M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous supprimez les financements !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Finalement, notre idée maîtresse, c’est de « faire confiance à l’intelligence territoriale », selon la jolie formule du titre du rapport de la mission commune d’information du Sénat présidée par votre collègue Claude Belot. C’est une source que nous revendiquons, car nous nous en sommes également très largement inspirés.
Lancer une telle réforme, c’est faire le pari que les premiers à vouloir bousculer les choses, à simplifier et à rationaliser sont les élus locaux eux-mêmes ! C’est tout l’enjeu de ce projet de loi. En ce sens, la création des conseillers territoriaux, dont l’opposition dit tant de mal, est bien la clé de voûte et le symbole de la réforme.
Aussi, je n’ai aucun doute sur le fait que la majorité parlementaire sera aux côtés du Gouvernement sur les articles 35 et suivants, pour réformer notre organisation territoriale, au service de la France et des Français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Rappels au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’alinéa 7 de l’article 42 du règlement, aux termes duquel « la discussion porte successivement sur chaque article ». C’est donc à juste titre que M. le secrétaire d’État parlait d’innovation, car il vient d’innover !
Dans cet hémicycle, il y a eu un vote sur l’amendement n° 166 rectifié, qui visait à insérer un article additionnel avant l’article 1er AA. Ce vote, il est acquis ; il existe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Jusqu’à preuve du contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. La majorité du Sénat s’est prononcée, et le débat a eu lieu.
Or, comme M. le secrétaire d’État a consacré plus de la moitié de son propos à l’amendement n° 166 rectifié, il est troublant qu’il ne nous ait pas gratifiés de ses explications au moment où celui-ci et les autres amendements similaires sont venus en discussion.
En définitive, il y a quelque chose de tout à fait singulier dans ce qui se passe actuellement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre Brice Hortefeux, vous comprendrez bien, je pense, ce que je suis en train de dire. Un vote a eu lieu. Certes, il nous arrive à tous de ne pas être très satisfaits du résultat d’un scrutin.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oh oui ! Souvent ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il y a un consensus qui existe depuis ce vote. Or il semble perturbé par les innovations dont nous a parlé M. le secrétaire d’État.
Dans la mesure où la Haute Assemblée s’est prononcée, la logique commande que, pour l’ensemble de la discussion qui va désormais avoir lieu, l’on parte du présupposé qu’un vote a été acquis.
Dès lors, si, dans la suite du débat, on va contre ce vote, on empêche la discussion de porter « successivement sur chaque article ». Or le règlement du Sénat est très clair sur ce point. Mais certains ont l’air de chercher à organiser nos travaux comme s’ils ne voulaient tout simplement pas consentir à la démocratie, c’est-à-dire au vote qui s’est exprimé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, je me suis permis de faire ce rappel au règlement, parce que chercher à tout faire pour ne pas tirer les conséquences d’un vote serait un véritable détournement de procédure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Sueur.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons cru comprendre que vous vous étiez adressé à votre majorité…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … pour la rappeler à l’ordre. Moi, c’est à vous que je m’adresse.
Vous avez, en quelque sorte, demandé aux membres de la majorité qui ont fait pencher le vote sur l’amendement n° 166 rectifié, présenté par mon groupe, de se déjuger. Mais, comme l’indique le règlement du Sénat, s’il doit y avoir une seconde délibération, ce ne peut être qu’à la fin de nos débats, juste avant le vote sur l’ensemble du projet de loi. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas revoter sur cet amendement adopté par le Sénat.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons écouté avec attention votre intervention, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire. Par exemple, vous prétendez que la clause générale de compétence n’existe nulle part, tout en nous expliquant par ailleurs que les communes la conserveront : vous parlez donc dans le vide !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon moi, la clause générale de compétence est une réalité ; elle a été consacrée tant par la jurisprudence que par l’article 72 de la Constitution.
En effet, si les collectivités élues au suffrage universel n’ont plus aucune compétence générale, ce sont tout simplement des rouages de l’État !
M. Gérard Longuet. C’est grotesque !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous garderons nos explications pour plus tard, mais je trouve que, comme l’a souligné notre collègue, il y a là un déni de démocratie !
Vous ne pouvez pas nous inciter à voter sur l’article 35 si nous n’avons pas, au préalable, revoté sur l’amendement n° 166 rectifié. Et pour cela, il nous faut attendre la fin du débat.
Il y a donc manifestement une contradiction, et on ne peut pas traiter les parlementaires de cette manière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.
Article 35 (suite)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 167 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Beaufils, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 437 est présenté par MM. Collombat, Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 564 est présenté par M. Adnot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 167.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos propos. Vous ne serez pas surpris si je vous dis que je ne les partage pas. D’ailleurs, ils me gênent un peu, car, même si vous avez noyé le poisson, j’ai compris dans votre ton qu’ils visaient surtout à faire rentrer dans le rang les membres de votre majorité qui l’auraient momentanément quitté.
Surtout, et cela a été souligné, vous voulez nier un acte démocratique qui s’est produit ici même la semaine dernière, lorsqu’une majorité a voté en faveur de notre amendement n° 166 rectifié.
Cela dit, puisque nous en sommes à l’amendement n° 167, je voudrais revenir sur quelques arguments.
Aujourd’hui, comme la semaine dernière, nous avons été nombreux à rappeler que les compétences transférées en 1982 ont énormément marqué le paysage institutionnel. Elles se sont inscrites dans un esprit de démocratisation et de proximité, l’État demeurant globalement le garant de la solidarité nationale et de l’égalité.
Jusqu’au présent projet de loi, la compétence générale des collectivités territoriales et leur libre administration – les deux sont nécessairement liées – n’avaient pas été remises en cause, même si la pseudo-décentralisation prônée par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, que nous avons combattue, leur a porté des coups.
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est dommage ! J’étais sur le point de vous suivre ! (Sourires ironiques sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Les transferts alors opérés n’ont pas été compensés par l’État autant que nécessaire – les élus de Seine-Saint-Denis pourraient écrire sur le sujet ! – et sont devenus des transferts de charges. Ces mesures se sont ajoutées à toutes celles que vous avez adoptées et qui ont enserré les collectivités dans un étau financier, compromettant ainsi leur capacité à mener leurs propres actions. (M. Jean-Pierre Raffarin s’exclame.) Appliquez le principe de réalité, monsieur Raffarin !
En ce sens, la compétence générale est déjà remise en cause. Aujourd’hui, avec cet article 35, elle disparaît pour les départements et régions.
Cela pose plusieurs questions.
Pourquoi le département doit-il, par exemple, prendre en charge le revenu de solidarité active, le RSA, alors que l’État décide de tout et qu’il s’agit en réalité d’un transfert de charges, comme l’allocation aux adultes handicapés ?
M. Gérard Longuet. Merci M. Jospin !
Mme Éliane Assassi. En revanche, comment ne pas voir que le fait de retirer aux départements et régions leur compétence générale revient à leur ôter le droit de mener leurs propres politiques et à faire d’elles des rouages de l’État ?
Pourquoi un tel projet ? Parce que la situation en matière de compétences serait trop compliquée et mériterait clarification, comme vous nous l’avez répété ? Je ne crois pas que ce soit votre objectif. J’en veux pour preuve les chassés-croisés que vous opérez entre les trois niveaux de collectivités, les métropoles et les divers EPIC et qui vont rendre les choses extrêmement complexes.
Contrairement à ce qu’affirme M. Longuet, la compétence générale permet aujourd'hui aux communes, aux départements et aux régions d’intervenir dans tous les domaines dans lesquels ces collectivités souhaitent agir…
M. Gérard Longuet. Seulement à celles qui en ont les moyens !
Mme Éliane Assassi. … et d’avoir une équipe élue sur un programme, donc sur une véritable politique locale. C’est la garantie que les électeurs votent pour des choix qui devront et pourront être mis en application, et non pour un portefeuille !
Au fond, ce que vous voulez, c’est réduire les politiques volontaristes des collectivités locales, celles qui rendent le plus souvent des services à nos concitoyens dans leur vie quotidienne.
Supprimer la compétence générale, c’est procéder à un affaiblissement des pouvoirs locaux, ce que nous refusons. C’est transformer les collectivités en exécutantes de vos décisions sur le terrain. Le tout sur fond d’asphyxie budgétaire et avec le risque d’aggravation de la fracture sociale et territoriale.
C’est le service public local que vous remettez en cause, laissant prévoir toujours plus de difficultés pour les habitants !
Je le répète, pour nous, les trois niveaux de collectivités doivent continuer à disposer de la compétence générale. C’est une exigence constitutionnelle, faute de quoi il n’y aura plus de libre administration des collectivités locales. Et cela, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas pu le contester de manière sérieuse et crédible ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 437.
M. Roland Courteau. La semaine dernière, nous avons eu droit à un remarquable débat de près de quatre heures sur le thème de la clause générale de compétence. Dans une grande sagesse, nous sommes parvenus à la rétablir par un vote clair et net !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez affirmé que l’amendement en question avait été adopté « par une partie du Sénat ». Non ! Il a été adopté par la majorité du Sénat ! C’est comme cela que fonctionne la démocratie. Il faut respecter le vote, même lorsqu’il est serré. Vous avez employé l’expression : « dans les circonstances que l’on sait ». De quelles circonstances voulez-vous parler ? Expliquez-nous ! Pour nous, je le redis, le vote a été clair et net.
Au sein de notre groupe, comme nous sommes optimistes, nous avions presque jeté nos liasses d’amendements et les argumentaires prévus pour l’examen des amendements portant sur l’article 35. Mais comme nous sommes également réalistes, nous sentions poindre une seconde délibération, qui a été demandée à l’instant même par le président du groupe UMP.
Mercredi dernier, mon collègue Jean-Jacques Mirassou avait évoqué une rétroactivité anormale et de plus en plus systématique des votes gênants pour le Gouvernement. Mes chers collègues, la procédure de la seconde délibération est utilisée de manière trop fréquente ; elle devient même une habitude dans cet hémicycle, où le Gouvernement n’a pas de majorité absolue et présente cependant des dispositions qui sont loin de faire consensus dès le départ ! On récolte ce que l’on sème, dit l’adage. Qui sème le bricolage récole la confusion ! (Murmures.)
Comment pouviez-vous croire que les sénateurs, après avoir été échaudés sur la promesse non tenue de la clause de revoyure, ne se « rebifferaient » pas face à l’attaque en règle contre une disposition aussi essentielle que la clause générale de compétence ?
Nous sommes les défenseurs des élus locaux, des territoires, et la compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et de la règle de subsidiarité.
C’est un principe que défendent toutes les associations d’élus, sans exception. Mais, face à leurs appels répétés, le Gouvernement reste sourd ! Ce n’est pas une réussite, et nous sommes de nouveau lancés dans ce débat. Encore une fois, c’est dans la clause générale de compétence que se trouve la simplicité !
Pourtant, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement voudrait nous faire croire, sous couvert de simplification et de clarification, que la compétence générale ne pourrait et ne devrait pas être maintenue.
Ce qui est simple et clair, mes chers collègues, c’est la compétence générale. Ce qui est compliqué, c’est le micmac, le bric-à-brac, le fouillis que vous nous présentez après maints bricolages. En voulant plaire aux uns sans renoncer à contenter les autres, voilà un article qui ne satisfait plus personne. C’est pourquoi nous en demandons la suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. L'amendement n° 564 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 167 et 437 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’ensemble des orateurs sont revenus sur l’adoption par le Sénat, la semaine dernière, de l’amendement n° 166 rectifié, présenté par le groupe CRC-SPG, qui a inséré un article additionnel avant le chapitre Ier ainsi rédigé : « La compétence générale est un principe fondateur de la libre administration des collectivités locales, dans le respect des responsabilités accordées par la loi à chacune des collectivités et l’application de la règle de subsidiarité. »
Une telle disposition pose, certes, un principe très général, mais ne le définit pas. Elle n’a donc aucune portée normative. Pour ne prendre qu’un exemple, il n’est pas prévu expressément que la région ou le département peuvent intervenir dans tout domaine d’intérêt général régional ou départemental.
Au contraire, l’article 35 vise à préciser dans quelle mesure les collectivités ont un pouvoir d’initiative, « dans le respect des responsabilités accordées par la loi », pour reprendre les termes mêmes de l’amendement.
Par ailleurs, l’article 35 tend à apporter des éléments nouveaux et utiles, en définissant les compétences partagées et les compétences déléguées. En prévoyant que le tourisme, la culture et le sport sont toujours des compétences partagées, il va plus loin que le droit en vigueur, en exemptant expressément les collectivités du principe d’exclusivité dans ces domaines.
Ainsi, il convient de maintenir l’avis défavorable de la commission sur ces amendements identiques de suppression.
L’article 35 correspond tout à fait à la demande des collectivités. Sa mise en œuvre permettra une clarification dans les compétences juridiques, mais surtout dans les financements.
M. Claude Domeizel. C’est la meilleure !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai eu l’occasion de le dire, nous sommes favorables à la suppression de l’article 35 pour des raisons de principe et pour des raisons pratiques.
En ce qui concerne les raisons de principe, la notion de compétence générale est consubstantielle à celle de collectivités territoriales. C’est ce qui distingue ces dernières des EPCI, qui ont des compétences d’attribution, étant entendu qu’il s’agit plus d’une définition fonctionnelle que substantielle de la notion de compétence générale. La compétence générale est la capacité à s’occuper des affaires du niveau et du territoire de la collectivité. C’est un système qui fonctionne bien.
M. Longuet, tout à l’heure, au sujet de la compétence générale, a fait référence aux effets des traités de Westphalie : soit il ne connaît pas bien l’histoire de l’Allemagne, soit il ne connaît pas bien les collectivités territoriales !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est facile !
Mme Isabelle Debré. Mauvais procès !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous attendions des précisions d’ordre pratique sur la clarification et la répartition des compétences. Or nous sommes pour l’instant dans le brouillard. Chacun campe sur ses positions, principe contre principe ! Nous aurions souhaité connaître les compétences qui seront exercées par le département et par la région, mais rien ne nous est dit.
J’en viens maintenant aux raisons pratiques que j’ai évoquées.
À chaque fois que nous posons des questions, on nous répond « ah, mais non, cette compétence sera partagée » ou encore « telle loi dispose que telle compétence est partagée », etc. Au final, personne n’est en mesure de savoir, concrètement, quels changements seront apportés.
Que notre collègue Jacques Gautier se rassure, nous ne confondons pas pour autant le problème des financements croisés et celui de la répartition des compétences ! Personnellement, je me suis félicité des précisions qui nous ont été données la semaine dernière sur ce sujet.
Néanmoins, si, au bout du compte, ce texte n’introduit quasiment pas de changements au niveau de la répartition des compétences et que, de surcroît, il permet aux collectivités d’intervenir dans tous les domaines extérieurs à leurs compétences exclusives, il n’aura pas prévu grand-chose, mais il l’aura fait de manière bien compliquée ! Ce projet est le « faux nez » d’une réforme en train de s’étioler pour donner on ne sait trop quoi !
Pour conclure, je reviendrai sur le long plaidoyer tout à fait surprenant de M. Longuet en faveur de l’article 35, qui, selon lui, permet de rétablir l’égalité de moyens entre les collectivités. Cet argument étonnant me rappelle, n’y voyez pas malice, l’histoire du bouclier fiscal et les raisons invoquées pour le défendre, à savoir qu’il serait anormal de spolier une personne de la moitié du produit de son travail. Effectivement, je serais mortifié de spolier ainsi Mme Bettencourt ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. C’est un amalgame !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’argument pour le moins étrange qui a été employé !
M. Christian Cambon. Vous serez bien content quand elle sera partie en Suisse !
M. Pierre-Yves Collombat. Quant à savoir qui sont les modernes et qui sont les anciens dans cette affaire, je vous répondrai que vous nous reprochez d’avoir les mêmes idées que nos parents… au nom des idées de vos arrière-grands-parents !
M. Christian Cambon. Quelle vision…
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Je n’aurais pas repris un débat aussi large si M. Longuet n’était pas intervenu tout à l’heure.
J’ai posé une question très technique sur le problème des transports, à laquelle le Gouvernement n’a aucunement répondu. Je laisserai donc de côté les questions techniques pour élargir, moi aussi, mon propos.
Mes chers collègues, nous avons manifesté dans cette assemblée la volonté de rechercher un certain nombre de convergences lorsque nous avions des points de vue communs. C’est ainsi, par exemple, qu’après avoir eu des avis divergents sur la répartition des rôles entre les communes et les métropoles ou entre les communes et le pôle métropolitain nous sommes arrivés à une position quasi consensuelle. Pourquoi n’y parvenons-nous pas sur le problème de la clause générale de compétence ?
Eh bien, parce qu’à mon avis ce changement, au départ, a été concocté avec un a priori par rapport aux collectivités locales, qui a quelquefois cours dans l’administration : par nature, les collectivités territoriales seraient peu soucieuses des finances publiques ; il conviendrait donc de les encadrer le plus étroitement possible. D’où cette idée de ne pas maintenir la clause générale de compétence et de compartimenter, de spécifier les compétences de chacun. Cela devait être fait dans une loi ultérieure.
Si tel avait été le cas, il aurait alors été sans doute possible de prendre en compte l’ensemble des compétences pour aboutir à une répartition relativement harmonieuse. Or l’Assemblée nationale, devant la montée des mécontentements, mais aussi parce que le Gouvernement s’est aperçu que, si les conseils généraux et régionaux cessaient de financer le sport et la culture, 70 % des clubs sportifs ne pourraient plus vivre et 25 % des associations culturelles seraient obligées de fermer leurs portes, a rétabli, par voie d’amendement, un certain nombre de compétences : le tourisme, la culture, le sport.
En évoquant les transports en commun, je vous ai montré qu’il y avait d’autres domaines où les problèmes, compte tenu de la rédaction actuelle du texte, ne pourraient pas être réglés. Peut-être accepterez-vous, je l’espère en tout cas, d’adjoindre tout à l’heure les transports à la liste des compétences. En tout état de cause, si, de bout en bout du texte, l’on ajoute ainsi moult compétences, sans doute aurait-il été plus simple de conserver la clause générale de compétence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Voilà !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. À la suite de l’exposé brillant de M. Collomb, je souhaite dire un mot de la prétendue tendance dépensière des collectivités territoriales.
Ces dernières n’ont pas de leçon sur l’endettement à recevoir du niveau central de l’État : encadrées par des règles précises, elles gèrent bien leurs finances.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, j’admire avec quelle élégance, messieurs les ministres, vous récusez l’argument selon lequel l’adoption de l’amendement n° 166 rectifié fait tomber le débat sur l’article 35. À vous croire, l’amendement rédigé le groupe CRC-SPG et voté par la majorité du Sénat n’aurait pas de sens. Dans ce cas, pourquoi M. le rapporteur fait-il référence dans son rapport à l’énoncé de la clause générale de compétence du département et de la région en écrivant que « le conseil général ou régional règle par ses délibérations les affaires du département ou de la région » ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
Mme Marie-Christine Blandin. Je n’imagine pas que l'ensemble de la commission, tous ses experts et notre brillant rapporteur se soient fourvoyés en définissant une clause générale de compétence, qui, soudain, n’aurait plus de sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Messieurs les ministres, le débat sur les compétences, disons la vérité, est escamoté.
Au départ, ce que j’aurais souhaité être un acte III de la décentralisation devait regrouper quatre textes axés chacun sur un volet différent : les finances, avec la taxe professionnelle, les structures, avec le conseiller territorial, les compétences et le mode de scrutin. Finalement, le texte sur la partie financière a été laissé de côté – on attend donc la clause de revoyure – et les trois autres volets ont été regroupés par amendements en un seul texte.
Il n’y a pas de quoi s’exciter parce que, au fond, l'article 35 dit tout et le contraire de tout. Grosso modo, il cherche à plaire à tout le monde.
Par conséquent, il nous faudra bien avoir un jour un débat sur les compétences, car la question reste en suspens, l'article 35 n’allant pas au fond des choses.
M. Roland Courteau. Ah, tout de même !
M. Jean-Pierre Raffarin. S’il est adopté en l’état, la clause de compétence sera supprimée, sauf s’il y a un intérêt départemental à la rétablir.
Nous pouvons toujours nous disputer pour savoir si la bouteille est à moitié pleine ou à moitié vide, mais, je vous le dis franchement, n’espérez pas trouver dans ce texte de réponse à la question des compétences !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Nous ne voterons pas ces deux amendements identiques, n’étant pas favorables à la clause générale de compétence. Nous pensons, au contraire, qu’il faut arriver à une véritable clarification des compétences et des financements, objectif que n’atteint pas malheureusement l’article 35.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 et 437 tendant à supprimer l’article 35
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe UMP et, l’autre, du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)