M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Je tiens à y associer mon collègue Claude Jeannerot, sénateur du Doubs.
Les derniers chiffres disponibles, ceux du mois d’avril dernier, montrent une nouvelle hausse du nombre des demandeurs d’emploi, qui s’est accru de plus de 10 % en un an. Parallèlement, la qualité de l’emploi se dégrade : huit recrutements sur dix se font avec des contrats précaires. L’intérim représente 15 % du travail salarié. Le chômage de longue durée explose : il a augmenté de 31,4 % en un an.
Ironie de l’histoire, c’est Pôle emploi qui incarne cette sombre situation. En effet, monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous parler de politique de l’emploi et continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe au sein de ce service public ?
Face à l’augmentation du nombre des dossiers de demandeurs d’emploi, cette institution multiplie les embauches précaires. Sur certains sites, la proportion des contrats de ce type atteint 20 % !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Ronan Kerdraon. Et ce sont ces agents, formés à la va-vite, par manque de temps, qui se retrouvent en première ligne face aux demandeurs d’emploi.
Quelle absurdité ! Pôle emploi est censé lutter contre la précarité ; or il l’entretient en son sein ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la vérité !
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Ronan Kerdraon. Lors de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, qui, rappelons-le, a été menée au pas de charge et sans concertation avec les personnels, le Gouvernement s’était engagé à donner à Pôle emploi les moyens de réduire à soixante le nombre des chômeurs suivis par chacun des agents. Or, aujourd’hui, ces derniers gèrent en moyenne deux cents dossiers. C’est intenable !
En outre, le Gouvernement envisage la suppression de huit cents postes par an dès 2011 !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On veut rouvrir les bureaux de placement !
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le secrétaire d’État, vous participez activement à la montée du chômage ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Ronan Kerdraon. Où est la logique ? D’une part, vous annoncez faire de la lutte contre le mal-être au travail une priorité gouvernementale,…
M. Guy Fischer. C’est faux !
M. Ronan Kerdraon. … et, d’autre part, vous refusez de prendre au sérieux la surcharge de travail des agents de Pôle emploi.
En outre, le Gouvernement a fait le choix d’encourager la sous-traitance des chômeurs.
M. Guy Fischer. C’est une honte !
M. Ronan Kerdraon. Nombre d’entre eux sont envoyés dans des bureaux de placement privés, qui utilisent eux-mêmes des salariés en CDD.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était l’objectif !
M. Ronan Kerdraon. Pour chaque chômeur placé, Pôle emploi verse 7 000 euros à ces officines. Voilà à quoi servent les cotisations chômage ! Et aujourd’hui, nous apprenons que l’État n’a pas versé à Pôle emploi la totalité de la dotation financière qu’il lui doit par contrat. Vous réalisez ainsi une économie de 187 millions d’euros !
Cette situation est inacceptable et contre-productive, pour les agents comme pour les demandeurs d’emplois. Comme d’habitude, il existe une contradiction flagrante entre les promesses, les discours et la réalité ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Ronan Kerdraon. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, quand mettrez-vous un terme au démantèlement du service public de l’emploi et prendrez-vous, enfin, toutes les mesures qui s’imposent pour éviter que Pôle emploi ne devienne un nouveau France Télécom ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Il n’est pas fier !
Mme Nicole Bricq. Cela ne va pas être facile pour lui !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de rendre hommage – je crois que nous pouvons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, nous rejoindre sur ce point – aux agents de Pôle emploi, qui, quotidiennement, dans un contexte très difficile (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Roland Courteau. Quelle hypocrisie !
M. David Assouline. Quelle langue de bois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous les désorganisez et ensuite vous pleurez sur leur sort !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, j’ose espérer que nous avons tous ici de la considération pour ces agents ! Quotidiennement, dans un contexte très difficile, disais-je, ils font face au problème du chômage et assurent leur mission de service public.
M. Guy Fischer. Ils se souviendront de vos propos !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Sur ce dossier, je vous le rappelle, les majorités successives ont calé ; toutes ont échoué à réaliser une réforme qui était pourtant jugée indispensable, à savoir le rapprochement de l’indemnisation et du placement.
Pour faire cet effort de mémoire, il suffit de revenir à 1993. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Répondez à la question !
Mme Nicole Bricq. Parlez des réalités !
M. Claude Bérit-Débat. Rappelez-vous, nous sommes en 2010 !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. À cette époque sévissait une crise bien moins forte que celle que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, d’une part, certaines indemnisations n’avaient pas été versées dans les temps, et, d’autre part, des agences de l’ANPE étaient fermées ! (Protestations continues sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Bricq. Arrêtez de nous donner des leçons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question !
M. Guy Fischer. Répondez aux agents de Pôle emploi !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Certains demandeurs d’emploi faisaient la queue dans la rue.
M. Charles Pasqua. Laissez donc parler M. le secrétaire d’État !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter la réponse !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne prétends pas que les réponses apportées par Pôle emploi aient permis de surmonter complètement la crise, qui est l’un des chocs les plus importants des cinquante dernières années. Toutefois, ce qui est certain, c’est que Pôle emploi nous a assuré une meilleure présence territoriale. (C’est faux ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Aucun d’entre vous ne peut affirmer que des agences ont été fermées !
Aujourd’hui, 95 % de la population vit à proximité d’une agence Pôle emploi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Je croyais que c’était ringard, la proximité !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Pour les demandeurs d’emploi, accéder en un même lieu à l’indemnisation et à l’offre de placement représente un avantage considérable.
M. Guy Fischer. Vous méprisez les chômeurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les fonctionnaires !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Rappelez-vous la situation antérieure : un demandeur d’emploi devait parfois parcourir cinquante kilomètres pour aller d’une agence à l’autre.
M. Paul Raoult. C’est plutôt ce qui se passe aujourd’hui !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Souvenez-vous également qu’organiser deux rendez-vous le même jour permet parfois de gagner entre deux et trois semaines dans l’accompagnement d’un demandeur d’emploi.
M. Roland Courteau. Allez le dire aux chômeurs ! Déplacez-vous dans une agence !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Enfin, je voudrais souligner que Pôle emploi, dans la période récente, nous a permis d’apporter un certain nombre de réponses qui n’auraient pas existé sans lui.
Le dispositif « zéro charge » dans les très petites entreprises, qui a permis plus d’un million d’embauches, a été géré par Pôle emploi. L’accompagnement des salariés licenciés, qu’avaient souhaité les partenaires sociaux, dans le cadre du CTP, le contrat de transition professionnelle, ou de la CRP, la convention de reclassement personnalisée, a lui aussi été permis par les agents de Pôle emploi.
M. Roland Courteau. Chacun d’entre eux a en moyenne deux cents dossiers à gérer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous voulez supprimer Pôle emploi !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Pardonnez ma franchise, mais il est plus facile de critiquer les réformes que l’on n’a pas eu le courage d’entreprendre que de soutenir celles qui sont nécessaires ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Assumez donc vos responsabilités !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le Premier ministre, votre projet de réforme des retraites est sans surprise. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez fait le pire choix possible, celui de la remise en cause d’un acquis historique : le droit à la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Bernard Vera. Il s’agit là d’une régression sociale sans précédent.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Bernard Vera. Alors que l’allongement de l’espérance de vie est une chance, vous le présentez comme un fardeau pour les comptes publics.
Vous allez contraindre les salariés de notre pays à travailler plus longtemps alors que le chômage frappe durement les jeunes.
Non seulement votre réforme est socialement scandaleuse, mais elle est aussi profondément injuste. Les salariés, ceux qui ont connu des périodes de chômage ou qui subissent la précarité, les femmes dont les carrières sont morcelées et incomplètes, enfin celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt sont les grands perdants de cette réforme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Bernard Vera. Ils devront travailler jusqu’à 67 ans s’ils veulent bénéficier d’une retraite à taux plein.
M. Alain Gournac. C’est faux !
M. Bernard Vera. Quant aux salariés qui effectuent des travaux pénibles et qui vivent moins longtemps, vous les condamnez à une retraite de courte durée, dans des conditions de vie et de santé fortement dégradées.
En revanche, vous épargnez les plus riches,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !
M. Roland Courteau. Comme d’habitude !
M. Bernard Vera. … ceux qui vivent de leurs rentes ou qui complètent leurs retraites par des stock-options ou des parachutes dorés.
Alors que les hautes rémunérations et les revenus du capital ne contribueront à l’effort de financement qu’à hauteur de 1,7 milliard d’euros, les salariés, eux, seront ponctionnés de 22 milliards d’euros.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable ! Ce sont les pauvres qui vont payer !
M. Bernard Vera. En agissant ainsi, vous cumulez injustice et inefficacité. En effet, en ponctionnant les revenus des salariés, vous assécherez la consommation et pénaliserez la croissance et l’emploi.
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
M. Bernard Vera. Monsieur le Premier ministre, 63 % de nos concitoyens et l’immense majorité des organisations syndicales sont opposés à votre réforme. Vous ne pouvez pas toujours gouverner contre la volonté du peuple.
M. Roland Courteau. Les régionales l’ont montré !
M. Alain Gournac. Mais qui nous a élus ?
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Bernard Vera. Or le Président de la République ne s’estimait pas légitime pour mener cette réforme, quand il déclarait, en mai 2008, à propos du recul de l’âge de départ à la retraite : « Je ne le ferai pas [...] Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français, je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. »
MM. Guy Fischer et Claude Bérit-Débat. Il a menti !
M. Bernard Vera. Dès lors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous imposer votre réforme et passer en force, ou allez-vous entendre la colère…
M. Alain Gournac. Il n’y a pas de colère !
M. Bernard Vera. … et l’opposition des salariés et des organisations syndicales, qui vous demandent de retirer votre projet ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Vera, ce sont vos critiques qui sont totalement sans surprise ! Vous vous répétez depuis de nombreux mois déjà (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
Mme Nicole Bricq. Vous aussi !
M. Paul Raoult. Nous répétons la vérité !
M. Éric Woerth, ministre. … sans jamais présenter la moindre preuve de ce que vous avancez. (Mais si ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La réalité est tout autre : notre projet n’est pas celui que vous décrivez, monsieur le sénateur ! Il vise d’abord à répondre à un problème démographique par une action sur l’âge du départ à la retraite.
En effet, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais la retraite est vraiment une question d’âge, dans tous les pays du monde ! (Sourires ironiques sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. David Assouline. Pas seulement !
M. Éric Woerth, ministre. C’est le cas en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Norvège, en Suède, partout ! Il est normal qu’à un âge donné on ait le droit de prendre sa retraite.
Dans un système par répartition, c’est la solidarité entre générations qui s’exerce. Toutefois, nous ne pouvons pas demander à une génération de supporter cette charge à elle seule.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Précisément, la réforme proposée n’est pas juste !
M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi faire payer aux autres générations ce que vous n’avez pas voulu ou osé supporter vous-mêmes ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi faire toujours payer les mêmes ? Vous avez oublié que ce sont toujours les salariés qui payent !
Mme Nicole Bricq. Ce sont eux qui vont supporter les 22 milliards d'euros !
M. Éric Woerth, ministre. Il est un élément dont vous avez oublié de tenir compte, c’est que l’espérance de vie est aujourd'hui nettement supérieure à celle que nous avons connue dans le passé.
M. Roland Courteau. Pas pour tout le monde !
M. Éric Woerth, ministre. Ainsi, 60 ans au début des années quatre-vingt, quand l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite a été voté, cela représente plus de 62 ans aujourd'hui, compte tenu de cet allongement de la durée de vie.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. C’est aussi simple que cela ! Celui qui prenait sa retraite à 60 ans il y a trente ans avait donc une espérance de vie moins importante que celui qui, aujourd'hui, la prend à 62 ans. Désormais, le partage entre vie professionnelle et retraite se fait au bénéfice de cette dernière.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le programme de Mme Parisot que vous appliquez !
M. Éric Woerth, ministre. Cela permet de bénéficier d’une meilleure qualité de vie, certes, mais cela suppose aussi, à l’évidence, plus de responsabilités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est toujours la même chose : ce sont les salariés qui paient !
M. Éric Woerth, ministre. Notre réforme est responsable et raisonnable. Nous assurons l’équilibre des régimes de retraite à partir de 2018. Nous tenons compte de tous ceux qui ont commencé à travailler plus tôt, c'est-à-dire avant 18 ans : ils continueront à partir à la retraite à 60 ans, voire avant. Nous tenons également compte de la pénibilité : tous ceux qui ont effectué des travaux pénibles et qui sont marqués physiquement pourront partir plus tôt à la retraite. Adopter un autre système serait totalement injuste, monsieur le sénateur, car cela signifierait que n’importe qui pourrait prendre sa retraite n’importe quand !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai qu’il y en a qui partent à la retraite à 25 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes justes, responsables et efficaces ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, je vous sollicite à mon tour sur ce sujet de la réforme des retraites.
Vous avez présenté, hier, à la presse, les éléments de votre projet.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On le connaissait déjà !
M. Alain Vasselle. Vous vous êtes inspiré pour cela des dispositions qu’ont engagées nos voisins européens et vous avez également largement tenu compte de l’excellent rapport rendu par Christiane Demontès et Dominique Leclerc, au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, que j’ai l’honneur de présider.
Néanmoins, monsieur le ministre, cette réforme suscite quelques interrogations. Avant de les évoquer, je tiens, au nom de mon groupe, à vous adresser toutes nos félicitations et à saluer votre courage, ainsi que celui du Gouvernement, car, malgré la crise, vous avez engagé cette réforme pour sauver notre système de retraites par répartition. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. La question s’annonce très difficile !
M. Alain Vasselle. Ceux qui appartenaient à la majorité d’hier, soit à l’opposition d’aujourd’hui, veulent jouer les donneurs de leçons.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Alain Vasselle. Je remarque toutefois que, en dehors de la création du Fonds de réserve des retraites, sous la présidence de Jacques Chirac, la gauche n’a jamais su profiter de la croissance dont bénéficiait alors le pays pour engager des réformes structurelles et préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Gautier. Revoilà la cagnotte !
M. Alain Vasselle. Pourtant, le Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard l’y invitait.
Ainsi la majorité d’hier a-t-elle préféré laisser à la droite le soin « de faire le sale boulot », comme le déclarait récemment Pierre Moscovici sur France Inter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est comme l’emploi !
M. Alain Vasselle. Les éléments de la réforme sont donc aujourd’hui perçus avec d’autant plus d’appréhension.
J’en viens à mes questions.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est temps !
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire en quoi la réforme favorisera l’emploi des seniors ? Comment la solidarité s’exprimera-t-elle à l’égard de nos concitoyens percevant les retraites les plus faibles ou ayant exercé les métiers les plus pénibles ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En favorisant l’emploi des jeunes, c’est clair !
M. Alain Vasselle. Enfin, quelles sont les perspectives d’équité entre les différents régimes ?
M. Guy Fischer. Elles sont nulles !
M. Alain Vasselle. À cet égard, n’y aurait-il pas lieu de s’intéresser dès à présent à une réforme systémique ?
Monsieur le ministre, je sais pouvoir compter sur votre engagement pour lever les inquiétudes de nos concitoyens. Sachez que vous êtes très apprécié par une majorité de Français pour l’excellent travail que vous réalisez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai ! Il est surtout apprécié des rentiers !
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. De temps en temps, il est possible de dire du bien d’une réforme du Gouvernement, sans que cela provoque la colère de l’opposition !
Je tiens tout d’abord à remercier Alain Vasselle et les rapporteurs de la MECSS de l’importante réflexion que celle-ci a menée sur les retraites.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le moins que vous puissiez faire !
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un travail très utile, qui nous servira lors de l’examen du projet de loi.
M. Guy Fischer. C’est la brosse à reluire !
M. Éric Woerth, ministre. Laurent Wauquiez l’a évoqué tout à l’heure – nous travaillons d’ailleurs en étroite collaboration avec ses services et ceux de Christine Lagarde –, l’emploi des seniors s’est amélioré en France ces dernières années.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Éric Woerth, ministre. Et il est très important qu’il continue d’en être ainsi.
Il va de soi que, dans la réforme des retraites que nous engageons, l’articulation avec l’emploi des seniors est un élément majeur. Repousser l’âge du départ à la retraite suppose de changer culturellement l’approche des Français sur ce sujet.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et l’emploi des jeunes ?
M. Éric Woerth, ministre. Je manque de temps pour approfondir ce point, mais il s’agit là d’un enjeu essentiel. Aussi le texte présenté hier par le Gouvernement prévoit-il, par exemple, de faciliter le retour à l’emploi des plus de 55 ans.
M. Guy Fischer. Et l’emploi des jeunes ?
M. Éric Woerth, ministre. Nous le savons bien, le marché de l’emploi est très verrouillé en ce qui les concerne, ce qui est inacceptable. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’alléger les charges,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours les mêmes recettes : allégement des charges pour quelques-uns et tout le poids de la réforme sur les salariés !
M. Éric Woerth, ministre. ... en réduisant le coût du salariat d’environ 14 % ; c’est un point très important. De même, nous faisons bénéficier les salariés de plus de 55 ans d’un système de tutorat : voilà une merveilleuse manière de passer le relais dans une entreprise.
J’en viens à la pénibilité. Nous ouvrons un droit nouveau.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux ! Vous mettez les gens en invalidité !
M. Éric Woerth, ministre. Le gouvernement de François Fillon engage sur cette question un débat extrêmement complexe, qu’il ne faut pas simplifier de manière outrancière. Ainsi, parce qu’ils seront physiquement usés prématurément par leur travail,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que cela signifie ?
M. Éric Woerth, ministre. ... certains de nos concitoyens auront le droit de partir à la retraite à 60 ans.
C’est tout à fait inédit et exceptionnel. Je le répète, il s’agit là d’un droit nouveau qui concernera des milliers de Français. En 2015, 10 000 Français par an partiront plus tôt à la retraite, parce que leur carrière professionnelle aura été plus difficile.
M. Guy Fischer. Il faudra faire la preuve de sa maladie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela s’appelle une pension d’invalidité !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, le Gouvernement a fait en sorte que public et privé convergent, notamment sur le « prix » de la retraite. Les fonctionnaires ont à peu près le même niveau de rémunération et perçoivent à peu près les mêmes montants de pension que les salariés du privé. Toutefois, d’une certaine façon, ils paient leur retraite moins cher, 3 % de moins environ.
M. Guy Fischer. Les fonctionnaires vont trinquer !
M. Éric Woerth, ministre. Nous considérons donc comme juste de remonter leur niveau des cotisations, et je crois que les fonctionnaires partagent ce point de vue.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui vous a dit cela ?