M. Nicolas About. Oh !
M. Guy Fischer. Vous n’aimez pas le monde des salariés, des fonctionnaires, des précaires, qui participent, de par leurs efforts, à dessiner la société que nous connaissons actuellement et qui, il faut le dire, est riche des richesses ainsi produites.
Nous pensons que si vous n’aimez pas le monde du travail, c’est certainement que vous lui préférez celui de la spéculation ! (M. Nicolas About s’exclame.)
Votre politique, nous l’avons définie, à juste raison, comme étant une politique de classe. Ce sentiment, qui n’avait pas été éprouvé depuis très longtemps, est ressenti par beaucoup de travailleurs, de salariés, et se résume, en fait, à la sensation d’un affrontement des marchés contre le monde du travail.
La preuve en est fournie par les alinéas que cet amendement vise à supprimer. En effet, le III bis, tel qu’il est issu des travaux de notre commission, prévoit de repousser de deux ans l’âge à partir duquel les fonctionnaires, et plus spécifiquement les agents des douanes, bénéficient d’une majoration.
C’est en ce sens que s’inscrit votre logique : il s’agit d’une réforme strictement, exclusivement comptable, qui nie les besoins des populations. Une négation qui ne repose que sur une seule conviction : nier ces besoins, rendre incontournable cette réforme et éviter de poser la question d’un financement juste et solidaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression des alinéas 12 à 15 de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est un avis défavorable, puisqu’il s’agit d’amputer l’article de quatre alinéas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 814, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pur amendement de coordination, cet amendement de notre groupe appelle, toutefois, quelques observations.
Les trois alinéas dont nous demandons la suppression portent sur une profession particulièrement populaire et qui jouit, notamment auprès des jeunes enfants et adolescents, d’un certain prestige, je parle des sapeurs-pompiers professionnels.
Bien entendu, ce dont nous parlons ici recouvre les personnels des services départementaux d’incendie et de secours, personnels civils, à la différence des sapeurs-pompiers de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et de ceux du Bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Au détour de cette réforme des retraites, nous voyons remis en cause un élément essentiel du statut de ces agents territoriaux, un statut qui a fait l’objet à plusieurs reprises ces dernières années de controverses et d’actions revendicatives des professionnels eux-mêmes.
Cette prolongation de la durée de services ignore souverainement les sujétions particulières auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers, dont la conscience professionnelle, le dévouement à la chose publique et l’attachement à la qualité de leur travail sont pourtant unanimement reconnus.
Un service d’incendie et de secours fonctionne évidemment vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, jours fériés compris.
Il faut donc, à chaque instant, en temps réel, dirait-on aujourd’hui, disposer des forces nécessaires et suffisantes pour faire face à tout sinistre, quelle que soit sa nature – incendie de forêt, inondation à la suite d’intempéries violentes, accident de la circulation, feu dans un immeuble, etc. –, ce qui suppose d’organiser des astreintes, avec les contraintes que celles-ci impliquent pour la vie personnelle et familiale des pompiers.
En balayant « par coordination » le statut de l’ensemble des catégories actives, l’article impose donc aux sapeurs-pompiers de nouvelles obligations de service. De surcroît, il conditionne l’octroi des bonifications à un allongement de la durée du service actif.
Cette situation aura d’ailleurs pour conséquence de reporter vers les collectivités locales la gestion du contentieux social qui émergera naturellement de cette dégradation des conditions d’exercice du droit à pension.
Nous vous invitons donc, pour pallier ce risque de conflit social, à supprimer les alinéas 16 à 18 de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Permettez-moi tout d’abord de faire une observation sur la forme.
Le texte des alinéas dont il est question dans cet amendement ne figurait pas dans le projet de loi initial.
On peut évidemment se demander pourquoi le Gouvernement avait adopté une telle rédaction au départ, mais au vu de la discussion et du contenu des ajouts de l’Assemblée nationale, on mesure très vite le sens de cette méthode. Celle-ci consiste à garder le silence sur ses intentions jusqu’au bout pour éviter, d’une part, sans doute, un avis circonstancié du Conseil d’État, qui n’aurait pas été nécessairement positif, et, d’autre part, une réaction immédiate des sapeurs-pompiers professionnels concernés par ces alinéas avant même le début de la discussion du texte au Parlement.
Cet amendement vise donc à mettre le doigt sur la méthode gouvernementale, qui consiste à négliger le dialogue social, notamment dans la fonction publique, puis à distiller le recul social en tentant chaque fois de prendre de vitesse toute réaction d’opposition. C’est l’illustration que ce texte a bel et bien pour objet d’organiser un recul social généralisé.
J’ajouterai un dernier point au sujet des sapeurs-pompiers. Nous aborderons plus tard dans nos débats les articles relatifs à la pénibilité. S’il y a bien un métier pour lequel la pénibilité est établie, en raison des contraintes horaires et des risques professionnels évidents, c’est celui de sapeur-pompier.
Or, avant même toute négociation sur le thème, que trouvons-nous ici ? Rien d’autre qu’un allongement contraint des carrières et des sujétions, c’est-à-dire, a fortiori, une extension du domaine de la pénibilité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Je souhaite intervenir au sujet des sapeurs-pompiers, notamment ceux de Marseille.
En effet, lorsque de gros feux se déclarent dans cette ville, parfois même plus largement dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ou PACA, ce qui est ordinairement le cas en période estivale, ces personnels interviennent de manière dévouée, ne comptent pas leurs heures et, souvent, mettent leur vie en péril. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Ce sont des militaires !
Mme Samia Ghali. À Marseille, ils ont un statut particulier ; vous devriez vous renseigner, mes chers collègues ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Étant marseillaise, j’ai quelque raison d’évoquer les sapeurs-pompiers de Marseille et de les défendre ! En tout cas, je ne pense pas qu’il soit interdit de parler d’eux.
Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas que Marseille !
Mme Samia Ghali. Rien ne vous empêche, d’ailleurs, chers collègues, de défendre les sapeurs-pompiers des autres villes !
Puisque vous semblez d’accord avec mon groupe et le groupe CRC-SPG (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), vous allez sans doute, à l’instar de mes collègues communistes et socialistes et de moi-même, voter cet amendement, et même des deux bras, pour soutenir les sapeurs-pompiers de France, notamment ceux de Marseille !
En effet, ces professionnels sont toujours prêts à aller secourir des personnes au détriment de leur propre vie, dans des conditions peu aisées. On ne leur facilite d’ailleurs pas toujours le travail. Il me paraît donc important de tenir compte des spécificités de cette profession, chère aux Français et reconnue par nos concitoyens, et de la soutenir en votant, tout simplement, cet amendement.
Puisque vous avez l’air si décidés, mes chers collègues de la majorité, je suis sûre que vous le voterez avec nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois. Il n’est pas applicable !
M. le président. L'amendement n° 815, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 20 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les agents des douanes, un service dépendant du ministère des finances, sont visés par la minoration des bonifications de pension telle qu’elle est prévue.
Comme pour les fonctionnaires de police, cette disposition a été ajoutée par l’Assemblée nationale, au travers d’un amendement au texte initial du projet de loi, c’est-à-dire dans les conditions d’un débat tronqué.
Débat tronqué à l’Assemblée nationale et absence de dialogue social au sein de la Direction générale des douanes et des droits indirects, la DGDDI, tel est le cocktail qui a présidé à la rédaction de cette disposition.
Concrètement, il s’agit de faire économiser quelques millions ou dizaines de millions d’euros sur le dos de la vingtaine de milliers d’agents des douanes et de ceux qui, parmi eux, devront retarder leur départ à la retraite ou, à défaut, partir plus tôt, mais avec une retraite dont le montant aura subi une décote, alors même qu’ils auront déjà pâti de la minoration de la bonification de leur pension.
Leur carrière sera donc plus longue et les majorations de pension moins importantes, ce qui, au final, les conduira à percevoir une retraite d’un montant moins élevé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je répéterai à M. Vera ce que j’ai indiqué tout à l’heure à M. Autain. Si un tel dispositif n’était pas mis en place, l’effet inverse de celui qu’il a évoqué se produirait : en réalité, les fonctionnaires concernés seraient perdants, puisque cette mesure vise à ajuster le dispositif de bonification au décalage de l’âge.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1202, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
VI. - À la seconde phrase du 1er alinéa de l'article 111 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les mots : « quinze ans » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le projet de loi ne prévoit pas, dans sa rédaction actuelle, le relèvement de la condition de durée de services de deux ans pour les agents de catégorie active qui ont été transférés aux collectivités locales dans le cadre de l’acte II de la décentralisation.
Afin d’assurer l’égalité de traitement pour l’ensemble des agents classés en catégorie active, cet amendement vise à étendre ce relèvement, tout en supprimant une disposition inutile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, il s’agit d’un amendement de normalisation.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 554 est présenté par MM. de Rohan, Beaumont, J. Blanc, Borotra, Cambon, Cléach, Couderc, del Picchia et Dulait, Mme B. Dupont, MM. Faure, J.P. Fournier et François-Poncet, Mmes Garriaud-Maylam et G. Gautier, M. J. Gautier, Mme N. Goulet, MM. Guerry, Kergueris, Laufoaulu et Loueckhote, Mme Michaux-Chevry et MM. Pasqua, Paul, Pintat, Poncelet, Pozzo di Borgo, Raffarin, Romani et Trillard.
L'amendement n° 648 est présenté par MM. Pozzo di Borgo et Maurey.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 24
Supprimer les mots :
au moins quinze ans de services militaires effectifs
et les mots :
au moins dix-sept ans de services militaires effectifs
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 817, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Sans doute pour éviter que le mouvement social ne puisse s’appuyer sur la mobilisation de salariés rompus à l’exercice de la grève de longue durée, le Gouvernement a prudemment décidé de reporter à une date ultérieure l’examen de la situation des régimes spéciaux.
C’est en effet par le biais d’un rapport publié avant le 1er janvier 2017, c’est-à-dire presque au terme de la prochaine législature, que le Gouvernement entend donner au Parlement les moyens de réfléchir aux mesures d’âge portant sur le fonctionnement des régimes spéciaux.
Dans les faits, l’alinéa 41 de l’article 20 vise à éviter que les agents de la Régie autonome des transports parisiens, la RATP, ainsi que ceux de la SNCF ou du secteur des industries électriques et gazières, ne participent trop, en fonction de la situation de leur secteur, aux éventuels mouvements sociaux.
Vu la situation qui affecte depuis plusieurs jours le transport ferroviaire dans notre pays, il semble bien que l’opération ait quelque peu échoué !
Je souhaite revenir à présent sur les raisons de cet échec.
Premièrement, les salariés de la SNCF, pour prendre cet exemple, savent pertinemment que tout recul imposé aux assurés du régime général en termes de durée de cotisation, d’âge d’ouverture des droits ou d’âge de liquidation sans décote – ce sont les trois piliers de la réforme qui figurent aux articles 4, 5 et 6 –, rend quasiment intenable la préservation de la spécificité du régime.
Au demeurant, l’offensive menée dans ce texte pour, de façon symétrique, imposer un tel recul social aux agents ressortissant au statut de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, justifierait d’autant plus que des mesures de même ordre soient mises en œuvre dans les régimes de la SNCF, des traminots ou des électriciens.
Deuxièmement, l’attaque contre le régime de retraite va naturellement de pair avec celle qui est menée contre l’emploi et l’activité des agents bénéficiant d’un régime spécial, et dont les effets sont de plus en plus patents.
Pour ne citer qu’un exemple, c’est le cas dans le fret ferroviaire, où l’abandon des dessertes de faible circulation, c’est-à-dire les wagons isolés, participe d’un objectif plus général de recherche de rentabilité sur quelques créneaux et lignes plus fréquentées ou plus concurrentielles.
Notons d’ailleurs que le projet de loi NOME, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, va, de son côté, peser sur le chiffre d’affaires d’EDF et, sans doute, occasionner de nouvelles pressions sur le régime de retraite des agents.
Enfin, troisièmement, les agents ont très bien compris que le processus avait des mobiles comptables évidents. Depuis des décennies, une entreprise comme EDF ne perçoit plus aucune aide de l’État, tout en apportant à ce dernier, soit en qualité d’actionnaire, soit au titre des impôts, des ressources considérables. Le désengagement probable de l’État du financement du régime de retraite sera compensé par l’accroissement des cotisations acquittées par les agents, alors que ceux-ci verront leur retraite amputée au final.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement tendant à supprimer l’alinéa 41 de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de loi de programmation des finances publiques décline ses objectifs pour chacun des acteurs de la dépense publique. Ainsi, il programme jusqu’en 2013, par mission, l’ensemble des dépenses de l’État.
Celles-ci seront stabilisées, au cours de la période, en valeur hors charge de la dette et pensions, c’est-à-dire « zéro valeur hors dette et pensions », ce qui permettra une progression du total de la dépense de l’État, y compris de la dette et des pensions, légèrement inférieure à l’inflation observée.
Les concours de l’État aux collectivités locales seront, eux aussi, stabilisés en valeur. La progression des dépenses d’assurance maladie sera limitée à 2,9 % en valeur en 2011, puis à 2,8 % par an à partir de 2012.
L’évolution de la dépense publique intégrera aussi les économies réalisées grâce à la réforme des retraites actuellement en discussion.
En effet, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 a été présenté en complément du projet de loi de finances pour 2011.
Il nous semble qu’il convient de garder cet élément à l’esprit pour mieux percevoir ce qui se cache derrière cette série d’articles dits « de coordination » figurant dans ce projet de loi : il s’agit en réalité d’associer les fonctionnaires et les agents du service public, en général, à l’objectif de réduction des déficits publics.
En effet, on se refuse à atteindre cet objectif au travers d’une augmentation généralisée des impôts, préférant s’attaquer aux niches fiscales, mais de manière à ne toucher que celles qui intéressent les couches moyennes et modestes. On entend plutôt mettre en œuvre une compression de la dépense publique, sous toutes les formes possibles.
J’observe, mes chers collègues, que prélever autant d’impôts pour financer moins de dépenses publiques, et donc fournir une qualité de service moindre, revient finalement, dans notre esprit et dans celui de nos concitoyens, à augmenter leurs impôts pour obtenir un service public dégradé.
Cette dégradation qui touche également l’emploi public, car on continue de mettre en œuvre le plan social larvé que constitue le non-remplacement des départs en retraite, va aussi affecter le corollaire de l’emploi public, c’est-à-dire, singulièrement, les pensions.
Comme la soumission des politiques publiques aux marchés financiers est patente, on peut s’attendre, dans les prochaines années, à ce que le service de la dette consomme des masses de plus en plus importantes d’argent public. Il faut donc, dans cette perspective, réduire autant que faire se peut la progression des salaires et pensions : tel est le sens des mesures d’âge que nous avons déjà dénoncées !
Quid, dans ce contexte, des régimes spéciaux ? Le rapport pour avis de la commission des finances nous offre la clé. Outre qu’il se félicite de la plus faible revalorisation des pensions et du fait que le nombre de liquidants se soit sensiblement réduit avec les premières réformes du régime de la SNCF, ce rapport met en évidence que l’année 2013, ou 2014, devrait constituer la première année où la contribution de l’État au financement de ce régime spécial devrait diminuer.
En effet, les régimes spéciaux connaissent une évolution démographique qui réduit le nombre des réversions – il suffira que les épouses des cheminots aient aussi travaillé pour que le poids des pensions de réversion se réduise – et qui stabilise le nombre des pensionnés.
Pour que chacun mesure l’importance du privilège accordé aux cheminots par leur régime de retraite, rappelons que la pension moyenne du régime s’élève à 1 800 euros bruts par mois, ce qui n’a pas grand-chose à voir, vous en conviendrez, avec les retraites chapeaux ou les parachutes dorés !
Tout cela nous laisse donc à penser que les régimes spéciaux vont servir, en quelque sorte, de variable d’ajustement pour consolider la réduction des dépenses publiques à compter de 2017.
Nous vous appelons donc à voter cet amendement de suppression de l’alinéa 41, qui tend à faire contribuer, demain, un certain nombre de travailleurs à une politique économique et budgétaire, aiguillée de façon à suivre uniquement le train fou des marchés financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. À l’évidence, je voterai l’amendement présenté par notre collègue.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite à présent vous poser une question.
L’alinéa 41 de l’article 20 dispose : « Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures de relèvement des âges d’ouverture du droit à pension et des limites d’âge prises, par voie réglementaire, pour les autres régimes spéciaux de retraite. »
Comme l’a dit ma collègue, le Gouvernement souhaite visiblement modifier par voie réglementaire les conditions d’âge des régimes spéciaux de retraite. Dès lors, pourquoi remettre un rapport au Parlement ? En effet, vous avez clairement exprimé votre intention d’agir et vous avez choisi de ne pas recourir au vote du Parlement. Quel sera donc l’intérêt d’un tel rapport, puisque les parlementaires n’auront pas de possibilité d’intervention ?
Je réitère donc ma question, monsieur le secrétaire d'État, si vous daignez me répondre : à quoi servira ce rapport ?
M. Nicolas About. Tout dépendra de ses conclusions !
M. Jean Desessard. Le Parlement aura-t-il la possibilité de proposer des modifications, alors que le Gouvernement annonce clairement qu’il recourra à la voie réglementaire ?
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont exprimé leur avis défavorable sur cet amendement, mais je voudrais m’y attarder quelque peu, puisque notre collègue Mme Labarre a évoqué certains régimes spéciaux, dont celui des cheminots.
Je comprends bien les propos de notre collègue, mais je souhaite revenir sur l’histoire du secteur ferroviaire. Tout à l’heure, M. Fischer nous a lu une lettre de témoignage. Quant à moi, je ne lirai pas de lettre, mais je donnerai mon témoignage personnel. Étant moi-même issu du monde cheminot, je comprends l’attachement et l’attitude de nos collègues de l’opposition à son égard.
Outre le problème du régime spécial de retraite, ma chère collègue, vous avez aussi évoqué la disparition des wagons isolés et l’évolution de la SNCF. Cependant, ce projet de loi est totalement étranger à ces deux dernières questions.
S’agissant de la retraite des cheminots, et en particulier des personnels roulants, à l’époque de la traction à vapeur, deux personnes pilotaient les locomotives, par tous les temps, maniant la pelle. C’était un métier très difficile ! Depuis, avec l’évolution technique, le développement de la traction électrique notamment, les conditions de travail ne sont plus les mêmes : les conducteurs se trouvent seuls à conduire à des vitesses de plus en plus élevées. Les contraintes ont changé, le recrutement est devenu particulièrement difficile.
On peut donc comprendre les réactions des cheminots et les points de vue qui ont été exprimés que, tous, nous respectons, car je crois que, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, nous reconnaissons les difficultés de chaque profession.
On peut donc comprendre les réactions des cheminots, mais je voudrais revenir sur la disparition des wagons isolés, évoquée par Mme Labarre. Je la déplore aussi, à titre personnel, mais c’est un état de fait : la SNCF a un conseil d’administration, Réseau ferré de France également. Il leur faut faire preuve de réactivité et tenir compte de la concurrence de la route.
Mme Marie-Agnès Labarre. Développez le transport multimodal !
M. Marc Laménie. On ne peut malheureusement pas la nier ! Elle résulte d’un choix des entreprises, il faut le reconnaître.
On peut aussi déplorer la suppression de certaines infrastructures ferroviaires, mais on peut aussi la comprendre. Ces questions mériteraient un autre débat, mais je sais que vous avez déposé une proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire : vous aurez ainsi toute latitude pour en reparler.
Compte tenu des avis négatifs émis par M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, que je partage, je ne voterai pas cet amendement, même si je comprends les motivations de ses auteurs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Monsieur Desessard, si vous m’y autorisez, sur la forme, il ne s’agit pas pour moi de savoir si je daigne vous répondre ou non. Vous m’interrogez en tant que parlementaire, je vous réponds très volontiers, puisque c’est dans ce cadre que le dialogue entre nous doit s’instaurer, de façon parfaitement dépassionnée, avec le seul souci, en ce qui me concerne, d’apporter des informations qui répondent à une question légitime.
Vous m’avez donc interrogé, monsieur le sénateur, sur la raison d’être du rapport concernant les régimes spéciaux de retraite.
Je rappelle d’abord que certains sénateurs, dont le rapporteur de ce projet de loi, M. Dominique Leclerc, ont déjà remis de nombreux rapports sur les régimes spéciaux ; ils connaissent donc bien ce sujet et mesurent le poids de ces régimes spéciaux dans le cadre du financement des retraites, en particulier pour l’équilibre financier du système. Vous savez également, comme moi, que l’État verse actuellement une subvention pour équilibrer les régimes spéciaux.
Le rapport visé à l’article 20 a été programmé par le Gouvernement pour être déposé avant l’entrée en application de la loi, le 1er janvier 2017. Il a pour objet de préciser à la représentation nationale, d’une part, le contenu des différents décrets qui, régime par régime, vont définir l’application progressive des nouvelles dispositions et, d’autre part, leurs conséquences financières. Dans la mesure où ce domaine relève du pouvoir réglementaire – vous le savez, monsieur le sénateur, puisque vous avez pu le constater en 2007 et en 2008 –, le Gouvernement tient à fournir une explicitation à la représentation nationale des éléments qui, sans ce rapport, pourraient lui échapper.
Ce rapport répond donc au souci d’informer la représentation nationale, afin qu’elle puisse exercer un droit de regard sur la montée en puissance de mesures contenues dans cette loi, que vous allez peut-être voter, et à leur incidence sur l’évolution des régimes spéciaux.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Je souhaite répondre à M. Laménie, car je ne peux pas, en tant que cheminote, laisser dire un certain nombre de contre-vérités.
S’agissant des conditions de travail des personnels roulants, effectivement, le charbon et les locomotives à vapeur ont disparu, je vous le concède ! Cela étant, il ne faut pas oublier que les roulants sont seuls aujourd’hui sur leurs machines. Or ils assument la responsabilité du transport de plusieurs centaines de personnes, ce qui peut créer un certain stress. (M. Nicolas About acquiesce.) Ils doivent ainsi exercer une surveillance constante, rester vigilants quant aux signaux, etc. Je ne veux pas m’étendre excessivement sur ce point, mais les conditions de travail de ces personnels, si elles ont évidemment évolué, restent éprouvantes, notamment en termes de stress, justifiant entièrement un départ anticipé à la retraite, de mon point de vue, mais aussi du leur, apparemment !
Concernant la situation du fret ferroviaire, je ne peux pas accepter l’idée que la suppression du wagon isolé résulte d’un état de fait. Ce n’est pas vrai ! C’est en fait la traduction d’une volonté politique de reporter ce trafic sur la route, contrairement aux engagements pris, ici même, par le Gouvernement et les parlementaires dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
La concurrence de la route est parfaitement déloyale. Il faut tout d’abord savoir que la SNCF est l’un des premiers transporteurs routiers européens : je n’ai donc pas besoin de vous faire un dessin ! Cette concurrence est également déloyale, parce que les taxes appliquées aux routiers sont loin d’atteindre le niveau de celles que supportent les utilisateurs des voies ferrées. Il y aurait donc beaucoup à dire sur ce sujet, mais je crois qu’un débat doit être prochainement organisé sur une proposition de résolution de notre groupe relative au développement du fret ferroviaire : ce sera l’occasion d’approfondir la question ! (M. Guy Fischer applaudit.)