Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’avais pas prévu d’intervenir mais la déclaration de notre collègue m’amène à réagir sur la pénibilité du travail du monde agricole.
Je ne partage pas son point de vue. Bien sûr, les agriculteurs ne travaillent pas dans les conditions qu’ils connaissaient il y a cinquante ans, mais pour pouvoir vivre de leur activité aujourd'hui, ils subissent une pression absolument inégalée.
Ils sont amenés à cultiver une superficie bien supérieure avec un nombre de personnes relativement faible, de façon à pouvoir se sortir des difficultés posées par des marchés sur lesquels ils ne sont pas payés conformément au coût réel de leur production.
On ne peut pas évoquer la pénibilité simplement par rapport aux produits utilisés. À la question de la pénibilité, vous mêlez celle des risques professionnels et des conséquences sur la santé. C’est une façon individuelle de traiter le problème et de le médicaliser.
Nous, nous considérons que la pénibilité de l’activité doit prendre en compte toute la diversité du métier agricole, ce qui n’est pas du tout le cas du texte qui nous est proposé.
Les agriculteurs ne feront que constater qu’une fois de plus on ne les reconnaît pas pour le travail qu’ils font, comme on ne reconnaît pas la nécessité qu’ils puissent vivre avec des retraites meilleures que celles qu’ils perçoivent aujourd’hui. C’est particulièrement vrai pour les femmes exploitantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'article 7.
Mme Odette Herviaux. Il est vrai qu’il peut paraître difficile d’entrer dans une défense catégorielle tant cette réforme est injuste pour tous. Les retraites agricoles cumulent cependant plusieurs handicaps.
Les retraites sont faibles. Je ne vais pas reprendre les chiffres que mes collègues ont mentionnés avant moi, mais on peut le constater quand on connaît ce milieu.
Le travail est long, souvent pénible, parfois dangereux et pas toujours reconnu.
Les pensions de réversion sont encore plus faibles pour les conjointes, qui elles devront travailler jusqu’à 67 ans voire plus.
Globalement, si le niveau de vie des retraités est aujourd'hui légèrement supérieur à celui des actifs – on peut d'ailleurs le déplorer, car cela signifie que le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur dans notre société –, ce n’est cependant pas le cas dans le domaine agricole.
Les propositions du Gouvernement représentent un certain nombre d’avancées que je pourrais qualifier de « bons points » destinés à faire avaler la pilule du report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.
D’une part, le choix des 25 meilleures années pour le calcul de la pension peut paraître satisfaisant. Cependant, tout le monde sait que face aux crises à répétition, à l’instabilité et à la fluctuation des marchés, à l’endettement de plus en plus élevé de la plupart des exploitations, cette amélioration risque fort d’être remise en cause.
D’autre part, je m’attarderai sur l’exemption du recours sur succession du capital agricole et des bâtiments, indissociables pour tous ceux qui pourraient faire appel à la solidarité nationale mais qui n’osent pas.
Encore faut-il qu’ils soient toujours en possession de ces outils ! Vous n’êtes pas sans savoir que certaines exploitations sont endettées depuis de nombreuses années à plus de 90 %. J’en connais même qui dépassent les 100 %. On ne voit pas, quand ils sont soutenus artificiellement par des groupements, comment ils pourraient s’en sortir. Même si les crises cessent, même s’ils retrouvent un peu d’air, ils ne pourront jamais surmonter suffisamment ces handicaps pour laisser une quelconque succession, notamment pour les plus âgés d’entre eux.
Comment peut-on reculer encore l’âge de la retraite alors que les mises aux normes, dans l’élevage, par exemple, appellent des investissements relativement lourds et que l’on ne peut plus, après un certain âge, continuer à s’endetter pour pouvoir exercer ? Ces éleveurs sont donc dans l’obligation de partir plus tôt.
Vous reconnaissez que les agriculteurs exercent un métier pénible – il ne faudrait d'ailleurs pas oublier les métiers de la pêche, même si leur situation est légèrement différente. Sous ce vocable, nous retrouvons les mêmes travers pour tous les métiers : par pénible, il faut entendre la reconnaissance préalable d’une incapacité permanente ; c’est inacceptable !
Le métier d’agriculteur est particulièrement exposé, tant en raison des longs horaires journaliers et hebdomadaires que de sa dangerosité liée à l’utilisation des machines ou au contact avec le bétail, source d’accidents du travail. Mais, bien plus sournoisement, ce métier peut entraîner un mal-être et un mal-vivre chez ceux qui l’exercent. Je ne reviendrai pas sur la fréquence des suicides parmi les agriculteurs, nous en avons parlé tout à l’heure, mais ils sont une réalité. De même, je ne reviendrai pas sur toutes les maladies qui se déclenchent longtemps après la manipulation des substances cancérogènes que sont les produits phytosanitaires.
C’est pourquoi le monde agricole attache une importance primordiale non seulement au niveau des pensions, bien entendu, mais aussi à l’âge de départ à la retraite.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut être cohérent : pour assurer une retraite décente à nos agriculteurs et à nos pêcheurs, pour maintenir sur l’ensemble de notre territoire un tissu d’exploitations locales, il ne faut pas leur demander de travailler plus longtemps et reculer leur âge de départ à la retraite. Au contraire, il faudrait les aider à trouver des repreneurs pour qu’ils puissent transmettre leurs exploitations. C’est un enjeu majeur pour l’aménagement équilibré de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans et celui de l’âge du départ sans décote de 65 à 67 ans sont tout simplement emblématiques du refus du Gouvernement de prendre en compte la réalité du terrain.
Quelle est cette réalité ? C’est la pénibilité particulière du travail paysan. Je ne parle pas de celle des « agromanagers » qui se promènent sur leur tracteur ultramoderne, tout-suspendu, grand confort, doté d’une isolation phonique et équipé d’une chaîne hi-fi.
M. Guy Fischer. Alain Vasselle ! (Rires.)
M. Jacques Muller. Je ne parle pas des « agri-sénateurs » ; je parle des paysans, ces paysans qui sont la majorité dans notre pays, qui travaillent dur, dans des conditions difficiles, exposés au climat, qui se lèvent tôt, qui se couchent tard !
Je prendrai l’exemple des agriculteurs de montagne, de ceux qui font encore de la polyculture-élevage, des éleveurs laitiers, des maraîchers, qui exercent tous un travail physique, usant, un travail exposé à cause de l’emploi des pesticides – Pardon, il faut parler des produits phytopharmaceutiques ! –, exposé aussi aux accidents. Retarder leur âge de départ à la retraite est tout simplement une forme de mépris, un déni de la réalité.
On pouvait faire autrement, on pouvait renforcer la solidarité nationale qui s’exprime à travers le cofinancement des régimes de retraite des agriculteurs par le régime général. Ce dispositif existe déjà pour corriger le déséquilibre démographique, qui, évidemment, est plus important dans l’agriculture que dans le reste de la société. Ce déséquilibre est lié à l’exode agricole, qui a d’ailleurs été amplifié par toutes les politiques agricoles qui ne cessent d’éliminer les paysans en subventionnant le capital au détriment du travail.
Refuser d’analyser cette proposition visant à équilibrer le régime de retraite des agriculteurs, refuser la solidarité, c’est tout simplement botter en touche et ignorer le très faible niveau des retraites des paysans. Cela a été dit, 80 % des agriculteurs perçoivent une retraite inférieure à 750 euros, et beaucoup d’entre eux touchent moins de 500 euros. Bien sûr, c’est une trahison de plus du Président Sarkozy. C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen de l’article 28, je proposerai la création d’un filet de sécurité minimal, décent, pour nos agriculteurs.
Nos paysans passent leur vie à produire pour nourrir les autres. Il paraît que c’est le métier le plus beau du monde. Cela ne les empêche pas de vivre dans la précarité, avec des revenus faibles, et dans un état physique tel que leur espérance de vie est nettement inférieure à la moyenne. C’est tout simplement intolérable dans une société qui se dit développée. Ce report de l’âge de la retraite est inacceptable, humainement et socialement, d’autant plus que l’on peut faire autrement. Les Verts voteront contre l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
(M. Roger Romani remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
Articles additionnels après l'article 7 (réservés)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 8
I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont la pension de retraite peut être liquidée à un âge inférieur à soixante ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé :
1° À cinquante-deux ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1966 ;
2° À cinquante-cinq ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-trois ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ;
3° À cinquante-six ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-quatre ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ;
4° À cinquante-sept ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1961.
II. – Cet âge est fixé, par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite des âges mentionnés au I pour les assurés nés antérieurement aux dates mentionnées au même I.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Cet article vise à repousser de deux ans l’âge d’ouverture des droits des fonctionnaires relevant des catégories actives. Dans ces catégories, on retrouve plus particulièrement les professions exposées au danger telles que les pompiers et les militaires. Sont également concernés les policiers, les gardiens de prison, les douaniers et les personnels paramédicaux.
Si ces fonctionnaires qui relèvent de la catégorie active peuvent partir plus tôt, c’est seulement pour compenser la fatigue, les risques et le stress liés à leurs fonctions. Ce traitement apparaît donc comme une compensation des risques encourus tout au long de leur carrière professionnelle.
Aussi, cet article est difficile à accepter pour toutes ces professions. Il y a là, en effet, un paradoxe. Alors que le Gouvernement prétend, dans ce projet de loi, prendre en compte la question de la pénibilité, il décide pourtant, pour ces catégories de profession, de relever de deux ans l’âge d’ouverture des droits.
Dernièrement, j’ai reçu dans mon département les sapeurs-pompiers. Ils étaient scandalisés par les mesures prises par le Gouvernement. Ils ont le sentiment, tout à fait légitime, de ne pas être entendus par un gouvernement qui se refuse à prendre en compte la pénibilité et la dangerosité de leur métier, alors que celles-ci sont bien connues et reconnues par le plus grand nombre.
Il est difficile de procéder, ici, d’une manière globale. En effet, chaque métier a sa spécificité et sa pénibilité. C’est la raison pour laquelle il faut dresser un bilan des métiers pénibles. Pour cela, il faut engager une véritable négociation avec les syndicats. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous rencontré les syndicats ? Leur avez-vous demandé leur avis au sujet des catégories actives ? Il me semble qu’ils vous ont adressé des courriers. À ce jour, ils attendent toujours une réponse.
C’est une véritable injustice qui est faite à ces agents qui ont choisi d’exercer l’une des professions répertoriées en catégorie active. C’est une injustice, car ils ont accepté d’exercer un métier, ils en ont accepté les risques selon les termes d’un contrat dont vous décidez aujourd’hui, unilatéralement, de changer les termes.
L’exercice de la profession de sapeur-pompier au-delà de 55 ans posera inévitablement un problème de sécurité à la fois pour les intervenants eux-mêmes mais aussi pour les usagers du service public qui les sollicitent.
Il est impératif que le Gouvernement prenne en compte la dangerosité de leur mission. Les possibilités d’emplois non opérationnels au sein des services départementaux d’incendie et de secours ne permettront pas de couvrir l’ensemble des besoins de la profession, compte tenu notamment du vieillissement lié à la pyramide des âges.
Quant au reclassement dans une autre filière de la fonction publique, il ne peut s’envisager comme une solution satisfaisante, et ce pour deux raisons : premièrement, l’esprit de corps des sapeurs-pompiers induit un attachement particulier à la profession ; deuxièmement, la perte du statut de sapeur-pompier professionnel entraîne, de facto, la perte des avantages acquis au travers de la surcotisation supportée par l’agent tout au long de sa carrière, ainsi que celle des avantages issus de l’intégration de l’indemnité de feu pour le calcul de la pension et des bonifications.
Pour finir, le classement en catégorie active ne concerne qu’un nombre d’emplois limité, soumis à des fatigues exceptionnelles et à des risques particuliers. La plupart d’entre eux sont au service de nos concitoyens, souvent en situation de détresse, et plus encore aujourd’hui en raison de la crise. Il est légitime de soutenir ces catégories actives ; le Gouvernement doit prendre en compte la pénibilité et la dangerosité de ces professions à caractère exceptionnel.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Cet article 8 vise donc à relever de deux années l’âge d’ouverture des droits à pension de retraite des assurés appartenant aux catégories actives de la fonction publique, sujet qui mériterait qu’on y passe la soirée, et même davantage. En tout cas, cette mesure est bien la démonstration, comme je l’ai dit à plusieurs reprises à M. Woerth, que cette réforme a avant tout une visée comptable.
Monsieur le secrétaire d'État, vous ne cessez de répéter que vous voulez tenir compte de la pénibilité de certains métiers, notamment à travers ce projet de loi, mais, dans le même temps, vous vous attaquez à certains d’entre eux qui sont reconnus comme pénibles.
Pour illustrer mon propos, je citerai quelques exemples.
Les agents des réseaux souterrains des égouts, qui, jusqu’à présent, prenaient leur retraite à 50 ans, devront désormais attendre 52 ans. Les infirmiers, quant à eux, se sont fait piéger : s’ils ont dorénavant la possibilité de devenir des fonctionnaires de catégorie A, ils perdent en contrepartie le bénéfice de leur appartenance à la catégorie active. Il conviendrait quand même de régler cette situation !
L’article 8 du projet de loi s’appliquera à tout un ensemble d’agents des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l’État. Mes chers collègues, permettez-moi, ne serait-ce que pour vous réveiller (Sourires.), de vous citer quelques-uns des métiers visés par un arrêté du 12 novembre 1969 établissant le classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B ; vous mesurerez ainsi à quel point ce texte est dépassé. Ainsi, on trouve dans cette liste les cordonniers des services des égouts de la Ville de Paris, les matelassiers des services de santé et établissements publics d’hospitalisation, de soins et de cure ou les fossoyeurs, porteurs et metteurs en bière des pompes funèbres.
M. Jacques Gautier. Les sénateurs ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Enfin, j’ai gardé pour la bonne bouche, parmi bien d’autres, les éboueurs et agents de service de nettoiement chargé de l’enlèvement des poubelles, du nettoyage des abattoirs et des poissonneries ! Ces exemples démontrent bien que, depuis 1969, il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts et dans les poissonneries ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'État, vous conviendrez qu’il n’est pas possible d’adopter cet article sans que cet arrêté de 1969 ait été préalablement révisé. En dehors des métiers visés par cet arrêté, certaines situations se révèlent tout aussi incongrues.
Ainsi, le maire d’une commune peut décider de nommer chef-éboueur un éboueur employé communal, de manière que celui-ci voit sa situation matérielle améliorée. Eh bien, en bénéficiant de cette promotion, cet agent passera de la catégorie active à la catégorie sédentaire, perdant ainsi la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite ! Il en va de même pour les ouvriers professionnels buandiers de catégorie 3, les OP3, quand ils passent OP1 ou pour les agents d’entretien qui passent agent de maîtrise.
Pour en revenir au cas de l’éboueur, figurez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que celui qui devient chef-éboueur continue à se lever très tôt le matin pour vider les poubelles dans les camions-bennes. Sous prétexte qu’il a bénéficié d’une promotion, il devrait perdre le bénéfice de partir à la retraite à 55 ans ?
Cet exemple montre bien que l’on ne peut pas discuter de cet article sans évoquer ces anomalies que je dénonce depuis fort longtemps.
Monsieur le secrétaire d’État, cet article a été rédigé sans aucune concertation. Je serais pourtant étonné que les organisations syndicales ne vous aient pas alerté sur les exemples que je viens d’évoquer. Comme votre seul souci est de traiter les problèmes d’une manière comptable, vous avez également augmenté de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les personnels de ces catégories, qui continuent pourtant d’être soumis à des conditions de travail pénibles. C’est regrettable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. M. Claude Domeizel, président de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, est sans doute l’un de ceux qui connaît le mieux ces problèmes. Comme il vient de l’indiquer, l’article 8 de ce projet de loi s’inscrit dans votre logique puisqu’il repousse de deux ans l’âge de départ des fonctionnaires relevant des catégories A actives, ce qui apparaît comme une aberration.
À l’heure actuelle, ces fonctionnaires bénéficient d’un droit de départ à la retraite anticipé à 52 ans. Si on leur accorde ce droit particulier, c’est que le législateur a reconnu que ces professions étaient soumises à des « risques particuliers ou à des fatigues exceptionnelles », pour reprendre l’expression de M. le rapporteur.
En repoussant de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, on voudrait nous faire croire que ce qui était justifié hier ne le serait plus aujourd’hui.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Guy Fischer. C’est une analyse que nous ne partageons pas. Nous sommes même convaincus du contraire. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui prévoit le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, les contraintes économiques qui pèsent sur les dépenses et rendent plus difficiles les conditions de travail des salariés, ont une incidence sur la santé physique et psychique des agents. Allonger la durée de cotisations, c’est faire le choix de continuer à prolonger l’exposition des fonctionnaires, dans un contexte de dégradation de l’activité professionnelle.
Parmi les professions concernées par cet article, je prendrai l’exemple des agents de police. Tout le monde s’accorde à reconnaître que leurs conditions de travail ne sont pas des plus aisées. Ils subissent les conséquences de la désorganisation de leurs services, du manque de moyens et de personnels.
Face à cette situation, le ministre de l’intérieur lui-même s’était engagé, par un courrier envoyé aux organisations syndicales représentants les agents de police, à « saisir l’opportunité d’apporter des éléments à la préparation d’un projet gouvernemental [qu’il souhaitait] équilibré ». C’est dire la teneur qu’aurait eu cet article si le ministre n’avait pas eu la volonté d’y apporter une quelconque amélioration. On se demande d’ailleurs où se trouve cette amélioration…
Pourtant, les enjeux sont importants : il s’agit bel et bien d’assurer la sécurité des agents, de garantir leur efficacité opérationnelle et, ai-je envie d’ajouter, leur droit de profiter d’un temps pour soi et en bonne santé. Je suis élu d’un grand quartier populaire. Aux Minguettes, le commissariat se trouve dans le même immeuble que ma permanence. Je puis vous affirmer, pour côtoyer les agents de police, que bien souvent, notamment la nuit, ils se rendent sur le terrain stressés et la peur au ventre.
Après avoir reçu ce courrier, les policiers ont attendu, mais ils n’ont rien vu venir. Le ministre disait vouloir tenir compte des éléments relatifs à la pénibilité et à la dangerosité de leur profession, intégrer les sujétions bien particulières des missions qui leur sont confiées. Cinq mois plus tard, force est de constater que ces engagements sont tous restés des vœux pieux. Et les policiers, que vous êtes si prompts à défendre dans les médias, se retrouvent bien seuls dès lors qu’il s’agit de passer des mots aux actes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, votre conception de l’équité, qui tire toujours les droits vers le bas, vous a conduit à élaborer cet article 8, qui constitue l’une des premières mesures à l’encontre des fonctionnaires, accusés de tous les maux. Dans le projet de loi de finances pour 2011, ceux-ci subiront en effet de plein fouet les réductions de personnels décidées dans le cadre de la RGPP.
Aussi, de manière mécanique, presque déshumanisée, vous repoussez de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires relevant des catégories actives de la fonction publique. Or cette reconnaissance, qui ouvre des aménagements en termes de droit à la retraite, n’est pas un cadeau fait à celles et à ceux qui accomplissent des missions de service public dont nous profitons tous chaque jour. C’est une reconnaissance des risques particuliers qui découlent de l’accomplissement de ces missions.
Vous soutenez, et votre argument vaut pour le secteur public comme pour le privé, que les évolutions et les progrès des sciences et des techniques auraient permis d’améliorer les conditions de travail des salariés, comme c’est le cas dans l’agriculture, M. Vasselle le rappelait tout à l’heure. À croire que tous les maux disparaîtraient derrière la notion de modernisme à laquelle vous vous référez souvent, mais jamais lorsqu’il s’agit des droits sociaux.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne partageons pas cette analyse. Certes, les progrès techniques ont permis des avancées notables, mais la situation est loin d’être générale. N’oublions pas que les évolutions techniques entraînent parfois leur lot de souffrance. Dans le domaine de l’entretien du réseau routier, par exemple, les évolutions techniques n’ont en rien diminué la pénibilité du travail. On peut dire qu’un conducteur de camion de chantier travaille dans de meilleures conditions. Mais il n’en reste pas moins que, dans nos collectivités, les salariés d’une cinquantaine d’années qui souffrent de maux de dos sont si nombreux qu’il devient difficile de les reclasser.
Il est aussi des progrès techniques réels qui, dans les faits, ne profitent pas aux salariés. Je pense aux infirmiers ou aux aides-soignants des établissements publics hospitaliers, qui disposent, parfois, de lève-malades qu’ils n’utilisent pas, car cela ralentirait leur travail. Faute de personnels en nombre suffisant, ils sont en effet soumis à un rythme soutenu. Ils sont donc amenés à exécuter des mouvements mécaniques, d’autant plus répétés que le manque de personnel est important. Ils sont ainsi sujets à des douleurs vertébrales et plus généralement articulaires.
Les souffrances s’accumulent et leur retraite devient moins agréable qu’elle n’aurait pu l’être. Du fait d’une santé fragile, ces personnes ne peuvent profiter véritablement de leur retraite, alors que le temps de travail qu’ils ont accompli aurait dû leur permettre de vivre dans de meilleures conditions.
Vous me répondrez probablement qu’il ne s’agit que d’un allongement de deux ans. Peut-être, mais lorsque l’on est usé par le travail, lorsque l’on sent dans sa chair les conséquences de ce travail, sur le plan tant physique que psychologique, ce sont deux ans de trop.
Comme l’a indiqué à juste titre M. Domeizel voilà un instant, vous avez une vision comptable de la situation. Les collectivités ont consenti des efforts importants en faveur des personnels de la fonction publique territoriale. Elles ont été largement sollicitées et ont accepté d’augmenter leurs cotisations salariales, mais ce ne sont pas les salariés de la fonction publique territoriale qui en ont profité, la surcompensation ayant intégralement absorbé ces augmentations, y compris au profit de métiers qui auraient pu cotiser davantage qu’ils ne l’ont fait.
La liste des métiers qui font l’objet de surcompensations de la CNRACL relève d’un inventaire à la Prévert, que M. Domeizel ferait mieux que moi. Je n’en citerai aucun, afin de ne pas insister, mais cette situation n’est pas légitime au regard de la situation de certains salariés, entre autres des éboueurs, auxquels M. Domeizel a fait allusion. Lorsque l’on voit des « ripeurs » courir derrière une benne, leur imposer de faire cela deux années de plus n’est pas à notre honneur.
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote, sur l’article.
M. Simon Loueckhote. Bien que le présent projet de loi ne concerne pas la Nouvelle Calédonie, je profite de l’examen de l’article 8 pour évoquer la situation particulière de notre caisse locale de retraite.
Monsieur secrétaire d’État, j’ai découvert, en accédant à la présidence de la caisse calédonienne, voilà peu de temps, l’existence d’un véritable problème concernant les fonctionnaires de l’État qui ont été en poste en Nouvelle Calédonie et qui, à un moment donné, ont demandé leur intégration dans la fonction publique territoriale.
Lorsque ces fonctionnaires font valoir leur droit à la retraite, la règle veut que la caisse calédonienne prenne seule en charge l’intégralité de leur pension, sans compensation de la part de l’État. Pourtant, le décret de 1954 qui a créé la caisse calédonienne prévoit, en son article 28, que la caisse locale de retraite et l’État prennent en charge la pension du fonctionnaire au prorata du temps d’exercice effectué dans chaque fonction publique. Mais cette disposition n’a jamais été prise en considération.
J’ai, à plusieurs reprises, après mes prédécesseurs, attiré l’attention de l’État sur la situation de la caisse. Pour l’heure, aucune solution n’a été trouvée. Cela s’explique sans doute par un manque de volonté, mais aussi par le fait que nous n’avons pas d’interlocuteur identifié au sein des services de l’État.
Je profite donc de la discussion de l’article 8 pour attirer de nouveau l’attention du Gouvernement sur la nécessité de trouver rapidement une solution à cette situation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)