M. Guy Fischer. Le fait est que l’article dont nous venons de débattre propose de siphonner les ressources de la branche accidents du travail pour prendre en charge les éventuels départs anticipés.
Cela nous ramène, de manière assez inévitable, au problème posé par la modulation des cotisations AT-MP en fonction du risque, et donc des entreprises.
Le principe de la modulation des cotisations est à la base du fonctionnement de la branche AT-MP et, historiquement, ce sont les secteurs les plus marqués par la fréquence et la gravité des accidents du travail qui sont les contributeurs les plus importants.
Ce principe constitue un appel à la responsabilité puisque chaque entreprise qui manifeste quelque effort dans la prévention et obtient quelques résultats voit sa contribution réduite.
Au demeurant, contrairement à ce que Mme Procaccia affirmait, si le bâtiment a accompli d’incontestables progrès en ce qui concerne les accidents mortels, c’est un secteur qui est frappé par l’accroissement de la durée et du nombre des incapacités temporaires de travail et une hausse importante des maladies déclarées professionnelles.
Il y a donc de fortes probabilités pour qu’il soit le secteur le plus sollicité, même dans le dispositif prévu par le projet de loi, pour consentir quelques retraites anticipées par reconnaissance d’incapacités à continuer de travailler.
Le secteur du travail intérimaire, source de main-d’œuvre essentielle dans le bâtiment, n’est pas tout à fait à la pointe de la lutte contre l’insécurité professionnelle. Cela étant, la participation des entreprises sera limitée puisque l’État mettra au pot pour financer, en grande partie, les accords expérimentaux d’allégement de la pénibilité, qui vont réduire à la portion congrue les départs en retraite pour cause d’incapacité.
L’argent public va financer le maintien en activité de salariés âgés, sous réserve de certains aménagements des postes de travail, et le mode principal de cessation d’activité des plus de 55 ans sera la rupture conventionnelle du contrat de travail, disposition que, d’ailleurs, vous avez votée, chers collègues.
Le paysage futur du monde du travail est connu : moins de préretraites, un recours de plus en plus réduit au dispositif « carrières longues », plus de ruptures conventionnelles et une retraite anticipée limitée à la prise en compte de l’évidente incapacité physique du salarié à travailler.
Dans ce contexte, l’amendement de Mme Catherine Procaccia était une démonstration intéressante des exigences redoublées du patronat – car c’est de cela qu’il s’agit en réalité – pour se libérer du financement des conséquences de ses propres décisions de gestion.
Monsieur le ministre, nous arrivons à la fin de cette discussion sur la pénibilité. Vous avez encore une raison de revoir votre position.
M. Bruno Le Maire, hier, dans une émission diffusée sur Europe 1, affirmait : « La réforme est entre les mains du Sénat » ; s’il « veut ajouter un point ou un autre, une concession ou une autre dans les jours à venir, c’est aux sénateurs de le décider. »
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Guy Fischer. Cependant, pour le moment, nous ne voyons rien venir ! Vous êtes droits dans vos bottes, et finalement vous faites une loi qui va à l’encontre des intérêts des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AD, modifié.
(L'article 27 ter AD est adopté.)
Article 27 ter AE (nouveau)
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport sur les modalités selon lesquelles le dispositif prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale peut être adapté pour s’appliquer aux travailleurs non salariés non agricoles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la possibilité d'étendre le nouveau dispositif de prise en compte de la pénibilité aux travailleurs non salariés.
Nonobstant le fait que nous ne sommes pas d’accord avec ce dispositif il nous semble important de faire en sorte que les ressortissants du RSI puissent y avoir droit.
Pourquoi un rapport ? Parce que l'application de l'article 40 empêche les parlementaires d'aller au-delà en rendant applicables dès aujourd'hui aux artisans, industriels et commerçants ressortissant du RSI, les dispositions du titre IV du présent projet de loi.
Les secteurs d’activité des professions artisanales, industrielles et commerciales constituent aujourd’hui en France une force économique importante. Les travailleurs indépendants exerçant dans ces secteurs sont, au même titre que les salariés, exposés à des facteurs de pénibilité. Ils doivent donc pouvoir bénéficier, eux aussi, d’un dispositif adapté à la réalité de leur exercice professionnel qui prenne en compte l’exposition à des facteurs de pénibilité et qui leur ouvre droit à un départ à la retraite de manière anticipée. Selon les estimations qui nous ont été fournies par le RSI, 700 à 800 personnes pourraient être concernées chaque année.
C’est pourquoi j’insiste, monsieur le ministre, sur l’absolue nécessité de travailler dès aujourd’hui avec les responsables du RSI pour qu’un dispositif adapté puisse être rapidement élaboré en faveur des travailleurs non salariés qui, aujourd'hui, n’en bénéficient pas.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article ajouté par la commission porte sur le problème de la cessation anticipée d’activité pour les non salariés non agricoles, notamment les personnes ressortissant aux professions libérales ou au régime des commerçants et artisans.
Il a tout d’abord été décidé, prudemment, de demander la rédaction d’un rapport sur le sujet. Avec mon groupe, nous ne contesterons pas cette méthode puisque c’est souvent de cette manière que nous essayons d’introduire des propositions nouvelles dans un texte.
Cet article montre au moins que les non salariés, dans ce pays, sont bien plus écoutés que les salariés. Plutôt que de leur proposer de travailler plus longtemps, seront examinées, avec leurs organisations professionnelles, les modalités de la mise en place d’un dispositif de cessation anticipée d’activité lié à la présence d’un handicap ne permettant plus de travailler avec suffisamment d’efficacité.
Ainsi, dans ce cas précis, il y aura confrontation des idées, écoute réciproque, formulation de propositions passant en revue tous les aspects, y compris financiers, et clause de rendez-vous pour que, après la publication du rapport, la loi soit le plus possible écrite avec l’encre du consensus.
Je ne sais pas si l’espérance de vie des professions libérales ou des commerçants et artisans est plus ou moins faible que celle des ouvriers et des employés, mais le fait est patent : si l’on refuse d’écouter les organisations syndicales de salariés, on s’apprête à écrire la loi sous la dictée des syndicats professionnels concernés.
Nous refusons cette logique du dialogue asymétrique qui prive les salariés d’un débat démocratique.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AE.
(L'article 27 ter AE est adopté.)
Article 27 ter AF (nouveau)
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 732-18-2, il est inséré un article L. 732-18-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 732-18-3. – I. – La condition d’âge prévue à l’article L. 732-18 est abaissée, dans les conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 752-6 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée au second alinéa de l’article L. 752-2 ou d’un accident du travail mentionné au premier alinéa du même article et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
« II. – La pension de vieillesse liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et un ou plusieurs autres régimes obligatoires. » ;
2° Après le 7° de l’article L. 731-3, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 732-18-3 ; »
3° L’article L. 752-17 est ainsi modifié :
a) Après le 3°, il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3. » ;
b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la contribution mentionnée au 7° bis de l’article L. 731-3 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. J’interviens sur l’article et je donnerai, en même temps, mon avis sur l’amendement de M. Jean-Pierre Godefroy.
S’il fallait seulement une preuve de l’évidente impréparation de cette loi, ou des circonstances dans lesquelles elle a été écrite, elle pourrait fort bien figurer dans cette série d’articles de circonstance qui n’obéissent qu’à un principe de parallélisme des formes, de symétrie ou de je ne sais quoi encore.
En l’espèce, il s’agit de consacrer la possibilité, pour les agriculteurs exploitants, de faire valoir leur droit à la retraite anticipée en fonction des mêmes attendus et des mêmes principes que ceux qui ont été retenus pour les salariés. J’interviens sur ce point, car, comme je l’ai déjà indiqué, je suis très attaché au monde agricole.
Comme nous sommes dans le régime agricole, il faut commencer par procéder à l’analyse des effets de la prolongation éventuelle de la période d’activité.
Les mesures d’âge, dans ce régime, sont en effet le moyen le plus sûr de freiner le mouvement structurel de dégradation du ratio entre les cotisants et les bénéficiaires, en faisant en quelque sorte payer la facture aux exploitants eux-mêmes.
Je ne sais pas si les syndicats agricoles sont forcément d’accord avec cette idée d’allongement des durées de carrière et de recul de l’âge d’ouverture des droits, mais on aurait sans doute pu les solliciter et les auditionner plutôt que de passer par la présentation, à la va-vite, d’un article dans le cadre du débat parlementaire.
Le recul de l’âge de départ en retraite aura forcément des conséquences sur la situation du régime agricole : il peut conduire à une légère amélioration du solde global qui permettra, par exemple, à l’État de se dégager du financement du déficit chronique du FFIPSA.
Quant au fait que la procédure de retraite anticipée appliquée aux salariés vienne à s’appliquer aussi aux agriculteurs exploitants, qu’en dire de plus sinon qu’elle procédera, comme pour les salariés, de la même conception étroite de l’incapacité à travailler que nous avons combattue tout au long de nos débats sur la médecine du travail.
Nous voterons évidemment en faveur de l’amendement de suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, sur l'article.
Mme Françoise Cartron. La pénibilité est, nous le savons tous, l’une des caractéristiques des conditions de travail dans l’agriculture. Si elle apparaît inhérente à cette activité, elle s’est considérablement aggravée ces dernières années, ce dont nous devons tenir compte. En effet, depuis les années 1970, les exploitants agricoles, comme les salariés du secteur, se sont de plus en plus retrouvés isolés sur leurs exploitations, leurs enfants s’étant souvent exilés en milieu urbain.
La prise en compte de la pénibilité est à la base de l’accord portant sur les conditions de travail en agriculture signé le 23 décembre 2008 par une majorité de partenaires sociaux de ce secteur.
Nous pouvons tous observer l’essor d’une réelle prise en compte de cette caractéristique au sein du monde agricole. Dès la loi d’orientation agricole de 1999 et avec l’accord étendu de 2001, les signataires s’étaient engagés à renforcer les commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. C’est ainsi qu’a été développée l’information des salariés et des employeurs sur les bonnes pratiques en la matière. Je pense notamment au travail remarquable effectué par la MSA, la Mutualité sociale agricole.
Ainsi, dans le cadre de l’accord européen conclu sur le thème de la pénibilité le 21 novembre 2005, les entreprises ont été invitées à informer leur personnel des risques de troubles musculosquelettiques en s’appuyant sur un guide élaboré par les partenaires sociaux avec l’aide de la MSA.
À ce titre, la MSA est, de très longue date, impliquée dans le champ de la santé au travail. Cet engagement présente une triple originalité faite d’une approche pluridisciplinaire associant plus de 600 médecins du travail et conseillers en prévention. Il s’inscrit dans le cadre plus général des politiques de santé au travail menées pour tous les actifs et prenant en compte les spécificités du monde agricole, comme l’utilisation de produits chimiques.
Enfin, les grandes orientations de la MSA sont définies par les représentants élus des salariés et exploitants qui siègent au sein des comités de protection sociale des caisses MSA. Un plan pluriannuel sur la sécurité au travail a vu le jour dès 2006. Un nouveau plan pour la période 2011-2015 a été défini avec six priorités liées : au risque chimique, aux TMS, aux risques psycho-sociaux, aux risques liés aux animaux, aux risques liés aux équipements de travail agricole et aux spécificités des petites entreprises
Cette politique a été qualifiée de particulièrement intéressante par le rapport du Conseil économique et social sur l’avenir de la médecine du travail de 2008. On aurait pu penser que le Gouvernement l’aurait pris en compte dans le cadre de la réforme de la médecine du travail qu’il impose sans aucune concertation. Malheureusement, tel n’a pas été le cas et la MSA est, à ce sujet, extrêmement inquiète.
Nous voyons à travers cet exemple que la prévention est une donnée essentielle de la prise en compte de la pénibilité. La reconnaissance de la pénibilité suppose une permanence certaine de sollicitations physiques et psychiques, identifiables, irréversibles et qui laissent des traces durables sur la santé des salariés. En agriculture, elle repose sur des critères tels que des efforts importants et répétés, une présence continue dans un « environnement agressif ». Or, avec cette disposition, le Gouvernement confond sciemment pénibilité et invalidité. En effet, les conditions d’éligibilité renvoient à la maladie professionnelle, à l’accident du travail ayant entraîné des lésions, in fine au taux d’incapacité permanente.
Une telle mesure n’est pas acceptable, d’autant qu’elle tourne le dos au dispositif d’aménagement du contrat de travail en fin de carrière, mis en place par l’accord du 11 mars 2008, récemment étendu, qui permet aux seniors de diminuer leur temps de travail dès 57 ans, lorsqu’ils sont « reconnus comme ayant été soumis à des emplois pénibles ».
Elle est également contraire à la logique qui sous-tend les contrats de prévention des petites entreprises qui, dans ce cas, peuvent bénéficier d’aides financières afin d’améliorer la prévention des risques professionnels.
Nous percevons une fois encore que, pour le Gouvernement, la prise en compte de la pénibilité est non pas une affaire de santé publique, mais bien de considérations budgétaires.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous opposer à cette disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 443, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement a été parfaitement défendu par Françoise Cartron à l’instant même. Je ne vais pas reprendre l’argumentation qu’elle a développée ; je me contenterai simplement de dire que nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
« III. - Les I et II sont également applicables à l'assuré justifiant d'une incapacité permanente d'un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :
« a) Que le taux d'incapacité permanente de l'assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;
« b) Que l'assuré ait été exposé, pendant un nombre d'années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4121-3-1 du code du travail ;
« c) Qu'il puisse être établi que l'incapacité permanente dont est atteint l'assuré soit directement liée à l'exposition à ces facteurs de risques professionnels.
« Une commission pluridisciplinaire dont l'avis s'impose à l'organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l'assuré et d'apprécier l'effectivité du lien entre l'incapacité permanente et l'exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette extension est bienvenue. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, j’avais attiré votre attention sur l’alinéa 7 de l’article 27 ter AC pour vous montrer les risques d’injustice, voire d’impossibilité, engendrés par la phrase : « qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risque professionnels ».
Dans l’article 27 ter AF, qui est relatif au code rural, vous apportez, par votre amendement, une rédaction encore plus claire : une commission est chargée de valider « les modes de preuve apportés par l’assuré ». Ce n’est plus qu’il puisse être établi un lien de causalité entre le travail et la pathologie, cette fois-ci vous montrez carrément la couleur, vous voulez des preuves !
L’assuré agriculteur ou salarié agricole aura bien de la peine à apporter des preuves scientifiques des dégâts qu’il a subis. Françoise Cartron a brillamment exposé de nombreux cas dans son intervention. J’en ajouterai un beaucoup plus confidentiel et intimes, qu’il n’est plus possible d’ignorer et dont la cause s’explique par l’utilisation des phtalates, des perturbateurs endocriniens et des pesticides : il s’agit de l’accroissement des cas d’infertilité, féminine et masculine, et de pathologies touchant les enfants d’agriculteurs qui naissent avec des malformations de l’appareil urogénital, voire avec un sexe indéterminé. (Mouvements divers sur les travées de l’UMP.)
Cela vous fait rire ? Je peux vous dire qu’au CHR de Lille, la fréquentation de la consultation du Pr. Besson, chirurgien pédiatre endocrinien, a doublé, principalement du fait des paysans, très affectés, qui y viennent en famille. Ces choses-là existent, même si elles ne sont pas toujours dicibles !
Pour en revenir au problème d’infertilité que j’ai soulevé, j’attire votre attention sur les difficultés qu’auront ces gens à prouver que ce sont les phtalates et les pesticides qu’ils ont utilisés qui les ont mis dans cet état-là ? Cela ne sera pas facile.
Par ailleurs, le code rural dispose que les salariés des collectivités chargés de l’épandage des produits phytosanitaires (Protestations sur les travées de l’UMP.) dans les espaces verts peuvent être concernés, pour peu qu’ils cotisent à la mutualité sociale agricole. Ils relèveraient alors de cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mon explication, qui porte sur l’article 27 ter AF relatif aux non-salariés agricoles, vaudra également pour l’article 27 ter AG, qui concerne les salariés agricoles. Ces deux articles sont le signe que le Gouvernement essaie de donner satisfaction aux agriculteurs pour faire passer l’incapacité de sa politique à proposer un véritable revenu agricole et des prix rémunérateurs. Vous essayez de masquer l’absence de revalorisation des retraites agricoles, les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, entre les petites productions et les grandes exploitations.
Nicolas Sarkozy s’était engagé, dès le 8 septembre 2010, à ce que toute personne présentant un taux d’incapacité de 10 % puisse faire valoir ses droits devant une commission pluridisciplinaire. Sur la base des éléments que lui présentera le salarié, cette commission pourra décider de lui accorder le bénéfice d’un départ à la retraite à 60 ans. La FNSEA commentait ces propos en déclarant qu’il semblait « très paradoxal que les agriculteurs en soient exclus alors même qu’ils sont exposés à des conditions de travail notoirement pénibles et à leurs conséquences handicapantes ».
M. le ministre vient d’y remédier en faisant adopter un amendement qui propose, à l’article 27 ter AF, de réparer ce « paradoxe », pour reprendre les propos de la FNSEA. Le Gouvernement oublie toutefois, pour des raisons inconnues, de l’appliquer aux salariés agricoles concernés par l’article suivant. Mais peut-être pourrez-vous nous éclairer sur cette distinction de traitement entre non salariés agricoles et salariés agricoles, monsieur le ministre ?
Comme vous savez, les métiers agricoles sont difficiles et usants. La pénibilité ici touche directement le corps : travail en extérieur, par tous les temps, ports de charges, etc. De plus, les maladies professionnelles qui touchent les agriculteurs sont graves et en augmentation, comme vient de le souligner Mme Blandin, notamment du fait de l’utilisation de produits chimiques.
Gérard Lasfargues, que vous évoquiez tout à l’heure, professeur de médecine et santé au travail au CHU de Tours, expliquait, lors d’un colloque devant la MSA de Beauce : « Quand on parle de travaux pénibles, on peut schématiquement distinguer deux situations. Certains facteurs de risque professionnels sont susceptibles, à long terme, de provoquer des effets irréversibles et sévères sur l’état de santé. Mais le temps de latence est parfois long et les expositions responsables ne sont pas toujours vécues comme pénibles. Les agents cancérogènes en sont l’exemple typique. En fait, trois types de conditions de travail peuvent entraîner, après de longues durées d’exposition, un risque élevé de problèmes de santé différés : les efforts physiques (c’est-à-dire manutention, port de charges, postures pénibles), les conditions d’environnement « agressif » (chaleur, intempéries, bruits, exposition aux toxiques...) et les contraintes de rythme de travail et d’horaire atypique (travail de nuit, horaires alternants, travail à la chaîne, travail sous cadence...). »
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les activités agricoles, dans leur grande majorité, entrent dans ces conditions de travail difficiles. De plus, les travailleurs peuvent avoir été confrontés durablement à des conditions de travail ressenties comme pénibles sans qu’objectivement les conséquences sur la santé à long terme ne soient démontrées. Cette pénibilité « vécue » est néanmoins souvent à l’origine de symptômes d’usure physique ou psychique.
Enfin, certaines maladies directement liées aux mauvaises conditions de travail peuvent être développées alors que le professionnel a déjà cessé son activité. De telles situations méritent d’être prévenues en protégeant le travailleur tout au long de son activité. Leur risque de survenance doit de toute façon être pris en compte dans la carrière de celui-ci.
La pénibilité ne peut être réduite à l’incapacité permanente résultant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, mais doit être prise en compte en tant que telle. C’est pourquoi les mesures proposées aux articles 27 ter AF et 27 ter AG du projet de loi sont plus qu’insuffisantes au regard du rouleau compresseur de votre projet de réforme, comme au regard de la situation du monde agricole. C’est pourquoi nous ne pourrons les voter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je souhaitais indiquer à Mme David que les salariés agricoles bénéficient des mêmes prestations que les salariés du régime général. Ce régime aligné garantit les mêmes prestations, qui figurent dans les dispositions relatives au régime général. Par ailleurs, l’article 27 ter AG vise à prendre en compte les modalités de financement du dispositif pour les salariés agricoles, qui relèvent de la MSA. Le financement n’étant pas le même que celui du régime général, il fait l’objet d’un article spécifique. Mais les prestations sont alignées sur celles du régime général.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai très bref. Nous avons fait part de notre désaccord sur l’ensemble de ces dispositions. Il est bien évident que, ces dispositions existant, il serait tout à fait anormal que les non salariés agricoles ne soient pas assimilés comme les autres.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27 ter AF, modifié.
(L'article 27 ter AF est adopté.)
Article 27 ter AG (nouveau)
Le même code est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 741-9 est ainsi rédigé :
« II. – Pour l’assurance vieillesse et veuvage :
« 1° Par une cotisation assise :
« a) Sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés dans la limite du plafond défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, à la charge des employeurs et des assurés ;
« b) Sur la totalité des rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge des employeurs et des salariés ;
« 2° Par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge prévu à l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Le 1° de l’article L. 742-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’application de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « à l’article L. 411-1 » est remplacée par la référence : « au premier alinéa de l’article L. 751-6 du code rural et de la pêche maritime » ;
3° À l’article L. 751-12, il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9. » ;
4° Après l’article L. 751-13, il est inséré un article L. 751-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 751-13-1. – Le montant de la contribution mentionnée au 2° du II de l’article L. 741-9 est pris en compte dans les éléments de calcul de la cotisation qui peuvent être modulés par secteur d’activité dans des conditions déterminées par décret. »
La parole est à M. Claude Lise, sur l'article.