurité. Le Président Karzaï a lui-même fait remarquer que Kaboul compte parmi les zones urbaines les plus sûres de la région,…
Mme Michelle Demessine. C’est quand même un camp retranché !
M. Alain Juppé, ministre d'État. … même si d’énormes difficultés subsistent dans d’autres territoires afghans.
Des progrès sont également accomplis grâce à l’aide au développement. En Afghanistan, on construit des routes, des écoles, des hôpitaux.
On relève même une progression sur la voie de la réconciliation, nous a confié le Président Karzaï, grâce à la récente mise en place d’un conseil de la paix.
Mme Michelle Demessine. Il a été démocratiquement élu ?
M. Didier Boulaud. Que valent les paroles de M. Karzaï ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Il est le Président de l’Afghanistan, et nous travaillons avec lui !
En 2011 doit commencer la transition, c’est-à-dire non pas un retrait immédiat et massif de la Force internationale d’assistance à la sécurité, mais un transfert de la responsabilité du maintien de la sécurité aux troupes afghanes, dont la formation a fait l’objet d’un effort considérable. Dans ce domaine, la France est particulièrement performante. Le concours de nos formateurs est très apprécié, comme me l’a confirmé le général Petraeus dimanche dernier.
Dans l’une des zones que la France sécurise, le district de Surobi, nous avons marqué des points, ce qui nous permettra vraisemblablement de redéployer, selon un calendrier à déterminer, notre dispositif militaire sur le reste de la région de la Kapisa, où de nombreux problèmes de sécurité subsistent.
Tel est le processus qui a été engagé. Je ne pense donc pas que l’on puisse dire qu’aucune stratégie n’est suivie en Afghanistan : même si les choses ne sont pas faciles, des objectifs précis ont été définis. L’échéance a été fixée à 2014, cependant il ne s’agit pas de « couper les ponts » à cette date. L’établissement d’un partenariat de longue durée entre l’Afghanistan et l’OTAN sera nécessaire pour stabiliser le pays.
Je voudrais exprimer la reconnaissance de la nation à nos soldats présents en Afghanistan, qui font preuve d’un courage admirable. (Applaudissements.)
Avant-hier, je me suis rendu à l’hôpital militaire Percy, au chevet de soldats blessés. Ces jeunes hommes, dont certains ont été très gravement touchés, m’ont impressionné et ému. Ils font honneur à la France.
À ce propos, je remercie M. Trucy d’avoir souligné les efforts déployés par le service de santé des armées sur les différents théâtres d’opérations pour assurer des soins de très grande qualité dans des conditions fort difficiles.
Sur le terrain, et au-delà des seules OPEX, nous percevons aussi très concrètement les effets des livraisons de matériels majeurs. Je ne reprendrai pas l’énumération des matériels commandés et livrés, afin de m’attacher à répondre à vos questions.
MM. Pintat et Gautier, notamment, ont évoqué les drones MALE, sujet qu’ils suivent avec assiduité depuis plusieurs mois. Je convoquerai très prochainement un comité ministériel d’investissement, afin d’instruire une décision entre la prolongation du système actuel Harfang ou l’achat d’un système américain de type Predator.
Monsieur Reiner, il est exact que la rénovation des Mirage 2000-D se trouve retardée par l’accélération des livraisons de Rafale, elle-même provoquée par le report de la signature de certains contrats à l’exportation. Toutefois, cette rénovation n’est en aucun cas annulée. Le format de l’aviation de combat fait l’objet d’un suivi tout particulier. Je rappelle que nous prévoyons la livraison de 203 Rafale à l’horizon 2020, 93 appareils ayant déjà été livrés.
S’agissant du lance-roquettes unitaire, évoqué par M. Chevènement, il est effectivement envisagé de retarder les livraisons, mais j’étudierai ce dossier dans le cadre des travaux préparatoires du prochain conseil de défense et de sécurité nationale.
Nous assumons aussi la préparation de l’avenir à moyen terme, comme le montre le maintien des flux d’études amont à un volume de 700 millions d’euros par an. Je remercie M. Boulaud d’avoir reconnu cet effort, qui sera complété, pour un montant de 2 milliards d'euros, par des crédits du grand emprunt, sujet qui m’est particulièrement cher, au titre de la recherche duale portant sur les lanceurs, l’avion et l’hélicoptère du futur.
Ce souci de préparer l’avenir se manifeste également au travers des programmes spatiaux, avec le lancement de la réalisation du projet MUSIS et la commande de deux satellites optiques, afin d’assurer la continuité au terme de la vie du satellite Hélios 2B, lancé l’année dernière. Le décalage envisagé du lancement du satellite d’écoute électromagnétique CERES ne conduit pas, à proprement parler, à un « trou capacitaire », monsieur Pintat, dans la mesure où nous ne disposons pas actuellement de ce type d’équipement, les démonstrateurs permettant justement de préparer l’acquisition du système définitif.
La modernisation des forces terrestres avec le programme Scorpion, dont le contrat d’architecture vient d’être notifié, nous permettra d’optimiser les choix techniques en vue des livraisons des futurs équipements, notamment des véhicules blindés multirôles, ou VBMR, qui remplaceront les actuels véhicules de l’avant blindé, ou VAB.
Cet effort récent d’équipement sans précédent ne peut se faire que grâce aux économies dégagées sur le reste des dépenses et à la bonne exécution de la réforme du ministère.
Nous poursuivons notre politique de maîtrise de la masse salariale grâce aux réductions d’effectifs. Nous prévoyons ainsi de réduire la masse salariale de l’ordre de 200 millions à 250 millions d’euros par an sur les années 2011 à 2013.
Messieurs Charles Guené et Jean-Pierre Masseret, je vous rassure, il n’y a pas de cannibalisation des dépenses d’équipement au profit du fonctionnement et de la masse salariale. C’est bien le phénomène inverse que nous recherchons.
M. Jean Arthuis a fait part de son questionnement sur les ouvertures de crédits demandées dans le décret d’avances qui est soumis à votre commission des finances, à hauteur de 200 millions d’euros, hors opérations extérieures, ou OPEX.
L’analyse précise de ce dépassement et de ce déficit de masse salariale fait apparaître qu’un certain nombre de facteurs sont difficilement maîtrisables par notre ministère. Je pense, en particulier, à tout ce qui concerne l’augmentation de l’indemnisation du chômage des anciens militaires, soit 44 millions d’euros, et au coût de la réintégration dans l’OTAN, soit une vingtaine de millions d’euros.
M. Didier Boulaud. Ce n’est que le début !
M. Alain Juppé, ministre d'État. Ce n’est pas le chiffre qui a été avancé par beaucoup d’entre vous !
Je pense également à la part du point de la fonction publique non budgété, pour 14 millions d’euros, ainsi qu’à l’accompagnement des restructurations, pour une quarantaine de millions d’euros, qui avait sans doute été sous-estimé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela était prévisible !
M. Alain Juppé, ministre d'État. On m’indique également une augmentation des indemnités opérationnelles et des effets de structure, pour 60 millions d’euros.
Je vous communiquerai, monsieur le président de la commission, l’ensemble de ces chiffres de façon très précise, si vous le souhaitez. En tout cas, on ne saurait parler de dérapage des enveloppes catégorielles de notre ministère.
Monsieur Dulait, vous êtes très sensible à la fidélisation des contractuels de l’armée de terre. Je veux vous préciser que nous avons prévu deux dispositifs pour améliorer cette fidélisation : d’une part, la création de centres de formation initiale des nouveaux personnels recrutés, pour mieux les intégrer dans le dispositif de la défense nationale, et, d’autre part, la création d’une prime d’engagement, prévue dans le projet de loi de finances pour 2011.
M. Jean-Louis Carrère se souciait des capacités d’entraînement. Or, les 105 jours qu’il a évoqués, au lieu des 120 jours initialement prévus, correspondent très exactement à ce qui a été réalisé en 2010. Il n’y a donc pas de régression par rapport au niveau d’entraînement actuel.
Je rappelle, par ailleurs, que l’ampleur de la réforme que nous menons impose un effort considérable d’adaptation de l’ensemble du personnel civil et militaire du ministère, qui bénéficie de la moitié des économies générées par les suppressions d’emplois, conformément à la règle générale applicable à l’ensemble des ministères.
Nous maîtrisons également nos dépenses de fonctionnement à un niveau de 3,5 milliards d’euros par an, alors que nous subissons des tendances inflationnistes dans ce domaine, ne serait-ce que celles des carburants ou de la politique tarifaire de la SNCF, qui nous coûte cher. Cette stabilisation en valeur passe donc par une réduction de 10 % en trois ans de nos autres dépenses de fonctionnement, comparables à celles des autres ministères, grâce notamment à notre politique d’achats.
Nous allons devoir œuvrer dans un paysage complètement nouveau, avec la généralisation des bases de défense au niveau local et avec la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional.
Le personnel du ministère est donc soumis à de fortes tensions, mais je sais pouvoir compter sur son professionnalisme et sa réactivité.
Nous faisons le maximum pour l’accompagnement social des restructurations, que ce soit au titre des aides aux départs ou des aides à la mobilité. Le plan d’accompagnement des restructurations, ou PAR, s’élèvera ainsi à 238 millions d’euros pour 2011, dont 58 millions d’euros de mesures nouvelles.
L’année 2011 sera celle de la signature du contrat de partenariat pour le regroupement des états-majors et de l’administration centrale à Balard, sujet sur lequel j’ai fait une communication lors du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le 17 novembre dernier.
Je veux rassurer ceux qui s’inquiétaient de la bonne fin de ce projet : le dialogue compétitif est en cours et les offres définitives devraient nous être soumises au mois de janvier, pour permettre un choix entre les différents groupements qui sont en concurrence.
Ce projet nous permettra de gagner environ 2 000 postes au titre des rationalisations fonctionnelles et de l’externalisation du soutien. Il nous permettra aussi de bénéficier du produit de cession des emprises actuelles, pour l’essentiel désormais programmé sur l’année 2013, pour un montant compris entre 600 millions et 700 millions d’euros.
Un montant de 900 millions d’euros d’autorisations d’engagement est inscrit à ce titre dans le projet de loi de finances, afin d’autoriser la signature du contrat de réalisation de l’opération Balard au printemps 2011.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, quelques éléments de réponse. Je n’ai sans doute pas été exhaustif, mais vous mettrez cela sur le compte de mon apprentissage de ce dossier que je découvre ! (Sourires.)
Aujourd’hui, nous parlons de l’année 2011. Vous serez sans doute frustrés que je n’aie pas parlé de 2012, 2013 et 2014. J’ai parfaitement conscience de la difficulté de ces échéances. Mais à chaque jour suffit sa peine !
Je remercie les différents orateurs de leurs interventions et la majorité sénatoriale de son soutien. Les échéances que j’ai rappelées tout à l’heure seront difficiles. Je compte mettre toute mon énergie pour faire en sorte que la défense de la France puisse disposer des moyens dont elle a besoin pour défendre nos intérêts et nos valeurs.
J’espère pouvoir compter sur la majorité sénatoriale et, pourquoi pas, sur un peu plus que la majorité sénatoriale, pour défendre ces intérêts ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
41 972 716 003 |
37 409 084 457 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 840 908 887 |
1 791 538 672 |
Dont titre 2 |
569 087 651 |
569 087 651 |
Préparation et emploi des forces |
22 564 157 301 |
21 891 432 096 |
Dont titre 2 |
15 491 300 987 |
15 491 300 987 |
Soutien de la politique de la défense |
4 373 996 923 |
3 014 060 180 |
Dont titre 2 |
1 031 717 235 |
1 031 717 235 |
Équipement des forces |
13 193 652 892 |
10 712 053 509 |
Dont titre 2 |
1 869 692 673 |
1 869 692 673 |
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense ».
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 69 et l’amendement portant article additionnel après l’article 69, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».
Défense
Article 69
I. – Au titre II du livre II de la cinquième partie du code de la défense, il est inséré un chapitre unique intitulé : « Responsabilité des trésoriers militaires » et comprenant un article L. 5521-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5221-1. – I. – Le trésorier et le sous-trésorier militaires sont personnellement et pécuniairement responsables :
« 1° De l’encaissement des recettes qui leur incombent et du décaissement des dépenses dont ils ont la charge ;
« 2° De la garde et de la conservation des fonds et valeurs qui leur sont confiés, du maniement des fonds et des mouvements de compte de disponibilité ;
« 3° De la tenue de la comptabilité des opérations, de la conservation des pièces justificatives ainsi que des documents de comptabilité.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
II. – L’article 127 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est abrogé. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 69
M. le président. L'amendement n° II-169, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 69, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2011, les dispositions de l'article L. 83 du code des pensions civiles et militaires de retraite bénéficiant aux marins-pompiers de Marseille ayant fait valider leurs droits à la retraite à compter du 13 août 2004 s'appliquent également aux marins-pompiers de Marseille ayant fait valider leurs droits à retraite avant cette même date, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État. En 2004, le Gouvernement a étendu aux marins-pompiers de Marseille le bénéfice du supplément de pension déjà en vigueur pour les sapeurs-pompiers de Paris et les pompiers civils.
Le décret d’application de 2005 limite toutefois cette mesure aux pensions de retraite liquidées à compter du 14 août 2004, date d’entrée en vigueur de la loi. Depuis 2009, la représentation nationale a déposé et adopté des amendements relatifs à la situation des marins-pompiers de Marseille.
Vous souhaitiez mettre fin à l’iniquité de la situation, non seulement entre les sapeurs-pompiers de Paris et ceux de Marseille, mais aussi entre les marins-pompiers de Marseille, selon leur date de départ à la retraite.
L’amendement que le Gouvernement propose vise à mettre fin à cette situation, en étendant le bénéfice du supplément de pension aux marins-pompiers ayant pris leur retraite avant le 14 août 2004. Pour cela, l’amendement que je vous soumets tend à modifier les dispositions de l’article L. 83 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. Les nuits portent toujours conseil, et c’est probablement ce qui explique que l’amendement du Gouvernement nous soit parvenu au petit matin. (Sourires.)
Cet amendement n’a donc pu être soumis à la commission des finances. C’est pourquoi seul l’avis des rapporteurs sera exprimé, soit un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. M. Jean-Noël Guérini, notre collègue des Bouches-du-Rhône, est intervenu pour nous expliquer tout le bien qu’il pensait de cette disposition.
En conséquence, le groupe socialiste s’associera au vote de cet amendement. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Gautier. C’est un premier pas !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. J’avais le souci, comme l’a dit M. Daniel Reiner, et je l’en remercie, que le traitement des marins-pompiers et celui des marins professionnels civils soient cohérents.
Je me réjouis que le Gouvernement ait présenté cet amendement, que je voterai avec une très grande satisfaction.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-169.
(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 69.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 26 novembre 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-93 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
6
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 26 novembre 2010, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-69 QPC, 2010-66 QPC, 2010-70 QPC et 2010-71 QPC).
Acte est donné de ces communications.
7
Retrait de l’ordre du jour d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question n° 1063 de M. Roland du Luart est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 30 novembre, à la demande de son auteur.
8
Loi de finances pour 2011
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 68 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, cette mission connaît une singulière particularité cette année.
En effet, entre le passage de ce texte devant l’Assemblée nationale et sa discussion au Sénat est intervenue la disparition du poste de secrétaire d’État aux anciens combattants. Je ne doute pas, monsieur le ministre d’État, de votre souci de remplir pleinement votre fonction, mais déjà, dans les commentaires, la seconde partie de l’intitulé de votre fonction s’efface dangereusement.
Ce choix politique, que le monde combattant a largement commenté, ne doit pas impliquer un recul de la considération qu’il nous faut marquer à ce budget et aux actions de reconnaissance et de mémoire qu’il porte. Nous y serons attentifs.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » poursuit en 2011 les réformes engagées depuis plusieurs années. La première, dans le cadre de la une révision générale des politiques publiques, concerne la suppression de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS. Elle sera totalement réalisée au 31 décembre 2011. La seconde vise à rationaliser la direction du service national, qui porte l’essentiel de l’appui à la « Journée défense et citoyenneté », la JDC.
D’un point de vue budgétaire, cette mission connaît une contraction de 3,3 % en 2011, contre 1,1 % en 2010. Ses crédits de paiement sont donc de 3,32 milliards d’euros. Cette baisse provient, pour l’essentiel, de la diminution de la population des ayants droit. En effet, le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d’invalidité, la PMI, chute en 2011 de 16 000 unités, tout comme celui des bénéficiaires de la retraite du combattant, qui sont 60 000 de moins.
Les réformes engagées par votre ministère ont principalement des effets sur le plafond d’emploi, qui poursuit une baisse proportionnellement supérieure à celle des crédits de la mission. Les dépenses de personnel passent, en effet, de 152,7 millions d’euros à 116 millions d’euros en 2011, soit une chute de 24 %, ce qui se traduit par la suppression nette hors transferts de 373 emplois.
Les trois programmes qui composent cette mission interministérielle connaissent des évolutions budgétaires divergentes.
Les crédits du programme 167, Liens entre la nation et son armée, baissent de 13,6 % en crédits de paiement, ce qui s’explique essentiellement par la poursuite de la réforme de la direction du service national, la DSN.
Je note, en outre, plus de cohérence dans ce programme avec le transfert au sein de son action 2, Politique de mémoire, des dotations de l’action 4 du programme 169, Entretien des lieux de mémoire. Ce mouvement se traduit budgétairement par une augmentation des crédits de l’action de 1,4 million d’euros. Je resterai attentif au respect de cet objectif de rénovation globale des nécropoles militaires pour le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Le programme 169, pour sa part, suit la même pente que l’ensemble de la mission, puisqu’il est la plus importante composante de ce budget. Il est marqué par la baisse de la population des anciens combattants, qui se répercute sur sa principale action, Administration de la dette viagère, dont les crédits baissent de 85 millions d’euros.
On remarque également, de façon logique, que les crédits alloués à l’ONAC, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, appelé à jouer son rôle de guichet unique, augmentent.
Je veux rappeler qu’une difficulté pour la délivrance de la carte du combattant, essentielle à l’octroi de nombreuses prestations, est apparue en 2010. En effet, des retards de traitement sont à déplorer en raison d’une nouvelle application informatique et du stock accumulé de demandes, qui est dû lui-même à la disparition des commissions départementales d’attribution. Monsieur le ministre d’État, les services de votre prédécesseur avaient évoqué la possibilité d’une mission rapide pour résoudre ce problème. Nous souhaiterions avoir un engagement de votre part sur ce point.
À ce stade, il nous faut rappeler que les riches débats intervenus sur les bancs de l’Assemblée nationale le 10 novembre dernier ont abouti à l’adoption, contre l’avis du Gouvernement, de plusieurs amendements, dont l’un tendait à revaloriser de deux points l’indice PMI applicable à la retraite du combattant, qui aurait ainsi été porté à 45 points en 2011.
Au cours d’une seconde délibération où la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » fut de nombreuses fois évoquée, le Gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de revenir sur la plupart de ses votes concernant ces crédits. Le ministre du budget avait alors annoncé qu’il déposait un nouvel amendement visant à porter l’indice à 44 points en 2011, pour une mesure applicable au 1er juillet prochain.
Une erreur de procédure ne l’a pas permis. Le dépôt de l’amendement n° II-170 du Gouvernement, sur lequel nous émettrons un avis favorable, vise à la corriger.
Au final, les modifications retenues par l’Assemblée nationale se limitent à une modification de crédits de 250 000 euros en faveur de la revalorisation de la pension de réversion pour les conjoints survivants des plus grands invalides. Notre commission des finances s’est déclarée favorable à cette mesure et à l’article additionnel 68 ter qui en découle.
Monsieur le ministre d’État, je tiens toutefois à attirer votre attention sur un point : il est nécessaire que la prise en considération du grade des pensionnés ne puisse conduire à exclure du dispositif certains conjoints survivants.
Le programme 158, le dernier de cette mission, relève de la compétence des services du Premier ministre. Il porte sur « l’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ». Sa dotation augmente fortement – de plus de 18 millions d’euros, soit une hausse de près de 19 % –, en raison de l’aboutissement, qu’il est toujours difficile de prévoir, de dossiers d’indemnisation.
À ce titre, le prochain collectif budgétaire laisse entrevoir une demande d’abondement de plus de 13 millions d’euros pour ce programme en 2010. Il n’en demeure pas moins, malgré la difficulté de la tâche, que nous ne pouvons nous satisfaire de prévisions aussi floues.
Monsieur le ministre d’État, nous désirerions que vous puissiez, à l’occasion de ce débat, faire un point devant la représentation nationale sur un sujet sensible : le décret unique sur la situation des orphelins de guerre, qui avait été annoncé pour la fin de l’année.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission et l’article additionnel sans modifications – sous réserve de celles que le Gouvernement pourrait apporter.
À ce stade du débat, et pour conclure, je souhaite préciser que mon intervention et celles qui suivront lors de l’examen des amendements déposés se situent dans le cadre de ma fonction de rapporteur spécial de notre commission des finances. Par souci de cohérence, je ne m’exprimerai pas dans la discussion générale, mais serai bien entendu solidaire de mes collègues Gisèle Printz et Ronan Kerdraon, qui interviendront au nom de mon groupe. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je souhaite vous faire part de l’avis de notre commission des affaires sociales sur l’effort que renouvelle l’État, chaque année, en faveur de nos anciens combattants ; pour le détail des actions menées, je me permettrai de vous renvoyer au rapport écrit présenté au nom de la commission des affaires sociales.
Notre sentiment est d’abord celui d’une juste reconnaissance des sacrifices consentis par nos anciens combattants pour défendre la patrie et nos valeurs communes. Les 3,7 milliards d’euros mobilisés à leur profit, dont 430 millions d’euros au titre des dépenses fiscales, permettront cette année, tout d'abord, de financer les revalorisations successives de la retraite du combattant. Celles-ci, qui ont été mises en œuvre depuis 2006, ont permis de porter l’indice concerné de 33 à 43 points et de majorer le montant de la retraite de 36,9 %.
Ces crédits permettront également d’abonder l’enveloppe consacrée aux pensions d’invalidité, pour répondre aux hausses de la valeur du point en application du fameux « rapport constant » établi entre les pensions et les rémunérations publiques ; de maintenir les déductions et exonérations d’impôt diverses dont bénéficient les anciens combattants ou leurs veuves et dont je rappellerai qu’elles sont épargnées par le « coup de rabot fiscal » ; enfin, d’assurer l’indemnisation, pour laquelle la dépense progressera, l’an prochain, de 18,7 %, des victimes de spoliation et des orphelins de victimes de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
J’ajoute que l’année 2011 sera aussi marquée par la mise en œuvre de trois mesures d’équité particulièrement bienvenues.
Il s'agit, tout d'abord, de la décristallisation intégrale des pensions servies aux anciens combattants de l’ex-empire colonial français. Les réformes de 2002 et 2007 avaient laissé subsister des différences de traitement, en excluant, en particulier, les pensions civiles et militaires de retraite. Désormais, toutes les prestations seront concernées, sans considération de lieu de résidence actuel ou passé, ni de nationalité.
Monsieur le ministre d’État, je souhaite seulement recevoir l’assurance que l’alignement des indices, qui nécessite le dépôt d’un dossier dans les trois ans, fera l’objet d’une campagne d’information auprès des intéressés, afin que ceux-ci puissent faire valoir leurs droits.
Une autre mesure nouvelle à venir est l’adaptation des critères d’octroi de la carte du combattant aux militaires ayant participé aux OPEX, les opérations extérieures, car le monde combattant n’appartient pas qu’au passé. Je regrette simplement qu’il n’ait pas été possible de mettre en œuvre, dès cette année, l’extension, sur laquelle votre prédécesseur, monsieur le ministre d’État, avait annoncé travailler l’an dernier, de l’attribution de cette carte pour les soldats présents en Afrique du Nord après le 2 juillet 1962. Cette mesure est, à mon sens, prioritaire.
Enfin, il s'agit de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Les premières demandes devraient être mises au paiement avant la fin de cette année, et le dispositif, qui est nouveau, atteindra son régime de croisière l’an prochain.
M. Guy Fischer. Enfin !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. La mission prend également toute sa part à la rationalisation engagée par la RGPP : le contrôle budgétaire que mon collègue Jean-Marc Todeschini et moi-même avons conduit cette année montre que la réforme administrative du ministère, avec la suppression de la DSPRS et les transferts d’activité correspondants, notamment vers l’ONAC, se déroulent dans de bonnes conditions, en dépit d’un retard, que j’espère transitoire, pour l’attribution des cartes.
Toutefois, deux points préoccupent encore notre commission.
Premièrement, je souhaite revenir sur la campagne double, accordée par décret en juillet dernier aux anciens combattants d’Afrique du Nord, comme ce fut le cas, hier, pour leurs prédécesseurs. Si certains jugent l’application de cette mesure restrictive, nous sommes surtout choqués par l’iniquité qui subsiste : là où les agents de statut public peuvent comptabiliser trois fois leur durée de services militaires accomplis en temps de guerre pour le calcul de la retraite, les anciens combattants du secteur privé n’ont droit à aucune bonification, bien qu’ils aient souvent été plus exposés aux risques et que leurs conditions de retour à la vie civile aient été bien plus précaires ! Répondre qu’il n’existe pas de bénéfice de campagne dans le régime général ne suffit pas.
Deuxièmement, le sort des veuves fait l’objet, cette année encore, d’une mesure ponctuelle adoptée à l’initiative des députés, mais pour laquelle nous ne disposons d’aucune vision d’ensemble. Or un tel exercice permettrait de nous assurer de la prise en charge équitable de toutes les situations et de vérifier que la priorité est bien accordée aux veuves les plus démunies. J’espère que le rapport demandé l’an dernier et attendu pour le 31 décembre prochain nous éclairera sur ce point.
J’en profite pour m’étonner de la situation paradoxale des anciens combattants aux revenus les plus modestes, qui ne disposent pas, contrairement aux conjoints survivants avec l’allocation différentielle, d’une garantie minimale de ressources. Je demanderai donc au Gouvernement de préciser ses intentions en la matière, sur la base de l’étude que mène actuellement l’ONAC.
C’est d’ailleurs le même souci de justice sociale qui, chaque année, nous conduit à nous opposer au relèvement du plafond de la rente mutualiste : aujourd’hui, seuls 20 % des anciens combattants atteignent ce seuil et ceux qui n’ont pas les moyens de cotiser sont exclus du dispositif.
Je conclurai mon intervention par les deux sujets qui fâchent.
Tout d’abord, s’agissant de la retraite des anciens combattants, j’ai déjà salué la dynamique vertueuse engagée depuis 2006 et j’invite mes collègues, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, à en prendre la mesure, même si les montants par pensionné peuvent sembler modestes.
Toutefois, aucune majoration nouvelle ne figure dans le budget pour le moment. Or une telle pause serait un très mauvais signe à l’adresse du monde combattant et compromettrait le respect de l’engagement présidentiel visant à porter l’indice à 48 points d’ici à 2012. À cet égard, j’ai donc bien noté l’intention du Gouvernement – elle a été annoncée après une discussion budgétaire mouvementée à l’Assemblée nationale – de proposer une nouvelle hausse d’un point au 1er juillet 2011, et je m’en réjouis.
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous confirmer cette annonce et nous préciser le calendrier envisagé pour atteindre l’indice de 48 points ?
Le second sujet de tension est celui de la suppression d’un département ministériel spécifiquement dédié au monde combattant. Les anciens combattants devraient sans doute se satisfaire d’avoir un ministre d’État – j’espère qu’ils verront en M. Juppé un atout pour la défense de leurs intérêts – plutôt qu’un secrétaire d’État. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
Pour ceux qui s’inquiéteraient du manque d’attention que vous pourriez leur accorder, monsieur le ministre d’État,…
M. Guy Fischer. Nous serons vigilants !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. … le geste à venir sur la retraite du combattant sera certainement de nature à apaiser leurs craintes !
Dans l’attente de l’application d’une telle disposition, la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable au vote des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Au nom des membres de la Haute Assemblée, je me réjouis de voir que M. Josselin de Rohan nous a rejoints dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Enfin, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que, comme les collègues qui m’ont précédée, j’ouvre mon intervention en regrettant l’absence d’un secrétariat d’État aux anciens combattants au sein du nouveau Gouvernement. Cette annonce a en effet été très mal perçue par le monde combattant.
Je suis très attachée au monde combattant parce que, d’une part, mon mari présidait les associations départementales de l’Orne en qualité d’ancien combattant d’Indochine et, d’autre part, en tant qu’élue de Normandie, où se situe la Poche de Chambois, haut lieu de la bataille de Normandie, et habitant à quelques kilomètres de Fleuré, où le général Leclerc avait établi son quartier général, j’ai l’habitude de côtoyer le monde combattant, et ce pas uniquement le 6 juin lorsque le président américain vient se recueillir au cimetière américain de Colleville-sur-Mer.
Je voudrais évoquer deux sujets qui me tiennent à cœur.
Le premier concerne le classement des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est un projet que nous nourrissons avec le président de la région Basse-Normandie, Laurent Beauvais, et qui est également soutenu par Jean-François Le Grand, président du conseil général de la Manche, et par Jean-Léonce Dupont, premier vice-président du conseil général du Calvados et par ailleurs sénateur. Un tel projet me paraît très important pour le devoir de mémoire.
À ce propos, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais que vous puissiez vous libérer le 21 août 2011 pour venir assister aux manifestations qui se déroulent au cimetière canadien de Cintheaux, dans le Calvados. Je connais vos liens avec le Canada et il me semblerait important qu’un ministre de plein exercice, qui plus est ministre d’État, participe à ces cérémonies.
L’ambassadeur du Canada, Son Excellence M. Marc Lortie, serait sûrement très heureux qu’un officiel français de votre rang participe aux célébrations et porte attention aux quelque 6 000 jeunes Canadiens qui sont venus mourir sur les plages de Normandie pour notre libération.
Le deuxième point de mon intervention porte sur le devoir de mémoire.
Je voudrais d’abord saluer le Souvenir français qui, dans mon département, comme dans tous les autres, je présume, accomplit un travail remarquable. Il s’agit notamment de la formation de jeunes porte-drapeaux dont la présence est efficace lors des manifestations.
Le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, souhaiterait que soit érigé un monument en hommage aux soldats musulmans morts pour la France. Il m’a fait part de ce projet lors des manifestations commémoratives de la libération de Paris cette année. Alors que notre société connaît certaines tensions et traverse une crise d’identité dans le rapport qu’elle entretient avec une période troublée de son histoire, une telle entreprise pourrait constituer un signe de reconnaissance de la Nation pour ces soldats. Le recteur Boubakeur est extrêmement attaché à cette idée et je pense que nous pourrions y travailler, un tel monument n’existant pas encore.
Enfin, j’ai une requête spéciale à vous adresser, monsieur le ministre d’État : il faut absolument que votre administration veille au bon déroulement des manifestations patriotiques.
En effet, j’assiste très régulièrement à ce type de cérémonies et je puis vous assurer que les surprises, souvent mauvaises, sont nombreuses ; on oublie même parfois de chanter La Marseillaise, devant des sous-préfets totalement impuissants. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Je ne parle pas des discours et poèmes devant les monuments aux morts ; chacun devrait savoir que là n’est pas leur place !
Monsieur le ministre d’État, je souhaite que vous envisagiez avec les délégués militaires la possibilité d’envoyer aux maires de chaque département un dérouleur pour l’organisation des manifestations patriotiques. Je suis volontiers iconoclaste, mais en matière de patriotisme et de cérémonies commémoratives, je pense qu’il faut remettre de l’ordre dans la maison et, croyez-moi, ce qui se passe est parfois franchement curieux.
On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions ; en général, les maires de nos départements en sont également animés, mais il serait tout aussi simple de diffuser un dérouleur.
S’agissant de l’aspect proprement budgétaire de la mission, nous l’aborderons dans le cadre des amendements qui seront présentés.
Monsieur le ministre d’État, je profiterai néanmoins de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer à cette tribune pour vous inviter à Cintheaux, dans un autre département que le mien mais qui est voisin de celui-ci, au mois d’août 2011. Je suis sûre que vous en profiterez pour passer sur la route des armées canadiennes, dans l’Orne. Ce dernier département vous accueillera alors avec plaisir, puisqu’un certain nombre de manifestations célébrant les libérateurs canadiens s’y dérouleront.
Je ne doute pas que, malgré un agenda chargé, vous parviendrez à dégager un peu de temps pour les anciens combattants, notamment ceux de Normandie, lesquels seraient absolument ravis que vous leur donniez la priorité.
Je conclurai en vous souhaitant beaucoup de succès dans votre mission, qui ne sera guère facile. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre d’État, vous avez peu de temps, dans votre agenda, à consacrer aux anciens combattants. C’est la première fois, depuis 1945, qu’aucun membre du Gouvernement n’est spécifiquement en charge du monde combattant. Je pourrais par conséquent, en cet instant, inviter la Haute Assemblée à observer une minute de silence destinée à marquer la fin d’une époque et donc notre profonde réprobation.
En effet, les anciens combattants sont là, ils existent, ils sont nombreux Ils sont présents dans chacun de nos cantons et participent aux manifestations patriotiques qui, sans eux, n’existeraient pas. Permettez-moi de saluer les anciens combattants présents dans les tribunes.
Monsieur le ministre d’État, le Président de la République a le devoir de réparer cette faute en vous affectant un ou une secrétaire d’État. Aucune autre formule ne saurait être satisfaisante, pas même la nomination d’un délégué général, qui pourrait par ailleurs présider l’ONAC.
La disparition d’un membre du Gouvernement spécifiquement en charge des intérêts du monde combattant est concomitante à l’achèvement du transfert d’attribution de la DSPRS et de tous ses services déconcentrés en province vers la direction des ressources humaines du ministère de la défense et vers la direction centrale du service de santé des armées.
Pour être claire, les dernières directions interdépartementales et interrégionales des anciens combattants fermeront en novembre 2011 et la DSPRS sera supprimée en décembre de la même année. Le Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés, le CERAH, installé à Woippy, en Moselle, sera de son côté intégré à l’Institution nationale des invalides, l’INI.
En contrepoint de ces évolutions administratives, l’ONAC et l’INI joueront un rôle accru dans la gestion des dossiers d’anciens combattants. Nous verrons si cette nouvelle organisation rend réellement service à ces derniers.
Monsieur le ministre d’État, quand nous faisons le constat que le budget 2011 affecté aux anciens combattants ne comporte pas réellement de mesures nouvelles, vous nous objectez que les droits acquis sont maintenus. Avouez que c’est la moindre des choses !
Vous nous rappelez que c’est la crise et qu’il faut réduire les dépenses publiques.... À nos yeux, la crise est celle de la gestion libérale de l’économie de marché que vous défendez. Le monde en mesure toutes les dérives et la quasi-totalité des familles en subissent les effets négatifs.
La crise a bon dos ! Cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les efforts ne sont pas justement répartis. On connaît ceux qui la traversent sans encombre grâce aux choix politiques du Gouvernement, des choix et des options d’ailleurs traduits dans le budget 2011 : un soutien sans faille aux privilégiés du système et des efforts pour les autres, plus nombreux, parmi lesquels figurent les anciens combattants.
Des promesses ont été faites à ces derniers, notamment par le candidat Nicolas Sarkozy, actuel Président de la République, lors de la campagne électorale de 2007. Peu ont été tenues, beaucoup ont été ignorées.
La discussion budgétaire est l’occasion d’évoquer tous les dossiers auxquels nous tenons et qui font écho au travail que nous conduisons avec les associations du monde combattant.
Tout d’abord, concernant les points d’indice de la retraite du combattant, nous espérions une nouvelle avancée en 2011, de l’ordre de 2 points de majoration. Il n’en sera rien.
Monsieur le ministre d’État, je vous rappelle l’engagement du Président de la République de porter l’indice de référence à 48 points au plus tard le 1er janvier 2012. Nous avons déposé un amendement en ce sens, en espérant, sans trop y croire, que vous l’accepterez.
Les conditions de l’attribution de la carte du combattant pour les appelés affectés en Algérie qui n’avaient pas quatre mois de présence au 2 juillet 1962 restent à définir. Il conviendrait que le Gouvernement tienne compte de la notion d’exposition aux risques comme caractéristique de la guerre d’Algérie, afin de régler une fois pour toutes un problème laissé depuis trop longtemps sans solution.
Le contentieux sur la campagne double, porté par les fonctionnaires ayant servi en Algérie, est connu et aurait dû déjà aboutir. Une décision du Conseil d’État faisant obligation au Gouvernement de prendre les dispositions réglementaires afin de donner droit à la revendication des associations de fonctionnaires aurait permis d’avancer dans ce sens ; le décret du 29 juillet 2010 vide cependant de son contenu la décision du Conseil d’État, à notre grande surprise, ce qui a déclenché notre colère.
En effet, le Gouvernement a estimé que le bénéfice de la campagne double ne pouvait s’appliquer que pour les demandes effectuées après la reconnaissance de la guerre d’Algérie par le Parlement, c’est-à-dire après le 18 octobre 1999. Il a adjoint une seconde condition qui concerne la participation des requérants aux opérations de feu qui sont identifiées sur les journaux de marche des régiments.
Ces deux conditions cumulées excluent la quasi-totalité des bénéficiaires potentiels du bénéfice de la décision du Conseil d’État.
M. Guy Fischer. C’est méprisant !
Mme Gisèle Printz. La reconnaissance de la guerre d’Algérie le 18 octobre 1999 n’a de sens que si elle s’applique à la période de 1954 à 1962. En outre, les journaux de marche des régiments ne font que rarement état de la liste nominative des soldats ayant participé à des opérations de feu.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le ministre d’État, de bien vouloir abroger le décret du 29 juillet 2010 et de le remplacer par un texte plus opérationnel et plus juste.
À force de ténacité, les associations d’anciens combattants et les parlementaires ont obtenu la mise en place d’un système d’allocation différentielle au profit des conjoints survivants démunis. Je ferai deux remarques à ce sujet.
La première concerne le plafond retenu par le Gouvernement. Bien qu’il ait été légèrement relevé, il reste inférieur au seuil de pauvreté. Il conviendrait de l’amener à un niveau plus juste.
La seconde remarque porte sur le fait que, désormais, les veuves d’anciens combattants sont, paradoxalement, dans une situation meilleure que certains des anciens combattants les plus démunis.
C'est la raison pour laquelle je suggère au Gouvernement d’étendre l’allocation différentielle aux anciens combattants dont la situation répond aux critères financiers.
Le plafond de la retraite mutualiste n’a pas évolué depuis plusieurs années. Ce n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi un amendement a été déposé afin d’élever ce plafond qui, pour beaucoup d’anciens combattants d’Afrique française du Nord, est un petit « plus » financier intéressant.
Un autre sujet est lourd de sens et de conséquence au regard du principe d’égalité, la situation des orphelins de guerre. Depuis les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004, des inégalités demeurent et tous les orphelins de guerre ne sont pas traités de manière identique. Cela est choquant.
Monsieur le ministre d’État, à l’instar de vos prédécesseurs, vous possédez un outil de travail pour faire avancer le dossier, à savoir le rapport Audouin. Aucun de vos prédécesseurs n’a jusqu’à présent voulu donner suite aux préconisations que ce document contient.
La représentation nationale ne comprend pas pourquoi il n’est pas mis fin aux inégalités constatées ni quelles sont les raisons objectives et morales pouvant justifier cette inégalité flagrante.
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous indiquer vos intentions sur cette question ?
Enfin, je parlerai d’un sujet étroitement lié à ma région et qui concerne les incorporés de force dans la Wehrmacht, faits prisonniers par l’armée soviétique et détenus dans des camps situés de part et d’autre du fleuve Bug, appelé « ligne Curzon ».
Tous les lieux de détention situés à l’est de cette ligne ont été considérés comme des annexes du camp de Tambow et ceux qui y étaient détenus ont, à ce titre, bénéficié de dispositions dérogatoires dans le cadre du droit à réparation. En revanche, rien pour les Alsaciens mosellans détenus dans les camps situés à l’ouest de cette ligne, alors que les conditions de détention étaient les mêmes. La ligne Curzon a du sens sur le plan historique en ce qu’elle délimite des territoires, mais elle n’en a aucun quand il s’agit d’apprécier les conditions de détention et l’échelle des souffrances endurées.
Les survivants concernés sont maintenant moins d’une centaine et ils attendent une juste considération de leurs difficultés. Ce dossier pose un sujet de morale collective et appelle au respect vis-à-vis des réalités vécues.
Monsieur le ministre d’État, les sénateurs et les sénatrices du groupe socialiste vous demandent d’empêcher la disparition programmée d’une politique respectueuse du monde combattant. Ces hommes et ces femmes qui ressortissent de votre ministère n’ont pas d’influence sur la gestion capitaliste et spéculative de l’économie mondiale. Pourtant, ce sont eux qui, par leur engagement, ont répondu à l’appel de la Nation et défendu les valeurs de la République.
C’est pour cela qu’il ne faut pas les oublier. C’est pour cela que le budget consacré aux anciens combattants n’est pas un budget comme les autres. C’est pour cela que le budget des anciens combattants doit toujours comporter des mesures nouvelles, justes et respectueuses des situations réelles.
Le budget pour 2011 ne répond pas, selon moi, à ces critères. C’est aussi l’opinion de mes collègues du groupe socialiste. Dès lors, monsieur le ministre d’État, si vous campez sur vos positions, nous serons conduits à voter contre le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, lorsque l’on examine les crédits de la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la Nation », une fois encore un triste constat s’impose : les engagements pris par le candidat devenu Président de la République ne sont pas tenus.
D’année en année, le budget se réduit. L’année dernière, il était déjà diminué de 50 millions d’euros ; cette année, il est amputé de 110 millions d’euros, soit une baisse de près de 4 %. Monsieur le ministre d’État, vous qualifiez 2011 d’année « emblématique ». Ce n’est probablement pas le terme que j’aurais choisi, car votre budget est malheureusement un budget de renoncement, tout comme l’illustre la disparition récente du secrétariat d’État aux anciens combattants, que nous regrettons.
Pour justifier de telles réductions, monsieur le ministre d’État, vous évoquez la crise et l’obligation pour chacun de contribuer à la restauration des finances publiques. Vous en conviendrez : pour certains, la facture est plus lourde que pour d’autres.
Les anciens combattants et leurs ayants droit devront se satisfaire des promesses, du respect et de la solidarité de la Nation à défaut du relèvement des pensions, de la revalorisation de l’allocation différentielle ou encore de l’attribution de la campagne double.
La retraite du combattant, financée à hauteur de 793 millions d'euros, soit une baisse de 0,75 % par rapport à 2010, est précisément la première reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants. Celle-ci devait atteindre les 48 points d’indice en 2012. Nous en sommes encore très loin. Et la direction choisie laisse entendre que les engagements pris n’iront pas au-delà des promesses électorales.
Or, monsieur le ministre d’État, vous nous expliquez cette année que, la crise étant là, la retraite ne sera revalorisée que d’un point, et ce à compter non pas du 1er janvier 2011, mais du 1er juillet 2011. En réalité, en année fiscale, il ne s’agit que d’une augmentation d’un demi-point !
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Robert Tropeano. Pourtant, rappelez-vous, le Gouvernement s’était engagé à revaloriser cette pension de deux points par an. Aujourd'hui, le compte n’y est pas.
Tenir cet engagement aurait couté 27 millions d’euros. À le comparer aux sommes restituées au travers du bouclier fiscal, je vous laisse imaginer ce que ressentent les anciens combattants devant les choix budgétaires ainsi retenus. Comment envisagez-vous alors d’atteindre les 48 points d’indice en 2012 ?
Autre sujet de préoccupation, l’allocation différentielle destinée aux conjoints survivants les plus démunis. Qu’en est-il de la revalorisation de cette allocation ? Les 834 euros que vous proposez ne sont que la traduction de l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées au mois d’avril prochain. Qu’attendez-vous pour la fixer à 940 euros, comme le souhaitent les associations d’anciens combattants ? Voilà un geste qui aurait un sens !
Monsieur le ministre d’État, vous le savez, la campagne double est un autre sujet qui me tient particulièrement à cœur. Je vous ai interrogé à ce propos la semaine dernière lors d’une séance de questions orales et votre réponse ne m’a pas convaincu.
Selon la décision du Conseil d’État, le bénéfice de la campagne devait être attribué à tous les anciens combattants ayant participé à des opérations de guerre. Or ne retenir que les anciens combattants qui n’auraient pas liquidé leur retraite avant 1999 est d’une grande injustice.
En adoptant cette date de référence pour bénéficier de la campagne double, vous excluez – mais peut-être est-ce volontaire ? – les cheminots, les personnels hospitaliers, les fonctionnaires de police ou encore les postiers.
Dans ces conditions, vous en conviendrez, très peu d’entre eux, probablement, bénéficieront de cette mesure. Cette disposition s’applique pourtant à tous les combattants engagés sur d’autres conflits.
De plus, et je rejoins notre collègue Janine Rozier sur ce point, je souhaite évoquer l’inégalité qui existe entre les pensionnés du public et ceux du régime général. Ces derniers ne bénéficient pas des mêmes avantages et je crois qu’il conviendrait, monsieur le ministre d’État, de mettre en place une mesure permettant à tous les anciens combattants d’être sur un même pied d’inégalité. (M. Auguste Cazalet applaudit.)
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Robert Tropeano. Sur la décristallisation des pensions, je serai bref. En 2006, lorsque cette disposition a été retenue, il a été décidé qu’elle ne pourrait avoir lieu que sur demande des intéressés. Or, l’État n’ayant pas organisé la diffusion de cette information, très peu de demandes ont été déposées. Quelle décision envisagez-vous de prendre pour, enfin, diffuser cette information ?
J’en viens maintenant à la dotation de l’ONAC, qui s’élève à 57,47 millions d'euros. Certes, elle augmente de 8 %, mais il s’agit simplement de la traduction comptable des transferts de charges et ce chiffre ne peut en aucun cas être attribué à une augmentation de budget. Cette hausse s’explique par la nécessité de financer les nouvelles tâches que le ministère de la défense a dévolues à l’ONAC en lieu et place de ses services. Je tenais à le souligner.
Cela étant, je tiens tout de même à apporter le témoignage des associations des anciens combattants qui subissent très directement la réduction de personnel de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Enfin, je tiens à soulever la question portant sur des mesures d’indemnisation des orphelins de déportés et de victimes de la barbarie nazie. Ce programme est désormais placé sous la responsabilité du Premier ministre. Il n’en demeure pas moins que les descendants de familles touchées par cette tragédie continuent de nous solliciter sur ce sujet.
Monsieur le ministre d’État, quelle réponse réservez-vous aux pupilles de la Nation dont les parents sont « morts pour la France » ? Depuis les décrets imparfaits de 2000, 2001 et 2004, les pupilles de la Nation, orphelins de guerre, ont le sentiment d’être abandonnés. Ils sont depuis trop longtemps dans une attente intolérable. C’est pourquoi, à la suite des travaux de la commission nationale de concertation présidée par Mme Block, nous souhaitons savoir à quelle date le décret sera publié et si, enfin, vous prendrez en considération les sollicitations des personnes concernées.
Enfin, j’évoquerai la demi-part fiscale attribuée aux anciens combattants de plus de 75 ans. Les anciens combattants souhaitent que cette demi-part supplémentaire soit accordée à partir de 70 ans.
Monsieur le ministre d’État, avant de conclure et bien qu’il ne s’agisse pas d’une question budgétaire, je souhaite renouveler une fois encore la demande que je formule chaque année depuis 2006 : la date du 19 mars doit être retenue pour célébrer la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, en lieu et place du 5 décembre. (M. Guy Fischer applaudit.) Le monde combattant y est très attaché, comme de nombreux parlementaires de la majorité, à l’instar du député UMP de l’Isère, Georges Colombier, qui déclarait récemment que le 19 mars était la seule date historique pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie, le 5 décembre n’ayant aucune valeur historique.
Monsieur le ministre d’État, bien que vous ayez tenté de jouer sur la notion de démographie – la « déflation démographique », selon vos termes – pour dégager des marges de manœuvre lors de la construction de votre budget, je ne peux m’empêcher de vous dire que vous n’avez sur aucun point important apporté une réponse satisfaisante aux attentes du monde combattant. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, je ne voterai pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord élever, au nom du monde combattant, une énergique protestation contre le sort réservé au budget des anciens combattants et victimes de guerre, examiné en catimini à l’Assemblée nationale lors d’une commission élargie. Quel mépris !
Aujourd'hui, puisque les crédits de cette mission sont examinés en séance publique au Sénat, nous pourrions nous estimer mieux lotis, si nous n’étions privés de l’interlocuteur privilégié qu’était le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, ...
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous avez un ministre d’État !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est incroyable !
M. Guy Fischer. ... ce qui nous fait craindre de voir les questions et les revendications spécifiques au monde combattant privées de leur singularité, de leur caractère sacré, du respect du droit à réparation.
Monsieur le ministre d’État, nous comptons néanmoins sur vous !
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tout de même !
M. Guy Fischer. Ce budget, marqué du sceau de la déception, de l’amertume et de la colère, confirme cette inquiétude : non seulement il ne fera pas exception à la règle, mais, et c’est du jamais vu, nous sommes dans le reniement de la parole donnée et dans le mépris du monde combattant.
Ce budget est en baisse de 3,89 % et ne contenait à l’origine aucune mesure nouvelle. Pire encore, compte tenu des transferts de crédits avec le budget de la défense et les suppressions de postes, il serait en fait en retrait, au minimum de 4,50 % par rapport au budget de 2010 ! De surcroît, le projet de loi de programmation des finances publiques a d’ores et déjà prévu sa baisse régulière : 3,7 % en 2012, 3,2 % en 2013.
On nous rétorque que la maîtrise des dépenses publiques doit associer le monde combattant à l’effort général visant à les réduire. Pourtant, l’inéluctable décroissance démographique ne devrait-elle pas permettre de satisfaire les revendications récurrentes et essentielles ? Les anciens combattants et leurs veuves participent déjà en tant que citoyens à l’effort demandé à tous du fait de la crise que vous avez engendrée. Vous entendez donc leur appliquer une double peine !
L’ex-secrétaire d’État aux anciens combattants, Hubert Falco, se targuait devant la commission à l’Assemblée nationale d’avoir tenu ses promesses en réalisant, je le cite, « les transferts de missions et les fermetures des services déconcentrés de la DSPRS ». J’appelle cela du cynisme ! Il précisait, en outre, qu’aucun droit acquis ne serait remis en cause malgré la rigueur budgétaire.
Et nous devrions nous contenter de cela après avoir vu, révision générale des politiques publiques oblige, démanteler la DSPRS, réduire les moyens de l’ONAC, abandonner les maisons de retraite et les écoles de réinsertion à une fondation privée !
En matière de retraite du combattant, vous revenez sur la promesse d’une programmation pluriannuelle, mais que penser des promesses du Gouvernement, alors que le Président de la République fait lui-même fi des siennes lorsqu’il était candidat en 2007 ?
Vous dites consentir à l’augmentation d’un point d’indice au 1er juillet ; je prétends, moi, que vous y avez été contraints par l’indignation et la colère du monde combattant et des députés, toutes tendances confondues.
Quant à l’allocation différentielle aux conjoints survivants, d’un montant de 817 euros, on nous dit qu’il est impossible de l’augmenter pour le moment, mais que « si des marges devaient apparaître », il serait demandé à l’ONAC de la relever à 834 euros. Cela représenterait donc une augmentation de 17 euros, qui serait réduite à néant par la prise en compte dans les revenus de l’augmentation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ! Je vous proposerai tout à l’heure des amendements permettant de réévaluer un peu plus sérieusement cette allocation et de permettre son extension aux anciens combattants les plus démunis.
En effet, s’il est juste de s’inquiéter du sort des veuves des plus grands invalides de guerre, veuves qui devraient voir leur pension augmenter de 360 points, il ne faut pas pour autant oublier les veuves du plus grand nombre d’anciens combattants, qui survivent avec cette allocation différentielle.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Merci d’aller dans mon sens !
M. Guy Fischer. Au titre des promesses non tenues, je voudrais encore citer le plafond majorable de la rente mutualiste, bloqué à 125 points depuis le 1er janvier 2007, encore loin des 130 points promis. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement.
Nous pourrions également évoquer l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et qui justifient de quatre mois de présence sur le territoire avant et après cette date.
De la même façon, vous persistez à refuser le titre de reconnaissance de la Nation aux réfractaires au service du travail obligatoire, le STO.
Même au chapitre des avancées, qui vous ont d’ailleurs été imposées, vous restez au milieu du gué, monsieur le ministre d’État, au risque de compromettre largement l’impact de la mesure. C’est précisément le cas de la campagne double et de la décristallisation, dont je voudrais dire un mot, même si ces deux mesures ne concernent pas la mission.
Ainsi, le décret du 29 juillet 2010, que le Conseil d’État vous a contraint de publier, accorde la campagne double aux ressortissants du code des pensions civiles et militaires, mais son article 2 impose une condition de participation aux actions de feu ! Le décompte des journées de feu serait fait à la demande des intéressés au vu des journaux de marche.
Autre condition : il ne concernerait pas ceux qui ont liquidé leur retraite avant le 19 octobre 1999. Une telle mesure n’est pas de nature à assurer l’égalité des droits entre les combattants de tous les conflits.
En ce qui concerne l’achèvement de la décristallisation, les quelque 32 000 personnes concernées devront en faire la demande. En effet, si la revalorisation du point est automatique, en revanche, la revalorisation des indices suppose une demande de l’intéressé visant à la reconstitution de sa carrière et à la prise en compte de sa situation de famille.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre d’État, quelles mesures seront prises pour améliorer l’information des intéressés, jugée insuffisante par la Cour des comptes ?
Je serai, à l’instar de notre rapporteur pour avis, Mme Janine Rozier, particulièrement vigilant sur ce point et je vous proposerai dans quelques jours, à l’article 100, un amendement tendant à rendre automatique cette décristallisation pour les ressortissants des ex-colonies.
Nous pourrions également parler du décret d’attribution de la carte du combattant aux participants aux OPEX, qui vient de sortir. Il est à craindre qu’il ne soit aussi restrictif que celui qui est relatif à la campagne double !
Dans le peu de temps qui m’est imparti, je souhaite vous prier, monsieur le ministre d’État, de répondre à quelques questions sur des mesures très attendues.
Tout d’abord, pouvez-vous nous confirmer que l’augmentation de 0,5 % du point d’indice de la fonction publique sera bien appliquée à la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité, ou PMI, avec rattrapage au 1er juillet ?
Ensuite, s’agissant de l’indemnisation des vétérans des essais nucléaires, pouvez-vous nous dire combien de dossiers sont d’ores et déjà à l’examen ? Je constate, en effet, que ce budget se borne à reconduire les 10 millions d’euros provisionnés l’an dernier ; leur nombre serait donc vraisemblablement minime.
Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous donniez des nouvelles du reclassement des personnels de la DSPRS. À ce jour, seulement 70 % d’entre eux seraient reclassés ou parvenus à l’âge de la retraite.
Enfin, bien que la question de l’indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie relève directement du Premier ministre, pourriez-vous nous donner quelques éléments quant à la teneur du projet de décret en préparation ? Il me paraît en effet indispensable que l’indemnisation soit au moins ouverte aux enfants dont les parents ont été tués pour faits de guerre ou de résistance collective ou individuelle.
Je ne saurai conclure sans évoquer la politique de mémoire, pour redire ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962, au lieu de celle du 5 décembre, dénuée de sens, pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.
Je vous rappelle également la volonté du monde résistant de voir créer une journée nationale de la Résistance, journée non fériée, non chômée, en référence à la date historique du 27 mai 1943, qui vit la première réunion du Conseil national de la Résistance, sous la présidence de Jean Moulin.
Enfin, je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage ou non la réhabilitation collective des « fusillés pour l’exemple » de la Grande Guerre.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Oui !
M. Guy Fischer. En conclusion, le groupe CRC-SPG votera résolument contre un projet de budget qui confirme le désengagement de la Nation envers ses anciens combattants et victimes de guerre, un budget qui tourne le dos à la démocratie et aux valeurs républicaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » atteindra, pour l’année 2011, 3,3 milliards d’euros. Je constate que la baisse des crédits se limite à 3,3 %.
Cela permettra de consolider l’existant, malgré un contexte budgétaire des plus contraints, du fait d’une période de crise financière. C’est là un double témoignage : celui de votre esprit de responsabilité et celui de votre volonté de reconnaissance à nos anciens combattants.
Mes chers collègues, avant tout, je souhaite rendre un hommage appuyé aux associations d’anciens combattants pour leur travail et leur dynamisme. Elles sont des acteurs au quotidien du travail de mémoire, mais aussi du soutien auprès de nos anciens combattants et de leurs conjoints, notamment dans leurs démarches administratives.
À ce titre, monsieur le ministre d’État, je souhaite attirer votre attention sur la nécessaire et difficile revalorisation de la retraite du combattant. L’exercice budgétaire pour 2010 a permis une première augmentation ; je forme le vœu que nous poursuivions cet effort. Il s’agit pour nous d’assurer des conditions de vie décentes à ceux qui ont servi notre pays. C’est là une question de dignité.
Aussi, je profiterai de cette tribune pour revenir sur plusieurs points.
J’évoquerai la situation des anciens combattants de la « troisième génération du feu », présents en Afrique du Nord entre 1952 et 1962. S’agissant de ces soldats, qui ont été pour moi des frères d’armes, je regrette que les contraintes budgétaires n’aient pas permis d’étendre, pour cette année, l’attribution de la carte du combattant à ceux qui étaient présents au-delà du 2 juillet 1962. Chacun sait que des soldats ont été tués bien après cette date en marge des exactions commises contre les pieds-noirs ou les harkis.
L’an dernier, le secrétaire d’État aux anciens combattants s’était rallié à la solution équilibrée de la commission de la carte du combattant, qui consistait à accorder la carte pour quatre mois de présence après le 2 juillet 1962, sous réserve que le séjour ait commencé avant cette date. Cet assouplissement raisonnable entraînerait, il est vrai, une dépense nouvelle de 4,6 millions d’euros pour financer les retraites du combattant correspondantes.
Cependant, cette demande est particulièrement légitime, et j’en appelle, comme Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires l’a fait avant moi, à son traitement prioritaire dans le budget de 2012.
À cette première requête s’ajoute celle d’une véritable égalité de traitement de nos anciens combattants au regard de la retraite : l’attribution, par décret, en juillet dernier, du bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants d’Afrique du Nord répare, certes, une iniquité, et nous nous en réjouissons. Cette bonification était jusque-là réservée aux participants au premier conflit mondial ou aux guerres d’Indochine ou du Golfe.
Toutefois, nous déplorons – et je me fais à cet égard le porte-parole de mon collègue Jean-Paul Alduy – qu’elle ne concerne que les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999, en référence à la loi ayant reconnu « la guerre d’Algérie » et les « combats en Tunisie et au Maroc » comme tels.
Mais mon interpellation va bien au-delà : en sont tout simplement exclus les anciens combattants du secteur privé, à quelque conflit qu’ils aient participé. Alors que les anciens combattants fonctionnaires ou assimilés peuvent ainsi multiplier par trois leur durée de services accomplis en temps de guerre pour le calcul des droits à la retraite, ceux du régime général ne peuvent les comptabiliser qu’une seule fois.
En tant que sénateur des Français établis hors de France, je tiens à évoquer la nécessaire reconnaissance de la Nation pour tous ceux qui, à l’étranger, l’ont aidée et servie. Cette mesure renforcera de façon indéfectible les liens qui ont uni, jusqu’à donner leur vie, ceux qui se sont engagés ou qui ont été incorporés pour la défense du sol national, tout en n’y résidant pas.
Cette mémoire-là, monsieur le ministre d’État, dépasse nos frontières, mais participe à l’honneur de la France.
C’est aussi dans cette mesure que je me félicite de la décristallisation des pensions, qui prendra effet dès le mois de janvier 2011. Cette promesse sera honorée ; cela mérite d’être rappelé, car elle a un coût, qui limite par conséquent notre marge de manœuvre sur d’autres dispositifs. Sachons le reconnaître.
De même, je tiens à rappeler que le budget de l’année dernière a pris en charge l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Si ce texte a mis fin à l’un des tabous de l’histoire de la défense française, il prend en charge les victimes de la société civile.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention – je ne suis pas le seul à évoquer ce point dans cet hémicycle – sur la situation des veuves de guerre. À ce jour, il existe une disparité entre les pensions versées aux veuves. Elle est liée à la date de décès de leurs époux, tous morts pour la France. Actuellement, pour un décès intervenu avant juillet 1962, la pension est versée au taux du soldat ; au-delà de cette date, elle est portée au taux du grade. Une harmonisation des statuts serait bienvenue, en tenant compte du taux du grade au moment du décès.
Concernant l’allocation différentielle, il a été décidé pour les veuves d’anciens combattants, au nom de la reconnaissance de la Nation pour les époux aujourd’hui décédés, d’attribuer une allocation permettant d’atteindre un plafond de ressources minimum. Par souci d’équité, je vous fais part du souhait que l’application de cette disposition aux veuves de guerre soit étudiée.
Monsieur le ministre d’État, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n’est pas un budget comme les autres. En effet, derrière les chiffres, c’est bien la Nation qui exprime sa gratitude envers ceux qui l’ont défendue, ne l’oublions pas.
C’est pour cela que je souhaite également attirer votre attention sur les orphelins dont les parents ont été victimes de la Seconde Guerre mondiale. Avec plusieurs de mes collègues, notamment André Trillard, nous souhaiterions connaître votre position quant aux engagements pris sur ce sujet.
Par ailleurs, je sais que certains se sont émus de la disparition du secrétariat d’État aux anciens combattants, mais je suis sûr que vous saurez les rassurer par votre pleine et entière mobilisation. Je ne doute pas que vous continuerez le travail accompli par Hubert Falco.
Je pense, en particulier, à la réforme des Journées d’appel de préparation à la défense, les JAPD. Le travail de mémoire n’est pas du seul ressort des associations d’anciens combattants.
Les jeunes, filles et garçons, mais aussi leurs parents, ne doivent pas seulement y être associés, ils doivent y participer pleinement. Un travail de transmission intergénérationnel doit être mis en place avec les différents acteurs de la société civile. Je pense en premier lieu à l’école de la République.
Monsieur le ministre d’État, le devoir de mémoire ne doit pas relever de votre seule détermination. Il doit être l’affaire de tous. Il s’agit avant tout de transmettre des valeurs républicaines, qui sont les fondements de notre société.
Enfin, avant de conclure, je souhaite lancer un appel. C’est à nous, politiques, qu’il appartient de réfléchir à la mémoire de demain, notamment en ce qui concerne nos soldats d’aujourd’hui. Bien sûr, nous devons entretenir la mémoire des soldats qui n’ont pas eu le choix, mais votre ministère doit assurer le lien armée-Nation, au moment où notre société a bien des difficultés à comprendre ce que sont l’engagement et le sacrifice ultime pour la Nation. Nous devrons être très attentifs à la place de ces futurs anciens combattants, qui seront en fait de jeunes vétérans.
Leur expérience unique au sein du ministère de la défense, leur courage au cours des OPEX, leur respect de la République et leur dévouement, même si leur engagement est un choix, doivent être cités en exemple. Leur mémoire doit au minimum être honorée lors de commémorations. Je pense en particulier à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie au combat ou qui rentrent mutilés de théâtres d’opérations tels que l’Afghanistan. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je veux tout d’abord rendre un hommage appuyé et chaleureux à toutes les associations d’anciens combattants, et en particulier, vous le comprendrez, à celles que j’ai l’occasion de rencontrer régulièrement dans mon département, les Côtes-d’Armor. Elles accomplissent un travail efficace et légitime pour défendre les anciens combattants, faire progresser leurs droits et entretenir le nécessaire devoir de mémoire.
Mes chers collègues, le budget des anciens combattants, cela a été rappelé, n’est pas un budget comme les autres : c’est un budget de reconnaissance.
À cet instant, permettez-moi une citation, monsieur le ministre d’État : « la reconnaissance, c’est tout d’abord la représentation des anciens combattants au niveau du Gouvernement, par un interlocuteur privilégié. Il n’est pas dans mon intention de revenir sur cette disposition ». Chacun aura reconnu l’auteur de ces mots, prononcés en avril 2007 : le candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. Je regrette que cet engagement, comme du reste celui d’avril 2007 sur les retraites, n’ait pas été tenu par le président élu, Nicolas Sarkozy.
Mme Gisèle Printz. Entre ce qu’il dit et ce qu’il fait…
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre d’État, je vois mal comment, en dépit d’une capacité de travail que nous vous reconnaissons tous sur les travées de la Haute Assemblée, …
M. Guy Fischer. C’est vrai, on a pu en juger !
M. Ronan Kerdraon. … vous pourrez à la fois vous occuper des questions de défense, de la mairie de Bordeaux, d’éventuelles dissensions dans la majorité et des anciens combattants ! Peut-être chargerez-vous l’un de vos conseillers ou un directeur de cabinet de cette question ?
M. Guy Fischer. On le craint !
M. Ronan Kerdraon. Or les anciens combattants méritent mieux, soyez-en convaincu. Néanmoins, nous comptons sur votre implication personnelle. Pouvez-vous nous rassurer à cet égard ?
Le budget des anciens combattants doit traduire un droit imprescriptible à réparation et un devoir de mémoire. Il doit permettre d’exprimer notre solidarité envers celles et ceux qui se sont battus pour défendre nos libertés.
Or le budget qui nous est transmis par l’Assemblée nationale est sans doute historiquement le plus mauvais que nous ayons connu. Tous les amendements visant à augmenter les crédits des anciens combattants, adoptés contre l’avis du Gouvernement, ont été annulés par les députés de la majorité.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre d’État, s’est justifié en expliquant que, face à la crise, les anciens combattants devaient participer à l’effort collectif. Si personne ne peut nier la crise – et je ne la nie pas –, celle-ci ne doit pas servir à justifier des choix budgétaires contestables et contestés par l’ensemble des associations d’anciens combattants. Bien sûr, il est nécessaire de consentir des efforts, mais ils doivent être répartis équitablement.
Aussi, monsieur le ministre d’État, permettez-moi de vous poser cette simple question : les anciens combattants doivent-ils vraiment être appelés à participer à cet effort ? Pour notre part, à gauche, nous refusons cette double peine. Comment en effet exiger d’eux qu’ils contribuent à la réduction des déficits publics alors qu’ils ont déjà tant donné ?
S’il semble légitime de leur demander, en tant que simples citoyens, de participer à l’effort commun, il n’est pas acceptable de leur imposer, en tant qu’anciens combattants, les mêmes efforts qu’aux autres composantes de la société. Cela témoignerait d’un mépris intolérable à leur endroit !
Or la crise à laquelle votre gouvernement impute cette diminution du budget ne vaut pas pour tous. Permettez-moi de donner un exemple pour illustrer mon propos : un point d’augmentation de la retraite du combattant représente environ 17 millions d’euros. En comparaison, la ristourne accordée à Mme Bettencourt au titre du bouclier fiscal a été de 30 millions d’euros, soit l’équivalent de deux points perdus pour la retraite du combattant !
En introduction de mon intervention, je soulignais que ce budget n’était pas un budget comme les autres. C’est pourquoi nous devons veiller ensemble à ce qu’il ne soit pas traité comme les autres. Or, si nous ne modifions pas en profondeur le budget qui nous est soumis, l’année 2011 sera pour les anciens combattants un panier vide !
Monsieur le ministre d’État, c’est avec une certaine amertume, je vous l’avoue, que j’interviens aujourd’hui à la tribune, car le budget que vous nous présentez est un budget de renoncements, mais aussi de reniements.
D’abord, les crédits sont en baisse en 2011 de 3,89 %, soit une diminution de 110 millions d’euros ! Et il est prévu qu’ils baissent encore dans les années à venir : de 3,7 % en 2012 et de 3,2 % en 2013.
Ensuite, ce budget ne comporte aucune avancée réelle : rien, ou si peu, sur la carte du combattant ; rien, ou si peu, sur les retraites ; rien, ou si peu, sur la rente mutualiste ; rien, ou si peu, sur l’allocation différentielle en faveur des conjoints survivants ! Il a fallu attendre le discours de votre prédécesseur à l’Assemblée nationale pour entendre évoquer quelques rares et très modestes avancées.
Enfin, et surtout, ce budget est un renoncement aux promesses antérieures du Gouvernement, et surtout à celles du Président de la République ! Certes, me direz-vous, nous devrions y être habitués…
Sur la retraite, Nicolas Sarkozy n’avait-il pas en effet promis 48 points pour la fin de la législature, ce que Hubert Falco avait lui-même confirmé l’an dernier en évoquant le passage de 43 à 46 points en 2011, puis de 46 à 48 points en 2012 ? À l’évidence, mes chers collègues, nous ne les atteindrons pas.
Monsieur le ministre d’État, n’attendons pas que les anciens combattants ne soient plus là pour leur donner une juste reconnaissance !
Depuis des années, les associations d’anciens combattants réclament que leur budget soit équivalent au précédent. Le simple maintien du budget de 2011 au niveau de celui de 2010 aurait permis de satisfaire de nombreuses revendications.
Un tel maintien aurait permis la revalorisation de trois points d’indice de la retraite du combattant en 2011 ; l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et justifiant de 120 jours de présence ; un niveau minimal de ressources assuré par l’allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis et son extension aux anciens combattants eux-mêmes.
Il aurait également permis une juste indexation des pensions militaires d’invalidité, laquelle ne devrait pas être inférieure à celle du coût de la vie. Je rappelle que la perte de pouvoir d’achat de ces dernières années est de l’ordre de 7 % en ce qui concerne les traitements bruts de la fonction publique.
Ce maintien aurait par ailleurs permis le relèvement du plafond de la retraite mutualiste du combattant de l’indice 125 à l’indice 130 pour achever le rattrapage.
Aussi, et parce que les réponses apportées par votre prédécesseur lors de son audition par la commission élargie de l’Assemblée nationale le 11 octobre dernier n’ont convaincu personne, je profite de ce débat, monsieur le ministre d’État, pour vous demander de retirer le décret du 29 juillet 2010 sur les bonifications de campagne à égalité de droits entre combattants de tous les conflits, car il est quasiment inopérant, les conditions qu’il prévoit étant trop restrictives.
Cependant, je dois bien admettre une avancée : la décristallisation des pensions militaires des anciens ressortissants de pays étrangers anciennement sous souveraineté française. Toutefois, c’est à une décision du Conseil d’État que l’on doit cette réévaluation du montant des pensions.
Il est un autre point sur lequel je souhaite insister, monsieur le ministre d’État : que comptez-vous faire pour donner aux victimes de l’OAS leur place dans la mémoire nationale ? Dois-je vous rappeler le nombre de morts et de blessés liés aux attentats commis par cette organisation criminelle ?
Monsieur le ministre d’État, je souhaite que les cérémonies du 19 mars, qui regroupent incontestablement le plus grand nombre d’anciens combattants, soient l’occasion de réunir les autorités civiles et militaires de manière obligatoire.
Pour conclure, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le dossier de l’indemnisation des orphelins victimes de la barbarie nazie ?
« Ils ont des droits sur nous » disait Georges Clemenceau à propos des anciens combattants. Ce que nous vous demandons avec force, c’est que la Nation assume envers eux ses devoirs ! À défaut, comme vous l’a dit avant moi ma collègue Gisèle Printz, le groupe socialiste ne votera pas le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner les crédits pour 2011 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Je constate que l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, est désormais l’unique interlocuteur des anciens combattants, en lien avec la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, la CNMSS.
Je regrette que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, et les directions interdépartementales des anciens combattants et victimes de guerre, les DIACVG, soient supprimées, suivant un calendrier échelonné entre le printemps 2010 et l’automne 2011.
Avec 50 000 associations et près de 4 millions de nos concitoyens concernés, le monde combattant s’attache chaque jour à la sauvegarde du patrimoine moral et des intérêts matériels des anciens combattants et de toutes les victimes de guerre, ainsi qu’au maintien du culte du souvenir et du lien armée-Nation, ce lien étant d’autant plus nécessaire que nos forces sont engagées dans le monde, parfois dans l’indifférence totale de l’opinion.
La promesse du Président de la République et des parlementaires de la majorité présidentielle de porter en cinq ans la retraite du combattant de 32 à 48 points en 2012 semble difficile à tenir, compte tenu des difficultés budgétaires qui touchent toutes les composantes de la société. Les responsables d’associations en sont conscients.
Pourtant, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les députés de la majorité ont déposé un amendement visant à majorer de deux points supplémentaires la retraite du combattant. Il a été adopté en commission, mais rejeté en séance publique.
J’espère que cet amendement sera repris au Sénat et adopté par l’ensemble de mes collègues. Il est important de rappeler que le nombre de retraités anciens combattants a baissé de 200 000 en trois ans. Je pense que cette mesure aurait été facilement financée si le budget pour 2011 était resté au niveau de celui de 2008, car ainsi 160 millions d’euros auraient été disponibles.
Les efforts budgétaires consentis pour 2011 sont relativement modestes : 18 millions d’euros pour le point de retraite supplémentaire, 10 millions d’euros pour les victimes des essais nucléaires et 5 millions d’euros pour les orphelins de parents résistants « morts pour la France », qui ont tout naturellement trouvé leur contrepartie dans les économies dues à la rationalisation engagée depuis 2007 à l’issue du conseil de modernisation des politiques publiques. Elles se sont traduites par l’instauration d’un guichet unique, source d’économies en personnel et en moyens, y compris immobiliers.
S’agissant de la reconnaissance et de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la loi du 5 janvier 2010 et les décrets du 11 juin 2010 permettent d’indemniser les personnes civiles et militaires qui ont résidé dans des zones du Sahara et du Pacifique définies par le texte et souffrant de pathologies cancéreuses considérées comme radio-induites. Il faudrait effectivement s’assurer que ce dispositif s’applique rapidement, car il est attendu depuis de nombreuses années par les associations de vétérans.
Je prends acte de la proposition du Gouvernement d’inscrire un crédit de 10 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Cette provision a vocation à être abondée en cours d’exercice si elle devait s’avérer insuffisante pour couvrir les besoins.
J’ai noté que la dernière modification concernant la croix du combattant, parue au Journal officiel du 12 novembre 2010, devrait permettre à 75 000 jeunes Français qui ont fait les campagnes d’Irak, d’Afghanistan, d’ex-Yougoslavie, entre autres théâtres d’opérations récents, de postuler aux avantages qui sont attachés à cette distinction.
Augmenter le nombre des ayants droit à ces prestations et diminuer le budget général est, à mon sens, quelque peu contradictoire. Cela semble annoncer un décret d’application qui va rendre inopérante une disposition votée par la représentation nationale. J’espère sincèrement me tromper et j’attends avec impatience de voir le décret d’application du 12 novembre 2010.
Concernant la campagne double – pour avoir été mobilisé en Algérie, comme beaucoup de Français, j’y suis particulièrement sensible –, je suis satisfait de constater que le décret du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants d’Afrique du Nord la concrétise enfin.
Georges Clemenceau a prononcé devant la représentation nationale, le 20 novembre 1917, il y a quatre-vingt-treize ans presque jour pour jour, cette phrase : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous ». Il s’agissait des droits des combattants de la guerre de 1914-1918. Ceux des autres générations du feu sont là pour nous rappeler que nous conservons un devoir à l’égard de tous, et notamment des survivants.
La reconnaissance de la Nation envers ceux qui l’ont servie, qui ont tout risqué pour elle, jusqu’à leur propre vie, telle est la requête légitime des survivants et des ayants droit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Mes prédécesseurs ont dépassé leur temps de parole, je risque de faire de même ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’organisation de notre Haute Assemblée accorde cinq minutes de temps de parole au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales que je suis. C’est peu, très peu, trop peu, d’autant que, dans la discussion générale, beaucoup d’intervenants s’expriment sur tel ou tel point précis, spécifique et, souvent, tout à fait personnel !
Habituée à entendre chaque année, durant ce débat, de nombreuses récriminations – voire des contre-vérités –, j’ai souhaité cette année m’exprimer, pensant bien connaître le dossier, ce qui n’est pas facile tant les actions qui sont menées sont nombreuses et quelquefois dispersées.
Le budget des anciens combattants est un grand budget social de l’État, dont le montant pour 2011 sera, je le rappelle, de plus de 3,7 milliards d’euros. Il faut passer beaucoup de temps à étudier ce budget pour en connaître la diversité et les richesses, qui sont animées par le désir que nous avons tous de compenser les services et la reconnaissance que nous devons au monde combattant.
Les manques, les oublis et les insuffisances de ce budget nous sont sans cesse remis à l’esprit par les remarques, souvent justifiées, des grandes associations qui y travaillent, mais aussi par les nombreuses demandes – quelquefois fantaisistes – de nos électeurs transmises aux parlementaires, soucieux d’apporter des réponses vraies.
Notre devoir et notre travail de parlementaire consistent justement à étudier les demandes et à les comparer avec les réponses qui sont données par l’État au travers des sommes allouées.
Ainsi, chaque année, à cause de la baisse inéluctable de la démographie – 355 000 adhérents de moins en 2010 et 345 000 en 2011 –, le périmètre des crédits se réduit. Cette année, l’absolue nécessité budgétaire imposée par la RGPP ne permet pas d’actions très nouvelles mais n’impose pas non plus de coupes claires.
En effet, il n’est pas question, comme je l’ai lu dans une publication d’une association combattante, de « supprimer des droits acquis ». Il s’agit, au contraire, de faire savoir et de faire reconnaître que ces droits existent, qu’ils sont conséquents, que nous nous efforçons de les entendre, d’y répondre et de les améliorer.
L’une des principales revendications consiste notamment à demander instamment l’augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste qui avait stagné durant de longues années. Depuis 2007, nous le réévaluons chaque année. Ainsi, ce plafond a atteint 1 715 euros au 1er janvier 2010 et la dotation de l’État pour y faire face était de 247 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 3,3 %.
Cette retraite mutualiste – distribuée notamment par la Caisse autonome de retraite des anciens combattants, la CARAC, l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerres, l’ARAC, la société mutuelle de retraite des anciens combattants, la SMRAC, et la France Mutualiste, et versée à l’issue de la période de cotisation – permet d’améliorer la retraite des adhérents. Elle est abondée par l’État à hauteur du versement effectué par eux jusqu’à concurrence, en 2011, de 1 715 euros. Elle est exonérée de tout impôt et l’abondement de l’État pour l’année 2011 sera de 8 millions d’euros. Seuls 20 % des adhérents atteignent le plafond.
Beaucoup de nos collègues de l’opposition à l’affût des niches fiscales et sociales pourraient sans doute se pencher sur celle-ci, qui n’est nullement menacée, et qui coûte à l’État chaque année 35 millions d’euros.
Pour répondre justement à un véhément président d’association qui écrit que nous souhaitons supprimer des droits acquis, je souhaite rappeler que sont exclus de l’impôt sur le revenu, pour le monde combattant, la retraite du combattant, les pensions militaires d’invalidité, les retraites mutualistes, l’allocation de reconnaissance des anciens membres des formations supplétives et de leurs veuves – qui demandent un abondement de l’État de 200 millions d’euros –, la demi-part supplémentaire pour les plus de 75 ans et leurs veuves – qui représente pour l’État 195 millions d’euros –, l’Aide personnalisée au logement, l’APL, et sans doute bientôt l’Allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, puisqu’elle fait l’objet d’une revendication nouvelle qui va être étudiée.
Nos anciens combattants ne sont ni oubliés, ni maltraités. Nous les aimons et nous le prouvons.
Un autre mécontentement a été signalé à cause d’un retard intervenu dans la délivrance de la carte du combattant par les services de l’ONAC. Une panne informatique, sans doute due à une forte extension des réseaux, en a été la cause. Des excuses ont été présentées et tout va rentrer dans l’ordre.
Le niveau du plafond de l’allocation différentielle allouée aux conjoints survivants, qui était de 550 euros en 2007, devenu 800 euros au 1er janvier 2010 et 817 euros au 1er avril 2010, qui a donc augmenté de 48 % en trois ans, n’atteint toujours pas le niveau du seuil de pauvreté défini par l’Union européenne. C’est une question qu’il nous faudra aborder au plus vite.
Monsieur le ministre d’État, j’avais alerté votre prédécesseur au cours des deux dernières années sur ce sujet. J’avais notamment demandé un rapport concernant les veuves d’anciens combattants. En effet, certaines touchent une pension à la suite du décès de leur mari pendant les combats, d’autres ont seulement une pension de réversion, souvent minime. Celles qui n’ont pas été salariées et qui ne peuvent prétendre à aucune retraite n’ont parfois que l’allocation différentielle pour vivre. Il faut absolument approfondir cette question qui touche énormément de femmes seules qui, elles, n’osent pas réclamer. Le problème existe également pour les conjoints et il est prévu d’y remédier.
L’autre revendication, souvent évoquée par mes collègues d’Alsace et de Lorraine, est l’éventuelle extension de la notion d’« annexe du camp de Tambow » – si chère à Gisèle Printz – qui concerne les incorporés de force dans les camps soviétiques à l’est et à l’ouest de la ligne dite « Curzon ».
À un moment où il est fait justice aux anciens fonctionnaires et militaires de l’ex-empire colonial français pour obtenir une décristallisation complète, justice pourrait sans doute aussi être rendue à ces anciens prisonniers très âgés et peu nombreux. Ce serait indispensable !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Janine Rozier. Le décret du 29 juillet 2010 portant attribution de ce qui a été appelé « la campagne double » aux anciens combattants d’Afrique du Nord est accueilli avec un sentiment de justice par ceux qui la réclamaient depuis que le conflit avec l’Algérie a été reconnu comme « guerre ». Cette attribution, qui permet à l’heure de la retraite de multiplier par trois le temps passé en Algérie, bénéficiera aux seuls fonctionnaires et assimilés, excluant les ouvriers, les paysans et les combattants du secteur privé, qui, eux, ne touchaient pas leur salaire pendant la guerre et n’ont pas forcément retrouvé leur emploi au retour des combats. Ce qui est considéré comme une justice pour certains est une injustice flagrante pour les autres !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Janine Rozier. Avec la suppression de la DSPRS, qui disparaîtra complètement le 31 décembre 2012, et celle des 663 équivalents temps plein travaillé qui en découle, de nombreux transferts sont opérés vers la mission « Défense », vers la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et surtout vers l’ONAC, en sa qualité d’interlocuteur unique grâce à son réseau de 102 services départementaux, l’ONAC que M. Jospin voulait supprimer en 2001, que nous avons remis sur pied et dont nous abondons largement les crédits sociaux depuis 2007 !
Concernant les équivalents temps plein travaillé, au 31 juillet 2010, 67 % des agents étaient reclassés. M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances, et moi-même avons eu l’occasion de dresser le bilan des conséquences de la réforme au cours de contrôles, de contacts et de rencontres auxquels étaient conviés les responsables des grandes organisations et associations de combattants.
M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue !
Mme Janine Rozier. Oui, j’ai presque fini, monsieur le président ! (Rires.)
Mme Marie-Thérèse Hermange et Mme Nathalie Goulet. Ce n’est qu’une fois par an !
Mme Janine Rozier. Effectivement, ce débat n’a lieu qu’une fois par an !
Mme Évelyne Didier. Si tout le monde double son temps de parole…
Mme Janine Rozier. Attendez, c’est important !
Nous avons pu ainsi vérifier ensemble que les moyens matériels et financiers seront donnés notamment à l’ONAC pour faire face à ses missions, mais nous avons également pu montrer et mesurer l’attachement tenace de tous envers les anciens combattants et le désir d’être à leur service.
Dans mon intervention consécutive au rapport que j’ai rendu devant la commission des affaires sociales, j’ai parlé des avancées qui sont à signaler dans le budget 2011 ; je n’y reviendrai pas.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais signaler à M. Fischer que le 19 mars 1962 est une date extraordinaire, puisque c’est le jour de mon mariage ! (Rires.) Mais ça n’est pas une victoire pour la France !
J’ai évoqué ici des points particuliers pour lesquels je suis souvent sollicitée par mes collègues qui doivent répondre à leurs administrés, mais aussi parce qu’il est bien de rappeler, pour que nul ne l’oublie, que des hommes, nos pères, nos grands-pères ont répondu à l’appel de la France pour défendre les libertés dont nous jouissons aujourd’hui.
Nous devons respect, attention, écoute et sollicitude au monde combattant, et nous devons transmettre ces valeurs à nos enfants. C’est ce point commun qui doit nous unir, quelles que soient nos sensibilités politiques. C’est, en tout cas, celui du groupe UMP ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous remercie, madame Rozier, d’avoir utilisé pleinement vos quatre minutes. (Sourires.)
La parole est à M. le ministre d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous l’ont fait remarquer, le budget que j’ai l’honneur de vous présenter n’est pas tout à fait comme les autres, tout simplement parce qu’il traduit la reconnaissance et la solidarité de la Nation à l’égard de ses enfants qui ont risqué leur vie et versé leur sang pour défendre la France.
Il contribue également au devoir de mémoire qui est le nôtre, à la transmission des valeurs républicaines aux jeunes générations et à la diffusion de l’esprit de défense dans notre société.
À cet égard, 2010 aura été une année exceptionnelle. Je pense en particulier au soixante-dixième anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 et au succès des manifestations qui l’ont accompagné. Ce succès témoigne de l’attachement de nos concitoyens à notre histoire récente. Il atteste également la vitalité du monde combattant : un monde dynamique et engagé, qui irrigue l’ensemble de nos territoires avec 1,3 million de titulaires de la carte du combattant, 3,6 millions de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, et 23 000 associations, voire 50 000. Chère Janine Rozier le chiffre dont je dispose est de 23 000, mais peut-être n’est-il pas exact. Quoi qu’il en soit, je souhaite moi aussi, comme plusieurs orateurs l’ont fait, rendre hommage à leur travail et à leur mobilisation.
Ce monde combattant est uni autour de valeurs fortes, essentielles pour notre société : la solidarité, le sens du devoir et du sacrifice, l’attachement à la patrie, le souvenir et la fraternité, cette fraternité qui lie entre eux les compagnons d’armes toutes générations du feu confondues.
Tous jouissent de notre respect et de notre affection. À travers leur dignité et leur force d’âme, tous ces héros, souvent anonymes, parfois touchés dans leur chair, suscitent chez nos concitoyens une intense émotion. Cette émotion, je l’éprouve au plus profond de moi-même, comme chacune et chacun d’entre vous, lors des cérémonies patriotiques, face aux monuments aux morts, devant les porte-drapeaux, lorsque retentissent les notes de l’hymne national.
Je souhaite dire à Nathalie Goulet que j’attache moi aussi la plus grande importance au bon déroulement de nos cérémonies patriotiques et lui indiquer qu’une plaquette sur cette question est en cours de réalisation pour l’Association des maires de France. Elle sera prochainement mise en ligne sur le site de l’ONAC et envoyée aux délégués militaires départementaux, ainsi qu’aux cabinets des préfets.
Oui, les anciens combattants méritent notre respect et notre reconnaissance. Je ne sais pas si la nomination d’un ministre d’État chargé tout à la fois de la défense et des anciens combattants est une marque de désintérêt pour le monde combattant.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Non !
M. Paul Blanc. Au contraire !
M. Alain Juppé, ministre d'État. Pour ma part, je ne le pense pas et je vous remercie de me soutenir dans cette conviction. Sachez que je suis prêt à mettre toute mon énergie dans la poursuite de l’action de mon prédécesseur, Hubert Falco.
Cette considération se traduit dans le projet de budget que je vais vous présenter aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et par les réponses que je ferai à vos observations et à vos questions.
La première caractéristique de ce budget est son ambition. Il prévoit, en effet, les moyens nécessaires à la poursuite de notre effort de modernisation. Modernisation du service rendu au monde combattant, d’abord, avec des procédures simplifiées et un accès facilité à un interlocuteur désormais unique, l’ONAC.
L’année 2010 a été décisive pour la mise en œuvre de cette réforme, avec la fermeture de dix directions interdépartementales de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS.
Je tiens à saluer la mobilisation des services et des agents pour relever ces défis, et à rendre hommage aux responsables des services déconcentrés de la DSPRS pour leur détermination à accompagner les personnels touchés par ces mesures de restructuration.
Ces efforts ont porté leurs fruits : 71 % des agents concernés ont d’ores et déjà été reclassés. Certains d’entre vous ont trouvé ce pourcentage encore insuffisant. Il est toutefois déjà fort élevé. Les agents qui restent à reclasser, notamment à Montpellier et à Strasbourg, disposent d’une solution provisoire sous la forme d’une mise à disposition au bénéfice d’un service de l’État. Vous le voyez, personne n’a été ni ne sera laissé sur le bord de la route.
Ces efforts de restructuration, nous allons les poursuivre en 2011 pour mener la réforme à son terme, avec la fermeture des dernières directions interdépartementales et interrégionales. Je tiens à préciser que ces évolutions sont conduites à droit constant pour les ressortissants et que les services repreneurs bénéficient du transfert de l’intégralité des moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
Au-delà du service rendu au monde combattant, permettez-moi d’évoquer une réforme moins visible, mais tout aussi ambitieuse et importante pour l’avenir : celle de la direction du service national.
Elle se traduit, notamment, par la transformation de la Journée d’appel et de préparation à la défense en Journée défense et citoyenneté, la JDC, en application des orientations fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
La Journée défense et citoyenneté bénéficie d’une pédagogie entièrement revue et modernisée. Son contenu est recentré sur sa mission principale : la sensibilisation aux enjeux de défense élargis aux questions de sécurité. Par ailleurs, le volet citoyenneté est renforcé, l’accompagnement des jeunes détectés comme illettrés ou en difficulté est amélioré et la JDC contribue désormais au plan Santé pour les jeunes. Déjà mise en œuvre sur plusieurs sites, elle sera généralisée en 2011.
Permettez-moi ici de souligner un point important. Les amendements divers déposés par le groupe socialiste, apparentés et rattachés et par le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche pour financer diverses mesures relevant du programme 169 prennent tous des gages sur le programme 167, donc sur les crédits de la Journée défense et citoyenneté. Sachez bien que ce programme n’a aucune marge de manœuvre en 2011. Réduire les crédits consacrés à la JDC conduirait inéluctablement à supprimer ou à reporter ces journées, qui constituent une obligation légale et concernent 800 000 jeunes par an.
Au-delà des moyens qu’il consacre à ces réformes profondes, le budget 2011 des anciens combattants est également un budget juste.
Il est juste, d’abord, parce qu’il préserve intégralement les droits et avantages légitimes des anciens combattants et victimes de guerre. Janine Rozier l’a dit de façon très explicite : tous les droits acquis sont respectés. Je ne peux pas laisser dire que l’on demanderait aux anciens combattants des efforts spécifiques du fait de la crise. Ils participent à l’effort national en tant que citoyens, mais en tant qu’anciens combattants leurs droits sont intégralement maintenus.
C’est vrai en matière fiscale, qu’il s’agisse de la demi-part fiscale, des avantages de la retraite mutualiste du combattant, de la défiscalisation des pensions militaires d’invalidité, les PMI, ou de la retraite du combattant. C’est vrai aussi du rapport constant, puisque l’article L. 8 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, qui permet de réviser la valeur du point de PMI proportionnellement à l’évolution de l’indice d’ensemble des traitements de la fonction publique de l’État, reste la référence.
Depuis le 1er janvier 2010, les modalités de fixation de cet indice ont évolué. L’indice des traitements de la fonction publique de l’INSEE a été remplacé par l’indice de traitement brut-grille indiciaire, publié conjointement par l’INSEE et le service statistique de la direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Rien n’a cependant changé quant au fond. Comme cela était le cas auparavant, à chaque publication de la nouvelle valeur de l’indice, et en cas d’évolution de celui-ci, un arrêté sera pris pour revaloriser la valeur du point de PMI. La revalorisation de 0,5 % des traitements de fonctionnaires intervenue au 1er juillet 2010 sera donc appliquée, dès le nouvel indice validé, par un arrêté pris conjointement avec mon collègue François Baroin dans les plus brefs délais, avec rattrapage au 1er juillet.
En ce qui concerne l’allocation différentielle en faveur des conjoints survivants, la dotation de 5 millions d’euros est reconduite et sanctuarisée dans le budget de l’ONAC. Je vous rappelle que cette allocation, dont le montant s’élève aujourd’hui à 817 euros, a progressé de 48 % depuis 2007. Elle sera relevée à 834 euros courant 2011.
De manière générale, je voudrais insister sur le fait que le budget de l’ONAC pour 2011, désormais à l’équilibre, augmente de 8 %.
S’agissant du droit à réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français, là encore, nous tenons les engagements pris à la suite de la loi du 5 janvier 2010, visant à indemniser les personnes – militaires, travailleurs civils, populations civiles – qui ont résidé dans des zones définies par le texte, au Sahara et dans le Pacifique, et qui présentent des pathologies cancéreuses considérées comme radio-induites.
Le dispositif est désormais opérationnel. Le décret d’application publié le 11 juin 2010 comporte la liste des dix-huit pathologies prises en compte. Il définit les zones d’exposition et indique la procédure applicable aux demandes d’indemnisation, ainsi que les voies de recours.
Un comité d’indemnisation examine les dossiers et présente au ministre de la défense un projet de décision d’indemnisation ou de rejet. Il est présidé par un conseiller d’État et ses membres, parmi lesquels un magistrat de l’ordre judiciaire et des scientifiques de haut niveau, ont été nommés par un arrêté du 3 août 2010.
Le secrétariat du comité d’indemnisation a commencé à traiter les premiers dossiers déposés, soit un peu moins de 400 dossiers à ce jour. Les premières propositions de décisions d’indemnisation devraient m’être présentées en décembre. Une provision de 10 millions d’euros est inscrite en loi de finances au programme 169 pour couvrir les premières indemnisations et les dépenses liées au fonctionnement du dispositif.
Au-delà de la préservation intégrale du droit à réparation des anciens combattants, le budget 2011 des anciens combattants répare un certain nombre d’injustices en ouvrant des droits nouveaux.
En premier lieu, même si les crédits nécessaires ne sont pas pris sur le budget du ministère de la défense et des anciens combattants, mais sur celui des pensions de retraite, je rappelle que l’article 100 du projet de loi de finances institue, au 1er janvier 2011, la décristallisation totale des pensions militaires de retraite des anciens tirailleurs, conformément à l’annonce faite par le Président de la République le 13 juillet dernier. Par conséquent, 32 000 personnes devraient bénéficier de cette mesure, dont le coût estimé est de 82 millions d’euros en 2011, de 100 millions d’euros en 2012 et de 125 millions d’euros en 2013.
La revalorisation du point sera automatique au 1er janvier 2011. En revanche, conformément au dispositif appliqué pour la décristallisation des prestations du feu, la revalorisation des indices nécessite, quant à elle, une demande de l’intéressé pour reconstituer sa carrière et sa situation de famille. Un décret d’application sera pris très rapidement sur ce point. Il précisera, comme certains d’entre vous l’ont souhaité, les conditions d’information des personnes concernées, qui avaient été jugées insuffisantes par la Cour des comptes lors de la décristallisation de 2007. Je serai très attentif à ce point.
S’agissant de l’attribution de la carte du combattant, et donc de la retraite du combattant, aux anciens combattants ayant servi en Afrique du Nord après le 2 juillet 1962, …
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Alain Juppé, ministre d'État. … sachez que la situation budgétaire ne permet pas d’inscrire les crédits nécessaires à l’augmentation du nombre des retraites du combattant correspondants. Il n’y a donc pas pour 2011 de mise en œuvre de cette mesure d’extension. Je veillerai, cependant, à ce que cette disposition soit appliquée dès que les marges financières seront acquises pour financer un surcoût de l’ordre de 4,6 millions d’euros par an.
En ce qui concerne l’attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord, je voudrais dissiper un malentendu avec certaines associations d’anciens combattants qui dénoncent le caractère restrictif du décret du 29 juillet dernier.
Permettez-moi à ce sujet un bref rappel historique. Dès l’origine, pour les opérations qui se sont déroulées en Afrique du Nord, seul le régime de la campagne simple a été accordé. Cela signifie que les services qui y ont été accomplis ont été comptabilisés deux fois au titre de la pension de retraite. Le régime de la campagne double, plus favorable puisque les services sont comptés trois fois, est traditionnellement réservé aux seules opérations de guerre. Or la loi du 18 octobre 1999 a précisément substitué à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l’expression « à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».
Des associations ont donc demandé l’attribution de la campagne double pour les ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite ayant servi en Afrique du Nord. Un arrêt du conseil d’État du 17 mars leur a donné raison.
Le décret du 29 juillet 2010 permet de réviser toutes les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, date de l’entrée en vigueur de la loi. Il respecte le principe d’égalité de traitement entre générations du feu. Il répond aux exigences du Conseil d’État qui, dans un avis du 30 novembre 2006, avait demandé aux ministres chargés des anciens combattants et du budget de définir « les circonstances de temps et de lieu » permettant d’identifier les « situations de combat » ouvrant droit à la bonification. Le décompte des actions de feu et de combat sera fait à la demande des intéressés, sur la base des journaux des marches et des opérations.
Enfin, ce projet de budget traduit notre volonté de remédier à certaines situations injustes.
Le Gouvernement a souhaité voir améliorer la situation des veuves des plus grands invalides de guerre, ces femmes qui ont renoncé à une activité professionnelle pour s’occuper, avec dévouement et générosité, de leur conjoint gravement blessé. Il a donc émis un avis favorable sur l’amendement, déposé par les députés, visant à instituer un supplément de pension de 360 points en faveur des conjoints des invalides dont le taux d’invalidité est le plus élevé. Cette disposition, d’un coût modeste, je le reconnais, représente néanmoins une avancée incontestable.
Dans le même esprit, à la demande du Premier ministre et pour améliorer la cohérence d’un dispositif juridique qui excluait injustement du droit à réparation certains orphelins de victimes de la barbarie nazie, le ministère de la défense a rédigé un projet de décret unique tendant à l’unification des dispositifs existants. Ce projet répond à l’exigence de lisibilité et de correction des principales difficultés d’application constatées, tout en restant fidèle à la spécificité d’une réparation liée à la notion de barbarie nazie. Je précise toutefois que le budget qui met en œuvre les mesures d’indemnisation des orphelins de déportés et de victimes de la barbarie nazie, le programme 158, est placé sous la responsabilité du Premier ministre et non du ministère de la défense et des anciens combattants.
Enfin, chère Janine Rozier, en réponse à l’amendement que vous avez déposé, je vous informe qu’une étude sera réalisée dans dix-huit départements afin de recenser les anciens combattants les plus démunis susceptibles de bénéficier d’une allocation différentielle sur le modèle de l’allocation existant pour les conjoints survivants. Sur la base de cette étude, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport évaluant l’intérêt de créer une telle allocation pour les anciens combattants ressortissant de l’Office national des anciens combattants, l’ONAC.
En dépit de l’ouverture de ces nouveaux droits, le budget des anciens combattants pour 2011, c’est sa troisième caractéristique, est cependant un budget responsable.
Ce budget est responsable, tout d’abord, parce que, face à une crise économique et financière sans précédent, il ne pouvait s’exonérer de l’effort collectif nécessaire pour redresser les finances de l’État. Cette nécessité, François Baroin l’a clairement réaffirmée lors de la présentation du projet de loi de finances, en fixant comme objectif de ramener le déficit de 152 milliards d’euros en 2010 à 92 milliards d’euros en 2011. Le Premier ministre en a également pris acte, en décidant d’affecter toutes les économies à la réduction des dépenses.
Dans ce contexte, chacun comprendra, je l’espère, même si nous le regrettons tous, que les demandes de hausse du plafond pour la rente mutualiste du combattant ou d’abaissement en dessous de 75 ans de l’âge ouvrant droit à la demi-part fiscale ne sont pas réalisables.
De même, il n’est malheureusement pas possible d’augmenter de deux points la retraite du combattant en 2011, comme je l’aurais personnellement souhaité, car nous ne disposons pas des marges de manœuvre nécessaires pour le faire. Cette décision, nous ne la prenons pas de gaîté de cœur, nous qui avons largement prouvé notre attachement au monde combattant en augmentant cette pension de 36 % en quatre ans. Nous avons donc décidé d’accorder un point de hausse au 1er juillet 2011 : la dépense s’élèvera à 4,7 millions d’euros en 2011 et à 18,44 millions d’euros en année pleine pour 2012 et 2013. Tel est le sens de l’amendement n° II-170, déposé par le Gouvernement, qui porte à 44 points la retraite du combattant au 1er juillet 2011.
Responsable, le budget des anciens combattants pour 2011 l’est également par sa volonté de préparer l’avenir, ce qui suppose, tout d’abord, que nous nous donnions tous les moyens de remplir notre devoir de mémoire.
Dans la perspective du centenaire de la Grande Guerre, le budget pour 2011 consacre une mesure nouvelle de 1,5 million d’euros, reconductible en 2012 et 2013, à la rénovation de nos nécropoles. Ce budget permettra par ailleurs de poursuivre le cycle commémoratif du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale engagé l’an dernier, en faisant porter notre effort sur la Résistance.
Enfin, vous le savez, le Gouvernement a installé, le 19 octobre 2010, le conseil d’administration de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. À l’instar des grandes fondations de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, ce nouvel organisme est appelé à devenir un centre de ressources documentaires ainsi qu’un lieu de recueil de la mémoire orale. Il sera également ouvert aux historiens et aux sociologues, auxquels il offrira un espace de réflexion et de débat inscrit dans l’histoire du conflit, mais aussi dans le temps long et dans l’histoire de l’espace méditerranéen.
Préparer l’avenir, c’est enfin garantir la relève du monde combattant et renforcer le lien armée-nation. Tel est le sens du décret modifiant les critères d’octroi de la carte du combattant pour les opérations extérieures, les OPEX, publié le 14 novembre 2010, qui permet d’augmenter de 25 % à 50 % le nombre de bénéficiaires nouveaux de la carte du combattant chaque année.
C’est aussi l’objectif du chantier que nous allons lancer, vingt ans après la guerre du Golfe, pour donner une dimension mémorielle cohérente à cette longue génération des OPEX, qui va de la guerre de Corée, première opération extérieure de l’après-guerre, à l’Afghanistan aujourd’hui.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce budget ambitieux, juste et responsable, le Gouvernement montre que l’avenir du monde combattant est au cœur de ses préoccupations. Il exprime son engagement sans faille aux côtés des anciens combattants et sa ferme détermination à rendre la flamme du souvenir toujours plus vive et toujours plus claire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Demande de priorité
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Monsieur le président, au nom de la commission des finances, je demande, en vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement, l’examen par priorité des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 68 ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
J’appelle donc en discussion les amendements portant article additionnel après l’article 68 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».
Articles additionnels après l’article 68 ter
(priorité)
M. le président. L’amendement n° II-61, présenté par Mme Rozier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
L’Office national des anciens combattants transmet au Parlement, au plus tard le 30 juin 2011, les résultats de l’étude menée par ses services dans douze départements visant à dénombrer les anciens combattants les plus démunis susceptibles de bénéficier d’une allocation différentielle sur le modèle de l’allocation existante pour les conjoints survivants.
Sur la base de cette étude, le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 septembre 2011, un rapport évaluant l’intérêt de créer une telle allocation différentielle pour les anciens combattants ressortissants de l’Office national des anciens combattants.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à faire réaliser une étude sur l’instauration d’une allocation différentielle en faveur des anciens combattants démunis, sur le modèle de celle qui existe en faveur des conjoints survivants. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés tout à l’heure dans mon intervention. Par ailleurs, M. le ministre d’État a bien voulu indiquer par avance qu’il était favorable à cette mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite simplement faire une observation. L’amendement de Mme Rozier prévoit que l’étude couvrira douze départements et M. le ministre d’État, dans son intervention, a évoqué le chiffre de dix-huit départements.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Alain Juppé, ministre d’État. Monsieur le président, « qui peut le plus, peut le moins », me semble-t-il !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II–61.
(L’amendement est adopté à l’unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 68 ter.
L’amendement n° II-170, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 68 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Aux deuxième et cinquième alinéas de l’article L. 256 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, le nombre : « 43 » est remplacé par le nombre : « 44 ».
II. - Les dispositions du I ci-dessus entrent en vigueur à compter du 1er juillet 2011.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Alain Juppé, ministre d’État. Monsieur le président, pour gagner du temps, je ne reviendrai pas sur l’argumentation que je viens de développer. Cet amendement tend à augmenter d’un point l’indice applicable à la retraite du combattant à compter du 1er juillet 2011.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. En déposant cet amendement, le Gouvernement met en accord avec les faits la déclaration qu’a faite le ministre du budget en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, puisque les règles applicables à la seconde délibération l’avaient empêché de déposer cet amendement.
Au nom de la commission des finances, je tiens à rappeler que l’adoption de cet amendement aura des conséquences budgétaires pour les années à venir. La commission souhaite donc être rassurée sur le respect des engagements pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je tenais à préciser que mon groupe ne votera pas contre cet amendement a minima, qu’il considère comme un amendement de repli, j’aurai l’occasion d’y revenir. Comme l’ensemble de mes collègues, monsieur le ministre d’État, je regrette vivement que les engagements pris par votre prédécesseur ne soient pas tenus.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Nous voterons également cet amendement, monsieur le ministre d’État, pour vous aider à tenir une petite part des promesses de votre majorité.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-170.
(L’amendement est adopté à l’unanimité des présents.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 68 ter.
Mme Nathalie Goulet. Ça commence bien !
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation |
3 313 166 266 |
3 319 404 223 |
Liens entre la nation et son armée |
127 337 044 |
134 259 022 |
Dont titre 2 |
101 696 295 |
101 696 295 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant |
3 070 179 138 |
3 070 179 138 |
Dont titre 2 |
12 345 468 |
12 345 468 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
115 650 084 |
114 966 063 |
Dont titre 2 |
2 001 165 |
2 001 165 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-62, présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Desessard, Masseret, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
36 000 000 36 000 000 |
36 000 000 36 000 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
36 000 000 |
36 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
||||
TOTAL |
36 000 000 |
36 000 000 |
36 000 000 |
36 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. L’adoption de cet amendement permettra d’aider le Gouvernement à tenir l’une des nombreuses promesses électorales du Président de la République.
Nos collègues de l’Assemblée nationale avaient réussi à porter la retraite du combattant à 45 points, mais une deuxième délibération est revenue sur cette avancée, supprimant l’augmentation des deux points.
Pour atteindre l’indice 48, conformément à la promesse du Président de la République, nous avons une différence d’appréciation sur la façon dont cet indice doit évoluer. Nous vivons dans un contexte de crise économique et sociale. La plupart des anciens combattants sont des retraités ; nous savons que leur pouvoir d’achat a perdu 1,6 % en un an et le pire est peut-être encore devant nous ! Par conséquent, nous pensons qu’il faut aller vite, car la fin de la législature approche ; il ne reste plus que deux exercices budgétaires pour rattraper les cinq points manquants afin de tenir la promesse du Président de la République !
C’est pourquoi nous proposons de relever de deux points la retraite du combattant dès 2011. Il s’agit d’une juste mesure de réparation en faveur de ceux qui ont combattu pour notre pays.
M. le président. L’amendement n° II-95, présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Desessard, Masseret, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
18 000 00018 000 000 |
18 000 00018 000 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
18 000 000 |
18 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
||||
TOTAL |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
18 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Il s’agit d’un amendement de repli ; par conséquent, les arguments qui le justifient sont les mêmes que ceux que je viens de développer au sujet de l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Le Président de la République avait annoncé la revalorisation de la retraite du combattant à 48 points à l’horizon de 2012. Comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre d’État, les contraintes budgétaires actuelles font que le financement de cette mesure porterait un coup sérieux à la journée défense et citoyenneté, en amputant ses crédits de plus de 30 %, alors même que cette action connaît déjà une forte baisse entre 2010 et 2011.
La commission des finances avait fait savoir, avant l’adoption du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, qu’elle était favorable à l’amendement du Gouvernement que nous venons d’adopter. Je demanderai donc aux auteurs de ces deux amendements de les retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-100, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
14 100 000 |
14 100 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
14 100 000 |
14 100 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
14 100 000 |
14 100 000 |
14 100 000 |
14 100 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à revaloriser la retraite du combattant de deux points d’indice et non d’un seul, à compter du 1er janvier 2011 au lieu du 1er juillet 2011.
Je répète, comme chaque année, que l’engagement de porter à 48 points d’indice cette retraite, pris sous la précédente législature, n’a pas été tenu.
Certes, vous nous proposez de porter cet indice de 43 points à 44 points... mais au 1er juillet 2011, selon la pratique des « tous petits pas » lancée par M. Mékachéra et que nous dénonçons quasi unanimement dans cette assemblée.
Notre rapporteur pour avis, Mme Janine Rozier, précise que, finalement, l’effort réalisé depuis 2006 par le passage de l’indice 33 à l’indice 43 aura rapporté 138 euros par pensionné et par an. Les bénéficiaires, qui ont « gagné » 11,50 euros par mois, apprécieront sans doute ce « coup de pouce » destiné à les aider à faire face aux augmentations des loyers, des charges et de l’énergie, postes de dépense qui ont explosé !
Le Président de la République ayant pris, par écrit, l’engagement de revaloriser de onze points en cinq ans la retraite du combattant, j’estime être très mesuré en proposant cette revalorisation au 1er janvier 2011.
L’an dernier, à l’Assemblée nationale, le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants de l’époque s’était même engagé à inverser sa programmation pluriannuelle : il envisageait, au lieu d’une revalorisation de 2 points en 2011 et de 3 points en 2012, de mettre en œuvre une revalorisation de 3 points en 2011 et de 2 points en 2012. Il ne savait pas, à l’époque, que le monde combattant n’aurait plus de représentant au gouvernement l’année suivante ! (M. Roland Courteau acquiesce.)
Certes, monsieur le ministre d’État, je suis un peu caricatural.
Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Si peu !
M. Guy Fischer. Néanmoins, le fait d’avoir attribué au ministre de la défense la responsabilité de ce portefeuille meurtrit le monde combattant. Vous avez effectivement beaucoup de qualités, mais je doute que vous soyez en mesure de lui consacrer le temps qu’il faudrait.
Moralité : les 48 points promis par un certain candidat à la Présidence de la République ne seront pas au rendez-vous !
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-101, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
4 700 000 |
4 700 000 |
||
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
4 700000 |
4 700 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
4 700 000 |
4 700 000 |
4 700 000 |
4 700 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à revaloriser la retraite du combattant d’un point d’indice à compter du 1er janvier 2011, et non du 1er juillet 2011.
Vous aurez compris, mes chers collègues, qu’il s’agit d’un amendement de repli, dont l’adoption marquerait, de la part du Gouvernement, un geste d’apaisement en direction du monde combattant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Un peu comme les amendements précédents, l’amendement n° II-100 tendrait à amputer la journée défense et citoyenneté de 65 % de ses crédits hors titre 2. La commission y est donc défavorable.
Elle est également défavorable à l’amendement n° II-101, étant précisé que, pour une mesure au 1er janvier 2011, le besoin de financement serait de trois quarts de point d’indice, soit, en prenant en compte le chiffrage du ministère, 13,8 millions d’euros, et non les 4,7 millions d’euros mentionnés dans l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de ces amendements.
Il est effectivement un peu caricatural, monsieur Fischer, de dire que, s’il y avait eu un secrétaire d’État à la place d’un ministre d’État, vous auriez obtenu une hausse de deux points. Je ne pense pas que les choses se seraient passées ainsi. (Sourires.)
M. Roland Courteau. Qui sait ?
M. Roland Courteau. C’est bien triste !
M. le président. L'amendement n° II-65, présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Desessard, Masseret, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Il s’agit, par cet amendement, de préserver la retraite des anciens combattants, ainsi que leur pouvoir d’achat.
Cette valeur du point est une question essentielle, puisqu’elle conditionne le montant des prestations servies aux anciens combattants, ayants droit et ayants cause.
Or il est connu que la valeur de référence retenue n’a que peu à voir avec la rémunération réelle des fonctionnaires de l’État.
En effet, traditionnellement, une part significative de la rémunération des agents de l’État est constituée par les primes. La valeur de ces primes n’est, par définition, pas prise en compte dans le montant du point de la fonction publique et, en conséquence, elle n’apparaît pas dans le montant du point de pension militaire d'invalidité, PMI.
Le présent amendement vise à permettre au Gouvernement de revaloriser ce montant du point de PMI en intégrant, autant que faire se peut, une part moyenne de la valeur des primes versées aux fonctionnaires de l’État.
Comme je l’ai déjà indiqué, nous sommes dans un contexte économique et social difficile. Un effort de la nation en direction de ceux qui ont combattu pour elle serait le bienvenu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Au 1er janvier 2010, l’indice des traitements de la fonction publique de l’INSEE, qui servait jusqu’alors au calcul de la valeur du point de PMI dans le cadre du rapport constant, a été remplacé par l’indice de traitement brut-grille indiciaire, publié conjointement par l’INSEE et le service des statistiques de la direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Un engagement a été pris pour que, en cas d’évolution de cet indice, un arrêté puisse revaloriser à due concurrence la valeur du point de PMI. Le ministre d’État pourrait peut-être rassurer les sénateurs sur cet engagement et préciser les modes de financement auxquels il aurait alors recours.
Il faut enfin rappeler que, si l’action 01 du programme 169 est ciblée, c’est l’ensemble du programme 169 qui est concerné par la revalorisation du point de PMI.
La commission des finances propose donc aux auteurs de cet amendement de le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. M. le rapporteur spécial a parfaitement expliqué le passage de l’indice des traitements de la fonction publique de l’INSEE au nouvel indice, qui est calculé trimestriellement. Mais, une fois cette période de transition absorbée, si je puis dire, l’article L.8 bis du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, selon lequel la valeur du point de PMI est révisée proportionnellement à l’évolution de l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique, sera, bien entendu, pleinement appliqué et respecté.
M. Guy Fischer. Ce sera sur le brut !
M. le président. Madame Printz, l'amendement n° II-65 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Printz. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-63 rectifié est présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-105 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
10 000 000 |
10 000 000 |
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TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l’amendement n° II-63 rectifié.
M. Ronan Kerdraon. Le Gouvernement de la France a très justement reconnu le droit à indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et racistes pendant la Seconde Guerre mondiale par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000, ce décret faisant suite au rapport de la mission d’étude présidée par M. Jean Mattéoli,…
Mme Nathalie Goulet. Excellent rapport !
M. Ronan Kerdraon. … demandé par le non moins excellent Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin. (Sourires.)
Dès la fin de l’année 2001, de nombreuses associations se sont manifestées, afin que d’autres orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie puissent bénéficier des mêmes indemnisations que les victimes de la Shoah.
Le secrétariat d’État à la défense chargé des anciens combattants organisa en 2002 la mise en place d’une commission pour répondre à cette nouvelle demande. Cette commission, présidée par l’ancien ministre Philippe Dechartre, a abouti à la publication du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, qui s’adresse aux orphelins de parents victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance ou pour des faits politiques.
Une troisième catégorie de pupilles de la nation, qui a souvent été déboutée dans le cadre des décrets de juillet 2000 et juillet 2004, sollicite une reconnaissance de la part de l’État. Elle regroupe les personnes dont les parents résistants sont morts les armes à la main et reconnus par la mention marginale portée sur les registres d’état civil : « Mort pour la France ».
Le présent amendement tend à répondre à cette demande, en prévoyant les crédits nécessaires à une extension du dispositif réglementaire.
Nous estimons que cette demande est légitime et qu’ainsi un geste serait fait en direction de ceux qui ont combattu pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-105.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, mes chers collègues, nous vous proposons de solder un très douloureux contentieux engendré par le décret du 27 juillet 2004 visant à l’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, morts en déportation, fusillés ou massacrés pour actes de résistance.
Comme vous le savez, les dispositions trop restrictives du décret excluent certains orphelins.
C’est pourquoi nous vous proposons de prendre en compte tous ceux dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » durant la Seconde Guerre mondiale, ce qui inclurait tous les orphelins des résistants morts les armes à la main, qu’ils aient appartenu au maquis du Vercors, au maquis des Glières ou à tant d’autres. Nous nous honorerions ainsi d’avoir mis sur un pied d’égalité, avec humanité et respect, tous les orphelins des résistants.
J’ai bien noté qu’un décret était en préparation, à la suite du rapport de M. Jean-Yves Audouin et sur proposition de la commission spéciale qui avait été constituée.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement d’appel en faveur des orphelins injustement laissés de côté, à notre sens, pendant six années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Ces amendements tendent à opérer un prélèvement de 10 millions d’euros du programme 167 pour abonder l’action 02 du programme 158.
Comme je l’ai déjà signalé, cela représente une amputation des deux tiers des crédits hors personnels de la journée défense et citoyenneté. Cette raison serait suffisante pour repousser ces amendements.
Mais il faut noter, en outre, que cette action connaît déjà en 2011 une augmentation de 15 % de ses crédits, soit un peu moins de 7 millions d’euros.
En réponse aux motivations conduisant les auteurs de ces amendements à proposer ce dispositif, la commission suggère, comme pour ce qui concerne l’allocation différentielle pour les anciens combattants, d’attendre la sortie du décret concernant les victimes d’actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Par ailleurs, je l’ai déjà signalé dans l’intervention que j’ai faite en qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, le projet de loi de finances rectificative pour 2010 laisse d’ores et déjà entrevoir une augmentation des crédits pour le programme 158 de 13 millions d’euros. On peut imaginer que le Gouvernement veillera à ce que toute nouvelle mesure en faveur des victimes trouve à être financée par un prochain collectif budgétaire.
En l’absence d’éléments nouveaux, il n’y a pas lieu d’abonder cette action, et la commission des finances émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission des finances.
Le décret, je l’ai dit, est en cours de préparation et son périmètre n’est pas complètement arrêté. Je veux simplement indiquer à la Haute Assemblée que la notion d’actes de barbarie devrait être étendue aux résistants et civils abattus sommairement, ainsi qu’aux patriotes résistants à l’Occupation incarcérés dans les camps spéciaux. Le projet de texte se propose également de donner un fondement réglementaire à l’indemnisation des orphelins mineurs de déportés revenus de déportation et décédés dans les deux années qui ont suivi la fin de la guerre, c’est-à-dire avant le 31 décembre 1947.
En attendant la parution de ce décret, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rejeter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-63 rectifié et II-105.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-68, présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Desessard, Mme Blondin, MM. Marc, Mahéas, Bodin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
5 500 000 |
5 500 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
5 500 000 |
5 500 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
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TOTAL |
5 500 000 |
5 500 000 |
5 500 000 |
5 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à augmenter la rente mutualiste du combattant de manière à tendre vers l’objectif affiché par le Président de la République.
En 1996, le protocole d’accord entre les associations d’anciens combattants et le gouvernement de l’époque avait prévu de porter à 130 points d’indice des pensions militaires d’invalidité le plafond majorable de cette rente.
La promesse du Président de la République, lors de la campagne électorale, de faire avancer cette revendication ne s’est malheureusement pas concrétisée, ni dans le budget de 2008, ni dans celui de 2009, ni dans celui de 2010, ni dans celui que nous examinons aujourd’hui. (M. Roland Courteau acquiesce.)
C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous proposons un relèvement de trois points supplémentaires du plafond majorable de la rente mutualiste, ce qui permettrait de se rapprocher des 130 points d’indice pour les atteindre dès l’année prochaine.
Si les décisions de majoration supplémentaire doivent s’effectuer à un rythme compatible avec les exigences budgétaires, il est incompréhensible qu’aucun effort ne soit fait pour tendre progressivement vers cette revalorisation tant attendue par le monde combattant.
M. le président. L'amendement n° II-102, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
1 800 000 |
1 800 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
1 800 000 |
1 800 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2 |
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TOTAL |
1 800 000 |
1 800 000 |
1 800 000 |
1800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’objet de cet amendement est de revaloriser le plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant, en le portant de l’indice 125 à l’indice 126, dans la perspective de solder, d’ici à 2012, cette très ancienne revendication du monde combattant.
Ainsi que nous le savons tous, le législateur de 1923 avait souhaité aller plus loin que la constitution d’un simple complément de retraite aidée par l’État. Il avait donc inclus la retraite mutualiste du combattant dans le droit à réparation, considérant les risques de mortalité, avec ses conséquences sur l’avenir de la famille du combattant. Il est d’ailleurs significatif qu’un grand nombre de jeunes militaires ayant participé aux opérations extérieures souscrivent de tels contrats.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que c’est à l’initiative de tous les groupes parlementaires que, en 1996, un protocole accepté par le gouvernement de l’époque avait fixé l’objectif de résorber le retard en portant à 130 points le plafond majorable.
Les gouvernements qui se sont succédé de 1998 à 2002 ont respecté cette orientation, encore une fois avec l’appui de tous les groupes parlementaires, en indexant d’abord la rente mutualiste du combattant sur l’indice des pensions militaires d’invalidité, puis en relevant chaque année cet indice de 95 à 115 points, au rythme de 5 points par an pendant quatre ans. Nous avons enfin, unanimement, porté cet indice à 122,5 points, puis à 125 points en 2007.
Le Président de la République avait écrit, le 3 avril 2007: « Vous pouvez compter sur ma détermination pour faire avancer cette revendication ».
M. Roland Courteau. Je m’en souviens très bien !
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, monsieur le ministre d’État, nous proposons donc une mesure modeste pour vous aider à tenir cette promesse. Malheureusement, nous ne nous faisons guère d’illusions, compte tenu de l’accumulation des promesses non tenues par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Monsieur Fischer, sur cet amendement comme sur les précédents, je vais émettre un avis défavorable.
M. Guy Fischer. Décidément, vous m’en voulez ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. L’exercice auquel je me livre, croyez-le bien, est difficile !
La dotation consacrée à la majoration de la rente mutualiste est l’une des seules sous-actions qui connaît une majoration entre 2010 et 2011. Ce sont 8 millions d’euros supplémentaires qui viennent accroître ce financement pour un total de 255 millions, soit une augmentation de 3,2 %. C’est pourquoi, vous l’avez bien compris, monsieur Fischer, madame Printz, la majorité de la commission des finances estime que, dans le cadre du budget pour 2011, cet effort correspond à un geste important.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements même si, pour l’amendement n° II-102, l’effort est plus réduit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Il est défavorable à ces deux amendements.
Je ne ferai pas à M. Fischer l’affront de lui rappeler que, depuis la campagne électorale de 2007, un événement non négligeable s’est produit – je veux bien sûr parler de la crise – qui a amené de nombreux gouvernements à revoir leurs prévisions. Nous n’avons pas aujourd’hui de marge de manœuvre nécessaire pour aller dans la direction souhaitée par M. Fischer.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-104, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, nous proposons la création d’une allocation différentielle pour les anciens combattants les plus démunis, sur le modèle de ce qui a été fait pour les conjoints survivants.
Les services sociaux de l’ONAC, comme les associations, rencontrent de plus en plus souvent des cas douloureux d’anciens combattants, en couple ou isolés, qui vivent dans des conditions dramatiques.
Ainsi, puisque nous avons, bien que très modestement, amorcé un processus en direction des veuves, on voit difficilement comment on pourrait laisser subsister bien en dessous du seuil de pauvreté des anciens combattants qui perçoivent, par exemple, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soit 677 euros par mois.
C’est donc pour d’évidentes raisons d’équité que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-66, présenté par Mme Printz, MM. Kerdraon et Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mmes Demontès et Ghali, MM. Gillot et Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Desessard, Masseret, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
4 000 000 |
4 000 000 |
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Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
4 000 000 |
4 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
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TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement a trait à l’extension de l’allocation différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis.
Les attentes concernant la pérennisation et l’augmentation de l’allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis ne sont pas non plus satisfaites par le projet de loi de finances pour 2011.
Il est indispensable aujourd’hui de relever le montant de l’allocation différentielle au niveau du seuil de pauvreté européen, évalué à 817 euros mensuels, soit 67 euros de plus que le montant actuel. La mesure proposée est une étape pour arriver l’année prochaine au seuil de 887 euros, seuil de pauvreté défini par l’INSEE. Cette mesure représente cette année un montant de 4 millions d’euros.
Cette mesure significative donnerait un début de satisfaction au monde ancien combattant. En effet, la création d’une véritable allocation différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis nécessite l’inscription de ces crédits sur une ligne budgétaire clairement identifiée et non une augmentation des crédits sociaux de l’ONAC.
L’objectif politique est que plus un seul conjoint survivant dans notre pays – ce sont essentiellement des veuves – n’ait de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Il est fondamental que la représentation nationale donne un signal. Cet amendement avait été adopté à l’Assemblée nationale, mais, au cours d’une seconde délibération le Gouvernement est revenu sur cette disposition.
Au-delà du fait que les droits du Parlement ne sont, une nouvelle fois, pas respectés, les conjoints survivants sont une fois de plus négligés.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de prendre en compte notre proposition en vue d’une création et d’une pérennisation effective de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants les plus démunis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Sur le principe, ces deux amendements visent à répondre à un souci de justice. La préoccupation de ne pas voir un ancien combattant modeste en deçà du seuil de pauvreté, que la commission comme moi-même partageons, est louable. Toutefois, nous proposons aux auteurs de ces amendements de les retirer au profit de l’amendement n° II-61 de la commission des affaires sociales, qui a été précédemment adopté.
À défaut de retrait, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° II-104 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Madame Printz, l'amendement n° II-66 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-103, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
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Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2 |
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TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, nous vous proposons de porter le plafond de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants à un minimum de 940 euros, seuil de pauvreté européen.
Certes, vous avez réévalué celui-ci de 800 à 817 euros le 1er janvier 2010, puis vous nous promettez 834 euros. Mais il s’agit encore de petits pas, surtout pour des veuves qui survivent plus qu’elles ne vivent avec de tels revenus.
Sur ce dossier de l’allocation différentielle, vous nous servez toujours les mêmes petites phrases : « On devrait trouver, on va faire en sorte que... » Nous préférerions de beaucoup que vous vous engagiez fermement sur un budget et non sur des économies prises on ne sait où.
De toute façon, l’effort n’est pas suffisant face à la grande pauvreté que connaissent certains conjoints survivants, essentiellement des veuves, dont la plupart n’avaient jamais eu de carrière professionnelle.
L’effort que nous vous demandons serait vraiment symbolique, surtout si l’on considère les crédits non utilisés. En effet, sur les sommes votées en faveur de ces veuves, nous savons qu’il y a chaque année des crédits non consommés. De surcroît, l’allocation de solidarité aux personnes âgées a augmenté de 33 euros au 1er avril 2010. Comme elle est comprise dans le calcul du plafond de ressources, voilà qui ne coûtera pas cher, et qui n’augmentera en rien les ressources de ces veuves.
Je vous rappelle également la demande des associations représentatives des anciens combattants de déduire du plafond de ressources les pensions de veuves de guerre et l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, qui concerne les personnes âgées dépendantes.
Vous pourriez d’ailleurs lever le gage comme vous l’avez fait pour les dispositions relatives aux veuves des plus grands invalides.
Faites donc droit aux légitimes revendications des anciens combattants sur les crédits non consommés et sur les baisses annuelles du budget consacré aux anciens combattants et victimes de guerre : 110 millions d’euros entre les budgets 2010 et 2011 !
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. Outre l’amputation d’un tiers des crédits hors personnel de la journée défense et citoyenneté, cet amendement vise à doubler le montant des crédits actuellement alloués à l’allocation différentielle pour les conjoints survivants.
Il conduirait ainsi à un relèvement de cette allocation d’un montant actuel de 817 euros à 900 euros environ. Même si, dans son principe, elle répond à un souci d’amélioration de la situation des conjoints survivants, une telle hausse dans un contexte budgétaire contraint n’est pas envisageable pour la commission des finances.
Le secrétaire d’État aux anciens combattants avait déclaré le 10 novembre dernier devant nos collègues députés qu’il s’engageait à ce qu’intervienne une majoration de 17 euros de cette allocation en 2011, de manière qu’elle soit portée à 834 euros.
Cet effort de 2 % ne semble pas pouvoir être dépassé pour la commission des finances, qui émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° II-103.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. Tout en comprenant parfaitement les motivations de l’auteur de cet amendement, je partage l’analyse qui vient d’être donnée par M. le rapporteur spécial. Je confirme l’engagement de l’ONAC de porter le plafond de cette allocation de 817 à 834 euros, ce qui représentera une dépense supplémentaire de l’ordre de 6 millions d’euros. Donc, avis défavorable.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 68 ter qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Article 68 ter (nouveau)
I. – L’article L. 50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La pension de conjoint survivant mentionnée aux alinéas précédents est majorée de l’indice de pension 360 lorsque le bénéficiaire du droit à pension était, à son décès, titulaire d’une pension dont l’indice était égal ou supérieur à 12 000 points.
« La pension calculée dans les conditions prévues à l’article L. 51 est majorée de 360 points. »
II. – Les deux derniers alinéas de l’article L. 50 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre sont applicables aux pensions de conjoints survivants et d’orphelins en paiement au 1er janvier 2011, à compter de la demande des intéressés.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l’article.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le ministre d’État, vous ne m’avez pas répondu en ce qui concerne la ligne Curzon.
M. Alain Juppé, ministre d'État. Madame la sénatrice, je me bornerai en cet instant à confirmer la position qui avait été prise sur ce point par mon prédécesseur, mais je suis tout à fait prêt à réexaminer cette question. Je l’ai bien notée et j’y apporterai une réponse dès que possible, en commission, par exemple.
M. le président. Je rappelle que les amendements portant articles additionnels après l’article 68 ter ont été examinés par priorité.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, avant d’aborder l’examen de la mission suivante, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi de finances pour 2011.
Écologie, développement et aménagement durables
Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens
Compte spécial : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Compte spécial : Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Compte spécial : Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » (et articles 70, 71, 71 bis, 72, 73 et 73 bis), ainsi que du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes spéciaux « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres ».
La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir rappelé quelques éléments de cadrage global, j’aurai le plaisir de vous présenter l’un des volets de la mission que nous rapporterons à quatre voix, Marie-Hélène Des Esgaulx, Gérard Miquel, François Fortassin et moi.
Madame la ministre, tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre nomination, vous qui suivez le dossier de l’écologie depuis de nombreuses années. C’est une grande mission qui vous est confiée, notamment avec les négociations sur le climat. Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, je salue votre entrée au Gouvernement et vous souhaite plein succès pour continuer à développer les lignes à grande vitesse, les tramways et autres modes de transport doux en France, qui ont bien besoin de toute votre énergie !
Les crédits demandés pour la mission « Écologie, développement et aménagement durables » s’élèvent à un peu plus de 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 9,5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse respective de 2,7 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les seuls crédits budgétaires ne retracent pas tout l’effort financier déployé par l’État et ses opérateurs en faveur de l’environnement et des transports. Il faut y ajouter notamment 5 milliards d’euros environ de ressources extrabudgétaires en provenance de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et des opérateurs bénéficiant d’une fiscalité affectée, et de l’ordre de 2,8 milliards d’euros de dépenses fiscales, dont le poids tend à diminuer.
Malgré la baisse globale des crédits de la mission, les moyens affectés à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement sont préservés en 2011, à hauteur de 163,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 154,5 millions d’euros en crédits de paiement.
Le programme 113, Urbanisme, paysages, eau et biodiversité, se caractérise par la reconduction globale de ses crédits, à hauteur de 349,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 345,2 millions d’euros en crédits de paiement. Les actions du programme s’appuient aussi sur des opérateurs puissants, dont les ressources extrabudgétaires atteignent des sommes de l’ordre de 2,5 milliards d’euros.
Le programme 113 reste marqué par la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et par la poursuite de la RGPP. Il a fait l’objet de plusieurs contrôles de la Cour des Comptes en 2010. L’un d’entre eux a porté sur les Parcs nationaux de France, pour lequel la Cour déplore que les économies d’échelle attendues demeurent encore largement virtuelles. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les mesures mises en œuvre au sein de cette structure, qui était censée fédérer les moyens de l’ensemble des parcs, pour répondre aux recommandations de la Cour ?
Un deuxième contrôle a porté sur la police de l’eau, qui a fait l’objet d’une réorganisation en 2004. Il apparaît que les auteurs de pollution ne sont toujours pas sanctionnés de manière adéquate par les services de l’État. La Cour a donc préconisé une coordination des ministères concernés pour le suivi des procès-verbaux. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les actions qui ont été mises en œuvre pour remédier à ces difficultés ?
Avec 373,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 303,6 millions d’euros en crédits de paiement, les crédits du programme 181, Prévention des risques, diminuent de 1 % en crédits de paiement. Au sein de cette enveloppe, 63,9 millions d’euros de crédits de paiement seront plus spécifiquement dédiés à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
La dotation du programme 181 est plus que doublée quand y sont ventilés les crédits de soutien et de pilotage en provenance d’autres programmes ou missions. On remarque une hausse de 2,5 % des crédits en faveur des moyens dédiés à la prévention des risques naturels et hydrauliques. Cette hausse s’explique par les mesures prises en 2010 pour tirer les conséquences de la tempête Xynthia, mesures qui seront financées en 2011 notamment par le fonds Barnier. Madame la ministre, nous revenons à de mauvaises habitudes : cette extension des objectifs du fonds Barnier ne risque-t-elle pas de faire resurgir les problèmes anciens de ce fonds et d’affaiblir sa situation financière ?
La mise en œuvre des PPRT, les plans de prévention des risques technologiques, que j’évoque chaque année, demeure très insuffisante, avec seulement 337 PPRT prescrits et 44 approuvés à ce jour, alors que l’objectif fixé dans la loi de finances pour 2010 est de 420. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour avancer dans cette programmation qui est, je le rappelle, liée à l’accident de l’usine AZF, lequel a eu lieu il y a dix ans maintenant ?
L’année 2010 a permis de réaliser plusieurs des objectifs du deuxième plan national santé-environnement, tel que le triplement des crédits alloués à la remise en état des sites pollués orphelins.
Enfin, le montant de taxe affectée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, représentera 508 millions d’euros en 2011, ce qui est considérable. Cette affectation croissante de ressources fiscales appelle un contrôle parlementaire renforcé. Nous en avons conduit un cette année. La Cour des comptes a rendu ses conclusions en octobre dernier sur l’enquête que nous lui avions demandée. Le résultat est satisfaisant, puisqu’il apparaît que l’agence a effectué, après le précédent contrôle, des efforts importants pour améliorer sa gestion, et qu’elle fait un bon usage des fonds alloués dans le cadre des missions qui lui sont confiées pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Il reste quelques problèmes liés au pilotage budgétaire et financier de l’agence et à sa gouvernance.
Enfin, nous nous sommes intéressés à la gestion des investissements d’avenir confiés à l’agence, cette dotation en capital dont seuls les fruits sont utilisés chaque année en termes budgétaires. Nous avons relevé l’existence d’un dispositif comptable critiquable. Madame la ministre, avez-vous pu définir, avec le service compétent du ministère des finances, les modalités de cette valorisation ?
Pour le programme 174, Énergie, climat et après-mines, 751,6 millions d’euros en autorisations d'engagement et 752,2 millions d’euros en crédits de paiement sont demandés en 2011. Ce programme sert à gérer l’ensemble du dispositif d’après-mines : c'est la raison pour laquelle les crédits de paiement sont en baisse de 11 %.
Le dispositif de mesure de la performance a été complété de façon opportune, en suivant quelques-unes des recommandations que nous avions émises l’an dernier. En effet, un nouvel objectif relatif à l’amélioration de l’efficience du crédit d’impôt en faveur des économies d’énergie et du développement durable a été créé. Il faut se féliciter de ce nouveau critère, compte tenu de l’importance de la dépense fiscale associée à ce crédit d’impôt. Le coût de ce dernier s’est en effet élevé à 2,8 milliards d’euros en 2009 et à 2,6 milliards d’euros en 2010. Madame la ministre, nous aimerions que vous nous donniez des indications quant à l’évolution des critères de ce crédit d’impôt. Nous devons nous attacher à continuer d’aider les ménages investissant fortement dans l’amélioration de l’isolation et de l’efficacité énergétique de leur logement, tout en resserrant, comme cela a été fait depuis deux ans, les critères pour ne financer que l’innovation et éviter une explosion du coût de ce dispositif.
Enfin, une enquête de la Cour des comptes relative à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a débouché sur deux recommandations principales. D’une part, il est nécessaire de faire aboutir dès que possible le choix d’un site susceptible d’accueillir le centre de stockage des déchets radifères et graphites, dont la mise en service est prévue dès 2013 par la loi. D’autre part, il faut mener une réflexion sur les modalités de financement de la construction du futur centre de stockage profond. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des éléments sur ces deux dossiers ?
Au titre du programme 217, 3,8 milliards d’euros en autorisations d'engagement et 3,6 milliards d’euros en crédits de paiement sont demandés pour 2011. Le projet de loi de finances pour 2011 se caractérise par plusieurs transferts et une mesure de périmètre. Je le rappelle, ce programme porte l’ensemble des moyens du ministère : il est donc concerné par la réorganisation de ce dernier.
Le transfert le plus important, d’un montant de 1,9 milliard d’euros, est celui qui est effectué au profit du programme Fonctionnement des directions départementales interministérielles, géré par les services du Premier ministre. Madame la ministre, puisque des réorganisations ont eu lieu, nous aurons d’autres transferts à suivre l’année prochaine. Il est important d’être capable de reconstituer ces mouvements pour suivre l’effectivité de l’application de la RGPP à périmètre évolutif.
Le programme 217 est marqué par la volonté de mener une réforme allant dans le sens du développement durable. En effet, il participe à la réalisation des engagements du Grenelle de l’environnement en portant, notamment, les moyens d’action du Commissariat général au développement durable. Je me suis penchée avec beaucoup d’intérêt sur cette question, car le commissariat effectue un réel travail interministériel pour promouvoir l’intégration du développement durable dans les politiques publiques. L’outil pour atteindre cet objectif est la stratégie nationale de développement durable pour 2010-2013, qui a été adoptée en juillet dernier.
Le programme 217 est également le vecteur d’évaluation de la mise en œuvre de l’État exemplaire. Le premier bilan du plan « Administration exemplaire » du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement est plutôt satisfaisant. Le dispositif mérite d’être poursuivi en 2011, avec, le cas échéant, la fixation de nouveaux indicateurs, plus exigeants.
Le programme 217 sera aussi concerné par la RGPP en 2011, à travers une rationalisation des fonctions logistiques, des ressources humaines et des services généraux. Le schéma d’emplois pour 2011 prévoit une réduction de 1287 emplois en équivalents temps plein travaillé.
Je voudrais également vous interroger, madame la ministre, sur la mise en œuvre des directives européennes dans le domaine de l’environnement et les objectifs de transposition prévus en 2011.
J’en termine avec le dispositif du « bonus-malus » automobile dont les critères doivent également être resserrés. On ne peut que se réjouir de son succès, puisque cela signifie que les émissions de dioxyde de carbone par les voitures baissent plus vite que ne le prévoyaient les plus optimistes. Elles diminuent annuellement de 5 grammes par kilomètre. Nous veillons néanmoins à éviter un creusement du déficit de ce compte particulier.
Enfin, l’effet sur la structure des ventes et les vertus écologiques sont incontestables. Les émissions moyennes des véhicules neufs sont ainsi passées à 131,2 grammes au premier semestre de 2010.
Tels sont, madame la ministre, les éléments principaux du budget global et des missions particulières que j’avais à commenter. Je voudrais avant tout me réjouir de votre engagement à la fois personnel, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et gouvernemental, dans ce domaine du développement durable, qui a bien besoin de toute votre détermination et de tous vos soins.
À un moment où des choix budgétaires doivent être faits, je forme le vœu que l’écologie reste une priorité absolue de toute l’équipe gouvernementale.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas évident !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que nouveau rapporteur de la commission des finances sur les crédits des transports terrestres, c’est pour moi un plaisir que de m’exprimer devant vous sur un thème qui concerne tous les Français et connaît actuellement des bouleversements majeurs, en particulier dans le secteur ferroviaire.
Les transports terrestres relèvent du programme 203, qui mobilise 43 % des crédits de paiement de la mission « Écologie », avec 4,08 milliards d’euros en 2011, soit une baisse de 5,5 % par rapport à 2010. Cette évolution repose pour l’essentiel sur une diminution des concours de l’État à Réseau ferré de France – j’y reviendrai –, des moyens consacrés à l’entretien préventif des chaussées, et des dépenses de fonctionnement, conformément aux orientations appliquées à l’ensemble du budget général.
La seconde vague de la révision générale des politiques publiques a un effet budgétaire relativement limité. Les services d’ingénierie routière seront néanmoins réorganisés.
À ces dotations budgétaires s’ajoutent des crédits extrabudgétaires : 1,7 milliard d’euros de fonds de concours de l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et des collectivités territoriales, 527 millions d’euros de dépenses fiscales, et 1,3 milliard d’euros de crédits de personnels, portés par le programme 217.
Les 920 millions d’euros de crédits du plan de relance sur 2009 et 2010 seront quasi intégralement dépensés d’ici à la fin de l’année.
De manière générale, de multiples priorités sont assignées à la politique des transports, dans la continuité du Grenelle de l’environnement, mais le contexte budgétaire n’autorise sans doute pas de telles ambitions. Je m’interroge notamment sur le soutien au transport combiné, qui me paraît assez peu mis en valeur.
Le projet de schéma national des infrastructures de transport nous propose un avenir rayonnant en matière de report modal, mais quelles seront les modalités de financement des 170 milliards d’euros d’investissements annoncés ? En outre, plusieurs de mes collègues estiment que le processus de concertation a été défaillant. Je considère, pour ma part, que l’examen de ce schéma devrait être reporté au début de l’année 2011, pour intégrer notamment les projets du Grand Paris.
J’en viens aux acteurs de la politique des transports. Je ne reviendrai pas sur le rôle de l’AFITF, dont la plus-value en termes d’évaluation et de décision paraît limitée, mais je constate que son financement est encore entouré d’incertitudes à moyen terme. La gestion de l’agence s’est déjà révélée tendue en 2009. Le budget de l’agence en 2011 devrait atteindre 2,2 milliards d’euros. La subvention de l’État sera reconduite à hauteur de 974 millions d’euros, mais elle devient un provisoire qui dure, car l’écotaxe-poids lourds ne pourra prendre que partiellement le relai à la mi-2012, voire en 2013, selon les dernières estimations.
Des inconnues subsistent également sur l’ampleur et le moment de l’augmentation de la redevance domaniale des sociétés d’autoroute. Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous puissiez nous donner des précisions sur les ressources propres de l’AFITF.
Le deuxième des trois opérateurs du programme, Voies navigables de France, connaît une situation financière plus satisfaisante. La subvention de l’État sera maintenue, à hauteur de 59,4 millions d’euros, et le plan de réduction des effectifs se poursuit, avec un plafond d’emplois réduit de 75 ETPT. Voies navigables de France doit surtout poursuivre ses importants investissements de modernisation et de développement du réseau magistral, avec près de 900 millions d’euros sur la période 2010-2013. Le nouveau contrat de performance pour 2010-2013 a, quant à lui, pris du retard : où en est-on, madame le ministre, et quels sont les nouveaux objectifs assignés à Voies navigables de France ?
J’en termine sur ce programme en évoquant le secteur ferroviaire, qui est financièrement fragile et aborde une étape décisive pour sa compétitivité. Il est fragile car son endettement augmente rapidement : plus de 28 milliards d’euros pour RFF, 8,6 milliards d’euros pour la SNCF au 30 juin 2010, 4,8 milliards d’euros en 2009 pour la RATP.
Si la tendance se poursuit, la dette de RFF pourrait être requalifiée en dette maastrichtienne. La crise économique a naturellement exercé un impact sur le trafic, en particulier le fret, qui s’enfonce un peu plus dans l’impasse malgré l’engagement national annoncé fin 2009. Cependant, tout cela repose principalement sur le pari d’un modèle économique déséquilibré à court terme : des coûts rigides à la baisse, notamment du fait de l’impact des retraites, des investissements élevés pour moderniser et développer le réseau, une rentabilité du TGV qui diminue. Les marges de manœuvre sont donc étroites.
Le modèle économique de RFF est plus particulièrement menacé et appelle des éclaircissements quant aux engagements de l’État. Les négociations avec la SNCF sur les péages d’infrastructures ont été difficiles. Ces derniers augmenteront néanmoins de 160 millions d’euros en 2011.
En revanche, les subventions de l’État relatives aux activités non couvertes par les recettes commerciales diminueront de 6,5 % ; RFF considère que cette dotation ne respecte pas la trajectoire fixée dans le contrat de performance, d’autant que la subvention fait l’objet chaque année d’un gel de 5 %, suivi d’une annulation en fin d’année. Si la tendance se poursuit, le manque à gagner serait, selon RFF, de plus d’un milliard d’euros sur la période 2011-2013.
Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous puissiez nous apporter une réponse claire sur la stratégie de l’État à l’égard de RFF et du secteur ferroviaire en général.
Une baisse de la subvention se conçoit dans le contexte budgétaire actuel. Néanmoins, il y a peu de leviers pour rectifier la situation. Si on considère que le renouvellement du réseau existant est une priorité pour maintenir la qualité de l’actif et éviter des coûts futurs plus élevés, il faut combiner deux solutions : abaisser les coûts d’exploitation et de maintenance de la SNCF et réduire la voilure sur le développement des lignes à grande vitesse en allongeant la durée des travaux. Encore faut-il que tout cela soit annoncé dans la transparence.
J’aborde à présent le programme 205, Sécurité et affaires maritimes, dont les crédits diminueront d’environ 2 % en 2011, avec 130 millions d’euros en autorisations d’engagement et 132 millions d’euros en crédits de paiement.
Cette dotation est plus que doublée par les crédits de masse salariale du programme 217, et la dépense fiscale que constitue la taxe au tonnage est évaluée à 100 millions d’euros environ. La réduction des effectifs concernera 92 ETPT.
De même, la rationalisation de l’organisation administrative se poursuit. Ainsi, l’établissement public des invalides de la marine devient un établissement public à part entière. Après les services déconcentrés de métropole, l’administration territoriale d’outre-mer sera à son tour réorganisée. Le pilotage du contrôle des pêches est unifié. De plus, le programme est doté d’un nouvel opérateur LOLF, l’École nationale supérieure maritime, qui remplace les quatre écoles de la marine marchande. Ce nouvel établissement, qui bénéficiera d’une subvention de 3,4 millions d’euros, doit contribuer à améliorer la reconnaissance et l’attractivité de la formation maritime.
S’agissant des crédits, je relève un certain nombre d’éléments. Je m’interroge sur le bien-fondé d’une subvention exceptionnelle d’un million d’euros au profit de l’Association internationale de signalisation maritime. Il apparaît cependant qu’elle doit contribuer à maintenir le siège de l’association à Saint-Germain-en-Laye, et des contreparties devraient conforter la représentation française. Le budget de l’action Gens de mer et enseignement maritime progresse de plus de 20 %, en raison de la revalorisation des subventions aux 12 lycées maritimes, et surtout du doublement des aides aux marins privés d’emploi, lié aux plans de sortie de flotte et aux plans sociaux de la SNCM et de la société de remorquage du Havre. D’importants efforts sont consentis sur les dépenses de soutien et de fonctionnement, qui diminuent de 9 %, hors subvention à l’ENSM.
J’en termine avec la présentation du nouveau compte d’affectation spéciale, qui externalise la péréquation assurant le financement des trains d’équilibre du territoire.
Cette réforme était annoncée et accompagne la mise en place d’une convention de service public pour l’exploitation de ces lignes déficitaires. Elle résulte plus particulièrement du règlement communautaire dit OSP du 23 octobre 2007, qui impose ce conventionnement.
L’article 33 du projet de loi de finances, qui crée ce compte, a été examiné mardi dernier, et son mode de financement a été modifié à l’initiative du Gouvernement. Afin de ne pas trop pénaliser les TGV, il sera donc alimenté par trois recettes et non plus deux : la nouvelle contribution de solidarité territoriale, une fraction de la taxe d’aménagement du territoire, pour faire contribuer de manière réduite les sociétés d’autoroutes, et une nouvelle taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, plafonnée à 75 millions d’euros.
La commission des finances approuve la création de ce compte, qui permet d’assurer une meilleure transparence sur l’exploitation et le financement des trains d’équilibre. Il faudra cependant que le projet annuel de performances soit un peu moins lapidaire l’année prochaine.
J’insiste également sur le fait que ce compte ne doit pas être le prélude à une dérive du déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire, mais, au contraire, inciter à sa réduction progressive.
La convention de service public entre l’État et la SNCF n’est pas encore connue, même si ses axes ont été annoncés à Troyes le 4 novembre dernier. Je souhaiterais toutefois, madame le ministre, que vous puissiez nous préciser son contenu, en particulier les objectifs afférents à l’amélioration du service et à la diminution du déficit d’exploitation.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la politique de sécurité routière devrait mobiliser 2,6 milliards d’euros en 2011, dont environ 58 millions d’euros au titre du programme 207, Sécurité routières, hors dépenses de personnel de 208 millions d’euros pour 2 547 ETPT.
La dernière décennie a été marquée par d’excellents résultats en matière de sécurité routière. La tendance a cependant été interrompue en 2009 avec une stabilité de la mortalité. Les objectifs ambitieux fixés pour 2012, notamment moins de 3 000 personnes tuées sur les routes, ont donc été reportés à 2013. Cette alerte de 2009 ne devrait heureusement pas se renouveler en 2010, puisque les résultats sur les dix premiers mois font état d’une baisse de 7 % de la mortalité.
Il importe néanmoins de rester vigilant et de ne pas lâcher la bride de la prévention et de la répression. En effet, de nouveaux défis apparaissent, avec une évolution préoccupante : la mortalité des conducteurs et passagers de deux-roues. À cet égard, nous pouvons approuver les mesures prises par le conseil interministériel de la sécurité routière du 18 février dernier en matière de contrôle technique et de formation.
En revanche, je m’interroge sur l’utilité du Conseil national de la sécurité routière, qui ne s’est pas réuni depuis avril 2008, même si son coût de fonctionnement est assez symbolique. Quel sort comptez-vous lui réserver, madame la ministre ?
Les crédits du programme 207 diminuent de 5,5 %, mais l’éducation routière devrait être préservée, en particulier dans le cadre de la réforme du permis de conduire. L’exécution du programme s’est améliorée en 2010. Néanmoins, les reports d’autorisations d’engagement demeurent importants.
La nécessaire réforme du permis de conduire se poursuit selon trois axes – un permis moins long, moins cher et plus sûr – et de nombreuses actions sont mises en place. On peut ainsi relever le recrutement de nouveaux inspecteurs en 2009 et 2010, une nouvelle offre de « conduite supervisée » pour les candidats majeurs, l’expérimentation de modules de sécurité routière dans 82 lycées ou localement dans certains collèges.
Enfin, je regrette que le mécanisme de cautionnement public de 20 000 prêts, dans le cadre du dispositif du permis à un euro par jour ait pris du retard. La Caisse des dépôts et consignations n’a conclu des conventions avec cinq établissements de crédit partenaires qu’en juin dernier.
Néanmoins, l’enveloppe budgétaire prévue pour 2011 me paraît reposer sur des hypothèses plus réalistes que celles qui avaient été budgétées fin 2009 et que nous avions réduites d’environ un million d’euros. Elle diminue ainsi de 18 %, soit 7,36 millions d’euros.
J’en viens à présent au nouveau compte d’affectation spéciale, qui succède à celui communément appelé « Radars ».
Nous le savons, les modalités actuelles d’affectation et les circuits budgétaires des amendes sont particulièrement complexes et fragmentées. Pour améliorer la lisibilité et la cohérence de cette politique ainsi que pour tenir compte du déploiement du procès-verbal électronique, l’article 31 du projet de loi de finances, que nous avons adopté cette semaine, élargit opportunément le périmètre de l’actuel compte. Il est ainsi renommé « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » afin d’y regrouper l’ensemble des recettes d’amendes de la police de la circulation, forfaitaires ou majorées, à l’exception de celles affectées directement à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et au Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD.
Les recettes et dépenses du CAS passent ainsi de 212 millions d’euros en 2010 à 1,29 milliard d’euros en 2011. Les modalités d’affectation des amendes forfaitaires des radars demeurent cependant inchangées. Nous sommes d’ailleurs plusieurs à le regretter. Une fraction de 130 millions d’euros revient donc aux collectivités territoriales, dont seulement 30 millions d’euros pour les départements, la Corse et les collectivités d’outre-mer. Ce montant me paraît insuffisant au regard des moyens consacrés par les départements à l’entretien des nombreux kilomètres de routes qui leur ont été transférés. Le solde continue de revenir à l’AFITF, soit 125 millions d’euros prévus en 2011.
Je relève par ailleurs que le produit des amendes forfaitaires des radars demeure surévalué en 2010 comme les années précédentes, avec 469 millions d’euros prévus au lieu des 522 millions d’euros attendus.
Le produit des amendes forfaitaires hors radars et de toutes les amendes forfaitaires majorées, après financement des dépenses nécessaires au procès-verbal électronique, est ventilé selon une nouvelle clef de répartition figée : 47 % pour l’État et 53 ¨% pour les collectivités territoriales. Cette clef correspond à la répartition moyenne de ce produit observée de 2006 à 2009. La commission des finances a souhaité, mercredi dernier, que cette clef puisse évoluer dans le temps selon une moyenne glissante.
Sans entrer dans le détail de la nouvelle structure, on peut estimer que l’affectation du produit des amendes sera plus lisible avec un compte structuré en deux sections équilibrées.
La première reprend le périmètre de l’actuel CAS, avec deux programmes qui financent l’entretien et l’extension des radars, l’exploitation du Centre national de traitement de Rennes et la modernisation du fichier national des permis de conduire. Sa dotation baisse de 10 millions d’euros pour s’établir à 202 millions d’euros.
La seconde section est totalement nouvelle et comprend trois programmes. Ceux-ci financent le déploiement du PV électronique, soit 21,2 millions d’euros, la contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, ce qui représente 627,1 millions d’euros, et le désendettement de l’État pour 440,8 millions d’euros. La justification au premier euro de ces deux programmes, qui représentent près de 83 % de la dotation, est limitée, mais le compte est surtout de ce point de vue un compte « de transit ».
J’en termine par quelques remarques sur le contrôle et le traitement des infractions.
Le dispositif de performance évolue peu avec un nouvel indicateur associé au programme de financement du PV électronique, qui mesure la part des procès-verbaux électroniques dans les contraventions de police de la circulation. À cet égard, l’expérimentation conduite depuis la fin de 2009 a été positive. Le taux de paiement au stade de l’amende forfaitaire a notamment progressé de 10 %. Le coût de la généralisation du PV électronique est estimé à 40 millions d’euros en 2011 et 2012, mais il doit permettre, à terme, d’étendre l’information et les moyens de paiement des contrevenants, de réduire les coûts de fonctionnement et d’améliorer le recouvrement des amendes.
L’intensification et la diversification des contrôles radars se poursuivent bien que l’objectif de déploiement de 4 500 dispositifs de contrôle ait été reporté à 2013. Cet objectif peut être atteint à condition que celui de 2010 et les prévisions ambitieuses de déploiement en 2011 soient respectés. Or le rythme de déploiement s’est révélé trop lent en 2008 et en 2009, notamment en raison des procédures de passation des marchés. Cela est d’autant plus regrettable que le programme a de nouveau enregistré des reports très élevés de crédits de 2009 sur 2010, soit près de 133 millions d’euros. On peut donc s’interroger sur la sincérité des dotations.
L’équipement en radars mobiles est désormais stabilisé depuis 2010 et les prochaines années verront l’apparition de nouveaux systèmes de contrôle des passages à niveau et de la vitesse moyenne sur une section, outre le renforcement de l’équipement en radars « feux rouge ». En revanche, l’expérimentation du dispositif de contrôle du respect des distances de sécurité ne s’est pas révélée concluante.
Le coût de fonctionnement du Centre national de traitement des amendes est stable avec 70 millions d’euros et les dépenses de développement s’inscrivent en forte baisse, les investissements importants ayant été réalisés de 2008 à 2010.
Le financement et la maîtrise d’œuvre du développement du projet FAETON, soit l’application qui remplacera le système national des permis de conduire, seront désormais confiés à l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS. Après avoir connu des retards inquiétants, il apparaît que ce programme peut respecter l’échéance communautaire du 19 janvier 2013. Toutefois, j’aimerais que Mme la ministre nous le confirme.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur spécial.
M. François Fortassin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 170, Météorologie, est doté de 198,45 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression de 4,8 % par rapport à 2010. Ce montant doit permettre à l’opérateur de s’acquitter des missions importantes qui lui sont confiées dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance 2009-2011.
En 2010, l’exécution s’est avérée conforme à la prévision en ce qui concerne les recettes liées à son activité commerciale, qui se sont élevées à 41 millions d’euros, ainsi qu’en matière de ressources humaines, à travers la poursuite de l’effort lié à l’application de la norme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En outre, l’année 2010 a marqué le début de deux opérations immobilières de l’établissement : la construction d’un bâtiment à Toulouse et celle d’une infrastructure, mutualisée avec d’autres partenaires, permettant d’accueillir des moyens de calcul intensif, dont le supercalculateur.
Le budget de Météo France pour 2011 se caractérise par un effort de maîtrise des dépenses de personnel à travers la baisse de 50 équivalents temps plein travaillé sous plafond, la poursuite de la réduction des dépenses de fonctionnement courant et des prévisions de recettes commerciales stables, à hauteur de 41 millions d’euros. Météo France vise ainsi un exercice équilibré sans recourir à un prélèvement sur son fonds de roulement, qui a diminué de 11,5 millions d’euros en 2009.
Le bilan à mi-parcours de la mise en œuvre du contrat d’objectifs 2009-2011 a révélé que les taux d’objectifs cibles atteignaient un niveau d’exécution supérieur à 85 %. L’année 2011, quant à elle, sera marquée par le début des réflexions en vue de l’élaboration du prochain contrat d’objectifs et de performance sur la période 2012-2014.
Madame la ministre, pourriez-vous nous donner quelques indications en ce qui concerne le contenu et les délais d’élaboration du futur contrat ?
Le programme 159, Information géographique et cartographique, porte, pour 82 millions d’euros, la subvention pour charges de service public de l’Institut géographique national. Ce montant augmente de plus de 11 %, soit 8,4 millions d’euros, par rapport aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances pour 2010.
L’exécution du budget pour 2010 s’est notamment caractérisée par une progression des résultats commerciaux de 9,7 millions d’euros. Le fonds de roulement a augmenté de 3 millions d’euros par rapport à 2009, pour un montant total de 30 millions d’euros. La situation financière de l’IGN est donc satisfaisante. Le budget pour 2011 devrait se caractériser notamment par une baisse des charges de fonctionnement, une réduction des recettes commerciales et un prélèvement sur le fonds de roulement.
Je voudrais maintenant insister sur deux motifs de satisfaction. Le premier a trait à la signature en septembre dernier du nouveau contrat d’objectifs et de performance. Le budget pour 2011 s’inscrit donc dans le cadre du nouveau contrat, qui couvre la période 2010-2013. Le deuxième motif de satisfaction tient aux efforts réalisés par l’IGN pour améliorer sa gestion, conformément aux remarques exprimées par la Cour des comptes dans le cadre de son rapport public annuel 2009.
Nous nous félicitons donc des progrès accomplis en un an, qui ont permis de remédier à plus d’un titre aux défaillances constatées l’an dernier.
J’aborde maintenant un programme pour lequel les satisfactions seront peut-être moins importantes.
M. Roland Courteau. Voyons cela !
M. François Fortassin, rapporteur spécial. Sans entrer dans le détail de chaque programme, je souhaite exposer la délicate situation financière du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », le BACEA, et les réformes en cours au sein de la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC.
Le trafic aérien mondial a diminué de 2 % en 2009. Cette baisse est de 3,9 % en Europe et de 4,3 % en France. Air France-KLM a enregistré près de 1,3 milliard d’euros de pertes, mais l’entreprise redresse aujourd’hui ses comptes. L’année 2010 a débuté par une reprise mondiale assez soutenue, mais celle-ci se confirme plus tardivement en Europe. Le niveau des redevances qui alimentent le BACEA doit donc être optimisé sans casser la dynamique de la reprise. L’équilibre du budget annexe pour 2011 repose ainsi sur une hypothèse de progression du trafic de 2 %.
La mission connaît quelques évolutions de périmètre pour une meilleure cohérence. On doit ainsi relever le rapatriement de 11,4 millions d’euros et de 219 équivalents temps plein travaillé du service national d’ingénierie aéroportuaire, qui sont financés par un relèvement de la quotité de la taxe d’aviation civile affectée au budget annexe. La fusion de l’École nationale de l’aviation civile, l’ENAC, et du Service d’exploitation de la formation aéronautique, le SEFA, se traduit également par l’intégration de 39,2 millions d’euros de dépenses dans la subvention octroyée à I’ENAC.
La performance de la DGAC, mesurée par vingt indicateurs, est globalement bonne ou en progression, mais l’objectif relatif au niveau de l’endettement paraît désormais irréaliste compte tenu de la récente et forte dégradation de la situation financière du budget annexe ; j’y reviendrai.
Concernant la programmation triennale sur 2011-2013, le plafond de la mission connaît une progression modérée de 3,7 % sur trois ans. Les charges de personnel sont en apparence maîtrisées, mais, compte tenu de la diminution programmée de 298 équivalents temps plein travaillé, le coût unitaire augmenterait de 7,3 % entre 2010 et 2013. Les dépenses de fonctionnement hors subvention diminuent de 7,1 % sur la même période, soit moins que la norme théoriquement applicable au budget général. Des efforts sont donc consentis, mais cette programmation n’apparaît pas assez stricte.
La prévision d’équilibre pour 2011 est désormais plus crédible que celle établie l’année dernière. Il est escompté une hausse de 3,2 % des recettes. Outre les prévisions de reprise modérée du trafic, les taux des principales redevances augmentent sensiblement de 3,8 % pour la redevance de route et de 4,9 % pour les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne. De plus, les textes communautaires prévoient le passage progressif à un régime d’incitation économique à la performance plutôt que le recouvrement intégral des coûts. Le double mécanisme correcteur des redevances s’éteindra donc progressivement.
L’endettement suscite une attention particulière de la commission des finances, car il a augmenté de 20 % en 2009.
M. Roland Courteau. Oh là là !
M. François Fortassin, rapporteur spécial. Je rappelle d’ailleurs que nous avions émis un avis défavorable sur un projet de décret d’avance en décembre 2009, qui prévoyait une avance du Trésor de 65 millions d’euros pour financer un décalage de trésorerie de quelques jours. Une solution relativement satisfaisante a cependant été trouvée.
L’endettement net du BACEA devrait être quasiment stable en 2011, avec une hausse limitée à 1,1 % pour atteindre 1,16 milliard d’euros. Le désendettement de l’aviation civile n’est cependant pas amorcé et il sera nécessaire de trouver de nouvelles marges de manœuvre en 2012-2013, en particulier en termes de coûts.
Concernant le volet dépenses, la DGAC poursuit des réformes indispensables: Certaines sont liées aux engagements européens et à la mise en œuvre du paquet Ciel unique, en particulier, les programmes Single European Sky ATM Research, SESAR, et Coflight. Le second contrat de régulation économique avec Aéroports de Paris a été conclu en juillet dernier, mais la conclusion du contrat d’objectifs et de performance avec l’École nationale de l’aviation civile, l’ENAC, a pris du retard.
La rationalisation de certaines fonctions se poursuit également pour une meilleure optimisation des dépenses, en particulier dans les domaines des achats, de la logistique ou des systèmes d’information. La réduction globale des effectifs devrait, quant à elle, porter sur 188 équivalents temps plein travaillé en 2011. Les investissements sont, par ailleurs, relativement stables. La fusion de I’ENAC et du SEFA doit aussi contribuer à améliorer la productivité de la formation.
Les sévères critiques de la Cour des comptes sur le coût et l’organisation du contrôle aérien ont été en partie – mais seulement en partie – prises en compte dans le nouveau protocole de négociation, avec la régularisation du régime indemnitaire des personnels techniques et la mise en place d’un dispositif plus transparent de vérification des « clairances ». C’est une bonne chose.
Je constate, cependant, que des contreparties financières substantielles sont accordées aux personnels, avec une revalorisation du régime indemnitaire des personnels administratifs, et 7,8 millions d’euros de mesures de revalorisation catégorielle en 2011, ce qui représente un montant a priori largement supérieur à la norme de « retour catégoriel » de 50 %. Ces mesures peu lisibles entretiennent, en tout cas, le doute sur la trop grande générosité du dispositif.
À ce propos, j’observe qu’un certain nombre de personnels ont obtenu, en dix ans, des augmentations très substantielles des salaires. En plus, il règne une opacité quant à la présence effective des intéressés sur le lieu de travail.
M. Bruno Sido. Des noms !
M. François Fortassin, rapporteur spécial. Et je ne parle pas des grèves, perlées ou sauvages – peu importe la terminologie – qui prennent souvent en otage les voyageurs que nous sommes.
M. Paul Blanc. C’est vrai !
M. François Fortassin, rapporteur spécial. Pour ceux qui n’auraient pas compris, il s’agit des contrôleurs aériens !
Je considère que, si toutes les revendications sont, par nature, légitimes, il en est d’indécentes. Qu’ils veuillent être considérés sur un pied d’égalité avec les pilotes d’avions mérite qu’on rappelle qu’il y a une certaine différence ! Leur niveau de responsabilité est peut-être semblable. Mais, quand un avion se casse la figure, généralement, les contrôleurs aériens ne sont pas à bord. Les risques ne sont donc pas comparables ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
C’est pourquoi la commission des finances vous proposera un amendement de réduction des crédits de personnel correspondant aux mesures de revalorisation catégorielle des contrôleurs aériens, à hauteur de 1,27 million d’euros.
Enfin, l’hypothèse de transformation de la DGAC en établissement public est, semble-t-il, écartée, compte tenu notamment de l’hostilité des personnels. Peut-être faudra-t-il le regretter, car on ne peut ignorer que l’ouverture du ciel européen soumet les services français de navigation aérienne à une exigence accrue de compétitivité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. Nous allons maintenant écouter les rapporteurs pour avis, à qui je recommande de respecter le temps de parole de cinq minutes qui leur est accordé. Sinon, je me verrai dans l’obligation de les interrompre, car notre discussion est soumise à des contraintes horaires impératives.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur le détail des crédits budgétaires consacrés à l’environnement qui, après avoir connu des hausses significatives sur les deux dernières années sont, pour 2011, stables ou en très léger repli. L’État a donc maintenu, dans un contexte budgétairement contraint, son engagement financier en faveur de l’environnement, notamment du Grenelle de l’environnement.
Je souhaiterais, madame la ministre, monsieur le ministre, vous interroger sur quatre points.
Premier point, les débats sur le budget de l’écologie ont donné lieu, au sein de notre commission, à des prises de position que je me dois, en tant que rapporteur, de relayer auprès de vous.
Trois ans après le lancement du Grenelle de l’environnement, les réticences des élus vont croissant face à l’application qui est faite des normes environnementales au niveau local par les services déconcentrés de l’État. Ceux-ci sont davantage perçus par les élus comme des freins à la mise en œuvre des projets que comme des facilitateurs. Cela a conduit la commission à adopter un amendement sur lequel notre collègue Francis Grignon reviendra dans le cours du débat, amendement qui réduit de 8 % les crédits relatifs aux personnels œuvrant en faveur de la biodiversité.
J’ajoute que cette préoccupation a été exprimée par de nombreux élus, quelle que soit leur appartenance politique. Pouvez-vous, en conséquence, vous engager, madame la ministre, d’une part, à associer étroitement les élus à l’élaboration des décrets d’application de la loi Grenelle 2 et à la mise en œuvre de mesures comme la trame verte et bleue, d’autre part, à adresser aux services déconcentrés des instructions très claires pour éviter qu’ils ne fassent une application excessive et tatillonne des normes édictées au niveau national ?
Le deuxième point concerne les crédits affectés par l’ADEME au plan déchets. Il a été prévu, dans le cadre du Grenelle, que l’intégralité du produit des TGAP nouvelles devait être affectée à la politique des déchets.
Or il semble qu’en 2010 l’écart entre le produit de ces TGAP et les sommes engagées par l’Agence sera d’environ 40 millions d’euros. D’après les informations qui m’ont été transmises relatives aux sommes que l’Agence prévoirait d’affecter à la politique des déchets en 2011, l’écart pourrait s’élever, l’année prochaine, à 50 millions d’euros. Il nous est dit, et on ne peut que s’en réjouir, qu’aucun projet n’a été refusé. Mais il serait opportun, dans ce cas, soit que l’ADEME révise ses critères d’aide en aidant davantage les investissements dans des installations de traitement, soit que la hausse importante des tarifs de la TGAP sur les prochaines années soit plus limitée. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner votre position sur ce sujet ?
Le troisième point que je souhaite aborder concerne le projet de création d’une Agence de la nature. Un rapport du Conseil général du développement durable a été remis sur ce sujet en juillet dernier. Il montre l’extrême complexité de l’organisation administrative en matière de biodiversité et estime que celle-ci ne permet pas à la France de respecter ses engagements.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer très précisément où en sont les réflexions sur ce sujet ? Quel est le calendrier ? Quels sont précisément les divers scénarios envisagés ? Envisagez-vous de recourir à un projet de loi sur ce sujet ?
Notre commission souhaite, en tout état de cause, être associée, et je peux indiquer, d’ores et déjà, que deux écueils nous semblent devoir être évités : d’abord, la création d’un organisme nouveau qui ne viendrait que s’ajouter aux nombreux existants – il faut, bien au contraire, aller vers une vraie mutualisation, voire la fusion de certains organismes ; ensuite, la création d’une structure qui aurait pour seule vocation d’impliquer les acteurs associatifs de la biodiversité dans le pilotage de l’ensemble des organismes existants, alors que cette fonction de pilotage nous paraît relever de l’État, en association avec les élus locaux, dont la part dans le financement des actions en faveur de la biodiversité s’élève à 52 %, contre 14 % pour l’État.
Enfin, le dernier sujet concerne le soutien apporté à la planification urbaine. Notre commission souhaite que le nombre de projets de schémas de cohérence territoriale aidés augmente plus significativement. Il est prévu de passer de quatorze en 2010 à vingt, voire trente en 2011. On peut se féliciter de cette hausse, mais on est encore loin du nombre de projets de SCOT actuellement à l’étude, d’autant que nous avons voté, dans le Grenelle 2, la généralisation de ces documents.
Or ce nombre pourrait être plus important car, comme l’an dernier, l’enveloppe dédiée au financement des PLU, les plans locaux d’urbanisme, intercommunaux est, quant à elle, clairement surestimée. L’an dernier, alors qu’il était prévu de financer vingt projets de PLU intercommunaux, seuls trois ont été soutenus. Il est donc surprenant que le ministère prévoie, en 2011, d’en soutenir quarante. Et il serait souhaitable que ce soutien bénéficie davantage à l’élaboration des SCOT. Pouvez-vous, madame la ministre, sur ce point également, nous donner votre position ?
Sous réserve de ces observations, la commission de l’économie a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Écologie », des comptes d’affectation spéciale relatifs aux transports et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient l’honneur de vous proposer un avis sur le programme 174, Énergie, climat et après-mines, qui s’élève pour 2011 à 752,2 millions d’euros en crédits de paiement.
Ce programme apparaît très déséquilibré si l’on considère les seuls volumes des crédits, puisque l’action 04 Gestion économique et sociale de l’après-mines, qui est dotée de 708,5 millions d’euros, représente 94 % du total en crédits de paiement.
Je n’ai pas de commentaires à faire sur l’évolution de cette action, qui est, pour l’essentiel, consacrée aux prestations servies aux anciens mineurs et à leurs ayant droits, au nombre d’environ 180 000. L’évolution démographique spontanée de cette population, qui ne se renouvelle plus, explique que les crédits correspondants soient en diminution de prés de 5,7 % en 2011 par rapport à 2010. La baisse tendancielle des crédits de l’après-mines permet, traditionnellement, de dégager une marge de manœuvre pour les autres actions du programme.
Toutefois, l’action 01 Politique de l’énergie est divisée par dix, puisqu’elle passe de 68,1 millions à 6,7 millions d’euros en crédits de paiement. Cette diminution, drastique en apparence, résulte, pour partie, mais pour partie seulement, d’un transfert de crédits. En effet, la subvention allouée à l’ADEME au titre du programme 174 se trouve désormais transférée au sein du programme 181, Prévention des risques. L’essentiel des crédits de cette action est désormais consacré à la subvention à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ANDRA.
À l’inverse, l’action 05 Lutte contre le changement climatique est présentée en forte hausse de 42,7 %, pour atteindre 36,9 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits sont consacrés en majorité aux subventions du Centre interprofessionnel d’étude de la pollution atmosphérique, CITEPA, et des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, AASQA.
Une particularité du programme Énergie, climat et après-mines est l’importance des dépenses fiscales qui lui sont attachées. En effet, celles-ci sont estimées pour 2011 à 2,4 milliards d’euros au total.
L’essentiel de ces dépenses fiscales est constitué par le crédit d’impôt pour dépenses d’équipement de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et du développement durable, qui est chiffré, à lui seul, à 2,1 milliards d’euros. Cependant, le coût de ce crédit d’impôt est en diminution de près de 21 % sur trois ans. L’article 13 du projet de loi de finances pour 2011 vise à réduire de 50 % à 25 % son taux pour les panneaux photovoltaïques en France métropolitaine. En ce qui concerne l’outre-mer, il est proposé d’exclure complètement les investissements dans l’énergie photovoltaïque, à la fois de la réduction d’impôt sur le revenu et de la déduction de l’impôt sur les sociétés.
L’énergie photovoltaïque a connu un véritable envol, puisque la puissance installée a été presque multipliée par trois au cours de l’an dernier, pour atteindre 268 mégawatts. L’annonce, sans doute prématurée, d’un ajustement des tarifs d’achat, a entraîné, à la fin de 2009, un dépôt massif de projets : la file d’attente dépassait 4 000 mégawatts. Le Gouvernement a réagi à cette bulle spéculative par une baisse du tarif d’achat en deux temps, puis, par la réduction des avantages fiscaux que je viens d’évoquer.
Je crains que la brutalité de ces mesures correctives, sans décourager vraiment les spéculateurs attirés par le rendement financier des investissements dans ce secteur, ne compromette les chances de développement d’une filière photovoltaïque française. Le problème essentiel réside dans l’absence de réelle visibilité à long terme.
Je note, par ailleurs, que ce projet de loi de finances comporte également un relèvement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau spécifiques à l’éolien.
Enfin, j’aurai deux questions à vous poser, madame la ministre. Je sais que vous n’avez plus compétence sur le secteur de l’énergie, qui vient d’être rattaché au ministère de l’industrie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. J’ai toujours compétence sur les énergies renouvelables.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Je ne doute donc pas que vous aurez à cœur de m’apporter des réponses, au nom du Gouvernement, précisément sur les énergies renouvelables.
Premièrement, quelles sont les dispositions prévues pour traiter équitablement les installations photovoltaïques qui se trouvent en cours d’autorisation ou de raccordement au moment où les incitations fiscales sont réduites ?
Deuxièmement, quelle évolution le Gouvernement prévoit-il pour les tarifs d’achat photovoltaïques au cours des mois à venir ?
Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises à cette même tribune, je désapprouve, d’une manière générale, la politique conduite par le Gouvernement dans le secteur de l’énergie.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous comprendrez qu’à titre personnel je ne donne pas un avis favorable sur l’adoption de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, par rapport à 2010, les crédits affectés au programme 205, Sécurité et affaires maritimes, connaissent une légère diminution de 1,8 %, soit 2,3 millions d’euros, pour les crédits en autorisation d’engagement, qui atteignent 129,7 millions d’euros en 2011, et de 2 %, soit 2,65 millions d’euros pour les crédits de paiement, qui s’élèvent désormais à 132,1 millions d’euros.
J’aurais souhaité lire la traduction budgétaire des travaux du Grenelle de la mer dans les crédits de ce programme, lancé le 27 février 2009, et dont les rapports définitifs sont, pour certains, en cours d’élaboration et, pour d’autres, déjà remis.
Je me félicite de la réforme de l’enseignement supérieur maritime. Fédérant les quatre sites du Havre, Marseille, Nantes et Saint-Malo, la nouvelle école, érigée au rang de grand établissement, délivrera, en plus des brevets maritimes existants, un titre d’ingénieur pour les formations d’officiers, de capitaines et de chefs mécaniciens.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner de plus amples renseignements quant à l’organisation et aux localisations envisagées pour cette nouvelle école ?
Venons-en maintenant à la question de la réforme portuaire et de son état d’avancement.
Force est de constater que nos grands ports maritimes ne sont toujours pas parvenus à enrayer leur déclin dramatique. Le tonnage de l’ensemble des ports français est aujourd’hui équivalent au tonnage du seul port de Rotterdam, premier port européen, tandis que le port d’Anvers, en Belgique, est devenu « le premier port français »
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Cette situation est pour le moins inquiétante quand l’on songe aux atouts de notre pays.
Pire, le déclassement de nos ports s’accentue d’année en année, et de grands groupes français subissent des pressions de la part de leurs clients pour abandonner les ports français.
Mme Nathalie Goulet. À cause des grèves !
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, a pour objectif de relancer l’activité de nos ports, mais elle demeure difficile à appliquer sur le terrain et, à la lumière du constat que nous pouvons faire aujourd’hui, justifierait de larges aménagements.
La principale difficulté actuelle pour les directoires des sept grands ports maritimes est de céder l’outillage de manutention portuaire et d’assurer le transfert des personnels.
Où en sommes-nous, monsieur le secrétaire d’État, dans la cession de ces outillages et le transfert des personnels ? Parviendrons-nous à transférer les quelque 1 065 agents avant la fin du mois de mars ou le début du mois d’avril 2011, comme nous y oblige la loi ?
Par ailleurs, je propose que l’on réfléchisse à une évolution du statut pour les établissements qui géreront les nouvelles installations portuaires, voire les établissements existants. Manifestement, le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – rattaché à l’État comporte plus d’inconvénients que d’avantages. Il est source d’inertie et de blocages persistants. Pour mémoire, rappelons que les ports d’Anvers et de Hambourg, au développement très dynamique, sont administrés par les autorités locales. Si de nouvelles installations portuaires devaient voir le jour sur l’embouchure de la Seine pour approvisionner en marchandises le Grand Paris, plus largement, l’est de la France et, pour partie, l’Europe centrale, comme je le souhaite à titre personnel, il faudrait donner au nouveau port le statut d’un EPIC rattaché à une collectivité territoriale, ou le statut d’une société anonyme, afin de donner plus de place aux élus et aux responsables locaux.
Enfin, je déplore le manque d’ambition des projets de développement portuaire inscrits dans le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, surtout quand on les compare aux projets d’aménagement décidés à Anvers, Barcelone ou Rotterdam. Ce schéma, qui est la « feuille de route stratégique » de l’État pour les vingt ou trente ans à venir, prévoit une enveloppe de 2,7 milliards d’euros seulement pour le développement portuaire, à comparer aux quelque 170 milliards d’euros pour l’ensemble des projets inscrits dans ce schéma.
Je constate, pour le regretter, que le SNIT n’a pas retenu la réalisation d’une écluse fluviale directe au Havre permettant la desserte de Port 2000. Cette écluse est pourtant indispensable pour permettre une connexion entre Le Havre et l’arrière-pays par la voie fluviale, et elle avait été évoquée dès la conception de Port 2000 ; cela ne date pas d’hier...
Lors du débat sur le Gand Paris, j’avais suggéré qu’une étude soit engagée sur les aménagements portuaires qui pourraient être réalisés en vallée de Seine et, plus précisément, en amont et en aval du pont de Tancarville. Ces travaux pourraient apporter une réponse aux lacunes du SNIT, et permettraient de disposer d’un outil moderne plus compétitif.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, l’état d’avancement de cette étude ?
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne vous cacherai pas ma grande préoccupation quant au devenir de nos ports. Les perturbations à répétition que nous avons connues depuis de longs mois se sont traduites par des pertes économiques considérables et par des pertes d’emplois, les armateurs déroutant les navires vers d’autres ports plus fiables.
J’ajoute que nous prenons du retard en termes d’investissements, en particulier s’agissant des moyens d’acheminement dans le domaine ferroviaire et fluvial. Il est plus qu’urgent de réagir !
Nos grands ports maritimes, notamment ceux du Havre et de Marseille, sont géographiquement les mieux placés, tant au nord qu’au sud. Il serait irresponsable de ne pas profiter de tels atouts. À nous de savoir relever le défi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’agissant du programme 203, Infrastructures et services de transports, je retiendrai un fait encourageant : si l’on prend en compte les crédits budgétaires, les fonds de concours et les attributions de produits, les crédits globaux de ce programme en autorisations d’engagement sont en augmentation en 2011 par rapport à 2010. Je vous le confirme, mon cher Michel Teston, elles passent de 6,2 milliards à 6,3 milliards d’euros.
Je considère donc que l’effort de l’État en matière de développement des infrastructures de transports collectifs et ferroviaires demeure cette année encore considérable, en dépit de la crise de nos finances publiques.
Mais je regrette vivement le retard pris dans la mise en œuvre de la taxe poids lourds, prévue désormais pour l’année 2012, voire pour 2013. En effet, chaque année de retard se traduit par un manque à gagner pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, de 1 milliard d’euros environ, qui doit être compensé par une dotation budgétaire de l’État.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des indications claires sur la mise en place de la taxe poids lourds, et sur ses coûts de gestion ?
Je souhaite aussi vous interroger, plus globalement, sur les perspectives pluriannuelles de financement de l’AFITF. Avez-vous l’intention d’augmenter les redevances domaniales payées par les sociétés d’autoroutes ? C’est un domaine sur lequel on peut agir, dans la mesure où on n’altère pas l’équilibre financier de la concession. Ce ne serait que justice, car ces sociétés bénéficieront d’un report de trafic lors de l’instauration de la taxe poids lourds, qui ne s’appliquera pas sur les routes concédées. Les sociétés d’autoroutes profiteront donc de cette valeur ajoutée.
Surtout, notre commission saisie pour avis a adopté un amendement substantiel visant à renforcer la subvention de Réseau ferré de France, RFF, à hauteur de 150 millions d’euros.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Très bien !
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. Nous avons en effet constaté, avec regret, que la subvention globale de l’État versée à RFF pour l’utilisation du réseau était inférieure de 201 millions d’euros hors taxes par rapport aux engagements pris par l’État dans le cadre du contrat de performance signé avec RFF en novembre 2008.
Certes, nous devrions avoir l’occasion d’approfondir ce débat lorsque je présenterai cet amendement, mais pouvez-vous d’ores et déjà, madame la ministre, nous rassurer sur le budget de RFF et sur le respect des engagements pris par l’État dans le cadre du contrat de performance de 2008, s’agissant notamment des éventuels financements complémentaires si les travaux le justifient en cours de route. En effet, on ne peut pas commencer tous les travaux en même temps.
Surtout, pouvez-vous nous rassurer sur l’évolution tant quantitative que qualitative des services effectués par les services déconcentrés de l’État dans les territoires, évoqués par Bruno Sido, en matière d’urbanisme, d’environnement, etc. J’imagine qu’en tant qu’élue locale, madame la ministre, vous connaissez le problème. (Mme le ministre acquiesce.) Nous avons là un véritable souci, qui a justifié le dépôt de cet amendement ; nous souhaitons obtenir une réponse claire sur ce sujet.
Enfin, j’ai constaté avec satisfaction la création du nouveau compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », visant à subventionner les trains Corail qui génèrent un déficit structurel estimé à 190 millions d’euros par an.
Madame la ministre, pouvez-vous étudier rapidement la possibilité de mettre en place un compte d’affectation spéciale analogue pour certaines lignes de transport de fret ferroviaire déficitaires qui répondraient à une logique d’aménagement du territoire ?
Je me fais ici le porte-parole du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, que j’ai eu l’honneur de présider. Il ne s’agit pas de déclarer d’intérêt général ou d’intérêt public le wagon isolé ou le fret ferroviaire, mais de traiter des cas isolés : ici, une entreprise chimique,...
Mme Nathalie Goulet. Une carrière !
Mme Évelyne Didier. Du bois à transporter !
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. ... là, une carrière, etc.
Dès lors que les collectivités locales et les entreprises s’impliquaient, ne pourrait-on envisager, sans toutefois le généraliser, un engagement fort de l’État pour ce genre de situations ?
Bien sûr, compte tenu de la concurrence qui existe dans ce domaine, ces aides seraient accordées à toute entreprise ferroviaire qui accepterait d’exploiter ces lignes.
Il ne s’agit pas de se substituer au plan « multi-lots multi-clients » engagé par la SNCF pour rationaliser ses lignes de fret ferroviaire, ou aux projets d’opérateurs ferroviaires de proximité, dont l’exploitation financière est censée être équilibrée.
Je vous remercie, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, des réponses que vous pourrez apporter à toutes ces questions.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je prendrai trente secondes sur mes cinq minutes pour saluer la prise de fonctions de Mme le ministre et lui adresser tous mes encouragements. Elle a retrouvé des responsabilités dans un domaine où elle a d’ores et déjà brillé, et qui a trait à notre cadre de vie.
De même, je veux faire part de tous mes vœux de succès à M. le secrétaire d’État. Il a la chance d’accomplir une mission passionnante puisqu’il est chargé des transports, c’est-à-dire tout ce qui relie les hommes.
Je consacrerai une minute au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », que mon excellent collègue et ami François Fortassin a fort bien présenté. Je n’y reviendrai donc pas ; je ferai simplement deux remarques.
J’observe tout d’abord que, dans le cadre de la réattribution à la DGAC, la taxe d’aviation civile a progressé. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout en réattribuant la totalité de cette taxe, de manière à avoir une marge de manœuvre plus importante dans ce domaine ? Pourquoi le produit de cette taxe ne serait-il pas affecté entièrement au budget annexe ?
Ma deuxième observation concerne l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l’ACNUSA, dont les prérogatives ont été élargies, mais dont les effectifs restent plafonnés. Je pense que cela peut s’arranger, mais je vous transmets toutefois cette demande, car on m’a sollicité pour le faire.
Une minute pour évoquer le projet de Ciel unique européen. Sans revenir sur les fondamentaux de son organisation, je vous propose de comparer la situation des États-Unis et celle de l’Europe, dont les espaces aériens sont pourtant sensiblement les mêmes.
Aux États-Unis, il existe une gestion unique de l’espace aérien, tandis qu’il y a, en Europe, des disparités qui posent un certain nombre de problèmes. Je n’irai pas aussi loin que M. Fortassin, qui a évoqué des risques d’accidents. S’il a raison, j’aimerais autant ne plus voler dans le même avion que lui… (Sourires.)
M. Paul Blanc. Mais lui, il va à Lourdes !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. C’est l’avantage qu’il a sur moi : je n’ai que saint Michel pour me protéger. Le Mont-Saint-Michel, c’est sans doute moins efficace que Lourdes... (Nouveaux sourires.)
Cela dit, il y a là un enjeu majeur et sérieux, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les droits de navigation acquittés par les entreprises de transport aérien. Air France verse ainsi un peu plus de 800 millions d’euros de droits de trafic pour l’ensemble du monde, et seulement 250 millions d’euros au titre de l’espace aérien français. Cet exemple illustre bien les disparités de taxation.
C’est la même chose pour l’organisation du trafic : le raccourcissement des routes va dans le sens du développement durable.
L’espace aérien militaire, quant à lui, est quelque peu contraint, mais on peut toujours réorganiser les routes. Là encore, il y a des gains à réaliser. Mais encore faut-il organiser le ciel européen.
J’étais déjà intervenu, l’an dernier, sur ce sujet. Une volonté syndicale d’organisation de l’espace aérien commençait alors à se manifester. Comme l’a dit François Fortassin, je crois cependant qu’il faudra dépasser un certain nombre de situations acquises et par trop figées.
Où en est-on s’agissant plus particulièrement du FABEC, au sein duquel la France et cinq autres pays doivent, dès 2012, approfondir leur coopération ? Au mois de septembre dernier, le rapport Savary semblait pencher pour une organisation hybride. Cette option me paraît complexe et ne permettrait pas, selon moi, de construire un espace aérien unifié. Vous devriez étudier plus en détail cette question, monsieur le secrétaire d'Etat.
Une minute pour évoquer la poursuite de la réforme des grands aéroports français régionaux. Dans cette enceinte, j’avais été le rapporteur de la loi relative aux aéroports qui prévoyait l’évolution des parts détenues par l’État dans le capital de ces derniers. Une évolution de la structure juridique de ces grands aéroports régionaux est maintenant possible ; ceux-ci l’attendent et ont besoin d’éclaircissements sur ce sujet. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous les donner ?
Une minute encore : selon moi, la traduction en français des documents techniques de navigation dans les aéronefs demandée par un syndicat de pilotes va complexifier terriblement les choses.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. C’est une erreur !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Mieux vaut conserver l’anglais, qui est la langue internationale. Un pilote qui ne parle pas l’anglais ne devrait pas avoir le droit d’être aux commandes d’un avion.
Il est temps pour moi de lever le suspense, monsieur le secrétaire d'État : la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur le présent budget. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Monsieur Le Grand, je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole et d’avoir parlé sept fois une minute en cinq minutes ! (Sourires.)
La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la ministre, je voudrais tout d’abord vous féliciter. Je me réjouis que les nouvelles fonctions qui vous ont été attribuées nous permettent de nouveau d’aborder certains sujets que nous avions déjà étudiés ensemble précédemment.
Mes collègues ont très brillamment entamé cette discussion budgétaire et, comme les années précédentes, je commenterai rapidement les seuls crédits du programme 113. Je vous présenterai ensuite les conclusions d’une réflexion que j’ai menée cette année sur le thème du patrimoine mondial.
Pour ce qui concerne le programme 113, je regrette de n’avoir reçu aucune réponse dans les délais fixés par la LOLF, mais vous n’êtes pas en cause, madame la ministre.
Si la commission de la culture comprend la forte augmentation des moyens accordés aux priorités définies lors du Grenelle de l’environnement dans le budget pour 2011, elle s’inquiète de la baisse des crédits destinés à la poursuite d’autres politiques, telles que celle des parcs nationaux.
Même si l’effort reste supérieur à celui de 2009 et n’interrompt pas les créations en cours, il ne faudrait pas, à terme, vider de leur sens des politiques comme celle-ci, sous prétexte qu’elles ne sont pas identifiées comme des priorités du Grenelle.
En outre, la commission de la culture sera particulièrement attentive au projet de création d’une agence de la nature. La mise en place d’un opérateur pilote est évidemment intéressante, car elle peut apporter plus de clarté, être source d’économies, « donner du sens », comme l’on dit aujourd’hui, à une politique, au sens le plus noble. En effet, d’une part, les opérateurs sont aujourd'hui très nombreux et la lecture du budget est assez fastidieuse, d’autre part, la mutualisation des moyens est un objectif à l’évidence important pour nos finances publiques. Cependant, une telle mutualisation ne devra pas être réalisée au détriment des politiques jugées non prioritaires, ce qui pourrait accentuer la tendance observée dans le projet de loi de finances pour 2011.
Il ne faudrait pas non plus que ce grand fil conducteur nous fasse oublier les raisons premières de la création de ces différentes structures. Je veux, en particulier, parler du Conservatoire du littoral, créé, souvenons-nous, pour protéger le littoral d’une utilisation abusive. Grâce à cette instance ont pu être acquis, avec un grand succès, les espaces que nous connaissons. La commission de la culture sera particulièrement attentive à l’évolution de ses crédits dans les prochaines années.
Je souhaiterais à présent aborder la deuxième partie de mon rapport, consacrée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Alors que les candidatures à l’obtention de ce label sont de plus en plus nombreuses, on constate que certains sites déjà inscrits pourraient être en danger et sont mis à l’index par la communauté internationale. En effet, le Comité du patrimoine mondial, réuni cet été à Brasilia, a prononcé deux mises en demeure à l’égard de l’État français.
La première d’entre elles concerne la ville de Provins, dont le conseil municipal a voté une révision des deux ZPPAUP – zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – qui avaient pourtant, selon l’UNESCO, été précisément identifiées comme des garanties de protection du site lorsque le dossier de candidature avait été présenté.
La seconde mise en demeure vise la baie du Mont-Saint-Michel, à propos de laquelle deux éminents préfets ont rendu deux avis différents sur un projet d’implantation d’éoliennes.
Cette rapide mise en perspective vous fera sans nul doute comprendre la raison pour laquelle il m’a semblé urgent de réfléchir à la signification, pour notre pays, du classement de trente-cinq sites au patrimoine mondial. Finalement, la question centrale est la suivante : comment donner à la France les moyens de tenir ses engagements ?
Je rappelle que l’État-partie est responsable de la protection des sites classés sur la liste du patrimoine mondial. Or, une fois le classement opéré, l’État semble ne plus avoir les moyens de garantir la protection de ces sites et de leur valeur universelle exceptionnelle.
Le pouvoir d’urbanisme étant décentralisé, il existe un transfert de la responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales. Le rôle de ces dernières est d’autant plus difficile que la notion de patrimoine mondial est absente du code du patrimoine et que les outils de protection existants – ZPPAUP, aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, les AVAP, secteurs sauvegardés, loi du 2 mai 1930 – ne sont pas nécessairement adaptés.
Ce dernier aspect est d’autant plus vrai que la France a favorisé la reconnaissance de sites de plus en plus étendus ou en réseaux, dont la gestion est délicate, notamment au regard des enjeux paysagers ou de l’agro-pastoralisme, cher à notre ami Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Dans les Causses et les Cévennes !
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. L’exemple du Val-de-Loire, inscrit sur la liste du patrimoine mondial, illustre parfaitement cette problématique : le site s’étend sur 280 kilomètres de long, concerne deux régions, quatre départements, cent soixante et une communes, alors que 5 % seulement de la zone est protégée au titre du code du patrimoine.
Une fois ce constat dressé, j’ai formulé deux propositions, qui compléteraient l’étape décisive que constitue la signature, le 20 septembre dernier, d’une charte pour la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial, que l’on doit à notre collègue Yves Dauge.
Tout d’abord, il paraît indispensable d’insérer dans le code du patrimoine une disposition relative au patrimoine mondial.
Ensuite, il est important que l’État retrouve sa place dans le cadre de l’urbanisme décentralisé. Aussi devrait-il prévoir d’intégrer, dans le « porter à connaissance » prévu dans le cadre de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, les exigences de protection qui incombent aux collectivités et à leurs groupements au regard des engagements pris pour le classement au patrimoine mondial. Il pourrait définir ces missions au sein d’un projet d’intérêt général.
La combinaison de ces deux propositions aurait le mérite d’imposer une réflexion propre aux exigences résultant du classement de nos sites au rang de patrimoine mondial. Ces mesures sont respectueuses de la libre administration des collectivités territoriales, tout en donnant à l’État les moyens d’obliger au respect de la valeur universelle exceptionnelle des sites dont il est responsable. J’espère, madame la ministre, qu’elles retiendront votre attention.
En conclusion, je vous indique que la commission de la culture a donné un avis favorable quant à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2011. (M. Jacques Blanc applaudit.)
M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes. J’espère que chacun d’entre eux s’appliquera à respecter son temps de parole au moins aussi rigoureusement que l’ont fait les rapporteurs. (Sourires.)
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, vos vœux seront exaucés, car j’ai un aéroplane à prendre ! (Sourires.)
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Vous n’êtes pas le seul, mon cher collègue !
M. François Fortassin. Madame la ministre, j’ai écouté avec attention le discours qu’a prononcé le Premier ministre dans cette enceinte même. Il a parlé d’écologie créatrice et non punitive. J’espère, par conséquent, que vous donnerez des instructions très sévères à l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques,…
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Ceux qui l’ont tenu sur les fonts baptismaux sont là !
M. François Fortassin. … lequel est constitué de cerbères galonnés et armés qui arpentent les campagnes, considèrent les maires comme des délinquants s’ils ont eu l’audace de faire curer une mare sans se préoccuper d’une éventuelle perturbation de l’habitat des crapauds accoucheurs ou parce qu’ils n’ont pas réalisé d’étude pour savoir si, dans telle partie de ruisseau, on trouvait ou non des écrevisses à pattes blanches ! (Sourires.)
Mme Gisèle Printz. Et des chauves-souris !
M. François Fortassin. C’est là une attitude qui est très mal acceptée dans nos campagnes,…
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. François Fortassin. … et je pense qu’un certain nombre de mes collègues, quelle que soit leur sensibilité politique, seront d’accord avec moi.
Madame la ministre, je souhaite également que vous étudiiez l’influence des ondes sur la santé. Certaines personnes en déplorent la dangerosité, tandis que d’autres plaident pour leur caractère inoffensif. On nage dans l’irrationnel et nous ne savons plus très bien à quoi nous en tenir.
Le problème est le même pour ce qui concerne les OGM. Pour ma part, je suis favorable à leur culture si celle-ci peut permettre de nourrir des centaines de milliers de personnes, à condition, bien entendu, que ces produits n’aient pas d’effet néfaste sur la santé.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. François Fortassin. Enfin, je souhaiterais que vous preniez une mesure qui aurait l’avantage de ne rien coûter en une période de difficultés financières…
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. De disette !
M. François Fortassin. Les grandes surfaces, qui réalisent généralement des bénéfices substantiels, sont dotées de parkings très étendus. Il serait judicieux qu’elles procèdent à la couverture de ces parkings – ce qui aurait déjà l’avantage d’éviter aux chalands d’être trempés lorsqu’ils font leurs courses par temps d’orage (Sourires.) – et qu’elles équipent ensuite les toits de panneaux photovoltaïques.
Les bénéfices tirés de la vente de l’électricité ainsi produite pourraient être reversés aux commerces de proximité situés dans la même zone géographique, car, à l’évidence, les personnes qui font leurs courses à Pau ou à Lourdes ne viennent pas de Saint-Jean-de-Luz ! Ce sont des clients locaux. Or les grandes surfaces font parfois périr les commerces de proximité. Une telle mesure rendrait service aux ménagères et redonnerait vie aux centres urbains ou aux bourgs ruraux.
Monsieur le président, vous pouvez constater que je n’ai pas épuisé la totalité de mon temps de parole. Malheureusement, je suis obligé, à regret, de vous quitter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet et M. Jacques Blanc applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’horizon du Grenelle s’est considérablement assombri au cours de ces derniers mois.
Avec l’actuel démembrement du ministère de l’écologie – perte du secteur de l’énergie, de la sécurité alimentaire et même de la sécurité routière –, pouvait-on envoyer plus mauvais signe en direction de nos concitoyens et des partenaires qui ont contribué au Grenelle ?
À ce premier constat doivent être ajoutés les bilans d’étape publiés ces derniers temps, dont la plupart reconnaissent que, en dépit d’ambitions initiales tout à fait louables, le Grenelle de l’environnement a surtout été une occasion manquée.
Madame le ministre, je crains fort que le projet de budget soumis à la représentation nationale ne soit qu’une illustration supplémentaire du désinvestissement de l’État sur ce sujet essentiel.
Il est vrai qu’avec un budget consacré aux transports en baisse de 6 % par rapport à l’exercice précédent, on peine à trouver les moyens concrets permettant d’atteindre les objectifs environnementaux ambitieux que le pays s’était fixés.
Pourtant, les engagements du Gouvernement pris dans le cadre de la loi Grenelle 1 – le Parlement l’avait adoptée à la quasi-unanimité, je le rappelle –…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Roland Ries. … prévoyaient un véritable changement d’échelle dans les politiques publiques, afin d’accompagner la prise de conscience et l’évolution des comportements de nos concitoyens.
Ces orientations nouvelles n’étaient pas seulement utiles d’un strict point de vue environnemental ; elles devaient aussi être efficaces sur le plan économique.
S’agissant du volet relatif aux transports du Grenelle, l’orientation globale visait à faciliter le report vers des modes autres que la voiture privative, en soutenant, notamment, l’offre de transport public.
L’an dernier, en pleine crise financière, j’avais tenu à rappeler que ce soutien devait permettre de remplir aussi les carnets de commande des industriels, de favoriser la création d’emplois non délocalisables, d’accroître la qualité du service rendu aux usagers, d’inciter au report de l’usage privatif de l’automobile vers les transports collectifs et, au final, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme le prévoyait le Grenelle.
Malheureusement, non seulement le volet « transports » de ce budget contient trop peu de mesures allant dans ce sens mais il accumule, de plus, les mauvais signaux s’agissant des mesures d’incitation au report modal.
Que l’on songe, par exemple, au financement des trains d’équilibre du territoire sur lequel mon collègue Michel Teston ne manquera pas de revenir tout à l’heure. Sur les 210 millions d’euros de financement du déficit de fonctionnement prévu par le projet de loi de finances, 35 millions seront apportés par une taxe prélevée sur les sociétés d’autoroutes et les 175 millions d’euros restants par une taxe sur les billets de trains autres que les TER..
En d’autres termes, ce seront essentiellement les usagers du rail qui viendront combler les déficits des lignes interrégionales. Bel exemple de politique incitative en faveur du report modal !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Roland Ries. L’augmentation de 15 % des crédits consacrés à l’AFITF fait partie des rares motifs de satisfaction que peut donner ce budget. Mais, en même temps, il faut reconnaître que l’implication de l’État dans le financement de cette agence est d’autant plus nécessaire que le Gouvernement a, une fois de plus, reporté la mise en œuvre de l’écotaxe-poids lourds – une mesure censée financer l’AFITF et par ailleurs destinée, je le rappelle, à répercuter sur le mode routier le coût réel de son empreinte environnementale.
S’il y a bien évidemment lieu de saluer cette augmentation de crédits, celle-ci ne doit pas nous faire oublier l’insuffisance globale du budget de l’Agence. L’étude menée par l’association Transport, Développement, Intermodalité, Environnement, ou TDIE, montre en effet que les besoins de financement d’ici à 2014 sont estimés à environ 13,4 milliards d’euros, là où les évaluations budgétaires les plus optimistes des recettes de l’AFITF sont de 11,9 milliards d’euros.
J’ajoute que, pour l’année 2011, 40 % des crédits de paiement et près de 30 % des capacités d’engagement sont destinés à des projets routiers, ce qui est encore beaucoup trop, surtout si l’on a à l’esprit la réduction à la portion congrue des transports collectifs dans le cadre du plan de relance.
La vraie source de satisfaction a bien failli venir de l’Assemblée nationale, lorsque les députés ont adopté l’amendement déposé par le groupe socialiste – un élu UMP en avait déposé un rigoureusement identique – permettant aux agglomérations de moins de 100 000 habitants réalisant une infrastructure de transport collectif de porter le taux du versement transport – VT – de 0,6 % à 0,9 %.
Cet amendement visait à corriger l’écart considérable avec les agglomérations de plus de 100 000 habitants, qui peuvent disposer d’un taux maximum de versement transport de 1,8 % de la masse salariale. Outre que cette différence n’est aujourd’hui plus justifiée, le faible taux de VT dont disposent les agglomérations de moins de 100 000 habitants constitue de fait un obstacle au développement d’une offre alternative à l’« auto-solisme », alors même que le problème de l’usage intensif de l’automobile se pose avec encore plus d’acuité aujourd’hui dans les agglomérations de taille moyenne que dans les grandes agglomérations.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, avait soutenu cet amendement en soulignant la nécessité de donner à ces collectivités de nouveaux moyens financiers pour développer les transports en commun, conformément aux engagements du Grenelle.
Il est difficile de ne pas souscrire à cette analyse dans la mesure où ce sont effectivement les collectivités territoriales qui mettent en œuvre le Grenelle en réalisant plus de 80 %, parfois même 90 % des investissements. Sans elles, le Grenelle de l’environnement serait peu ou prou réduit à une déclaration de bonnes intentions, sans incidence réelle sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
On comprend, dans ces conditions, la sagesse des députés, qui ont su dépasser, au moins dans un premier temps, les clivages droite-gauche en votant à l’unanimité cet amendement après qu’il eut été adopté, là aussi à l’unanimité, en commission des finances.
Malheureusement, dès le lendemain, le Gouvernement faisait annuler ce vote en demandant une seconde délibération…
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Roland Ries. …arguant de sa volonté ne pas alourdir la fiscalité des entreprises et, d’autre part, en rappelant l’engagement de l’État de subventionner la construction de nouveaux transports en commun en site propre, ou TCSP, à hauteur de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020, dans le cadre d’appels à projets.
Ces arguments ne me paraissent pas pertinents. Je rappellerai tout d’abord que la charge supplémentaire résultant de cet amendement ne reposerait pas uniquement sur les entreprises privées, mais aussi sur les grandes administrations, qui acquittent également le versement transport. C’est donc une contribution répartie entre collectivités et entreprises privées.
Cette augmentation resterait d’ailleurs très limitée. Dans l’éventualité où toutes ces agglomérations de moins de 100 000 habitants présenteraient un projet de TCSP, ce qui est bien évidemment loin d’être le cas, le produit supplémentaire escompté a été estimé par le GART – groupement des autorités responsables de transport – aux environs de 100 millions d’euros. J’ajoute que, si l’on ne tenait compte que des seules agglomérations ayant déposé un projet de TCSP dans le cadre du second appel, le produit escompté n’excéderait pas 13 millions d’euros par an.
On voit donc clairement que l’augmentation proposée reste limitée pour les entreprises, tout en donnant une bouffée d’oxygène aux agglomérations concernées. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de présenter à nouveau cet amendement. Je crois savoir que mon collègue Louis Nègre, premier vice-président du GART, partage cette position. Il s’expliquera lui-même sur cette question, dans quelques instants.
J’en appelle donc à la sagesse des sénateurs pour soutenir les collectivités territoriales – n’est-ce pas, après tout, notre mission première ? – dans leur politique volontariste d’augmentation de l’offre de transports collectifs sur les territoires, en votant cet amendement.
Quant à l’argument avancé par le Gouvernement de subventionner la construction de nouveaux TCSP à hauteur de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020 pour rejeter l’augmentation du VT demandée, il ne me convainc pas vraiment.
La première enveloppe gouvernementale était d’environ 800 millions d’euros. Dans le cadre du nouvel appel lancé cette année, 83 projets ont été recensés, pour un montant global d’investissement dépassant les 8 milliards d’euros. La somme des demandes de subventions dépasse dès lors 1,1 milliard d’euros. Or les chiffres annoncés par le ministère oscillent entre 400 millions et 500 millions d’euros, c’est-à-dire à un niveau, au mieux, inférieur de moitié et, au pis, au tiers du montant des subventions escomptées. On mesure donc l’ampleur du désinvestissement du Gouvernement sur ce sujet.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez compris, dans ces conditions, le groupe socialiste votera contre le volet « transports » de ce budget, qui tourne le dos aux engagements du Grenelle.
En tant que président du GART, je souhaite néanmoins que notre amendement sur l’augmentation du VT de 0,6 % à 0,9 % de la masse salariale pour les agglomérations de moins de 100 000 habitants qui veulent développer un projet de TCSP puisse être retenu, dans la mesure où il ne pèse pas directement sur les finances publiques. Il permettrait d’étendre, au-delà des grandes agglomérations, la politique de transfert modal. Il s’agissait là d’un des axes forts du Grenelle dans la lutte contre le réchauffement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’a énoncé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, « avec une dette de 1600 milliards d’euros, la France ne dispose pas de trésor caché » et « la gestion rigoureuse de la dépense publique sera la condition de la croissance ».
Dans le cadre de ce débat sur le projet de loi de finances pour 2011, nous ne pouvons qu’approuver cette détermination du Gouvernement envers la maîtrise des dépenses publiques. Notre déficit atteint 7,7 % du PIB en 2010, au-delà, bien au-delà de la barre fatidique des 3 % !
Mais, finalement, pourrait-on dire, le déficit n’est qu’un simple mot. Qui, d’ailleurs, a déjà rencontré ou vu le « déficit » ? Après tout, la France, depuis des décennies, va de déficit annuel en déficit annuel, si bien que, après tant d’années, il en est devenu perpétuel… Et, pour autant, le ciel ne nous est pas tombé sur la tête !
Vision simpliste, vision émolliente et, en vérité, vision désastreuse !
En refusant de voir la réalité en face, en niant les principes de base d’une économie saine, certains pays européens sont en train, sous nos yeux, de perdre leur indépendance financière et se voient contraints de prendre des mesures extrêmement sévères. Encore une fois, ce seront les simples citoyens, les petits, qui seront les premiers touchés.
Cruelle pédagogie que ces exemples étrangers nous imposent à nous tous. Aussi, nous devons faire en sorte que la France, malgré cette crise, sorte par le haut de cette tourmente dramatique qui a, hier, frappé de plein fouet la Grèce, qui frappe aujourd’hui l’Irlande et, qui, demain, en frappera peut-être d’autres.
Il n’y a pas d’autre solution que de dire la vérité aux Français sur les comptes publics, à savoir que la France est en surendettement, et de suivre la voie choisie, courageusement, par le Gouvernement, du redressement des finances publiques. Raboter progressivement le déficit, stabiliser, puis faire diminuer la dette publique nous apparaît donc comme un préalable nécessaire de saine gestion, et c’est ce qui doit constituer la priorité des priorités. Sinon, le pire pour nos concitoyens se profilerait à l’horizon.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, je soutiendrai, dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2011, contre les promesses fallacieuses des démagogues de tous bords (Sourires sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Roland Courteau. Il y va un peu fort !
M. Louis Nègre. … ce choix de la vertu budgétaire, de l’exigence et de l’effort pour l’avenir de la France et de sa cohésion sociale.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Louis Nègre. C’est donc dans ces conditions financières très contraintes que s’inscrit le budget des transports pour 2011. Malgré cette situation difficile, je constate avec grand plaisir que ce budget passe de 7 701 millions d’euros en 2010 à 7 732 millions d’euros en 2011, soit une progression de 0,4 %. Cette première donnée positive est renforcée par un deuxième constat très favorable : l’augmentation de 15 % des crédits de l’AFITF, qui passent de 1 921 millions d’euros à 2 204 millions d’euros.
Au vu de ces chiffres, nous ne pourrions que nous féliciter de ce projet de budget.
Malheureusement,…
M. Roland Courteau. Ah !
M. Louis Nègre. … madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, à l’intérieur de cette enveloppe globale satisfaisante, la situation est plus hétérogène. En effet, le budget des transports proprement dit baisse de 6 %.
Cette situation contrastée m’amène à vous faire part de ma préoccupation sur plusieurs points.
Concernant l’AFITF, l’augmentation prévue pour 2011 est certes une très bonne nouvelle, mais les projets d’infrastructures de transport à financer entre 2010 et 2014 s’élèvent au minimum à 13 milliards d’euros de dépenses, pour 11 milliards d’euros de recettes. Même en incluant la taxe poids lourds dès 2012 – dès lors qu’elle serait mise en place –, il va manquer plus de 2 milliards d’euros au cours de ces prochaines années !
Aussi, il me semble qu’il serait souhaitable de s’inspirer davantage des propositions du rapport Gressier de 2009 et d’envisager l’affectation à l’AFITF des recettes qui proviendraient de la vente d’une partie de sa participation dans plusieurs aéroports régionaux.
Apporter des garanties de financement pérennes à l’AFITF, bras armé de l’État pour les infrastructures de transport, nous apparaît d’autant plus indispensable que, et cela constitue un deuxième sujet de préoccupation et d’actualité, le SNIT, qui fait actuellement l’objet d’une concertation, prévoit 170 milliards d’euros de dépenses, dont on ignore précisément comment elles seront financées. Bien que ce document définisse plutôt une stratégie de l’État qui s’inscrit dans le droit fil du Grenelle, ce dont je me félicite, et ne soit donc pas une loi de programmation budgétaire, il n’en reste pas moins qu’il nous laisse sur notre faim quant à l’origine des crédits prévus pour financer ces programmes de travaux.
En tant que président du groupe de suivi institué par la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai déjà été saisi de ce dossier par nombre de mes collègues. Mais nous aurons, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’occasion de revenir dans les prochains mois, sur ce sujet fondamental pour notre pays.
Notre troisième préoccupation est liée à l’effet indiscutable de la crise économique sur les comptes de la SNCF de 2009, en particulier sur l’activité de fret, dont le déficit structurel s’est accentué.
La SNCF demeure dans une situation critique, le potentiel d’augmentation de ses recettes étant désormais des plus limités.
À cela s’ajoute la situation des transports ferroviaires régionaux, notamment en Île-de-France, SNCF et RATP confondus, qui vient de faire l’objet d’un rapport extrêmement critique de la Cour des comptes. Celle-ci pointe du doigt la saturation du réseau et les investissements en retard ou jamais réalisés, alors même que 7,4 millions d’usagers quotidiens sont directement concernés.
Ce constat inquiétant nous amène à évoquer un point, cette fois, très positif : le lancement du deuxième appel à projets, dans le droit fil du Grenelle, pour la création de nouveaux TCSP.
La demande, qui s’exprime avec plus de 80 dossiers déposés, et le besoin immense et impérieux tant pour l’Île-de-France que pour la province commandent la nécessité absolue d’investir massivement dans les transports publics pour faire face dans les meilleures conditions à l’attente de nos concitoyens, y compris en augmentant le versement transport pour les agglomérations de moins de 100 000 habitants qui réaliseraient un TCSP.
Dans le même ordre d’idée, la qualité des infrastructures est prioritaire dans la réponse à donner. Là encore, nous ne pouvons être que très préoccupés par la situation financière de RFF.
Dans le cadre du contrat de performance signé avec l’État le 3 novembre 2008, RFF tiendra son engagement en renouvelant, sur la période 2008-2012, 4 000 kilomètres de voies et 1 500 appareils de voies, pour un montant de 7,3 milliards d’euros. Grâce à cet effort significatif, le kilométrage de ralentissements n’augmente plus. Mais il ne diminuera pas non plus !
La situation reste donc précaire. Elle devient même inquiétante dès lors que, pour la première fois depuis l’entrée en application du contrat, les subventions versées par l’État seront inférieures aux montants prévus. Les écarts de subvention par rapport aux crédits inscrits dans le contrat de performance, de l’ordre de 300 millions d’euros, sont susceptibles de remettre en cause le modèle économique de RFF et d’entraîner des choix déchirants pour les infrastructures ferroviaires, qu’elles soient de renouvellement ou de développement, dont je viens cependant de souligner l’extrême nécessité.
J’en terminerai, madame la ministre, monsieur le ministre, avec deux points qui me tiennent à cœur.
Il s’agit, d’une part, du souhait de voir se poursuivre activement les travaux de la commission que votre prédécesseur avait créée et que j’ai l’honneur de présider, sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement, dossier sur lequel le futur Président de la République, Nicolas Sarkozy, s’était formellement engagé.
D’autre part, en tant que parlementaire en mission ayant en charge le Livre vert sur les infrastructures de recharge pour les véhicules décarbonés, je sollicite, là encore, madame la ministre, monsieur le ministre, tout votre soutien pour que l’engagement du Président de la République, pris au Mondial de l’automobile, soit tenu.
Au vu des finances publiques de notre pays et des immenses besoins qui apparaissent dans le domaine des transports, la nécessité de profondes réformes de structures s’impose, car il va falloir faire plus avec moins, en concertation avec toutes les parties prenantes, si nous voulons effectivement donner à la France les infrastructures dont elle a besoin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Permettez-moi, d’abord, à titre personnel, madame la ministre, de saluer votre retour à ce ministère où nous vous avions connue et de vous prier d’accepter mes encouragements dans cette mission.
Après deux années de forte mobilisation de crédits destinés au financement de la politique énergétique et environnementale, pour financer, notamment, les actions du Grenelle de l’environnement, le budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » reste un poste essentiel du budget général.
Il reste important, malgré la restriction du périmètre de votre nouveau ministère, que je regrette vivement, madame la ministre, mais il me semble qu’au cours des dernières vingt-quatre heures, les choses ont bougé. Je le regrette parce que je veux pouvoir vous interroger sur l’érosion, que dis-je ? le glissement de terrain de la fiscalité écologique et du soutien aux énergies renouvelables.
M. Michel Teston. Très bien !
M. Marcel Deneux. Le manque de stabilité érode la visibilité des investisseurs sur ces secteurs. La filière photovoltaïque, par exemple, paie les frais de mesures éphémères pour lesquelles elle n’avait pas cru devoir renoncer à certains engagements, notamment en outre-mer.
Or nous avons besoin de ces investisseurs pour prendre le deuxième train de l’énergie, qu’il concerne le stockage de l’électricité ou les réseaux intelligents, malheureusement encore absents du débat aujourd’hui.
M. Roland Courteau. Oui, on en a besoin !
M. Marcel Deneux. Globalement, le nouveau budget manque d’ambition et d’innovation sur les thèmes qui feront la croissance verte de demain.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Marcel Deneux. Concernant le contenu même des programmes de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », je remarque la faible ambition du Gouvernement sur des investissements qui me paraissent pourtant essentiels.
Concernant le programme 203 « Infrastructures et services de transports », je souhaiterais insister sur le fret ferroviaire. Il aurait dû représenter cette année 17,5 % du fret global. En réalité, il s’effondre à 12 %, en régression par rapport à 2006.
L’État doit continuer à soutenir fortement la politique de développement du fret, parce qu’elle est au cœur d’enjeux industriels, écologiques et d’aménagement du territoire. Cela suppose des efforts d’investissements sur la qualité des réseaux, mais aussi sur le développement de plateformes multimodales. Les investissements en matière de structures sont énormes, je le sais, mais ils conditionnent la compétitivité de notre économie et le flux de nos échanges commerciaux.
À l’heure où les tensions budgétaires sont ce que nous savons, pourquoi reporter à 2012 la mise en place d’une taxe sur les poids lourds qui aurait permis de financer une partie de la subvention d’équilibre ?
Là encore, les choix de répartition des crédits ne sont pas ceux que j’aurais retenus et, en tout cas, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Dans ce chapitre fiscal, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où l’on en est dans la réflexion sur la taxe carbone ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Marcel Deneux. En revanche, je salue l’avancée des travaux et des projets de travaux sur les lignes à grande vitesse.
La France dispose du deuxième domaine maritime mondial, mais de seulement 7 % des parts de marché du trafic conteneurisé sur les façades européennes. La France n’a pas la place qu’elle mérite dans les affaires maritimes. Le programme 205, Sécurité et affaires maritimes, manque d’ambition, à l’heure où 90 % du commerce extérieur de l’Union européenne est assuré par le transport maritime !
Le SNIT, qui ne consacre que 1,5 % de son enveloppe au développement des ports maritimes, manque totalement d’ambition si on le compare aux projets d’aménagement décidés et exécutés à Anvers, à Barcelone ou à Rotterdam, qui sont nos premiers concurrents. Pourtant, il y a de quoi faire, entre la création de nouveaux terminaux à Dunkerque ou au Havre, et le développement de l’intermodalité avec le fret fluvial, ferroviaire et routier.
Heureusement, à défaut d’être ambitieux sur le fret maritime, l’État avance sur la question du fluvial. Le sénateur de la Somme que je suis se réjouit de l’avancée des travaux préparatoires à la construction du canal Seine-Nord Europe. Le dossier de financement a bien progressé au cours des dernières semaines, avec l’obtention de l’accord des collectivités territoriales. Il appartient maintenant à l’État de le finaliser. Ce dossier est très important et nous y sommes très attachés pour l’avenir. Je compte sur votre vigilance, madame la ministre.
Il existe une marge d’intervention de l’État en ce domaine pour mener à bien le développement du transport maritime et fluvial, mais il faut absolument privilégier les dépenses d’avenir, trop faibles par rapport aux dépenses de fonctionnement, par exemple.
Cela étant dit, je salue l’utilisation du fonds Barnier pour le financement du plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, qui a été mobilisé, notamment lors de la tempête Xynthia.
J’ai présidé la commission d’enquête sur les inondations de la Somme, il y a quelques années. Il faudra veiller à la pérennité de l’abondement du fonds, si l’on en multiplie les emplois.
Je souhaite, en revanche, tirer la sonnette d’alarme au sujet de la compétitivité de la filière des biocarburants, qui s’est fortement dégradée depuis l’année dernière, en fonction de la conjoncture des matières premières. Il est souhaitable, pour cette filière, de prévoir dès maintenant le niveau de défiscalisation du bioéthanol et du biodiesel pour l’après-2011 puisque, jusque-là, la question est réglée.
Bien entendu, la concertation entre les différents acteurs de cette filière et les pouvoirs publics est indispensable – au demeurant, elle est déjà engagée – et ses mécanismes doivent permettre d’ajuster les aides qui sont destinées à ladite filière, sachant qu’elle est en cours de structuration, que ses investissements ne sont pas encore amortis et qu’elle doit consentir des dépenses de recherche pour les biocarburants de deuxième génération dont nous avons besoin. Cette concertation est déjà engagée.
Le dialogue doit donc se poursuivre, tout comme doit perdurer le soutien de l’État. Ce dialogue avait été engagé par un groupe de travail présidé par Alain Prost. Ce groupe ne s’est pas réuni depuis trois ans : c’est parfaitement anormal. Eu égard à la concertation avec les pouvoirs publics souhaitée par la filière, il faut, madame le ministre, pouvoir réunir ce groupe.
Concernant la biodiversité, enfin, je souhaite rappeler que M. Borloo avait annoncé la création d’une agence de la nature. C’est une bonne idée, qui pourrait donner de la lisibilité à la politique de la biodiversité. Elle permettrait de mettre en commun les fonctions de connaissance et d’action dans les domaines où les initiatives sont nombreuses et le potentiel d’emplois non négligeable.
J’espère que nous aurons bientôt des éléments permettant d’apprécier la mise en œuvre de cette nouvelle agence. M. Bruno Sido vous en a parlé et je pense que nous aurons des éclaircissements dans votre réponse, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite rappeler que, depuis l’élection présidentielle de 2007 et la mise en œuvre de la vaste réflexion environnementale qui en a découlé, beaucoup de choses ont changé sur le plan législatif, ainsi que sur le plan réglementaire.
Cette période a été marquée, au niveau de l’opinion française, par une prise de conscience des problèmes environnementaux, qui était nécessaire, et l’on peut dire que cette phase pédagogique a été utile.
Mais il ne faut pas s’y méprendre : la France n’est pas devenue subitement majoritairement écologiste ! Au mieux, la réflexion sur les problèmes environnementaux a maintenant droit de cité, grâce à l’acceptation de la lutte contre l’augmentation des gaz à effet de serre, qui est la meilleure approche intellectuelle de ce problème pour l’opinion publique.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Marcel Deneux. Seulement, depuis, il y a eu la crise économique. Pour les temps qui viennent, madame la ministre, il nous faut trouver le bon équilibre en matière de développement durable. Et, dans « développement durable », il y a « développement » : il faudra y penser toujours !
Or, dans beaucoup de secteurs de la production industrielle comme dans celui de l’agriculture, des corrections – pour ne pas dire des coupes budgétaires – sont en cours. Si l’on veut faire du développement, il faut mettre ces corrections au service de la relance économique.
Vous avez, madame la ministre, le profil intellectuel parfait pour accomplir la mission qui est la vôtre. (Sourires.) Vous connaissez exactement les liaisons nécessaires entre économie et écologie. Mettez vos compétences en valeur !
Le Sénat a souhaité conserver dans les compétences d’une même commission les domaines de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, estimant que l’efficacité serait meilleure si les discussions sur ces thèmes avaient lieu dans une même enceinte. Je souhaite que cet exemple serve à guider votre action et celle du Gouvernement. Vous nous trouverez toujours proches de vous pour vous aider à mettre en œuvre des solutions raisonnables pour l’environnement, le développement durable et l’avenir du pays. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je crois que nous devrions faire en sorte d’entendre, avant la suspension du dîner – suspension nécessaire pour chacun d’entre nous, mais surtout pour le personnel du Sénat, sachant que la séance va se prolonger assez tard dans la nuit –, tous les autres orateurs inscrits, puis la réponse de Mme la ministre.
Aussi, j’invite chacun des intervenants à ramasser le plus possible son propos.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, à mon tour, je vous souhaite de nouveau la bienvenue dans cette enceinte. Comme mes collègues, je vous retrouve avec plaisir.
Il est clair que cinq minutes ne permettent pas de faire une analyse correcte du budget, mais je vais néanmoins essayer de soulever quelques problèmes qui me paraissent essentiels.
Nous voudrions, d’entrée de jeu, exprimer notre désaccord concernant le transfert du dossier de l’énergie à un autre ministère. Cette réorganisation, qui manifeste un changement dans l’ordre des priorités du Gouvernement, devrait avoir des incidences sur le périmètre budgétaire futur. Il s’agit d’un accroc de plus au Grenelle de l’environnement, d’autant que la loi de finances marque un recul sur les ambitions affichées dans plusieurs domaines.
Par exemple, nous avons entendu que les subventions aux associations allaient diminuer. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? L’implication de ces associations dans le Grenelle a pourtant démontré que leur vitalité était nécessaire à la qualité des débats. Elles ont été des piliers dans ce domaine.
Permettez-moi de citer les mots de Bruno Genty, président de France nature environnement : « Le budget 2011 manque de souffle écologique. Pis, il entame une marche arrière. Nous appelons le Parlement à regarder vers l’avenir, qui sera écologique ou d’une couleur bien sombre. Nous ne pouvons plus vivre au-dessus des moyens de la planète. »
Je crois vraiment que nous devons à ces associations un traitement correct.
De façon globale, ces crédits se placent très nettement dans la perspective de la RGPP, donc de la réduction de l’action publique, alors même que l’ensemble des mesures du Grenelle appellent un engagement financier sans précédent.
Ainsi, le ministère de l’écologie a perdu globalement plus de 12 000 postes depuis 2008, dont 3 853 dans le projet de loi de finances pour 2011.
M. Roland Courteau. C’est un signe !
Mme Évelyne Didier. Or moins d’agents publics, cela signifie moins de moyens d’expertise, ce qui nous semble préjudiciable à la réalisation des engagements du Grenelle.
Nous allons atteindre un seuil critique en dessous duquel il n'y aura plus de savoir-faire. Cette perte de capacité et d’expertise est d'ailleurs souvent utilisée pour justifier ensuite un transfert tout à fait dommageable de l’activité publique vers le secteur privé : c’est un comble !
J’en viens aux crédits eux-mêmes, et plusieurs remarques s’imposent à cet égard.
Tout d'abord, comment ne pas déplorer le transfert, qui est symptomatique, même si les sommes en jeu ne sont pas considérables, de 3,7 millions d'euros du programme Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vers le programme Enseignement supérieur et recherches agricoles ? Même si ce second programme a lui aussi besoin d’être abondé, un tel déplacement de crédits est incompréhensible au moment où le ministère de l’agriculture vient d’annoncer qu’il va débloquer plus de 11 millions d’euros pour les producteurs de tabac. Madame la ministre, il faut savoir faire les bons choix !
Par ailleurs, l’engagement d’un « urbanisme de projet » marque en réalité la reprise en main par l’État de certains territoires clefs, comme en témoigne, notamment, la loi sur le Grand Paris.
À l’inverse, l’État se désengage de ses missions premières, dont le soutien aux communes. À ce titre, je veux évoquer l’inquiétude qu’a suscitée chez les maires du département dont je suis l’élue la réponse donnée par le préfet : alors qu’il était interpellé sur les difficultés d’instruction des permis de construire, celui-ci a reconnu l’incapacité de l’État à apporter aux communes l’aide prévue par la loi. Plus encore, il a justifié cette impuissance par la RGPP et la baisse des effectifs au sein des services de la préfecture !
Au travers de cet exemple, nous voyons bien que la réduction du nombre des fonctionnaires conduit l’État à renoncer à sa mission d’aide aux communes, ce que nous ne pouvons admettre.
Par ailleurs, je m’étonne que la subvention pour charges de service public de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM, soit diminuée, à hauteur de 50 millions d’euros, et que le Gouvernement envisage, pour masquer ce désengagement, d’effectuer un prélèvement exceptionnel sur le fonds de roulement de l’Agence. Cette pratique est totalement inadmissible, même si ce n’est pas la première fois, vous le savez, madame la ministre, que l’État utilise des fonds qui ne lui appartiennent pas. Chacun se rappelle comment il a puisé dans les ressources des agences de l’eau, par exemple.
J’évoquerai également la baisse de la contribution au profit de l’ADEME, qui est censée être compensée par les nouvelles ressources liées à la TGAP. En effet, l’évolution de la fiscalité écologique ne devrait pas servir de prétexte pour diminuer la contribution de l’État aux charges de service public, qui passent de 107 à 82 millions d’euros, d’autant qu’une pause serait la bienvenue en matière de TGAP, pour nous permettre d’y voir plus clair. Le groupe « Déchets » du Sénat demande, à l'unanimité, que soit évalué dès 2011 l’impact de cette taxe et de l’augmentation prévue.
Nous constatons que les politiques successives de libéralisation ont également mis à mal la sécurité de nos approvisionnements énergétiques.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. L’entreprise EDF est malmenée et obligée de vendre son électricité à moindre coût à d’autres opérateurs. Tout cela se solde, une nouvelle fois, par une hausse des tarifs réglementés. On nous avait affirmé que la concurrence provoquerait des baisses de prix… Ai-je vraiment besoin de préciser que ce n’est pas le cas ?
M. Roland Courteau. Cela n’a jamais été le cas !
Mme Évelyne Didier. Existe-t-il encore une politique publique de l’énergie qui soit vraiment au service de la population ?
M. Roland Courteau. Non !
Mme Évelyne Didier. Pour terminer sur une note positive, je note avec satisfaction la promesse de l’instauration de la taxe poids lourds. Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions à cet égard ? Quand et comment cette imposition sera-t-elle mise en œuvre ? Pour ma part, je considère que le plus tôt sera le mieux.
En tout cas, j'espère qu’il s'agit là d’un engagement ferme, cette taxe permettant de dégager de nouveaux financements pour répondre à l’objectif de rééquilibrage modal qui a été fixé par le Grenelle et dont tous les orateurs qui m’ont précédée ont souligné l’importance.
Parce que les crédits annoncés ne permettront pas de traduire concrètement les engagements du Grenelle, nous ne pourrons approuver les crédits de cette mission. Enfin, madame la ministre, s’il reste un peu d’argent disponible, je vous proposerai volontiers de l’utiliser pour mettre à jour les connaissances de certains de nos collègues en matière d’écosystèmes et de biodiversité ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Des noms !
Mme Évelyne Didier. Je me garderai bien d’en donner ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Écologie, développement et aménagement durable » voit ses crédits décroître : de 2,7 % en autorisations d’engagements et de 6 % en crédits de paiements.
Les secteurs clefs de cette mission sont directement concernés par cette diminution, particulièrement au sein du volet « transports », que je vais évoquer.
Voilà deux ans, le Gouvernement promettait d’investir 13 milliards d’euros pour le plan de régénération du réseau ferroviaire, qui en a bien besoin, 4 milliards d’euros – dont 870 millions d’euros pour le transport – dans le cadre du plan de relance et 7 milliards d’euros pour le plan Fret d’avenir.
Je ne dois pas compter comme mon collègue Francis Grignon, car, pour ma part, je n’ai vu que des baisses : de 7 % pour le programme Infrastructures et services de transport – soit 241 millions d’euros de moins –, de 1 % pour le programme Sécurité et affaires maritimes, de 5,2 % pour le programme Sécurité et circulation routières.
Dans le même sens, les concours de l’État à RFF continuent à se réduire : ils s’établiront en 2011 à 2,487 milliards d'euros, soit une baisse de 6,5 % par rapport à 2010. La commission des finances souligne pourtant que la viabilité du modèle économique de cette entreprise est menacée, car elle passe par l’augmentation d’une dette déjà très élevée – environ 28 milliards d’euros –, afin de mener à bien le plan de rénovation et de développement nécessaire à la rentabilisation du réseau. Nous sommes loin des 500 millions d’euros supplémentaires qui, selon l’audit de l’École polytechnique de Lausanne, sont nécessaires pour seulement maintenir en l’état l’intégralité du réseau !
Par ailleurs, les péages acquittés par les compagnies ferroviaires augmenteront de 5,5 %. Cette hausse est insupportable tant pour les régions, qui font rouler les TER, que pour la SNCF. Et, au bout du compte, c’est l’usager qui paiera !
Alors que le fret doit être une priorité nationale – je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point –, comme l’a rappelé récemment le groupe de travail du Sénat sur cette question, la subvention qui lui est destinée diminue de 200 millions d’euros par rapport à 2010. Bien que, grâce à un amendement adopté par la commission des finances, les crédits budgétaires de RFF aient pu être renforcés de 150 millions d’euros, ils restent tout de même en baisse de 50 millions d’euros.
Dans le même sens, le financement de l’action spécifique Entretien et exploitation du réseau routier national diminue de façon drastique, passant de 414 à 302 millions d’euros, soit un recul de 27 % par rapport à 2010, alors même que le schéma national des infrastructures exige, à juste titre, un effort significatif en faveur de l’entretien du réseau routier.
S’agissant de l’AFITF, ses ressources s’élèvent à 2,204 milliards d’euros, soit une augmentation, qui a été déjà soulignée, de plus de 15 %. Nous pourrions nous en féliciter. Toutefois, cette évolution découle de l’augmentation ou de la création d’impositions : la taxe d’aménagement du territoire et les redevances d’occupation du domaine public payées par les sociétés d’autoroutes. S’y ajoutent une fraction des amendes-radars, quelque 400 millions d’euros qui proviennent de la mise en service de l’A63– ils figuraient déjà dans le budget de l’AFITF pour 2010 – et la subvention d’équilibre issue du budget de l’État, qui est identique à celle de 2010, soit 984 millions d’euros.
Rappelons que ces derniers crédits compensent le report à 2012 de la mise en place de la taxe poids lourds – Évelyne Didier vient de l’évoquer –, dont le manque à gagner est, en réalité, de 1,3 milliard d’euros. Cette imposition, dite « écotaxe », a été décidée en 2009 et on ne sait pas vraiment ce qu’elle va devenir. Sa création était pourtant le seul engagement du Grenelle de l’environnement visant à la création d’une ressource financière. Sa vocation était de sortir le transport routier de la sous-tarification en prenant en compte ses externalités.
Il manquera, au bas mot, plus de 2 milliards d’euros à l’AFITF, qui n’est toujours pas dotée de ressources pérennes – d’autres l’ont souligné avant moi à cette tribune – pour les projets d’infrastructures qui doivent être mis en œuvre entre 2010 et 2014.
À toutes ces restrictions budgétaires ont été ajoutées des suppressions de postes, qui rendent impossible la mise en œuvre des décisions de réorientation du système de transport annoncées dans tous les médias.
Il en est ainsi pour l’action Sécurité et affaires maritimes : l’enveloppe est presque identique à celle de l’année passée, soit 132 millions d’euros,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Schurch. … avec la suppression de 190 emplois en 2010 et de 96 emplois en équivalents temps plein travaillé en 2011.
Dans le même esprit, le projet de loi de finances prévoit une baisse de 188 emplois en équivalents temps plein travaillé pour les effectifs du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Parce que les élus et les citoyens attendent une réelle mise en œuvre des engagements de l’État à la fois sur les infrastructures et les déplacements, parce que le budget que vous nous présentez, loin de répondre à ces attentes, nous éloigne fortement des objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement, qui sont de plus en plus inatteignables, comme le souligne à juste titre l’avis de l’Autorité environnementale sur le schéma national des infrastructures, les sénateurs du groupe CRC-SPG ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame la ministre, je m’associe aux mots d’accueil qui vous ont été adressés et me réjouis à la fois de votre présence au banc du Gouvernement et des responsabilités qui vous ont été confiées.
Compte tenu de la qualité des rapports qui ont été rédigés – je m’inspirerai d’ailleurs très fortement de ceux qu’ont présentés respectivement MM. Bruno Sido et Ambroise Dupont –, je concentrerai mon propos sur deux points qui me paraissent essentiels : les parcs nationaux et le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Madame la ministre, les cinquante ans des parcs nationaux ont été célébrés en octobre dernier à Florac, en même temps que les quarante ans du Parc national des Cévennes. Celui-ci a été pendant longtemps le seul à accueillir une population permanente, donc des agriculteurs.
On aurait pu penser que les parcs nationaux seraient au cœur de la démarche du Grenelle. Ils n’ont d'ailleurs pas été complètement oubliés puisqu’il a été décidé dans ce cadre d’en créer trois nouveaux. Néanmoins, leur financement devrait être une priorité, dans la logique même du Grenelle et pour atteindre les objectifs que celui-ci a fixés. Or tel n’est pas le cas, ce qui suscite une certaine inquiétude.
Pourtant, ces parcs ont trouvé une nouvelle vocation grâce à la loi Giran de 2006, que nous avons adoptée à une quasi-unanimité et qui a fait d’eux non pas des tabernacles, mais des exemples d’un développement durable associant les collectivités locales, les scientifiques et les agents chargés de la protection de la nature.
Nous demandons avec beaucoup d’insistance que cette proximité soit maintenue, c’est-à-dire que ces parcs ne soient pas, demain, fondus dans une agence de la nature où ils perdraient leur âme. En revanche, ils ont accepté de mutualiser un certain nombre de services, notamment comptables, ainsi que diverses prestations avec l’établissement public Parcs nationaux de France.
Le rapport de la Cour des comptes a été un peu sévère avec cet établissement : celui-ci a été créé par la loi Giran et il faut donc lui laisser le temps de se mettre en place. Il serait déraisonnable de lui couper les ailes alors qu’il vient d’être installé et qu’il est prêt à mutualiser certains de ses moyens avec l’ADEME ou le Conservatoire du littoral, entre autres organismes. Si le projet d’agence de la nature est relancé, il sera intéressant d’y associer tous les acteurs, me semble-t-il, pour ne pas mettre à mal des structures qui sont en train de se constituer, et je pense en particulier à l’établissement public Parcs nationaux de France.
Madame la ministre, nous comprenons bien les impératifs financiers auxquels vous êtes soumise. Néanmoins, nous souci est que les parcs, dont certains ont étendu leur territoire, puissent préparer dans de bonnes conditions leurs chartes, car celles-ci sont des facteurs de réussite essentiels pour le développement durable et la création de dynamiques nouvelles.
Si, demain, des extensions ou des créations de parcs sont décidées, je vous demande, madame la ministre – et j’exprime ici le sentiment de tous les acteurs du secteur et des responsables de l’établissement public des parcs nationaux de France –, de mettre en place des moyens supplémentaires.
Les parcs ont accepté de réaliser des économies et voté leurs budgets en conséquence. Toutefois, les efforts qui leur sont demandés doivent être répartis de façon juste. En effet, le parc national des Cévennes, si j’en juge d’après les propositions d’affectation de crédits qui nous sont faites, subit en quelque sorte une double peine : alors qu’il était vertueux puisqu’il est celui dont la masse salariale rapportée aux actions menées est la plus faible – ce ratio est de 25 %, conformément aux souhaits du ministère –, il est le plus pénalisé puisque ses crédits devraient être amputés et que quatre de ses emplois en équivalents temps plein travaillé devraient être supprimés – mais j’espère que nous pourrons faire en sorte qu’ils ne soient que trois. Il faut donc, me semble-t-il, distinguer et encourager l’opérateur le plus vertueux.
Par ailleurs, notre éminent rapporteur pour avis Ambroise Dupont, a évoqué le problème de la gestion des sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour ma part, je me bats pour que Causses et Cévennes soient classés au titre de cette notion désormais reconnue comme universelle, l’agro-pastoralisme, selon laquelle les hommes façonnent les paysages.
Madame la ministre, je souhaiterais que vous confirmiez votre soutien total sur ce dossier, d’autant que, en termes de gestion, la volonté de l’ensemble des élus, le rôle du parc national des Cévennes et du parc naturel régional des Causses ainsi que le classement Natura de l’ensemble de ces espaces constituent autant de gages de sécurité pour l’avenir. Nous avons donc les moyens d’être exemplaires en reprenant les propositions de M. Ambroise Dupont.
Madame la ministre, j’avais prévu de vous soumettre tout à l'heure quelques interrogations dans le cadre des questions-réponses, mais je ne suis pas certains de pouvoir le faire, compte tenu des contraintes de temps.
Reprenez-vous à votre compte les engagements de votre prédécesseur sur l’aménagement de la route nationale 88, grand axe du Massif central doté d’une charte de développement durable et retenu dans différents contrats de plan État-région, mais qui devrait figurer dans le schéma national des infrastructures routières ? Lorsqu’il était venu présenter les dossiers relatifs aux transports à notre commission de l’économie, M. Borloo avait affirmé que le projet serait réalisé sans problème, mais je suis néanmoins inquiet et j’aimerais avoir des certitudes quant au calendrier et aux modalités de réalisation.
Le développement durable est une affaire qui marche, malgré tout, et qui doit imprégner l’ensemble des démarches des acteurs, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale. À cet égard, la réussite d’une politique nouvelle pour les parcs nationaux peut impulser un mouvement en profondeur.
Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire en sorte que cette action se poursuive et que la France soit exemplaire. D’ailleurs, si la définition des parcs nationaux est un peu compliquée, notre pays n’a pas à rougir sur le plan international, bien au contraire ! Ce qui a été lancé il y a cinquante ans constitue une réussite. Il faut permettre aux acteurs des parcs naturels de faire perdurer un tel succès. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chères et chers collègues, mon intervention porte principalement sur le programme 203, Infrastructures et services de transports, et plus précisément sur l’action 10, Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires. Je ferai également quelques remarques au sujet des programmes 113, Urbanisme, paysages, eau et biodiversité, et 117, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
Au cours des dernières années, les investissements visant à développer le transport ferroviaire ont fait l’objet d’un grand battage médiatique. Il en est ainsi du plan de renouvellement et de régénération des voies sur la période 2006-2010, mis en place après le rapport Rivier issu de l’audit effectué par l’École polytechnique fédérale de Lausanne, ou encore du contrat de performance signé par l’État et RFF, et dont le montant s’élève à 13 milliards d’euros pour cinq ans.
Le Gouvernement a très fortement insisté sur le développement du transport ferroviaire dans la loi Grenelle 1 ou encore sur la place consacrée au mode ferroviaire dans le plan de relance. Il faut également mentionner l’engagement national pour le fret ferroviaire annoncé par le Gouvernement en septembre 2009, ainsi que le plan d’actions et d’investissements de 7 milliards d’euros qui a été présenté à ce sujet.
Au-delà de toutes ces annonces, quelle est la réalité de l’engagement pour le ferroviaire, en particulier dans le projet de loi de finances initial pour 2011 ?
Le Gouvernement comme le rapporteur spécial ont fait apparaître, dans la présentation des financements accordés aux transports, une légère hausse des crédits, de l’ordre de 0,4 %. On pourrait donc croire que l’effort budgétaire de l’année 2011 se situe très légèrement au-dessus du niveau des crédits alloués en 2010. Or il n’en est rien !
En effet, l’analyse des documents budgétaires montre que le budget des transports s’élève en réalité à 3,574 milliards d’euros, un montant en baisse de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.
Pour l’action 10, Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, la baisse est d’un peu plus de 4 % tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
En fait, ce qui progresse, ce sont les ressources extrabudgétaires : amendes-radars, nouvelle contribution dite de « solidarité » sur les billets de train ou encore fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes.
Quel est, pour commencer, l’effort consenti afin d’assurer la régénération du réseau ? Des enveloppes financières plus importantes qu’auparavant ont certes été votées lors des précédentes lois de finances, mais sans respecter totalement les objectifs du plan cité précédemment, qui se situaient déjà en deçà du scénario optimal préconisé par le rapport Rivier.
Si les crédits correspondants ont ainsi progressé pour atteindre 1,064 milliard d’euros en 2008, il est très difficile, depuis 2009, de les chiffrer avec précision en raison de la réforme de la tarification de l’usage des infrastructures.
En effet, les concours de l’État à RFF ne sont désormais plus spécifiquement attachés à l’utilisation qu’en fait ce dernier : régénération, entretien, désendettement. Ils dépendent de l’équilibre économique résultant, pour le gestionnaire d’infrastructures, de l’utilisation du réseau par les différents types de services ferroviaires, tels que les transports express régionaux, les trains à grande vitesse, les trains Corail ou encore les trains de fret.
Il est seulement possible de constater que le concours de l’État à RFF pour la gestion de l’infrastructure s’élève à 2,487 milliards d’euros, ce qui correspond à une baisse de 166 millions d’euros, soit 6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2010.
Si les concours pour l’utilisation de l’infrastructure par les TER progressent, en revanche, ceux qui sont alloués pour l’utilisation de l’infrastructure par les trains nationaux classiques de voyageurs, les trains Corail, sont stables. Pour l’utilisation de l’infrastructure par les trains de fret, les concours passent de 826,6 millions d’euros en 2010 à 663 millions d’euros en 2011, ce qui est en totale contradiction avec les orientations du Grenelle 1.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Michel Teston. En réalité, si le nombre de kilomètres de voies renouvelées a sensiblement augmenté, cela est dû, certes, à un effort plus important de l’État, mais aussi, ne l’oublions pas, à un effort sans précédent des régions, qui, loin de se contenter de financer intégralement le renouvellement et la modernisation des matériels TER, ont été souvent contraintes, pour des raisons de sécurité, de s’engager dans le financement de la régénération des lignes utilisées par leur matériel roulant.
De tels financements de la part des régions ont été consentis dans le cadre des contrats de projet État-région et, parfois, de contrats spécifiques, les plans rail – c’est le cas du Midi-Pyrénées, du Limousin et de l’Auvergne –,…
Mme Nathalie Goulet. Et de la Basse-Normandie !
M. Michel Teston. … afin d’accélérer la rénovation de petites lignes, parcourues à près de 80 % par les TER.
Compte tenu de la baisse des concours de l’État à RFF, le maintien de l’effort de régénération – il concerne environ 1 000 kilomètres de lignes par an – proviendra donc de la hausse des péages acquittés par les opérateurs, principalement la SNCF, qui devra augmenter ses tarifs. En définitive, c’est l’usager qui paiera !
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Michel Teston. S’agissant du fret, on notera que figurent dans le budget non pas les 7 milliards d’euros prévus dans l’engagement national pour le fret, mais seulement 200 millions d’euros, dont le Gouvernement a annoncé qu’ils seraient affectés pour l’essentiel à la future autoroute ferroviaire ouest.
L’État est donc en retrait par rapport à l’engagement pris, et ce contrairement à la SNCF, principal opérateur de fret, qui va, comme cela avait été prévu, répartir 1 milliard d’euros sur cinq années, soit 200 millions d’euros par an, pour développer son activité en la matière.
Les ressources de l’AFITF progressent de 15 % par rapport à l’exercice 2010. En fait, la subvention d’équilibre de l’État est identique à celle de la loi de finances initiale pour 2010 : 974 millions d’euros. Elle compense le report de la taxe poids lourds en 2012 ou en 2013.
La progression des ressources de l’Agence provient d’une dotation exceptionnelle de 400 millions d’euros, qui fait suite à la mise en concession autoroutière de l’A63 en 2010. À ce stade, il est très difficile de vérifier que cette « manne » de 400 millions d’euros figurera bien, en définitive, dans les comptes 2011 de l’AFITF.
Parmi les ressources extrabudgétaires appelées à financer les trains d’aménagement du territoire – ce qu’on appelle les Corail Intercités –, en plus des 180 millions d’euros en provenance des amendes-radars et d’une fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les sociétés d’autoroutes qui se limite à 35 millions d’euros, une nouvelle ressource est constituée par la création d’une taxe acquittée par les entreprises de transport ferroviaire de voyageurs, affectée à un nouveau compte d’affectation spéciale.
Cette contribution de 175 millions d’euros, qui ne se limite pas aux seuls billets de TGV, sera essentiellement supportée par la SNCF dans le cadre du contrat de service public conclu avec l’État. La SNCF la répercutera inévitablement sur les tarifs. Une fois encore, c’est l’usager qui va payer !
L’État a présenté récemment l’avant-projet de schéma national des infrastructures de transport, document qui fait l’objet d’un groupe de suivi au Sénat. Lors d’une récente audition devant la commission de l’économie, M. Borloo avait indiqué que ce schéma était non pas programmatique mais stratégique. Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de projets sont précisément fléchés, d’où les interrogations suivantes : selon quelles priorités ? Selon quels modes de financement, sachant que certains projets ont besoin d’être précisés et adaptés ?
M. Roland Courteau. En effet !
M. Michel Teston. Pour les réseaux à grande vitesse à réaliser et les grandes lignes classiques à aménager, il est essentiel de respecter les engagements pris, tant en matière de trajet que de temps de parcours. Il convient donc que le Gouvernement précise les modalités de concertation avec les représentants de chaque territoire, de telle sorte que le schéma définitif réponde réellement aux besoins d’aménagement du territoire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Teston. Avec la baisse des concours de l’État à RFF et la privatisation des sociétés d’autoroutes par le Gouvernement Villepin, privatisation qui a constitué une erreur, et même une faute politique majeure…
M. Roland Courteau. Oh que oui !
M. Michel Teston. … en privant l’AFITF de ressources pérennes, c’est l’épargne populaire qui va être appelée à financer davantage les infrastructures de transports.
Opposé à ces orientations, le groupe socialiste ne votera pas les crédits du programme 203.
J’en viens maintenant aux programmes spécifiquement consacrés à l’environnement, notamment les programmes 113, et 117.
Les membres majoritaires de la commission de l’économie, du développement durable, et de l’aménagement du territoire du Sénat se sont montrés très critiques à l’égard des normes liées à la politique environnementale du Gouvernement. Ces critiques les ont amenés à demander le rejet des programmes concernés. Les échanges qui ont eu lieu lors de la réunion de la commission ont montré que l’esprit et l’ambition du Grenelle de l’environnement avaient définitivement disparu.
Si les sénateurs socialistes ont, eux aussi, dénoncé certaines lourdeurs administratives, ils n’en ont pas moins rappelé que la plupart des difficultés rencontrées par les élus étaient les conséquences directes de la RGPP.
Dans ce contexte, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les questions environnementales touchent chaque citoyen dans son quotidien et son avenir.
Le Président de la République, dès son élection, a fait de la lutte contre le réchauffement climatique l’une de ses priorités, car notre pays a le devoir de participer au défi mondial de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
D’après un récent sondage, 74 % des Français jugent que l’augmentation des températures observée depuis un siècle est due, essentiellement, aux effets de l’activité humaine.
Il y a donc urgence à mettre en œuvre tous les moyens pour lutter contre le changement climatique, comme il y a urgence à lutter contre la dégradation de la biodiversité.
Aujourd’hui, c’est dans un contexte de rigueur budgétaire que nous sommes appelés à examiner les crédits consacrés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et à ses quelque onze programmes.
Je constate que le budget de la mission pour 2011 se stabilise après deux années de dotations exceptionnelles, notamment au titre du plan de relance, qui a donné une formidable accélération à notre politique en matière de développement durable, avec un investissement de l’État et des entreprises publiques de 5 milliards d’euros en deux ans. Je note que, malgré la « non-reconduction » de ce plan en 2011, les crédits seront stables, à hauteur de 9,5 milliards d'euros en 2012 et de 9,48 milliards d'euros en 2013.
Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit de porter les crédits du programme Prévention des risques à 373,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 303,6 millions d’euros en crédits de paiement, avec une forte augmentation – de plus de 8 % – pour les autorisations d’engagement, afin de répondre à trois priorités : la réalisation des plans de prévention des risques technologiques, la mise en œuvre du plan Digues et l’application des mesures du Grenelle de l’environnement.
Je félicite l’ADEME, qui amplifie son action de soutien au projet de chaleur renouvelable ainsi que son action en faveur de la dépollution des sites industriels et du traitement des déchets, en portant la programmation sur les actions du Grenelle à 500 millions d’euros par an, contre 320 millions d'euros il y a deux ans.
En revanche, je m’interroge sur la capacité de l’État et des collectivités locales à mettre en œuvre les projets de trame verte et bleue, pour cause de financement du programme. Nous devons donner les moyens nécessaires aux différents acteurs impliqués dans cette mission, car, pour réussir cet engagement voulu par le Président de la République, il faut des investissements. Certes, la protection de l’environnement a un coût, mais notre devoir n’est-il pas de laisser un « héritage durable » aux générations futures ?
En cette année internationale de la biodiversité, je constate avec regret que les crédits consacrés à cette cause internationale n’ont pas évolué. Pourtant, la préservation de la biodiversité recèle bien plus d’enjeux qu’il n’y paraît, car la biodiversité joue un rôle crucial dans l’équilibre des écosystèmes ou leur dépendance aux ressources naturelles. Elle est également un enjeu pour les entreprises, qui sont encore très loin d’avoir intégré le sujet dans leur politique de développement durable.
D’ailleurs, la décision de déclarer 2010 « Année internationale de la biodiversité » témoigne de la prise de conscience à l’échelle mondiale des efforts déployés jusqu’ici pour enrayer le processus de perte de la biodiversité : diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes.
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, la biodiversité s’écroule 1 000 à 10 000 fois plus vite que son rythme naturel et une espèce de mammifère sur quatre est menacée d’extinction.
La disparition de la biodiversité serait une catastrophe planétaire, car celle-ci est essentielle à notre vie quotidienne, depuis la nourriture jusqu’aux vêtements que nous portons, en passant par les médicaments que nous utilisons.
À l’issue de la 10e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur la diversité biologique à Nagoya, le 29 octobre 2010, les 193 États membres ont conclu un accord sur les trois piliers de cette convention. Il définit vingt objectifs à l’horizon 2020 et arrête quelques mesures phares. Celles-ci concernent notamment : la préservation des espèces menacées d’extinction ; les subventions à la pêche et à l’agriculture qui devront être réduites progressivement et remplacées par des incitations positives en faveur de la conservation des écosystèmes ; la réduction de moitié des destructions d’habitats naturels, y compris les forêts ; la restauration de 15 % des habitats dégradés, étant entendu qu’au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières devront être conservées au moyen de réseaux écologiques et d’aires protégées.
Certains objectifs de cet accord ne peuvent que satisfaire l’élu du littoral méditerranéen que je suis, fondateur, en 1989, de SOS Grand Bleu, association de protection des mammifères marins qui regroupe 150 associations européennes de protection de l’environnement et de la biodiversité, et acteur parmi d’autres du projet Pelagos, qui a abouti à un accord entre l’Italie, Monaco et la France pour la création d’un sanctuaire marin en Méditerranée.
Avec ses départements et collectivités d’outre-mer, la France présente une biodiversité exceptionnelle.
Je me permets de rappeler le rôle essentiel que jouent les océans, notamment en raison des ressources qu’ils recèlent, des activités économiques qui en dépendent ainsi que des enjeux scientifiques et technologiques majeurs qui y sont liés du fait de leur influence sur le climat. L’exploitation des richesses de la mer est essentielle pour l’homme. Mais cette exploitation doit désormais s’effectuer dans une perspective à long terme de gestion durable, perspective dans laquelle le maintien du bon état écologique des océans et des mers constitue une exigence incontournable.
À juste titre, lors de son récent discours de politique générale le Premier Ministre a déclaré : « Le développement durable constitue, lui aussi, un instrument de notre croissance. [...] L’écologie créative, et non punitive, est une source d’emplois. »
Évidemment, on continue à massacrer les baleines, ce que le défenseur des mammifères marins et de la faune marine en général que je suis ne peut que dénoncer.
Je ne saurais d’ailleurs conclure mon intervention sans évoquer le sort du thon rouge. J’ai déjà posé une question orale sur le rejet par les pays riverains de la Méditerranée, dont la France, de la proposition tendant à inscrire le thon rouge à l’annexe 1 de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Sans vouloir polémiquer avec les thoniers, je pense que la disparition du thon rouge de Méditerranée aurait des conséquences dramatiques sur l’ensemble des écosystèmes. Or, seules l’autorisation d’une pêche industrielle réglementée et l’interdiction de pêcher dans les zones de frai pendant la période de reproduction pourraient sauver cette espèce menacée d’extinction.
Permettez-moi de conclure sur cette citation du chef amérindien Seattle : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible. » C’était en 1854. (M. Jean-François Le Grand applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, compte tenu de l’heure et dans un souci de simplicité, je présenterai les grandes lignes de ce budget pour l’ensemble des domaines couverts par mon ministère, avant que, dans la suite de l’examen de ces crédits, Thierry Mariani et moi-même ne répondions tout à l'heure à vos questions plus ponctuelles.
Le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter dans le cadre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » exprime une volonté : la mise en œuvre le Grenelle de l’environnement, et je fais là écho aux propos de Fabienne Keller. Cette volonté est celle du Président de la République et elle était au cœur, cette semaine, de la déclaration de politique générale du Premier ministre. Elle animera notre action au sein du ministère.
Ce budget est bâti sur des convictions fortes, d’autant plus fortes, dirai-je, que le contexte économique est difficile.
Du reste, la situation économique est justement l’une des raisons essentielles qui nous poussent à suivre la feuille de route du Grenelle de l’environnement. En effet, les premiers résultats sont déjà là pour attester le bien-fondé de nos choix. Il faut maintenant les inscrire dans la durée. Le Grenelle de l’environnement est créateur d’emplois, de compétitivité, et c’est la première des convictions sur lesquelles repose ce budget.
Oui, nous sommes en train de bâtir un nouveau modèle économique, respectueux de l’environnement et créateur d’emplois. Oui, monsieur Deneux, nous investirons dans la formation, car nous sommes convaincus que celle-ci est nécessaire.
Ce budget repose aussi sur la conviction selon laquelle l’augmentation de la dépense publique ne saurait en aucune façon être une réponse aux enjeux du temps présent. L’heure est bien plutôt à l’innovation et à la création.
Cela peut surprendre parce que ce budget bénéficie en réalité d’un effort d’investissement considérable.
Aujourd’hui, la programmation financière du Grenelle de l’environnement – 19 milliards d'euros sur 2009-2011 – est en passe d’être atteinte. Viennent s’y ajouter les investissements du plan de relance – 5 milliards d'euros – et les 10 milliards d’euros supplémentaires du grand emprunt national pour les investissements d’avenir qui sont fléchés vers des dépenses qui intéressent mon action.
Pour autant, et je vais m’efforcer de vous en convaincre par des exemples précis, ce budget est construit dans un esprit de responsabilité. Nous concentrons nos efforts sur trois axes.
D’abord, nous réalisons des économies sur le coût des niches fiscales. Je tiens ici à rassurer Fabienne Keller : nous avions déjà pris les mesures réduisant le coût du CIDD, le crédit d’impôt en faveur des économies d’énergie et du développement durable, de 200 millions d'euros en 2010, et ce sans freiner les travaux.
Ensuite, nous mettons en œuvre des réformes et une réduction des effectifs, dans le cadre d’une réorganisation élaborée selon les priorités fixées par le Grenelle de l’environnement.
Enfin, nous engageons une maîtrise des dépenses, en compensant la baisse de 2 % des crédits budgétaires par une légère progression des ressources extrabudgétaires, qui, vous le savez, sont importantes dans ce périmètre.
J’évoquerai maintenant chacun des principaux domaines de compétence du ministère dont j’ai la charge, en tâchant de répondre aux nombreuses questions qui ont été posées et en montrant que ces orientations appellent des choix budgétaires cohérents.
Je commencerai par la politique des transports, que nous souhaitons organiser selon trois lignes de force.
Il s’agit d’abord de favoriser le recours aux modes de transport durables. Il convient ensuite de renforcer l’entretien et la rénovation des réseaux, ce que vous êtes nombreux à avoir souligné. Il faut enfin soutenir les acteurs de la mobilité durable dans un contexte d’ouverture à la concurrence, qui est une source d’opportunité mais aussi un défi.
Pour favoriser les transports durables, l’État poursuivra en 2011 la politique de relance des transports collectifs, avec une deuxième tranche de l’enveloppe de 810 millions d'euros pour les 50 projets retenus en 2009. Il aidera par ailleurs au démarrage des projets du deuxième appel à projets du mois de mai 2010, et les représentants des collectivités territoriales que vous êtes ne manqueront pas d’y être sensibles.
En complément des interventions du budget général, l’AFITF est bien évidemment un acteur privilégié. Je tiens dès maintenant à rassurer ceux d’entre vous, notamment Marie-Hélène Des Esgaulx et Francis Grignon, qui s’inquiéteraient de son équilibre financier.
L’année 2011 devrait permettre à cette structure de mettre en place près de 2,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Au-delà, la mise en œuvre de la taxe poids lourds, dont je vous confirme, monsieur Nègre, la mise en place pour 2012, viendra prendre le relais de la subvention d’équilibre.
M. Roland Courteau. On verra !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Le budget consolide donc le financement de grandes opérations d’infrastructures lancées ou prévues dans la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, notamment des lignes à grande vitesse, les opérations contractualisées, des investissements de développement ou de sécurité dans les domaines routier, ferroviaire, portuaire, fluvial, multimodal et des transports collectifs.
S’agissant du transport de marchandises, nous poursuivrons le grand engagement national pour le fret ferroviaire, annoncé par le Président de la République le 16 décembre 2009. Plusieurs d’entre vous l’ont évoqué.
Le ministère poursuivra en outre, au même niveau, sa politique de soutien et de développement des autoroutes de la mer, ainsi que des autoroutes ferroviaires existantes ou futures, dont l’autoroute ferroviaire Atlantique.
L’interface maritime bénéficiera également de la mise en œuvre de la réforme des grands ports maritimes, cher Charles Revet, et des moyens mis en place à cette occasion.
Enfin, Thierry Mariani et moi-même nous félicitons de disposer très bientôt, avec le schéma national des infrastructures de transport, d’un document précieux d’orientation. Nous y travaillons en ce moment même.
Je précise, notamment à l’intention de Marie-Hélène Des Esgaulx, que ces 170 milliards d’euros, étalés sur vingt-cinq ans, conduisent à des ordres de grandeur cohérents avec les volumes financiers que les partenaires mobilisent aujourd’hui. Bien sûr, tout cela avancera de façon concertée et chacun pourra s’exprimer. J’ai noté plusieurs propositions qui ont été faites par les uns et les autres, notamment celles de Charles Revet, extrêmement innovantes.
Du côté de l’entretien et de la rénovation des réseaux pour garantir la sécurité, le budget prévoit la poursuite des actions de renforcement en matière de maintenance et d’entretien des réseaux et des infrastructures existantes. Par exemple, les ressources de Voies navigables de France seront augmentées de près de 70 millions d’euros en 2011. C’est important, car cela permettra de financer la remise à niveau du réseau de voies navigables.
Par ailleurs, le plan de rénovation ferroviaire engagé en 2006 sera poursuivi : environ 1 000 kilomètres de voies pourront être rénovés en 2011 grâce aux 2,6 milliards d’euros de concours de l’État qui compléteront les péages payés par les opérateurs à RFF, lesquels sont appelés à augmenter. Les recettes de RFF progressent de 200 millions d’euros.
L’année 2011 sera celle de la création du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs ». Francis Grignon a fait une suggestion à ce sujet, proposant la réplication de ce projet sur d’autres enjeux. Marie-Hélène Des Esgaulx a aussi évoqué ce point.
Le réseau des trains d’équilibre du territoire irrigue la France et ces trains doivent reprendre toute leur place aux côtés des services à grande vitesse et des services régionaux, ce que ce compte d’affectation spéciale vient en quelque sorte concrétiser.
Enfin, pour les routes, les ressources consacrées à l’entretien courant et aux actions curatives sont rééquilibrées en faveur d’un effort sur l’entretien préventif des chaussées afin d’enrayer leur dégradation.
J’en viens à l’ouverture à la concurrence. Dans un tel contexte, il est essentiel d’assurer la régulation économique et sociale et de veiller aux équilibres des transports.
La nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, mise en place en 2010, assurera la mise en œuvre des nouvelles modalités de régulation des activités ferroviaires en 2011.
Le contrôle du transport routier, particulièrement important pour réduire les distorsions de concurrence, poursuit sa modernisation.
Dans le domaine maritime, la politique de soutien au pavillon français et à l’emploi maritime est accentuée. (M. Louis Nègre acquiesce.) Je remercie tous ceux parmi vous qui l’ont souligné, notamment M. Louis Nègre que je vois opiner ! (Sourires.)
La formation maritime reste également au cœur des priorités en 2011.
Nous souhaitons tout particulièrement, Thierry Mariani et moi-même, poursuivre l’effort en faveur de la sécurité et de la sûreté en mer. Cela passe par la modernisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, et par la coordination unique des administrations pour améliorer les capacités en matière de contrôle des activités maritimes et littorales.
Enfin, l’aide aux dessertes aériennes d’aménagement du territoire est poursuivie.
Cela me conduit à aborder le sujet de la navigation aérienne, qui a été évoqué, notamment, par François Fortassin.
La stratégie 2011-2013 du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » vise à faciliter le trafic avec un espace aérien plus sûr, plus accessible, aux routes directes et optimisées, permettant des vols plus économiques et moins polluants.
Nous poursuivrons notre engagement dans la construction du Ciel unique européen. M. Jean-François Le Grand, qui a travaillé sur ce sujet, l’a évoqué. Nous le ferons à la faveur, d’abord, de la construction, en 2012, d’un bloc d’espace fonctionnel commun avec l’Allemagne, le Benelux et la Suisse, nommé FABEC, puis du programme européen de recherche et développement SESAR.
Le budget annexe, à hauteur de 2,012 milliards d’euros, s’appuie sur la reprise progressive du trafic aérien, constatée aujourd'hui, qui permettra une augmentation des recettes d’exploitation de 2,4 % avec une hausse limitée des tarifs. Le recours à l’emprunt reste nécessaire, mais il est en forte diminution par rapport à 2010 : 194 millions d’euros en 2011, contre 250 millions d’euros en 2010.
Je tiens à souligner que les difficultés financières du budget annexe sont en grande partie liées à la volonté d’aider les compagnies aériennes dans la crise en maintenant les redevances à un niveau minimum pour permettre aux compagnies d’asseoir un équilibre difficile à réaliser.
En réponse à une interpellation qui a été faite sur ce sujet, je tiens à souligner les efforts accomplis, dans cette situation de crise, par la DGAC, avec le gel des primes pendant une période de deux ans et la suppression des clairances.
J’ajoute que la grève du zèle, qui est inacceptable, a été limitée au Sud-Est et qu’elle n’a pas été majoritaire.
La stratégie financière responsable adoptée préserve la capacité de la DGAC à investir, pour 186 millions d’euros, tout en réduisant ses coûts structurels de 15 millions d’euros. Je crois que cet effort justifie le retrait de l’amendement portant sur ce sujet.
Je dirai à présent un mot sur la sécurité routière. Je serai brève puisque cette dernière relève, depuis mercredi, du domaine de mon collègue ministre de l’intérieur. Elle vous est néanmoins présentée aujourd'hui.
Pour l’essentiel, elle est portée, sur le plan budgétaire, au travers du programme du budget général « Sécurité routière », à hauteur de 57 millions d’euros, et surtout du compte d’affectation spéciale « Radars », en cours de refonte.
Vous pouvez être assuré, monsieur Miquel, de ma pleine vigilance pour que les échéances du programme FAETON soient respectées. C’est dans ce cadre que 503 dispositifs de contrôle automatique seront déployés en 2011, pour accentuer le maillage et mieux couvrir les zones à risque.
J’en viens précisément au point concernant les risques.
L’amélioration de la protection contre les risques est une priorité importante de la mission, avec un devoir de résultat vis-à-vis des Français. Le budget pour 2011 répond à cette exigence avec des autorisations d’engagement en augmentation à 373,3 millions d’euros.
Il s’agit, en premier lieu, des risques naturels.
La tempête Xynthia, qui a été évoquée, a été suivie des inondations survenues dans le Var. Tous ces phénomènes ont montré la réalité du danger et la nécessité d’améliorer nos dispositifs de vigilance et d’alerte.
Le plan Digues – j’ai répondu la semaine dernière dans cet hémicycle à une question orale sans débat sur ce sujet – permettra de conforter environ 1 200 kilomètres de digues d’ici à 2016, pour un effort doublé à 500 millions d’euros sur la période, financé pour l’essentiel sur le fonds Barnier, qui, il est vrai, est très sollicité.
Le Gouvernement tient les engagements pris pour financer les délocalisations en Vendée et en Charente-Maritime. Le fonds sera abondé de manière exceptionnelle : des crédits supplémentaires sont ouverts en fin de gestion et la Caisse centrale de réassurance versera 100 millions d’euros.
Plus généralement, l’État renforcera le plan Séisme aux Antilles et poursuivra sa participation aux opérations réalisées par les collectivités locales, dans le cadre des programmes d’actions de prévention des risques liés aux inondations, les PAPI, et des plans Grands fleuves.
Il s’agit, en deuxième lieu, des risques technologiques.
Les plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, entrent désormais dans une phase opérationnelle. Je sais que certains considèrent, et sans doute ont-ils raison, que la mise en place est bien longue, mais nous dégageons un budget de 100 millions d’euros, avec un objectif de 60 % des PPRT approuvés en fin d’année. Je crois pouvoir dire que les retards constatés au démarrage, liés à l’élaboration et à l’instruction des nouvelles études de danger, sont aujourd’hui en passe d’être résorbés.
En matière de travaux obligatoires à réaliser par les propriétaires, la prise en charge de leurs coûts par l’État, les collectivités ou les industriels serait de nature à faciliter la mise en œuvre des PPRT. C’était le sens du crédit d’impôt de 36 % initialement inclus dans le projet de loi de finances. Je partage du reste la préoccupation de Fabienne Keller à ce sujet.
Par ailleurs, les actions de sécurité relatives à la gestion de l’après-mine ou à la prévention des risques chroniques seront poursuivies.
L'ADEME a également réservé 120 millions d’euros sur trois ans, de 2009 à 2011, pour la résorption des points noirs du bruit.
Enfin, l’Autorité de sûreté nucléaire verra son budget s’élever à 67,5 millions d’euros.
Il s’agit, en troisième lieu, des risques sanitaires.
Cette thématique prend une importance particulière en 2011 avec l’application des réglementations dites REACH sur les substances chimiques et les biocides.
J’ai prévu d’évaluer les premiers dossiers d’enregistrement et de prendre très rapidement les premières mesures de restriction et d’interdiction.
Par ailleurs, dans la ligne des engagements du Grenelle, le programme appuiera la mise en œuvre du deuxième plan national santé-environnement, ou PNSE 2, adopté le 24 juin 2009.
J’évoquerai maintenant le volet concernant l’urbanisme, les paysages, l’eau et la biodiversité, qui nous donnera l’occasion privilégiée d’une mise en œuvre très concrète du Grenelle de l’environnement.
Le budget consacré à l’aménagement est ainsi prioritairement centré sur la mise en œuvre du plan Ville durable, tout en poursuivant l’effort sur les sites et les paysages. Les crédits sont destinés à accompagner et à faciliter des projets portés par les collectivités territoriales. Ils financent également la démarche « urbanisme de projet » lancée par le Gouvernement en juin 2010. À cet égard, je ne partage pas le jugement sévère de Mme Évelyne Didier.
Les objectifs poursuivis en matière d’eau et de biodiversité s’articuleront autour des priorités suivantes : la directive Stratégie marine et Natura 2000 en mer ; la protection accrue des patrimoines naturels – je pense en particulier aux calanques –, qui est en chantier et devrait déboucher en 2011 ; la satisfaction aux obligations communautaires de bon état écologique des milieux aquatiques ; la protection de la biodiversité, notamment avec le soutien de l’État aux collectivités territoriales pour l’élaboration de documents de planification écologique prenant en compte la trame verte et bleue.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur l’efficacité et sur la performance de la gestion des établissements publics. Je veux vous assurer ici qu’une vigilance particulière a été accordée et continuera de l’être par la tutelle aux remarques de la Cour des comptes. Des améliorations ont d’ores et déjà été engagées, notamment via la mise en place d’un progiciel de gestion et la réorganisation des services administratifs.
MM. Sido, Ambroise Dupont et Deneux, en particulier, ont évoqué la création d’une agence de la nature. Nous sommes tous d’accord sur le fait que la visibilité de notre dispositif doit être améliorée, mais je veux me donner le temps de bien choisir la forme la plus adaptée et je compte mettre à profit le mois qui vient pour procéder à de nouvelles consultations sur les modalités pratiques les plus pertinentes. Naturellement, votre avis sera sollicité.
Je tiens à dire quelques mots sur l’énergie et le climat, qui en mériteraient au demeurant beaucoup plus. Je rappelle que, grâce aux objectifs et aux outils des lois Grenelle 1 et 2, que vous avez votées, la France est à la pointe de la prise de conscience du fait qu’une politique énergétique moderne intègre les enjeux du changement climatique.
À titre d’exemple, le dispositif du bonus-malus automobile associé à la prime à la casse a permis une profonde modification du comportement des Français, mais également fourni un soutien à l’industrie et à l’emploi. Quand on pointe un déséquilibre financier, qui est réel, on souligne par là même le grand succès du dispositif. Celui-ci correspond à une prise de conscience écologique forte.
Plus de 10 % des émissions de CO2 depuis 2007 ont ainsi trouvé solution et je me réjouis de l’ampleur des progrès réalisés. Naturellement, il faudra adapter les curseurs en 2011 et en 2012, afin de répondre au double objectif d’exigence environnementale et de rééquilibrage financier. Il en va de même, monsieur Courteau, pour l’énergie photovoltaïque, vous en êtes convaincu, j’en suis sûre.
Parce qu’il me faut conclure, je serai brève sur les services et sur les opérateurs du ministère. Je ne pourrai donc pas les évoquer tous – il a été question de l’IGN et de nombreux autres –, ce que vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je ne mentionnerai que l’ADEME, dont les ressources s’élèveront à un peu plus de 590 millions d’euros. Le rendement global de la TGAP est de 508 millions d’euros, dont 67 millions d’euros sont issus de nouvelles taxes, la taxe sur l’incinération, d’une part, à hauteur de 64 millions d’euros, et la taxe sur les poussières, d’autre part, à hauteur de 3 millions d’euros.
À cet égard, je tiens à vous confirmer que, conformément aux engagements pris lors du Grenelle, la totalité de l’argent collecté au titre de la nouvelle taxe sur l’incinération des déchets et de l’augmentation de la taxe sur les mises en décharge sera bien redistribuée aux collectivités, sous forme d’accompagnement de leurs projets.
Le programme dont je viens d’esquisser les grandes lignes est ambitieux, vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs. Pour le mener à bien, nous avons la chance de nous appuyer sur des ressources humaines motivées et passionnées, un peu trop parfois si j’en crois Bruno Sido et Francis Grignon.
Vous avez sans doute pour partie raison : la production réglementaire ne doit pas se faire au détriment de la concertation, et surtout pas au détriment de l’accompagnement des collectivités territoriales, qui ont vocation à être motrices dans nos projets.
À cet égard, ne croyez pas que les mesures incriminées visent à complexifier encore davantage notre arsenal législatif et réglementaire : comme vous le savez, je suis favorable à la simplification générale et à la réduction des délais d’instruction, pour que nous ayons moins de règles, qu’elles soient plus simples, mais réellement appliquées. La complexité n’est pas forcément synonyme de meilleure protection de l’environnement. (M. Louis Nègre applaudit.)
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Tout comme vous, je suis une élue locale – je suis maire – et je sais les difficultés qui s’attachent à ces questions. J’affirme très sereinement que la mission du ministère est non pas d’élaborer et de mettre en œuvre une réglementation tatillonne, mais bien d’aider à l’éclosion de projets respectueux du développement durable, de faciliter leur mise en œuvre en vous aidant à les améliorer, bref, de vous aider à concrétiser le Grenelle sur le terrain, puisque vous devez, vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, en être les ouvriers. C’est l’état d’esprit que je recommande et que je demande de faire vivre aux 62 371 équivalents temps plein travaillé du ministère. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons, dans la discussion du projet de loi de finances, l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
Questions-réponses-répliques
M. le président. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions-réponses. Je rappelle que chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante :
- question : deux minutes trente
- réponse : deux minutes trente
- réplique éventuelle : une minute
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’année 2010 est l’année internationale de la biodiversité.
Le vendredi 29 octobre dernier, un accord multilatéral a été conclu à Nagoya. Beaucoup s’en sont réjouis, peut-être de manière excessive. En effet, non seulement cet accord n’est pas contraignant – ce qui n’est pas sans rappeler les objectifs définis en 2002 en la matière –, mais surtout il ne remet pas en cause la manière de protéger la biodiversité par la protection de petites zones de terre et de mer.
Pourtant, l’une des ambitions du Grenelle consistait, me semble-t-il, à promouvoir une autre logique, visant à restaurer et à développer des continuités écologiques afin de permettre la circulation des espèces et le brassage des populations.
Depuis l’adoption du Grenelle 2, on entend parler un peu partout de trame verte et bleue, ce qui est plutôt une bonne chose. De nombreux projets et plans se sont raccrochés à ce concept, de façon parfois tout à fait opportuniste, en profitant de son flou et des multiples interprétations qui peuvent en être faites.
Il pourrait être réjouissant de voir les acteurs s’approprier cette idée si le manque d’engagement de l’État n’était pas à déplorer. En effet, seuls 3,8 millions d’euros vont être affectés aux trames vertes et bleues. Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr !
On aurait pu s’attendre au moins à un maintien des stratégies de conservation traditionnelles, d’autant qu’elles ne sont pas sans liens avec les trames. Or les parcs nationaux se voient imposer une cure sévère. En effet, une lettre ministérielle envoyée aux directeurs des neuf parcs nationaux et à celui de l’établissement public Parcs nationaux de France annonce la suppression de 15 % des crédits et de dix-neuf emplois. On leur demande ainsi de redéployer et de mutualiser. En fait, on leur applique la RGPP !
La création d’une agence de la nature serait sans doute un moyen plus efficace d’arriver à des résultats plus ambitieux en termes de mutualisation s’il s’agit de réduire les dépenses – pourquoi pas ? – sans pour autant mettre en péril ces politiques. Madame la ministre, peut-être nous direz-vous quelle est votre vision à cet égard.
Je note également l’absence de moyens supplémentaires dans le contrôle de gestion des zones Natura 2000. En effet, le ministre Jean-Louis Borloo avait bien expliqué le fond des choses devant la commission des finances en indiquant vouloir « faire appel à la solidarité de la communauté des parcs nationaux ». Il serait tout de même intéressant que vous nous donniez plus de précisions sur ce qu’il faut entendre par cette formule.
Madame la ministre, ma question est la suivante : avec le budget qui nous est présenté, comment pensez-vous parvenir à financer les nouveaux parcs nationaux, notamment les dix parcs marins promis pour 2012, et comment comptez-vous attribuer les moyens nécessaires aux projets de trames vertes et bleues ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le président, c’est un véritable défi que d’évoquer toute la biodiversité en deux minutes et demie !
Madame la sénatrice, Nagoya n’est pas la fin de l’histoire. Mais il est vrai que cette échéance a été accueillie très favorablement parce qu’elle est porteuse d’une espérance. C’est un accord majeur par lequel a été notamment créé, pour la biodiversité, l’équivalent du groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La France y a été étroitement associée. Elle se veut responsable et même à l’avant-garde en matière de lutte pour la protection de la biodiversité parce qu’elle est fortement impliquée sur ce sujet, notamment du fait de l’importance de la biodiversité sur notre territoire, en particulier dans les outre-mer.
Plus précisément, quelles actions mettons-nous en œuvre ? Vous avez évoqué la trame verte et bleue. Celle-ci entre en 2011 dans une étape véritablement opérationnelle, après le franchissement d’un stade majeur en 2010 avec la mise en place du cadre d’action, notamment la création du comité national trame verte et bleue.
Nous arrivons à un moment où nous allons pouvoir devenir opérationnels. Des crédits ont été délégués, des emplois ont été identifiés et parfois créés, tels les postes « trame verte et bleue » au sein de chaque DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Un centre de ressources est également prévu. Bref, l’année 2011 doit être l’année de réalisation de cet engagement du Grenelle de l’environnement.
Cet engagement a aussi une traduction budgétaire. Vous avez pu juger des efforts engagés sur ce plan depuis trois ans avec un passage de 225 millions d’euros à 275 millions d’euros ainsi qu’avec un certain nombre de projets ou de réalisations en matière de protection.
Vous évoquez également la question des parcs marins. Deux parcs naturels marins ont été créés et cinq autres sont actuellement à l’étude.
Notre action ne se limite pas à la protection des espaces puisque des crédits sont aussi affectés à la promotion de la protection des espèces. Ainsi des moyens sont ajustés à cet effet parmi ceux qui sont attribués aux 1700 sites Natura 2000 et, d’ici à 2013, tous les sites seront dotés d’un document de gestion.
Enfin, un effort particulier est réalisé en ce qui concerne l’identification et la création à la fois des parcs nationaux et des réserves naturelles. Là encore, l’année 2011 sera une année de réalisation pour un certain nombre de projets avec le renforcement raisonné des moyens de plusieurs parcs nationaux – je pense à la Guadeloupe et à Port-Cros –, pour tenir compte de l’extension de leur périmètre.
Ces actions s’inscrivent néanmoins dans un contexte de forte contrainte budgétaire, ce qui explique qu’une partie des nouveaux moyens ou des renforcements de moyens résulteront d’un redéploiement au sein du budget des parcs nationaux. Cela s’inscrit dans une cohérence avec le reste de la politique qui est menée par le ministère. Il s’agit d’être à la fois très solide pour aller au bout des objectifs du Grenelle de l’environnement et très attentif aux deniers de l’État.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.
Mme Évelyne Didier. Merci, madame la ministre, de ces explications.
Nous appelons tous de nos vœux la réussite de cette politique. Puisque vous nous indiquez que 2011 va être l’année d’importantes réalisations, nous suivrons celles-ci de près et nous en reparlerons dans un an.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame la ministre, j’ai tout à l’heure souligné combien il était important de donner aux parcs nationaux toute leur place et même de leur accorder une priorité dans la mise en œuvre du Grenelle.
Je voulais également solliciter votre soutien pour le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO, au titre de l’agro-pastoralisme, de ce grand projet qui concerne les Causses et les Cévennes. J’ai insisté sur le fait que nous apportions une sécurité quant à la gestion, répondant par là aux préoccupations dont notre collègue Ambroise Dupont s’était fait l’écho.
Ensuite, je vous ai demandé très précisément quelle était votre position sur un projet qui essentiel pour le Massif central et la Lozère, celui qui concerne la route nationale 88. Pour sa part, M. Borloo m’avait indiqué, quand il était venu présenter l’avant-projet de schéma national des infrastructures de transports, que le projet relatif à la RN88, bien qu’il ne soit pas inscrit dans le SNIT, serait soutenu dans le cadre des PDMI, les programmes de modernisation des itinéraires routiers.
Nous sommes toutefois inquiets, car il paraît quelque peu contradictoire de dire que ce grand projet sera réalisé alors même qu’il n’est pas inscrit dans le SNIT. Y a-t-il incompatibilité avec le soutien apporté au titre des PDMI ?
J’insiste sur ce point, car il s’agit d’une question d’aménagement et de développement harmonieux du territoire. En effet, cette route fait l’objet d’un accord et d’un engagement sur le développement durable. Il n’est pas possible de laisser ainsi dans l’incertitude les différentes autorités politiques responsables, entre Lyon et Toulouse, quelle que soit leur étiquette politique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le sénateur, à question précise, réponse précise !
Tout d’abord, je souhaite vous signaler, dans le prolongement de ma réponse précédente, que le parc national des Cévennes, qui vous est cher, a montré que l’on savait traiter des dossiers difficiles en matière de gestion des parcs nationaux. Je pense notamment au problème de la chasse. C’est un exemple que non seulement nous citons, mais que nous souhaitons, ici ou là, répliquer.
Pour compléter et préciser ma réponse précédente, j’ajouterai que, lorsque je dis que l’année 2011 est une année de réalisation, cela signifie surtout qu’il s’agit d’une année de parachèvement. On peut penser, par exemple, au projet remarquable des Calanques. Cette année va permettre une grande avancée sur le sujet du parc forestier ainsi que l’identification de notre parc de zones humides puisque trois sites sont actuellement identifiés et que le choix final interviendra en 2011.
Nous avançons donc bien, comme vous le souhaitez, dans la mise en place des nouveaux parcs nationaux et dans le prolongement de l’action menée.
Quant à la nationale 88, c’est effectivement un axe majeur pour la déserte des territoires de la frange sud du Massif central, et nous sommes très attentifs à son aménagement. Sa mise à deux fois deux voies entre Albi et l’A75 a été déclarée d’utilité publique et fait l’objet d’une convention de réalisation spécifique avec les collectivités locales. C’est donc ce qu’on appelle un « coup parti », c’est-à-dire un projet routier déclaré d’utilité publique dont la réalisation s’inscrit dans la continuité de l’action publique, indépendamment de sa performance au regard des objectifs du Grenelle. C’est la raison pour laquelle il ne figure pas dans l’avant-projet du SNIT.
S’agissant de la section entre l’A75 et Le Puy-en-Velay, l’aménagement répond aujourd’hui prioritairement à des problématiques régionales, qui ne visent pas à créer de nouvelles fonctionnalités, et il sera poursuivi dans le cadre des PDMI.
Sur le SNIT lui-même, la concertation est en cours. Il est donc trop tôt pour donner ici le résultat de cette dernière. Cependant, je peux vous dire que, à ce stade, il est prévu d’ajouter la mention de l’aménagement de cet axe et la confirmation que les travaux – déjà déclarés d’utilité publique – ne sont pas remis en cause par ce nouveau document.
Enfin, s’agissant de votre candidature au classement du patrimoine mondial de l’UNESCO, nous sommes évidemment très favorables à votre initiative !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour la réplique.
M. Jacques Blanc. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, car j’étais un peu soucieux.
Premièrement, les parcs doivent être pleinement reconnus. Peut-être n’avons-nous pas assez insisté sur ce point dans le cadre du Grenelle. Peut-être les parcs eux-mêmes ne se sont-ils pas suffisamment mobilisés sur ce sujet, bien que l’on ait décidé d’en créer trois de plus.
Deuxièmement, je note que vous confirmez les propos de M. Borloo en ce qui concerne le projet relatif à la RN88 et son inscription au SNIT, ce qui vient conforter les programmes de modernisation.
Troisièmement, je vous remercie de soutenir cette grande ambition qu’est le classement au patrimoine mondial des territoires Causses et Cévennes ; l’agro-pastoralisme deviendrait alors une valeur universelle reconnue par l’UNESCO.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Madame la ministre, le développement durable est plus qu’une orientation citoyenne approuvée massivement par les Français. C’est aussi un vecteur de croissance verte.
En effet, de la biodiversité à l’efficacité énergétique en passant par l’innovation en matière d’énergie, l’État, par le biais du Grenelle de l’environnement, soutient ce nouveau secteur économique, dont Valérie Létard estimait voilà quelque temps le potentiel d’emplois à 600 000. C’est important.
Pour parvenir au résultat escompté, le nombre d’actions à mener est considérable : développement industriel des filières des écotechnologies, orientations du système financier vers les filières et usages plus durables, nouvelle approche des façons de produire, de consommer et de recycler l’ensemble de nos biens et services.
Les emplois de l’économie verte vont nécessiter des compétences particulières auxquelles nous ne sommes pas totalement préparés. L’impulsion doit venir de votre ministère.
De quels moyens disposez-vous pour peser sur cette orientation dans les différents secteurs impactés par le Grenelle de l’environnement ?
Quelles collaborations sont envisagées avec le ministère de l’éducation nationale et celui de la recherche et de l’enseignement supérieur, mais aussi avec les régions où les différents réseaux consulaires sont les acteurs incontournables de la formation professionnelle en vue de la réussite souhaitée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur Deneux, un plan national de mobilisation pour le développement des emplois verts a été mis en place par Valérie Létard. Je souhaite en assurer pleinement la continuité et l’extension, tant ce plan est porteur d’espérance, pour la jeunesse mais pas uniquement puisqu’il comporte un volet relatif à la formation continue.
Ce travail rassemble plusieurs centaines d’acteurs venus de tous les horizons. Vous avez raison d’insister sur la nécessité de favoriser le partenariat sur ces sujets, car il s’agit plus d’une chaîne de compétences que de la responsabilité d’un seul.
Il faut à la fois observer, diagnostiquer, anticiper les changements sur les emplois et sur les métiers, et accompagner ces changements par la modification des diplômes, de la formation continue et de tout notre appareil de formation.
Ce travail associe tous les partenaires : les différents ministères concernés, au premier rang desquels celui de l’éducation nationale, les régions, les entreprises, les centres de la fonction publique territoriale. Ce travail a débuté. Je prends l’exemple du FEE Bat, la formation aux économies d’énergie des entreprises et artisans du bâtiment, qui a été mise en place par les artisans de la construction : 20 000 personnes ont été formées l’année dernière.
En ce qui concerne la hiérarchisation des besoins en formation, le critère de l’urgence sera retenu. Des mutations sont déjà entamées. On observe des tensions sur le marché du travail dans certaines filières ; celles-ci seront les premières à faire l’objet de conventions et de modifications.
Du côté des collaborations avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et avec les régions, l’année 2011 sera celle de la réalisation. Ces acteurs font pleinement partie des groupes qui ont aujourd’hui été mis en place. J’espère boucler des expérimentations avec quatre régions dès la fin de 2010. Les délais sont donc très proches.
Pour les années suivantes, je compte agir dans le cadre des contrats État-région en faveur de la formation professionnelle, en étroite coopération avec le ministère chargé de l’emploi, afin de pouvoir, dès 2011, entrer en phase opérationnelle.
Enfin, je signale la création, dans le cadre du plan national de mobilisation, de l’Observatoire national des emplois et métiers liés à la croissance verte. Il constitue un lieu d’échange d’informations entre les différents acteurs et de facilitation pour la mise en place des conventions que j’ai évoquées.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour la réplique.
M. Marcel Deneux. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez parlé d’urgence. Effectivement, il n’y a pas de temps à perdre et le calendrier est serré. Il est clair que l’adaptation à l’économie verte des marchés de l’emploi et des services de la formation et de l’orientation doit figurer au nombre des actions structurantes. En effet, concevoir et produire en économie verte nécessite des connaissances ainsi que des compétences nouvelles. La réussite dépendra donc, je partage ce point de vue, de l’effort de formation qui sera mis en œuvre dans des délais rapides.
Votre réponse me laisse supposer que nous sommes bien en phase.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit, en son article 13, la participation de l’État au développement de 1 500 kilomètres de voies nouvelles de transports en commun en site propre, les TCSP.
L’État doit apporter son concours, à hauteur de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020, aux projets nouveaux au terme d’appels à projets. Cet objectif s’est traduit par le lancement, en novembre 2008, d’un premier appel à projets, pour lequel l’État a accordé une aide de 800 millions d’euros.
En mai 2010, le Gouvernement en a lancé un deuxième : 83 projets ont été déposés. Le montant des investissements prévus est supérieur à 8 milliards d’euros, et celui des demandes de subventions à 1,1 milliard d’euros. Or le montant de la seconde enveloppe TCSP devrait se situer au mieux à un niveau inférieur de moitié, au pire au tiers puisque les différents chiffres annoncés oscillent entre 400 millions et 500 millions d’euros. On imagine combien sont vives les inquiétudes des collectivités face à cette perspective.
Deux options s’offrent à vous : soit vous serez amenée à réduire le taux de subvention afin que toutes les autorités organisatrices de transports candidates puissent bénéficier de la manne de l’État, auquel cas l’on assistera à un partage des miettes ; soit vous serez contrainte de renforcer les critères de sélection de façon extrêmement rigoureuse, prenant ainsi le risque de freiner le développement de projets prometteurs qu’il convient pourtant d’encourager.
En sa qualité de président du Groupement des autorités responsables de transport, le GART, mon collègue Roland Ries attache une attention toute particulière à ce sujet ; son inquiétude est vive, d’autant que le troisième appel à projets, censé survenir en 2013-2014, se heurtera au calendrier électoral puisque l’heure sera alors au renouvellement des équipes municipales. Le risque est fort de voir faiblir le nombre des projets à cette occasion.
Considérant l’augmentation importante du nombre de projets déposés dernièrement et compte tenu des interférences probables avec le calendrier électoral local, ne vaudrait-il pas mieux augmenter sensiblement le montant de l’enveloppe du deuxième appel à projets, afin d’aider au mieux les nombreux projets de développement de l’offre de transport public dans notre pays, et reporter à l’horizon 2015-1016 le troisième appel ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame la sénatrice, pour favoriser la mobilité durable, le Grenelle de l’environnement a prévu, effectivement, de passer de 300 kilomètres de lignes de transports en commun en site propre à 1 800 kilomètres d’ici à 2020.
Un premier appel à projets, vous l’avez rappelé, a été lancé le 22 octobre 2008. Il a permis le cofinancement par l’État de 52 projets menés par 38 collectivités. Cette première série verra la création de plus de 400 kilomètres de lignes nouvelles de transports collectifs, ce qui est un effort sans précédent.
Compte tenu du succès de cette première phase, un deuxième appel à projets a été lancé en mai dernier. Plus de 80 dossiers de candidature ont été déposés par les collectivités locales au début du mois d’octobre.
Les projets proposés représentent aujourd’hui plus de 650 kilomètres de lignes nouvelles, environ 440 kilomètres de lignes de bus à haut niveau de service, 210 kilomètres de tramway et 14 kilomètres de métro, auxquels s’ajoutent deux projets de liaisons maritimes et 8,5 milliards d’euros de travaux.
Ce deuxième appel à projets confirme et amplifie la dynamique engagée et l’intérêt du partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. La réalisation de l’ensemble permettra de porter à mille kilomètres les lignes issues du Grenelle de l’environnement.
Pour le deuxième appel à projets, 592 millions d’euros sont mobilisés : 200 millions d’euros proviennent du programme « Villes de demain » du grand emprunt et 392 millions d’euros seront financés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Cette enveloppe complète les 810 millions d’euros du premier appel à projets, ce qui constitue, vous en conviendrez, une impulsion de l’État sans précédent. Un comité technique examinera les projets au début du mois de décembre, afin de pouvoir annoncer dans les prochaines semaines les candidats retenus.
Au final, ces deux appels d’offres représentent plus de 1 400 millions d’euros consacrés à des projets s’inscrivant parfaitement dans le Grenelle de l’environnement. Par conséquent, même si la deuxième enveloppe n’a pas l’ampleur de la première, le total est loin de se réduire à un partage des miettes !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour la réplique.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d’État, je ne manquerai pas de faire part de votre réponse à Roland Ries.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, ma question portera sur le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », doté de 210 millions d’euros en recettes comme en dépenses et qui est le pendant de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2011.
Au début de l’année 2010, l’État et la direction de la SNCF ont ouvert des négociations sur un projet de contrat pour l’avenir des trains Corail, Téoz et Lunéa dénommés pour l’occasion « trains d’équilibre du territoire », à l’issue desquelles l’État deviendrait autorité organisatrice. La sénatrice de l’Allier que je suis est très attentive à ce programme puisque j’emprunte souvent les Téoz qui roulent, tout juste, à 100 kilomètres à l’heure.
Ces trains, dont le déficit annuel est de 210 millions d’euros, sont pour la direction SNCF un des trois « récifs économiques » auxquels il est indispensable de trouver une solution financière.
C’est pourquoi l’article 33 du projet de loi de finances pour 2011 prévoit la création d’une taxe acquittée par les entreprises de services de transport ferroviaire de voyageurs et affectée à un nouveau compte d’affectation spéciale.
Ainsi, 35 millions d’euros proviendraient d’une augmentation de la taxe sur l’aménagement du territoire portant sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Le reste, soit 175 millions d’euros, représentant près de 85 % du financement, serait issu d’une taxe sur le chiffre d’affaires des TGV.
Cette situation n’est pas acceptable, car elle engendrera une forte augmentation de tarifs pour les usagers et fera rapidement question pour l’équilibre économique de certaines dessertes TGV.
Alors qu’il n’y a aucune obligation communautaire, vous avez décidé de remettre en cause l’existence d’une péréquation interne à la SNCF entre les produits et les charges de l’ensemble des lignes exploitées. Dès lors, si une externalisation est nécessaire, comme vous l’affirmez, pourquoi ne pas faire participer plus fortement les sociétés concessionnaires d’autoroutes, largement excédentaires, qui pourraient utilement être mises à contribution financière ? D’autant que l’avant-projet de SNIT n’inclut pas moins de 19 projets routiers et autoroutiers accroissant ce réseau de 1 166 kilomètres. Il y a donc sans doute des recettes à trouver de ce côté.
Ce serait alors un premier pas vers la prise en compte des externalités négatives de la route estimées à plus de 80 milliards d’euros et un signal fort pour la dynamisation de nos territoires et des services publics qui les structurent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Madame la sénatrice, la création d’un compte d’affectation spéciale du Trésor représente, vous en conviendrez, une clarification dans la mesure où un certain nombre de lignes étaient structurellement déficitaires. Celles-ci correspondaient néanmoins, et c’est toujours le cas, à une nécessité en matière d’aménagement du territoire.
De fait, des transferts existaient à l’intérieur de l’entreprise SNCF entre les lignes bénéficiaires et les lignes déficitaires. Cela étant, de tels transferts n’étaient pas rendus visibles ce qui, dans un contexte d’ouverture à la concurrence, risquait d’être dommageable pour l’entreprise.
La création du compte d’affectation spéciale répond donc à un souci de lisibilité et de protection de l’entreprise. Elle s’est effectuée en toute transparence, dans le cadre d’une convention d’exploitation négociée entre l’État et la SNCF pour une durée de trois ans – elle pourra donc être rediscutée à l’issue de ce délai –, dont le périmètre englobe l’ensemble des trains d’équilibre du territoire.
Cette convention est très complète, puisqu’elle décrit toutes les obligations de la SNCF en termes de desserte, de qualité de service et d’entretien. Elle est également incitative, puisque le calcul de la compensation intègre un bénéfice souhaitable pour l’entreprise équivalent à 3 %, mais aussi un système de bonus-malus sanctionnant les résultats de l’entreprise. Enfin, cette convention est construite de manière à ne pas mettre en difficulté la SNCF, puisque la compensation est plafonnée à 210 millions d’euros par an, conformément aux projections de l’audit : la prévisibilité n’a pas été oubliée.
Oui, madame Schurch, pour créer ce compte d’affectation spéciale, nous avons choisi de faire appel à deux types de recettes : l’effort pèsera, d’une part, sur les autoroutes, d’autre part, sur la SNCF. En réponse à votre objection, je vous ferai observer que ce financement représente une amélioration nette par rapport à la situation antérieure.
Jusqu’à présent, toute la péréquation s’effectuait de manière inavouée au sein de la SNCF : les lignes bénéficiaires subventionnaient les lignes déficitaires. Dorénavant, la compensation sera visible, explicite et ne sera assurée que partiellement par la SNCF, le reste incombant aux sociétés d’autoroutes. Nous allons donc dans le sens que vous préconisez, même si nous n’allons pas aussi loin que vous le souhaiteriez. Nous avons estimé que cette solution était plus équilibrée et elle pourra de toute façon être rediscutée dans trois ans.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour la réplique.
Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, si l’on considère qu’il ne faut plus effectuer de péréquation interne à l’entreprise, on s’inscrit dans votre logique ; nous souhaitions, quant à nous, conserver la logique précédente.
Oui, il faut faire participer davantage les sociétés concessionnaires d’autoroutes à la péréquation ; c’était d’ailleurs le sens de ma question. En effet, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, il convient de favoriser le transport ferroviaire par rapport au transport routier et de commencer à faire payer ses externalités négatives à ce dernier. Vous commencer à avancer dans cette logique : c’est un bon début, continuez ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’État s’est engagé à multiplier par cinq le kilométrage des réseaux de transports en commun en site propre, hors Île-de-France. Afin d’atteindre cet objectif, il a prévu de mobiliser 2,5 milliards d’euros d’ici à 2020.
Un premier appel à projets, lancé le 22 octobre 2008, a permis d’obtenir une participation financière de l’État de 810 millions d’euros pour cofinancer 52 projets, présentés par 38 collectivités. Cette première série de projets a vu la création de près de 400 kilomètres de lignes nouvelles de transports collectifs, représentant plus de 6 milliards d’euros de travaux.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est un véritable succès. Grâce à cette aide, nous allons réaliser en moins de cinq ans autant de réseaux de TCSP qu’il en a été développé durant les trente dernières années !
Après ce premier appel à projets, toujours en cours, et conformément à l’engagement pris, l’État en a lancé un deuxième le 4 mai 2010. Le ministère du développement durable a reçu à ce jour plus de 84 dossiers de candidature déposés par 46 autorités organisatrices. Les investissements prévisionnels se chiffrent, quant à eux, à plus de 8,5 milliards d’euros pour 650 kilomètres de lignes nouvelles.
Malgré une conjoncture financière morose pour les collectivités locales, cet afflux exceptionnel de candidatures montre que les orientations du Grenelle de l’environnement en faveur du transfert modal étaient pleinement justifiées. La demande émanant des autorités organisatrices de transports est extrêmement forte, parce qu’elle correspond à un besoin véritable et à une attente de nos concitoyens.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, ma question sera simple, très simple : quel sera le montant de l’enveloppe de subventions affectée à ce deuxième appel à projets ? Toutes les autorités organisatrices de transports concernées attendent de le connaître.
Je rappellerai enfin que, lors du premier appel à projets, les dossiers avaient fait l’objet d’une concertation étroite entre le ministère du développement durable, l’Association des maires de France et le GART. J’espère qu’il en sera de même cette fois-ci !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous avez compris l’effort accompli par notre majorité. Je vous remercie d’avoir signalé que nous sommes loin d’une simple répartition des miettes : au contraire, durant cette mandature, nous aurons fait plus qu’au cours des trente dernières années. Il me semble bon de rappeler qu’en matière de développement durable et de transports propres, depuis 2007, notre majorité a accompli un travail sans précédent.
Mme le ministre le rappelait, ce travail a été effectué en pleine concertation avec les élus, ce qui mérite également d’être signalé. Les projets en question ne sont pas venus de Paris ; ils ont été mis en place avec les élus locaux, dont nous avons d’ailleurs pu apprécier l’implication croissante, notamment dans la région qui est la nôtre, monsieur le sénateur. Cet engagement est la preuve du succès de la politique engagée depuis 2007.
À question simple, réponse simple : le montant des crédits mobilisés pour ce deuxième appel à projets s’élèvera à 592 millions d’euros, dont 200 millions d’euros proviennent du programme du grand emprunt consacré au développement des villes de demain et 392 millions d’euros du budget pluriannuel de l’AFITF. Vous pouvez donc constater que le grand emprunt, que certains ont beaucoup dénigré, est au rendez-vous du Grenelle de l’environnement et vient appuyer des projets concrets pour changer le quotidien dans nos villes.
Certes, cette enveloppe est inférieure à celle qui avait été consacrée au premier appel à projets, laquelle s’élevait à 810 millions d’euros. Toutefois, sa pertinence devra être évaluée au terme de l’examen de la conformité des dossiers au cahier des charges, qui pourrait conduire à proposer que certains projets soient réexaminés dans le cadre d’un prochain appel à projets.
Une première étape a déjà été accomplie, nous engageons la deuxième, mais le mouvement lancé par notre majorité a, me semble-t-il, été bien compris par les élus. Au-delà de ces deux étapes, je ne doute pas que la future majorité, quelle qu’elle soit, soit obligée de continuer sur nos traces !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour la réplique.
M. Louis Nègre. Monsieur le secrétaire d’État, votre argumentaire est cohérent, logique et se tient ! Nos finances publiques connaissent effectivement une période un peu difficile actuellement, tout le monde en convient et je l’ai moi-même souligné tout à l’heure.
Cette situation peut expliquer que le montant de l’enveloppe se limite à 592 millions d’euros. Mais le compte n’y est pas par rapport au premier appel à projets : l’État a apporté 810 millions d’euros alors qu’un nombre inférieur d’autorités organisatrices avaient présenté des projets concernant moins de lignes !
Cela étant, je vous remercie d’avoir ouvert la porte à un troisième appel à projets, destiné aux collectivités locales dont le dossier n’aurait pas été retenu dans le cadre du deuxième. J’y vois la volonté de l’État d’assumer la continuité de son effort d’accompagnement des collectivités locales. Celles-ci souhaitaient connaître les orientations de la politique du Gouvernement, vous venez de leur répondre ce soir. Cette réponse permettra aux uns et aux autres de réaliser des transports en commun en site propre.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, ma question est une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henri VIII lors de son sixième mariage. (Rires.)
Je veux évoquer devant vous le contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon, qui fait l’objet de promesses non tenues depuis une soixantaine d’années. En effet, depuis soixante ans, on promet une déviation aux élus de cette commune qui voit passer 13 985 véhicules par jour, dont 2 646 poids lourds, sur un tronçon de route extrêmement dangereux, dont les abords sont fréquentés quotidiennement par 170 écoliers. Or il n’existe absolument aucune autre solution pour mettre un terme à cette situation dangereuse.
Le financement du contournement permettrait de sécuriser l’axe très ancien qui relie Paris à la Bretagne, par Alençon et Pré-en-Pail. Ce dossier fait l’objet d’une préoccupation commune, avec François Zocchetto et Jean Arthuis, et un certain nombre de députés viendront sûrement vous solliciter également. Ils peuvent d’autant plus vous solliciter que l’un d’entre eux a été, pendant au moins cinq mandats, président de la commission des routes en Basse-Normandie et n’a absolument rien fait !
J’ajoute que le montant de ce contournement est évalué à environ 50 millions d’euros et j’en aurai fini en disant que le grand emprunt n’a pas pu résoudre le problème. Mieux, le plan de relance nous a fait dépenser 60,5 millions d’euros pour racheter la salle Pleyel ! Ce contournement coûte donc nettement moins cher ; de plus, il permettrait d’économiser des vies, d’éviter des accidents et de sécuriser la route de Bretagne.
Monsieur le secrétaire d’État, quand pensez-vous que l’État pourra enfin respecter la parole donnée sur le contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question aussi inattendue que précise ! Sincèrement, n’étant pas un spécialiste du contournement de Saint-Denis-sur-Sarthrou…
Mme Nathalie Goulet. Saint-Denis-sur-Sarthon !
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Pardonnez-moi, les références royales du début de votre question m’ont quelque peu troublé !
Plus sérieusement, le seul engagement que je puisse prendre consiste à vous recevoir dès que cela vous sera possible, pour que nous examinions ensemble la question après l’avoir effectivement étudiée. Vous savez que le Grenelle de l’environnement prévoit des procédures pour résoudre des problèmes tels que celui que vous soulevez, pour améliorer le quotidien des Français dans le respect de préoccupations environnementales évidentes.
Franchement, je ne suis pas en mesure de vous en dire plus. Je ne pourrai pas non plus citer Henri VIII, mais je suis à votre disposition pour discuter avec vous de cette question, même si j’ai moins de mariages à mon actif que lui !
Pour finir par une citation sur l’optimisme – ou le pessimisme –, je me souviens qu’Alexandre Zinoviev, quand on lui demandait quelle est la différence entre un optimiste et un pessimiste, répondait que le pessimiste est celui qui dit : « Cela ne peut pas aller plus mal ! » et l’optimiste celui qui répond : « Mais si, mais si ! ». (Sourires.) Je ne sais pas si cela a un rapport avec le contournement…
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous propose de faire la moitié du chemin : venez, dès que votre emploi du temps vous le permettra, à Saint-Denis-sur-Sarthon. Il faut en effet examiner la situation sur place.
En outre, le préfet paraît tout à fait décidé à trouver une solution, mais je pense qu’il faut que vous puissiez forger votre propre opinion sur une situation qui est loin d’être banale et sur laquelle Dominique Bussereau, après sept ou huit autres ministres, s’était déjà engagé. Nous prendrons date, ce soir sans doute, pour un de vos premiers voyages officiels dans l’Orne, qui est un département extrêmement accueillant !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Lors de sa création par la loi du 13 février 1997, Réseau ferré de France, RFF, a hérité de 20,5 milliards d’euros de dettes que supportait auparavant la SNCF.
Contrairement à l’État fédéral allemand, qui a repris, à peu près à la même époque, l’intégralité de la dette de la Deutsche Bahn, pourtant deux fois supérieure à celle de la SNCF, l’État français a fait le choix de transférer au gestionnaire national des infrastructures ferroviaires la majeure partie de la dette de l’opérateur ferroviaire historique.
Aujourd’hui, la dette de RFF atteint près de 28 milliards d’euros et limite très fortement sa capacité d’investissement. RFF doit refinancer, à échéances régulières, les intérêts de sa dette, qui s’élèvent à 1,25 milliard d’euros. Pour l’instant, les taux sont assez bas, mais que se passera-t-il s’ils augmentent ?
En 2009, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, le Gouvernement s’était engagé à présenter, avant la fin de l’année 2009, un rapport sur les solutions envisageables pour la résorption progressive de la dette de RFF. À ma connaissance, ce rapport n’a été ni rédigé ni présenté.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quand comptez-vous tenir, à ce sujet, les engagements pris par le précédent gouvernement Fillon ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, la semaine prochaine, nous inaugurons la ligne du Haut-Bugey. Je me rendrai sur place en compagnie du président de RFF, M. du Mesnil : nous disposerons donc d’au moins deux heures de trajet pour discuter concrètement des problèmes de sa société, et notamment de l’évolution de sa dette.
L’État et l’AFITF versent à RFF plus de 3 milliards d’euros par an, ce qui constitue aujourd’hui, vous le savez, la moitié des ressources de l’entreprise. La croissance des trafics et la rentabilité du TGV ont engendré une hausse des péages de plus de un milliard d’euros en six ans, permettant à l’État de réaliser une économie de 600 millions d’euros et de consacrer 400 millions d’euros de ressources supplémentaires à la rénovation du réseau.
Le contrat de performance entre l’État et RFF signé en 2008 prévoit un retour progressif à l’équilibre de RFF et la stabilisation du montant de la dette à un niveau cohérent avec la valeur du réseau ferroviaire.
Vous allez me dire, monsieur Teston, que je ne réponds pas à votre question sur la date de remise de ce fameux rapport. J’avoue honnêtement qu’à ce jour je suis incapable de vous dire pourquoi il n’a pas été remis en temps et en heure. Croyez-bien que je m’efforcerai de vous donner rapidement une réponse précise et les éléments justifiant ce retard après en avoir discuté avec M. du Mesnil.
Cela étant, permettez-moi de vous citer quelques chiffres concernant la prévision actuelle d’évolution de la dette de RFF. Celle-ci passera de 28,2 milliards d’euros en 2008 à 31,3 milliards d’euros en 2012. Donc, je suis d’accord avec vous, il y a là un vrai sujet de préoccupation, que nous prenons en main au travers du contrat de performance précité.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour la réplique.
M. Michel Teston. Mon constat n’est pas tout à fait le même que celui de M. le secrétaire d’État : à ma connaissance, la dette de RFF ne diminue pas et continue de progresser.
M. Jacques Blanc. C’est ce qu’a dit M. le secrétaire d’État !
M. Michel Teston. À mon sens, il y a une très grande urgence à arrêter une solution efficace pour résorber l’énorme dette de RFF, et ce pour deux raisons principales.
D’une part, RFF a de plus en plus de mal à refinancer, à échéances régulières, sa dette auprès des marchés financiers, alors même que les taux d’intérêt sont relativement bas. Comme je l’ai indiqué précédemment, qu’en sera-t-il si les taux d’intérêt remontent ?
D’autre part, le risque existe que, sur proposition d’Eurostat, structure équivalente à l’INSEE au niveau de l’Union européenne, la Commission européenne intègre le déficit de RFF dans celui des administrations publiques, avec, pour conséquence, d’alourdir encore le déficit budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Madame la ministre, dans un rapport rendu public, la Cour des comptes dénonce l’inadaptation du réseau de transports de l’agglomération parisienne aux besoins de la population. Elle s’appuie sur des exemples concrets, comme la saturation totale de la ligne 13 du métro et de la ligne B du RER, dont le taux d’irrégularité culmine à plus de 21 %.
La Cour des comptes va plus loin, mettant en cause la stratégie parfois hasardeuse du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, et des deux opérateurs historiques, la RATP et la SNCF, qui n’ont pas su faire, depuis des années, les investissements nécessaires à l’amélioration de l’état du réseau, les travaux engagés ayant en outre fait l’objet de retards et de surcoûts vertigineux.
Madame la ministre, ce constat officiel ne fait que confirmer ce que vivent, chaque jour, des millions de Franciliens confrontés à des transports vieillissants, saturés, irréguliers, malpropres, qui les obligent souvent à passer par Paris pour un déplacement de banlieue à banlieue.
Conscient de ces difficultés, quotidiennes et insupportables, le Gouvernement a lancé l’an dernier le projet de loi sur le Grand Paris, prévoyant une double boucle de métro automatique, le Grand huit, tandis que la région travaille sur le projet Arc Express.
Au Sénat, lors de l’examen du texte, nous avons été nombreux, notre rapporteur Jean-Pierre Fourcade en tête, à soutenir un projet innovant et efficace. Mais nous avons également tous plaidé pour que des travaux soient engagés, rapidement et parallèlement à ceux qui sont prévus, afin de répondre aux difficultés rencontrées par nos concitoyens, notamment de banlieue, dans leurs déplacements, qu’ils soient professionnels ou familiaux.
Dans cet hémicycle, et dans le cadre du débat public sur le Grand Paris, j’ai défendu l’élaboration d’un nouveau contrat de projet global sur les transports en Île-de-France, qui permettrait de traiter le quotidien, actuel et à venir.
Cela passe obligatoirement par un effort accru de l’État, de la région, des collectivités territoriales, mais aussi des usagers et des entreprises, les travaux nécessaires se chiffrant à plusieurs milliards d’euros.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer où en est le Gouvernement sur cette question, sur le rapprochement entre le Grand huit et Arc Express et sur la nécessaire approche globale pour répondre à l’exaspération des Franciliens ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur Gautier, l’État est très attentif au maintien et à l’amélioration de la qualité du service offert aux usagers des transports collectifs en Île-de-France. J’ose ajouter que, en tant qu’élue locale, je suis une assez bonne spécialiste des questions relatives aux lignes B et C du RER, ce qui m’amène à dresser un constat sévère sur le sujet.
Aujourd’hui, les enjeux sont de plusieurs natures : la rénovation des infrastructures existantes, le renouvellement du matériel roulant – c’est une problématique à laquelle on songe trop peu – et la création d’infrastructures nouvelles pour répondre aux besoins toujours plus pressants et à la forte hausse, citée dans le rapport de la Cour des comptes, de la demande en Île-de-France.
Des efforts importants ont déjà été engagés.
Pour l’État, ils se chiffrent à 1,4 milliard d’euros. Parmi ces investissements, on trouve le prolongement de la ligne 4 du métro. Thierry Mariani et moi-même avons d’ailleurs assisté, cette semaine, au percement du tunnel qui reliera la station Porte-d’Orléans à la future station Mairie-de-Montrouge ; cette dernière entrera en service en 2012 et accueillera 40 000 voyageurs par an.
Les entreprises de transport collectif s’engagent aussi de leur côté et dépenseront 4 milliards d’euros pour améliorer le réseau à l’échéance de 2012.
Cela étant dit, ces efforts ne suffiront effectivement pas.
C’est pourquoi, l’État et l’ensemble des collectivités locales ayant conscience, quelles que soient, parfois, leurs divergences d’approche, de la nécessité de réinvestir lourdement, nous avons lancé le projet du Grand Paris. Le Président de la République a annoncé un programme d’investissement de 35 milliards d’euros en faveur des transports collectifs en Île-de-France.
Ce programme regroupe en fait deux familles de projets d’infrastructures de transport.
D’une part, la réalisation de la rocade par métro automatique a été inscrite dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Le débat public sur ce projet et sur le projet Arc Express est en cours : il permettra de confronter et, éventuellement, d’articuler les deux propositions et sera suivi d’un travail de synthèse conjoint entre l’État et la région, pour envisager, comme – je le crois – nous l’espérons tous, un rapprochement des deux projets.
D’autre part, des programmes d’amélioration et d’extension du réseau actuel sont envisagés. On trouve ainsi, dans les priorités du Grand Paris, des améliorations des lignes C et D du RER, dans le but d’assurer, enfin, leur fiabilité et leur régularité, ainsi que le prolongement de la ligne Éole à l’ouest de La Défense.
Pour concrétiser la mise en place des moyens apportés par l’État sur ces projets, une lettre donnant mandat au préfet de région est en cours de préparation, afin que soit négocié un avenant au contrat de projet en Île-de-France. Cela sera donc fait très rapidement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour la réplique.
M. Jacques Gautier. Madame la ministre, en tant qu’utilisatrice du RER, habitant l’Essonne, vous connaissez effectivement tous ces problèmes. Il était temps, me semble-t-il, que l’État prenne en compte cette réalité et il faut vraiment qu’à l’issue du débat public nous arrivions à trouver le meilleur projet pour la région parisienne, en songeant non seulement au court terme, mais aussi au long terme.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais utiliser ces deux minutes et demi qui me sont conférées…
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Pour ne rien dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Je dis toujours quelque chose, M. Jacques Blanc le sait très bien !
M. Jacques Blanc. Mais je n’ai rien dit !
M. Jean-Pierre Sueur. Dont acte !
Je tiens à évoquer devant vous un rapport d’information sénatorial, intitulé Sécheresse de 2003 : un passé qui ne passe pas. (L’orateur brandit ledit document.) Celui-ci est l’œuvre de Jean-Claude Frécon et Fabienne Keller, au nom d’un groupe de travail constitué par la commission des finances et qu’a présidé Éric Doligé.
Vous n’ignorez pas, madame la ministre, que la gestion des suites de la sécheresse de 2003 pose de très nombreux problèmes. Une première somme a été attribuée, puis une rallonge, mais, comme tout le monde le sait, celles-ci ont été notoirement insuffisantes.
Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les communes ont été ou non déclarées zones sinistrées sont éminemment contestables.
Il est ainsi des départements – l’un d’eux, curieusement, est cher à tel personnage éminent dans notre République – où pratiquement toutes les communes ont été déclarées sinistrées, cependant que d’autres départements ont été délaissés.
M. Roland Courteau. Ainsi va la vie !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ce qui est des caractéristiques météorologiques et géologiques ayant permis de faire la distinction, j’avais déjà proposé à cinq membres des gouvernements précédents qui ont eu à s’occuper de la question de venir sur place m’expliquer pourquoi la commune de Dammarie-sur-Loing était considérée comme sinistrée, alors que celle de Beauchamps-sur-Huillard ne l’était pas.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Dans le Loiret !
M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !
Ils ont renoncé au voyage, car naturellement, les raisons invoquées ne tenaient pas.
Cette intervention est donc un prélude : j’ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, quatre amendements sur le sujet et je les présenterai tout à l’heure. J’espère, madame la ministre, que vous n’allez pas nous répondre que la question relève d’un autre ministre, que cela n’est pas le sujet ou qu’il n’y a pas de moyens, parce que l’attente existe !
On nous a dit cent fois que cette question serait examinée avec une toute particulière attention. J’espère que vous n’allez pas décevoir nos espérances.
M. Roland Courteau. Et toujours remettre à plus tard !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je viendrai toujours avec plaisir chez vous, monsieur Sueur, mais, en l’occurrence, je n’ai pas besoin de faire le voyage pour comprendre le drame que ce sujet a représenté et les incohérences qu’il a entraînées.
En effet, dans ma propre circonscription, se trouve un canton où certaines communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle et d’autres non. Celui-ci a en effet été traversé par la ligne de partage établie en 2003 en croisant, comme vous le savez, des cartes météorologiques, avec tout ce qu’elles peuvent avoir de théorique sans forcément correspondre à la réalité ressentie, et des cartes géologiques. Or les frontières de la géologie ne recoupent pas forcément les frontières communales : c’est une réalité !
Disant cela, je n’oublie aucunement qu’il y a, derrière cette situation, de véritables drames.
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Des personnes ont vu leur maison se fissurer, et ce de manière très visible : quand je parle de fissures, il s’agissait parfois d’ouvertures à travers lesquelles on pouvait passer la main. Certaines maisons sont devenues totalement invendables, d’autres partiellement inhabitables. Dans ces conditions, il est de toute évidence extrêmement difficile de comprendre et même de supporter qu’une question de frontières administratives puisse notamment être invoquée.
À l’issue de cette catastrophe, des leçons ont été tirées et, aujourd’hui, les choses ne se passeraient pas de la même manière. Une procédure exceptionnelle, dotée de 218,5 millions d’euros, a été mise en œuvre au titre de la solidarité nationale, pour pouvoir faire droit aux demandes des habitants des communes qui n’avaient pas été reconnues en état de catastrophe naturelle.
Il faut tout de même noter que les particuliers sinistrés de plus de 80 % des 8 400 communes concernées ont bénéficié d’une indemnisation soit par le régime classique des catastrophes naturelles, soit par la procédure exceptionnelle.
Aujourd’hui, même si effectivement cette question ne dépend pas entièrement du ministère dont j’ai la charge, je peux vous le dire : il n’est pas prévu de rouvrir le dossier.
M. Roland Courteau. On remet toujours à plus tard !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. En revanche, cette question renvoie au projet de réforme du régime des catastrophes naturelles, qui est traité dans le cadre de réunions interministérielles.
La direction générale du Trésor propose que la reconnaissance des catastrophes naturelles se fasse conformément à l’avis d’une commission d’experts pour « objectiver » la décision, que la prime additionnelle soit modulée en fonction de la situation de risque pour responsabiliser l’assuré et, enfin, que soit individualisée la partie de la prime additionnelle destinée au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».
Vous l’aurez compris, il y a encore aujourd’hui discussion sur l’évolution du régime de catastrophe naturelle. Nous considérons pour notre part que les outils de prévention, quand ils sont mis en œuvre, doivent, au contraire, faire l’objet d’un bonus. Nous craignons les évolutions liées à l’individualisation du prélèvement.
Monsieur le sénateur, je ne méconnais pas les drames auxquels vous faites allusion et je comprends que cette réponse ne puisse pas totalement vous satisfaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, vous avez évoqué un montant d’indemnisation de 218,5 millions d’euros. Il n’est pas nouveau puisque vos prédécesseurs l’ont souvent cité au cours des dernières années. Pour ma part, je rappellerai que le montant des préjudices s’élève à 1,5 milliard d’euros. À l’évidence, il y a un vrai problème !
Vous avez parlé avec beaucoup de sincérité de la situation des personnes concernées. Il serait bon que vous puissiez accompagner cette sincérité d’une dotation complémentaire, en particulier pour traiter les situations les plus difficiles.
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Madame la ministre, ma question concerne le devenir des établissements balnéaires situés sur le domaine public maritime.
Ces établissements relèvent d’une mission de service public, car ils contribuent au rayonnement, à l’attraction et à l’animation touristique du littoral, par leurs retombées économiques et par les emplois qu’engendrent les activités qui y sont liées.
Certains d’entre eux ont été édifiés à la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le domaine public maritime, en toute légalité. Aujourd’hui, ces établissements voient leur activité condamnée en raison de la volonté de l’État de les faire disparaître sans que, dans certains cas, on puisse les reconstruire, même de façon démontable.
À titre d’exemple, permettez-moi de signaler le cas d’un établissement balnéaire de grande renommée créé en 1947 et situé sur le domaine public maritime, sur un site classé. Cet établissement, fréquenté par des personnages illustres, se trouve sur un site confidentiel. Il ne perturbe en rien le voisinage ni l’environnement, tout en contribuant à l’entretien, à la surveillance et à la sécurité du site qui génère quarante-cinq emplois à plein temps en saison. Or il est aujourd’hui frappé d’un arrêté de démolition.
L’État, au niveau local, refuse toute possibilité de maintenir cette activité et rejette de façon arbitraire la possibilité de recours offerte par l’article L.146-6-1 du code de l’urbanisme.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous me dire s’il est envisageable que soit mis en place un schéma d’aménagement répondant en tous points aux attendus de cet article du code de l’urbanisme mais permettant, néanmoins, la poursuite d’une activité qui contribue, notamment, au développement économique et à l’emploi, pour ces établissements balnéaires installés et autorisés antérieurement à la création d’un site classé et à la promulgation de la loi littoral ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur Vestri, vous appelez mon attention sur le devenir de l’établissement La Paloma situé sur la plage de l’Escaletta à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
La concession que l’État a accordée à la commune pour gérer les plages est en cours de renouvellement. Vous connaissez bien le sujet. Ce secteur est classé en zone NDL au plan d’occupation des sols de Saint-Jean-Cap-Ferrat, classement qui est justifié par le fait que la plage de l’Escaletta se trouve dans un espace remarquable du littoral au sens de l’article L.146-6-1 du code de l’urbanisme, vous l’avez dit.
Cet article ouvre la possibilité d’implanter des équipements légers dans ce secteur. La liste des équipements légers qui peuvent être implantés dans les espaces remarquables du littoral ne comprend pas les établissements balnéaires.
De plus, je dois rappeler que le schéma d’aménagement prévu à cet article L.146-6-1 du code de l’urbanisme ne peut s’appliquer que pour les activités compatibles avec les objectifs de préservation de l’environnement du site, ce qui n’est pas établi en la matière eu égard aux enjeux environnementaux extrêmement sensibles inventoriés sur ce site.
Enfin, le schéma d’aménagement permet le maintien ou la reconstruction des équipements existants dès lors qu’ils se trouvent dans la bande des 100 mètres définie par la loi littoral, mais en aucun cas lorsqu’ils sont situés sur le domaine public maritime.
Dans le cas présent, La Paloma est implantée sur le domaine public maritime. L’alinéa 1 de l’article L. 146-6-1 n’est donc pas applicable.
Monsieur le sénateur, je le dis très clairement, l’établissement La Paloma ne répond pas aux exigences du décret de 2006 sur les concessions. En effet, ne peuvent être installés sur les plages que des établissements démontables et démontés en fin de saison. Je ne vois, hélas ! pas d’autre solution que de convertir cet établissement en dur en installation pouvant être démontée en fin de saison.
M. le président. La parole est à M. René Vestri, pour la réplique.
M. René Vestri. Madame la ministre, je vous remercie de vos explications. Mais j’en déduis, concernant l’emploi, car c’est de cela qu’il s’agit, qu’il est plus facile de gérer le chômage que de maintenir ou de créer des emplois.
Nous avons, en raison de ces dispositions, perdu, sur le littoral, plus de 200 emplois – beaucoup plus, en réalité ! –, et c’est bien regrettable.
Lorsqu’une entreprise ferme et licencie 20 ou 30 personnes, on s’émeut et on en parle partout. Là, nous perdons 200 emplois, et tout le monde s’en satisfait. Je le regrette et je souhaite qu’un jour les choses puissent changer dans l’intérêt de ceux qui essaient encore, dans notre pays, de travailler. Car il semble que la chose la plus difficile qui soit dans notre pays, c’est de pouvoir encore travailler. Dès lors que vous ne travaillez pas, vous êtes tranquille ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Il ne faut pas exagérer !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. En termes de réduction de la production des ordures ménagères ou de recyclage, les objectifs que nous nous sommes fixés sont assez ambitieux mais nécessaires, si l’on souhaite réduire les coûts environnementaux et financiers des déchets que nous produisons.
Il s’agit notamment de réduire la production d’ordures ménagères et assimilés par habitant de 7 % dans les cinq ans, de réduire de 15 % d’ici à 2012 la quantité des déchets partant en incinération ou en stockage et d’augmenter le taux de recyclage matière et organique pour atteindre 35 % en 2012 et 45 % en 2015.
En cette Semaine européenne de la réduction des déchets, il me semble important de faire un bilan.
Madame la ministre, où en sommes-nous par rapport à ces objectifs ? Tous les décrets d’application découlant des Grenelle I et II sur la question des déchets ont-ils été pris ?
Cette semaine, j’ai entendu, à la radio, de nombreuses annonces pour nous encourager, nous, citoyens, à réduire notre production de déchets, à les trier pour favoriser leur recyclage. Mais j’ai l’impression que, dans la chaîne des responsabilités, ce sont toujours les mêmes qui sont visés et à qui l’on demande de faire des efforts : d’un côté, les consommateurs et, de l’autre, les collectivités territoriales.
Il faudrait maintenant que les producteurs, les industriels prennent véritablement leur part !
Les débats, lors du ré-agrément d’Éco-Emballages, ont montré que nous étions encore loin d’une participation des producteurs à hauteur de 80 % des coûts nets de référence du service de collecte, de tri, voire de recyclage des emballages. C’était pourtant un engagement du Grenelle.
Est-il envisagé, madame la ministre, de définir de nouveaux modes de calcul des participations sans attendre 2013 et la clause de revoyure ?
Enfin, l’ADEME est l’un des opérateurs principaux du Grenelle de l’environnement ; à ce titre, elle bénéficie d’importantes ressources fiscales : 490 millions d’euros en 2010, 508 millions d’euros en 2011 au titre de la TGAP incinération et stockage.
Or, pour cette année, nous constatons que seulement 83 millions d’euros ont été affectés par l’ADEME au plan « déchets ». Pourquoi cette agence ne consacre-t-elle pas une part plus importante des fonds qu’elle reçoit à la prévention et à l’amélioration de la gestion des déchets, en soutenant plus encore les collectivités territoriales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le sénateur, le tri et le recyclage des déchets, c’est non seulement une exigence éthique, mais aussi une exigence économique. Notre quotidien est traversé par des flux d’énergies et de matières très impressionnants, alors même que le prix des ressources naturelles augmente et que certaines se raréfient.
Je prendrai l’exemple de certaines terres rares, celles-là mêmes qui ont récemment fait les frais d’une crise entre le Japon et la Chine. La Chine, propriétaire d’une très grande partie des terres rares du monde, a en effet coupé l’accès à ces terres rares au Japon à la suite d’un contentieux de frontières. On s’est rendu compte, à cette occasion, que la plupart des matériaux dont notre économie a besoin aujourd’hui étaient présents soit en Chine, soit dans les matériels que nous possédions déjà.
Donc, les recycler, c’est non seulement éviter de polluer l’environnement, mais c’est aussi développer une nouvelle économie et prendre des garanties d’indépendance pour l’avenir dans un système où certaines ressources sont de moins en moins disponibles.
La Semaine européenne de la réduction des déchets marque la continuité d’une mobilisation qui a été engagée avec le Grenelle de l’environnement et, en même temps, certaines de ses limites puisque, vous l’avez dit, nos objectifs, à ce jour, ne sont pas atteints.
Nous continuons à mettre en œuvre les dispositions du Grenelle de l’environnement. Vous savez que le Grenelle a été extrêmement sensible au sujet des déchets. C’est d’ailleurs une des questions – ce n’est pas un hasard – qui n’avait pas trouvé de solution au terme de l’examen du Grenelle lui-même et sur laquelle les discussions se sont poursuivies pendant plusieurs semaines.
Cette question des déchets est tellement sensible qu’elle est très souvent l’objet de contentieux et de tensions. C’est actuellement le cas au sein d’Éco-Emballages, où des négociations sont en cours. Un accord est intervenu sur les recettes et il y a encore aujourd’hui un débat sur les dépenses.
Les choses progressent, même si tout n’est pas simple. Nous mobilisons totalement l’ADEME afin d’avancer dans la bonne direction. Les crédits de cette agence sont engagés prioritairement dans les actions de prévention. À cet égard, je m’inscris légèrement en faux par rapport à ce que vous avez dit, même si nous n’avons peut-être pas la même définition de ce que sont les actions de prévention. Un certain nombre d’équipements correspondent selon moi à des actions de prévention ; je pense par exemple à des déchetteries.
En tout cas, je peux vous assurer que l’objectif est bien d’élaborer un budget « déchets » égal au budget initial et de poursuivre l’effort qui a été engagé par le Grenelle de l’environnement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, je regrette vivement que l’arrêté de validation du cahier des charges d’Éco-Emballages ait été publié au Journal officiel avant la réunion de la commission d’agrément chargée de l’examiner et de parvenir à un compromis.
Les associations d’élus ont dénoncé, je vous le rappelle, ce passage en force, qui est tout à fait contraire à l’esprit du Grenelle. J’espère que vous saurez ouvrir de nouveau les négociations sur des bases apaisées. Pour cela, je pense qu’une évaluation plus approfondie des coûts et des prises en charge devrait être menée.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions-réponses-répliques.
écologie, développement et aménagement durables
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Écologie, développement et aménagement durables |
10 032 745 963 |
9 527 811 280 |
Infrastructures et services de transports |
4 306 138 991 |
4 074 768 504 |
Sécurité et circulation routières |
57 614 436 |
57 610 145 |
Sécurité et affaires maritimes |
129 668 229 |
132 046 048 |
Météorologie |
198 289 738 |
198 274 971 |
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
349 961 923 |
345 169 747 |
Information géographique et cartographique |
81 942 889 |
81 936 787 |
Prévention des risques |
373 306 260 |
303 343 089 |
Dont titre 2 |
38 800 000 |
38 800 000 |
Énergie, climat et après-mines |
741 012 543 |
751 528 239 |
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer |
3 794 810 954 |
3 583 133 750 |
Dont titre 2 |
3 220 713 488 |
3 220 713 488 |
M. le président. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, compte tenu de l’heure et de notre ordre du jour, j’invite chacun d’entre vous à faire un effort de concision.
L’amendement n° II-191, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
||||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
15 803 568 15 492 421 |
15 803 568 15 492 421 |
||
TOTAL |
15 803 568 |
15 803 568 |
||
SOLDE |
- 15 803 568 |
- 15 803 568 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Cet amendement est le pendant, sur les dépenses de l’État, de l’amendement déposé par le Gouvernement en première partie qui visait à augmenter les fractions de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, affectées aux collectivités territoriales pour compenser les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Cet amendement a ainsi pour objet de tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » de l’ajustement à prévoir en ce qui concerne les transferts aux collectivités territoriales de certains personnels du ministère affectés aux parcs départementaux de l’équipement.
Au total, les crédits de la mission diminueraient de 15,8 millions d’euros, dont 15,5 millions d’euros pour les personnels. Le reste recouvrirait des dépenses de fonctionnement, d’immobilier et d’actions sociales liées au transfert de ces agents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Cet amendement vise à tirer les conséquences du transfert dans la fonction publique territoriale de certains personnels ayant opté pour cette solution, et, partant, des frais de fonctionnement y afférents. Il est logique de corriger les crédits à hauteur de ces montants. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Pour justifier la diminution des crédits du programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, le Gouvernement fait état de transferts de compétences et de services aux collectivités territoriales, au titre desquels certains personnels du ministère de l’écologie ont opté pour l’intégration ou le détachement dans la fonction publique territoriale.
Il nous a été indiqué que des compensations de ces transferts ont été validées dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011. En réalité, ces compensations ne sont que partielles. Le groupe socialiste s’abstiendra donc sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-98, présenté par MM. Bailly, Bécot, Bernard-Reymond, César, P. Blanc, Revet, Pointereau et Cazalet, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
||||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
600 000 |
600 000 |
||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
||||
TOTAL |
600 000 |
600 000 |
||
SOLDE |
- 600 000 |
- 600 000 |
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. À l’heure où il est question d’économies budgétaires, je vous propose de diminuer de 600 000 euros les crédits destinés à renforcer la conduite d’actions d’informations relatives aux grands prédateurs. Ces crédits sont en effet en augmentation et devraient atteindre 1,2 million d’euros pour 2011, contre 1,12 million d’euros en 2010. Or nombreux sont ceux qui dénoncent les conséquences nuisibles des prédateurs sur le développement du pâturage et de l’élevage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Il s’agit bien sûr d’un amendement déposé en réaction aux dégâts causés par les prédateurs, notamment sur les élevages. Nous avons déjà examiné un amendement similaire lors du projet de loi de finances pour 2010.
La diminution de crédits proposée irait à l’encontre du but visé : il faut en effet prendre des mesures d’accompagnement pour suivre les populations réintroduites, soutenir les élevages et indemniser les prédations. C’est la raison pour laquelle, mon cher collègue, nous vous demandons donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Le Gouvernement émet un avis clairement négatif sur cet amendement, qui ne me semble pas tenir la route en termes arithmétiques.
En effet, dans les crédits, 1,2 million d’euros sont consacrés à l’indemnisation ; mais seulement 70 000 euros au programme de mesure de l’impact du loup, qui fait l’objet d’une convention triennale avec le CNRS, sur laquelle il n’est pas possible de revenir de cette façon ; 60 000 euros sont affectés à la DREAL concernée pour financer des actions de communication et d’information dans le cadre de la stratégie. Il n’est donc mathématiquement pas possible de retirer 600 000 euros du budget sans affecter les crédits réservés à ce titre.
Je précise que les actions de communication ont été demandées par les éleveurs eux-mêmes : elles sont destinées non seulement aux randonneurs, pour les alerter sur l’attitude à adopter en présence du loup ou face aux chiens patous de protection des troupeaux, grâce à des panneaux ou des livrets d’information, mais également aux élus, pour mieux leur faire connaître les contraintes que la présence du loup fait peser sur les éleveurs.
M. le président. Monsieur Blanc, l’amendement n° II-98 est-il maintenu ?
M. Paul Blanc. Je regrette beaucoup la position de la commission des finances et du Gouvernement, tant ma proposition était de nature, à mon sens, à recueillir un très large consensus.
En effet, pas plus tard que lundi dernier, les nouveaux présidents du conseil régional du Languedoc-Roussillon, le divers gauche Christian Bourquin, et du conseil général des Pyrénées-Orientales, l’élue Vert Hermeline Malherbe-Laurent, ont effectué un déplacement dans mon canton. Au cours de cette visite, Christian Bourquin, qui a, à cette occasion, également coiffé sa casquette de président du parc naturel régional, a réaffirmé son désaccord à une réintroduction des bouquetins sur le territoire en l’état actuel et son opposition définitive à celle de l’ours et du loup.
Cela étant, monsieur le président, compte tenu des explications qui m’ont été apportées, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° II-98 est retiré.
L’amendement n° II-135 rectifié, présenté par MM. Milhau, Collin, Fortassin, Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
200 000 000 |
200 000 000 |
||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
200 000 000 50 000 000 |
200 000 000 50 000 000 |
||
TOTAL |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Cet amendement n’est pas soutenu.
Les amendements nos II-131 et II-132, présentés par M. Sueur, Mmes Bricq et Campion, M. Frécon et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, font l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-131 est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
||||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
180 000 000 |
180 000 000 |
||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
180 000 000 |
180 000 000 |
||
TOTAL |
180 000 000 |
180 000 000 |
180 000 000 |
180 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
L’amendement n° II-132 est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
||||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
TOTAL |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter ces deux amendements.
M. Jean-Pierre Sueur. Ces amendements, ainsi que les amendements nos II-134 et II-133, ont pour premiers cosignataires Mmes Bricq et Campion, M. Frécon et moi-même,
Madame la ministre, pour gagner du temps, je ne reprendrai pas toutes les déclarations faites par vos prédécesseurs et d’autres membres de gouvernements depuis 2004, mais sachez que je les tiens à votre disposition !
Je ne rappellerai que les plus récentes. En 2007, Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, chacun s’en souvient, affirmait : « Je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera soumise lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. » Aucune suite !
En 2008, M. Dominique Bussereau indiquait : « Dans l’immédiat, aucune dotation budgétaire n’est prévue, mais je prends néanmoins bonne note, monsieur Sueur, de votre appel. Dès demain, je ferai part de votre demande à Mme le ministre de l’intérieur. » Aucun effet !
En 2009, Mme Chantal Jouanno déclarait : « Dans ces conditions, si vous estimez que de nouvelles indemnisations s’imposent, il faut en saisir le ministre de l’intérieur. » C’est ce que nous avons fait derechef !
M. Roland Courteau. La boucle était bouclée !
M. Jean-Pierre Sueur. Et M. Marleix, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, annonçait en avril 2010 : « Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a bien entendu vos messages. Il sera ouvert… » – décidément, c’est formidable : nous ne cessons d’avoir des gouvernements ouverts ! – « … à toute proposition formulée dans le cadre d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative. »
Eh bien, madame la ministre, nous y sommes ! Vous avez parlé, avec, me semble-t-il, la force de l’expérience vécue, de ce que nous vivons dans beaucoup de nos départements. Nous savons que les crédits s’élèvent à 218,5 millions d’euros, mais il faudrait 1,5 milliard d’euros ! Nous voyons la détresse réelle de nos compatriotes qui sont dans une situation difficile, car ils ont dû renoncer à faire des travaux, l’indemnisation ne couvrant que 10 % du montant de ces derniers.
Il me semble que vous êtes d’accord avec moi pour reconnaître qu’il y a eu, en la matière, beaucoup d’arbitraire, sans parler de considérations géopolitiques – je ne dis pas « politiques », vous connaissez ma modération ! – évidentes.
M. Roland Courteau. Et sans doute aussi importantes !
M. Jean-Pierre Sueur. Aussi serait-il vraiment nécessaire qu’une dotation puisse être accordée en vue de permettre aux préfets de faire face aux situations difficiles.
C’est la raison pour laquelle nous avons l’honneur de vous présenter l’amendement n° II-131. S’il advenait que vous considériez, comme votre prédécesseur, que cette demande relève d’un autre ministère, pourriez-vous prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, de nous faire obtenir satisfaction lors de l’examen des crédits du ministère de l’intérieur ou du ministère de l’économie et des finances ?
Au cas où vous prendriez cet engagement au nom du Gouvernement, nous comprendrions parfaitement que vous ne puissiez souscrire dès ce soir à l’amendement n° II-131.
J’en viens à mon second amendement, monsieur le président, que je présenterai plus rapidement, même si je dispose encore de trois minutes. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Il ne vous reste plus que deux minutes, monsieur Sueur, car vous avez déjà dépassé votre temps de parole d’une minute.
M. Jean-Pierre Sueur. Comprenez bien : il faut guérir – c’est ce que nous contribuons à faire avec le premier amendement, si toutefois une suite positive lui est réservée –, mais il faut aussi prévenir.
À cet égard, je tiens à citer l’excellente proposition n° 13 du rapport, que j’ai déjà évoqué, présenté par Mme Keller et M. Frécon, sous la présidence de M. Doligé : « Les maires des communes situées en zone d’aléa argileux fort doivent être rapidement et systématiquement alertés des enjeux liés au phénomène de subsidence. En conséquence, le groupe de travail préconise la mise en œuvre, avant la fin de l’année 2010… » – il reste peu de temps ! – « … d’une procédure d’alerte spécifique de ces élus, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l’exercice de leurs compétences d’urbanisme et d’instruction et de délivrance des permis de construire. »
Après ce qui s’est passé, il est bien évidemment logique de permettre aux maires de disposer d’une information suffisante pour prendre des décisions d’urbanisme en toute connaissance de cause. Tel est l’objet de l’amendement n° II-132.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. L’amendement n° II-131 tend à créer une phase complémentaire d’indemnisation des victimes de la sécheresse de 2003. Dans notre rapport, Jean-Claude Frécon et moi-même avons effectivement souligné qu’il semblait juste de prévoir une phase complémentaire d’indemnisation, limitée aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle.
Comme vous le savez, monsieur Sueur, lors de la discussion budgétaire, toute proposition de dépense supplémentaire doit être assortie d’un gage. Malheureusement, celui que vous proposez ne semble pas très solide, puisqu’il vise à faire baisser de 50 % les crédits de l’ensemble des fonctions support du ministère, ce qui mettrait ce dernier en difficulté.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° II-131.
M. Jean-Pierre Sueur. Proposez un autre gage pour être fidèle aux conclusions de votre rapport, madame !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Quant à l’amendement n° II-132, il traite de la même question, sous l’angle non plus de l’indemnisation, mais de la prévention, s’agissant particulièrement de la procédure d’alerte spécifique des maires des communes concernées.
Dans notre rapport, nous avons relevé qu’il manquait un dispositif simple permettant aux maires d’être rapidement et systématiquement alerté des enjeux liés aux phénomènes de subsidence, lesquels peuvent provoquer des catastrophes naturelles.
Madame la ministre, je crois savoir que des réflexions sont actuellement en cours pour trouver le moyen de diffuser l’information sur les risques, afin de prévenir les constructions dans les zones concernées. Pouvez-vous nous apporter quelques éléments d’information sur ce point ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur Sueur, je ne saurais prendre ici l’engagement d’apporter une réponse positive à votre sollicitation à la place du ministre de l’intérieur.
Je vous l’ai dit, je ne méconnais pas la situation dramatique des sinistrés de la sécheresse de 2003. Il me semble bon de vous rappeler que la France est le seul pays à pratiquer l’indemnisation, les pays voisins se limitant à la prévention. La procédure exceptionnelle d’indemnisation a déjà permis de faire droit à 80 % des demandes, même si je reconnais que cette réponse ne rend pas justice à toutes les situations individuelles.
Je voudrais tout de même vous faire remarquer que l’ouverture d’une éventuelle troisième phase d’indemnisation poserait des problèmes. Si votre amendement était adopté, le bénéfice en serait limité aux personnes ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle. Il faudrait donc définir de nouveaux critères d’attribution, plus favorables, pour récupérer les dossiers ayant été rejetés. Il y aurait dès lors un problème d’équité vis-à-vis des sinistrés déjà indemnisés.
A contrario, en élargissant les possibilités d’indemnisation de la procédure exceptionnelle, on augmenterait l’écart d’indemnisation entre assurés de droit de commun et sinistrés indemnisés selon la procédure exceptionnelle.
C’est donc de toute façon extrêmement difficile à gérer. Par ailleurs, Mme la rapporteur spécial l’a souligné, ponctionner à hauteur de 50 % le programme 217 rendrait particulièrement délicat – c’est une litote – le fonctionnement des services.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° II-131. Encore une fois, je ne saurais vous promettre que le ministre de l’intérieur pourra donner une suite favorable à votre demande.
Sur l’amendement n° II-132, je partage l’objectif recherché. Je l’ai dit, je ne méconnais pas les problèmes liés à la procédure d’indemnisation. Je précise néanmoins que le ministère s’est mobilisé, à la suite de la sécheresse de 2003, pour faire en sorte notamment que les difficultés rencontrées à cette occasion ne se reproduisent pas.
Prendre en compte le risque « argiles », appelons-le ainsi, est un élément essentiel de l’action de l’État. C’est un devoir par rapport aux élus, qui s’inscrit dans la vocation même du ministère du développement durable. Et c’est précisément à cette fin que, je le signale aussi en réponse à l’interpellation de Mme Keller, vient d’être adressée aux préfets une circulaire. Il leur est demandé de recenser les communes à risque et d’informer, par la transmission d’un extrait de la carte d’aléas, chaque maire concerné sur son territoire. Il leur est également demandé de prendre systématiquement en compte le risque argiles dans le document départemental des risques majeurs et de faire accélérer la mise en œuvre des plans de prévention. C’est vous dire à quel niveau de sérieux je parle du risque argiles, que j’inclus parmi les risques majeurs.
J’ajoute que le programme de cartographie de cet aléa, mené par le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, devrait s’achever par la couverture complète de la métropole au début de l’année 2011. Les cartes départementales sont déjà consultables sur le site www.argiles.fr.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, il n’est pas nécessaire d’affecter 10 millions d’euros à une action que le ministère du développement durable a déjà développée, sous l’impulsion d’ailleurs du Sénat au travers du rapport d’information précité.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous suggère le retrait de l’amendement n° II-132.
Par ailleurs, les actions déjà menées n’épuisent pas la question de la prévention du risque argiles. Il faudra donc continuer ce travail, avec des outils d’analyse, d’information, de diffusion, de recommandation et de prescription. Je m’y emploierai à l’aide des crédits prévus dans l’action Prévention des risques naturels et hydrauliques du programme 181.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, madame la rapporteur spécial, j’ai bien entendu vos propos.
Madame Keller, votre situation, c’est vrai, n’était pas tout à fait simple, puisque vous deviez en quelque sorte rapporter contre le rapport que vous rapportâtes l’année dernière.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Non !
M. Albéric de Montgolfier. Ce n’est pas élégant !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous le dis amicalement, mais c’est la vérité.
J’entends bien que le gage peut être revu, mais vous ou Mme la ministre avez toute possibilité pour faire des suggestions afin que celui-ci soit mieux proportionné et adapté.
En tout cas, nous ne pouvons naturellement nous satisfaire de cette réponse négative. Certes, il y a toujours des difficultés pour répartir une somme nouvelle, mais ces difficultés pourraient être surmontées. D’ailleurs, elles le seront nécessairement si vous répondez positivement, ce que nous espérons, à l’amendement à venir sur le reliquat.
Il faudra en effet trouver des modes de répartition du reliquat. Vous ne pourrez pas alors nous dire que l’argent n’existe pas puisque, de fait, il existe.
À cet égard, je maintiens l’amendement n° II-131.
En revanche, je prends bonne note de tout ce que vous avez annoncé s’agissant de la prévention et de l’information des maires. Vous avez souligné avec raison le travail remarquable accompli par le BRGM en cette matière. Nous apprécierions d’avoir connaissance de la circulaire évoquée et d’être informés de son application dans nos différents départements.
Au bénéfice de ces explications, je retire l’amendement n° II-132.
M. le président. L’amendement n° II-132 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-131.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Roland Courteau. Le feuilleton va continuer !
M. le président. L’amendement n° II-96, présenté par M. Grignon, au nom de la commission de l’économie, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
150 000 000 |
150 000 000 |
||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie, climat et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
150 000 000 |
150 000 000 |
||
TOTAL |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
150 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie.
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement tend à augmenter de 150 millions d’euros la subvention accordée à Réseau ferré de France.
La subvention globale prévue dans le projet de loi de finances pour 2011 s’élève à 2,2 milliards d’euros TTC, soit 1,8 milliard d’euros hors taxes. Elle est donc inférieure de 201 millions d’euros aux engagements pris par l’État dans le cadre du contrat de performance signé avec RFF en novembre 2008, dans lequel il était prévu qu’elle atteigne un peu plus de 2 milliards d’euros hors taxes et hors compensation fret.
Cette baisse de 10 % s’explique essentiellement par une chute spectaculaire de la subvention pour le réseau fret, qui est passée de 863 millions à 664 millions d’euros.
M. Roland Courteau. Incroyable !
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie. La commission de l’économie est hostile à une réduction aussi forte de la subvention à RFF.
Nous considérons que Réseau ferré de France doit participer à l’effort financier de l’État pour résorber la dette publique, fortement alourdie depuis la crise économique de 2009. Néanmoins, l’effort demandé nous paraît trop important et risque d’entraver l’entretien et la rénovation du réseau fret, qui doit être une priorité nationale, …
M. Roland Courteau. Cela ne risque pas !
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie. … comme l’a mis en exergue le récent rapport du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, auquel j’ai eu l’honneur de participer.
C’est pourquoi le présent amendement vise à accroître de 150 millions d’euros la subvention accordée à RFF, en prélevant une partie des crédits affectés à quatre actions du programme 217, Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
La commission de l’économie a particulièrement ciblé l’action 13, Personnels œuvrant pour les politiques du programme Urbanisme, paysages, eau et biodiversité, en lui retirant 60 millions d’euros. Il s’agit en effet de réduire de 8 % les crédits des personnels œuvrant pour la diversité. La commission a souhaité envoyer ainsi un signe fort de sa désapprobation à l’encontre de l’évolution, tant qualitative que quantitative, du service effectué par les services déconcentrés des ministères, notamment les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, dans les territoires.
La somme de 150 millions d’euros TTC ainsi dégagée ira abonder les crédits de l’action 10, Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, du programme 203, Infrastructures et services de transports.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, au travers de cet amendement, notre objectif est double.
D'une part, nous souhaitons que vous nous rassuriez sur l’évolution du budget de RFF et sur le respect des engagements pris par l’État dans le cadre du contrat de performance de 2008.
D'autre part, nous demandons au ministère d’envoyer un message clair à ses services déconcentrés, afin que ceux-ci n’appliquent pas les normes de manière tatillonne, car cela aboutit à allonger les délais et à renchérir les coûts des projets.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. La commission des finances comprend très bien les inquiétudes exprimées par la commission de l’économie. Elle se préoccupe également de l’équilibre économique de RFF et du secteur ferroviaire en général.
Il est vrai que la subvention de l’État diminue assez fortement.
M. Roland Courteau. Oh que oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. Il est vrai aussi que la trajectoire financière de RFF devient très compromise. La hausse des péages étant limitée, et la régénération du réseau une priorité, l’ajustement se fait en bonne partie par une hausse de l’endettement, avec un risque à moyen terme de requalification en dette maastrichtienne. La remontée probable des taux d’intérêt d’ici à la fin de l’année 2011 aggravera encore la tendance.
Les engagements de l’État au titre du contrat de performance n’ont pas un caractère juridiquement liant. Néanmoins, RFF doit disposer d’un minimum de visibilité pluriannuelle, afin de mettre en œuvre un modèle économique viable et de s’inscrire dans une perspective de stabilisation de la dette.
Cependant, la solution ne peut pas résider dans un prélèvement aussi important sur le programme 217, d’autant que celui-ci concerne principalement des dépenses incompressibles de personnel ou de loyer.
La commission des finances suggère donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais répondre précisément aux deux dimensions de votre intervention.
Ni Thierry Mariani ni moi-même ne méconnaissons le problème du financement de RFF, notamment du niveau de sa dette. En l’évoquant tout à l’heure, Thierry Mariani a souligné combien la situation de RFF figurait au rang de priorité dans son programme d’action : il a déjà prévu de s’entretenir avec le président de RFF, pour pouvoir se mobiliser dans un avenir très proche.
Néanmoins, je voudrais rappeler que les ressources propres de RFF sont en augmentation. Elles atteindront 3,1 milliards d’euros en 2010 et augmenteront encore d’environ 200 millions d’euros en 2011. Par ailleurs, le montant total des concours de l’État atteindra plus de 3 milliards d’euros.
Il faut donc reconsidérer l’évolution des subventions budgétaires pour l’infrastructure ferroviaire dans ce contexte global.
Voilà ce qu’il en est sur le côté dépenses de votre amendement.
Côté recettes, croyez bien que j’entends le message que vous avez voulu faire passer au nom de la commission de l’économie. Le ministère a vécu une période de réorganisation de ses services déconcentrés. Comme toute réorganisation, elle a été extrêmement difficile, dans un contexte de forte mobilisation, celui du Grenelle de l’environnement.
Le traitement de certains dossiers a donc pu prendre du retard, et les délais s’allonger, surtout aux yeux de certains élus. Je partage votre préoccupation et je prends ici l’engagement d’orienter mon action au sein de ce ministère vers toujours plus de concertation avec les élus.
Les agents sont très motivés et très compétents, comme je le soulignais tout à l’heure au cours de mon intervention. Leur motivation a parfois pu être diversement comprise, tant ces sujets soulèvent des passions. Dans un tel contexte, la réorganisation n’a pas forcément été facile.
J’ajoute que l’année 2011, comme l’ont indiqué le Président de la République dans une intervention télévisée récente et le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, sera l’année de la simplification.
M. Albéric de Montgolfier. Enfin !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Dans mon esprit, la complexité n’est pas forcément synonyme de meilleure protection de l’environnement. Il est possible d’être simple et néanmoins très protecteur. Ce n’est pas parce que l’on se met en mesure de répondre rapidement oui ou non que cela signifie que la réponse sera toujours positive ; on dira donc oui ou non plus vite, sur des critères simplifiés.
La complexité a trop souvent été vue comme un gage de protection de l’environnement, dans un système qui a finalement été perdant-perdant. Les meilleurs projets étaient découragés par des procédures trop longues. In fine, notamment dans le domaine de l’urbanisme, seuls les projets les plus rentables, qui n’étaient pas forcément les plus pertinents en termes d’étalement urbain, subsistaient.
Cette action de simplification sera menée en 2011 et je gage que vous en verrez très vite le résultat sur le terrain.
Au bénéfice de ces explications, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° II-96.
M. le président. Monsieur Nègre, l’amendement n° II-96 est-il maintenu ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l’économie. Je prends acte avec satisfaction de la réponse, tant de la commission des finances, qui a effectivement compris la situation, que de Mme la ministre, dont le propos était circonstancié, très précis, avec un engagement à la clé. Je l’en remercie et, au bénéfice de ces explications particulièrement positives et précises, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-96 est retiré.
M. Roland Courteau. Tout ça pour ça !
M. le président. L’amendement n° II-190, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Infrastructures et services de transports |
14 429 223 |
14 429 223 |
||
Sécurité et circulation routières |
||||
Sécurité et affaires maritimes |
||||
Météorologie |
||||
Urbanisme, paysages, eau et biodiversité |
||||
Information géographique et cartographique |
||||
Prévention des risques Dont Titre 2 |
||||
Énergie et après-mines |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer Dont Titre 2 |
14 429 223 14 429 223 |
14 429 223 14 429 223 |
||
TOTAL |
14 429 223 |
14 429 223 |
14 429 223 |
14 429 223 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Cet amendement vise à tirer les conséquences du transfert des parcs de l’équipement aux départements.
Les personnels non transférés seront réaffectés dans d’autres services du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Or leur rémunération est actuellement inscrite sur le programme Infrastructures et services de transports, qui prend en charge les sommes correspondant aux prestations réalisées pour l’État par les parcs de l’équipement. Dans la nouvelle organisation, ces rémunérations seront directement imputées sur les dépenses de personnel du ministère. Il en résulte un mouvement de crédits qui est totalement neutre pour les programmes de la mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Favorable.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
budget annexe : contrôle et exploitation aériens
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », figurant à l’état C.
État C
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle et exploitation aériens |
2 008 762 536 |
1 998 832 536 |
Soutien aux prestations de l’aviation civile |
1 354 402 910 |
1 347 866 910 |
Dont charges de personnel |
1 087 763 110 |
1 087 763 110 |
Navigation aérienne |
506 046 000 |
497 128 000 |
Transports aériens, surveillance et certification |
48 112 000 |
53 636 000 |
Formation aéronautique |
100 201 626 |
100 201 626 |
M. le président. L’amendement n° II-30 rectifié, présenté par M. Fortassin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Soutien aux prestations de l’aviation civile Dont charges de personnel |
1 270 0001 270 000 |
1 270 0001 270 000 |
||
Navigation aérienne |
||||
Transports aériens, surveillance et certification |
||||
Formation aéronautique |
||||
TOTAL |
0 |
1 270 000 |
1 270 000 |
|
SOLDE |
- 1 270 000 |
- 1 270 000 |
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cet amendement a été proposé à la commission des finances par notre excellent collègue François Fortassin, qui regrette beaucoup de ne pas être parmi nous ce soir pour le défendre lui-même avec la conviction qu’on lui connaît. Je vais donc m’efforcer de le suppléer.
Cet amendement a pour objet de réduire le montant des mesures de revalorisation catégorielle, en particulier pour les agents du contrôle aérien.
Le projet de budget du BACEA fait état de 7,8 millions d’euros de mesures de revalorisation catégorielle, à comparer à un impact du schéma d’emploi de 8,7 millions d’euros, correspondant à la suppression de 188 équivalents temps plein travaillé en 2011. Le « retour catégoriel » semble donc très supérieur à la norme de 50 % qui doit prévaloir pour l’ensemble des services de l’État. Le projet annuel de performances explique la différence par « la non-consommation partielle de l’enveloppe catégorielle prévue par la loi de finances pour 2010 », sans autre précision. On peut cependant s’interroger sur les raisons de cette non-consommation et sur la légitimité d’en budgéter d’emblée le solde correspondant en 2011.
Le contexte social et économique de ce budget annexe est troublé par la crise et par les grèves des contrôleurs aériens.
La Cour des comptes a mis en évidence à plusieurs reprises, en particulier dans son dernier rapport public annuel, l’opacité de l’organisation du travail des contrôleurs, avec des vacations longues et peu nombreuses et un système de « clairances » qui réduit sensiblement le temps de travail effectif, estimé à cent jours par an. Elle a également montré l’étendue des avantages et l’insuffisance de contreparties négociées dans les protocoles sociaux : surenchère entre corps techniques, extension aux autres agents des mesures obtenues par les contrôleurs aériens, réductions d’effectifs trop modestes.
La part des dépenses de personnel a donc augmenté – je rappelle qu’elle était de 58,7 % en 2006 et qu’elle atteint 60,4 % des dépenses courantes en 2009, amortissements inclus – alors que les effectifs diminuent. Elle contribue ainsi à la situation financière très tendue du budget annexe. La dette nette de ce budget a en effet augmenté de plus de 20 % en 2009, ce que la crise ne saurait, à elle seule, justifier.
Le nouveau protocole de négociation conclu en juillet dernier a, certes, marqué des avancées. Un dispositif de vérification des présences des contrôleurs aériens sur le lieu de travail a été mis en place en juin 2010 et certaines primes des personnels techniques seront gelées en 2010 et 2011. L’effort paraît cependant insuffisant au regard des enjeux économiques et financiers du budget annexe.
Le montant de 1,27 million d’euros qu’il est proposé de supprimer sur l’action 1, Ressources humaines et management, du programme 613, Soutien aux prestations de l’aviation civile, correspond à un strict retour catégoriel de 50 % au prorata des effectifs du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, ou INCA. Ces ingénieurs représentaient ainsi, en 2010, 37 % des équivalents temps plein travaillé du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » avec 4 257,2 équivalents temps plein travaillé.
Je crois pouvoir dire que cet amendement tire son inspiration du fait que certains d’entre nous, usagers de l’aéronautique, ont eu à subir des grèves fort désagréables.
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui !
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Trop c’est trop !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est donc un signal que François Fortassin et la commission des finances ont souhaité adresser au corps des contrôleurs aériens.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez repris une partie de l’argumentation de François Fortassin.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non, l’intégralité !
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. Nous en avions déjà eu un avant-goût lors de son intervention au cours de la discussion générale, qu’il avait d’ailleurs dû abréger pour prendre l’avion pour Lourdes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les vols ont bien fonctionné ce soir !
M. Thierry Mariani, secrétaire d’État. J’espère qu’il est bien arrivé. (Sourires.)
Avant tout, il faut rappeler que le protocole de la DGAC est de trois ans et couvre la période 2010 à 2012. En raison du contexte économique encore difficile, une part importante des mesures prévues dans cet accord n’aura d’effet qu’en 2012. Toutefois, il convient de noter que les recettes devant les financer respectent aujourd’hui strictement la règle du retour catégoriel de 50 % pour les années 2011 à 2012, le solde étant apporté par un report de crédits catégoriels non consommés en 2010.
Il ne serait pas juste de pointer du doigt les contrôleurs aériens, car la DGAC, faut-il le rappeler, aura supprimé 278 emplois d’INCA pour la période 2009-2013, dont 84 avant la mise en place de la RGPP. Au total, la DGAC aura supprimé plus de 700 emplois de ses effectifs budgétaires. Si l’effort peut être jugé insuffisant par certains, il n’en est pas moins réel.
Vous l’avez vous-même souligné, les barèmes des primes des personnels techniques seront gelés en 2011, comme en 2010.
Par ailleurs, vous l’avez également rappelé, un dispositif de contrôle des présences des contrôleurs aériens a enfin été mis en place.
La progression de la masse salariale du budget annexe de l’aviation civile diminuera de 1,2 % en 2011 par rapport à 2010 et augmentera de 1,2 % en 2012 et de 0,8 % en 2013, alors que le taux du CAS « Pensions » passera de 65,7 % en 2011 à 67,9 % en 2012 et à 71,7 % en 2013.
Enfin, un certain nombre d’actions sont entreprises pour crédibiliser cette réduction des effectifs : regroupement des approches, suppression des bureaux d’information aéronautique et mutualisation des fonctions support.
L’exaspération que vous avez ressentie était bien compréhensible, et je dois dire que je l’ai partagée en tant qu’usager. Cela étant, je crois que le signal a été perçu.
Compte tenu du fait que le message est passé et qu’un réel effort a été accompli dans le sens que vous souhaitiez, je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l’amendement n° II-30 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai été attentif à toutes les précisions que vous venez de nous apporter, monsieur le secrétaire d’État. D’ailleurs, vous l’avez compris, nous n’avons d’autres préoccupations que d’aider le Gouvernement à maîtriser la dépense publique.
Le rapport de la Cour des comptes est sans ambiguïté et ses recommandations doivent nécessairement être suivies d’effets. Les rapports de cette institution n’ont en effet pas vocation à remplir les placards, sinon autant la supprimer.
Mme Nathalie Goulet. Surtout pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne sous-estime pas l’ampleur des mesures que vous avez prises sous le contrôle du directeur général, c’est un premier pas. Reste que nous devons également faire passer un message aux contrôleurs aériens : nous attendons d’eux un service. L’opinion publique est en droit de connaître les conditions dans lesquelles ils travaillent : le nombre de jours de présence, le nombre d’heures effectuées. Ceux-ci accomplissent sans aucun doute une tâche très difficile, délicate, mais l’opacité dans laquelle ce corps évolue doit cesser.
Il existe maintenant un pilotage.
M. Albéric de Montgolfier et M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. Un contrôle !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je m’en réjouis.
Je n’ai pas pu joindre M. Fortassin, mais je pense qu’il aurait accédé à votre souhait. Je vais donc retirer l’amendement, mais sachez que nous resterons vigilants.
M. le président. L’amendement n° II-30 rectifié est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », figurant à l’état C.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
État d
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 291 129 359 |
1 291 129 359 |
Radars |
186 000 000 |
186 000 000 |
Fichier national du permis de conduire |
16 000 000 |
16 000 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
21 220 455 |
21 220 455 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
627 091 719 |
627 091 719 |
Désendettement de l’État |
440 817 185 |
440 817 185 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », figurant à l’état D.
État d
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs |
210 000 000 |
210 000 000 |
Contribution à l’exploitation des services nationaux de transport conventionnés |
127 500 000 |
127 500 000 |
Contribution au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés |
82 500 000 |
82 500 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », figurant à l’état D.
État d
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres |
372 000 000 |
372 000 000 |
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres |
360 000 000 |
360 000 000 |
Avances au titre du paiement de la majoration de l’aide à l’acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d’un véhicule de plus de quinze ans |
12 000 000 |
12 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 70, 71, 71 bis, 72, 73 et 73 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
Écologie, développement et aménagement durables
Article 70
Au premier alinéa du b du II de l’article 124 de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990), le taux : « 4,6 € » est remplacé par le taux : « 7 € ».
M. le président. L’amendement n° II-189, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au premier alinéa du 2° de l’article L. 4316-4 du code des transports, le taux : « 4,6 euros » est remplacé par le taux : « 7 euros ».
La parole est à Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Le Gouvernement nous demande d’adopter un amendement visant à modifier un code qui n’est pas encore entré en vigueur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la procédure est particulière.
Dans ces conditions, le groupe socialiste s’abstiendra.
Mme Évelyne Didier. Le groupe CRC-SPG également !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est du bon sens !
M. le président. En conséquence, l’article 70 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 70
M. le président. L’amendement n° II-114 rectifié, présenté par Mme Keller et M. Faure, est ainsi libellé :
Après l’article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le troisième alinéa du IV de l’article L. 213-10-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après les mots : « 3 euros par unité », sont insérés les mots et une phrase ainsi rédigée : «, qui est réduite de moitié si l’élevage est intégralement mené sur paille ou litière biomaîtrisée. Ces taux peuvent être doublés lorsque la surface agricole utile mobilisée directement ou indirectement pour la gestion des déjections animales est située au moins pour partie en zone vulnérable aux nitrates d’origine agricole. » ;
2° Les mots : « les élevages condamnées pénalement au titre des réglementations relatives à la protection de la qualité des eaux » sont remplacés par les mots : « les élevages ayant fait l’objet d’une régularisation administrative ou d’une sanction administrative ou pénale au titre d’une police de l’environnement intégrant la protection des eaux, sans qu’aucune règle de prescription ne puisse y faire obstacle ».
II. - La perte de recettes éventuelle résultant pour les agences de l’eau du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Cet amendement, que je présente à titre personnel, porte sur la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique.
À l’instar du président Arthuis, j’ai le souci d’écouter la Cour des comptes, qui a mené un audit de la politique de l’eau, tout comme d’ailleurs le Conseil d’État. Ces deux juridictions s’interrogent sur l’efficacité écologique de la redevance pour pollution de l’eau, en particulier pour lutter contre les nitrates.
On le sait, la France est déjà menacée d’une condamnation pour le cas de la Bretagne. Elle sera également en très grande difficulté pour respecter le bon état écologique de plusieurs estuaires en 2015.
Je propose donc un double dispositif dans le cadre de cet amendement d’appel.
Le premier consiste à abaisser le taux de la redevance lorsque les élevages sont menés sur paille ou sur litière biomaîtrisée. Dans ces cas-là, la diffusion d’azote dans l’eau est moindre.
Le second vise au contraire à augmenter le taux de la redevance lorsque des élevages, outre le fait d’avoir été condamnés, comme la loi le prévoit, ont également fait l’objet d’une régularisation administrative. Nous le savons, de nombreuses exploitations font l’objet d’une régularisation en matière de police, alors même qu’elles polluent de façon importante les cours d’eau et les nappes phréatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cet amendement, ni d’ailleurs sur le suivant. Elle écoutera donc attentivement l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Le Gouvernement ne méconnaît pas le problème soulevé avec beaucoup de justesse par Mme Keller qui, par ailleurs, connaît très bien ces sujets.
Oui, la question de la différenciation entre les divers types d’exploitation et leur impact sur l’environnement est pertinente.
Cela dit, l’évolution de la redevance élevage est à resituer dans le cadre plus général des travaux de préparation du dixième programme des agences de l’eau. Les modifications législatives auxquels ils aboutiront le cas échéant figureront, l’an prochain, dans le projet de loi de finances pour 2012.
Aujourd’hui, l’approche française est réglementaire. De nouveaux plans d’action ont été adoptés par les préfets pendant l’été 2009 et les redevances perçues par les agences de l’eau seront majorées pour tous les contrevenants aux prescriptions de ces plans.
En revanche, il n’apparaît pas souhaitable, avant les évolutions, sans doute majeures, proposées dans le projet de loi de finances pour 2012, de soumettre à la majoration de redevance les éleveurs sanctionnés par la police administrative. Le débat a déjà eu lieu, vous le savez, dans le cadre des travaux préparatoires à la loi Grenelle II.
Par ailleurs, l’impact d’une telle disposition sur la qualité de l’eau reste à démontrer.
Aujourd’hui, nous souhaitons porter notre effort conformément, d’ailleurs, à la recommandation de la Cour des comptes, sur l’amélioration des suites données aux procédures pénales engagées contre les infractions les plus graves. Nous avons entrepris une réflexion en ce sens avec le ministère de la justice.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous proposerai donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. Je m’engage, naturellement, à vous associer à ces travaux qui seront menés tout au long de l’année 2011, en vue des modifications qui interviendront dans le cadre de la loi de finances pour 2012.
M. le président. Madame Keller, l’amendement n° II-114 rectifié est-il maintenu ?
Mme Fabienne Keller. Je remercie Mme la ministre de sa réponse très précise. Nous attendrons donc les propositions annoncées.
Je tiens à rappeler que nous demandons que les élevages qui ont fait l’objet de régularisations administratives soient traités d’une manière similaire ou intermédiaire. Il ne s’agit pas, en tout cas, de les exonérer des montants complémentaires appliqués à ceux qui font l’objet d’une verbalisation menée jusqu’à son terme.
Je retire donc l’amendement n° II-114 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-114 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-115 rectifié, présenté par Mme Keller et M. Faure, est ainsi libellé :
Après l’article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les trois premières lignes du tableau constituant le troisième alinéa du V de l’article L. 213-10-9 du code de l’environnement sont ainsi rédigées :
Usages |
Catégorie 1 |
Catégorie 2 |
Irrigation (sauf irrigation gravitaire) |
3 |
5 |
Autres usages économiques |
4 |
6 |
La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Inspiré du même esprit que le précédent, cet amendement, que je présente également à titre personnel, vise, cette fois, les redevances applicables aux prélèvements sur la ressource en eau.
L’instauration de cette redevance a été un grand progrès puisqu’elle prend en compte la ressource en eau, considérée comme un bien limité, alors que, historiquement, l’ensemble de la fiscalité s’appliquait non sur les prélèvements en eau mais sur les rejets. Ce que nous proposons là, c’est d’alourdir la redevance pour l’irrigation en l’alignant sur celle qui correspond aux autres usages économiques. Il s’agit de tenir compte des importants volumes concernés et de la faiblesse excessive de ces taux. Cela nous ramène aux débats qui se sont déroulés ici dans le cadre de la discussion de la loi sur l’eau et dont certains collègues se souviennent sans doute.
J’imagine que Mme la ministre me fera la même réponse que sur l’amendement précédent. Je tiens à souligner que le niveau de la redevance ne s’établit pas à un niveau tel qu’il ait un caractère incitatif de nature à protéger la ressource de manière effective. Je me réfère, là encore, aux écrits de la Cour des comptes !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances remercie Mme Keller d’avoir, au travers de ses deux amendements, posé des questions fondamentales et souligné à quel point la fiscalité environnementale opère beaucoup plus sur les comportements que sur le rendement. Là encore, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Vous soulevez, madame Keller, un vrai problème et je partage votre constat. Aujourd’hui, le niveau des redevances n’est pas porté à un niveau incitatif. Comme le président de la commission des finances vient de le dire, la fiscalité environnementale a, avant tout, vocation à être incitative. Son objet n’est pas le financement. Or à l’heure actuelle, on ne peut pas dire que le niveau des redevances perçues au titre de l’irrigation soit incitatif.
Pour autant, et vous avez bien anticipé ma position, compte tenu du fait que nous sommes en période de révision préparatoire à l’élaboration du dixième programme des agences de l’eau, je vous inviterai volontiers à présenter ces suggestions plutôt dans le cadre des travaux qui se dérouleront au cours de l’année 2011 en vue d’apporter d’éventuelles modifications en fin d’année.
M. le président. Madame Keller, l’amendement n° II-115 rectifié est-il maintenu ?
Mme Fabienne Keller. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-115 rectifié est retiré.
Article 71
I. – Le 3° de l’article L. 131-5-1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« 3° D’une fraction due par les redevables autres que ceux mentionnés aux 1° et 2°. »
II. – La fraction mentionnée au 3° de l’article L. 131-5-1 du code de l’environnement est fixée à 441 millions d’euros en 2011 et à 485 millions d’euros en 2012 et en 2013. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 71
M. le président. L’amendement n° II-42, présenté par Mme Didier, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 71, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 131-5-1 du code de l’environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - À hauteur de la fraction due par les redevables de la taxe visée au 1 du I. de l’article 266 sexies du code des douanes, le produit de la taxe mentionnée à l’article 256 du code général des impôts est affecté à Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à réaffecter le produit de la TVA assise sur la TGAP déchets à l’ADEME. En effet, les engagements du Grenelle de l’environnement impliquaient que la nouvelle fiscalité sur les déchets incinérés ou stockés serait affectée, en retour, à des mesures de prévention dont l’ADEME est un acteur central.
Il s’agit, en fait, d’articuler plus efficacement la gestion des déchets avec le dispositif TVA. Aujourd’hui, les collectivités doivent s’acquitter auprès de leur prestataire du montant correspondant aux opérations d’incinération et d’enfouissement auquel l’opérateur ajoute la TGAP et la TVA.
Cette TVA perçue sur la TGAP déchets rapporte à l’État environ 20 millions d’euros. Cette somme serait fort utile à l’ADEME, qui est finalement le bras armé du Grenelle de l’environnement et qui a besoin de financements importants pour atteindre ses objectifs.
De surcroît, on peut compter sur la bonne utilisation que l’ADEME fera de cet argent. Je rappelle que la conclusion du contrôle effectué par la Cour des comptes pointait précisément le bon usage des fonds alloués à l’Agence dans le cadre des missions qui lui sont confiées pour la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Il serait tout à fait juste que cet argent permette d’aider les collectivités à se mettre en conformité avec la loi. On éviterait ainsi des augmentations intempestives des coûts pour les collectivités et les particuliers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. L’ADEME bénéficie d’ores et déjà de ressources fiscales considérables, qui appellent un contrôle parlementaire renforcé. Nous en avons eu l’occasion d’en parler tout à l’heure, lors de la présentation générale du budget. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit ainsi une affectation à l’Agence à hauteur de 441 millions d’euros. Elle sera portée à 485 millions d’euros en 2012 et 2013.
Les recettes de l’ADEME sont donc sécurisées sur les trois prochaines années, lui permettant de consacrer 189 millions d’euros à la politique de prévention des déchets au titre du programme 181.
Enfin, la question des ressources de l’ADEME et des moyens qu’elle consacre à la prévention des déchets sera abordée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Nous proposons donc de ne pas anticiper sur le débat à venir.
J’émets, au nom de la commission des finances, un avis défavorable sur cet amendement n° II-42.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Contrairement à la TGAP, madame Didier, la TVA n’est pas une taxe de nature environnementale, ni de nature incitative. Il n’y a pas de lien entre les interventions de l’ADEME et la nature de cette recette fiscale.
D’ailleurs, il n’a jamais été dans les intentions du Grenelle de l’environnement de l’inclure dans le champ de la politique des déchets.
En outre, des moyens importants sont consacrés à la politique des déchets : ils sont passés de 59 millions d’euros en 2008 à 103 millions d’euros en 2009 et ont été portés à 162 millions d’euros en 2010. Nous prévoyons 222 millions d’euros en 2011, dont 180 millions d’euros au titre des actions du Grenelle, financées au travers de la TGAP.
Les débats ont, par ailleurs, montré que ces montants suffisent pour répondre à la demande. Aucun projet n’a été rejeté faute de crédits. Dans ces conditions, nous ne trouvons pas pertinent d’affecter à l’ADEME la TVA assise sur la TGAP.
Je vous proposerai, madame la sénatrice, de retirer l’amendement. À défaut, je serai contrainte d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
M. le président. Madame Didier, l’amendement n° II-42 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Il s’agissait d’un amendement d’appel dans le prolongement du débat que nous avons eu sur la mission « déchets » et des amendements que nous avons déposés, puis retirés lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances pour 2011.
J’espère que la discussion du projet de loi de finances rectificative nous donnera l’occasion d’aborder ce sujet dans toute sa complexité et son ampleur et que nous aurons des réponses intéressantes.
Dans l’immédiat, je retire l’amendement n° II-42, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-42 est retiré.
Article 71 bis (nouveau)
I. – Après le 1 quater du II de l’article 266 sexies du code des douanes, il est inséré un 1 quinquies ainsi rédigé :
« 1 quinquies. Aux réceptions de déchets non dangereux générés par une catastrophe naturelle, dont l’état est constaté par arrêté, entre la date de début du sinistre et soixante jours après la fin du sinistre. Les quantités non taxables doivent faire l’objet d’une comptabilité matière séparée ; ».
II. – Le I est applicable à partir du 1er janvier 2012. – (Adopté.)
Article 72
L’article 136 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. – Jusqu’au 31 décembre 2016, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l’article L. 561-3 du code de l’environnement contribue au financement des études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines, dans la limite de 200 millions d’euros, pour la totalité de la période. » – (Adopté.)
Article 73
Les fonctionnaires et les agents non titulaires exerçant ou ayant exercé certaines fonctions dans des établissements ou parties d’établissement de construction ou de réparation navales du ministère chargé de la mer pendant les périodes au cours desquelles y étaient traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante peuvent demander à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité et percevoir à ce titre une allocation spécifique.
Cette allocation ne peut se cumuler avec une pension civile de retraite.
La durée de la cessation anticipée d’activité est prise en compte pour la constitution et la liquidation des droits à pension des fonctionnaires qui sont exonérés du versement des retenues pour pension.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les conditions d’âge, de cessation d’activité ainsi que les modalités d’affiliation au régime de sécurité sociale et de cessation du régime selon l’âge de l’intéressé et ses droits à pension. – (Adopté.)
Article 73 bis (nouveau)
I. – Après l’article 235 ter XA du code général des impôts, est rétablie une section XVI ainsi rédigée :
« Section XVI
« Contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux applicable aux stations radioélectriques
« Art. 235 ter Z. – Il est institué une contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux applicable aux stations radioélectriques mentionnées à l’article 1519 H autres que celles mentionnées au deuxième alinéa du III du même article.
« Cette contribution est due chaque année par la personne redevable de l’imposition forfaitaire mentionnée au premier alinéa du présent article.
« Elle est égale à un pourcentage du montant de cette imposition fixé par décret dans la limite de 5 %.
« Cette contribution fait l’objet d’une déclaration dans les mêmes conditions que l’imposition mentionnée à l’article 1519 H.
« Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges sont régis comme en matière de cotisation foncière des entreprises. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2011.
III. – Le produit de la taxe est affecté :
a) À hauteur de deux millions d’euros à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ;
b) Et pour le reliquat à l’Agence de services et de paiement. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 73 bis
M. le président. L’amendement n° II-134, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Campion, M. Frécon et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le reliquat des crédits votés dans le cadre de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 afin de créer une dotation exceptionnelle supplémentaire pour indemniser les victimes de la sécheresse de 2003 est reversé par les préfets aux sinistrés.
Peuvent prétendre au versement de ce reliquat :
- les sinistrés ayant réalisé les travaux de réparation des dommages causés par la sécheresse, sur présentation des factures et du rapport de sol permettant d’établir la cohérence des travaux effectués ;
- les sinistrés n’ayant pas réalisé les travaux de réparation des dommages causés par la sécheresse, sur présentation de deux devis et du rapport de sol permettant de justifier la non-réalisation des travaux ainsi que la nécessité des travaux demandés. Les associations représentatives des sinistrés sont consultées dans chaque département sur la répartition.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement concerne le reliquat dont je parlais tout à l’heure.
Il existe indubitablement un reliquat aux sommes qui ont été prévues dans l’article 110 de la loi de finances pour 2006 afin de créer une dotation supplémentaire en vue d’indemniser les victimes de la sécheresse de 2003. Bien entendu, comme l’a dit Michel Teston, ce reliquat est petit, trop petit. Mais enfin, 1,7 million d’euros, c’est 1,7 million d’euros. Nous sommes presque désolés de devoir nous pencher sur cette somme, alors que nous avions espéré qu’elle serait majorée.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela dit, puisque 1,7 million d’euros il y a, il ne vous a pas échappé, madame la ministre, que l’année dernière, à peu près à la même date, Chantal Jouanno, qui défendait le budget de l’écologie, s’est très clairement engagée à ce que ce reliquat de crédits soit affecté à l’indemnisation des victimes.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Et les représentants des associations de victimes ne manquent naturellement pas de nous faire remarquer qu’ils attendent, depuis maintenant un an, la mise en œuvre de cet engagement très clair.
Dans une lettre du directeur de la sécurité civile au secrétaire d’État aux collectivités locales qui m’a été communiquée, j’ai pu lire qu’une circulaire était en préparation. Je pense, madame la ministre, que vous allez pouvoir me confirmer que cette circulaire a dépassé le stade de la préparation et qu’elle a été envoyée aux préfets. En effet, d’après ce qu’écrit le directeur de la sécurité civile, les préfectures seront invitées à établir, pour le 31 décembre 2010, un bilan de l’utilisation des fonds accordés aux sinistrés, faisant clairement apparaître, département par département, comment se répartissent ces 1,7 million d’euros.
Nous pensons que vous pourrez faire en sorte, avec diligence – toujours par la même circulaire – et avec votre attention vigilante, que les sommes ainsi calculées soient affectées à des sinistrés confrontés à des difficultés particulières. Cet amendement contient quelques propositions quant à leur répartition.
Madame la ministre, il ne faut plus perdre de temps : ce serait dommageable pour tout le monde et je ne vois pas ce que l’État, ni personne, y gagnerait. C'est la raison pour laquelle nous vous avons gratifié d’un second amendement. Me permettez-vous de l’exposer maintenant, monsieur le président ?
M. le président. Je vous en prie, monsieur Sueur.
L’amendement n° II-133, présenté par M. Sueur, Mmes Bricq et Campion, M. Frécon et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 73 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis au Parlement avant le 1er septembre 2011 relatif aux conditions dans lesquelles le reliquat des crédits votés dans le cadre de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 afin de créer une dotation exceptionnelle supplémentaire pour indemniser les victimes de la sécheresse de 2003 a été réparti entre les ayants droit.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous suggérons qu’un rapport soit remis au Parlement, mêmes si je sais que cette idée ne plaît pas à tout le monde.
Mme Nathalie Goulet. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais ce pourrait être un rapport très succinct, de deux ou trois pages seulement, qui ne demanderait pas beaucoup d’efforts.
Ce rapport serait présenté au 1er septembre prochain et comprendrait la liste des départements et des sommes affectées aux sinistrés sur la base du reliquat dans chaque département. Sur le fond, ce que nous voulons, c’est que le reliquat aille aux sinistrés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Le reliquat en question s’élève donc à 1,7 million d’euros, soit une somme cent fois inférieure à celle qui a été évoquée tout à l’heure. Elle est destinée à couvrir l’ensemble des indemnisations complémentaires telles qu’elles sont sollicitées. À l’évidence, on n’est pas à la hauteur des attentes.
Nous entendons néanmoins la proposition de notre collègue, qui suggère de trouver des critères, certainement difficiles à définir précisément.
Compte tenu de l’histoire de ce dossier, madame la ministre, nous vous saurions gré de bien vouloir nous donner quelques éléments ou quelques pistes – s’il en existe – pour résoudre un problème maintenant fort ancien.
M. Jean-Pierre Sueur. L’effet papillon, ça, c’est indubitable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je suis un peu gênée pour répondre sur ce sujet. En effet, ce n’est pas mon ministère qui décide de l’utilisation de ce reliquat.
Il me semble normal qu’il revienne aux victimes et rien ne s’oppose aujourd’hui à ce qu’il soit utilisé au profit de celles qui en feraient la demande et qui répondraient aux conditions fixées.
Pour autant, et j’en reviens à ma démonstration de tout à l’heure, il n’est pas envisageable d’élargir les conditions puisque, Mme la rapporteur spécial l’a indiqué, le montant est d'ores et déjà inférieur aux besoins. Ce serait ouvrir la voie à des contentieux considérables.
À mon sens, il faudrait trouver le moyen de pouvoir l’utiliser sans modifier les conditions. Peut-être pourrions-nous susciter le dépôt des derniers dossiers non encore remis et qui rentreraient bien dans les critères. Mais cela ne relève pas de mes attributions.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos II-134 et II-133.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 87, 87 bis et 87 ter).
La parole est à M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’année dernière, nous vous présentons, en tandem avec Albéric de Montgolfier, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Il s’agit d’une mission particulière puisqu’elle comprend de nombreuses dépenses dites « de guichet », dont l’allocation aux adultes handicapés, le RSA activité, ou encore l’allocation supplémentaire d’invalidité, l’ASI. Ce sont des dépenses obligatoires pour lesquelles il n’existe pas, ou peu, de marges de manœuvre.
Au total, la dotation budgétaire s’élève à près de 12,37 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce montant, en diminution de 2,7 % par rapport à la précédente loi de finances, cache en réalité des évolutions importantes.
Tout d’abord, le programme support de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » est désormais fusionné avec le programme support de la présente mission, qui prend le nom de « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Cela représente un transfert d’environ 430 millions d’euros.
Avec notre collègue Michel Sergent, rapporteur spécial de la mission « Sport », nous nous interrogeons sur le bien-fondé de ce rattachement qui obéit à une logique administrative, mais ne permet pas de suivre avec précision les moyens affectés à une politique publique. La création de programmes « support » constitue, à ce titre, une évolution critiquable au regard de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances.
Par ailleurs, la disparition définitive de l’allocation de parent isolé, l’API, conduit à minorer de près de 170 millions d’euros le programme Actions en faveur des familles vulnérables. C’est une modification structurelle de ce programme. L’API est en effet devenue le RSA socle majoré, dont la charge est supportée par les conseils généraux.
La compensation financière relative à cette extension de compétences est prévue par l’article 25 du projet de loi de finances.
Enfin, sur le programme Lutte contre la pauvreté, qui finance le RSA activité, nous constatons une diminution des crédits de plus de 900 millions d’euros. Mais nous savons bien que l’enveloppe votée l’année dernière était très largement supérieure aux besoins, ce qui explique, par contrecoup, cette très forte baisse. Albéric de Montgolfier y reviendra dans quelques instants.
Au total, la légère diminution des crédits de la mission ne correspond pas uniquement à une volonté de réaliser des économies, elle tient aussi à des effets de périmètre. Nous observons que seul le programme support qui regroupe les moyens de fonctionnement adossés à la mission contribue à la maîtrise des dépenses publiques en 2011, avec une diminution de sa dotation de 2,7 %.
Avec près de 7 milliards d’euros, la priorité budgétaire demeure l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, qui fait l’objet d’une revalorisation de 25 % sur la période du quinquennat. L’enveloppe qui lui est consacrée augmente ainsi de plus de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2010.
Je voudrais indiquer que les crédits budgétaires ne donnent pas une vision exhaustive de la politique de solidarité. En effet, les trente dépenses fiscales principalement associées à la mission regroupent 12,4 milliards d’euros en 2010, soit des montants supérieurs à ceux des crédits.
Je terminerai cette intervention en indiquant que la programmation budgétaire pluriannuelle prévoit une augmentation des crédits de la mission de 3,4 % par an jusqu’en 2013. Un effort significatif est entrepris en faveur de l’AAH, dont nous connaissons le très fort dynamisme. Notre récent contrôle budgétaire, mené avec notre collègue Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a montré que cette dépense croissait au minimum de 5 % par an. Nous nous réjouissons, par conséquent, que la programmation triennale ait pris en considération ce facteur important.
Pour autant, il convient d’être réaliste. Tout dérapage d’une dépense telle que l’AAH conduira nécessairement à dépasser les plafonds inscrits dans la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.
Je laisse maintenant la parole à Albéric de Montgolfier, qui va vous présenter plus en détail chacun des programmes et les amendements que nous vous proposons. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais maintenant vous présenter nos principales observations sur les programmes.
Cette année encore, le programme Lutte contre la pauvreté a prioritairement retenu notre attention. Il a pour objet de financer, à travers le Fonds national des solidarités actives, ou FNSA, le RSA activité, c’est-à-dire le complément de revenus versé à ceux que l’on appelle « les travailleurs pauvres ». Il convient de ne pas le confondre avec le RSA socle – l’ancien RMI –, qui reste à la charge des conseils généraux.
Je commencerai par un bref retour en arrière. L’année dernière, la commission des finances avait souhaité réduire de 500 millions d’euros la subvention de l’État au FNSA. Nous avions en effet jugé que la montée en charge du RSA activité serait beaucoup plus lente que celle qui était annoncée par le Gouvernement. Nous n’avons pas été entendus, mais les faits nous ont donné raison ! À la fin de l’année 2010, le FNSA connaîtra un excédent d’environ 1,25 milliard d’euros.
Hélas, nous devons regretter que ce projet de loi de finances soit une sorte de bis repetita.
Du côté des dépenses, le Gouvernement prévoit, sans raisons dûment justifiées, que la montée en charge sera deux fois plus rapide en 2011 qu’en 2010.
C’est sans aucun doute un acte de foi... Mais pouvons-nous réellement croire que le RSA jeunes constituera une dépense de 75 millions d’euros en 2011, alors que 163 000 euros seulement ont été consommés depuis le 1er septembre, date d’entrée en vigueur du dispositif ?
En un mot, nous doutons fort que le FNSA soit amené à dépenser plus de 2,2 milliards d’euros en 2011, comme cela est inscrit dans les documents budgétaires.
Du côté des recettes, il nous reste à savoir comment nous utilisons l’excédent de 1,25 milliard d’euros dont je viens de vous parler.
Le Fonds pourrait s’autofinancer en 2011 et le budget de l’État pourrait ne pas débourser un seul centime. Pourtant, le Gouvernement nous propose de le doter de 700 millions d’euros. En première intention, et je parle sous le contrôle du ministre, le Gouvernement souhaitait progressivement réduire ce fonds de roulement sur la période triennale et stabiliser ainsi les crédits apportés par le budget de l’État.
Or deux décisions viennent tout juste de remettre en cause ce schéma. Tout d’abord, 75 millions d’euros seront prélevés lors du prochain collectif budgétaire afin d’alimenter le Fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements en difficulté. Et je m’en réjouis,…
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. … car la crise économique a mis à mal les finances départementales, qui sont en première ligne dans la politique de solidarité nationale.
M. Roland Courteau. Il n’y a pas que la crise !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Certes ! C’est néanmoins une bonne nouvelle car, cette année, le RSA a particulièrement augmenté.
Ensuite, un prélèvement de 370 millions d’euros sera opéré pour financer la prime de Noël, dont le versement a été annoncé mardi. À cet égard, madame le ministre, la commission des finances est partagée.
D’un côté, nous nous réjouissons que l’excédent de crédits soit utilisé à bon escient. De l’autre, nous constatons que, pour la deuxième année consécutive, le projet de budget qui nous est transmis en octobre a perdu toute sa raison d’être à peine un mois plus tard.
Dans ces conditions, quelle fiabilité pouvons-nous accorder aux inscriptions budgétaires ? Comment pouvons-nous porter une appréciation sur les crédits que vous nous demandez de voter ? Que devient le contenu même de l’autorisation parlementaire que vous venez solliciter ? Il s’agit d’un problème de principes et de méthode.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Par exemple, comme les années précédentes, la prime de Noël, que vous venez d’annoncer pour l’année 2010, n’est pas budgétée pour l’année qui s’ouvre. Si nous étions naïfs, nous en déduirions que le FNSA disposera de plus de 400 millions d’euros de réserves à la fin de l’année 2011. Mais, instruits par l’expérience, nous savons que la prime de Noël sera décidée à la dernière minute et qu’il sera nécessaire, à nouveau, de trouver 370 millions d’euros... Et le FNSA sera mis à contribution. Autant dire que nous savons, d’ores et déjà, que le Fonds sera « à sec » dans un an.
Sortons de cette hypocrisie et assumons la prime de Noël dès le projet de loi de finances initiale !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Voilà plus de dix ans qu’elle existe et qu’elle est reconduite chaque année. Il s’agit désormais d’une dépense pérenne de fait.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Nous souhaitons donc en tirer les conséquences budgétaires.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Notre commission des finances, comme l’ensemble du Parlement, attend de la sincérité dans la discussion budgétaire, sans quoi celle-ci n’aurait aucun sens. Elle n’attend pas de vagues justifications triennales dont la crédibilité ne dure guère plus d’un mois, entre le dépôt du « bleu » et l’examen en séance publique.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. C’est le sens des amendements que nous vous présenterons.
J’en viens maintenant au programme Actions en faveur des familles vulnérables.
Nous devons tout d’abord déplorer une absence : celle du financement du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, le FNPE, qui devait être créé en application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Son objet est de compenser aux départements les charges résultant de ladite loi. Le Gouvernement a longtemps refusé de prendre le décret nécessaire à sa création. En décembre dernier, le Conseil d’État l’a enjoint de le faire sous astreinte et le décret a été publié en mai 2010.
Pourtant, alors que la loi de finances doit prévoir, chaque année, la participation de l’État au FNPE, nous constatons qu’aucune ligne n’est inscrite à ce titre dans le présent projet de budget. Au final, le FNPE est doté, par la CNAF seulement, de 10 millions d’euros en 2010, en 2011 et en 2012.
Les départements peuvent ainsi espérer recevoir, en moyenne, 70 000 euros chaque année. Cette somme est inférieure au coût du placement d’un seul enfant au titre de l’aide sociale à l’enfance. Dans mon département, par exemple, plus de 1 200 enfants sont placés.
Sur ce point, madame le ministre, nous attendons des explications circonstanciées de la part du Gouvernement, même si le fonds a pour objet de compenser non pas les dépenses engagées au titre de l’aide sociale à l’enfance, mais les charges résultant de la loi du 5 mars 2007. Nous attendons aussi des engagements fermes pour indemniser les départements. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Par ailleurs, le programme comporte une subvention de 3,25 millions d’euros pour l’Agence française de l’adoption, l’AFA. Nous vous proposons de réduire cette enveloppe de 1 million d’euros, car le fonds de roulement de l’Agence est proche de 3 millions d’euros, soit un peu moins que son budget annuel. Voilà déjà plusieurs années que l’AFA dégage des excédents importants en fin d’exercice, signe, hélas ! qu’elle peine à remplir les missions qui lui sont confiées.
Dans ces conditions, il convient de limiter la participation de l’État au budget de l’Agence, bien sûr sans mettre en péril son fonctionnement.
Pour ce qui concerne le programme Handicap et dépendance, la budgétisation de l’AAH paraît plus sincère cette année, et je vous en donne acte, madame le ministre. Elle représente près de 7 milliards d’euros, soit environ la moitié des crédits de la mission.
Néanmoins, nous estimons qu’il est important de sécuriser cette dépense par nature très dynamique et c’est l’objet d’un amendement que la commission des finances a déposé.
Lors d’un récent contrôle budgétaire mené avec notre collègue Paul Blanc, nous avons relevé à quel point il est difficile d’estimer la dépense engagée au titre de l’AAH. Nous devons, de ce fait, être très prudents et mieux vaut une dotation légèrement excédentaire que l’inverse.
Le programme Égalité entre les hommes et les femmes est de loin le plus faible de la mission, avec 18,6 millions d’euros. Nous constatons que la dotation globale est en baisse pour l’année 2011. C’est pourquoi la commission des finances, sous l’impulsion de notre collègue Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, avait décidé de déposer un amendement relevant les crédits de ce programme.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Or nous avons été satisfaits par l’Assemblée nationale, puisqu’elle a augmenté de 2,5 millions d’euros l’enveloppe qui lui est accordée. Il faut se féliciter de cette importante progression de la dotation par rapport à 2010.
Néanmoins, la commission des finances s’est interrogée, comme l’année dernière, sur l’efficacité de certaines dépenses, compte tenu de la faiblesse des sommes prévues par rapport aux enjeux.
Comme les années précédentes, les crédits d’intervention seront « saupoudrés » entre près de 1 273 associations.
Mme Nathalie Goulet. Oh là là !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Il s’agit, certes, d’aider un maximum d’initiatives locales. Pour autant, est-on sûr que l’argent de l’État induise un effet de levier maximal auprès d’autres financeurs ? Quelles sont les priorités et la stratégie retenues par le ministère ? Existe-t-il, au niveau central, une vision pour conduire une politique cohérente sur tout le territoire national ? À ce stade, nous ne pouvons répondre à ces questions.
Je terminerai par quelques observations sur le programme Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, qui regroupe plus de 1,5 milliard d’euros pour un plafond d’emplois qui s’établit à 12 362 équivalents temps plein travaillé. En 2011, 278 emplois seront supprimés du fait du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Les crédits du programme sont constitués, à plus de 80 %, par des dépenses de personnel, y compris celles des personnels des agences régionales de santé, les ARS.
Le programme verse aux 26 ARS une subvention pour charges de service public qui s’élève à près de 550 millions d’euros.
Nous regrettons que, pour l’instant, le ministère ne nous ait pas transmis d’éléments détaillés permettant de justifier le montant de cette dotation.
Au total, les crédits inscrits sur ce programme sont en diminution de 2,7 %, ce dont il faut à la fois se féliciter et se plaindre, car cet effort est encore éloigné de l’objectif de 5 % annoncé par le Gouvernement.
Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter les trois amendements qu’elle a déposés, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi modifiés et, sans modification, les articles 87, 87 bis et 87 ter rattachés. (M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, nous nous retrouvons pour examiner aujourd'hui les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Votre périmètre d’action a changé, mais j’espère que le débat sera très fructueux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Je suis toujours aussi bonne ! (Sourires.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Madame la secrétaire d’État, je suis très heureux de vous retrouver. Nous avions travaillé ensemble à l’élaboration de la loi du 11 février 2005. Je pense que vous serez attentive à nos propositions, qui sont dans le droit fil de ce texte.
Pour 2011, les crédits de cette mission s’élèveront à environ 12,4 milliards d’euros et comportent une augmentation significative de 8,5 % de l’enveloppe allouée au handicap, ce qui constitue un signal fort dans cette période de crise.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Si l’on y ajoute les dépenses fiscales, ce sont près de 24,5 milliards d’euros que l’État consacrera l’an prochain aux familles à revenus modestes et aux personnes âgées ou handicapées.
La répartition des crédits entre les cinq programmes de la mission est encore fortement affectée par la restructuration des administrations sanitaires et sociales qui se poursuivra en 2011. Ces évolutions ont singulièrement compliqué l’analyse de ce budget.
On peut néanmoins souligner quelques grandes tendances.
Tout d’abord, la partie « activité » du RSA est financée par une dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives, le FNSA. Pour 2011, son montant a été fixé à 700 millions d’euros, soit 900 millions d’euros de moins qu’en 2010. On pouvait s’attendre à cette situation, étant donné la montée en charge très lente de cette nouvelle prestation. Nous avions fait part de cette remarque l’année dernière, mais nous n’avions pas été écoutés. Clamabat in deserto !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. À la fin du mois de septembre, on comptait environ 650 000 bénéficiaires, chiffre bien éloigné des prévisions du Gouvernement qui s’établissaient à 1,5 million d’allocataires ! Cette situation s’explique, bien sûr, par la crise économique, mais aussi par la complexité du dispositif, difficile à comprendre pour les publics auxquels il est destiné. De plus, et sans doute pour les mêmes raisons, on observe que lorsqu’il conduit au versement de montants inférieurs à 40 euros par mois, le RSA « activité » est peu sollicité.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pour 2011, les prévisions de dépenses ont été mieux calibrées, semble-t-il, et atteignent, au total, 2,24 milliards d’euros, si l’on tient compte de l’extension du RSA aux jeunes et à l’outre-mer. Pour y faire face, le Fonds disposera des excédents accumulés en 2010 et des produits de la taxe additionnelle sur les revenus du capital estimés au total à près de 2,47 milliards d’euros, le montant de la dotation de l’État devant être ajusté pour assurer l’équilibre.
Or, si l’on rapproche recettes et dépenses, on constate que le Fonds devrait présenter, sans cette dotation, un excédent de l’ordre de 230 millions d’euros. Pourquoi, dès lors, ajouter ces 700 millions d’euros et afficher en fin d’exercice un excédent proche de 1 milliard d’euros ? Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, madame la ministre ? Il y a là de quoi payer plusieurs primes de Noël ! Même avec le versement de celle-ci annoncé pour la fin de cette année, nous disposerions encore d’une marge de manœuvre de près de 560 millions d’euros.
Aussi, je vous proposerai de redéployer une partie de ce surplus vers des programmes moins bien dotés, ce qui permettra encore de conserver une marge de sécurité de l’ordre de 220 millions d’euros.
J’en viens à l’accompagnement. Je pense, en particulier, aux jeunes qui percevront le RSA « socle ». Il est essentiel qu’ils puissent être orientés le plus rapidement possible vers des dispositifs de formation. Les contrats d’alternance ou l’apprentissage sont bien souvent les solutions les mieux adaptées. C’est la condition pour éviter qu’ils ne basculent dans l’assistanat et pour que le RSA soit pour eux une chance et non un piège.
Sur la politique du handicap, je l’ai dit, le bilan est plutôt positif : les crédits, en hausse de 8,5 %, traduisent les promesses présidentielles en faveur de la revalorisation de l’AAH, et de la création de places nouvelles en établissements et services d’aide par le travail, les ESAT. Une autre avancée doit être relevée : une plus grande transparence sur l’enveloppe allouée aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.
J’ai néanmoins plusieurs inquiétudes.
Ainsi, je crains une nouvelle fois que les dépenses engagées au titre de l’AAH n’aient été sous-estimées, malgré la forte hausse de la dotation prévue pour 2011.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je vous proposerai donc de compléter celle-ci par 225 millions d’euros supplémentaires prélevés sur la dotation au FNSA.
Je suis également inquiet au sujet des MDPH. Vous l’avez dit récemment devant nous, madame la ministre, si, pour 2011, les crédits prévus sont à la hauteur des besoins, en revanche, le compte n’y est pas pour les exercices précédents. Vous avez évoqué 18,2 millions d’euros de dettes que je vous propose de solder dès maintenant grâce aux excédents du FNSA.
La prestation de compensation du handicap, la PCH, est un autre sujet d’inquiétude pour moi. Avec 103 000 bénéficiaires à la fin de 2009, soit une hausse de 47 % en un an, la montée en charge de la PCH s’accélère. La dépense correspondante pourrait atteindre plus de 1 milliard d’euros à la fin de l’année, soit deux fois plus que le versement de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, aux départements en 2010.
Pour 2011, les dépenses, qui pourraient progresser encore de plus de 15 %, ne seront plus compensées par les concours de la Caisse. Dans ces conditions, il me semble que nous ne pouvons plus éluder le débat sur la création d’une deuxième journée de solidarité. (Mme Gisèle Printz s’exclame.) Pour ma part, j’y suis favorable. Et je souhaite que les recettes correspondantes compensent, à l’euro près, les dépenses relatives à la PCH des départements.
Par ailleurs, vous le savez, environ 100 000 personnes ont choisi de conserver l’allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, qui leur est plus favorable que la nouvelle prestation. C’est pourquoi j’avais proposé que la PCH prenne mieux en charge les aides ménagères, en particulier lorsque celles-ci conditionnent le maintien à domicile. Or cette amélioration paraît difficile à mettre en œuvre sans augmentation des concours de la CNSA. Vous le voyez, les deux questions sont liées et je souhaite que nous puissions en débattre.
J’en viens aux crédits consacrés aux familles vulnérables, en baisse de plus de 40 %, du fait de la disparition définitive de l’allocation de parent isolé, l’API, avec l’extension du RSA à l’outre-mer.
Ce programme finance pour l’essentiel les mesures de protection des majeurs, ainsi que l’accompagnement et le soutien à la parentalité.
En revanche, aucune dotation n’est prévue pour abonder le Fonds national de financement de protection de l’enfance, que l’État s’est enfin résolu à créer au mois de mai dernier, mais auquel il n’apporte pas les financements attendus.
M. Roland Courteau. Ah !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je vous propose donc de corriger cet oubli en transférant, à son profit, 100 millions d’euros des crédits excédentaires du RSA, d’autant que nous devons prendre en considération les remarques de la Cour des comptes – M. le président de la commission des finances le faisait d’ailleurs observer tout à l’heure –, qui a été extrêmement dure sur ce point.
J’évoquerai, en quelques mots, les mesures en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, pour lesquelles les crédits augmenteront finalement de 7 % grâce aux 2,5 millions d’euros ajoutés par l’Assemblée nationale. Cela permettra ainsi d’intensifier les actions de lutte contre les violences faites aux femmes et facilitera la mise en œuvre des dispositions prises en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je terminerai en abordant la restructuration des administrations sanitaires et sociales, qui se traduira, en 2011, par le fonctionnement, sur une année pleine, des agences régionales de santé : plus de 1 milliard d’euros leur est attribué, dont 552 millions d’euros au titre de ce programme.
Au regard des incertitudes qui pèsent sur le montant des crédits nécessaires à leur fonctionnement et de leurs origines diverses – État et assurance maladie –, la commission des affaires sociales souhaite pouvoir bénéficier à l’avenir d’informations transversales plus précises sur le budget de ces structures, et détaillées région par région.
Parce qu’ils préservent la politique en faveur des personnes handicapées et sous réserve de ces observations et des amendements qu’elle vous présentera, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission. (M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, applaudit.)
M. le président. Mes collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où le Gouvernement ne cesse de nous répéter que ce budget serait un budget de sortie de crise et de rigueur, nous apprenons que les profits des entreprises du CAC 40 frôlent leurs plus hauts niveaux, avec près de 85 milliards d’euros de bénéfices !
Je trouve plutôt indécent de nous parler de la nécessité de réduire de façon drastique les dépenses publiques, alors que par ailleurs les actionnaires des grands groupes se remplissent toujours plus les poches.
La crise a bon dos, surtout pour diminuer les budgets qui concernent les plus démunis comme cette mission, qui, je le rappelle, est intitulée « Solidarité, insertion et égalité des chances », et qui subit une baisse de 2,7 %. Au moment même où, et tous les observateurs le disent, les Français n’ont jamais autant eu besoin d’un véritable système de solidarité, l’enveloppe générale de cette mission baisse, à structure constante, de 342 millions d’euros par rapport à 2010, alors que ça devrait être exactement le contraire.
Nous le savons tous, la situation sociale est catastrophique. Les effets combinés de vos politiques de casse sociale et de la crise que nous vivons se traduisent par une paupérisation grandissante de notre société. Dans son rapport du 9 novembre dernier, le Secours catholique constatait, pour la seconde année consécutive, l’augmentation des situations de pauvreté : en 2009, près de 1 500 000 personnes ont eu recours à l’aide du Secours catholique, soit 80 000 personnes de plus qu’en 2008. (M. Roland Courteau s’exclame.) Parmi elles figurent de nombreuses familles monoparentales.
Le nombre de salariés en recherche d’emploi n’a cessé de croître, à l’exception du mois d’octobre dernier. La solidarité, l’insertion et l’égalité des chances ont d’énormes besoins. Vous ne les satisfaites pas.
Lorsqu’on examine les programmes dans le détail, on trouve des choses pour le moins surprenantes. De toute évidence, un transfert est opéré du programme 304 – Lutte contre la pauvreté – vers le programme 157 – Handicap et dépendance. Non pas que ce dernier ne le mérite pas, bien au contraire. Nous constatons simplement que lorsque le Gouvernement dit qu’il s’engage pour le handicap et qu’il augmente le budget qui y est affecté, cette annonce est certes mise à exécution, mais au détriment d’un autre budget, dans la même mission. On déshabille pauvre Pierre pour habiller pauvre Jacques.
M. Roland Courteau. Et oui !
Mme Isabelle Pasquet. Cela montre bien que ce n’est que de l’affichage.
M. Roland Courteau. Exact !
Mme Isabelle Pasquet. Concernant le RSA, comme vous le savez, notre groupe était – il le demeure – très dubitatif quant à l’efficacité de cette mesure.
Le rapporteur Paul Blanc constate une montée en charge lente du RSA activité, à cause de la crise. Je ne le conteste pas. Mais il me semble alors qu’un transfert devrait être opéré vers le RSA socle, ce qui n’est pas le cas. Cela devrait nous obliger à nous poser la question de l’efficacité, voire du bien-fondé d’une telle mesure.
Le RSA devait être un rempart contre la pauvreté, pour reprendre les termes de Martin Hirsch. Force est de constater que le nombre de salariés vivant avec des revenus en dessous du seuil de pauvreté est en augmentation.
Ainsi, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, un quart des salariés gagne moins de 830 euros par mois, selon une récente étude de l’INSEE. Et si on ajoute les conjoints et les enfants, ce sont 320 000 personnes qui sont concernées par la pauvreté.
Cette situation est confirmée par le rapport du Secours catholique, que j’ai déjà cité tout à l’heure : « Le travail pauvre ne recule pas malgré la mise en place du revenu de solidarité active en 2009 », précise Pierre Levené, secrétaire général du Secours catholique. Ce dernier ajoute que l’association rencontre, parmi les demandeurs d’emploi, « un plus grand nombre de personnes pour qui aucune perspective d’amélioration de l’emploi ne se dessine alors que la mise en place du RSA devait rendre l’emploi plus attractif ».
En outre, alors que le RSA est votre seule politique sociale, vous prévoyez d’amputer fortement ses crédits. Si la montée en charge devait s’accélérer, puisqu’il paraît que la crise tire à sa fin, que se passera-t-il ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
Mme Isabelle Pasquet. Avec 8,5 % de hausse, le programme Handicap et dépendance connaît dans sa globalité une hausse non négligeable, même si l’on sait sur quel programme le budget a été prélevé – je ne reviendrai pas sur ce point. Cependant, les différentes actions du programme sont très inégalement dotées et les financements restent très insuffisants.
L’année 2009 avait été dénoncée comme l’année noire du handicap, et le Gouvernement s’était engagé à donner plus de moyens à ce secteur. Malheureusement, l’année écoulée et le projet de budget pour 2011 annoncent, pour les professionnels de ce secteur, la continuation du recul de l’insertion professionnelle des personnes handicapés les plus éloignées de l’emploi.
De même, alors que l’action Ressources d’existence concernant l’AAH croît de 10,5 %, ce qui n’est pas négligeable, l’augmentation du montant mensuel moyen de l’AAH de 1,6 % semble très insuffisante pour parvenir à réaliser les promesses faites de revaloriser cette allocation de 25 % d’ici à 2012.
De plus, nous sommes encore bien loin d’un revenu équivalant au SMIC, réclamé par les associations. En tout cas, ce n’est pas cette très légère augmentation qui compensera ce que les personnes handicapées auraient pu obtenir si l’article 13 de la proposition de loi de Paul Blanc n’avait pas été supprimé, à la demande du Gouvernement. Je vous rappelle que cet article, jugé très important, permettait d’élargir le bénéfice de la prestation de compensation du handicap, ou PCH, à d’autres besoins jusqu’alors non pris en charge, à savoir les aides humaines dans leur ensemble. Cet article 13 aurait amélioré le pouvoir d’achat des personnes handicapées.
En matière de handicap, le Gouvernement ne peut pas faire de grandes déclarations et se contenter, pour couvrir ses engagements, de transférer une partie du budget à l’intérieur même de la mission dite « solidarité ».
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Par ailleurs, à l’heure où est évoquée la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale et alors que les besoins des personnes âgées croissent, il est étonnant de constater que l’action « personnes âgées » subit une perte de 20 % de ses crédits. La seule source de financement proposée est une éventuelle seconde journée de solidarité, ce que nous ne pouvons accepter. Une fois de plus ce sont les salariés qui paieront la politique de solidarité du Gouvernement.
M. Roland Courteau. En effet ! Toujours les mêmes !
Mme Isabelle Pasquet. D’une manière générale, l’argument utilisé pour ponctionner le budget du RSA est spécieux. Vous dites que les crédits alloués l’année dernière n’ont pas été consommés. Vous osez vous satisfaire de cette vision simpliste selon laquelle la non-consommation des crédits serait la preuve de l’inexistence des besoins, sans même chercher à comprendre pourquoi ces sommes ne parviennent pas jusqu’à ceux qui en ont besoin.
C’est ce même prétexte de la non-consommation des crédits que vous retenez pour décider une baisse des crédits alloués pour l’allocation personnalisée de retour à l’emploi, ou APRE, alors que nous savons tous que le dispositif est mal utilisé.
J’évoquerai en outre le programme Égalité entre les hommes et les femmes. Bien que celui-ci soit en légère hausse, il est très mal réparti et contient de véritables renoncements. L’année dernière, lors des débats sur le projet de loi de finances, la secrétaire d’État à la solidarité appelait de ses vœux « un dispositif beaucoup plus coercitif », afin que les entreprises respectent les obligations inscrites dans la loi du 23 mars 2006.
Qu’est-ce qui a changé depuis cette intervention ? La loi portant réforme des retraites, sous le prétexte qu’elle a prévu la mise en place d’une future obligation en matière d’égalité professionnelle, a repoussé, pour la mise en place dans les entreprises d’accord en matière d’égalité professionnelle, la date butoir au 1er janvier 2012, au lieu du 31 décembre 2010.
Enfin je voudrais dire un mot concernant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance. L’État n’a toujours pas abondé ce fonds alors qu’au moment du vote de la loi en 2007 il s’était engagé sur 150 millions d’euros afin de compenser les charges nouvelles pour les départements. L’État ignore la loi, ce qui lui a valu d’être condamné pour avoir tardé à publier les décrets constituant le fonds. Je reviendrai d’ailleurs sur cette question lors de l’examen de l’amendement de M. Paul Blanc.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, le projet de budget de la présente mission est loin de nous satisfaire. Dans cette période difficile pour tous et en particulier pour les plus démunis, la politique du Gouvernement n’est pas à la hauteur de la solidarité que nous estimons indispensable. La situation aurait nécessité des mesures bien plus ambitieuses, et un tout autre projet de budget. (Mme Gisèle Printz et M. Roland Courteau applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le présent budget montre que le Gouvernement poursuit en 2011 une politique volontariste en faveur de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances. Malgré les contraintes actuelles, les crédits de cette mission s’élèvent à plus de 12 milliards d’euros, et progressent sur plusieurs postes.
Je souhaite, ce soir, axer mon propos sur le budget du programme Handicap et dépendance, qui concerne 80 % des crédits de la mission. Je me concentrerai sur ce point, car face à l’être humain, et plus particulièrement lorsqu’il est vulnérable ou souffrant, nous sommes toujours appelés à un surcroît d’humanité de la part de la société afin que celle-ci accueille et aide ces personnes, ainsi que leur entourage familial.
En effet, selon la formule de Jean Vanier, « la personne handicapée est un homme à l’envers pour remettre les autres à l’endroit ». C’est sans doute cette vision qui nous a amenés à voter la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. C’est aussi cette vision qui a conduit le Gouvernement à augmenter le budget du programme Handicap et dépendance de plus de 8 %, respectant ainsi les engagements pris par le Président de la République, le 10 juin 2008, devant la Conférence nationale du handicap, ici créée. Ces engagements étaient les suivants : revaloriser de 25 % l’allocation aux adultes handicapés – AAH – d’ici à 2012, créer sur cinq ans 50 000 nouvelles places en établissements spécialisés pour personnes handicapées, et orienter plus systématiquement les bénéficiaires de l’AAH vers l’emploi.
L’allocation aux adultes handicapés, dont les crédits s’élèvent à 7,2 milliards d’euros, est revalorisée au rythme nécessaire pour atteindre les 25 % d’augmentation entre 2008 et 2012.
Néanmoins, les rapporteurs proposent de redéployer une partie des excédents du Fonds national des solidarités actives, ou FNSA, afin de sécuriser le financement de l’AAH. Ils considèrent en effet que le taux de progression de cette dernière sera supérieur à ce qui est envisagé, et qu’il faut prévenir tout risque de reconstitution de dettes vis-à-vis de la branche famille de la sécurité sociale. Il me semble qu’il s’agit d’une mesure de bon sens, la dotation destinée à financer le RSA étant fortement excédentaire. J’espère, madame la ministre, que vous y adhérerez.
Je souhaite à présent évoquer l’insertion des personnes handicapées. C’est en priorité par l’emploi en milieu ordinaire de travail que doit se réaliser cette insertion.
On peut se réjouir sur ce point de l’évolution de cette question depuis la loi du 11 février 2005, même s’il faut rester très exigeant dans ce domaine, y compris dans notre Haute Assemblée. N’oublions pas que la loi fixait pour objectif un taux d’emploi de 6 % des personnes handicapées dans les entreprises d’au moins 20 salariés, et que le taux d’emploi des personnes handicapées est d’environ 4 % dans la fonction publique, et avoisine 3 % dans le secteur privé.
Madame la ministre, je sais que la scolarisation des élèves handicapés constitue pour vous une exigence de tous les instants. La loi de 2005 a posé le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, ainsi qu’à un parcours scolaire continu et adapté. Il convient, là aussi, que des crédits budgétaires soient alloués à cette priorité, afin que le nombre d’enfants scolarisés en milieu ordinaire, qui a augmenté de 24 % depuis 2005, continue à progresser.
Il faut également favoriser l’accès des personnes handicapées aux formations supérieures, ce qui est pris en compte dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 27 millions d’euros. Des aides individuelles sont prévues, ainsi que des travaux immobiliers d’accessibilité. Grâce à cette politique volontariste, on dénombrait près de 11 000 étudiants handicapés à la rentrée 2009, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2008.
Enfin, lorsque le travail en milieu ordinaire n’est pas possible, la maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, peut décider d’orienter la personne handicapée vers le milieu de travail protégé.
Je constate, là aussi, que les moyens alloués au titre de l’exercice 2011, à savoir 1,2 milliard d’euros pour les aides au poste et 1,4 milliard d’euros pour le fonctionnement des établissements, sont en hausse de 3 %. Ils permettront de financer les 117 000 places existant dans les établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, et la poursuite du plan de création de places dans ces établissements, avec notamment l’ouverture de 1 000 places, prévue à la fin de l’année 2011.
Le taux d’occupation, d’ailleurs élevé, des établissements et services d’aide par le travail, de l’ordre de 98 %, témoigne de l’ampleur de besoins à satisfaire.
Je tiens enfin à souligner le rôle essentiel joué par les maisons départementales des personnes handicapées, guichets uniques d’accès aux droits et aux prestations, qui évaluent les besoins de la personne sur la base de son projet de vie.
Le texte que nous a présenté notre collègue Paul Blanc me paraît tout à fait important. Il entend résoudre les trois types de difficultés auxquelles sont confrontées les MDPH : l’instabilité de leurs personnels et la diversité de leurs statuts ; l’insuffisance de garanties à court terme sur leurs ressources ; certaines lourdeurs administratives.
J’espère simplement que nos amis députés auront à cœur de faire inscrire rapidement cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Toutes les personnes handicapées et les associations attendent que le processus soit mené à son terme le plus tôt possible.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Effectivement !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Notre rapporteur a déposé un amendement destiné à solder la dette cumulée de l’État sur les MDPH. Nous serons attentifs à vos explications sur ce sujet, madame la ministre.
Mes chers collègues, malgré les contraintes budgétaires actuelles, le Gouvernement reste fidèle à son engagement aux côtés de nos concitoyens les plus vulnérables, même s’il est conscient, comme nous, qu’à travers nos contraintes budgétaires, les personnes vulnérables nous manifestent notre propre vulnérabilité.
C’est pourquoi, sachons aussi, chacun à notre place, accompagner les masses budgétaires affectées, en suscitant des relations humaines pour passer de la dureté du chiffre à la profondeur du cœur !
C’est ce que vous affirmiez, madame la ministre, devant la mission d’information sur un autre sujet, les lois de bioéthique, mais qui rejoint celui-ci. Vous déclariez en effet : « Il s’agit de fonder des choix qui engagent notre avenir commun, qui décideront de la forme du monde où nous vivrons demain : société plus hospitalière, au sens premier du terme, ou au contraire une société toujours plus dure et normative, d’où la vulnérabilité serait écartée. »
Autrement dit, évitons, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, de passer d’un humanisme éthique à un humanisme procédural en la matière.
Au-delà de tout cela, le groupe UMP apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dans un contexte de grande insécurité sociale, de pessimisme et de pauvreté croissante à tous les niveaux.
Les statistiques d’accueil du Secours catholique en 2009, dont les résultats ont été rendus récemment, montrent que le nombre de personnes accueillies est en constante augmentation depuis deux ans. Il s’agit notamment du nombre de jeunes de moins de 25 ans, d’actifs et de ménages, avec un ou plusieurs enfants, qui sollicitent une aide.
Parfois, cela va très vite, il suffit que l’un des parents perde son travail et c’est toute la famille qui bascule dans la pauvreté.
Certaines familles vivent avec 1,50 euro par jour et par personne ! Plus grave, le Secours catholique affirme que 70 % des personnes précaires, vivant avec 548 euros en moyenne par mois, ne font pas confiance aux dispositifs sociaux en place, qu’ils jugent trop complexes. Certains renoncent même à effectuer les démarches !
Malgré cela et en dépit des effets de la crise particulièrement visibles, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont en baisse. Ils s’élèvent à 12,3 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 12,7 milliards d’euros en 2010, soit une baisse effective de 2,7 %.
C’est le programme concernant la lutte contre la pauvreté, consacré pour l’essentiel au RSA, qui fait l’objet de la plus forte baisse : 705 millions d’euros, alors que les crédits pour 2010 s’élevaient à 1 607,6 millions d’euros, soit une réduction de 56 % ! C’est un désengagement évident de l’État.
Sous le prétexte d’une montée en charge plus lente que prévue du RSA, plus particulièrement du RSA activité, vous réduisez fortement la subvention budgétaire accordée au Fonds national des solidarités actives en 2011. Or, le dispositif est, de l’avis de tous, insuffisant, pour ne pas dire inexistant, en matière d’accompagnement, pourtant indispensable à la réussite de chaque individu pour sortir de la situation dans laquelle il se trouve.
Au lieu d’intervenir pour remédier aux dysfonctionnements occasionnés pas la mise en œuvre de ce dispositif et de donner les moyens nécessaires aux conseils généraux, que vous asphyxiez par ailleurs, vous diminuez les crédits de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, ou APRE, qui passent de 150 millions d’euros à 84 millions d’euros.
M. Roland Courteau. Quelle chute !
Mme Gisèle Printz. Les conditions d’attribution de cette aide devraient, d’ailleurs, être complètement revues. Uniquement liées à l’emploi occupé, elles sont beaucoup trop restrictives. Pour être vraiment efficace, l’aide devrait intervenir, de l’avis de tous, en amont, c’est-à-dire avant l’accès à l’emploi.
On peut aujourd’hui sérieusement se demander si le RSA a atteint ses objectifs par rapport au RMI. Il est permis d’en douter. Le RSA activité apporte un complément de revenu à environ 640 000 foyers, dont il faut déduire les pertes de droits connexes tant nationaux que locaux, notamment en matière de prime pour l’emploi. Un point noir en la matière est la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, dont le plafond d’accès est de 634 euros par mois pour une personne seule.
Il ne faut pas oublier que le RSA activité est une véritable trappe à bas salaires et à temps très partiels, puisqu’une partie du salaire est financée par la collectivité et non par l’employeur, qui bénéficie, par ailleurs, des exonérations de cotisations sociales patronales sur les contrats aidés comme sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC.
Seulement 30 % des emplois du RSA activité sont des contrats à durée déterminée de six mois ou des contrats à durée indéterminée. Parmi les personnes concernées, 55 % travaillent moins d’un mi-temps, 28 % entre un mi-temps et un trois quarts de temps, et seulement 17 % davantage !
De plus, une récente enquête auprès des centres communaux d’action sociale, ou CCAS, a montré que le RSA activité n’a pas entraîné de baisse des demandes d’aides facultatives. Les résultats restent donc modestes.
Pour ce qui est du programme Handicap et dépendance, il concentre à lui seul près de 80 % des crédits de la mission avec 9,9 milliards d’euros dont 7 milliards pour l’AAH, soit une augmentation d’environ 10 %, censée permettre aux 885 000 bénéficiaires la poursuite du plan de revalorisation de 25 % sur cinq ans.
À terme, elle devrait atteindre 776,6 euros, ce qui reste encore bien au-dessous du seuil de pauvreté, à savoir 949 euros pour une personne seule.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Gisèle Printz. Les personnes qui sont dans l’impossibilité de travailler n’ont donc aucune garantie, à terme, de l’attribution d’un revenu d’existence décent. Plus que jamais, une réforme importante de la politique des ressources des personnes handicapées est nécessaire. L’AAH doit être augmentée de façon importante. Je rappelle que nous souhaitons obtenir la parité de l’AAH avec le SMIC.
Concernant les maisons départementales des personnes handicapées, je rappelle que l’État s’était engagé, dans les conventions constitutives, à apporter sa contribution en moyens humains et financiers, à hauteur des moyens consacrés aux dispositifs auxquels les MDPH ont succédé.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Gisèle Printz. Dans la pratique, il n’a pas respecté ses engagements initiaux.
M. Roland Courteau. Encore une fois !
Mme Gisèle Printz. Il en résulte aujourd’hui une dégradation dans leur fonctionnement – difficultés financières et instabilité de leurs personnels –, alors même que de nouvelles missions leur sont confiées.
Un effort financier est proposé, puisque les crédits de cette action devraient passer de 21,7 millions à 47,2 millions d’euros pour financer le fonctionnement courant et pour compenser les insuffisances de l’État, mais il n’en demeure pas moins que la dette des MDPH ne sera pas soldée.
Nous attendons d’autres propositions, madame la ministre, pour améliorer le fonctionnement des MDPH. Les indicateurs montrent qu’elles mettent plus de trois mois et demi à traiter un dossier, moyenne qui cache, en outre, des inégalités entre les territoires dans notre pays.
M. Roland Courteau. C’est vrai aussi !
Mme Gisèle Printz. S’agissant toujours du handicap, sachez que nous regrettons l’absence d’un secrétariat d’État dédié aux handicapés.
Nous dénonçons un nouveau désengagement de l’État à l’égard des personnes handicapées, dans le cadre de cette loi de finances, puisqu’il a été décidé de transférer une grande part de ses compétences en matière de formation et d’emploi des personnes en situation de handicap vers l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, ou AGEFIPH.
C’est un recul des droits car l’AGEFIPH a pour mission de favoriser l’insertion des personnes en milieu ordinaire de travail et non d’assurer leur formation.
Pour nous, l’emploi des personnes handicapées doit être traité dans le cadre du droit commun du travail, c’est une question de dignité.
Je souhaite, enfin, dire quelques mots sur le programme Égalité entre les hommes et les femmes. L’an dernier, à pareille époque, nous déplorions l’insuffisance des moyens qui y étaient consacrés.
Force est de constater que nous n’avons pas été entendus, puisque, cette année, tous les postes sont en baisse, à l’exception des crédits en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes,…
M. Roland Courteau. Heureusement !
Mme Gisèle Printz. … crédits portant principalement sur le fonctionnement d’un centre d’appel téléphonique d’urgence, le 39-19, comme l’indiquait notre collègue Paul Blanc dans son rapport en commission des affaires sociales.
La lutte contre les violences faites aux femmes a été décrétée grande cause nationale en 2010, il faudra en dresser un bilan. Mais n’oublions pas que l’argent reste le nerf de la guerre.
La loi que nous avons votée cette année, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, aura besoin de beaucoup de moyens pour fonctionner,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Gisèle Printz. … afin que puissent être mises en œuvre toutes ses dispositions, notamment la généralisation du port du bracelet électronique pour les conjoints violents.
Mme Gisèle Printz. Il faut aussi prévoir un suivi psychiatrique du conjoint violent, afin de ne plus laisser dans l’insécurité les femmes victimes de violences conjugales.
M. Roland Courteau. Il faut aider les associations !
Mme Gisèle Printz. Cela mis à part, on se rend compte que l’État ne se donne toujours pas vraiment les moyens de parvenir rapidement à une réelle égalité entre les deux sexes, comme en témoigne la dissolution progressive du Service des droits des femmes et de l’égalité.
En effet, ce service sert aujourd’hui à financer l’ensemble des associations remplissant des missions de service public et d’intérêt général, tels le planning familial ou les centres d’information sur les droits des femmes et des familles.
Depuis la mise en place de la révision générale des politiques publiques, le Service des droits des femmes et de l’égalité souffre d’un important déficit de moyens, qui paralyse son action.
Les crédits baissent aussi en matière d’égalité professionnelle, alors que les inégalités salariales perdurent et que l’accès à la formation professionnelle reste discriminant.
Il est indispensable d’agir, en amont, sur l’orientation professionnelle des filles, pourtant, on se contente du minimum. Il est regrettable de constater, aujourd’hui, dans les indicateurs de performance de la loi de finances pour 2011, qu’en terminale Sciences et technologies industrielles, dite STI, on ne compte que 10 % de filles, objectif prévu en 2010, avec une cible de 10,5 % en 2013. À ce rythme-là, il faudra plusieurs siècles pour arriver à 50 % de filles en terminale STI ! Mais comment peut-il en être autrement quand l’État ne consacre que 5 millions d’euros à l’égalité professionnelle ?
Il reste beaucoup à faire pour parvenir à l’égalité réelle entre hommes et femmes, mais, surtout, il faut s’en donner les moyens.
Je tiens à rappeler que le Gouvernement vient de montrer son peu d’égard pour la situation des femmes dans deux textes majeurs : la réforme des retraites et, surtout, la réforme des collectivités territoriales.
M. Roland Courteau. Ça, c’est vrai !
Mme Gisèle Printz. Il le démontre encore aujourd’hui avec ce budget peu ambitieux.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2011. (M. Roland Courteau et Mme Isabelle Pasquet applaudissent.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Toujours plus !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’être présents, avec Marie-Anne Montchamp et moi-même, en cette heure avancée de la nuit.
Dans le contexte de sortie de crise que nous connaissons, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » occupe une place centrale, tous les orateurs en sont convenus.
Je voudrais rappeler les principales priorités de cette mission : accroître l’engagement financier du Gouvernement envers les personnes en situation de handicap, soutenir une politique volontariste d’égalité entre les femmes et les hommes ; engager l’État en faveur des familles les plus vulnérables ; enfin, mettre l’accent sur l’accompagnement des personnes vers l’emploi, à travers le revenu de solidarité active.
Premièrement, avec un programme de 9,9 milliards d'euros, en augmentation de 8,6 %, les personnes handicapées occupent une place essentielle dans la mission « Solidarité ». Les engagements pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 seront tenus.
Il s’agit, tout d’abord, de la revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés, qui représente un effort sans précédent de la solidarité nationale, à hauteur de 2,3 milliards d’euros en cinq ans. Vous avez été plusieurs – M. Cazalet, Mme Hermange, M. Paul Blanc – à saluer cette mesure.
Dans le projet de loi de finances pour 2011, l’AAH augmente de 704 millions d'euros, pour un total de 6,9 milliards d’euros. J’ai entendu les recommandations de prudence de Paul Blanc sur l’évaluation du montant inscrit pour 2011. Je note aussi qu’Albéric de Montgolfier donne acte au Gouvernement d’un progrès dans la sincérité de la budgétisation de l’AAH, et je l’en remercie.
Je crois que le montant de 6,9 milliards d’euros de l’AAH est maintenant correctement estimé et qu’il est plus précis que celui qui avait été prévu pour 2010 : nous avons entendu les recommandations de la Haute Assemblée sur ce point.
En tout état de cause, il n’y a plus de dette de l’État vis-à-vis de la CNAF pour le versement de l’AAH et nous sommes attentifs à ce qu’une telle situation ne se reproduise pas.
Au-delà de la question des ressources, c’est l’intégration des personnes handicapées dans l’emploi qui doit être notre objectif.
Comme l’a fort bien souligné Mme Hermange dans son excellente intervention, cette intégration commence par la scolarisation des enfants handicapés. Elle passe aussi par l’accompagnement des personnes handicapées dans l’emploi, en particulier par le biais de la formation.
Le bilan à cet égard est positif, même s’il peut évidemment encore être amélioré – je pense à l’accessibilité effective des locaux de formation. Je voudrais saluer les résultats positifs de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, qui dispose de programmes spécifiques pour les travailleurs handicapés, le travail des centres de rééducation professionnels, les CRP, et la mobilisation de ces acteurs essentiels que sont l’AGEFIPH, l’Association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, et les conseils régionaux.
Faciliter l’accès d’une personne handicapée à l’emploi, c’est aussi éviter qu’elle n’y perde financièrement quand elle accède à un travail. C’est la raison pour laquelle nous améliorons le mécanisme de cumul entre allocation et salaire pour faire plus simple, plus équitable et plus incitatif.
Le décret qui organise ce mécanisme entre en vigueur dès janvier prochain : le cumul entre le salaire et l’AAH sera possible jusqu’à 1,32 fois le SMIC, contre 1,1 aujourd’hui.
Nous mettons en place les conditions d’un véritable accompagnement vers l’emploi des attributaires de l’AAH : depuis 2009, ceux-ci bénéficient systématiquement d’un bilan professionnel et les personnes en capacité d’accéder à l’emploi sont automatiquement reconnues « travailleurs handicapés ».
Aider les personnes handicapées à accéder à l’emploi, c’est aussi offrir, à certaines d’entre elles, la possibilité d’intégrer une structure médico-sociale d’aide par le travail.
Là encore, il s’agit de la réalisation d’un engagement du Président de la République : 1 000 places dans les ESAT, c'est-à-dire les établissements et service d’aide par le travail, seront créées en 2011, en plus des 117 211 places existant à ce jour. Les crédits qui sont consacrés à ce dispositif s’élèvent à 2,6 milliards d’euros pour 2011. Ils sont en augmentation de 2,9 % par rapport à 2010.
En plus de cet effort sur les créations de places, nous dégageons des crédits d’investissement, à hauteur de 12 millions d’euros, pour financer, entre 2011 et 2013, la remise aux normes des établissements qui en ont besoin.
Mme Hermange, ainsi que M. Paul Blanc, me semble-t-il, ont évoqué la place centrale des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.
Je tiens à souligner les progrès qui ont été possibles grâce à ces structures : après des difficultés au démarrage et malgré quelques points noirs ici ou là, les MDPH se sont imposées dans le paysage du handicap.
Une partie des difficultés résiduelles sont liées, je le reconnais, aux conditions de la mise à disposition de personnels de l’État. Comme Mme Hermange, je veux souligner les solutions qui sont apportées au travers de la proposition de loi de M. Paul Blanc, qui a été adoptée par le Sénat le 25 octobre dernier et qui sera examinée très prochainement par l’Assemblée nationale, me semble-t-il. Ce texte permettra une meilleure intervention des MDPH et leur offrira des garanties financières renforcées.
S’agissant de la contribution de l’État à ces maisons, nous tiendrons nos engagements. Pour 2010, tous les postes laissés vacants par des fonctionnaires mis à disposition par l’État ont donné lieu à une compensation, dès cette année. Pour la dette restante des années 2006 à 2009, le projet de loi de finances rectificative prévoit un versement qui solde – enfin ! – ce contentieux, et je m’en réjouis.
Deuxièmement, je voudrais évoquer le droit des femmes, à propos duquel Mmes Printz et Pasquet sont intervenues. C’est un thème qui me tient à cœur, particulièrement au lendemain de la journée nationale de lutte contre les violences conjugales.
Madame Printz, je vous rappelle tout d’abord que l’Assemblée nationale a augmenté de 2,5 millions d’euros les crédits du programme en faveur des femmes, qui s’accroîtront ainsi de 7 %. Le Gouvernement ne reviendra pas sur cet effort particulier voulu par l’Assemblée nationale et que le Sénat a souhaité également saluer.
M. de Montgolfier m’a interrogé sur la répartition des crédits de ce programme. Le nombre d’associations qui sont soutenues est effectivement important. Certains ont parlé de saupoudrage. Au contraire, je crois qu’il s'agit d’une façon de saluer un tissu associatif très dense et réticulé, car les actions menées dans ce secteur, même si elles s’inscrivent dans le cadre d’axes définis à l'échelle nationale, doivent trouver leur traduction au niveau local.
Toutes les mesures financées au travers de ce programme reflètent la volonté forte du Gouvernement d’agir en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le dernier plan en date de lutte contre les violences conjugales arrive à son terme. Les résultats en sont positifs, car il a permis d’améliorer la sensibilisation du grand public. La plateforme téléphonique du 39-19 est de mieux en mieux connue. Elle rencontre un vrai succès. On peut d'ailleurs le regretter, car il montre que les violences sont très importantes, mais au moins ce numéro est-il largement diffusé auprès des femmes.
Nous avons élargi notre approche des violences au sein du couple : pour la première fois, la question, trop longtemps ignorée, des enfants témoins de ces violences a été prise en compte. Le cadre juridique de protection des femmes victimes a ainsi considérablement évolué cette année avec la loi du 9 juillet 2010. À cet égard, je veux rendre hommage à notre collègue Nadine Morano, qui a été une fervente partisane de ce texte extrêmement important.
Comme je l’ai annoncé, je présenterai, avant la fin de l’année, un troisième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Je veux rassurer Mme Pasquet : le Gouvernement ne relâchera pas ses efforts.
Je veux également apaiser les craintes de Mme Printz sur l’avenir du service du droit des femmes, de ses déléguées au plan local et des moyens qui leur sont consacrés.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, la mécanique budgétaire a été modifiée : il a été décidé de transférer les dépenses de personnel du programme 137 vers le programme 124, le programme support du ministère qui regroupera désormais l’ensemble des dépenses du personnel de la mission.
Il s’agit d’une mesure de simplification administrative, mais les moyens humains de la politique en faveur du droit des femmes continueront de faire l’objet d’un suivi particulier en crédits et en emplois.
Troisièmement, le soutien aux familles est renforcé dans ce projet de loi de finances. Ce programme atteindra 232 millions d’euros l’an prochain.
Je veux d’emblée apporter un éclairage sur la baisse apparente des crédits.
D’une part, le transfert de l’allocation de parent isolé aux départements d’outre-mer, avec la mise en place du RSA en outre-mer, diminue de 12,5 millions d'euros la dépense retracée dans le programme 106. Toutefois, les départements d’outre-mer retrouvent bien sûr un montant équivalent grâce à un transfert de TIPP.
D’autre part, la diminution toute relative du financement des actions en faveur de la politique d’aide à la parentalité est plus que compensée par l’augmentation des crédits qui ont la même finalité et qui sont prévus dans le cadre de la COG, la convention d’objectifs et de gestion, 2009-2012, signée entre l’État et la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales : d’ici à 2012, ces crédits augmenteront de 15,5 % par an, pour atteindre 53 millions d’euros en 2012.
J’en viens au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, dont nous aurons l’occasion de débattre dans quelques instants, lors de l’examen des amendements.
Je rappelle que l’État n’a pas l’obligation de compenser intégralement les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la loi, car ce texte n’a pas créé de compétences nouvelles, ni étendu celles qui existaient déjà.
S’agissant des départements, le Gouvernement a pris plusieurs mesures récemment.
Tout d'abord, un fonds de soutien aux départements en difficulté sera mis en place. Ce sont 75 millions d'euros qui seront ainsi répartis et prévus dans le projet de loi de finances rectificative, afin de tenir compte de l’évolution de l’APA.
Ensuite, un deuxième fonds, également doté de 75 millions d'euros, sera institué pour apporter un soutien, contractualisé avec les départements les plus en difficulté.
Enfin, le Gouvernement a accepté de revaloriser la compensation du RSA pour 35 départements, en reconduisant le montant versé en 2010, alors que la loi prévoyait un ajustement au vu de la dépense constatée dans le compte administratif.
Plus généralement, en ce qui concerne l’action du Gouvernement en faveur de l’enfance, je voudrais rappeler l’apport majeur des états généraux consacrés à cette question, qui se sont tenus d’avril à mai 2010 à la demande du Président de la République.
Parmi les 19 mesures annoncées, certaines sont prioritaires. J’en citerai seulement trois.
Tout d'abord, le Comité national de soutien à la parentalité, qui a d'ailleurs été installé il y a quelques jours par Nadine Morano, rendra plus efficace le pilotage des dispositifs en la matière.
Ensuite, le décret qui doit favoriser le suivi de l’enfant bénéficiaire de l’aide sociale lorsque la famille change de ville ou de département sera publié d’ici à quelques jours.
Enfin, des tests des logiciels de contrôle parental seront lancés, avec l’objectif d’en faire une norme expérimentale AFNOR.
Bien d’autres mesures, tout aussi importantes, telles que le livret de parentalité, ou encore l’accès aux soins bucco-dentaires pour les enfants en situation de pauvreté, seront mises en œuvre au premier semestre de 2011.
Quatrièmement, le revenu de solidarité active constitue un axe majeur de la politique du Gouvernement pour les publics les plus fragiles.
Il a été mis en œuvre dans une période difficile et il n’a jamais aussi bien répondu à ses objectifs, à savoir lutter contre la pauvreté et inciter à la reprise d’activité.
Monsieur de Montgolfier, nous aurons l’occasion de débattre du montant du Fonds national des solidarités actives, le FNSA, et de l’existence ou non d’excédents.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Il y en a.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je sais, en effet, que le budget du RSA pour 2010 avait déjà suscité vos inquiétudes et motivé des amendements d’économie. Vous notiez, alors, un risque de budgétisation excessive. Vous aviez raison !
Ce n’était pas moi qui défendais ces crédits. Toutefois, je suis solidaire de cette décision et je reconnais notre erreur.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Errare humanum est, perseverare diabolicum !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Décidément, vous lisez trop les pages roses du dictionnaire, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. J’ai seulement quelques réminiscences latines.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je reconnais donc que les chiffres vous donnent raison. Pour 2010, la prévision de dépense a ainsi été ramenée de 2,9 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 à 1,3 milliard d’euros dans la prévision d’exécution. C’est plus qu’une division par deux ! Vous voyez que nous ne persévérons pas et que nous ne sommes donc pas diaboliques. (Nouveaux sourires.)
Nous avons tiré les conséquences de cette réalité : en 2011, nous estimons que, compte tenu de la tendance actuelle, la dépense devrait être de 1,8 milliard d’euros.
Ces montants sont très inférieurs tant à ce qui vous a été présenté l’an dernier qu’aux résultats de vos propres calculs. C’est pourquoi je suis persuadée qu’il n’y a plus les marges suffisantes pour diminuer cette année la contribution de l’État au FNSA.
Les montants retenus aujourd’hui sont réalistes et éprouvés. Il est vrai que nous disposons de davantage de recul pour évaluer la nouvelle prestation : alors que, l’an dernier, nous avancions à l’aveugle, nous pouvons maintenant nous appuyer sur une histoire.
Ces sommes tiennent compte d’une montée en charge qui prend du temps, certes, mais qui n’est pas plus lente que prévue. Le plan de simplification lancé par Marc-Philippe Daubresse à l’été prochain permettra de la soutenir.
Au travers du « RSA jeunes », le Gouvernement vise deux objectifs : un objectif d’équité, en mettant fin à la barrière de l’âge, et un objectif de soutien aux jeunes déjà engagés dans la vie professionnelle.
Monsieur de Montgolfier, je ne partage pas votre avis quand vous estimez que les 75 millions d’euros prévus au titre du RSA jeunes représentent un montant trop élevé. Je note d’abord que plus de 10 839 dossiers avaient été enregistrés au 13 novembre dernier par les CAF, les caisses d’allocations familiales.
Par ailleurs, je signale surtout que la dotation 2010 de 20 millions d’euros ne valait que pour un trimestre. Il est donc bien normal qu’elle s’élève à 75 millions d’euros en année pleine. Je dirais même que nous avons fait une hypothèse de progression très prudente quant au nombre de bénéficiaires en ne retenant pas la somme de 80 millions d’euros.
De façon générale, pour le RSA de droit commun comme pour le RSA jeunes, il ne faut pas fragiliser le dispositif qui est encore en période de construction.
Le budget 2011 que Mme Marie-Anne Montchamp et moi-même vous présentons aujourd'hui est donc ambitieux, volontariste ; il respecte les engagements du Gouvernement tout en tenant compte de l’objectif de maîtrise des finances publiques. Il se fixe comme priorité le soutien à nos compatriotes les plus fragiles. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit également. )
Solidarité, insertion et égalité des chances
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.
État b
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Solidarité, insertion et égalité des chances |
12 371 119 497 |
12 365 211 446 |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
701 942 164 |
701 889 704 |
Actions en faveur des familles vulnérables |
232 239 877 |
232 222 625 |
Handicap et dépendance |
9 887 896 498 |
9 884 896 498 |
Égalité entre les hommes et les femmes |
21 161 635 |
21 160 248 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative |
1 527 879 323 |
1 525 042 371 |
Dont titre 2 |
779 824 217 |
779 824 217 |
M. le président. L'amendement n° II–20, présenté par MM. Cazalet et de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits de la mission et des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
||||
Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont titre 2 |
||||
TOTAL |
500 000 000 |
500 000 000 |
||
SOLDE |
- 500 000 000 |
- 500 000 000 |
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Nous sommes ici au cœur du sujet concernant le financement du RSA puisque le présent amendement a pour objet, comme l’année dernière, de réduire le déficit budgétaire de 500 millions d’euros et, par suite, les dépenses publiques.
La commission avait adopté cet amendement mais, depuis, le Gouvernement a annoncé le versement d’une prime de Noël de 375 millions d’euros et un fonds d’urgence pour les départements d’un montant de 75 millions d’euros qui sera voté lors du collectif budgétaire. On peut donc considérer que le contexte budgétaire a changé. Par conséquent, le présent amendement est évidemment sur-calibré. Il reste néanmoins un excédent de trésorerie, mais il est insuffisant pour assurer l’équilibre du fonds.
Il est donc possible d’affirmer à ce stade que les hypothèses sur lesquelles a été fondé le projet de loi de finances sont caduques, en particulier du fait de la prime de Noël que je viens d’évoquer. Il aurait été préférable de prévoir une telle disposition dans la loi de finances initiale ; cela nous aurait évité cette discussion.
À cette heure avancée, je vous livre un scoop : en 2011, il y aura un Noël. Dès lors, madame la ministre, y aura-t-il également une prime de Noël ? De votre réponse dépendra la position que la commission adoptera sur le présent amendement. En effet, s’il y a une prime de Noël en 2011, il n’y aura plus d’excédent dans le fonds et nous serons par conséquent amenés à retirer l’amendement.
En tout état de cause, il faudra sans doute rectifier ce dernier puisque les prévisions sont trop justes compte tenu des deux nouveaux prélèvements qui ont été décidés, à savoir 375 millions d’euros et 75 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme je le précisais à l’instant dans ma réponse aux différents orateurs, et vous l’avez bien montré, monsieur le rapporteur spécial, il existe des incertitudes quant au nombre exact d’allocataires du RSA activité.
La généralisation du RSA n’est intervenue qu’au 1er juin 2009 et l’évaluation précise de la réforme sur le volume des bénéficiaires doit encore être affinée.
Par ailleurs, il est vrai que les caractéristiques des travailleurs modestes sont mal appréciées dans les évaluations statistiques. En outre, les effets de la dégradation de la conjoncture économique méritent d’être mesurés ; c’est ce que nous faisons avec les travaux du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active et la Conférence nationale d’évaluation du RSA, dont la mission se poursuit en 2010 et se poursuivra en 2011.
J’ai bien lu le compte rendu des débats que vous aviez eus avec Martin Hirsch l’an dernier alors que celui-ci était haut-commissaire aux solidarités actives. Je l’ai reconnu et je le répète bien volontiers : les chiffres vous donnent raison. D’ailleurs, la Haute Assemblée – n’est-ce pas, monsieur le président de la commission des finances ? – est, en général, très forte sur les chiffres.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vive le Père Noël ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Arthuis, je vous fais un compliment ! À cette heure avancée, je pense avoir du mérite.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le prends comme tel et je dis : « Vive le Père Noël ! »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Messieurs les rapporteurs, les chiffres vous ont donc donné raison. La dépense 2010 n’a pas été à la hauteur de la prévision de Martin Hirsch. Pour 2010, la prévision de dépense totale du FNSA a été ramenée de 2,9 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 à 1,3 milliard d’euros, je l’ai dit voilà quelques instants.
Mais il n’est pas souhaitable de diminuer encore le montant du Fonds national des solidarités actives. Une réduction de 500 millions d’euros mettrait vraiment celui-ci, sinon en péril, tout au moins en situation de risque.
La contribution de l’État au FNSA prévue pour 2011 a été significativement revue à la baisse : 700 millions d’euros, au lieu de 1,6 milliard d’euros en 2010, soit une réduction de 58 %. Nous avons réellement tenu compte de vos observations. Ce nouveau montant reflète le rythme de montée en charge effective du RSA activité à la suite des effets de la crise économique.
En 2011, au vu de la tendance actuelle, nous estimons que la dépense totale du FNSA devrait être de 1,8 milliard d’euros, contre 1,3 milliard d’euros en 2010. Les projections que nous faisons confirment la solidité de ces prévisions.
Il ne faut pas non plus surestimer le montant de l’excédent du FNSA à la fin de l’année 2010. Il existera alors un excédent, mais il est réduit par deux décisions récentes, que vous avez soulignées, monsieur le rapporteur spécial : la reconduction de la prime de Noël, qui représente 377 millions d’euros, et les mesures de soutien aux départements prévues dans la loi de finances rectificative de fin d’année, pour un montant de 75 millions d’euros.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. C’est très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au total, à la fin de l’année 2010, l’excédent sera donc inférieur à 1 milliard d’euros, et non pas proche de 1,3 milliard d’euros.
Monsieur le rapporteur spécial, au bénéfice de ces révisions et par mesure de prudence, il me semble raisonnable d’en rester aux projections du Gouvernement. Nous apprécierions donc que vous retiriez votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir reconnu que nous avions raison. Ce n’est pas une satisfaction, c’est simplement la reconnaissance de la justesse des prévisions de la commission.
Je regrette toutefois, comme l’année dernière, que la prime de Noël n’ait pas été budgétée ab initio ; cela nous aurait évité ces discussions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Puisqu’il y aura sans doute un Noël en 2011, nous avons préféré avoir une réponse aussi claire. Qui dit Noël dit prime de Noël, depuis dix ans !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pourvu qu’il n’y ait pas de prime de Pâques ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. En ajoutant 375 millions – ou 377 millions – d’euros de prime de Noël et 75 millions d’euros d’aide aux départements au titre du collectif budgétaire, on obtient une somme de 450 millions d’euros. L’amendement est par conséquent sur-calibré. Compte tenu de ces explications et sous bénéfice d’inventaire sur 2011, nous sommes conduits à le retirer.
M. le président. L'amendement n° II–20 est retiré.
L'amendement n° II–21, présenté par MM. Cazalet et de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits de la mission et des programmes :
(en euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||
|
+ |
- |
+ |
- |
|
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
|||||
Actions en faveur des familles vulnérables |
1 000 000 |
1 000 000 |
|||
Handicap et dépendance |
|||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
|||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont titre 2 |
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TOTAL |
1 000 000 |
1 000 000 |
|||
SOLDE |
- 1 000 000 |
- 1 000 000 |
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La loi de finances octroie chaque année une subvention à l’Agence française de l’adoption, l’AFA, qui représente plus de 3,250 millions d’euros.
Nous avions procédé l’année dernière à un contrôle budgétaire sur cette agence et nous avions souligné son fonds de roulement confortable, de près de 3 millions d’euros. La convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et l’AFA prévoit d’ailleurs sa réduction progressive par une ponction de 225 000 euros en 2010 et de 250 000 euros en 2011.
Certes, il y a une baisse, mais elle est trop modeste au regard du montant disponible. C’est pourquoi le présent amendement a tout simplement pour objet de réduire la subvention accordée à l’AFA afin de diminuer son fonds de roulement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, votre estimation porte sur l’ampleur du fonds de roulement de l’AFA, 3 millions d’euros, dites-vous, ce qui est en effet important puisque cela représente à peu près l’équivalent de la dotation annuelle de l’Agence.
Sur ce sujet, je préciserai plusieurs points.
Tout d’abord, le projet de loi de finances pour 2011 intègre déjà une diminution de 500 000 euros de la subvention à l’AFA, puisque cette dernière passe de 3,7 millions d’euros à 3,2 millions d’euros, ce qui représente une baisse de 13 %, c’est-à-dire une baisse substantielle
Mme Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même entendons vos arguments. C’est la raison pour laquelle, par une diminution de la subvention pour charges de service public de 1 million d’euros, nous retenons votre proposition de diminuer de 1 million d’euros le fonds de roulement de l’Agence.
Cependant, si un effort supplémentaire doit être fait, il nous semble plus approprié qu’il soit opéré sous la forme d’un redéploiement au sein du programme 106. En effet, compte tenu des engagements multiples de l’État en matière de soutien à la parentalité, il est important que 1 million d’euros puissent être redéployés et donc de ce fait employés utilement sur d’autres actions de l’AFA au sein de ce programme.
Monsieur de Montgolfier, il convient de conserver des marges de manœuvre et de permettre, par le redéploiement en cours d’exercice, de disposer de ces marges. C’est pourquoi Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même vous serions reconnaissantes de bien vouloir retirer le présent amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Madame la secrétaire d’État, cela signifie très concrètement que vous avez tenu compte du constat de la commission des finances sur le fonds de roulement de l’Agence et que vous allez en conséquence diminuer la subvention de celle-ci.
Je rappellerai à cet égard les conclusions relatives au fonctionnement de l’Agence qui figurent dans notre rapport : le nombre d’adoptions est peu satisfaisant, alors qu’il existe une forte demande pour l’adoption internationale. Après l’épisode d’Haïti, on peut regretter que l’Agence ne soit pas plus active. Cela justifie d’autant plus nos remarques sur le fonds de roulement.
Nous avons bien noté votre engagement de diminuer de 1 million d’euros la subvention de l’État à l’Agence. Dans ces conditions, nous retirons l’amendement.
M. le président. L'amendement n° II-21 est retiré.
L'amendement n° II-155, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
225 000 000 |
225 000 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
||||
Handicap et dépendance |
225 000 000 |
225 000 000 |
||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
225 000 000 |
225 000 000 |
225 000 000 |
225 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Le présent amendement est fondé sur le même principe, à savoir retirer des crédits. En l’occurrence, il s’agit de retirer des crédits non pas sur le RSA, mais sur la dotation de l’État au RSA, ce qui n’est tout de même pas la même chose puisque le RSA est alimenté par une taxe, la dotation de l’État venant en complément.
Toutefois, un amendement de la commission des finances étant de même nature mais avec un montant différent, je retire le présent amendement au profit de celui qu’elle a déposé.
M. le président. L'amendement n° II-155 est retiré.
L'amendement n° II-19, présenté par MM. Cazalet et de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
||||
Handicap et dépendance |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont titre 2 |
||||
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Cet amendement, comme le précédent, a pour objet de constater la sous-budgétisation de l’AAH, même si, on l’a souligné, un effort particulier de budgétisation a été fourni cette année, l’allocation étant sans doute mieux calibrée.
Néanmoins, le besoin de financement est important, de l’ordre de 350 millions d'euros. C’est pourquoi cet amendement visait à réaffecter une partie des crédits du RSA à l’AAH.
M. le rapporteur pour avis a retiré l’amendement n° II–155. Les remarques que nous avons formulées tout à l’heure sur le moindre excédent qui diminue comme peau de chagrin nous conduisent à faire de même avec cet amendement : nous ne disposons plus de la marge de manœuvre que nous aurions souhaitée.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C’est la fonte des neiges !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Oui, encore une fois, c’est Noël et l’excédent que nous proposions de réaffecter pour partie à l’AAH a fondu au cours de cette soirée comme neige au soleil !
Forts de ce constat, nous retirons l’amendement n° II–19.
M. le président. L'amendement n° II–19 est retiré.
L'amendement n° II-154, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
100 000 000 |
100 000 000 |
||
Handicap et dépendance |
||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à transférer 100 millions d'euros prélevés sur la dotation de l’État au RSA vers l'action n° 3, Protection des enfants et des familles, du programme 106, Actions en faveur des familles vulnérables, comme la loi nous y oblige.
Dans l’un de ses rapports, la Cour des comptes a déjà fait remarquer que l’État ne remplissait pas ses obligations. La Caisse nationale des allocations familiales a prévu un financement de 30 millions d'euros. Il me paraît tout à fait logique que l’État participe également.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons eu l’occasion de discuter de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
En 2010, nous avons pris les mesures qui s’imposaient pour assurer l’existence du Fonds national de financement de la protection de l’enfance. La publication du décret d'application, au mois de mai dernier, a permis sa mise en œuvre. Son comité de gestion a réparti la ressource prévue par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, à raison de 10 millions d'euros par an.
Le texte ne prévoit pas que l’État ait l’obligation de compenser intégralement les charges incombant aux départements qui résultent de l’entrée en vigueur de la loi.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Si, à 70 % !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, celle-ci ne crée pas de compétences nouvelles, pas plus qu’elle n’étend celles qui existent : elle fixe les objectifs prioritaires de l’aide sociale à l’enfance et propose des mesures de réorganisation pour répondre aux situations de violence et de maltraitance.
C'est la raison pour laquelle il n’est pas pour l’instant prévu d’abonder par le budget de l’État le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, qui dispose par ailleurs de financements suffisants pour la période 2011-2012. Le comité de gestion, qui s’est réuni au mois de juillet dernier, a en effet réparti la ressource en retenant une répartition sur trois exercices de 10 millions d'euros par an. Ainsi, 7 millions d'euros seront consacrés à compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la loi et 3 millions d'euros seront destinés aux appels à projet.
Il ressort de l’évaluation que l’abondement de ce fonds est suffisant pour que celui-ci puisse faire face aux missions que la loi lui a confiées.
En outre, le projet de loi de finances rectificative pour 2010 prévoit déjà la mise en place d’un mécanisme de soutien aux départements – je l’ai évoqué tout à l’heure – à hauteur de 150 millions d'euros composé de deux fonds de 75 millions d’euros chacun.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II–154 est-il maintenu ?
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je souhaiterais connaître l’avis de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, la solidarité doit s’exercer ! En matière d’enfance, les départements sont soumis à rude épreuve.
Je prendrai un exemple précis. Des familles en situation irrégulière sont hébergées par l’État dans des résidences hôtelières et, une fois les procédures épuisées, il faudrait reconduites ces familles à la frontière, mais on n’obtient pas de jugement. Ces familles ont des enfants. Le département doit alors prendre en charge ces enfants. De telles situations ont tendance à se multiplier !
L’État doit faire montre de solidarité envers les départements. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que, si le FNSA a largement fondu, puisqu’il faut prévoir, principe de précaution oblige, le versement de la prime de Noël 2010 et celle de Noël 2011, il reste tout de même 60 millions à 70 millions d'euros.
Peut-être la commission des affaires sociales et la commission des finances pourraient-elles s’accorder sur un amendement à 50 millions d'euros…
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Puis-je faire respectueusement remarquer à Jean Arthuis que l’exemple qu’il a pris ne correspond nullement aux missions du FNPE ? La prise en charge des enfants de familles en situation irrégulière qui attendent une reconduite à la frontière n’est pas du tout prévue par la loi de 2007. Il s’agit là d’un autre débat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’État nous transfère les prises en charge de l’enfance !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument. C’est d’ailleurs pour cette raison que des mécanismes de compensation de prise en charge et de soutien aux départements en difficultés financières – les deux enveloppes de 75 millions d'euros chacune – ont été proposés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Sur cette affaire, je veux témoigner de mon esprit d’ouverture. Si vous en êtes d’accord, le Gouvernement peut déposer un sous-amendement prévoyant un transfert de 10 millions d'euros, ce qui correspond au montant de la ressource actuellement versée par la CNAF.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je me rallie à la proposition de la commission des finances, à savoir 50 millions d'euros, et rectifie mon amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II–154 rectifié, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
|||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||
|
+ |
- |
+ |
- |
|
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
50 000 000 |
50 000 000 |
|||
Actions en faveur des familles vulnérables |
50 000 000 |
50 000 000 |
|||
Handicap et dépendance |
|||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
|||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
|||||
TOTAL |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
50 000 000 |
|
SOLDE |
0 |
0 |
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je souhaite néanmoins que l’effort du Gouvernement, qui proposait un transfert de 10 millions d'euros, soit salué !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. C’est vrai !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Avant d’aborder le fond du débat, je tiens à souligner le caractère surréaliste de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Si cet amendement est déposé, c’est tout simplement parce que l’État refuse de participer au financement du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, et ce malgré ses obligations légales !
Mme Isabelle Pasquet. Pouvoir exécutif, le Gouvernement est tenu d’exécuter et d’appliquer les lois votées par le Parlement et promulguées par le Président de la République. Concernant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, il est temps que cette question soit réglée, car le refus de l’État d’honorer ses dettes...
Mme Isabelle Pasquet. ... ne constitue qu’un épisode de plus dans une affaire qui remonte à 2007.
En effet, je l’ai d’ailleurs rappelé au début de l’examen des crédits de cette mission, le Gouvernement a tardé à créer ce fonds. Il aura fallu attendre une injonction du Conseil d’État, le 29 décembre 2009, pour qu’il soit créé le 17 mai 2010.
La question semblait enfin réglée, mais, aujourd’hui, l’État traîne encore des pieds pour verser les sommes qu’il doit.
Le conseil général de Saône-et-Loire a fait condamner l’État pour avoir tardé à promulguer le décret constituant ce fonds. Une indemnité de 100 000 euros lui a été accordée par le juge. Or l’État veut, en 2010 et 2011, déduire cette indemnité de la compensation que le Fonds versera à ce département.
La CNAF a, quant à elle, versé et provisionné les sommes qu’elle devait en attendant la création du fonds. Les départements ne sauraient continuer à supporter seuls cette charge transférée.
Ce qui est grave, c’est que, faute de moyen, les services de la protection de l’enfance ont dû abandonner de nombreuses actions, notamment celles qui ont un caractère expérimental et dont les bénéficiaires sont sélectionnés par appel d’offres.
Ce refus de paiement tendrait à faire croire que l’État n’accorde que peu d’importance à la protection de l’enfance. Je n’ose croire que ce soit possible.
En déposant cet amendement, il semble que, d’une certaine façon, M. Paul Blanc vienne au secours du Gouvernement. Certes, cela part d’une bonne intention et nous sommes bien sûr favorables au financement de ce fonds, mais nous déplorons que cela se fasse au détriment d’une autre action, en l’occurrence le RSA.
L’excédent du FNSA devient une véritable source de financement pour combler les insuffisances des autres programmes.
Si votre objectif était de remettre en cause le RSA, nous pourrions en discuter sérieusement car nous estimons que c’est une mauvaise mesure. Les excédents du FNSA doivent être redéployés sur des actions en faveur de l’emploi, à l’intérieur du programme 106.
Transférer 50 millions au Fonds national de financement de la protection de l’enfance en les prélevant sur le Fonds national des solidarités actives nous paraît une fausse bonne idée. C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Nous saluons l’énergie déployée par la commission des affaires sociales pour tenter de trouver une solution à l’absence de financement du Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Seuls 30 millions d’euros sur trois ans sont prévus par la CNAF. Une fois encore, l’État se désengage et ne remplit pas ses obligations.
Cependant, cet abondement ne peut se faire au détriment des bénéficiaires du RSA. Certes, la montée en charge de ce dispositif est lente, mais nous ne pouvons cautionner l’attitude qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul !
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement me laisse sceptique. Madame la ministre l’a très bien rappelé, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’a pas vocation à prendre en charge les enfants les plus vulnérables : il a été créé pour mettre en œuvre la réforme de la protection de l’enfance et la coordination des politiques en la matière.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Par conséquent, je suivrai l’avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Pasquet, l’avis du Conseil d’État que vous avez cité portait non pas sur le versement d’une quelconque subvention par l’État, mais sur le fait que le Fonds n’avait pas été créé et que ses modalités de fonctionnement n’avaient pas été précisées. Tout est en ordre maintenant que les textes ont été pris.
Je tenais à rappeler les contours juridiques de cette affaire, car je ne peux laisser dire que l’État a été condamné pour non-versement d’une subvention.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est incroyable !
M. le président. L'amendement n° II–153, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
18 200 000 |
18 200 000 |
||
Actions en faveur des familles vulnérables |
||||
Handicap et dépendance |
18 200 000 |
18 200 000 |
||
Égalité entre les hommes et les femmes |
||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
||||
TOTAL |
18 200 000 |
18 200 000 |
18 200 000 |
18 200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. J’ai cru comprendre d’après vos déclarations, madame la ministre, que cet amendement était satisfait. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L’amendement n° II-153 est retiré.
L'amendement n° II-76 rectifié, présenté par Mmes Férat et Dini, MM. Détraigne, Merceron, Amoudry, J.L. Dupont et J. Boyer et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
|||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||
|
+ |
- |
+ |
- |
|
Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales |
500 000 |
500 000 |
|||
Actions en faveur des familles vulnérables |
500 000 |
500 000 |
|||
Handicap et dépendance |
|||||
Égalité entre les hommes et les femmes |
|||||
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associativeDont Titre 2 |
|||||
TOTAL |
500 000 |
500 000 |
500 000 |
500 000 |
|
SOLDE |
0 |
0 |
Cet amendement n’est pas soutenu.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’État B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion les articles 87, 87 bis et 87 ter qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Solidarité, insertion et égalité des chances
Article 87
I. – Pour l’année 2011, par exception aux dispositions de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, le fonds national des solidarités actives finance la totalité des sommes payées au titre de l’allocation de revenu de solidarité active versée aux personnes mentionnées à l’article L. 262-7-1 du même code.
II. – Pour les années 2011 et 2012, le fonds mentionné au I finance les sommes versées et les frais de gestion dus au titre du revenu supplémentaire temporaire d’activité. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 87
M. le président. L'amendement n° II–113, présenté par Mmes Printz, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny, Jeannerot et Cazeau, Mmes Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Godefroy, Desessard, Kerdraon, Gillot, Le Menn, S. Larcher, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 87, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 226-13 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 226-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 226-14. - I. - Il est créé un Fonds national de financement de la protection de l'enfance au sein de la Caisse nationale des allocations familiales. Son objet est de compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, selon des critères nationaux et des modalités fixés par décret, et de favoriser des actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection de l'enfance et définies par voie conventionnelle entre le fonds et ses bénéficiaires.
« II. - Les ressources du fonds sont constituées par :
« 1° Un versement de la Caisse nationale des allocations familiales, dont le montant est arrêté en loi de financement de la sécurité sociale ;
« 2° Un versement annuel de l'État, dont le montant est arrêté en loi de finances.
« III. - Le fonds est administré par un comité de gestion associant des représentants de la Caisse nationale des allocations familiales, des représentants des départements et de l'État, selon les modalités fixées par décret. Par une délibération annuelle, il se prononce sur l'opportunité de moduler les critères de répartition du fonds définis au I. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Trois ans après la loi du 5 mars 2007 reformant la protection de l'enfance, le décret créant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance est enfin sorti, une publication in extremis faisant suite à une injonction du Conseil d’État, mais qui a fait l’objet de deux avis défavorables tant du Comité des finances locales que de la commission consultative d’évaluation des normes.
Ce sont deux avis négatifs en effet, car le compte n’y est toujours pas, madame la ministre ! Le décret ne répond aucunement à l’esprit de la loi. Ce fonds n’a pas vocation à compenser les désengagements financiers de l’État en matière d’aide à la parentalité, de soutien aux familles vulnérables ! Son objet, pourtant très explicite dans l’article 27 de la loi réformant la protection de l’enfance, est uniquement de compenser les charges résultant pour les départements de la mise en œuvre des nouvelles mesures issues de ladite loi.
Or le décret, tel qu’il est rédigé, prévoit que le Fonds comprend deux enveloppes distinctes : la première compense les charges de la réforme pour les départements et la seconde est destinée aux crédits de soutien, y compris à caractère expérimental, en matière d’aide à la parentalité, de soutien aux familles vulnérables ou de financement de ses têtes de réseaux nationaux, autant d’actions qui était jusqu’à présent soutenues par l’État, dans le cadre, par exemple, des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, les REAPP.
De plus, les montants prévus aujourd’hui pour abonder ce fonds apparaissent bien dérisoires au regard des charges imposées aux départements, qui croulent sous le financement obligé des allocations individuelles de solidarité.
Le 15 juillet 2010, seulement 30 millions d’euros provisionnés par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, ont été répartis, à raison de 10 millions d’euros par an d’ici à 2012, entre les départements pour 70 % et l’État pour 30 %. C’est bien dérisoire compte tenu des investissements déjà engagés par les départements et de ce qui avait été estimé par la loi, soit, je vous le rappelle, 150 millions d’euros sur trois ans. De plus, rien n’a été inscrit dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Qu’en est-il également de la participation de l’État ?
Devant tant d’incertitudes, notre amendement a donc pour objet de consacrer dans le code de l’action sociale et des familles l’existence de ce fonds et de revenir à l’esprit de la loi en précisant l’alimentation du fonds et la répartition des sommes allouées entre les départements et l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Ma chère collègue, la commission des finances partage votre inquiétude. J’avais moi-même déposé, à titre personnel, le même amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cet amendement, qui tend simplement à la codification du fonds sans rien changer au droit existant, a le mérite d’attirer l’attention du Gouvernement sur cette préoccupation.
À la suite des explications données par le Gouvernement, j’avais été amené à le retirer. Sans doute ferez-vous de même après avoir entendu Mme la secrétaire d'État ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Madame Printz, avec le soutien de M. le rapporteur spécial, je veux vous dire que, en effet, votre amendement visant à consacrer l’existence de ce fonds dans le code de l’action sociale et des familles ne peut convenir au Gouvernement.
Si le législateur a pris l’option, en 2007, de ne pas codifier cette disposition, c’est bien parce qu’il s’agissait d’une mesure d’accompagnement de la loi.
Aujourd’hui, sa mise en œuvre est largement assurée avec la parution du décret du 17 mai 2010.
En outre, le Fonds a été doté de 30 millions d’euros versés par la CNAF.
Ces crédits aideront les départements à finaliser la mise en place des nouveaux dispositifs et à développer des actions innovantes.
Le comité de gestion du fonds a prévu, cet été, une répartition des crédits sur une période de trois ans, c'est-à-dire en 2010, 2011 et 2012. Le financement étant ainsi assuré jusqu’en 2012, il n’est pas utile de commencer à fixer dès aujourd'hui des axes d’intervention au-delà de cette date.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut vous suivre, madame la sénatrice, et vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame Printz, l’amendement n° II-113 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-113.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 87 bis (nouveau)
Au premier alinéa du II de l’article 44 de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2012 ». – (Adopté.)
Article 87 ter (nouveau)
Le Gouvernement met en œuvre, avant le 31 décembre 2011, un dispositif de suivi annuel des établissements et services visés au a du 5° et au 7° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles qui accueillent ou dont bénéficient les personnes handicapées de quarante ans ou plus.
Ce dispositif rend compte chaque année de l’évolution des sources de financement de ces structures, de leur nombre et du nombre de places qu’elles offrent, selon les types de déficiences des personnes handicapées.
Il met en rapport l’offre en structures proposées et l’évolution, au plan national, du nombre des personnes de quarante ans ou plus, selon le type de déficiences qu’elles présentent, notamment les déficiences intellectuelles. Il retrace chaque année l’évolution de ce rapport sur les cinq années à venir ainsi que l’évolution des besoins en établissements ou en services, selon les types de déficiences, notamment les déficiences intellectuelles.
Les résultats sont portés à la connaissance du Parlement.
M. le président. L'amendement n° II–188, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 136 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est ainsi rédigé :
« Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un état des lieux de l'offre et des besoins d'accompagnement et d'hébergement assurés par les établissements et services mentionnés au a du 5° et au 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles en faveur des personnes handicapées de quarante ans ou plus. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement concerne un sujet qui nous tient, Marie-Anne Montchamp et moi-même, particulièrement à cœur. Il s’agit de la question très importante des personnes handicapées vieillissantes. Je souhaite d’ailleurs qu’elle soit abordée de façon très exhaustive dans le cadre du débat, qui va commencer, sur la dépendance des personnes âgées.
L’article 87 ter a été adopté à l’Assemblée nationale, à l’issue d’un excellent amendement déposé par M. Jeanneteau, avec lequel j’ai été élue en 2007, qui est mon suppléant et maintenant le député de la première circonscription du Maine-et-Loire.
Cet article prévoit la mise en place d’un dispositif de suivi annuel de l’offre d’établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées âgées de quarante ans et plus.
À bien le regarder, le dispositif proposé apparaît un peu lourd et difficile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle M. Baroin, lors du débat à l’Assemblée nationale, s’en était remis, au nom du Gouvernement, à la sagesse de l’assemblée.
Néanmoins, l’objet de l’article est tout à fait louable.
C’est pourquoi le présent amendement vise à substituer au dispositif de suivi annuel la transmission au Parlement d’un état des lieux précis, pour mieux connaître l’offre et les besoins des personnes handicapées vieillissantes, tant pour l’accompagnement que pour l’hébergement médico-social.
Cet état des lieux sera fait à l’occasion des schémas régionaux d’organisation médico-sociale. Il y trouvera en effet toute sa place, dans le cadre de la réforme voulue par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », HPST.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Madame la ministre, j’émets un avis tout à fait favorable.
Je rappelle que, en 2006, j’avais remis, sur sa demande, à Philippe Bas, alors ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, un rapport sur la problématique des handicapés vieillissants.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je me permets d’ajouter, madame la ministre, que j’ai déposé auprès de l’Agence régionale de santé, le 31 mai dernier, un dossier pour la création de huit places supplémentaires dans la maison de retraite de ma commune. Je n’ai toujours pas eu de réponse. Toutes les occasions étant bonnes, je profite de celle-ci pour vous demander de le rappeler éventuellement à Mme la directrice de l’Agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Sauf erreur, Paul Blanc n’a pas encore changé de commission. (Sourires.) Je vais donc donner l’avis de la commission des finances : elle est évidemment très favorable à cette rectification.
J’ai, moi aussi, ouvert une maison de retraite pour personnes handicapées vieillissantes. L’augmentation considérable de l’espérance de vie de ces dernières, dont il faut se réjouir – elle a presque doublé en trente ans –, nécessite cependant une prise en charge adaptée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-188.
M. le président. L’article 87 ter est donc ainsi rédigé.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Monsieur le président, permettez-moi de dire mon émotion d’avoir présenté pour la dernière fois un budget que je suis chargé de rapporter depuis plus de dix ans. J’ai toujours essayé de défendre de mon mieux les personnes handicapées, qui me tiennent particulièrement à cœur. J’espère que, malgré les accrochages, on ne me tiendra pas rigueur de les avoir défendues avec conviction. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. À la fin de l’examen des crédits de cette mission, Marie-Anne Montchamp et moi-même tenons à vous remercier, monsieur le président, pour votre diligence. Nous remercions également les rapporteurs ainsi que les sénateurs et sénatrices qui nous ont accompagnés à cette heure avancée, sans oublier les personnels des commissions et du service de la séance.
Je veux dire notre affection et notre admiration pour Paul Blanc.
Pour ma part, je connais Paul depuis longtemps, je n’ose dire le nombre d’années. Nous nous sommes rencontrés aussi bien ici, au Sénat, que dans son département, où je me suis rendue à plusieurs reprises sur son initiative pour évoquer ensemble la situation de personnes fragiles, de personnes en difficulté, et tout spécialement de personnes en situation de handicap.
Paul Blanc est un homme de cœur, il est aussi un homme d’action et de réflexion. Les travaux qu’il a commis constituent un outil important pour aborder les dossiers concernant le handicap et ceux que nous allons examiner lors du grand débat sur la dépendance voulu par le Président de la République.
Cher Paul, c’était peut-être votre dernière intervention en tant que rapporteur, mais je suis certaine que vous participerez à ce débat avec la lucidité et l’humanité qui vous caractérisent. Nous vous attendons sur ces sujets, où vous êtes irremplaçable ! (Applaudissements.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 29 novembre 2010, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011).
Examen des missions :
Justice (+ articles 75 et 75 bis)
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 16) ;
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (Justice – Administration pénitentiaire – avis n° 116, tome III) ;
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (Justice et accès au droit – avis n° 116, tome IV) ;
M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (Justice – Protection judiciaire de la jeunesse – avis n° 116, tome V).
Immigration, asile et intégration (+ article 74)
M. Pierre Bernard Reymond, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 15) ;
M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Immigration et asile – avis n° 112, tome VII) ;
MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome XI).
Sécurité
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 27) ;
M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Sécurité – Gendarmerie nationale – avis n° 112, tome IX).
MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet, rapporteurs pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome XI) ;
Administration générale et territoriale de l’État
Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 2) ;
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome I).
Sécurité civile (+ article 86 decies)
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 28) ;
Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome X).
Ville et logement (+ articles 98 et 99)
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 32) ;
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome VIII) ;
MM. Pierre André et Thierry Repentin, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome VII).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 27 novembre 2010, à deux heures trente.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART