4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d’Éthiopie
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de la Chambre de la Fédération d’Éthiopie, conduite par Mme Dimitu Anbisa. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que cette jeune démocratie porte à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que le séjour de nos collègues en France contribue à établir des liens d’amitié entre nos deux pays, et je leur souhaite la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour dix minutes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Ce n’est pas assez ! Nous avions demandé quinze minutes !
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Au cours du débat qui a précédé la suspension de séance, chaque groupe a pu s’exprimer. En tant que non-inscrit, j’avais moi aussi demandé la parole, et je déplore que l’on ne me l’ait pas donnée. Les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ont pourtant les mêmes droits que les autres, et je trouve regrettable qu’ils soient traités, en l’occurrence, de manière un peu désinvolte.
Mme la présidente. Permettez-moi de vous faire observer, monsieur Masson, que ce sont les présidents de groupe qui se sont exprimés tout à l’heure.
M. Jean-Claude Gaudin. Il peut le devenir ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès. Je demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.
Mme la présidente. Sur quel article fondez-vous votre demande, madame Demontès ?
M. Jean-Pierre Sueur. Sur l’article 35 !
Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, je n’ai pas pour habitude d’abuser du temps qui m’est imparti !
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas sûr !
Mme la présidente. Je vous donne la parole pour un rappel au règlement, madame Demontès, mais je vous prie d’aller à l’essentiel.
Mme Christiane Demontès. Notre pays vit une très grave situation de crise. Cela est déjà arrivé dans notre histoire, mais, chaque fois, le Président de la République et le Gouvernement ont réussi à ouvrir des espaces de dialogue.
Dès lors, je demande de nouveau très solennellement que les travaux du Sénat soient suspendus (« Non ! » sur les travées de l’UMP)…
M. Roland Courteau. Elle a raison !
Mme Christiane Demontès. … le temps nécessaire et que le Président de la République prenne l’initiative de réunir autour d’une table l’ensemble des partenaires sociaux…
M. Jean-Pierre Fourcade. Non !
M. Charles Revet. Il n’y a plus de caméra, ce n’est plus la peine !
Mme Christiane Demontès. … pour qu’ils trouvent ensemble des solutions, car, manifestement, le dialogue, contrairement à ce que dit M. le ministre, n’est pas allé à son terme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, les travaux du Sénat viennent d’être suspendus pendant dix minutes, cela semble tout à fait suffisant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Tous les salariés apprécieront : dix minutes pour le dialogue social, c’est suffisant !
Mme Annie David. C’est indigne !
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
Article 32 quinquies (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion des articles, nous reprenons l’examen de l’article 32 quinquies.
La parole est à M. Robert Navarro, sur l'article.
M. Robert Navarro. En tant que jeune sénateur, le début de la séance de cet après-midi m’a intéressé, car il m’a donné l’occasion de voir un visage du Sénat que je ne connaissais pas encore. Avant d’aborder l’article 32 quinquies, je voudrais faire part de mes réflexions à cet égard.
La France va très mal en ce moment. Les incidents se multiplient, et il y a un risque, que l’on ne peut plus écarter, que des citoyens français – manifestants, membres des forces de l’ordre, lycéens, étudiants, « casseurs » – soient victimes d’un accident grave.
Élus de terrain, nous avons tous ici le souvenir des émeutes dans les banlieues. Ces violences sont inacceptables, et je les condamne ! Mais il est de notre devoir politique d’éviter d’accentuer les tensions et de semer les raisins de la colère.
Monsieur le ministre, il est encore temps, me semble-t-il, d’éviter une crise dramatique. Je ne cherche pas à vous en rendre responsable par avance ; je souhaite que nous trouvions ensemble une solution pour garder notre pays du pire.
Aujourd’hui, cette nuit ou demain, nous aborderons l’article 33, qui fixe le calendrier de mise en œuvre de votre réforme. Rien ne vous empêche de reporter à l’après- présidentielle de 2012 l’application de tout ou partie de la loi ; le calendrier prévu montre que nous ne sommes pas à quelques mois près ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La loi pourrait ainsi être votée et nous pourrions aller sur le terrain tenter de ramener le calme tant qu’il en est encore temps. De toute façon, monsieur le ministre, le sujet n’est pas clos : il sera, avec la réforme fiscale et les politiques en faveur de l’emploi, au cœur de la campagne présidentielle de 2012.
Nous avons tous à gagner à une modification du calendrier : le coût économique est marginal, voire nul, si l’on prend en compte les conséquences du conflit qui se dessine. Ne prenons pas le risque d’avoir un mort sur la conscience ! (Murmures sur les travées de l’UMP.) Vous avez encore quelques heures pour envisager cette solution.
En ce qui concerne maintenant l’article 32 quinquies, il conditionne la mise en place de régimes de retraite supplémentaires à prestations définies pour certaines catégories de salariés dans les entreprises à l’existence de PERCO ou de contrats d’épargne retraite.
Ces régimes de retraite concernent très peu de Français, le plus souvent des cadres dirigeants de grandes entreprises, le plus médiatique de ces régimes exceptionnels étant celui des retraites chapeaux. Cet article vise à inciter les cadres dirigeants qui souhaitent continuer à en bénéficier à mettre en place un PERCO ou un contrat d’épargne retraite. L’objectif affiché de votre projet de loi est de sauver la retraite par répartition, à laquelle je suis particulièrement attaché. J’ai bien peur que prendre des mesures qui renforcent les régimes de retraite par capitalisation n’entre en contradiction avec cet objectif théorique ! Je souhaite donc la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Je profiterai de ce temps de parole pour dire ce que je n’ai pas pu exprimer tout à l’heure.
Dans une démocratie parlementaire, c’est au Parlement de délibérer ; nous n’avons pas à céder à la pression de la rue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous ne sommes plus à l’époque de la Terreur, quand des individus montaient sur les estrades pour menacer les représentants du peuple !
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’en est pas là !
M. Jean Louis Masson. Quelle que soit la position que l’on puisse avoir sur le fond – pour ma part, je n’approuve pas sans réserves, tant s’en faut, le texte qui nous est soumis –, il faut respecter la démocratie. (M. David Assouline s’exclame.) Jusqu’à nouvel ordre, la France est une démocratie parlementaire.
S’agissant de l’article 32 quinquies, je suis très réservé sur la pratique des retraites chapeaux. Or cet article tend à la moraliser quelque peu, en prévoyant de donner un petit quelque chose aux salariés de base pour la rendre un peu moins critiquable.
Les retraites chapeaux devraient, me semble-t-il, être soumises au régime général et pleinement fiscalisées. Monsieur le ministre, si ce texte comportait un certain nombre de mesures plus sociales et plus équitables, il y aurait peut-être moins de monde dans la rue. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Gautier. On parle bien de la même chose !
M. Jean Louis Masson. J’assume tout à fait ces propos ! Une mesure stricte d’encadrement des retraites chapeaux aurait peut-être permis de mieux faire admettre à la population le passage à 62 ans de l’âge légal de la retraite.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. La politique du tout ou rien n’est pas bonne ! Tout le monde a pu constater que certaines personnes s’étaient octroyé des retraites chapeaux scandaleuses, d’un montant extrêmement élevé.
Mme Raymonde Le Texier. Il y en a toujours !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cet article prévoit qu’il ne pourra désormais y avoir de retraites chapeaux que dans la mesure où tous les salariés de l’entreprise en question pourront bénéficier d’un système de retraite complémentaire, tel que le PERCO ou tout autre contrat d’épargne. (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous déplacez le problème !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà un point tout à fait intéressant dans le débat qui nous oppose, mes chers collègues.
En effet, il est impossible de supprimer les retraites chapeaux, car nous sommes dans une économie mondialisée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Ah, nous y revoilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Si nous interdisions les retraites chapeaux, il est évident que la plupart de nos grandes entreprises installeraient leur siège social à l’étranger. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Raymonde Le Texier. N’importe quoi ! C’est inacceptable !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous raisonnez en termes franco-français, en occultant complètement les problèmes que nous devons affronter sur le plan international !
Pour ma part, je considère que cet article tend à moraliser les retraites chapeaux, en généralisant les régimes de retraite supplémentaire à l’ensemble des salariés de l’entreprise. Votre volonté de supprimer cet article montre bien que vous refusez d’entrer dans une perspective d’ouverture sur le monde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous en restez au discours franco-français type 1950 amélioré ! Ce n’est pas notre position ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)
M. Roland Courteau. N’importe quoi !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, rien n’a été épargné aux Français. Le Gouvernement leur a imposé de travailler plus longtemps ; il a raboté le niveau des pensions ; il a renforcé les inégalités entre les hommes et les femmes. Bref, malgré leur mobilisation massive, encore constatée aujourd'hui, les Français devront faire face à une régression sociale sans précédent.
Nous avons eu l’occasion de dénoncer, tout au long de ce débat, les arguments fallacieux qui ont été avancés pour faire croire, contre toute évidence, que ce texte était juste.
Pourtant, avec l’article 32 quinquies, on franchit un pas supplémentaire dans le cynisme. Que prévoit-il ? En substance, les dirigeants devront mettre en place dans leur entreprise un PERCO ou un contrat d’épargne retraite s’ils veulent conserver leurs retraites chapeaux.
A priori, on pourrait donc se dire, monsieur Fourcade, que cette mesure constitue une avancée pour les salariés, qui devraient désormais bénéficier d’un PERCO ou d’un contrat d’épargne. Mais, en réalité – et c’est là que cet article est proprement stupéfiant, voire scandaleux ! –, ce n’est rien d’autre qu’une concession faite aux salariés pour préserver les avantages des dirigeants.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et voilà !
M. Claude Bérit-Débat. On marche sur la tête !
M. Jean-Jacques Mirassou. Sur le chapeau ! (Sourires.)
M. Claude Bérit-Débat. Oui, et on le mange !
Avec ce dispositif, la mise en place d’un PERCO pour les salariés deviendrait une condition à l’attribution de retraites supplémentaires aux dirigeants, presque une formalité. À mes yeux, cet article est sous-tendu par une logique perverse, car il lie deux éléments qui n’ont rien à voir ensemble : les PERCO et les contrats d’épargne retraite des salariés sont une chose ; les pensions surcomplémentaires des patrons en sont une autre !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet article n’a, en réalité, qu’un objet, celui de légitimer des pratiques que la morale, l’opinion et même la justice – je pense à la décision de la Cour de cassation dans l’affaire Daniel Bernard – réprouvent. Ici, il s’agit ni plus ni moins de concéder aux salariés quelques petits avantages pour mieux asseoir les grands privilèges des patrons.
M. Gérard Le Cam. Très bien ! C’est exact !
M. Claude Bérit-Débat. C’est une logique que je dénonce. Les pratiques comme celle des retraites chapeaux doivent être étroitement encadrées : elles doivent être strictement définies et, surtout, elles doivent conserver un caractère socialement acceptable, voire être supprimées dans certains cas. Les lier aux régimes de retraite des salariés ne changera rien à leur nature intrinsèque.
Une fois de plus, vous voulez nous faire croire, monsieur le ministre, à des avancées, …
M. Roland Courteau. Eh oui ! Encore une fois !
M. Claude Bérit-Débat. … mais vous favorisez en fait les positions acquises et les rentes de situation.
Au mois de juin dernier, vous estimiez, monsieur le ministre, qu’il serait judicieux que les patrons donnent l’exemple en consentant les premiers des efforts. Quant au Premier ministre, il considérait qu’un mécanisme consistant à faire financer les retraites de quelques hauts dirigeants par une entreprise n’était « pas acceptable ». Ces bonnes paroles ont laissé place à l’inénarrable « finalement, ce n’est pas mal à condition que… »
Pour ma part, je ne vois pas où est l’équité dans ce dispositif, ce qui me pousse à demander sa suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Cette réforme des retraites n’était pas prévue, le Président de la République ayant lui-même déclaré qu’il ne la ferait pas, du moins pas de cette façon-là.
Par ailleurs, un événement très significatif vient de se produire : la création d’un nouveau groupe financier par la fusion du groupe CNP Assurances et du groupe Malakoff Médéric. On est en droit de se demander si cela ne prépare pas le dynamitage du système des retraites par répartition. En effet, est-ce une coïncidence si la mise en place de ce nouveau groupe, qui sera dirigé par M. Guillaume Sarkozy en personne, intervient en même temps qu’est menée avec une fermeté inouïe, qui confine à la fermeture, la présente réforme des retraites ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Claude Bérit-Débat. Mais non !
M. David Assouline. Comme par hasard !
Mme Éliane Assassi. Une fusion avec le monde de la finance !
M. Martial Bourquin. N’est-ce pas là une manière de préparer le dépassement ou le dynamitage de la retraite par répartition ? Nous sommes en droit de nous interroger.
Hier, M. le ministre a dit vouloir sauver le système des retraites par répartition. Mais je me souviens d’une promesse du Président de la République selon laquelle GDF resterait une entreprise publique…
M. Roland Courteau. Eh oui, il l’a dit !
M. Martial Bourquin. Il l’a dit et répété sur tous les tons, pour finir par la privatiser !
Selon certaines sources, la mise en place d’un fonds de pension à la française représenterait un marché de 40 milliards à 110 milliards d’euros ! On sait ce que sont les fonds de pension : l’argent des salariés servira à financiariser au maximum l’économie.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Martial Bourquin. Avant de vous lancer dans cette aventure, rappelez-vous l’affaire Enron !
Hier, notre collègue Jean-Pierre Sueur a posé des questions extrêmement précises. Votre attachement proclamé à la retraite par répartition et ces ouvertures ménagées par le texte visant à la mise en place d’un système par capitalisation ne cachent-ils pas la fin programmée du système des retraites par répartition ?
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Martial Bourquin. Nous sommes en droit de nous poser cette question.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Martial Bourquin. Tout cela pourrait expliquer votre attitude de fermeture dans ce débat sur les retraites, votre opposition à toute nouvelle négociation,…
Mme Nicole Bricq. La fermeture est claire ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. … l’objectif étant de mettre rapidement en place un système par capitalisation, au bénéfice de certains acteurs de la sphère financière qui s’y sont préparés.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Martial Bourquin. Telles sont les questions que nous nous posons ; elles méritent quelques éclaircissements.
Tout à l’heure, M. Longuet a évoqué une « majorité responsable ». Mais l’est-elle lorsqu’elle mène cette réforme des retraites tout en maintenant le bouclier fiscal ? Nous sommes en droit d’estimer que cette réforme n’est pas juste !
Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il fallait avoir un esprit de dialogue, mais il ne faut pas dialoguer simplement entre soi, il faut aussi échanger avec le peuple et avec ses contradicteurs ! Au vu des nouveaux éléments apportés au débat, on pourrait rouvrir les négociations avec les organisations syndicales et engager de nouvelles discussions au Parlement pour améliorer le texte qui nous est proposé.
Ce projet de loi comporte le risque, et même le danger, d’une introduction de la retraite par capitalisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Il s’agit là d’un dispositif extrêmement important.
Qu’attendent aujourd'hui nos concitoyens, sinon un signe d’espoir ? Ils considèrent, monsieur le ministre, que les mesures que vous proposez sont profondément injustes, …
Mme Éliane Assassi. En effet !
M. François Fortassin. … inéquitables, inacceptables, voire scandaleuses ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Quelles que soient nos sensibilités, nous avons tous conscience qu’une réforme est indispensable.
M. Christian Cointat. Ah, quand même !
M. François Fortassin. Mais encore faut-il que cette réforme, quelle qu’elle soit, soit acceptée par la population ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Piras. Et qu’elle soit juste !
M. François Fortassin. Pour ce faire, il ne faut pas désespérer les plus fragiles de nos concitoyens.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas non plus les exaspérer !
M. François Fortassin. On ne doit pas avoir le sentiment que ceux-ci paieront pour les personnes aisées, quelquefois même fortunés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les nantis !
M. François Fortassin. Mes chers collègues, vous dites avoir le sens des responsabilités ! Dont acte, cela vous honore, mais vous êtes bardés de certitudes !
M. Jean-Claude Gaudin. Vous aussi !
M. François Fortassin. Écoutez le pays ! Un parlementaire ne se déshonore pas en acceptant des compromis. Vous avez aujourd'hui la possibilité de revoir un certain nombre de choses. Écoutez ce qui se dit dans la rue, dans nos campagnes, dans nos villes ! Nos concitoyens ont de plus en plus le sentiment que, dans ce pays, la seule réussite et le seul espoir possibles, c’est de devenir riche !
Vous avez dit que le bouclier fiscal n’était plus un tabou. C’est très bien, mais il faudra passer aux actes, car, avec ce bouclier fiscal, que vous le vouliez ou non, vous vous êtes tiré une balle dans le pied ! N’amochez pas l’autre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je relève une confusion très préjudiciable dans ce que vous proposez.
On nous a répété à satiété que la retraite par répartition sera préservée. En outre, ceux qui le veulent pourront recourir aussi à l’épargne retraite, ce qui relève d’un choix volontaire.
Or, en prenant en compte les mesures qui ont été adoptées, hélas ! cette nuit, il y aura l’épargne retraite obligatoire, un choix forcé. Qu’on le veuille ou non, un certain nombre de prestations seront versées sous cette forme. Voilà la première confusion que vous faites.
Ensuite, la participation, avec le système bizarre que vous instaurez, sera automatiquement affectée à l’épargne retraite obligatoire si l’on omet de prendre un certain nombre de précautions. Nous ne comprenons pas votre logique, et nous ne discernons pas très bien quelle clarté pourrait jaillir d’une telle confusion !
Et voilà que, au présent article 32 quinquies, vous créez une sorte de mécanisme permettant de lier les retraites chapeaux et l’épargne retraite. Ainsi, la mise en place d’un système de retraite chapeau sera conditionnée à la création d’un régime d’épargne retraite.
Non seulement l’épargne retraite sera obligatoire, mais elle absorbera la participation et même, tout simplement, une partie des revenus ! Quelqu’un est-il en mesure d’exposer la rationalité d’un système aussi compliqué, pour ne pas dire tarabiscoté ? Mais ce que l’on ne dit pas, c’est que toutes ces mesures remettent en cause la retraite par répartition, même si vous vous échinez à prétendre le contraire, monsieur le ministre !
Par ailleurs, vous créez entre les retraites chapeaux et l’épargne retraite obligatoire un lien tout à fait pervers. Or, nous ne cessons de vous le dire, les Français ne veulent pas d’une réforme injuste. N’entendez-vous donc pas cette exigence qui monte aujourd’hui de toute la population de ce pays ? Ils en ont assez des retraites chapeaux, du bouclier fiscal, des revenus financiers exorbitants, des stock-options, etc. ! Les Français n’admettent pas un tel étalage, alors que la contribution des bénéficiaires du bouclier fiscal au financement de votre réforme des retraites sera réduite à une quasi-aumône !
Aujourd’hui, plutôt que de céder à la tentation de vous obstiner, enfermé dans la certitude d’avoir raison, la sagesse commanderait, je vous l’assure, de se réunir autour d’une table pour déterminer quelles dispositions pourraient rendre plus juste cette réforme des retraites.
Mais, au lieu de cela, vous associez retraites chapeaux et épargne retraite obligatoire. Franchement, tous ceux qui sont dans l’inquiétude et la difficulté ne sauraient comprendre cela ! On peut toujours améliorer les choses, mais il faut savoir écouter. Messieurs les ministres, nous vous le disons depuis le début de ce débat, la politique du pire est la pire des politiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’utiliserai pas les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties : certains de mes collègues se sont déjà exprimés, et moi-même suis souvent intervenu dans ce débat. Je ne vais donc pas répéter ce qu’eux ou moi avons déjà pu dire.
J’indiquerai simplement que, s’agissant de cet article 32 quinquies, nous sommes dans une situation irréelle : …
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je suis d’accord !
M. Claude Domeizel. … nous parlons dans cet hémicycle des retraites chapeaux alors que ceux qui les rejettent manifestent justement à quelques dizaines de mètres du Sénat, rue de Vaugirard…
M. Robert del Picchia. Il n’y a personne !
M. Claude Domeizel. Mon expérience à la fois personnelle, professionnelle et d’élu local m’a appris que, dans des situations difficiles – certes moins tendues que la situation actuelle… –, il fallait toujours faire preuve d’humilité, sortir du schéma « j’ai raison, tu as tort » et, surtout, toujours laisser une porte ouverte. C’est ce qu’ont demandé tout à l’heure les présidents du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste et du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Cet article 32 quinquies légitime les retraites chapeaux.
Je m’exprimerai sur le fond tout à l’heure, en présentant mon amendement de suppression. En cet instant, je souhaite m’adresser à notre collègue Jean-Pierre Fourcade, qui nous a expliqué que la pratique des retraites chapeaux se justifiait par la nécessité d’être ouvert au monde. Ainsi, une fois de plus, on nous affirme que si nous n’alignons pas sur des pratiques en vigueur hors de nos frontières, nous nous exposerons à des délocalisations.
Hier, on dénonçait une fiscalité française trop lourde pour les entreprises, des normes sociales trop protectrices, notamment en matière de conditions de travail, des normes environnementales trop strictes… Chaque fois, il faudrait en faire moins pour éviter les délocalisations !
Aujourd’hui, on nous affirme que nous ne pouvons pas nous passer de retraites chapeaux, toujours à cause des risques de délocalisations.
Demain, on nous expliquera probablement qu’il faut supprimer notre système de protection sociale, sous le prétexte qu’il n’en existe pas de tel dans le reste du monde !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ou les congés payés !
M. Jacques Muller. Pour l’heure, en tout cas, c’est le système de retraite par répartition qui est dans le collimateur !
En vous écoutant, monsieur Fourcade, j’ai acquis la conviction que vous soutiendriez l’amendement que nous déposerons cette nuit (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP), visant à aligner la retraite des parlementaires sur celle du régime général. En effet, il n’y aura pas de risque de délocalisation en l’occurrence ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui sait ?
M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, hier soir, mon collègue Desessard vous a demandé quel était très précisément le montant de la défiscalisation liée aux plans d’épargne retraite. Cette défiscalisation représente un coût pour l’État, pour la collectivité, y compris pour les plus pauvres d’entre nous, qui acquittent eux aussi la TVA. Nous attendons une réponse à cette question. (M. Jacques Desessard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.