M. Robert del Picchia. Kerviel vous a aidé ?
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Mon explication de vote rejoint la brillante argumentation de Jean Desessard.
M. le rapporteur nous oppose que notre amendement traite de problèmes financiers qui n’ont pas leur place dans notre discussion. Voilà un argument bien étonnant !
Les exonérations et les niches sociales sont devenues des éléments majeurs de la politique de l’emploi du Gouvernement. Or, elles constituent autant de recettes en moins pour la collectivité et en plus pour le patronat.
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, traduisant l’un des engagements pris par le Président de la République durant la campagne électorale, a institué, à compter du 1er octobre 2007, une exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires ou complémentaires, applicable à l’ensemble des salariés, du secteur privé comme du secteur public, à temps complet ou à temps partiel. Plus les employeurs recourent aux heures supplémentaires, plus ils réduisent leur taux global de cotisations sociales et d’imposition.
La mesure réduit le coût du travail en privilégiant l’accroissement du temps de travail des actifs au détriment de la relance de l’emploi, alors que le chômage et la précarité restent élevés.
De plus, nous le savons, le choix fallacieux du « travailler plus pour gagner plus » n’appartient pas au salarié. De fait, dans certains secteurs d’activités, le quota d’heures supplémentaires prévu par la loi n’est pas utilisé en totalité !
L’impact négatif de cette mesure sur la gestion du régime général et des finances publiques ne peut que nous inciter à vous demander de voter notre amendement no 821.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. À l’avenir, le modèle de financement des retraites par répartition continuera de faire appel aux contributions des salariés et des entreprises, mais il devra se fonder sur des contributions solidaires pour lesquelles il faut trouver des assiettes justes, efficaces et dynamiques.
C’est ce que nous proposons dans notre projet, qui est très éloigné du vôtre, monsieur le ministre. Alors que vous considérez qu’il revient essentiellement aux salariés de financer les retraites par leurs cotisations ou par les mesures d’âge, nous estimons pour notre part que la solidarité passe par des prélèvements justes. Nous proposons donc des prélèvements ciblés en direction des Français les plus aisés, avec le relèvement de 5 % à 38 % de la fiscalité sur les stock-options, sur les bonus et sur les parachutes dorés. C’est un choix fiscal, mais c’est aussi un choix de solidarité nationale !
Il en va de même pour la mesure concernant la CSG sur les revenus du capital : nous prenons soin de continuer à exonérer les contribuables les plus modestes, notamment ceux qui font appel au livret d’épargne.
Enfin, nous proposons ce qui, nous l’avons bien compris, constitue pour vous un tabou, à savoir une contribution sur les profits réalisés par les banques, pour qui la crise est déjà bien loin.
Sans aller vers des surtaxes confiscatoires, nous pouvons trouver une façon d’équilibrer nos régimes de retraite de façon solidaire.
M. le président. L'amendement n° 822, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
À cette fin, l'État garantit le droit pour tous à un emploi de qualité.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’article 1er A ne figurait pas dans le projet de loi du Gouvernement, alors qu’il était inscrit en préambule de la loi de 2003. Cela montre bien l’idéologie qui a présidé à la rédaction de ce texte particulièrement régressif.
Il a donc fallu que les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine, le groupe GDR, déposent un amendement pour rappeler les valeurs progressistes qui fondent notre système de protection sociale. Ces valeurs sont issues, nous le rappelons une nouvelle fois, du Conseil national de la Résistance. Après le traumatisme de la guerre, toutes les familles politiques ont su se réunir pour construire un système qui était fondé sur la solidarité et sur la fraternité. Nous sommes toujours étonnés de constater qu’à ce rappel, certains membres de la majorité réagissent parfois de manière négative.
Voilà quelques jours, un des jeunes ministres du Gouvernement n’a-t-il pas, dans cet hémicycle, pourfendu les avancées sociales acquises par les luttes au lendemain de la Libération ? Nous aurons sans doute l’occasion de démontrer au cours du débat que, décidément, nous n’avons pas les mêmes valeurs. Et nous continuerons à défendre les catégories sociales les plus défavorisées.
Il y a le fond, mais il y a également la méthode que vous utilisez pour contourner les vrais problèmes et refuser un débat qui risquerait de mettre en pièces votre projet politique.
L’article 1er A est un véritable trompe-l’œil qui vise à cacher la philosophie générale de votre texte, à savoir votre volonté d’instaurer, progressivement, à plus ou moins long terme, un régime de retraite par capitalisation. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le titre V ter du projet de loi.
Vous vous proposez donc, dans un texte très dilué et laconique, de rappeler l’objectif du système des retraites par répartition. Vous dites vouloir le sauver. En réalité, si l’on vous laisse faire, il sera progressivement enterré.
De notre point de vue, un objectif doit être quantifiable, mesurable, actualisable, en un mot plus précis qu’une simple déclaration d’intention. Notre amendement vise à donner un contenu concret à cet article, en précisant que les questions de l’emploi ne peuvent être occultées. Nous reprenons ainsi la proposition de loi alternative à votre projet, déposée par notre groupe, que la majorité présidentielle a refusé de discuter.
Dans son article 2, notre proposition de loi fixait un objectif bien précis : orienter l’argent des cotisations sociales vers l’emploi et les salaires plutôt que vers la rémunération du capital. Ce transfert des richesses du capital vers le travail, modulé selon la taille et la nature des entreprises, constituerait une ressource non négligeable pour financer une réforme des retraites plus juste et équitable. Un million d’emplois rapportent, je le rappelle, 15 milliards d’euros de cotisations sociales, dont six pour les retraites. Si une telle proposition était adoptée, le problème serait tout simplement réglé. C’est pourquoi nous vous proposons de voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Dans un premier temps, vous me permettrez de revenir sur la grande hypocrisie ayant inspiré la rédaction de l’article 1er A, qui ne figurait pas dans le projet de réforme de 2010, que ce Gouvernement en fin de vie, dirigé par M. Fillon, doit aujourd’hui défendre.
Il faut pourtant rappeler que l’actuel Premier ministre, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s’était attaché à inscrire un article rappelant ces quelques « fondamentaux » dans la loi de 2003. Notre groupe a donc déposé plusieurs amendements visant à réintroduire cette déclaration de principe dans le présent projet de loi, et l’article qui nous est proposé aujourd’hui, dans une nouvelle rédaction, ne peut être qu’empreint d’ambiguïté tant cet exercice de style est difficile.
Beaucoup d’entre nous ont eu l’occasion, ce matin et hier, de souligner le caractère d’improvisation et d’impréparation qui entourent ce projet de loi portant réforme des retraites, et cet article en est l’illustration parfaite.
Certes, en vertu des « grands principes », le rapporteur de la commission des affaires sociales s’est trouvé dans l’obligation d’évoquer brièvement les fondements et les valeurs contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui unissait dans un projet de société, visionnaire et progressiste, des conceptions politiques et humanistes empruntées aux gaullistes, aux chrétiens, aux syndicats – huit organisations au total.
Toutefois, monsieur le ministre, cette déclaration solennelle arrachée à la droite ne doit pas masquer les intentions réelles des représentants zélés du patronat, qui inspirent toute votre politique et qui rejettent le programme du Conseil national de la Résistance. Il suffit de lire Denis Kessler, président du cinquième groupe de réassurance mondial – ce n’est sans doute pas un hasard –, qui revendique un régime unique par points, misant sur la responsabilité individuelle et la réduction au minimum du système de solidarité.
Ce célèbre idéologue du MEDEF connaît pourtant bien le Conseil national de la Résistance mais, comme vous, il utilise ses connaissances pour mieux le combattre. Je veux citer, à cet égard, quelques extraits de ses déclarations dans le magazine Challenges : « Le modèle français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s’y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le Gouvernement peuvent donner l’impression d’un patchwork […] : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale. […] À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Monsieur le ministre, vous comprendrez nos doutes sur vos déclarations sémantiques qui ne visent qu’à instaurer une espèce de trompe-l’œil cachant l’essentiel de cette réforme.
L’équilibre de la sécurité sociale suppose, d’abord, une économie assurant le plein-emploi et, ensuite, la reconnaissance du droit fondamental à un emploi digne pour chacun de nos concitoyens : jeunes, moins jeunes, seniors, hommes, femmes...
Les 680 000 suppressions d’emploi des dix-huit derniers mois pèsent lourd dans les comptes des régimes sociaux. Dans sa dernière enquête, l’INSEE nous apprend que l’industrie a encore perdu 40 000 emplois depuis le 1er janvier 2010. Donc, contrairement à ce qui a été indiqué au cours du débat, le chômage ne régresse pas.
La part de la richesse industrielle dans le PIB de la France est de 10 % inférieure à ce qu’elle est en Allemagne, ce qui représente des milliers d’emplois sacrifiés. La dégradation de la situation financière de notre régime de protection sociale, engagée depuis 1993, prend ses racines dans la détérioration de l’emploi dans notre pays.
Le Président de la République n’a eu de cesse, dans ses propos de campagne, de tenter de réhabiliter la « valeur travail ». Beaucoup ont pu le croire, mais ils perçoivent aujourd’hui, et à leurs dépens, ce que dissimulait cette belle expression. Le Gouvernement s’est fait l’avocat de cette formule magique pour accélérer toutes les politiques de régression sociale qu’il a mises en œuvre depuis 2007.
Ainsi, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous continuerons à porter nos propositions plus favorables au monde du travail pendant toute la durée de nos débats, et ce en lien étroit avec le mouvement social fortement mobilisé pour rejeter votre réforme.
M. le président. L'amendement n° 823, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
À ce titre, il est progressivement mis fin, dans un délai de deux ans, aux mécanismes individuels ou collectifs, de retraite faisant appel à la capitalisation.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 1er A réaffirme solennellement que le choix de la retraite par répartition est au cœur du pacte social qui unit les générations.
Comme vient de le rappeler notre collègue, cette affirmation n’allait pas de soi. Nous la devons à l’adoption d’un amendement porté par les députés du groupe du GDR à l’Assemblée nationale.
Cette affirmation n’allait pas de soi, disais-je. D’ailleurs, l’avant-projet allait à l’inverse puisqu’il faisait mention des dispositifs permettant aux assurés « d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite ». Cette intention a été confirmée à l’issue du passage devant l’Assemblée nationale : grâce aux ajouts de votre majorité, le projet de loi comporte désormais un titre entièrement consacré à l’épargne retraite.
En commission, M. le rapporteur a présenté une nouvelle écriture de l’article 1er A, complétant et codifiant les grands principes gouvernant l’assurance vieillesse afin, nous a-t-il dit, de « couper court à certaines inquiétudes ». C’est là un effet en trompe-l’œil, monsieur le ministre. Il suffit, pour s’en persuader, d’examiner les amendements déposés par votre majorité au Sénat : c’est un véritable plan de relance de l’épargne retraite qui nous est proposé ! À marche forcée même, puisqu’il est proposé, pour favoriser le développement de l’épargne retraite dans les entreprises, d’affecter automatiquement un quart de la prime d’intéressement sur le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, en l’absence de choix du salarié de percevoir directement cette prime ou de l’affecter à un plan d’épargne entreprise.
Quid, de la liberté de choix que vous prétendez défendre ? D’un côté, on réaffirme les grands principes, pour rassurer ; de l’autre, on encourage et on développe la capitalisation : voilà la réalité de ce texte.
Avec cet amendement, nous faisons le choix de la clarté. Car, nous considérons qu’il est impossible de garantir et d’assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition et d’un droit à la retraite à 60 ans à taux plein si, dans le même temps, se développent différents mécanismes, individuels ou collectifs, de capitalisation. En effet, les sommes consacrées par les entreprises et par les salariés à la capitalisation sont autant de ressources en moins pour notre système de protection sociale.
Il faut ajouter à cela que la capitalisation est un système opaque, couteux et extrêmement aléatoire. L’affaire Enron l’avait déjà clairement démontré et les récentes crises financières n’ont fait qu’enfoncer le clou. Avec ce système, qu’en sera-t-il, demain, des grands principes énumérés à l’article 1er A ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ma chère collègue, vous entendez réduire progressivement, dans un délai de deux ans, tous les mécanismes de retraite faisant appel à la capitalisation. Comment expliquerez-vous ce choix aux membres de régime de répartition provisionnée, notamment le régime additionnel des fonctionnaires, qui est un régime par capitalisation ? Je vous sauve donc malgré vous en donnant un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. En France, 97 % ou 98 % des retraites relèvent d’un régime public fondé sur la répartition. L’épargne retraite et la capitalisation ne représente que les 2 % ou 3 % restants. L’objet essentiel de ce projet de loi est bien de sauver le régime par répartition.
Il me semble donc curieux de vouloir intégrer dans le système de la répartition tout ce qui relève de l’épargne retraite. Il me paraît légitime que les Français puissent, s’ils le souhaitent, se constituer une épargne retraite dans leur entreprise. Ce système est juste et rencontre d’ailleurs un grand succès.
M. le président. L'amendement n° 846, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Afin d'assurer la réalisation de cet objectif, les sommes affectées au fonds de réserve des retraites sont mises en réserve et ne pourront être mobilisées qu'à compter du 1er janvier 2020.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement vise à compléter l’article 1er A, qui réaffirme le choix d’un régime de retraite par répartition. Si nous ne pouvons qu’être en accord avec ce principe – que nos collègues du groupe GDR ont posé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale –, nous déplorons néanmoins qu’il reste une simple affirmation qui ne trouve de réalité dans aucun des autres articles de ce projet de loi.
Bien au contraire, l’inscription de ce principe dans le premier article du texte veut masquer le véritable projet du Gouvernement pour les retraites : développer davantage la retraite par capitalisation.
Nous sommes pour notre part vivement attachés au système de retraites par répartition qui assure le financement des retraites par les cotisations des actifs. Ce mode de financement est le seul à pouvoir assurer une justice et une équité face à la retraite. Il repose sur des valeurs de solidarité intergénérationnelle qui sont essentielles et qui, à vrai dire, sont les seules à pouvoir maintenir, pour tous, des retraites dignes de ce nom.
C’est pourquoi nous souhaitons dépasser le stade d’une simple réaffirmation de ce principe et en garantir la pérennité. Nous proposons d’inscrire dans la loi que les sommes affectées au Fonds de réserve pour les retraites ne pourront pas être mobilisées avant le 1er janvier 2020.
En effet, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, que le Sénat a examiné le mois dernier, permet d’utiliser dès à présent l’argent du Fonds de réserve pour les retraites pour contribuer au financement des déficits du régime général des retraites. Autrement dit, les recettes du Fonds de réserve pour les retraites seront utilisables dès 2011 par le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, alors même que l’argument démographique utilisé par le Gouvernement pour justifier sa réforme des retraites, le « papy-boom », ne devient pertinent qu’aux alentours de 2020.
Dès lors, pourquoi vider dès aujourd’hui les caisses du FRR alors que les conséquences du pic démographique que ce fonds devait atténuer n’interviendront que dans quelques années ? Comment assurera-t-on le financement des retraites en 2020 si les ressources qui y ont été affectées ont déjà été intégralement mobilisées avant cette date ?
Dévoyant les missions originelles du FRR, créé pour lisser les besoins de financement après 2020, le projet de réforme du Gouvernement, malgré son attachement de circonstance au principe de solidarité intergénérationnelle, sacrifie bel et bien les jeunes générations. En effet, les réserves seront épuisées après 2018, et c’est bien sûr ces générations que pèsera lourdement le financement des retraites. Le FRR est donc désormais voué à une mission de court terme, qui n’assure en rien la sauvegarde du système de retraite par répartition.
La garantie d’un système de retraite par répartition passe par l’assurance que le FRR ne sera vidé ni de sa substance ni de ses fonds. Dans le cas contraire, son existence ne saurait en rien compenser une quelconque évolution démographique.
S’il veut vraiment préserver le système de répartition, et non l’équilibre budgétaire à court terme, le Gouvernement se doit de conserver ces ressources pour financer les retraites à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement qui comporte des dispositions de nature financière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote sur l’article 1er A.
M. Jean-Pierre Caffet. Nous aurions souhaité pouvoir voter un article qui réaffirme solennellement l’attachement de la nation au système de retraite par répartition. Ce ne sera malheureusement pas possible, pour plusieurs raisons.
Je vous rassure, monsieur le ministre, ce n’est pas à cause de votre comportement, empreint d’ignorance de nos propositions, de mépris et d’agressivité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Depuis hier, vous nous « serinez » que les socialistes se sont accommodés d’une durée de cotisations de 46 années pour les personnes qui ont commencé à travailler à 14 ans.
M. Gérard Longuet. Cela fait mal !
M. Jean-Pierre Caffet. Permettez-moi de vous rappeler qu’avant 1982, lorsque vos ancêtres politiques étaient au Gouvernement, la durée de cotisation était de 51 années !
M. Gérard Longuet. Vous oubliez les accords sur les préretraites !
M. Jean-Pierre Caffet. Et avec vous, monsieur le ministre, ce sera 48 années dans le meilleur des cas, voire 53 années pour une retraite à taux plein ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, si nous ne votons pas cet article, ce n’est pas non plus parce que, non content d’avoir émis un avis défavorable sur tous nos amendements, vous n’avez même pas dénié nous répondre…
La raison est autre. L’article 1er A est un article déclaratif, un article d’intention. Je ne comprends pas ce que cela pouvait vous coûter, politiquement, d’accepter notre amendement n° 56, qui tendait à garantir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ? Naïvement, j’ai d’abord pensé que vous le refusiez par sectarisme. Je me trompais. Je l’ai compris ce matin, lorsque vous nous avez livré votre conception de l’équité entre les hommes et les femmes.
Pour bénéficier des dispositions que vous avez annoncées ce matin, les femmes devront remplir plusieurs conditions : être nées entre 1951 et 1955, avoir eu trois enfants, s’être arrêtées de travailler et, en outre, avoir validé des trimestres de cotisations avant la naissance de leurs enfants ! Telle est votre conception de l’équité entre les hommes et les femmes, et plus simplement de l’équité entre les femmes et les femmes, puisque seules 130 000 d’entre elles pourront bénéficier de cette mesure. C’est significatif de la manière dont vous avez abordé cette réforme, monsieur le ministre.
Votre démarche fut la même en matière de pénibilité. Vous avez consenti un petit cadeau à 30 000 personnes. Elles devront, pour en bénéficier, non pas avoir exercé un métier pénible, mais justifier d’une incapacité médicalement constatée !
En réalité, vous êtes parti du présupposé que les salariés devaient supporter l’intégralité, ou en tout cas la majorité de l’effort exigé par cette réforme des retraites. Votre projet de réforme se fonde entièrement sur ce dogme : le facteur travail devait passer à la caisse et le facteur capital devait être exonéré.
En fait, toutes les dispositions de ce texte s’inscrivent dans ce dogme et c’est pourquoi elles contredisent fondamentalement les principes énoncés dans l’article 1er A. (« Voilà ! » sur les travées du groupe socialiste.)
À l’Assemblée nationale, vous avez accepté que soit réaffirmé l’attachement de la nation au système de répartition. Le reste du texte démontre pourtant le contraire.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de construire le système de retraite le plus rétrograde et le plus défavorable aux salariés de toute l’Europe ! Je l’ai déjà dit, mais vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Nous ne pouvons cautionner une telle réforme, et c’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur l’article 1er A. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Mon collègue vient à l’instant de résumer l’essence de notre vote. L’article 1er A ne peut pas être dissocié de l’économie générale du projet de loi. Or, lorsque l’on fait l’anamnèse du texte, on constate que l’on se trouve en pleine injonction paradoxale.
L’alinéa 7 de l’article 1erA semble généreux puisqu’il pose les principes de l’équité intergénérationnelle, de la solidarité intragénérationnelle, de la pérennité financière. Or toutes les mesures clés de ce projet de loi vont à l’encontre de ces objectifs. Nous reviendrons sur ce point lors de la discussion des articles 5 et 6.
Nous ne pouvons occulter, dans la discussion du présent article, la nature des autres dispositions du texte. L’article 1er A dispose que « la Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » C’est un élément positif, mais encore faudrait-il que les autres mesures prévues dans le texte soient acceptables.
Quel sort avez-vous réservé à nos amendements ? Vous avez refusé l’amendement no 56 qui, Jean-Pierre Caffet vient de le rappeler, posait le principe de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Vous avez rejeté l’amendement n° 59, qui visait à garantir aux assurés sociaux la protection de la santé, la réussite matérielle et le repos à partir de 60 ans. Or, il s’agissait simplement de permettre aux travailleurs d’accéder à la retraite en bonne santé, ce qui suppose un comportement ad hoc de la part des employeurs. Il s’agissait aussi de leur garantir un droit au repos, ce qui est la moindre des choses, avec une borne d’âge à 60 ans. Nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen des articles 5 et 6.
Le fait de pouvoir bénéficier d’une retraite en bonne santé, d’une retraite non tardive, d’une retraite équitable pour les hommes et les femmes devrait selon nous figurer dans les prolégomènes du projet de loi, c’est-à-dire dans l’article 1er A. C’était l’objet de nos amendements. En les rejetant, vous avez balayé ces principes d’un revers de la main. Je ne comprends pas le soutien que vous apporte le rapporteur sur ce point.
Votre raisonnement est incohérent : dans un premier temps, vous posez des principes, puis, dans un second temps, vous multipliez les dispositions que les contredisent ?
Soucieux d’être cohérents avec les principes que nous défendons, nous nous abstiendrons donc sur cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne voterons pas cet article 1er A. (Marques d’étonnement et sourires sur les travées de l’UMP.)
Nous le regrettons, car nous devons à nos amis du groupe de la gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale d’avoir fait inscrire dans le projet de loi que « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » (M. le ministre fait un signe d’assentiment.) Ce faisant, ils vous ont rendu service, monsieur le ministre, puisque vous n’avez de cesse de répéter que vous voulez sauver le régime par répartition.
Mais peut-être aurait-il été opportun de réserver cet article jusqu’à la fin de la discussion, comme vous l’avez fait pour les amendements portant articles additionnels, qui vous ennuyaient – c’est le cas de nos amendements de financement par exemple –, afin de faire adopter en priorité les dispositions qui vous tiennent particulièrement à cœur.
Je vous invite donc à réserver le vote de l’article 1er A jusqu’à la fin de la discussion. Et si le contenu de la réforme conforte cet article de principe, peut-être serons-nous alors amenés à le voter, et peut-être même recueillera-t-il l’unanimité du Sénat…
Vous ne pouvez pas nous demander de vous donner un blanc-seing, de voter de belles déclarations de principe qui seront contredites par les autres dispositions du projet de loi. La réserve du vote nous paraît néanmoins opportune, car vous pourriez changer d’avis… Sait-on jamais ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Toutefois, le fait que vous ayez rejeté tous les amendements émanant de l’opposition, qui tendaient justement à conforter ces principes, à leur donner un peu de chair, augure mal d’une telle issue.
Vous avez refusé, ce qui était pourtant indispensable, d’inscrire le droit à la retraite dans le projet de loi. En liant la retraite à la durée de cotisation, votre projet escamote, en fait, le droit à la retraite.
Avec un tel système, on pourrait faire absolument n’importe quoi. On pourrait très bien, par exemple, faire comme Bismarck qui, après avoir appris que l’espérance de vie des Allemands était de 65 ans, avait décidé de fixer le départ à la retraite à cet âge… (Sourires.)
Avec votre système, si l’espérance de vie est de 72 ans, on fixera l’âge de la retraite à 72 ans. L’inscription du droit à la retraite dans le corps du projet de loi est donc indispensable.
Vous avez déjà, de fait, refusé la solidarité nationale qui va de pair avec un régime par répartition. Vous n’avez de cesse de répéter que nous ne sommes plus en 1945. Certes ! Mais les cotisations patronales de 1945 étaient adaptées aux conditions production de l’époque, lesquelles sont sans comparaison avec les modes de production actuels : il y a un boulevard pour ne pas dire une avenue entre les deux.
Aujourd’hui, les revenus financiers proviennent de l’exploitation du travail. Ils ont augmenté de manière considérable et constituent une bulle financière qui est déconnectée de la production des richesses. Les revenus du capital sont sans commune mesure avec ce qu’ils étaient lors de la création de notre pacte social, fondé sur la solidarité, qui est à l’origine du régime de retraite par répartition. Il faudrait modifier les choses, mais vous vous y refusez.
Vous refusez aussi de parler de l’emploi. Or, le régime par répartition repose sur le niveau d’activité. Cela signifie que vous n’acceptez pas d’asseoir le régime par répartition.
Que n’ai-je entendu sur l’égalité homme-femme ! Les femmes de la majorité réclament à cor et à cri l’égalité salariale, affirment qu’il faut tout faire pour y parvenir. On verra ce que l’on verra lors de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites, disaient-elles. Or, on ne voit rien du tout ! Dès que nous proposons une disposition de nature à favoriser l’égalité salariale, elle est rejetée. !
Peut-on alors modifier le régime des cotisations patronales et des exonérations. Pas davantage ! Ce régime est pourtant au cœur des difficultés que l’on rencontre pour assurer le financement d’un régime par répartition.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 1er A, qui est une sorte de préambule au projet de loi. Il aurait pu nous unir s’il avait été sincère de votre part, mais ce n’est malheureusement pas le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)