Article 14
I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Au dernier alinéa de l’article 15, après le mot : « programmes » sont insérés les mots : « mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle » ;
2° Au 1° de l’article 43-9, après le mot : « haine », sont insérés les mots : « ou à la violence ».
II. – (Non modifié) Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, après le mot : violence », sont insérés les mots : «, notamment l’incitation aux violences faites aux femmes, ». – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, les mots : « le huitième alinéa de l'article 24, l'article 24 bis, le deuxième alinéa de l'article 32 et le troisième alinéa de l'article 33 » sont remplacés par les mots : « les huitième et neuvième alinéas de l'article 24, l'article 24 bis, les deuxième et troisième alinéas de l'article 32 et les troisième et quatrième alinéas de l'article 33 ».
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Les infractions dites « de presse » sont régies par un régime de prescription court de trois mois. Si la loi du 13 juillet 1881 s’est donnée comme objectif, comme son intitulé l’indique, de garantir la liberté de la presse – ce dont nous nous réjouissons –, cette exigence de liberté d’expression ne saurait avoir pour effet d’empêcher les justiciables, par des délais de prescription incompatibles avec toute action en justice, de faire valoir leurs droits.
Ainsi, le législateur a allongé à un an le délai de prescription des infractions de presse jugées les plus graves, commises à l’encontre de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance – ou de leur non-appartenance – à une ethnie, une race ou une religion déterminée.
Or les femmes sont parfois l’objet, individuellement et aussi collectivement, d’injures et de provocations à la haine ou à la violence, notamment par le biais de magazines à caractère pornographique.
Par cet amendement, nous proposons de modifier l’article 65-3 de la loi sur la liberté de la presse afin que les infractions de presse à caractère misogyne puissent bénéficier de la prescription allongée à un an.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. La commission est très défavorable à cet amendement, dont elle a longuement débattu. Il peut en effet poser un grave problème, car il bouleverse totalement la loi sur la presse et les prescriptions en matière de droit de la presse. La commission a considéré qu’il n’était pas opportun de modifier la loi de 1881 s’agissant du régime de prescription des délits de presse.
Je peux peut-être également vous rassurer en soulignant que le délai de prescription de trois mois actuellement prévu pour ce type de délit laisse le temps de réagir !
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur. Cela dit, je pense qu’il faudra évoluer sur cette question.
Nous entendons si souvent encore – parfois même dans le milieu des parlementaires ! – des remarques à caractère misogyne, des blagues stupides au sujet des blondes, et dont les rousses et les brunes pourraient aussi être destinataires, qu’il faudra tout de même faire quelque chose. Il y a une limite à tout !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Michèle André. J’espère que nous reviendrons sur cette question, monsieur le rapporteur, mais, cela étant dit, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Article 14 bis
Un rapport remis par le Gouvernement sur la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes est présenté au Parlement avant le 31 décembre 2010.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Comme cela a été relevé dans le rapport de la commission, il est important que nous ayons une réelle connaissance des violences faites aux femmes, afin de pouvoir adapter les politiques publiques menées dans la lutte contre ce phénomène. Il est certes important de mieux le connaître au plan statistique, mais il faut aussi mieux le comprendre afin de mieux le combattre.
C’est en cela que la mise en place d’un Observatoire national des violences faites aux femmes nous paraît être de première importance. Il est nécessaire de disposer de statistiques sexuées fiables sur les violences, tant au sein des couples qu’au travail ou dans l’espace public.
Il serait également intéressant de mieux connaître les incidences des violences au sein des couples sur les enfants. C’était aussi l’une des préoccupations que nous avions formulées dans notre proposition de loi.
On nous dit qu’un observatoire européen dédié à la connaissance et à la compréhension des violences faites aux femmes devrait être très bientôt créé. C’est une bonne chose. Mais cet observatoire européen aura besoin de l’ensemble des données nationales, lesquelles ne pourront être obtenues que si nous disposons, nous-mêmes, d’un observatoire national. Raison de plus de le créer !
Cet outil est donc indispensable à notre pays. En effet, à l’exception de l’enquête réalisée en 2000, nous n’avons pas de données fiables, mais simplement un grand nombre d’estimations.
Bien entendu, faute de mieux, nous voterons cet article 14 bis qui prévoit qu’un rapport soit présenté par le Gouvernement au Parlement sur la création d’un tel observatoire – en espérant que ce rapport sera suivi d’effet dans les meilleurs délais.
Mais peut-être allez-vous, madame la secrétaire d’État, nous en dire un peu plus ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Nous aurions également souhaité que cette proposition de loi prévoie la mise en place d’un Observatoire national des violences faites aux femmes. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais le couperet de l’article 40 est tombé, et cet amendement a été jugé irrecevable.
Cela dit, nous persistons à penser que la création d’un tel observatoire serait nécessaire, comme cela a été dit, pour établir des statistiques fiables permettant de déterminer l’ampleur des violences faites aux femmes et de prendre la mesure de la tâche à accomplir pour remédier à un fléau qui, je le rappelle, est à l’origine de la mort d’une femme tous les deux jours et demi.
Un tel observatoire serait également en mesure d’alerter l’opinion sur la dangerosité des hommes violents, et pourrait mener, en amont, des campagnes d’information destinées à dénoncer les comportements sexistes. Une de ses missions pourrait consister à organiser des programmes de sensibilisation des jeunes au problème du sexisme.
En aval, il pourrait inciter les femmes à dénoncer les violences dont elles sont victimes, en organisant des campagnes d’information nationales qui leur rappelleraient leurs droits, et rappelleraient également leurs obligations aux auteurs des violences.
Cet observatoire pourrait aussi recenser sur l’ensemble du territoire les bonnes pratiques – je pense notamment à ce qui se fait à l’heure actuelle à Douai – et les mutualiser pour arriver à mettre au point des outils de lutte plus efficaces contre les violences faites aux femmes.
Il pourrait enfin créer un programme de formation destiné à tous les acteurs intervenant dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Ainsi, il me semble que les magistrats, comme les agents et officiers de police ou les médecins, doivent être formés pour faire face au cas spécifique de ces violences.
À l’heure actuelle, seul le département de Seine-Saint-Denis s’est doté d’un observatoire des violences faites aux femmes, mis en place en 2003 par la volonté de Robert Clément, alors président du conseil général.
L’Observatoire national de la délinquance, l’OND, a constaté les effets bénéfiques de cette création. Dans son rapport de 2008, il note que le taux de plaintes dans ce département a augmenté de 87,8 % en trois ans, quand cette augmentation n’était que de 31,1 % sur la France entière.
Cette augmentation tient surtout à la politique active de lutte contre les violences conjugales menée par cet observatoire départemental, lutte qui passe notamment par l’incitation à la plainte.
Mais les avancées dues à la création de cet observatoire départemental ne s’arrêtent pas là. Ce dernier a permis en effet de mettre en place une politique de sensibilisation, d’accueil et de suivi des victimes de violences encore plus active qu’ailleurs, impliquant à la fois les administrations et les associations.
Un dispositif « femme en très grand danger » a ainsi vu le jour à titre expérimental. C’est dans ce cadre que des téléphones portables d’alerte ont été remis aux femmes victimes. Ainsi, les femmes en très grand danger peuvent alerter automatiquement Mondial Assistance, laquelle répercute leur appel vers la police qui, en cas de besoin, envoie une équipe.
S’agissant des femmes victimes de violences, cet outil nous semble plus adapté que les bracelets électroniques prévus par la proposition qui nous est soumise.
Mme Éliane Assassi. En effet, grâce aux téléphones, la police sait où se trouve la victime confrontée à une agression et peut intervenir.
Ce n’est pas le cas avec les bracelets que l’on met aux auteurs de violences. En effet, lorsqu’un agresseur veut récidiver, il enlève son bracelet, ce qui empêche de le localiser. La police n’a plus aucune information sur lui, mais ne dispose pas non plus d’informations sur l’endroit où il entend agresser sa victime.
On le voit, la création d’un observatoire départemental a permis la conception d’outils pertinents pour mener une lutte efficace contre les violences faites aux femmes.
Face à l’efficacité avérée de l’observatoire départemental de Seine-Saint-Denis, nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux la création par le Gouvernement d’un Observatoire national des violences faites aux femmes.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, initialement, l’article dont nous débattons prévoyait la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes.
Malheureusement, face aux fourches caudines du désormais célèbre article 40 de la Constitution, contraignant les parlementaires à ne pas créer ou aggraver une dépense publique, cet article a été remplacé par l’article 14 bis.
Celui-ci prévoit donc la rédaction d’un simple rapport sur le sujet, quand il serait au contraire urgent de prendre des engagements humains et financiers ambitieux afin de prévenir, sanctionner et éradiquer les violences.
Mis en perspective avec le coût pour la société des violences, l’argument financier que vous nous opposez pour la création d’un observatoire a de quoi nous laisser perplexes quand on sait que les violences faites aux femmes coûtent annuellement 2,5 milliards d’euros à la société, si l’on comptabilise l’ensemble des postes de dépenses, des frais de santé jusqu’aux pertes de productions, en passant par la police et la justice.
Si seul l’argument financier peut faire mouche, il serait temps alors de s’interroger sur le rapport existant entre le coût des violences, qui s’élève à 2,5 milliards d’euros, et les sommes consacrées à la prévention : un million d’euros seulement inscrit au budget annuel !
L’étude européenne Daphné-Psytel répartit en effet ce coût des violences pour l’ensemble de la société entre les soins de santé pour 20 %, les dépenses de police et de justice pour 9 %, celles d’aide sociale pour 5 %, le coût humain pour 22 % et, enfin, les pertes de production pour 44 %, ce qui est considérable en ces temps où les dirigeants d’entreprises n’ont de cesse de demander des efforts à l’ensemble des salariés !
Vous le voyez, mes chers collègues, le coût des violences nous concerne tous, et l’immobilisme en ce domaine est préjudiciable à l’ensemble de notre société.
Il est aisé d’imaginer que ces coûts seraient considérablement réduits si une structure spécifique regroupant toutes les politiques en la matière, et dotée d’une capacité d’expertise sur la prévention et la répression des violences conjugales, voyait le jour.
C’est pourquoi la création d’un observatoire national est unanimement attendue comme un outil indispensable et primordial dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous ne pouvons pas passer à côté de cet élément fondamental pour la visibilité des violences faites aux femmes dans notre pays, alors même qu’il s’agit d’un élément central de cette proposition de loi.
Au regard des coûts engendrés chaque année par les violences conjugales, la création d’un observatoire ne représenterait qu’une faible charge. Le coût serait réduit car cet observatoire pourrait travailler en lien avec ceux qui existent déjà, comme l’Observatoire national de la délinquance, ou l’Observatoire national de l’enfance en danger. La synergie des travaux et des moyens de ces observatoires, chacun doté de ses propres spécificités, offrirait une meilleure efficacité dans la lutte contre les violences de toutes sortes.
De plus, beaucoup d’actions sont menées sur l’ensemble de notre territoire par les associations, ou encore par le service des droits des femmes et de l’égalité, dont je regrette d’ailleurs, en tant que sénatrice, la disparition programmée.
Aujourd’hui, avec les moyens modernes de communication, un observatoire national serait un facteur de mutualisation des bonnes pratiques. Ainsi, une action positive menée dans le nord de la France pourrait être aussitôt relayée dans le sud de l’hexagone, le tout pour un coût modeste, les frais étant mutualisés.
Déclarer la lutte contre les violences faites aux femmes grande cause nationale en 2010 est une chose aisée, mais cela ne reste qu’un effet d’annonce et si l’on ne se donne pas les moyens de mettre un terme à ces violences.
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Chapitre III
Répression des violences
Article 16
Le 5° de l’article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « avec l’accord des parties » sont remplacés par les mots : « à la demande ou avec l’accord de la victime » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« La victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales en application de l’article 515-9 du code civil en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité ; ».
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Aux termes de l’article 41-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, faire procéder, avec l’accord des parties, à une mission de médiation entre l’auteur des faits et la victime.
De nombreuses associations de défense des droits des femmes font valoir que la médiation pénale est perçue comme « mettant sur un pied d’égalité la victime et l’auteur des violences », voire comme le symbole d’une « coresponsabilité » dans la commission des violences, et qu’elle serait à ce titre inadaptée aux violences au sein des couples.
Si de nombreux parquets persistent à mettre en œuvre ces mesures de médiation, d’autres les bannissent farouchement au motif que ce serait, dans les cas de violences au sein des couples, un non-sens absolu !
L’Assemblée nationale a instauré une présomption de refus de consentement à la médiation pénale dès lors que la victime a sollicité une ordonnance de protection et lorsque l’infraction a été commise sur la victime par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ou par une personne ayant eu par le passé un tel lien avec la victime, dans les cas d’agressions sexuelles, de viol et viol aggravé, de violences et de violences aggravées.
La commission n’a maintenu cette présomption de refus que lorsque la victime a saisi le juge aux affaires familiales d’une demande d’ordonnance de protection.
Notre amendement a donc pour objet de rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’une présomption de refus, qui protège les victimes particulièrement vulnérables, et qui permet à celles qui le souhaitent de demander une médiation pénale. Tel est l’objet de l’amendement n° 28.
J’insiste sur le fait que, si la victime le souhaite, une procédure de médiation pénale pourra être engagée.
Je reconnais que le sujet n’est pas simple. Nous avons auditionné de nombreuses associations sur ce sujet et, parce que nous n’avons pas été insensibles à certains arguments avancés, nous avons réfléchi à un deuxième amendement, qui sera défendu par Virginie Klès, et qui prévoit d’étendre cette présomption de refus de la médiation pénale, notamment dans les cas de violences et de violences aggravées, lorsque des faits similaires commis au sein du même couple ont déjà fait l’objet d’une médiation pénale. Une fois, pourquoi pas ?... Mais certainement pas deux fois !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 55, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la première phrase du 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être fait recours à cette procédure en cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre un ancien conjoint ou concubin, ou par la personne ayant été liée par un pacte civil de solidarité »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Dans les cas de conflit de toute nature, la médiation pénale est systématiquement recommandée.
Lorsque les termes du conflit n’entraînent pas de conséquences physiques ou ne portent pas gravement atteinte à l’intégrité des personnes concernées, le recours à la médiation peut être un bon élément pour trouver une solution satisfaisante pour chacune des parties.
Or les violences conjugales ne sont pas des violences comme les autres et les femmes sont généralement en situation de danger.
Ainsi, si la femme victime n’a pas saisi le juge aux affaires familiales pour bénéficier d’une ordonnance de protection, elle devra nécessairement participer à une médiation avec son partenaire violent.
La médiation pénale accentue le sentiment de toute-puissance de l’homme auteur de violences et le sentiment de faiblesse de la femme victime.
Cette mesure alternative ne peut donc pas s’appliquer à ce type de violences puisqu’elle place les victimes et les auteurs des faits sur le même plan.
Lors des procédures pour violences conjugales, il est inacceptable de placer sur un pied d’égalité la victime et son agresseur, et de leur demander de trouver une solution afin que les faits ne se reproduisent pas à l’avenir.
Tel est le sens de notre amendement, qui a pour objet de préserver la victime de violences en empêchant tout recours à la médiation en matière pénale.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale en cas d'infraction commise à son encontre soit par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit par un ancien conjoint ou concubin ou par la personne ayant été liée par un pacte civil de solidarité, en application des articles 222-9 à 222-13 du code pénal et 222-22 à 222-28 du même code.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoit une présomption d’absence de consentement à la médiation pénale en cas d'infraction commise à son encontre, soit par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit par un ancien conjoint ou concubin ou par la personne ayant été liée par un pacte civil de solidarité, dans les cas de violences, violences aggravées, agressions sexuelles, viol et viol aggravé.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Courteau, Mmes Klès et Bonnefoy, MM. Sueur, Yung, Bodin et Mirassou, Mmes M. André, Blondin, Cartron, Lepage, Schillinger, Ghali et Printz, M. Mazuir et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et en cas d'infraction commise à son encontre soit par son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit par un ancien conjoint ou un concubin ou par la personne ayant été liée par un pacte civil de solidarité, en application des articles 222-9 à 222-13 du code pénal et 222-22 à 222-28 du même code, s'il y a déjà eu une médiation pour des faits similaires commis entre les deux mêmes personnes
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Il s’agit certes d’un amendement de repli, mais auquel je tiens particulièrement. J’ai l’impression de beaucoup me répéter, mais je pense que c’est nécessaire, tant le texte qui nous est proposé opère de confusions.
On a ainsi confondu, sous le terme générique de violences, ce qui relève du conflit et ce qui relève de la destruction psychologique. Or il n’est pas possible de traiter ces deux phénomènes de la même manière.
Oui à la médiation pénale en cas de conflit, même violent, mais à la condition qu’il ne comporte aucune idée de destruction de l’autre sur le long terme. Quand on est dans ce mécanisme de destruction au moyen de l’emprise psychologique, la médiation pénale ne marchera jamais, et sera même néfaste.
On me rétorque que la médiation pénale est interdite si la victime a sollicité une ordonnance de protection. Mais le processus de destruction est alors trop engagé. Dans ce cas, si une médiation pénale a été engagée préalablement, on n’aura fait qu’aggraver le phénomène, en conférant un sentiment d’impunité à l’auteur des faits, lequel ne respecte généralement pas les engagements pris lors de la médiation pénale, et en diminuant la confiance de la victime en la justice, qui, elle, croit aux engagements, comme elle a cru depuis le début à tous les engagements qui ont été pris à l’intérieur du couple et qui ont contribué à la détruire sur le plan psychologique.
Au moins, de grâce, lorsqu’il y a eu une médiation pénale, interdisons d’entrée de jeu qu’il y en ait une seconde. N’allons pas trop loin dans la destruction de la victime, qu’elle soit homme ou femme.
Mme Maryvonne Blondin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Faut-il ou non empêcher le recours à la médiation pénale ?
Mes chers collègues, votre opinion est parfaitement respectable, mais je ne la partage pas ; j’ai ma propre opinion, forgée par l’expérience et par une vision globale du phénomène.
Tout d’abord, je souligne que la médiation pénale ne peut pas intervenir sans que la victime l’ait demandée ou sans qu’elle en soit d’accord. C’est un point juridique qui a été amélioré par la proposition de loi. Mais surtout, il faut savoir – et cela s’applique aux cas que vous avez en tête – que la médiation pénale n’est jamais utilisée en cas de violences graves, répétées, de violences psychologiques durables, habituelles.
Par ailleurs, vos bonnes intentions risquent de se retourner contre les victimes que vous voulez protéger. En effet, la médiation pénale s’utilise précisément dans des cas où l’on n’a pas tout à fait la preuve des violences, lorsqu’il existe un climat de violence ou de conflit – ces deux notions n’étant pas distinguées dans le code de procédure pénale ni dans le code pénal –, que l’infraction n’est pas parfaitement caractérisée, qu’il n’y a pas d’élément matériel et que l’on parle d’infraction primaire.
Je prendrai un exemple classique, celui où il existe un certificat médical, mais qui n’est pas très clair, et deux attestations, l’une qui dit blanc, l’autre noir. Si le procureur envoie la personne violente devant le tribunal correctionnel, c’est la relaxe assurée et vous avez obtenu l’effet contraire de celui que vous recherchiez.
À l’inverse, si le procureur, qui, au vu du dossier, ne dispose pas des éléments lui permettant de faire condamner une personne dont il sent bien qu’elle est violente, l’envoie en médiation pénale, il pourra faire indemniser la victime et lui faire franchir le cap de l’entrée dans le palais de justice.
Dès lors, la médiation pénale protège toutes les femmes que l’absence de preuves n’aurait pas protégées.
La médiation pénale constitue une mesure de prévention dans ce domaine. Si, par la suite, de nouveaux faits se produisent, la médiation pénale aura renforcé le dossier de la victime.
Enfin, si vous interdisez la médiation pénale, dans un grand nombre de dossiers, le procureur ne renverra pas devant le tribunal correctionnel et il y aura souvent un simple rappel à la loi ou un classement sans suite. Je vous rends attentifs au fait que la mesure d’interdiction que vous souhaitez prendre ne s’appliquera pas dans les cas que vous envisagez. En revanche, dans les autres cas que vous n’envisagez pas, elle sera contraire à l’intérêt de celles que vous voulez, comme nous, protéger.
Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
L’amendement n° 29, qui est un amendement de repli, fait référence à l’existence d’une médiation pénale antérieure. Je vous rappelle qu’il n’y aura pas de médiation pénale si la victime ne l’a pas demandée et, surtout, le guide des procureurs leur interdit de recourir à une seconde médiation pénale s’il y en a déjà eu une. Je peux vous donner toutes assurances sur ce point.
Je le répète, vos amendements sont faits avec beaucoup de cœur, ils procèdent d’une intention parfaitement louable, mais vont exactement à l’inverse de l’objectif que vous visez.