Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne m’a pas échappé !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Vouloir écarter d’un revers de main le texte qui vous est présenté aujourd’hui, c’est minimiser, me semble-t-il, la portée de l’action menée par M. Gérin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons bien réfléchi, madame le garde des sceaux !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Madame Goulet, vous avez dénoncé à juste titre les méfaits de l’ignorance, tant sur notre territoire que dans l’ensemble du monde musulman. Lorsque j’occupais d’autres fonctions, j’ai souvent eu l’occasion d’évoquer ce sujet avec les responsables d’États confrontés au détournement du Coran par certains, qui veulent lui faire dire ce qui n’y figure pas. Prenant en compte cette dimension, le projet de loi prévoit une période de six mois pendant laquelle un effort général de pédagogie sera entrepris sur le territoire national.
Bien entendu, un effort d’explication de la teneur du dispositif doit également être accompli hors de nos frontières. À cette fin, je me suis notamment rendue en Jordanie, au Qatar et au Liban. Ce travail doit être poursuivi afin d’expliciter notre conception du rapport de la personne et de l’État, parfois différente de celle qui prévaut dans d’autres pays, par exemple en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.
Monsieur Peyronnet, de façon globale, le présent projet de loi vise les tenues destinées à dissimuler le visage, sans comporter de définition précise. Telle n’est pas la vocation d’une loi. Il reviendra au juge d’apprécier chaque cas particulier. Comme plusieurs orateurs l’ont indiqué, le point important est qu’une relation visuelle avec l’autre soit possible.
Le Premier ministre et moi-même avons reçu les représentants des principaux cultes pratiqués en France. Le CFCM unanime a lui-même affirmé l’absence de lien entre le Coran et le port du voile intégral, pratique d’ailleurs interdite dans les lieux saints de l’islam, notamment lors du pèlerinage à La Mecque. Nous devons mettre en exergue cette réalité.
En fait, la véritable question est celle du communautarisme, selon lequel des règles spécifiques s’appliquent à certaines catégories de la population et peuvent dans certains cas aller à l’encontre de la norme commune. Le communautarisme est reconnu par la Grande-Bretagne ou les États-Unis, leur culture constitutionnelle étant différente de la nôtre, qui pose le principe de l’égalité de tous devant la loi, sans aucune fragmentation de la société.
Quant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est une législation turque relative à la sécurité publique qui a été visée. Or le présent projet de loi ne porte pas sur la sécurité publique, même si, bien entendu, l’application de ses dispositions pourra avoir un certain nombre de conséquences en la matière : si tel était le fondement du texte, nous encourrions effectivement un risque d’inconstitutionnalité, voire de contradiction avec les principes européens, dans la mesure où l’interdiction porterait sur l’ensemble de l’espace public. Il convient de souligner ce point important.
MM. Baylet et Gilles ont rappelé avec raison que l’islam français est républicain et respectueux des lois. Les représentants du CFCM que nous avons entendus ont d’ailleurs eux aussi insisté sur ce fait.
Le projet de loi ne stigmatise personne ; c’est dans cet esprit qu’il a été rédigé.
Monsieur Masson, il est vrai que le projet de loi peut sans doute répondre à certaines préoccupations sécuritaires, mais l’ordre public matériel n’est pas son fondement juridique, je le répète. Sur ce plan, un certain nombre de textes existent déjà, notamment le décret relatif au port de la cagoule, que j’ai moi-même signé. Notre préoccupation, en l’occurrence, est de lutter contre le communautarisme et de préserver le « vivre ensemble ».
Un tel fondement ne réglerait pas les problématiques en jeu et ne répondrait pas à notre volonté de lutter contre le communautarisme et d’assurer le « vivre ensemble ».
Madame Troendle, vous avez rappelé à juste titre que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme tient compte des traditions constitutionnelles nationales. Si elle défend la liberté d’opinion et de conscience, elle admet néanmoins que les États peuvent apporter des limitations nécessaires dans une société démocratique pour protéger les droits et les libertés d’autrui.
C’est pourquoi je pense très sincèrement que le projet de loi qui vous est proposé est parfaitement compatible tant avec les principes constitutionnels français qu’avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Monsieur Nègre, comme vous l’avez souligné, le projet de loi n’est en rien un texte d’exclusion, bien au contraire : en effet, il vise à affirmer que l’on ne peut pas vivre dans une société en s’en excluant ou en étant forcé de s’en exclure et qu’il importe que l’ensemble de nos concitoyens puissent continuer à évoluer dans l’espace commun dans l’égalité et le respect mutuel. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il existe un prosélytisme à caractère plus politique que religieux, puisqu’il recouvre la volonté d’implanter une forme de communautarisme dans notre pays.
Madame Labarre, vous avez relevé la critique selon laquelle le projet de loi condamnerait certaines femmes à ne plus sortir de chez elles. Nous en avons beaucoup débattu et finalement estimé que le projet de loi pourra au contraire être le support sur lequel ces femmes pourront s’appuyer pour cesser une pratique qui les exclut de la vie en société et qui nie leur individualité. Il nous reviendra d’y veiller à la fois par la pédagogie et par la contrainte. Quant aux risques de séquestration, évoqués lors du débat à l’Assemblée nationale, il existe des moyens juridiques de lutter contre la séquestration d’une personne.
Madame Boumediene-Thiery, le débat sur le port du voile intégral n’est pas récent. Vous me reprochez souvent, lorsque je présente un texte, d’aller trop vite et de ne pas prendre suffisamment le temps de la réflexion. Or, je le rappelle, cela fait presque deux ans que le débat est ouvert, et ce n’est d’ailleurs même pas le Gouvernement qui l’a engagé ! Quand le tour d’une question a été fait, vient le moment d’intervenir et de prendre une décision.
Par ailleurs, ce débat n’a rien à voir avec celui sur l’identité nationale : il s’agit ici de l’unité nationale. Comment vivons-nous ensemble ? À visage découvert. Encore une fois, il faut éviter les amalgames, pour ne pas dénaturer l’esprit dans lequel le texte a été rédigé.
Monsieur Fortassin, comme vous l’avez affirmé, la dissimulation du visage dans l’espace public est un refus de la République, de ses valeurs et de ses principes. Je crois moi aussi que notre réponse doit être à la hauteur de ce défi. Telle est bien l’ambition du texte, que je vous remercie de soutenir.
M. Alduy a rappelé, au nom de Melle Joissains, que la dissimulation du visage dans l’espace public est une double négation : négation de la personne dissimulée, qui n’apparaît plus en tant qu’individu mais seulement en tant que membre d’une communauté, d’une part ; négation de l’autre, auquel est refusé le droit élémentaire de voir le visage de son interlocuteur, d’autre part. Tout cela est tout à fait contraire à la dignité de la personne et aux règles les plus fondamentales de notre République.
Madame Hoarau, le « vivre ensemble » est le socle commun sur lequel repose notre pacte républicain. Contribuant en cela à la lutte contre le communautarisme, il transcende nos origines, nos religions, nos croyances, nos opinions. Il est bon de le rappeler de temps en temps. Ce « vivre ensemble » unit citoyens de métropole et d’outre-mer. Vous avez mis l’accent sur certains problèmes affectant l’outre-mer. Au-delà de certaines difficultés et spécificités, il faut rappeler les principes de la République qui nous rassemblent. C’est aussi sur cette base que pourront se développer certaines actions dans différents domaines.
Monsieur Revet, nous nous connaissons de longue date. Vous savez donc combien je suis attachée depuis toujours à la lisibilité des textes, à leur simplicité, à leur concision, que ce soit dans le domaine législatif ou dans le domaine réglementaire. Je m’efforce, depuis que je suis à la chancellerie, d’apporter quelques améliorations en ce sens.
En l’espèce, le présent projet de loi me paraît très clair. Il est court, et j’ai veillé à ce qu’il soit rédigé le plus lisiblement possible. En effet, nos concitoyens doivent pouvoir comprendre la logique des lois qui leur seront appliquées. S’il pouvait en être ainsi de tous les textes, je m’en réjouirais autant que vous !
Monsieur Gilles, vous avez mis l’accent sur la nécessité de lutter contre tous ceux qui tentent d’imposer aux femmes de dissimuler leur visage dans l’espace public. Vous avez eu raison de rappeler, parallèlement, la reconnaissance par la République de toutes les religions, de toutes les philosophies, de toutes les familles de pensée : c’est notre tradition et notre honneur. La nature républicaine de l’islam de France a été réaffirmée par les représentants du culte musulman eux-mêmes.
Je terminerai en reprenant à mon compte l’heureuse formule de Mme Hermange selon laquelle le visage est rencontre. L’espace public est le lieu de cette rencontre, nous devons le préserver : c’est une question de respect de soi, des autres, de la République, c’est donc une question de respect de la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Je voudrais revenir sur les propos que j’ai tenus tout à l’heure et sur la réponse faite à l’ensemble des intervenants par Mme le garde des sceaux.
Finalement, tout ce débat tourne autour de la burqa. C’est donner des verges pour se faire fustiger tant par le Conseil constitutionnel que par les instances juridictionnelles internationales.
Par ailleurs, la volonté d’unir nos concitoyens, de préserver le « vivre ensemble », n’est pas le seul fondement de ce texte ; se pose aussi un problème de sécurité. Je tiens à le réaffirmer, je voterai l’article 1er dans une logique de défense de la sécurité, et non à seule fin de m’opposer au port de la burqa.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Bel, Peyronnet, Sueur, Anziani et Frimat, Mmes Le Texier et Cartron, MM. Assouline, Collomb et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Nul ne peut dissimuler son visage au sein d'un espace affecté au service public ou dès lors que des raisons liées à la sécurité publique ou à la lutte contre la fraude l'exigent.
Un décret en Conseil d'État fixe la liste des lieux soumis à l'obligation inscrite à l'alinéa précédent.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe attache une importance toute particulière à cet amendement, cosigné par tous ses membres, au premier rang desquels son président, M. Jean-Pierre Bel, et inspiré par MM. Charles Gautier et Jean-Claude Peyronnet.
Madame la ministre d’État, nous sommes tous contre la burqa, nous sommes tous des défenseurs du respect de la dignité des femmes, nous sommes tous partisans du respect de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce n’est donc pas cela qui peut nous séparer.
En revanche, nous sommes pour notre part extrêmement attachés à ce que la loi – nous pensons qu’il en faut une en l’occurrence – bénéficie de toutes les précautions juridiques nécessaires.
À cet égard, il a déjà été souvent fait référence à la décision du Conseil d’État, qui à nos yeux est très importante. Le Conseil d’État a incontestablement montré les risques que présenterait une interdiction générale.
Tout à l’heure, notre collègue Jean-Claude Peyronnet a fait allusion à l’arrêt Ahmet Arslan du 23 février 2010, par lequel la Cour européenne des droits de l’homme a stipulé très précisément la manière dont, selon elle, il fallait appliquer les textes pour de telles restrictions, en citant notamment les représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions, le port de symboles religieux dans des établissements publics où la neutralité est indispensable, les menaces contre l’ordre public ou les pressions sur autrui.
Nous avons voulu tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil d’État. Par cet amendement, dont nous avons soigneusement pesé chaque mot, nous proposons d’interdire le port de la burqa, c’est-à-dire la dissimulation du visage, « au sein d’un espace affecté au service public ou dès lors que des raisons liées à la sécurité publique ou à la lutte contre la fraude l’exigent ». Nous avons ainsi repris intégralement l’ensemble des circonstances visées par l’arrêt du Conseil d’État.
Il nous semble important de prendre cela en compte. En effet, autant le vote de la loi pourrait apparaître comme très satisfaisant au regard des principes qui nous sont chers, autant une éventuelle annulation serait très préjudiciable et ne manquerait pas d’être utilisée comme un argument par tous ceux qui ne respectent ni nos principes ni nos valeurs.
Ce sont les raisons pour lesquelles notre groupe a déposé cet amendement. Le sort qui lui sera réservé aura une incidence sur le vote final de nombre d’entre nous. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Nous avons déjà longuement évoqué ce sujet lors de la discussion générale. Je ne crois pas utile de reprendre l’ensemble de l’argumentation que nous avons développée alors.
Toutefois, je voudrais rappeler que cette interdiction générale s’appuie sur des notions très claires, en particulier celle de l’ordre public immatériel. Or celui-ci est fondé, d'une part, sur notre vie collective, et, d'autre part, sur le respect de la dignité des personnes. Par conséquent, ces deux dimensions doivent tout naturellement s’appliquer à l’ensemble de l’espace public et ne peuvent en aucun cas être limitées à certains lieux.
Par ailleurs, dans la rédaction proposée au travers de l’amendement, il est prévu que l’interdiction s’appliquera également « dès lors que des raisons liées à […] la lutte contre la fraude l’exigent ». Je crains que cette disposition n’élargisse encore plus le champ de l’article, au-delà de l’espace public : l’espace privé serait concerné, ce qui, en l’occurrence, est contraire à l’objet du texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Sueur, limiter ainsi le champ de l’interdiction ne me paraît pas possible.
Tout d’abord, s’agissant de principes fondamentaux de la République, comment justifierez-vous qu’ils s’appliquent dans certains lieux et non pas dans d’autres ? Ce n’est pas cohérent ! Or nous entendons élaborer un texte qui soit lisible, c’est-à-dire doté d’une véritable cohérence. Nous sommes attachés à des principes républicains, qui doivent s’appliquer partout.
Ensuite, à cet amendement s’opposent des raisons plus pragmatiques, qui tiennent à la mise en œuvre et à l’applicabilité du dispositif. Comment sera-t-il possible, surtout compte tenu des détails que vous donnez, de définir les lieux où l’on pourra éventuellement infliger des contraventions ? Outre la voie publique, vous affirmez vous-même qu’il est indispensable que ces lieux comprennent « certains » lieux commerciaux, sans préciser lesquels… Là encore, où est la cohérence ? Cela signifie-t-il par exemple que le port du voile intégral sera interdit dans les grandes surfaces dans certains départements, et pas dans d’autres ?
Au passage, je préfère parler de voile intégral plutôt que de burqa, car ce vêtement n’est pratiquement pas porté en France.
M. Jean-Pierre Sueur. D’accord !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Certes, ce que l’on appelle le « voile intégral » soulève à peu près les mêmes questions sur le plan des principes, mais il convient d’être précis dans le choix des termes.
En tout état de cause, monsieur Sueur, l’application du dispositif que vous présentez au travers de votre amendement serait véritablement problématique. Comment feront ceux qui seront chargés de mettre en œuvre la loi ? Nous devons tout de même penser à eux ! Leur fournira-t-on une liste des établissements commerciaux et bancaires où s’appliquera l’interdiction ? Ce n’est pas réaliste !
J’en viens enfin à l’aspect juridique, qui n’est pas négligeable : tout comme vous, monsieur Sueur, je ne veux pas qu’une annulation de la loi vienne en quelque sorte renforcer les opposants aux principes qui nous guident.
Je crois que nous avons bien étudié cette question et que la commission des lois a, elle aussi, diligenté les expertises nécessaires. Je vous ai déjà répondu pour ce qui concerne tant le Conseil constitutionnel que la Cour européenne des droits de l’homme, dont la décision se fondait sur un principe d’ordre public, de sécurité publique, et non pas sur la dimension du « vivre ensemble ».
Étant un peu juriste, je m’efforce que les textes que je présente soient conformes aux principes du droit. On m’a à plusieurs reprises prédit des censures du Conseil constitutionnel qui ne sont finalement pas intervenues, parce que nous avions pris les précautions nécessaires…
Pour des raisons qui sont à la fois juridiques, pratiques et de principes, je ne puis accepter cet amendement, sur lequel j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Au nom de la clarté et des principes républicains, je ne voterai pas cet amendement.
Je voudrais évoquer ce qui s’est passé à Abou Dhabi lorsqu’il a été décidé d’y implanter une antenne de la Sorbonne. Après un certain nombre de débats, les autorités émiriennes ont finalement accepté le principe de la mixité dans le nouvel établissement, ce qui fait de celui-ci un cas unique dans l’ensemble de la péninsule arabe. Cela montre que quand la République s’en tient fermement à ses principes, il n’y a aucune raison qu’ils ne soient pas respectés !
Au nom de ce pacte républicain qui a été invoqué tout au long de nos débats, il importe à mon sens de ne pas laisser la porte ouverte à des contentieux ou à des aléas. Il faut purement et simplement adopter ce projet de loi dans les termes qui nous sont aujourd’hui présentés. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je trouve au contraire que cet amendement apporte une sécurité juridique supplémentaire au regard des règles du droit international. S’il est adopté, on ne pourra pas nous accuser de pratiquer une discrimination.
La rédaction qui nous est proposée correspond beaucoup plus à ma vision de ce projet de loi et à la philosophie que j’ai développée tout à l'heure. Je le répète, il ne faut pas viser spécifiquement des pratiques liées à une religion, quelles qu’elles soient. Cela ne signifie pas nécessairement que je les approuve, mais je pense que, dans la logique de la séparation de la religion et de l’État, nous n’avons pas à statuer spécifiquement sur elles. En adoptant cet amendement, nous élargirions quelque peu le champ du dispositif, ce qui serait très bien.
Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Pour ma part, je ne puis voter l’amendement de M. Sueur, dont j’admire en général l’éloquence et la subtilité, car je crois que son adoption compliquerait horriblement les choses. Introduire la question de la lutte contre la fraude pourrait nous mener très loin !
J’apprécie grandement le texte de Mme la ministre d’État, qui, confrontée à un problème extrêmement compliqué, a trouvé une solution…
Mme Isabelle Debré. Simple !
M. Yann Gaillard. … qui nous permet de légiférer sur la burqa sans jamais parler de cette dernière.
D'ailleurs, je regrette beaucoup qu’une grande partie de notre discussion ait porté sur l’islam : il ne faut pas en parler, car ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! De ce point de vue, le texte du Gouvernement me semble extrêmement astucieux, et j’en suis donc tout à fait partisan.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Alduy. J’irai dans le même sens que mon collègue Yann Gaillard.
Monsieur Sueur, vos propos témoignent d’une frilosité que je n’avais pas constatée dans d’autres débats. (Exclamations sarcastiques sur les travées du groupe socialiste.)
Au-delà de la question de la sécurité juridique, à laquelle Mme le garde des sceaux a répondu, il faut bien comprendre que ce texte est une « loi-message » : le Parlement doit défendre ce bien précieux, cet héritage inestimable qu’est la laïcité à la française. En quinze mots, l’article 1er adresse un message clair, limpide, que l’adoption de tout amendement ou sous-amendement viendrait complètement polluer et perturber.
En tout état de cause, je ne voterai donc pas le présent amendement, afin de laisser à la rédaction actuelle de l’article 1er toute sa force politique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis que la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 274 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 149 |
Pour l’adoption | 112 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’article 1er.
Mme Virginie Klès. Pour ma part, je ne suis pas juriste. Néanmoins, j’ai des convictions, et je suis notamment profondément attachée à la défense des valeurs républicaines, de la démocratie et de l’égalité des hommes et des femmes, ainsi qu’à la lutte contre toutes les formes de violence aux personnes, en particulier les violences psychologiques.
S’agissant du présent texte, je regrette vivement que le travail de pédagogie dont vous avez parlé, madame la ministre, n’ait pas concerné les déclarations préalables à notre débat : encore un rendez-vous raté avec la démocratie ! Je suis persuadée qu’une concertation plus approfondie aurait rendu possible un consensus sur un texte qui ne soit pas seulement déclaratoire et inspiré par des visées électoralistes de court terme, sur un texte qui ne stigmatise ni l’islam ni les femmes, lesquelles en l’occurrence sont victimes, sur un texte qui puisse être véritablement efficace au regard des objectifs affichés.
Je rejoins tout à fait les réticences exprimées par les membres de mon groupe. J’en ajouterai une, relative à la notion de contrainte. Voilà relativement peu de temps, quand ont été évoquées dans cette enceinte les violences faites aux femmes, en particulier les violences psychologiques au sein des couples, le rapporteur UMP du texte, M. Pillet, a soutenu qu’il était impossible de prouver l’existence d’une contrainte par les seuls témoignages et plaintes. Aujourd’hui, on nous affirme le contraire : démontrer la contrainte sera possible. On nous affirme que des femmes qui en arrivent à accepter l’inacceptable au point de sortir intégralement voilées auront encore en elles la force d’aller porter plainte et de se battre ! Je réponds qu’il n’en est pas ainsi ! On ne pourra convaincre ces femmes au moyen d’un simple dialogue, appelé à primer sur la sanction. Il y avait bien autre chose à faire en la matière. Ce texte sera donc à mon sens totalement inefficace.
Nous ne jouons pas là entièrement notre rôle de parlementaires ou de membre du Gouvernement, qui est en l’occurrence de protéger des femmes victimes d’une violence psychologique totalement inacceptable.
Je tiens donc à réaffirmer que je resterai digne des exigences attachées à la défense des valeurs républicaines, pour reprendre vos propos, madame la ministre. Je resterai attachée à la défense de toutes les victimes de violences, notamment psychologiques, en particulier liées au port de la burqa ou de tout autre vêtement stigmatisant.
Je partage avec les membres de mon groupe un certain nombre de réticences. Je n’entretiens aucune illusion sur les motivations réelles qui sous-tendent ce texte. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Néanmoins, les principes qui me gouvernent demeurent plus forts que ces réticences. Je voterai donc malgré tout ce projet de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 275 :
Nombre de votants | 246 |
Nombre de suffrages exprimés | 246 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 124 |
Pour l’adoption | 245 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté.