M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article.)
Article additionnel après l’article 2 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 3
I. – L’article L. 161-17 du même code est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans un délai de deux ans suivant la première année au cours de laquelle il a validé une durée d’assurance d’au moins deux trimestres consécutifs dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des modalités d’exercice de son activité et des événements susceptibles d’affecter sa carrière. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.
« Les assurés bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.
« Lors de cet entretien, l’assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu’il décide de partir en retraite à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ou à l’âge du taux plein mentionné au 1° de l’article L. 351-8 du même code. Ces simulations sont réalisées à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques et d’évolution salariale fixées chaque année par le groupement d’intérêt public mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 161-17 du même code. » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« À la demande de l’assuré, ils communiquent ce relevé par voie électronique. » ;
2° bis (nouveau) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette estimation indicative globale est accompagnée d’une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale. » ;
3° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « trois premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « alinéas précédents » ;
4° À l’avant-dernier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
II. – Au huitième alinéa de l’article L. 114-2 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 3 de ce projet de loi a pour objet de renforcer l’information dispensée aux assurés mise en place par la loi du 21 août 2003. Il vise à leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, en créant un entretien personnalisé pour tout assuré à partir de l’âge de 45 ans.
Comme vous le savez, la loi du 21 août 2003 a instauré le droit à l’information individuelle des assurés sur leur future retraite. Comme vous le savez également, la mise en place de ce système a pris un certain temps et son application est encore inégale selon les régimes et les régions.
C’est l’actuel article L. 161-17 du code de la sécurité sociale qui codifie les modalités de ce droit à information et c’est lui que vous entendez modifier.
Concernant le fond de cet article, notre position se résume de la manière suivante : oui à l’information des assurés, mais non à la propagande en faveur de la retraite par capitalisation, non au rôle de conseil en placements et au mélange des genres !
Nous disons oui à l’information, car nous sommes favorables au fait que les assurés soient informés plus tôt et mieux sur les droits qu’ils acquièrent en matière de retraite. Nous ne pouvons être contre ce qui améliore un droit pour tous nos concitoyens.
Une fois cette position de principe énoncée, il convient d’examiner de plus près ce que l’article 3 prévoit et aussi ce qu’il ne prévoit pas, laissant ainsi les coudées franches au Gouvernement pour préciser le dispositif par voie de décret. Or, comme vous allez le constater, l’article 3 laisse ouvertes beaucoup de possibilités... C’est là que le dispositif dérape. Et le rapport de la commission ne nous rassure pas dans la mesure où il soulève autant de questions qu’il apporte de réponses.
Le « renforcement » du droit à l’information proposé par l’article 3 revêt plusieurs aspects.
Le premier nous semble acceptable : l’assuré va bénéficier d’une information générale sur le système de retraite par répartition et sera informé des règles d’acquisition des droits à pension. Le contenu exact de cette mesure sera fixé par décret, mais nous pouvons espérer, monsieur le secrétaire d'État, qu’il s’agira d’une information neutre et non orientée.
Le second aspect constitue une nouveauté : le texte prévoit que les assurés bénéficieront d’un « point d’étape retraite » à leur demande et à un âge fixé par décret. C’est à partir de là que l’article 3 autorise des dérives qui nous inquiètent.
En premier lieu, la lecture du rapport ne nous apprend pas si ce « point d’étape retraite » se fera de visu ou par téléphone. On nous dit qu’un entretien en face-à-face coûterait plus cher qu’un simple entretien téléphonique. Certes, mais il faut savoir ce que l’on veut : si l’on veut vraiment mettre en place ce point d’étape retraite, il faut en assumer le coût, c'est-à-dire celui que représentent 130 équivalents temps plein.
Au vu des limites de toutes les démarches réalisées par téléphone, nous pouvons craindre qu’un simple entretien téléphonique ne permette pas d’informer véritablement les assurés. Pour le délivrer une véritable information, il faudra les recevoir.
Comme on ne veut pas se donner les moyens d’organiser un authentique entretien, une des solutions de remplacement consisterait à s’appuyer sur les employeurs. Là, on franchit une étape très dangereuse. Cette solution serait, selon nous, très mauvaise, car elle opérerait un grave mélange des genres : ce n’est pas le rôle de l’employeur d’évoquer de telles questions avec son employé entretiens. L’employeur n’a d’ailleurs pas forcément les compétences requises pour délivrer une information complète et exacte sur ce sujet. Ainsi, il est évident qu’une PME ne dispose pas de la même expertise que le service des ressources humaines d’une grande entreprise. Cette solution nous semble donc à proscrire.
L’article 3 contient en outre, dans sa rédaction même, les conditions d’un détournement de l’objet de cet entretien. D’une simple information sur leurs droits, le point d’étape retraite pourrait devenir l’occasion d’encourager fortement et systématiquement les assurés à souscrire des produits financiers pour se constituer une retraite par capitalisation.
Nous reviendrons sur ce point dans un instant.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. L’article 10 de la loi d’août 2003 a instauré le droit à l’information, ce qui a donné lieu à la création d’un groupement d’intérêt public connu sous le nom de GIP Info Retraite.
Celui-ci a réalisé un travail titanesque dès son installation puisqu’il a dû créer un annuaire regroupant tous les assurés sociaux et un collecteur permettant de recueillir toutes les informations dans tous les régimes de base et complémentaires, soit dans trente-cinq régimes. Dès 2011, toutes les cohortes seront couvertes, mais l’information est d’ores et déjà très large.
Entre 35 ans et 45 ans, tous les assurés sociaux reçoivent un relevé individuel de situation, imprimé, qui leur fait connaître leur situation au regard de la retraite.
À partir de 50 ans, le GIP Info Retraite fournit une estimation individuelle globale qui permet à chacun d’avoir une information sur le niveau de sa retraite selon l’âge de départ : 60 ans, 61 ans, 62 ans, etc.
Autrement dit, un très important effort d’information est déjà réalisé. Ce n’est pas parfait, mais 98 % des assurés sociaux reçoivent actuellement ce document tous les cinq ans à partir de 35 ans. Le taux de satisfaction est très élevé et le taux d’erreur, très faible puisqu’il se situe entre 2 % et 3 %. Le fait que les erreurs puissent être relevées permet d’ailleurs de procéder aux rectifications nécessaires, ce qui évite certaines difficultés au moment de la liquidation de la retraite.
Je crains que le dispositif proposé à l’article 3 ne fasse doublon avec ce que propose déjà aujourd’hui le GIP Info Retraite. En ce qui concerne l’information des nouveaux assurés, je vous signale que le GIP envoie un document fournissant toutes les indications sur la retraite et expliquant par un schéma les divers régimes de base et complémentaires.
L’article 3 tend à instaurer un relevé électronique de situation pouvant être communiqué à l’assuré. Pour tout dire, il vole ainsi, en quelque sorte, au secours de la victoire puisque ce relevé individuel électronique existe déjà à titre expérimental et qu’il sera généralisé à tous les assurés dès le mois de juin prochain.
Quant à l’entretien individuel prévu par l’article 3, il fait vraiment doublon avec ce que propose le GIP et soulève des interrogations dont j’avais d’ailleurs fait part : s’agira-t-il d’un entretien en face-à-face ? Si c’est le cas, ce sera très coûteux. Par ailleurs, cet entretien pourra-t-il aller jusqu’au conseil ? Cela supposerait que le contenu de l’entretien fasse l’objet d’un compte rendu écrit.
J’avais suggéré, en tant que responsable du GIP Info Retraite, que cet entretien d’information à 45 ans, en particulier, fasse l’objet d’une expérimentation, sur une base géographique ou autre, pour en évaluer les résultats à partir d’une mise en œuvre en grandeur nature.
En résumé, l’article 3, même s’il est généreux puisqu’il renforce de manière sensible le droit à l’information – celui-ci avait, au demeurant, déjà fait l’objet d’une réforme –, soit prévoit des dispositifs qui existent déjà, soit laisse planer de nombreuses incertitudes quant au coût de sa mise en œuvre et à la nature des renseignements qui seront délivrés.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, qui a déposé plusieurs amendements, est très réticent face à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l’article.
Mme Claire-Lise Campion. L’article 3 vise à renforcer l’information dispensée aux assurés en matière de retraite et complète le droit de chaque assuré d’obtenir un relevé de situation individuelle.
La recherche d’une amélioration de l’information fait évidemment consensus. Elle répond à une demande forte des assurés eux-mêmes, perplexes et souvent démunis face à la complexité de l’organisation générale de notre système de retraite.
La délivrance d’une information générale, dans un délai de deux ans suivant l’année au cours de laquelle la validation du premier trimestre d’assurance est effectuée, représente donc une innovation plutôt positive. En effet, en raison d’une flexibilité du travail toujours accrue, nombre de salariés sont et seront amenés à connaître au cours de leur carrière différents secteurs professionnels et différents emplois. Il est donc nécessaire de les sensibiliser à leurs droits et aux conséquences de certains choix qu’ils pourraient être amenés à faire.
Je pense notamment au temps partiel, qui n’affecte pas la durée d’assurance dans le régime général lorsque l’activité est exercée au moins à mi-temps, mais qui a des conséquences sensibles sur le salaire de référence sur la base duquel sera calculée la future pension. Notre législation prévoit la possibilité de surcotiser. Je ne me livrerai pas ici à une critique de ce système, car nous y reviendrons plus tard, mais il me paraît tout de même regrettable que les salariés ne soient pas informés d’un minimum de règles qui s’y attachent.
Par ailleurs, l’article 3 prévoit la possibilité d’organiser, à 45 ans et à la demande de l’assuré, un entretien au cours duquel des simulations du montant potentiel de sa future pension lui seront communiquées. Nous comprenons le souci du rapporteur de la commission des affaires sociales de mieux informer les assurés, mais peut-on réellement se fier aux simulations du montant potentiel de la future pension, réalisée à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques ? Peut-on réellement évaluer le niveau de la pension vingt ans à l’avance? Je m’interroge sur la crédibilité d’une telle simulation compte tenu des nombreux aléas qui peuvent survenir au cours des vingt années suivantes.
Pouvoir anticiper le montant de sa future pension est un élément déterminant de la confiance dans le système de retraite, c’est sûr ! Mais permettez-nous de douter de la fiabilité de telles évaluations.
La possibilité d’un entretien à chaque tournant de la carrière professionnelle me semble beaucoup plus profitable au salarié, qui pourra ainsi effectuer un choix véritablement éclairé. Cette proposition fera d’ailleurs l’objet d’un de nos amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Comme nos collègues viennent de le rappeler, cet article 3 complète le dispositif de l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, qui prévoit, pour chaque assuré, le droit de connaître le relevé de sa situation individuelle au regard de la retraite.
Le présent article ajoute ainsi une information générale sur le système de retraite français après deux semestres de validation et mentionne la possibilité ouverte à chaque assuré âgé de 45 ans ou plus de bénéficier d’un entretien individuel sur les droits constitués et de recevoir une simulation du montant de sa future pension.
Ces dispositions visent donc à améliorer l’information des assurés sur les dispositifs de retraites et sur leur situation personnelle, ce qui, convenons-en, est plutôt positif ! Cet article ne serait donc pas si problématique s’il était présenté seul. Malheureusement, il ne peut être détaché de l’arsenal de mesures destructrices des droits sociaux des salariés que comporte ce projet de loi. En effet, cet article s’inscrit dans une logique globale néfaste pour chaque assuré : informer et communiquer ne pourrait avoir d’effets bénéfiques que si ces deux missions constituaient le pendant d’une réforme juste et équitable.
Les entretiens individuels et l’information générale que prévoit l’article 3 ne sont utiles que dans la mesure où ils sont effectués pour les salariés, et j’entends par là : en leur faveur ! Car le seul fait d’informer ne suffit pas, encore faudrait-il que l’on se penche sur le contenu de cette information !
En effet, l’information est malheureusement rarement neutre et peut trop souvent se transformer en outil de communication et de propagande gouvernementale. Ainsi, l’information sera logiquement effectuée dans le sens de la réforme du Gouvernement qui, sous ses airs de réaffirmer l’attachement au régime de retraite par répartition, fait la part belle aux retraites par capitalisation.
Dès lors, quelle garantie pouvons-nous avoir que chaque assuré ne recevra pas une information l’incitant à souscrire un tel contrat d’assurance retraite par capitalisation ? Rien ! Bien au contraire, nous avons toutes les raisons de craindre que ce schéma ne se réalise, car l’objectif que se fixe cette réforme est ni plus ni moins la liquidation de notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle.
Ce projet de loi est en effet la véritable concrétisation des désirs de domination capitaliste. Je voudrais évoquer ici le récent ouvrage de l’économiste Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. L’auteur présente un modèle théorique qui s’applique parfaitement aux retraites. Dans les sociétés capitalistes s’affrontent deux désirs contradictoires : ceux de l’entreprise et ceux des salariés. Chacun nourrit des aspirations qui lui sont propres et qui restent inconciliables : l’employeur tend à considérer l’individu comme une source de production et à le rendre corvéable à merci pour un coût minimal, favorisant les gains de l’entreprise ; à l’inverse, le travailleur, lui, tend à protéger sa sphère d’existence en dehors du travail et à augmenter son niveau de vie.
L’individu aspire donc à une situation qui est la plus éloignée possible des désirs du patronat, tandis que l’employeur souhaite, au contraire, faire en sorte que les désirs de l’employé rejoignent parfaitement ceux de l’entreprise. Inutile de vous préciser que je partage complètement l’analyse développée dans cet ouvrage et j’estime que c’est dans ce rapport de forces que la loi prend tout son sens.
Pourtant, dans cette réforme des retraites, le Gouvernement agit uniquement au nom des entreprises. Le projet de loi contribue ainsi à réduire les écarts entre les volontés des deux parties, au seul avantage des entreprises, en imputant à 85 % le poids du financement des retraites aux salariés, tandis que seuls de maigres et symboliques prélèvements sur les revenus du capital et les hauts revenus sont prévus.
N’ayant pas réussi à annihiler les aspirations à l’épanouissement en dehors du travail de nos concitoyens, le Gouvernement entreprend, dès lors, de faire passer cette réforme en force, méprisant les grondements populaires qui se font entendre chaque jour davantage.
Cette réforme épouse purement et simplement les intérêts du capital, répond aux exigences du MEDEF et tend à satisfaire les agences de notation, au mépris de ceux des travailleurs.
Je le réaffirme : je suis plus que sceptique quant à la prise en compte des intérêts des assurés dans l’information générale et personnelle que prévoit cet article 3. En effet, puisque la réforme ne s’intéresse guère aux assurés, on ne voit guère pourquoi l’information le ferait !
Pour nous, la seule réforme des retraites valable et la seule information adaptée sont celles qui bénéficient aux assurés et accordent toute sa place au régime de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. L’article 3 améliore le droit à l’information des assurés sociaux sur les différents régimes de retraite : c’est une bonne chose, nous en convenons tous.
Ce droit a été institué par la loi de 2003 qui prévoit la fourniture automatique, tous les cinq ans à partir de 35 ans, d’un relevé de situation individuelle et, à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension. Cette mission est jusqu’à présent assurée par le GIP Info Retraite.
Toutefois, il n’y a aucune raison de se réjouir, car cette disposition révèle malgré tout en filigrane, les grands manques de votre projet de loi.
En effet, de plus en plus contraints à une grande mobilité géographique et professionnelle, les retraités dépendent souvent de plusieurs régimes : 42 % d’entre eux dépendent de deux régimes, 31 % de trois, 15 % de quatre, ce qui démontre la nécessité de régler le problème du calcul de la pension des polypensionnés.
À ce problème s’ajoute la question des carrières des femmes, soumises, comme le soulignent pudiquement les termes de l’alinéa 4, « aux choix et aux aléas de carrières éventuels ». Je préfère parler de carrières morcelées, avec peu de perspectives d’évolution, d’horaires décalés, de temps partiel imposé et de salaires sous-évalués, car telle est la réalité professionnelle de très nombreuses femmes !
Quels éléments de réponse le préposé à l’information pourra-t-il apporter à tous ces salariés qui ont cumulé, tout au long de leur carrière professionnelle, des petits contrats, sans arriver à décrocher un contrat durable ?
Que dire aussi à ces femmes qui travaillent depuis des années moins d’un mi-temps ou à temps partiel, avec les conséquences qui en découlent sur leurs fiches, et placées, de fait, dans l’impossibilité de faire valider leurs trimestres ? J’imagine aussi le désarroi de toutes celles et de tous ceux qui, au-delà de 45 ans ou 50 ans, ne trouvent plus d’emploi stable.
Bref, quelles réponses pourra apporter concrètement le préposé à l’information à nos concitoyens soumis aux aléas de la vie économique et sociale et rejetés aux marges du système de l’emploi durable et de la protection sociale ?
La réponse qu’apporte votre projet de loi à toutes ces questions figure à l’alinéa 5, qui prévoit la communication d’une simulation du niveau de la pension, et, à l’alinéa 4, qui instaure une information sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.
Ce dernier point, je le crains, ouvre la porte à la mise en place de la capitalisation des points de retraite, et j’imagine déjà la scène où le vaillant préposé rétorquera à l’assuré : « Désolé, je ne peux rien faire d’autre pour vous, mais si vous souhaitez augmenter votre future pension, mettez de l’argent de côté, c’est tout ce que je peux vous suggérer. »
Autrement dit, après leur avoir fait subir la domination écrasante des puissances économiques et la précarité salariale, votre réforme ne fera qu’accroître la pauvreté et l’incertitude de toutes ces personnes qui n’ont pas eu la chance d’accéder à l’emploi.
Une réelle information des assurés aurait été judicieuse si votre réforme avait eu l’ambition de lutter contre la précarité salariale. Mais, pour cela, il faudrait une politique de l’emploi à contre-courant de celle que vous menez, au service de l’accroissement des profits des entreprises. Or vous ne cessez de protéger les revenus du capital, malgré les récentes déclarations du ministre du budget sur le bouclier fiscal, poudre jetée aux yeux de l’opinion au lendemain d’une forte mobilisation, alors que vous ignorez le bouclier social dont notre société a tant besoin.
Car la seule information dont disposeront les salariés de notre pays concerne le nivellement par le bas de leurs pensions, le toboggan vers toujours plus de précarité pour des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel, dont le nombre ne cesse d’augmenter.
Autant dire qu’il nous semble indispensable d’aller bien plus loin que l’amélioration de l’information prévue par cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. Je veux insister sur une crainte que nous inspire l’article 3 : que le « point d’étape retraite » ne soit utilisé non seulement pour informer les assurés, mais aussi pour promouvoir la souscription de produits financiers et, donc, la retraite par capitalisation.
En effet, selon l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi, il est prévu que cet entretien portera notamment « sur les avantages respectifs des différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant de leur future retraite ».
Nous y voilà !
Le « point étape retraite » à 45 ans risque de se transformer en une information orientée et une incitation systématique à recourir aux plans d’épargne retraite. Cet entretien pourrait devenir l’occasion d’une « réclame » pour les retraites par capitalisation. Le glissement est si facile et si tentant...
Nous sommes catégoriquement opposés à cette instrumentalisation du droit à l’information. Cet entretien ne doit pas servir à orienter la population vers la retraite par capitalisation sous couvert de l’informer, comme le font ces publicités déguisées en faux spots informationnels. Ce serait là un véritable mélange des genres !
Comme le souligne le rapport, de nombreux problèmes se posent quant à la nature même de l’entretien. Information ou conseil ? Information ou « vente » de produits financiers ?
Si l’entretien donnait lieu à des conseils en matière de choix de carrière, de possibilité de surcotisation, de souscription de produits d’épargne retraite, etc., les services informant changeraient de mission en faisant du conseil financier, ce qui pourrait engager leur responsabilité, et non plus de la simple information. Encore un mélange des genres entre le public et le privé… Mais cela semble devenir une habitude !
Et pourquoi ne pas confier ensuite cette mission d’information à de grandes entreprises d’assurance ou à des banques ? Évidemment, je ne fais qu’émettre une hypothèse… Toutefois, vos intentions sont connues de tous : livrer l’ensemble du système de retraite au privé, à de grandes sociétés qui n’attendent que cela et qui savent qu’elles peuvent compter sur vous.
Nous avons donc de grandes réserves sur cet article 3, qui peut constituer un véritable cheval de Troie de la retraite par capitalisation contre la retraite par répartition.
Les risques sont réels car, une fois encore, le contenu de cette étape sera déterminé par décret et donc laissé à la libre appréciation du Gouvernement.
Je conclurai par une remarque connexe. Le conseil d’administration du GIP Info Retraite a pris la décision de ne pas envoyer, cette année, d’estimation individuelle globale aux assurés de la génération de 1955, au motif que le présent projet de loi conduirait à modifier un certain nombre de paramètres de calcul des pensions de retraite.
Soulignons, mes chers collègues, ce que l’on peut qualifier d’étrange anticipation… La manière d’agir du Gouvernement et, dans ce cas précis, du conseil d’administration du GIP Info Retraite nous choque. Elle revient à considérer comme acquise l’adoption de ce projet de loi, alors même qu’il n’a pas encore été voté.
C’est une nouvelle manière de démontrer que le travail parlementaire n’a que très peu d’effet sur les textes, lesquels sortent tout droit du sommet de l’État.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. J’avais prévu de défendre mon amendement n° 253, et non d’intervenir sur l’article 3. Il se trouve en effet que j’ai été empêché de présenter cet amendement parce qu’il s’est vu appliquer, de manière aussi incompréhensible que brutale, l’article 40 de la Constitution.
Je me permets de souligner que l’article 3 sera beaucoup moins intéressant dès lors que ne pourront lui être apportées les améliorations que j’entendais proposer avec cet amendement.
Pourquoi cet amendement me paraissait-il utile ?
L’article 3, dans sa rédaction actuelle, tend à prévoir que « les assurés bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien » sur leurs droits. L’amendement n° 253 visait à supprimer les termes « à leur demande », afin de garantir ce droit à un entretien à l’ensemble des assurés et donc de les faire bénéficier, à coup sûr, d’une meilleure information sur leurs droits à la retraite.
Nous avons déjà évoqué l’opacité de notre système de retraite, avec sa trentaine de régimes différents, les complications pour les polypensionnés, etc. Et je ne parle même pas de la législation qui évolue constamment, de sorte que la règle du jeu change régulièrement et que les assurés se retrouvent, au final, dans le flou le plus complet concernant leur situation.
C’est pourquoi il est essentiel de mieux informer chacune et chacun sur ses droits à la retraite. Il importe de bien préparer sa retraite et de connaître les conséquences de tel ou tel choix professionnel sur sa future pension.
Afin que l’information circule réellement, nous pensons que les entretiens prévus par l’article 3 doivent être rendus obligatoires. En effet, si l’entretien se fait uniquement à la demande de l’assuré, il n’est pas certain que tous les assurés sociaux auront connaissance de la possibilité même de bénéficier de cet entretien. On en reviendra donc au problème de départ : une information trop sommaire sur les droits à la retraite.
Je voulais donc vous inviter, mes chers collègues, à voter cet amendement qui nous permettait de nous assurer que tous les citoyens bénéficieraient du même niveau d’information concernant leurs droits à la retraite.
Je suis profondément étonné de l’invocation de l’article 40 de la Constitution à l’encontre de cet amendement.
Franchement, on ne peut plus rien demander, même pas un simple droit à l’information ! D’ailleurs, il n’a jamais été précisé que c’est l’État en tant que tel qui aurait à supporter les éventuelles dépenses supplémentaires que pouvait entraîner cet amendement.
Je pose donc la question : jusqu’où va l’article 40 ?
J’aimerais d’ailleurs que nous puissions, nous, opposer un article 40 bis à tout amendement qui irait contre les intérêts des citoyens et, dès lors, empêcher qu’il soit soumis à la discussion. Ainsi, dans le cas où nous constaterions qu’un amendement tend à faire payer une nouvelle fois les pauvres, nous disposerions d’un droit de veto. Nous pourrions aussi refuser que le Gouvernement demande aux citoyens de payer davantage.