Mme Annie David. Nous avons tout de même le meilleur taux !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je vous remercie de le souligner, mais ce fait ne nous apporte en aucune façon quelque garantie que ce soit.
Cela dit, concernant l’âge de la retraite, je ne rappellerai pas toutes les mesures qui ont été prises, car vous les connaissez, plusieurs d’entre vous les ayant rappelées. Ces mesures nous semblent indispensables, et je souligne d’ailleurs que nous avons tenu à ne pas demander le même effort à tous, en prenant en compte l’usure des salariés et en permettant, notamment aux salariés dont la vie professionnelle a été plus dure, de partir plus tôt à la retraite.
Oui, c’est une véritable avancée que d’avoir prévu, dans le cadre de ce projet, que l’âge requis pour pouvoir bénéficier du dispositif « carrières longues » soit fixé à 17 ans, soit deux ans de plus que l’âge prévu dans la réforme précédente. À cet égard, je remercie ceux d’entre vous qui, indirectement, au travers de leurs questions, ont rendu hommage à ce dispositif.
De plus, nous avons pris en compte la pénibilité en introduisant, là encore, des innovations, qu’il convient de souligner, telles que le maintien de la retraite à 60 ans pour les salariés qui, du fait d’une usure professionnelle constatée, ont une incapacité physique supérieure ou égale à 20 %. C’est la première fois que l’on prévoit un dispositif de cette nature adossé à la pénibilité.
Je le dis très clairement, les deux mesures que je viens d’évoquer vont incontestablement dans le même sens. Pour répondre à M. Longuet, j’indique que les mesures d’âge participeront à hauteur de 50 % environ au rétablissement des comptes à l’horizon de 2018, avec quelque 20 milliards d’euros.
Concernant les questions liées au financement, je formulerai deux remarques.
Madame et monsieur les rapporteurs, nous sommes, en réalité, plutôt d’accord avec la plupart des propositions de la MECSS pour ce qui concerne les prélèvements sur les revenus du capital, même si nous préférons, je le souligne, les cibler sur certains revenus plutôt que de procéder à une hausse générale d’un point de la CSG. Je n’entrerai pas dans le détail, mais nous vous rejoignons sur les stock-options, les retraites chapeaux et l’annualisation des allégements que vous demandiez depuis longtemps ; je faisais d’ailleurs partie de ceux qui estimaient que toutes ces mesures vont dans le bon sens. Il en est de même aussi pour la contribution des hauts revenus au travers de l’impôt sur le revenu.
Toutefois, nous avons quelques petites divergences de vues, sur lesquelles nous reviendrons au cours du débat, s’agissant du forfait social versé au titre de l’intéressement et de la participation.
Augmenter ce forfait toucherait le travail plutôt que le capital, nous semble-t-il, et cette mesure ne ciblerait pas les hauts revenus.
Par ailleurs, pour ce qui concerne l’augmentation du taux de CSG sur les retraites, nous y sommes défavorables pour une raison simple : il n’est pas question de diminuer le niveau de vie des retraités. Augmenter le taux de la CSG irait à l’encontre des engagements que nous avons pris.
En revanche, je tiens à souligner que nous ne sommes pas en accord, ni de façon globale ni de façon détaillée, avec les propositions présentées par le parti socialiste et sa première secrétaire, et ce pour une raison très simple : eu égard au taux des prélèvements obligatoires dans notre pays, comment l’un d’entre nous pourrait-il penser une seconde qu’il serait possible de résoudre le problème du financement de la retraite par répartition grâce à des mesures fiscales ? Voilà une idée incongrue ! Grosso modo, il faudrait augmenter les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages et les entreprises à hauteur de 35 milliards d’euros actuellement, puis de 40 milliards d’euros en 2020, comme je l’ai indiqué tout à l'heure ! Comment ne pas imaginer les conséquences immédiates et inéluctables en termes de compétitivité, et donc de chômage ?
Mme Raymonde Le Texier. C’est un peu réducteur !
M. Jacky Le Menn. Oui !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il faut dire les choses très clairement et simplement : personne de sérieux, j’en suis absolument convaincu, ne peut défendre un tel projet.
À cet égard, je ne prendrai qu’un seul exemple qui, là encore, est tiré non pas des études menées par le Gouvernement lui-même, mais par d’autres organismes. Une augmentation de la cotisation patronale équivaut effectivement à 4,5 milliards d’euros, mais entraîne immédiatement entre 55 000 et 60 000 suppressions d’emploi. Il faut donc savoir ce que l’on veut : est-on dans une logique de compétitivité, logique à laquelle nous adhérons, ou dans une autre ? Je suis toujours frappé d’entendre dire ceux qui font de la compétitivité de notre pays, et du chômage en particulier, une priorité qu’ils pourront tout résoudre par l’impôt !
En réalité, le choc fiscal proposé par le parti socialiste porte à 60 % environ sur les revenus du travail ! C’est vrai quand on décline la hausse des cotisations, la taxation de l’intéressement et de la participation, ainsi que la contribution sur la valeur ajoutée qui est, pour les deux tiers, issue du travail et non pas, je tiens à le souligner, du capital !
J’en profite pour répondre à M. Fischer, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention, qui s’interroge sur l’augmentation considérable des dividendes dans la valeur ajoutée. À vrai dire, je m’étais fait la même réflexion, et je me suis renseigné. J’ai surtout relu un passage du rapport Cotis, qui est, en la matière, assez intéressant dans la mesure où il montre que si l’on fait le total des dividendes et des intérêts bancaires dans la valeur ajoutée, on s’aperçoit que celle-ci est à peu près comparable à ce qu’elle était voilà vingt-cinq ans. En fait, il y a eu transfert entre les dividendes et les intérêts bancaires. Pour dire les choses simplement, dans les années quatre-vingt, les entreprises avaient recours aux banques pour leur financement et versaient donc des intérêts bancaires. Mais, depuis le passage à l’euro notamment, c’est le marché qui a remplacé le système bancaire.
Mme Annie David. Ah, le marché !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. On a gagné en quelque sorte en termes de dividendes ce que l’on a perdu en termes d’intérêts bancaires.
Monsieur le sénateur, votre remarque est tout à fait pertinente et juste, mais, si j’en crois le rapport Cotis, il ne s’agit en fait que d’un transfert !
Cela étant, j’en reviens au projet du parti socialiste. Son chiffrage fiscal, qui, je le répète, porte à 60 % sur les revenus du travail, nous paraît complètement paradoxal et anachronique. Voilà une vraie différence entre nous.
Pour parler des hypothèses de travail, monsieur le sénateur, sachez que ce chiffrage nous semble également plutôt erroné.
En premier lieu, vous estimez l’assiette sur les stock-options à 8,6 milliards d’euros, alors qu’il ne s’agit en réalité que de 2 milliards d’euros par an, chiffre avéré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour être sincère, je n’ai toujours pas compris pourquoi le parti socialiste n’avait pas retrouvé ce chiffre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En deuxième lieu, la taxe sur les banques a été estimée sur le bénéfice mondial et non pas sur celui de la France. Par ailleurs, vous prévoyez, je le répète, tout un ensemble de mesures qui auront des conséquences assez destructrices en matière d’emploi. Voilà, là encore, une vraie différence entre nous.
En troisième et dernier lieu, plusieurs d’entre vous ont posé, à juste titre, la question des retraites des femmes.
Notre système de retraite comprend aujourd'hui, il est vrai, un grand nombre de dispositifs, mais ceux-ci n’ont pas abouti à assurer une égalité entre les hommes et les femmes. Cela dit, ils permettent de compenser les écarts de carrière existant actuellement entre les hommes et les femmes. Il en est ainsi de la majoration de la durée d’assurance de deux ans par enfant, au titre de la compensation pour maternité et pour l’éducation des enfants. Avec ces dispositifs, le constat est plutôt plus optimiste qu’il y a quelques années, même s’il est encore loin de nous donner satisfaction. Ainsi, la durée d’assurance des femmes rejoint progressivement celle des hommes et, comme l’a souligné tout à l’heure Éric Woerth, on observe même qu’elle est supérieure pour les plus jeunes dans des cas bien identifiés.
J’ajoute – c’est, là encore, un constat de l’INSEE – que le montant des retraites des femmes s’améliore progressivement.
Mme Annie David. Nous n’allons pas nous en plaindre ! C’est la moindre des choses !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Certes, mais il faut le savoir et voir les choses dans leur progressivité ! Les retraites progressent, c’est tout ce que je dis !
D’ailleurs, les droits propres des femmes comparés à ceux des hommes ont progressé de vingt-cinq points entre la génération née en 1930 et celle qui est née en 1950, passant de 42 % à 67 %. Même s’il manque encore 33 %, la progression est réelle. Je ne dis rien de plus !
Comme vous, nous estimons qu’il faut aller plus loin. Pour ce faire, nous avons programmé plusieurs mesures.
D’abord, nous voulons renforcer les dispositifs de solidarité, notamment en compensant intégralement le congé maternité pour la retraite.
Ensuite, nous voulons agir directement sur les causes de cet écart, avec deux enjeux : l’égalité salariale – il est évident que nous devons renforcer les contraintes et les sanctions dans ce domaine – et, évidemment, la conciliation de la vie familiale et professionnelle, avec différentes mesures que je ne déclinerai pas ici, mais qui existent et vont en ce sens.
Par ailleurs, j’aborderai brièvement – je prie les sénateurs de la majorité comme ceux de l’opposition de bien vouloir m’en excuser ! – un sujet que plusieurs d’entre vous, notamment M. Longuet et M. Fischer, ont évoqué, à savoir les mesures sur la fonction publique.
À cet égard, je suis heureux de constater que le projet du Gouvernement n’a, en réalité, pas attiré de critiques particulières dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) En tout cas, je n’en ai pas entendues beaucoup, ce dont je me réjouis. En effet, au regard de la convergence souhaitée, celles-ci auraient été relativement infondées.
Incontestablement, nous connaissons tous la réalité : deux régimes différents coexistent et il faut éviter de montrer systématiquement du doigt l’un d’eux, le plus souvent en l’occurrence, celui de la fonction publique. Pour ma part, j’ai été rapporteur spécial du budget de la fonction publique à l'Assemblée nationale pendant une petite dizaine d’années, et je ne suis jamais rentré dans un tel jeu ! Sans vouloir paraître immodeste, je vous propose, en cas de doute, de vous référer directement à mes différents rapports ; vous pourrez ainsi constater que je n’ai jamais tenu de propos de cette nature.
Au demeurant, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, tout le monde est convaincu que nous devons aller vers un minimum de convergence. Dans ce projet, sans donner le sentiment de faire de la caricature, nous allons précisément vers un système de convergence sur trois ou quatre points bien ciblés. À cet égard, je donnerai un exemple très concret.
Plusieurs parlementaires de la majorité, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous ont demandé pourquoi nous n’avions pas souhaité avoir une convergence plus directe pour ce qui concerne la base de calcul de la retraite, à savoir les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé et les six derniers mois dans le secteur public.
En réalité, le constat est de deux natures.
D’une part, on voit bien que les salaires moyens sont à peu près équivalents dans le régime de la fonction publique et dans celui du secteur privé et, toutes choses étant égales par ailleurs, les pensions de retraite moyennes sont également à peu près équivalentes. Deux modes de calcul radicalement différents aboutissent donc en quelque sorte à des pensions de retraite qui ne sont pas fondamentalement différentes.
C’est l’une des raisons pour lesquelles il ne me semble pas opportun de donner le sentiment que l’un des deux régimes est privilégié, je l’ai d’ailleurs répété la semaine dernière à l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement.
D’autre part, ainsi que vous l’avez mentionné, monsieur Fischer, nous ne parlons pas de la même assiette.
Le système des primes, c’est évident, constitue un véritable sujet. Je me permets d’ailleurs de dire que nous devrons arriver à y voir un peu plus clair dans le domaine des régimes indemnitaires. Rien que pour la fonction publique d’État, il existe, mesdames, messieurs les sénateurs, 1 800 primes différentes ! Dans ces conditions, vous le mesurez bien, l’exercice est extrêmement difficile d’un point de vue technique.
Telle est toutefois la tâche à laquelle nous nous attelons. À l’occasion du débat que nous avons eu ici même, voilà quelques jours, sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, j’ai eu l’occasion de présenter un amendement du Gouvernement qui visait à généraliser le principe de la prime de fonction et de résultat. Au-delà des caricatures – j’ai d’ailleurs été heureux de constater qu’il n’y en avait pas ! –, il s’agit d’un véritable système d’homogénéisation du dispositif des primes. En harmonisant les primes des fonctions publiques d’État, hospitalière et territoriale, nous allons enfin commencer à mieux apprécier les différentes situations. Par ailleurs, un dispositif de mobilité, qui n’existe pas aujourd’hui, pourra ainsi être instauré, ce qui va dans la bonne direction.
Cette prime s’articulera selon un pyramidage comportant trois étages.
Le premier est directement lié au grade, c'est-à-dire à l’accès à la carrière par voie de concours. Cette mesure, parfaitement justifiée par le choix opéré par le fonctionnaire, est très claire et précise.
Le deuxième est associé directement aux sujétions du service. On peut également y adosser, de façon collective au sein d’un service, et à parts égales, qu’il s’agisse d’un responsable ou d’un agent d’exécution, toute la politique de l’intéressement dans la fonction publique.
Le troisième représente la part individuelle, liée aux objectifs fixés à l’agent et qu’il doit atteindre.
Je le répète, ce système va dans la bonne direction. Il permettra en effet de mieux appréhender le régime indemnitaire, qui est aujourd’hui extrêmement compliqué.
Cet exemple témoigne de la philosophie qui anime le Gouvernement à cet égard. Il ne s’agit en aucun cas de critiquer a priori les systèmes qui prévalent dans la fonction publique.
En revanche, pour reprendre les propos tenus par Éric Woerth tout à l’heure, nous avons estimé qu’il était logique de prévoir des avancées sur trois points qui concernent des différences n’ayant objectivement aucune raison d’être.
Le premier concerne bien évidemment le taux de cotisation des salariés de la fonction publique, que nous portons de 7,85 % à 10,55 %, pour des raisons d’ailleurs très simples. En effet, alors que la retraite des salariés du public et du privé est à peu près équivalente, je l’ai dit tout à l’heure, il existe un véritable différentiel concernant son coût d’acquisition.
Nous avons décidé que cette évolution serait très progressive, puisqu’elle s’étalera sur une dizaine d’années. Les cotisations seront augmentées de 0,27 % environ par an. Cela correspond à une hausse moyenne mensuelle de 6 euros sur les dix prochaines années. Pour la catégorie C, l’augmentation mensuelle sera de 4 euros, pour la catégorie B, de 5 euros et pour la catégorie A, de 7 euros.
Alors que ce dispositif permettra d’abonder les finances publiques d’une somme non négligeable, il reste cependant très mesuré.
Nous avons également souhaité mettre en exergue le taux de cotisation de l’État, lequel atteint aujourd’hui 62 %. N’oublions pas ce chiffre, mesdames, messieurs les sénateurs ! Il indique clairement que l’alignement du taux de cotisation des salariés à hauteur de 10,55 % se justifie d’un point de vue non seulement politique, mais aussi économique.
Deuxième point, le dispositif s’adressant aux parents de trois enfants ayant effectué quinze ans de service et pouvant justifier d’une période de deux mois d’interruption de leur activité professionnelle sera progressivement abandonné. En réalité, il soulevait nombre de problèmes, étant notamment considéré, et ce à juste titre, comme un dispositif de préretraite. Nous avons décidé, comme le préconisait d’ailleurs le COR, de l’interrompre à partir de 2012. Il semble que personne n’ait contesté cette décision.
Troisième mesure, nous avons décidé d’harmoniser les règles du minimum garanti et du minimum contributif. Comme la MECSS l’a très justement fait remarquer, cette harmonisation ne concerne pas les montants, qui enregistrent un écart d’environ 200 euros. Nous sommes donc fidèles à l’engagement du Président de la République de ne pas diminuer les retraites.
En revanche, il nous a paru tout à fait évident que les conditions pour obtenir ce minimum garanti étaient très privilégiées par rapport à celles qu’il faut réunir dans le cadre du régime privé. Il fallait donc les modifier. C’est la raison pour laquelle seuls les salariés de la fonction publique bénéficiant d’un taux plein ou ayant atteint l’âge de soixante-cinq ans pourront désormais prétendre au minimum garanti.
Pour conclure sur la convergence entre le public et le privé, je dirai que nous avons pris une voie médiane, qui va dans la bonne direction. Elle donnera le sentiment à nos concitoyens que la réforme, en la matière, est équitable. Simultanément, cela nous permettra de réduire le différentiel de financement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter ces précisions. Estimant que nos désaccords permettront d’enrichir nos prochains débats, je vous remercie une nouvelle fois de votre participation.
En tout état de cause, c’est sur le fondement de ces propositions que nous réunirons, avec Éric Woerth, les organisations syndicales, avec lesquelles nous tenterons d’améliorer tel ou tel dispositif du projet. Nous aurons ensuite le plaisir de venir en débattre avec vous à la rentrée prochaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Débat interactif et spontané
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à deux heures par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. La mission ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le secrétaire d’État, bien que vous ayez, lors de votre intervention, répondu à ma question, il me semble nécessaire de vous demander un certain nombre d’explications.
Le vieillissement de la population entraîne de nouveaux besoins de financement en termes de retraite, de maladie ou de dépendance, mais aussi de solidarité. La charge de cet effort supplémentaire ne saurait ainsi, selon moi, peser sur les seules générations actuelles d’actifs.
Deux importantes niches sociales existent aujourd’hui en faveur des personnes retraitées. Il s’agit, d’une part, du taux réduit de CSG sur les pensions, d’autre part, de l’abattement spécifique de 10 % sur les revenus de remplacement dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu.
Selon les informations qui ont pu être publiées, ces deux mesures représenteraient un manque à gagner de plus de 4,6 milliards d’euros pour l’État.
Monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous favorable à un rééquilibrage de ces deux mesures, rééquilibrage qui pourrait au demeurant rester parfaitement équitable en ne s’appliquant qu’aux revenus les plus élevés, suivant les seuils d’ores et déjà en vigueur ?
Si l’on prend en compte les revenus du patrimoine, les placements financiers et immobiliers, ainsi que les loyers non versés par les retraités propriétaires, le niveau de vie moyen de ces derniers apparaît légèrement supérieur à celui des actifs. Selon le Conseil d’orientation des retraites, le taux de pauvreté des personnes de 60 ans et plus dépassait 30 % en 1970. De 1996 à 2007, il s’est maintenu aux alentours de 10 %, soit un niveau inférieur à celui que l’on constate pour l’ensemble de la population.
Ces chiffres globaux ne doivent cependant pas masquer la grande hétérogénéité des situations. C’est la raison pour laquelle je vous interroge, monsieur le secrétaire d'État, sur une remise en cause partielle des avantages précédemment mentionnés.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous l’avez très justement rappelé, les retraités, contrairement aux actifs, bénéficient de taux de CSG différents en fonction de leur niveau de vie.
Cela dit, et il faut en tenir compte, la pension touchée par les retraités est, dans la très grande majorité des cas, inférieure au dernier salaire. C’est la raison pour laquelle des règles différentes s’appliquent en matière fiscale.
L’orientation que j’évoquais tout à l’heure et que je confirme ici est claire : il ne s’agit pas, aujourd’hui, dans le cadre de cette réforme, de diminuer, d’une manière ou d’une autre, les pensions. Nous avons exclu une telle piste.
En revanche, pour être tout à fait sincère avec vous, nous aurons prochainement un autre débat qui portera sur la dépendance. Si votre proposition ne peut donner lieu à une ouverture en l’état actuel des choses dans le cadre du débat sur les retraites, une autre tonalité pourrait sans doute se faire entendre lors de cet autre débat.
J’achèverai mon propos, monsieur Jégou, par une observation personnelle. Je suis très sensible aux transferts intergénérationnels infra-familiaux, qu’il convient d’ailleurs de mesurer. Une étude chiffrée a été réalisée, voilà deux ou trois ans, par l’INSEE. Elle montre qu’il existe une prise en charge très importante par les grands-parents d’une partie des sommes consacrées à l’éducation de leurs petits-enfants.
Il ne s’agit ni d’une vue de l’esprit ni d’un argument dilatoire. Chacun d’entre vous peut d’ailleurs le constater au cours des permanences qu’il assure. Il est donc important de ne pas tarir cette source de financement infra-familiale par une taxation trop lourde.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : le montant du déficit actuel de notre système de retraites s’élève à 32 milliards d’euros ; le ratio actifs-retraités est de 1,6 en 2010 ; le taux d’emploi des 55-64 ans ne représente que 38,2 %.
Ces trois chiffres appellent respectivement trois conséquences.
Premièrement, la réforme de notre système par répartition, auquel nous sommes attachés, s’impose à tous.
Deuxièmement, la réforme ne peut pas faire abstraction de la réalité démographique de notre pays. Soyons cohérents, pour faire en sorte que le ratio actifs-retraités reste positif, il faut apporter une réponse démographique !
Troisièmement, le recul de l’âge légal de départ à la retraite ne saurait se suffire à lui-même. S’il est évident, monsieur le secrétaire d’État, que l’âge légal actuel est un frein à l’emploi des plus de 55 ans, nous ne pouvons envisager une réforme efficiente sans renforcer les dispositions en faveur de l’emploi des seniors.
Les premiers résultats des différentes mesures prises par notre majorité en faveur de l’accès à l’emploi et le maintien dans l’emploi des seniors sont encourageants. Grâce, notamment, à la surcote de 5 %, le cumul emploi-retraite, ou encore les accords de branche ou d’entreprise, le taux d’emploi des 55-64 ans est passé de 37 % en 2003 à 38,2 % en 2008.
Nous nous félicitons de la portée des réformes engagées par notre majorité. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir nous éclairer sur la continuité de ces dispositifs, ainsi que sur les nouvelles mesures que vous envisagez de prendre afin d’encourager l’emploi des seniors.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous mettez le doigt sur un problème parfaitement identifié sur toutes les travées et qui devra faire l’objet d’un important examen.
Je formulerai trois types d’observations.
D’abord, comme Éric Woerth l’a très justement rappelé tout à l’heure, tous nos constats, tant dans notre pays, en particulier pour la période qui a précédé la réforme de 1982-1983, qu’à l’étranger, montrent, de façon très concrète, un affaissement du taux d’employabilité des seniors pour la tranche d’âge inférieure de cinq ans à la limite d’âge.
En France, le phénomène concerne aujourd’hui les seniors qui n’ont pas encore atteint l’âge légal ou l’âge du taux plein. Par rapport à la période qui a précédé la réforme de 1982-1983, les seniors touchés sont, en moyenne, de cinq ans plus jeunes.
Dans tous les pays qui nous entourent, on s’aperçoit que le taux d’employabilité des seniors suit l’évolution de l’âge légal ou de l’âge du taux plein tel qu’il est fixé.
Aussi simple que cela paraisse, en reculant à 62 ans l’âge légal, on a toutes les raisons de penser que le taux d’employabilité des seniors évoluera comme il l’a fait dans le passé, pour atteindre celui qui est observé dans d’autres pays.
Cela relève du bon sens ! Même si cette image vous paraît un peu simple, je comparerai cette situation à notre gestion du temps. On a toujours tendance à se décaler quelque peu par rapport à l’horaire ; si ce dernier est reculé d’une demi-heure, le départ ne se fait plus à six heures moins trois, mais à six heures vingt-sept. C’est ainsi que les choses fonctionnent !
Ensuite, la réforme – vous l’avez d’ailleurs très justement rappelé – s’appuie sur ce qui a déjà été adopté. Nous ne partons pas de rien ! Je pense notamment à la surcote, dont le taux est passé à 5 %, après l’adoption de la loi de 2003, et qui concerne aujourd’hui 14 % des assurés. La libéralisation du cumul emploi-retraite favorise également l’employabilité des seniors.
Enfin, l’âge à partir duquel un salarié du secteur privé peut être mis à la retraite d’office a été porté à 70 ans.
En résumé, parmi les mesures qu’il a rendues publiques ce matin, le Gouvernement propose, outre la disposition importante du projet concernant le recul de l’âge légal de départ à la retraite, une mesure d’accompagnement, qui est une aide à l’embauche des chômeurs seniors âgés de plus de 55 ans, ce qui représente une baisse des charges de l’ordre de 14 %, ainsi qu’une mesure plus classique, mais qui a fait ses preuves, de mobilisation des crédits de la formation professionnelle en faveur du tutorat.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite aborder la question du fonds de réserve pour les retraites. Au nom du groupe socialiste, j’ai souvent demandé au Gouvernement s’il comptait alimenter ce fonds ou bien s’il avait plutôt l’intention de casser la tirelire avant 2020. Je n’ai jamais obtenu de réponse.
Aujourd’hui, nous l’avons ! En effet, nous savons maintenant que le fonds de réserve va migrer vers la CADES, délestant d’autant celle-ci de ses charges de remboursement. Autrement dit, en dépit de toutes les circonvolutions de M. le secrétaire d'État, le fonds de réserve va être vidé !
Certes, il est maintenu, mais on se demande bien pourquoi, puisqu’il gérera et fera fructifier des fonds qui n’existeront plus. Il ne servira donc plus à grand-chose !
Comment en est-on arrivé là ? On nous dit que le rendez-vous de 2020 est avancé de dix ans. Mais, monsieur le secrétaire d'État, la majorité à laquelle vous appartenez est au pouvoir depuis huit ans. Or si nous en sommes là, c’est parce que rien n’a été fait durant cette période ! Si nous sommes aujourd’hui confrontés à de telles difficultés, c’est bien parce que, pendant ces années, vous n’avez pris aucune mesure efficace pour rétablir les comptes ! Certes, vous avez fait voter la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, mais elle n’a rien servi à rien, sauf à pénaliser les femmes en particulier.
C’est la raison pour laquelle je vous pose la question : à quoi servira désormais le fonds de réserve pour les retraites dès lors qu’il aura été vidé et que, chaque année, tombera dans l’escarcelle de la CADES entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros en provenance du FRR ?