M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Depuis mardi dernier, le Sénat est mobilisé sur la question des retraites. La France tout entière nous regarde avec espoir.
C’est pourquoi, malgré la procédure accélérée que le Gouvernement nous impose, nous, socialistes, ne voulons pas seulement nous opposer.
Monsieur le Premier ministre, je vous le confirme, nous proposons un autre projet, juste, efficace et durable, permettant d’assurer un avenir également juste et durable à nos retraites ! (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Et, contrairement à vos affirmations, nous avons agi ! En particulier, nous sommes fiers d’avoir institué la retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Elle nous a permis d’ajouter de la vie aux années pour les plus fragiles et les plus faibles.
Dans le débat que nous tentons d’engager depuis mardi, la question de l’emploi est omniprésente.
Tout comme nous, nos concitoyens savent que la pérennité des systèmes de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique. Or, que constatent-ils ? Malgré les artifices statistiques, le chômage ne cesse d’augmenter dans notre pays !
Je rappelle que nous atteignons aujourd'hui les 2 693 000 chômeurs. Au mois d’août dernier, nous avons de nouveau franchi la barre des 10 %. Plus d’un tiers des chômeurs sont dans cette situation depuis plus d’un an. En outre, un jeune sur quatre est sans emploi. Et le nombre de jeunes en chômage de longue durée augmente.
Dans un tel contexte, l’emploi, surtout celui des jeunes, devrait être une priorité. Votre politique de rigueur devrait épargner cette politique. Même en temps de crise, on peut, on doit faire des choix ! Et ces choix définissent non seulement une politique, mais aussi une vision, un avenir pour la société.
Mais que faites-vous ? Non seulement vous préparez pour 2011 une diminution drastique des contrats aidés mais aussi vous réduisez les moyens de Pôle emploi ! Vous commencez par supprimer une part de ces moyens, alors qu’il faudrait au contraire les renforcer pour aider à la fois les entreprises et les chômeurs.
La solidarité entre les générations passe d’abord par l’emploi des jeunes. Quand allez-vous proposer un grand plan national ? Admettez en tout cas que c’est un préalable à tout système de retraite juste socialement et pérenne financièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, la clé de tout, c’est bien évidemment l’emploi.
M. Jacques Mahéas. C’est pour ça que vous supprimez des emplois de fonctionnaire ?
M. Éric Woerth, ministre. La clé de la création de richesses en France, la clé du pouvoir d’achat, la clé de notre capacité à financer nos services publics et nos systèmes sociaux, c’est l’emploi !
Mme Annie David. C’est pour ça que vous faites la RGPP ?
M. Éric Woerth, ministre. En effet, c’est la masse salariale qui finance nos systèmes sociaux ! Quand elle augmente, le déficit des retraites diminue !
Mme Annie David. Alors, arrêtez la RGPP !
M. Éric Woerth, ministre. Nos systèmes sociaux fonctionnement mieux quand la situation de l’emploi est favorable. Nous sommes bien d'accord sur ce point ; d’ailleurs, c’est une simple question de bon sens.
Au demeurant, en concevant le financement de la réforme des retraites, nous avons pris en compte les prévisions pour les années à venir du Conseil d’orientation des retraites.
La politique de l’emploi menée par le Gouvernement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en voit les résultats !
M. Éric Woerth, ministre. … en particulier par Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, est une politique active.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas bons sur l’emploi !
M. Éric Woerth, ministre. Au fur et à mesure, cette politique va conduire la France à sortir du chômage d’après-crise.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’an dernier, 260 000 postes ont été supprimés !
M. Éric Woerth, ministre. Le chômage a bondi en France du fait de la crise, tout comme d’ailleurs dans d’autres pays. Mais rappelez-vous, voilà deux ans, nous étions en train de réduire considérablement le chômage ; c’est à cause de la crise qu’il est reparti à la hausse pour atteindre le niveau que nous connaissons ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
D’ailleurs, actuellement, le chômage baisse de nouveau dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. N’importe quoi !
M. Marc Daunis. Un peu de décence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la méthode Coué !
M. Éric Woerth, ministre. Vous semblez le regretter ; la création nette d’emplois devrait pourtant vous réjouir ! Je ne comprends pas !
Mme Annie David. Ne nous prenez pas pour des imbéciles !
Mme Gisèle Printz. C’est la méthode Coué !
M. Éric Woerth, ministre. En outre, dans cette réforme des retraites, nous privilégions l’emploi des seniors.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons ainsi fait en sorte que, dans le projet de loi, un article permette d’aider les entreprises à créer de l’emploi pour les seniors.
M. Didier Boulaud. Oh !
M. Éric Woerth, ministre. En réalité, en reportant l’âge légal de départ à la retraite, nous permettons aussi aux seniors de mieux s’intégrer dans l’entreprise. À 55 ans, l’avenir, ce n’est pas forcément la retraite ! Cela peut également être le travail ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Parlez-nous des chômeurs, qui sont de moins en moins indemnisés ! Aujourd’hui, un chômeur sur deux n’est plus indemnisé !
M. Éric Woerth, ministre. À 55 ans, on a encore des choses à dire à son entreprise et à la société française !
Mme Patricia Schillinger. À condition que les entreprises embauchent !
M. Éric Woerth, ministre. Les chefs d’entreprise doivent également changer de regard sur les seniors au travail.
Nous devons simplement adapter les conditions de travail. Faisons en sorte de prendre en compte non seulement l’âge, mais aussi l’expérience. C’est formidable lorsque nous permettons à des personnes de rester en activité !
Mme Annie David. Mais sur quelle planète vivez-vous ?
M. Éric Woerth, ministre. Croyez-moi, ce n’est pas parce que nous aurons reporté l’âge légal de départ à la retraite qu’il y aura moins d’emplois pour les jeunes.
M. Bernard Vera. Bien sûr que si !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas le travail des personnes âgées de plus de 60 ans qui va augmenter le chômage des jeunes. Croire cela, c’est croire à la vieille idée du partage du temps de travail ! C’est ce que vous avez fait en instituant les 35 heures, qui ont été une erreur fondamentale pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
loi bioéthique
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, au début du mois de septembre, vous avez dévoilé les grandes lignes de la révision des lois « bioéthique », annonçant son examen par le Parlement avant la fin de cette année.
Ce projet est le fruit d’une réflexion aboutie menée par des chercheurs, universitaires, médecins et parlementaires, mais aussi par les Français dans leur ensemble, appelés à s’exprimer lors des états généraux de la bioéthique.
Nous-mêmes, au Sénat, avons été associés à cette réflexion, sur l’initiative de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, dont le rapport sur le sang de cordon a été unanimement salué.
Si le projet de révision des lois « bioéthique » est peu innovant, il présente, selon moi, des motifs de satisfaction, mais également d’inquiétude.
Au titre des motifs de satisfaction, je me réjouis, par exemple, du maintien de l’interdiction de la gestation pour autrui, car c’est bien ici l’intérêt primordial de l’enfant à naître qui a été préservé.
Madame la ministre, je suis heureux également que vous n’ayez pas souhaité suivre la proposition du rapport Leonetti tendant à étendre le diagnostic préimplantatoire à la trisomie 21. Cette nouvelle stigmatisation avait indigné de nombreux parents et associations, qui avaient alors rappelé à juste titre que la solution au handicap passe exclusivement par la recherche, et non par l’élimination.
Toutefois, pour moi, il reste un sujet d’inquiétude majeur s’agissant de la recherche sur l’embryon.
Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon sera maintenu, mais il sera assorti de dérogations. Parmi les conditions posées pour obtenir une autorisation, l’expression « progrès thérapeutiques majeurs » pourrait être remplacée par celle, plus large, de « progrès médicaux majeurs », ouvrant de nouvelles justifications aux travaux de recherche. Je me pose alors la question du sens du maintien d’un principe si les dérogations multiples le vident de sa substance.
Si je souhaite que l’on respecte fermement un tel principe d’interdiction, c’est parce que les travaux de recherche sur des cellules souches alternatives ont donné des résultats très prometteurs depuis 2004, notamment avec la mise au point des cellules IPS, c'est-à-dire des cellules adultes qui se comportent comme des cellules embryonnaires.
Des solutions autres que l’étude de cellules souches embryonnaires existent donc. Elles sont plus efficaces, évitent toute tentation de dérive eugéniste et sont ainsi plus respectueuses de nos principes juridiques, qui exigent de maintenir l’interdiction de la recherche sur l’embryon.
Puisque nous avons aujourd'hui ces « méthodes alternatives », qui ouvrent des perspectives nouvelles, pourquoi ne pas maintenir un principe d’interdiction ferme s’agissant de la recherche sur l’embryon ?
M. Guy Fischer. C’est l’Église qui parle !
M. Marc Daunis. C’est « Radio Vatican » ! Vive l’obscurantisme !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Darniche, je présenterai effectivement le projet de loi bioéthique au conseil des ministres du 20 octobre prochain.
Comme vous l’avez souligné, ce projet de loi a fait l’objet d’une réflexion extrêmement approfondie, avec des études et des rapports, et a suscité des travaux parlementaires également très intéressants. À cet égard, je salue ceux de votre collègue Marie-Thérèse Hermange.
Les états généraux de la bioéthique ont permis de réaffirmer les principes fondamentaux : le respect de la dignité de la personne humaine, ainsi que le refus de toute marchandisation du corps humain et de tout dumping éthique.
Nous souhaitons consolider de tels principes, qui font l’objet d’un large consensus. Le texte comporte évidemment des avancées importantes. Je pense en particulier à la possibilité du don croisé d’organes, qui était très attendue par les familles, à l’encadrement des techniques d’assistance médicale à la procréation ou à la possibilité de lever l’anonymat des donneurs de gamètes à la condition expresse du consentement de l’homme ou de la femme.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez précisément sur le maintien de l’interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Nous avons souhaité ce maintien à cause de la solidité juridique de la procédure.
Néanmoins, la France est un grand pays de recherches médicales. Nous souhaitons garder la possibilité de dérogations très encadrées et gérées par l’Agence de la biomédecine.
Bien sûr, je n’ignore pas les possibilités que vous évoquez, qu’il s’agisse des cellules souches adultes, des cellules pluripotentes induites ou encore des cellules du sang de cordon. Mais ces recherches sont complémentaires de celles qui sont rendues possibles par la recherche sur les cellules souches embryonnaires. La France ne doit pas se priver de cette possibilité, tout en l’encadrant.
Vous avez également signalé la différence sémantique entre « progrès médical majeur » et « progrès thérapeutique majeur ». Le professeur Jean-François Mattei a répondu à cette question lors des états généraux de la bioéthique : on parle de « projet médical » quand l’angle thérapeutique n’a pas été encore complètement éclairé. Il ne s’agit donc pas d’une facilité ou d’un laxisme.
Je souhaite clairement réaffirmer devant vous les principes fondamentaux de notre pacte bioéthique, dont l’objectif est double : protéger la dignité de la personne et permettre les progrès de la médecine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente, pour la suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
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Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat ce jour qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-78 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
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Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Demande de priorité
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, ainsi que je l’ai annoncé tout à l’heure en commission, et pour nous permettre d’aborder rapidement ce qui constitue à l’évidence le cœur de nos préoccupations, comme en attestent toutes les interventions de ces deux derniers jours, je demande, en vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, l’examen par priorité des articles 5 et 6 du projet de loi portant réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas normal, c’est un coup de force !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaite que nous puissions entamer l’examen de ces articles à la reprise de la séance de ce soir. Dans la mesure où toutes les interventions des différents orateurs portent essentiellement sur eux, il me semble préférable de les aborder dès aujourd’hui. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. Non ! Respectez le débat parlementaire !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Nous pourrons ensuite débattre plus sereinement des autres articles.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un coup de force contre le Sénat et la démocratie !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le Gouvernement y est évidemment favorable. Depuis deux jours, le débat porte en fait sur ces deux articles : autant les examiner directement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Cette séance commence par un coup de force du Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Nos travaux de cet après-midi commencent par un coup de force du Gouvernement et de la présidente de la commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout à fait, c’est un coup de force !
Mme Annie David. On ne l’a pas élue pour ça !
M. Guy Fischer. Ce jour, à treize heures trente, la présidente de la commission des affaires sociales nous a annoncé, en commission, que les articles 5 et 6, les deux articles scélérats de ce projet de loi, seraient appelés par priorité à la reprise de la séance ce soir.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est un scandale !
M. Guy Fischer. Dans un premier temps, il était prévu que nous entamions l’examen de ces articles à seize heures trente. Devant notre vive opposition, Mme la présidente de la commission des affaires sociales a accepté de repousser cette discussion à vingt et une heures trente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De nuit !
M. Guy Fischer. Ces deux articles emblématiques devraient être débattus non pas la nuit, mais en plein jour, devant les Françaises et des Français ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, nous vous demandons de respecter l’ordre normal d’examen du texte. L’exécutif du Sénat se plie, monsieur le président, aux injonctions de M. Sarkozy ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Alain Gournac. Quelle horreur !
M. Guy Fischer. De surcroît, nous siégerons samedi, ce qui n’était pas prévu.
Un sénateur de l’UMP. Vive les 35 heures ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Au nom de tous les membres du groupe CRC-SPG, j’affirme que vous redoutez la mobilisation massive des Françaises et des Français le 12 octobre prochain !
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Vos manœuvres ne tromperont pas nos compatriotes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous partageons l’indignation de M. Fischer. Nous avons appris ce matin, en commission, lors d’une réunion de travail sur les amendements du Gouvernement, que nous commencerions cet après-midi, à seize heures trente, l’examen par priorité des articles 5 et 6 du projet de loi. C’est tout à fait scandaleux !
M. Josselin de Rohan. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, certains de nos collègues inscrits pour intervenir sur ces articles ne sont pas informés de cette modification de l’organisation de nos travaux. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Pourquoi ne sont-ils pas là ?
M. Alain Gournac. Ils n’avaient qu’à être là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous inquiétez pas, ils viendront !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il nous a été souvent demandé, ces derniers temps, de faire preuve de sérénité, mais en l’occurrence vous en manquez sérieusement, chers collègues de la majorité ! Attendez au moins que j’aie fini !
Ce matin, devant nos protestations, Mme la présidente de la commission des affaires sociales a accepté le report de l’examen des articles 5 et 6 à la reprise de la séance de ce soir, ce qui ne change pas grand-chose au fond du problème.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Raffarin a donné le ton : il faut aller vite !
M. Jean-Pierre Godefroy. En réalité, il vous déplaît beaucoup que nous puissions nous exprimer comme nous le faisons depuis le début de ce débat. Mais je ferai remarquer, monsieur le président, que si du retard a été pris hier soir, nous n’en sommes pas responsables. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Si le président de séance ne nous avait pas refusé une suspension de cinq minutes, nous n’aurions pas été amenés à demander la vérification du quorum. Cela nous a fait perdre une heure ! Dans le même ordre d’idées, si nous avons passé la matinée à débattre comme nous l’avons fait, c’est parce que M. le ministre a annoncé le dépôt de deux amendements pour essayer de couper court à des revendications justifiées concernant les femmes et les personnes handicapées. Les retards pris dans la discussion ne sont donc pas de notre fait ! Vous cherchez à nous faire porter une responsabilité qui ne nous incombe pas !
En fait, vous voulez absolument que les articles 5 et 6 soient votés avant la manifestation du 12 octobre prochain.
Mme Annie David. Absolument, c’est un coup de force !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, vous pourrez dire aux Français : c’est fini, il n’y a plus de raison de manifester, puisque le Sénat s’est prononcé !
Vous vous trompez ! Votre attitude va au contraire renforcer la détermination des manifestants, c’est du moins ce que nous souhaitons de tout cœur ! Vous commettez une faute grave en disant aux salariés : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Quel joli sens du dialogue ! C’est à croire que votre objectif est d’encourager la radicalisation du mouvement, pour des motifs politiques !
Un sénateur de l’UMP. Calmez-vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit peut-être pour vous de récupérer un électorat que vous avez perdu, comme vous avez déjà essayé de le faire en instrumentalisant les expulsions de Roms ! Eh bien, c’est tout à fait inacceptable ! Nous ne voulons pas que le Parlement soit le jouet de telles manœuvres ! Oui, il y a une volonté politique de nous faire taire ! Vous agissez sur ordres, monsieur le président ! Vous faites aujourd'hui ce qu’a fait le président de l’Assemblée nationale en refusant de donner la parole aux députés de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Pour infirmer vos propos, mon cher collègue, je donne la parole à Mme Marie-Agnès Labarre, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Agnès Labarre. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement, relatif à l’organisation de nos travaux.
Nous ne pouvons que déplorer les manœuvres du Gouvernement visant à éviter le débat de fond. Ce matin, nos sous-amendements ont été déclarés irrecevables : nous avons dénoncé avec force cette atteinte substantielle aux droits du Parlement.
Alors que le pays traverse une crise sociale et économique sans précédent, vous essayez de désorganiser le débat en appelant en priorité des articles qui ne devaient être examinés que dans plusieurs jours. Vous tournez ainsi le dos à nos concitoyens et vous refusez d’écouter les parlementaires de l’opposition !
Il est impératif que nous ayons un débat de fond, qui nous permettra de démontrer que d’autres solutions que celles que vous prônez existent. Or plusieurs de nos amendements se sont vu opposer l’article 40 de la Constitution, ce qui nous a empêchés encore une fois d’exprimer nos positions et de faire entendre les voix de la rue : celles des chômeurs, des travailleurs, des jeunes, des retraités.
Nous avions ainsi déposé des amendements portant sur les retraites agricoles. Vous savez dans quelle situation critique se trouve le monde agricole. Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, nous avions dénoncé l’absence de prix rémunérateurs et de régulation des volumes de production, ainsi que l’incapacité du Gouvernement à protéger nos producteurs, nos éleveurs et nos pêcheurs. M. Le Maire avait alors refusé de débattre avec nous de la question des retraites agricoles. Il s’était voulu rassurant, tenant les propos suivants :
« Mais qu’il soit bien clair qu’il ne s’agit pas ici de se prononcer sur le fond de la question des retraites agricoles, qui est un vrai sujet ! Éric Woerth nous a déjà reçus et continuera à nous recevoir, avec les organisations syndicales représentatives, pour en discuter. Nous devons notamment examiner des questions fondamentales telles que les années de référence ou l’accès au montant minimum de retraite, sur lequel il existe des points de blocage.
« Nous souhaitons effectivement que ces dossiers soient traités dans le cadre de la réforme des retraites. »
Force est de constater que le débat risque d’être extrêmement restreint, en raison de la déclaration d’irrecevabilité de nos amendements au titre de l’article 40. Le secteur agricole est en situation de naufrage, les agriculteurs souffrent, les travailleurs sont ruinés et les retraités survivent à peine. Vous avez décidé d’occulter cette situation dramatique en refusant d’examiner nos propositions. S’agissant d’une réforme de cette importance, qui engage l’avenir de nos concitoyens, c’est inadmissible !
Écoutez les voix qui s’élèvent aux quatre coins du pays ! Monsieur le ministre, le monde paysan est au bord du suicide. La Confédération paysanne occupe depuis exactement vingt-huit jours la Maison du lait, pour obtenir que soit mis en place le pluralisme syndical dans les interprofessions agricoles, mesure qui a été repoussée lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Quatre paysans sont en grève de la faim depuis le 27 septembre.
Nous voulons ici débattre dans des conditions sereines du sort des salariés. Nous souhaitons pouvoir exposer nos propositions, apporter des témoignages humains, faire entendre la voix de nos concitoyens, pour que vous mesuriez l’ampleur de votre erreur lorsque vous vous entêtez à défendre une réforme injuste et inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Nous sommes assez loin de l’article 36 du règlement, ma chère collègue…
Acte est donné de ces rappels au règlement.
M. Romani ayant été mis en cause, je lui donne la parole.
M. Roger Romani. L’intervention de notre collègue Jean-Pierre Godefroy – qui m’a d’ailleurs assisté hier soir, avec beaucoup d’objectivité, dans mon rôle de président de séance – m’a quelque peu surpris.
Monsieur Godefroy, je me suis contenté, hier soir, d’appliquer le règlement, de donner connaissance des conclusions de la conférence des présidents et d’autoriser deux rappels au règlement. Alors que le scrutin public avait commencé, M. Sueur a demandé une suspension de séance. Cette suspension de séance n’était pas de droit, je l’ai refusée, c’est vrai ; j’en ai pris la responsabilité.
Vous avez ensuite demandé la vérification du quorum, ce qui était votre droit. Il a donc été procédé, conformément au règlement, à la vérification du quorum.
Monsieur Godefroy, hier soir, nous avons subi les leçons de M. Sueur. J’avais une haute opinion de vous, je suis plus que déçu ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous reprenons l’examen de l’article 1er A, dont je rappelle les termes :