Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’année 2011 sera cruciale pour le secteur médico-social. Le Parlement examinera, enfin, la réforme de la prise en charge de la dépendance annoncée dès la fin de l’année 2007 par le Président de la République.
Dans ces conditions, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’attente.
Comme le précédent, ce projet de loi témoigne, je le dis très sincèrement, d’un engagement soutenu de la part des pouvoirs publics en direction du secteur médico-social, même si cet effort ne peut dissiper des inquiétudes réelles.
Au sein de l’ONDAM, les deux sous-objectifs consacrés au secteur médico-social, l’un pour les personnes handicapées, l’autre pour les personnes âgées, s’établissent respectivement à 8,2 milliards d’euros et à 7,6 milliards d’euros, soit une progression globale de 3,8 % par rapport à 2010.
C’est certes moins que l’an dernier, mais, comme vous l’avez dit, madame la ministre, cette différence s’explique pour partie par une nouvelle méthode de construction de l’ONDAM médico-social. Celui-ci est en effet désormais bâti à partir de l’estimation des seuls crédits nécessaires aux besoins de financement effectifs de l’année et ne prend donc en compte que les places nouvelles qui s’ouvriront réellement en 2011.
Cette évolution, qui constitue selon moi un progrès incontestable, doit enfin mettre un terme aux sous-consommations récurrentes de crédits constatées au cours des années passées. Les crédits inscrits au sein de l’ONDAM permettront la poursuite des différents plans en cours : le plan Solidarité-Grand Âge, le plan Alzheimer et, bien évidemment, le plan Handicap. Il faut, à cet égard, souligner que le plan Solidarité-Grand Âge s’achèvera en 2012, mais qu’il est souhaitable d’envisager dès à présent la mise en œuvre d’un nouveau plan, compte tenu des besoins encore importants qui sont à satisfaire.
La progression soutenue de l’ONDAM pose toutefois des questions. Ainsi – notre rapporteur général l’a bien compris –, le Gouvernement a décidé de réduire de 100 millions d’euros, pour l’année 2010, le montant de l’ONDAM médico-social,…
M. Guy Fischer. Ce n’est pas normal !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … et de reverser cette somme à l’assurance maladie, ce qui permet toutefois, je le souligne, de respecter l’ONDAM global pour la première fois depuis 1997. Certes, ces 100 millions d’euros correspondent à des crédits non consommés. Pour vous, madame la ministre, il s’agit de bonne gestion, et je partage votre avis. Cependant, par le passé, ces crédits étaient automatiquement reversés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui les utilisait pour financer des plans d’aide à l’investissement des établissements médico-sociaux.
M. Guy Fischer. Qu’en sera-t-il, désormais ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Dans ces conditions, la CNSA n’a à ce jour prévu aucun plan d’aide à l’investissement dans son budget pour 2011,…
M. Guy Fischer. C’est inadmissible !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … ce qui risque d’être particulièrement dommageable pour les établissements.
M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La décision de restituer 100 millions d’euros à l’assurance maladie me semble injustifiée, dès lors qu’aucune enveloppe spécifique n’est prévue en contrepartie dans le cadre de la nouvelle méthode de construction de l’ONDAM pour l’aide à l’investissement, mais vos propos à ce sujet ont pu nous éclairer.
J’ajoute que l’article L. 14-10-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que les crédits non consommés à la clôture de l’exercice donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants.
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Madame la ministre, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, cette question a fait l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale, à l’issue duquel il a été convenu qu’une solution serait trouvée avant la réunion de la commission mixte paritaire pour maintenir les aides à l’investissement accordées par la CNSA. Nous attendons donc des indications plus précises sur les mesures que le Gouvernement entend prendre.
Par ailleurs, vous avez indiqué devant notre commission des affaires sociales, madame la ministre de la santé, que 530 millions d’euros de crédits allaient être mis en réserve au début de l’exercice de 2011 et qu’ils ne seraient éventuellement débloqués que s’il n’existe aucun risque de dépassement de l’ONDAM.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Il s’agit de l’une des préconisations du rapport Briet sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie. Au sein de ces 530 millions d’euros, 100 millions d’euros concerneraient le secteur médico-social,…
M. Guy Fischer. C’est de l’hyper-austérité !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … ce qui me paraît difficilement compréhensible.
En effet, compte tenu de la nouvelle méthode de construction de l’ONDAM dont je parlais tout à l’heure, il ne devrait plus y avoir de sous-consommation de crédits.
De plus, l’ONDAM médico-social est une enveloppe fermée et ne peut donc en aucun cas être responsable d’un dérapage de l’ONDAM global. Par conséquent, je ne vois aucune raison de répondre à un éventuel dérapage des dépenses de soins de ville par une moindre ouverture de places en établissements pour personnes âgées dépendantes. (M. Yves Daudigny s’exclame.)
Enfin, est-il justifié que l’ONDAM médico-social, qui ne représente que 9,45 % du total de l’ONDAM, supporte 19 % des mises en réserve ? Je ne le crois pas, et j’espère que le Gouvernement voudra bien reconsidérer sa position.
Pour l’avenir, il me paraîtrait légitime que le Parlement puisse se prononcer sur les décisions de mise en réserve. Je souhaite que la future loi sur la dépendance nous permette d’améliorer les conditions dans lesquelles les assemblées se déterminent sur les crédits médico-sociaux.
Un autre motif d’inquiétude réside bien évidemment dans l’évolution des dépenses au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH. Compte tenu du dynamisme de ces prestations, le taux de concours de la CNSA ne cesse de diminuer, ce qui accroît, chacun le sait, la part des dépenses restant à la charge des départements.
M. Guy Fischer. Et des familles !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Le taux de couverture de l’APA par la CNSA pourrait passer sous la barre des 30 % en 2011. Cette situation n’est plus tenable et nous devons trouver les voies et moyens d’une meilleure répartition du financement de ces prestations essentielles.
Plusieurs réformes importantes sont actuellement en cours dans le secteur médico-social, qui résultent soit de la loi HPST – je parle sous le contrôle de l’excellent rapporteur de ce texte au Sénat –,…
Mme Isabelle Debré. Oui, un excellent rapporteur ! (Sourires.)
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … soit des lois de financement de la sécurité sociale successives.
Premièrement, la loi HPST a réorganisé la gouvernance du secteur. La procédure d’appel d’offres prévue pour l’autorisation de nouveaux établissements se met en place après une expérimentation dans trois régions et la publication, en juillet dernier, du décret d’application. Il faudra néanmoins demeurer vigilant pour que cette procédure conserve une certaine souplesse et ne fasse pas obstacle à la présentation de projets innovants.
Toutefois, je dois souligner que la campagne budgétaire 2010, conduite pour la première fois par les nouvelles ARS, a été délicate, notamment parce que certaines directions départementales des affaires sanitaires et sociales avaient sous-évalué les besoins, de sorte que des régions se sont trouvées insuffisamment dotées.
M. Guy Fischer. Ce sont les ordres qui ont été donnés !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. C’était un mauvais calcul, monsieur Fischer.
À cet égard, je tiens à saluer la décision du Gouvernement, qui a débloqué 90 millions d’euros pour faire face à ces difficultés. Peut-être avez-vous oublié la mise à disposition de ces crédits, mon cher collègue !
Deuxièmement, la réforme de la tarification se précise également, même si nous attendons encore le décret nécessaire. Le Gouvernement pourrait-il m’indiquer quand ce décret tout à fait important sera publié ?
Troisièmement, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prolonge l’expérimentation de la réintégration des médicaments au sein du forfait soins des établissements. Or une étude récente a montré que cette démarche, qui est susceptible d’améliorer la gestion des médicaments, présente aussi des risques très sérieux, en particulier celui d’interdire l’accès aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, des personnes âgées ayant besoin de traitements particulièrement coûteux. Ces dernières risquent alors d’être dirigées vers les hôpitaux, ce qui ne constituerait pas un progrès.
Je crois donc que la poursuite de l’expérimentation est une décision sage et qu’une éventuelle généralisation du dispositif ne pourra être envisagée que lorsque toutes les conséquences de la réintégration auront été précisément évaluées, et je me permets d’insister sur ce point.
En revanche, je ne vois aucune raison de reporter la possibilité pour les groupements de coopération sociaux et médico-sociaux d’exercer pour le compte de leurs membres les activités de pharmacie à usage intérieur. Au contraire, je crois nécessaire d’encourager la constitution de ces groupements, et la création d’une pharmacie à usage intérieur peut être particulièrement utile en cas de groupement.
Alors que le texte initial ne contenait aucune mesure spécifique propre au secteur médico-social, l’Assemblée nationale a introduit plusieurs dispositions, d’inégale importance. Elle a ainsi prévu, vous l’avez souligné tout à l'heure, madame le ministre, de donner une base légale aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer. Nous approuvons évidemment cette initiative, même si je me demande s’il n’est pas encore un peu tôt pour inscrire dans la loi un dispositif très récent et encore expérimental.
Pour conclure, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, je forme le souhait que la réforme de la prise en charge de la dépendance, que nous attendons depuis plusieurs années, ne soit pas simplement une déclaration de principe, mais permette de répondre à des questions aussi importantes que celles de la répartition de l’effort collectif en faveur des personnes dépendantes, du reste à charge des personnes placées en établissements, des places respectives de la solidarité nationale et du financement assurantiel, enfin, de la gouvernance du cinquième risque, qui mérite d’être renforcée et simplifiée.
Cette réforme sera la plus importante de celles que nous aurons à examiner l’année prochaine, et j’espère qu’elle répondra aux attentes qu’elle a suscitées depuis son annonce.
Dans cette perspective, je vous propose, mes chers collègues, d’approuver, sous réserve des différentes remarques que je viens de formuler, les mesures du présent projet de loi consacrées au secteur médico-social. Je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, depuis deux ans, la crise économique est systématiquement invoquée pour expliquer le déficit historique auquel la sécurité sociale se trouve confrontée. Si pertinente que soit cette analyse, elle ne vaut que partiellement pour la branche famille. En effet, comme je vais essayer de vous le montrer, ce déficit est d’abord et essentiellement dû aux transferts sur cette branche de charges jusque-là assumées par l’État ou par d’autres branches.
M. Jacky Le Menn. Eh oui.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. André Lardeux, rapporteur. Ne vous réjouissez pas trop vite, chers collègues ! (Sourires.)
Permettez-moi de récapituler ces transferts.
En 2000, c’est la majoration de l’allocation de rentrée scolaire, jusqu’alors prise en charge par l’État.
En 2001, l’affectation à la branche famille des 2 % de prélèvement sur les revenus du patrimoine et de placements est supprimée.
En 2005, une part du financement de l’aide personnalisée au logement, jusque-là supportée par l’État, est transférée.
Entre 2001 et 2010, la totalité du financement de la majoration de pension accordée aux parents ayant eu au moins trois enfants est transférée à la branche famille.
Enfin, la CNAF verse chaque année à la branche vieillesse 4,4 milliards d’euros au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF. Il s’agit des cotisations vieillesse couvrant les parents qui ont cessé de travailler ou réduit leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ou d’un adulte handicapé. Or il se trouve que les bénéficiaires de ce dispositif représentent, pour la CNAV, une charge équivalente à 1,2 milliard d’euros. La branche famille contribue donc en réalité à hauteur de 3,2 milliards d’euros au financement des pensions de droit commun de l’assurance vieillesse.
Au total, en 2011, ces transferts de charge s’élèveront à près de 10 milliards d’euros, dont 8 milliards d'euros au profit de la branche vieillesse.
Comme vous le voyez, le déficit de la branche famille, estimé à 2,6 milliards d’euros en 2011, a, en réalité, peu de rapport avec la crise économique.
À ce stade, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur le fait que les prévisions des dernières lois de financement de la sécurité sociale concernant la branche famille tablaient sur des excédents importants : 3,2 milliards d’euros en 2010 et 4,6 milliards d’euros en 2011 d’après la loi de financement pour 2008. Bien sûr, ces surplus ont été réduits à 200 millions d’euros en 2010 et 600 millions d’euros en 2011 aux termes de la loi de financement pour 2009.
Le mécanisme qui conduit à fragiliser financièrement la branche famille est donc assez simple : au motif qu’elle serait structurellement excédentaire, et en anticipant sur des réserves à venir, réserves qu’elle ne constitue en fait jamais, de nouvelles charges lui sont régulièrement transférées, au point qu’elle en arrive à devenir structurellement déficitaire. Une fois le déficit constaté, celui-ci justifie ensuite les efforts demandés à la branche et donc aux familles, qui servent en réalité à financer la solidarité envers les aînés.
Le PLFSS pour 2011 franchit un pas supplémentaire, non pas cette fois-ci en transférant des charges sans compensation à la branche, mais, comme l’a indiqué Alain Vasselle, en lui prélevant des recettes de CSG pour financer la CADES, en échange de quoi la CNAF serait alimentée par de nouvelles ressources, incertaines.
Un rapide calcul permet de se rendre compte que la branche famille s’en trouverait doublement perdante dès 2014. En effet, sur les quatre ressources censées compenser la perte de CSG, au moins une, sinon deux, aura un produit nul à partir de cette date. Les deux autres, provenant des assurances et du panier fiscal, seront sujettes aux modifications législatives, fréquentes dans ce domaine.
À supposer que les engagements soient tenus, la perte pour la branche famille serait, en 2014, de 2,3 milliards d’euros, ce qui porterait le déficit de la branche à 4 milliards d’euros cette année-là.
Pour résumer, l’opération consiste à remplacer une recette pérenne et dynamique, la CSG, par des ressources aléatoires et vouées à l’assèchement.
Mes chers collègues, la question que nous devons collectivement nous poser est donc la suivante : est-il dans l’intérêt général du pays de fragiliser le financement de la politique familiale, c’est-à-dire la préparation de l’avenir, pour renflouer un fonds destiné à rembourser une dette contractée par le passé ?
Je sais bien que la seule solution de rechange possible serait l’augmentation de la CRDS, et que vous n’y êtes pas favorable, monsieur le ministre, puisque le Gouvernement a fait du refus de la hausse des prélèvements obligatoires une question de principe.
Prenons cependant quelques instants pour questionner cette certitude.
Tout d’abord, sur la forme : la crise économique historique que nous traversons ne doit-elle pas conduire, comme sur d’autres sujets, à adapter les engagements à la réalité de nos finances publiques ? L’ampleur de l’endettement de la France est telle qu’il ne doit pas y avoir de tabou sur les moyens d’y faire face : la situation exige du pragmatisme, non du dogmatisme.
Ensuite, sur le fond : quelle valeur accorder au principe de non-augmentation des prélèvements obligatoires quand sa stricte application vous conduit, monsieur le ministre, à remettre en cause la pérennité de la politique familiale, qui est l’une des forces de notre pays ?
Nous venons, en acceptant le prolongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES, de reporter un peu plus sur les générations futures la charge de notre dette sociale : allons-nous maintenant fragiliser l’investissement destiné à leur formation ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous regrettons sans cesse de transférer sur nos enfants une dette que nous avons nous-mêmes contractée. Mettons donc en cohérence nos actes et nos paroles et, puisque nous avons déjà prolongé la durée de vie de la CADES, ne faisons pas payer cette décision aux jeunes générations : préservons le financement de la branche famille.
La commission des affaires sociales, comme la commission des finances, entend donc supprimer le transfert de 0,28 point de CSG de la branche famille vers la CADES et augmenter la CRDS pour financer ladite caisse d’amortissement de la dette sociale.
J’en viens maintenant rapidement, car elles ont déjà été présentées, aux mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la branche famille.
Le projet de loi initial en contenait deux : d'une part, la suppression de la rétroactivité de trois mois des aides individuelles au logement lorsque le demandeur dépose tardivement son dossier – comme on ne touche pas aux montants de ces aides, je suis favorable à une telle mesure –, et, d'autre part, le report au mois suivant la naissance de l’enfant de l’ouverture du droit à l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, qui est actuellement versée au jour de la naissance.
Le risque de pénaliser les familles aux revenus les plus modestes et la faiblesse de l’économie espérée – 64 millions d’euros – ont conduit l’Assemblée nationale à supprimer cette disposition, ce qui ne me paraît pas injustifié en l’état actuel des choses.
Permettez-moi à présent quelques remarques rapides sur l’accueil du jeune enfant.
Dans son discours du 13 février 2009 sur la politique familiale, le Président de la République s’était engagé à ce que le Gouvernement assure, durant la législature, la création de 200 000 places de garde supplémentaires réparties de manière égale entre l’accueil individuel et l’accueil collectif.
Si l’on prend comme référence la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009, c’est-à-dire exactement la moitié de la mandature, le Gouvernement est en passe de respecter les objectifs fixés, mais pas dans la proportion indiquée. Au cours de cette période, en effet, un peu plus de 104 000 places ont été créées, ce qui permet de penser que l’objectif de 200 000 nouvelles offres d’accueil proposées en cinq ans sera atteint.
Cela étant, les assistantes maternelles devraient contribuer aux trois quarts environ de cette augmentation, contre un quart pour l’accueil collectif. L’accroissement de l’offre de garde ne se fera donc pas à parité entre l’accueil individuel et l’accueil collectif.
Malgré ce résultat, qui peut s’expliquer en partie par la crise économique, il faut souligner que, avec une moyenne de 12 000 places nouvelles par an, la croissance annuelle de création de places en crèches, sur la période 2007-2010, a doublé par rapport à la période 1998-2008. Même si ces efforts sont encore insuffisants au regard de la demande des familles, ils témoignent d’un progrès indéniable en matière d’accueil collectif des jeunes enfants.
Pour conclure, j'ajouterai quelques mots sur les maisons d’assistantes maternelles, les MAM.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 9 juin 2010, à l’origine de laquelle se trouvent Jean Arthuis et les membres de la commission des affaires sociales, les MAM rencontrent un franc succès : à la fin du mois d’octobre 2010, soit cinq mois après la promulgation de la loi, 80 fonctionnaient déjà et 109 étaient en cours d’ouverture, soit en tout 189, réparties dans 54 départements.
Certains départements, cependant, recourent en la matière à des pratiques singulières, voire contestables légalement. L’agrément nécessaire à l’exercice en MAM est parfois refusé ou reporté au motif que les décrets d’application de la loi ne seraient pas parus, alors que la création et le fonctionnement des MAM ne requièrent aucun texte de cette nature…
De même, certains conseils généraux attendent une délibération de l’Assemblée des départements de France sur le sujet, qui n’aurait pourtant aucune valeur juridique.
Le plus souvent, ce sont les exigences de sécurité qui sont invoquées pour ajourner la délivrance de l’agrément. La direction de la sécurité et de la défense civiles m’a néanmoins confirmé que les obligations légales sont en réalité très modestes – elles sont présentées en détail dans mon rapport – et que seul le maire a compétence pour vérifier leur respect.
Malgré les réticences infondées de certains départements, les MAM connaissent donc un rapide succès que nous pourrions accompagner en ouvrant aux assistants maternels y travaillant le droit d’obtenir un prêt à l’amélioration à l’habitat.
Telles sont, madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, les observations que je tenais à formuler sur la partie « famille » de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Sous réserve des amendements que je vous soumettrai, je vous propose de l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, la situation financière de la branche vieillesse est, cette année encore, très préoccupante. Nous le savons, elle connaît une détérioration continue de ses comptes depuis six ans, même si, au plus fort de la crise, elle a moins souffert que les autres branches de la sécurité sociale, grâce à l’importance des transferts en provenance du Fonds de solidarité vieillesse au titre de la prise en charge des cotisations des chômeurs.
L’aggravation de son déficit est néanmoins substantielle. Avec une augmentation de 3 milliards d’euros en deux ans, entre 2008 et 2010, il devrait s’élever à 8,6 milliards d'euros en 2010 et aurait dû dépasser 10,5 milliards d'euros en 2011 sans la réforme des retraites.
Je ne reviendrai pas sur les causes démographiques de ce déséquilibre financier dont nous n’avons que trop parlé, ni sur l’ampleur des besoins de financement à l’horizon 2050, si du moins nous n’avions pas répondu à l’urgence de la situation en adoptant la loi portant réforme des retraites voilà deux semaines.
Arrêtons-nous un instant sur le plan de financement.
Celui-ci figure dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et dans le projet de loi de finances pour 2011. Il table sur le rétablissement de l’équilibre général des régimes de retraite à l’horizon 2018.
M. Guy Fischer. Avec 4 milliards d'euros de déficit !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Tous régimes confondus, les mesures d’âge et les mesures de convergence entre les régimes devraient permettre d’assurer, d’ici là, un peu plus de la moitié des besoins : 40,9 % pour les premières – après prise en compte de l’impact des mesures de solidarité et des dispositions liées à la pénibilité – et 9,5 % pour les secondes.
L’incidence des mesures d’âge résulterait, pour environ les deux tiers, d’une réduction des dépenses et, pour le tiers restant, d’une croissance du produit des cotisations sociales liée au maintien de salariés en activité au-delà des seuils de 60 ans et 65 ans.
L’effet des mesures de convergence correspondrait, pour moitié, à des hausses de recettes, du fait de l’augmentation des cotisations salariales des fonctionnaires, et, pour l’autre moitié, à des économies sur les dépenses, en raison notamment de la fermeture du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants.
Parmi les autres éléments du bouclage financier, je citerai, d’abord, l’engagement de l’État employeur de maintenir son effort financier annuel à l’égard du régime des fonctionnaires de l’État ; ensuite, la perspective d’un basculement progressif des cotisations d’assurance chômage vers l’assurance vieillesse, à compter de 2015 ; par ailleurs, la mobilisation de recettes nouvelles dès 2011 – hausse d’un point de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, taxation supplémentaire des stock-options et des retraites chapeaux, majoration des prélèvements sur les revenus du capital et du patrimoine, annualisation du calcul des allégements généraux de charges patronales, notamment – ; enfin, le traitement des déficits cumulés de 2011 à 2018, dont M. le rapporteur général a rappelé l’importance.
Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, un nouveau bouclage financier a été réalisé pour mieux garantir le retour à l’équilibre envisagé pour 2018.
Ce bouclage financier repose sur une mobilisation légèrement supérieure du produit des cotisations UNEDIC : 600 millions d'euros au lieu de 400 millions d'euros en 2015, 2,4 milliards d'euros au lieu de 1 milliard d'euros en 2018, et 3,3 milliards d'euros au lieu de 1,4 milliard d'euros en 2020.
Il exige également un effort accru de l’État, dont la participation nette devait être de 15,9 milliards d'euros par an à compter de 2013.
Il suppose enfin un transfert entre régimes, notamment au profit de la CNAV, qui afficherait encore un déficit de 2,3 milliards d'euros en 2018.
Sur ce point, il faut souligner que le rééquilibrage financier du système de retraite à cette date s’appréhendera de manière globale. Certains régimes seront revenus progressivement à une situation excédentaire, tandis que d’autres resteront confrontés au déficit, mais dans des proportions moindres qu’aujourd’hui.
Dans cette perspective, je vous rappelle que, lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, l’Assemblée nationale avait souhaité la remise d’un rapport sur d’éventuels transferts de recettes ou de charges entre régimes à l’horizon 2014. Hostile à ce mécanisme susceptible d’ouvrir la voie à un « siphonnage » des ressources de certains régimes, en particulier des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO, la commission des affaires sociales du Sénat avait, sur ma proposition, supprimé cette disposition, ce que la commission mixte paritaire a confirmé.
Par ailleurs, mes chers collègues, vous vous doutez que les mesures de solidarité « retraites » que le Sénat a votées ont aussi bouleversé l’équilibre financier du texte.
Le Gouvernement a donc présenté de nouvelles recettes à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Ainsi, le maintien à 65 ans de l’âge d’annulation de la décote pour les parents de trois enfants ou d’enfant handicapé sera financé par deux nouvelles mesures : d’une part, une majoration de 0,2 point du prélèvement social sur le capital, d’autre part, un alignement du taux du prélèvement sur les plus-values de cessions immobilières hors résidence principale sur le taux applicable aux plus-values de cessions mobilières, soit un passage de 17 % à 19 %.
J’en viens maintenant aux effets financiers attendus de la réforme, qui ont fait l’objet d’une simulation par la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Compte tenu de la progressivité du relèvement des bornes d’âge, les économies escomptées en termes de prestations versées par le régime général augmenteront entre 2011 et 2020 : elles s’élèveraient à 2,7 milliards d'euros en 2014 et à 6,6 milliards d'euros en 2020.
Quant aux ressources du régime, elles progresseraient grâce aux cotisations supplémentaires dues au maintien en activité des assurés : 0,5 milliard d'euros en 2014 et 1,4 milliard d'euros en 2020.
Dès 2011, la réforme commencera à produire ses fruits : le déficit de la CNAV, qui aurait été de 10,5 milliards d'euros en l’absence de réforme, serait ramené à 6,9 milliards d'euros. Dès 2011, mes chers collègues !
Pour finir, je souhaite évoquer le Fonds de solidarité vieillesse et le Fonds de réserve pour les retraites.
À compter de 2011, la structure de recettes et de dépenses du Fonds de solidarité vieillesse sera profondément modifiée : 3,5 milliards d’euros de moyens supplémentaires, inscrits en projet de loi de finances ou en projet de loi de financement de la sécurité sociale, lui seront octroyés l’an prochain. En contrepartie, le Fonds prendra en charge une partie des dépenses engagées par le régime général et les régimes alignés au titre du minimum contributif.
Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a également fait le choix de recourir dès à présent au Fonds de réserve pour les retraites, opération qui s’articule autour de deux mesures : le transfert à la CADES, dès 2011, de l’une de ses principales ressources, d’une part, la mobilisation partielle de ses actifs, d’autre part.
Certes, la date d’entrée en jeu du Fonds de réserve pour les retraites est anticipée de neuf ans, mais, en contribuant au financement du système de retraite entre 2011 et 2024, il conserve sa finalité initiale, et ce à double titre.
Le Fonds de réserve pour les retraites permettra tout d’abord de refinancer les déficits de la CNAV et du Fonds de solidarité vieillesse jusqu’en 2018, grâce au transfert de sa ressource à la CADES et à la liquidation progressive de ses actifs. Ce faisant, il allégera ensuite la contrainte financière qui pèsera sur la CNAV pendant la période de montée en charge de la réforme des retraites.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments d’ordre financier que je souhaitais porter à votre connaissance pour la partie « retraites » de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, que votre commission vous demande d’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)