M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Cinquième interrogation. Nous n’avons pas perçu d’écho particulièrement positif des opérations de fusion et de création de communautés hospitalières de territoire, ou de groupements de coopération sanitaire. Ces deux derniers ont été prévus par la loi HPST.
Ainsi, les fusions plus ou moins forcées entre établissements hospitaliers entraînent souvent des craintes dans la population des villes concernées, qui déplore la disparition de services de proximité sans bien mesurer le « plus » en résultant. Les créations de communautés hospitalières de territoire sont pour l’instant encore peu nombreuses et elles semblent – c’était à craindre – se réaliser au bénéfice des établissements les plus importants des secteurs sanitaires concernés, s’agissant de la répartition des activités médicales. Cela suscite la défiance du corps médical, la grogne du personnel hospitalier et des résistances affirmées des élus auxquels la population demande des comptes, alors qu’ils n’y peuvent rien !
Je déplore du reste à nouveau que l’effacement des élus locaux, dont le rôle relève plus de la démocratie contemplative que de la démocratie participative (Sourires.),…
Mme Raymonde Le Texier. C’est une assez jolie formule !
M. Jacky Le Menn. … effacement voulu par la loi HPST, ne leur permette pas de jouer leur rôle naturel de médiateur entre les parties en présence.
S’agissant des groupements de coopération sanitaire, leur mise en place est également laborieuse tant les cultures entre hôpitaux publics et cliniques commerciales sont éloignées.
Notons par exemple que les regroupements de cliniques à but lucratif financées par des fonds d’investissement ou des fonds de pension ont plus volontiers l’œil fixé sur un « retour sur investissement » à deux chiffres que sur l’aménagement du territoire ou la recherche de réponses adaptées à la satisfaction de l’intérêt général en matière sanitaire.
J’ajouterai, pour conclure, que ce ne sont pas les vifs échanges médiatiques entre les représentants de l’hospitalisation publique – la fédération hospitalière de France – et ceux de l’hospitalisation privée – la fédération des hôpitaux privés, laquelle vient du reste d’adhérer au MEDEF, ce qui en soit est déjà toute une philosophie... – qui vont améliorer le climat et le rendre propice à un développement confiant des groupements de coopération sanitaire entre hôpitaux publics et cliniques privées à but lucratif. Ce n’est pas, pour nous, une surprise ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France est le pays au monde où le nombre d’établissements de santé rapporté à la population est le plus élevé. Tout le monde s’en félicite, plus particulièrement les élus, comme nous venons de l’entendre. Ce maillage hospitalier particulièrement dense représente un coût certain : est-il toujours compatible avec les exigences de qualité et de sécurité des soins ? Je n’en suis pas tout à fait convaincu personnellement et je l’ai souvent dit.
À l’occasion de discussions informelles, je suis d’ailleurs frappé de constater que, lorsqu’une intervention chirurgicale est programmée, les personnes les mieux informées préfèrent le plus souvent être opérées ailleurs que dans l’hôpital le plus proche de leur domicile quand celui-ci est un établissement de petite taille. Bien avant la distance et le temps de transport, la qualité du plateau technique et les capacités du chirurgien constituent pour elles les critères fondamentaux du choix du lieu de leur opération.
Au total, les hôpitaux de proximité n’attirent aujourd’hui le plus souvent que les personnes qui y sont conduites dans un état grave – et donc dans l’incapacité d’exprimer leur volonté –, les personnes âgées isolées et la frange la plus défavorisée de la population du territoire concerné. Ce constat est valable pour de nombreuses spécialités, et plus particulièrement la chirurgie.
Cette situation est d’autant plus regrettable que les chirurgiens refusent souvent d’exercer dans ces établissements, obligeant les directeurs, pour maintenir l’activité, à recruter des praticiens étrangers, dont la qualité de la formation peut être d’un niveau moindre et n’a pas toujours été évaluée correctement.
Le maintien de ces structures conduit donc à l’émergence d’une médecine et d’une chirurgie à deux vitesses, ce qui n’est pas acceptable. Un mouvement de restructuration a été réalisé dans le cadre des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, qui ont notamment fixé un seuil d’actes par an et imposé la présence d’une équipe opératoire minimale. On le sait, les résultats opératoires s’améliorent en fonction de l’expérience des chirurgiens et lorsque ceux-ci ne doivent plus exercer isolément toutes les prestations, comme cela se passe le plus souvent dans un petit hôpital. La chirurgie a considérablement évolué et exige aujourd’hui de ses praticiens une technicité et une spécialisation extrêmes, qui supposent l’accompagnement d’une équipe pluridisciplinaire.
J’approuve donc largement la politique en cours et souhaite qu’elle soit effectivement menée à bien. La loi HPST comporte un volet important sur les coopérations, avec la création des communautés hospitalières de territoire et le renforcement des groupements de coopération sanitaire : elle tend à faciliter la création de structures viables au regard de leur fonctionnement médical. Pouvez-vous nous faire un point sur ce volet, madame la ministre ? Les décrets d’application sont-ils tous publiés ? Pensez-vous que les rivalités entre villes voisines ou la peur des petits établissements de se trouver défavorisés peuvent être surmontées, pour créer de véritables pôles hospitaliers dotés d’équipes médicales réellement communes ?
Le rapprochement des établissements publics et privés est positif. Mais, en l’absence de convergence des tarifs, les difficultés sur le terrain resteront grandes. Nous avons été nombreux à regretter que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ait repoussé l’échéance à 2018. On peut comprendre que le chemin soit long, mais non qu’aucune méthode n’ait été arrêtée depuis 2005.
Par ailleurs, au moins autant que la convergence entre public et privé, il convient d’opérer une convergence intrasectorielle, à l’intérieur même du secteur public. Dans son rapport de 2009 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a relevé des disparités de productivité variant, par exemple, de un à cinq en maternité, de un à huit pour la chirurgie orthopédique et de un à dix en pneumologie. Ces différences sont-elles justifiées ? Quel est leur impact sur la qualité du service médical rendu ?
Un autre facteur risque de fragiliser le tissu hospitalier : la démographie médicale, en particulier dans le secteur public. Depuis dix ans, les effectifs des praticiens hospitaliers ont sensiblement augmenté mais, dans certaines spécialités, les taux de vacance sont importants, en raison d’une d’attractivité insuffisante. En effet, les chirurgiens, mais aussi les radiologues et les anesthésistes, sont de plus en plus nombreux à rejoindre le secteur privé où leur rémunération est sans commune mesure avec les traitements du secteur public.
Il y a de quoi être inquiet, surtout dans la perspective de la cessation d’activité d’une génération de praticiens très polyvalents – à dominante masculine, il faut bien le dire –, pratiquant au sein d’équipes parfois très réduites et acceptant des contraintes importantes de permanence des soins.
Même si l’augmentation du numerus clausus est maintenue, ces nombreux en retraite vont entraîner un infléchissement des effectifs jusqu’en 2025. Il faudrait donc anticiper ces évolutions et soutenir l’attractivité de la carrière de praticien hospitalier, d’autant que les nouvelles générations peuvent avoir une approche du travail à l’hôpital différente de celle de leurs prédécesseurs. Plus jeunes et plus féminisées, elles souhaitent intégrer des équipes importantes leur permettant des échanges, le développement de techniques de pointe, avec une charge de permanence des soins moins lourde.
Si l’on veut attirer les praticiens à l’hôpital, il faut qu’ils se sentent acteurs de leur activité et que leur place soit valorisée, d’autres collègues l’ont déjà souligné. En effet, le départ d’un praticien vers le secteur privé correspond souvent à une accumulation d’incidents et de vexations.
Les réformes successives de l’hôpital ont provoqué chez certains praticiens un grand désenchantement, pouvant confiner à l’amertume. Nous l’avons constaté au moment de l’examen de la loi HPST : ils ont eu l’impression de ne plus être reconnus et ont éprouvé, à juste titre, des difficultés à se repérer dans la nouvelle gouvernance. Nous devons prendre garde à ce que celle-ci ne fonctionne pas contre eux. Toute démarche de modernisation d’un établissement suppose, pour produire les améliorations attendues, une adhésion forte de tous les personnels au projet médical et au projet d’établissement.
Au-delà d’une revalorisation financière nécessaire, il conviendrait aussi d’assurer une gestion plus active et personnalisée de la carrière des praticiens. L’avancement doit être lié non pas uniquement à la démographie ou au départ du chef de service, mais à une formation continue de qualité et à un projet médical mené à bien. Cette lisibilité serait à mon avis de nature à attirer les praticiens à l’hôpital et à les fidéliser.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour réduire les vacances de postes ? Quelles seront les conditions d’application du contrat de clinicien prévu par la loi HPST ? Ces questions revêtent une acuité nouvelle, alors que certaines cliniques développent le salariat des médecins qu’elles emploient et proposent des primes pour embaucher de nouveaux médecins. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord exprimer mon étonnement de me trouver dans cette salle. J’ignore qui a pu avoir l’idée saugrenue de nous y faire siéger, car le Sénat dispose d’un hémicycle…
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Jean Louis Masson. Je ne vois donc pas pourquoi nous nous comportons comme si nous étions une sous-commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous sommes en formation plénière, nous devons donc siéger en séance publique dans l’hémicycle et il n’est pas correct de nous faire réunir dans cette salle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Monsieur Masson, puis-je vous interrompre quelques instants ?
M. Jean Louis Masson. Je vous en prie, monsieur le président.
M. le président. Je vais vous apporter une précision, en vous citant un document qui me manquait tout à l’heure, lorsque M. Fischer puis M. Sueur m’ont interpellé.
Lors de la réunion du groupe de travail « révision constitutionnelle et réforme du règlement » qui s’est tenue le 7 janvier 2009, M. Sueur s’est ainsi exprimé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) : « Pour sortir de ce débat entre “ petit hémicycle ” et “ grand hémicycle ”, je propose que nous parlions simplement de “ séance publique ”. Les séances publiques du Sénat peuvent éventuellement avoir lieu dans un autre endroit que l’actuel hémicycle. […] La séance publique est […] ouverte au public. […] Elle fait l’objet d’un compte rendu intégral. » Vous voyez que nous n’avons pas travaillé pour rien, que nos échanges ont été très riches et que M. Sueur y a largement contribué ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Il avait oublié !
M. le président. Je vous laisse poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Permettez-moi d’observer, monsieur le président, que je ne me considère pas engagé par des propos de M. Sueur.
M. le président. Bien évidemment !
M. Jean Louis Masson. Nous sommes très bien assis dans cette salle,…
M. François Autain. Et encore !
M. le président. Vous disposez de trois minutes pour intervenir, monsieur Masson ! Nous avons pris connaissance de votre sentiment.
M. Jean Louis Masson. Je tiens malgré tout à réaffirmer qu’il serait plus convenable que nous siégions dans le véritable hémicycle...
M. le président. Poursuivez, monsieur Masson !
M. Jean Louis Masson. … car je ne vois pas quelles économies pourraient être réalisées en siégeant dans cette salle !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien ! Pour une fois, je suis d’accord avec vous !
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, je souhaite évoquer le problème de la démographie médicale.
Nous éprouvons actuellement un manque crucial de médecins dans de nombreux domaines, car les gouvernements successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont fait semblant d’ignorer qu’ils allaient « dans le mur ».
Actuellement, si l’on veut consulter un oculiste…
M. Jacques Blanc. Un ophtalmologiste ! Les oculistes ne sont pas des médecins !
M. Jean Louis Masson. Excusez-moi ! Pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, il faut parfois attendre cinq ou six mois. Nous devons donc absolument réexaminer la situation et engager un véritable débat sur la formation d’un nombre plus important de médecins. Actuellement, le Gouvernement essaie de réduire les dépenses de sécurité sociale en réduisant le nombre de médecins. Mais ce n’est pas parce qu’il y aura moins de médecins que les gens seront moins malades et qu’ils auront moins besoin d’être soignés !
Ma question est très simple : des centres hospitaliers universitaires existent en France, ainsi que des centres hospitaliers régionaux, qui constituent une catégorie intermédiaire, représentée seulement par trois établissements. Ces centres hospitaliers régionaux ont été créés, il y a trente ou quarante ans, avec la perspective de les ériger en centres hospitaliers universitaires, pour y implanter un enseignement médical et former plus de médecins. Entre-temps, le numerus clausus a été instauré et des restrictions budgétaires sont intervenues, ce qui explique que nous conservions cette catégorie croupion de CHR, embryons de CHU qui ne se sont jamais développés.
Madame le ministre, pourquoi conserver cette catégorie des CHR ? Pourquoi ne pas transformer plutôt ces établissements en CHU, conformément à leur vocation initiale ? Je ne dispose pas, à l’inverse de M. le président du Sénat, de moyens de documentation très développés, mais je pourrais vous produire des documents de l’époque, annonçant très clairement que les CHR deviendraient CHU. Après trente ans, la situation pourrait enfin évoluer, ce qui contribuerait à régler l’énorme problème de démographie médicale que nous connaissons. Nous allons léguer à la génération suivante une véritable bombe atomique, parce que le nombre de médecins va considérablement diminuer, avec des conséquences désastreuses.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un peu moins d’un an après la promulgation de la loi HPST, nous remercions le Sénat et la commission des affaires sociales d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat. Déjà, beaucoup de nos interrogations ont reçu une réponse lors de la séance de « questions cribles » du 9 février dernier. Depuis, les ARS se mettent en place, ainsi que la nouvelle gouvernance hospitalière.
Le comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé, présidé par notre collègue Jean-Pierre Fourcade, fonctionne lui aussi et ses travaux nous ont aidés à préparer le présent débat. Il insiste sur le fait qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur des sujets aussi fondamentaux que les rapports entre les hôpitaux et les directeurs généraux des ARS, l’évolution du rapport entre secteur public et secteur privé, ou le mouvement de regroupement et de coopération qui est engagé.
Si l’heure n’est donc pas vraiment au bilan, en revanche, une tendance inquiétante pourrait se faire jour sur le terrain : il ne faudrait pas que nous assistions à une recentralisation excessive du système.
L’exemple du centre hospitalier de la ville dont je suis maire, Arras, m’incite à souligner le danger, avant qu’il ne soit effectif. Très concrètement, le conseil d’administration n’a pas été suivi par l’ARS et le ministre pour la nomination du directeur. Bien sûr, ce cas isolé ne fera pas jurisprudence, mais il serait fort regrettable qu’il préfigure, dans la réalité, une certaine marginalisation du conseil de surveillance, appelé à remplacer le conseil d’administration.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette évolution serait regrettable parce que contraire, non seulement aux valeurs que nous défendons ici, mais aussi à l’esprit du texte.
Comme M. le rapporteur l’a rappelé, nous nous sommes battus au Sénat pour aboutir à une rédaction garante d’un meilleur équilibre entre pouvoir administratif et pouvoir médical, d’une part, et entre pouvoir administratif et pouvoir démocratique, d’autre part. Veillons à ce que cet équilibre soit respecté !
En filigrane, c’est toute la question de la place de l’élu dans le système qui se trouve posée. Certains maires me l’ont dit, ils ont déjà renoncé à jouer un rôle à l’hôpital. C’est bien cela qu’il faut éviter.
La réalité sera bien sûr à géométrie variable. Elle dépendra du pouvoir d’influence du maire ou du président de la communauté de communes, de ses relations avec le directeur général de l’Agence régionale de santé – le DGARS – et avec le préfet, ce dernier pouvant d’ailleurs jouer un rôle d’arbitre.
Prenons un autre exemple, celui des communautés hospitalières de territoire.
Il s’agit d’optimiser, dans un secteur géographique donné, l’offre de soins et sa qualité, fondée sur l’excellence médicale et la valeur des plateaux techniques. Cette problématique concerne aussi l’aménagement du territoire et les relations entre collectivités.
Ce choix stratégique ne peut donc s’opérer sur les seules bonnes relations médicales et administratives, encore moins sur des rapports de pouvoir entre directeurs ou chefs de services hospitaliers.
En conséquence, les ARS devront veiller à saisir l’ensemble des conseils de surveillance concernés pour construire des partenariats solides et éviter des foires d’empoigne contre-productives qui pénaliseraient patients et finances publiques.
Pour encadrer cela et, plus globalement, pour que le texte s’adapte au mieux au terrain, la notion de bonne pratique sera à mon avis déterminante.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ainsi, les bonnes pratiques devraient être rapidement recensées et portées à la connaissance de tous.
La loi HPST ne concernant pas uniquement l’hôpital, je souhaiterais dire quelques mots sur son volet relatif aux soins ambulatoires, volet que nous avions – hélas ! – identifié comme étant le parent pauvre de cette réforme au moment du vote du texte.
Deux constats s’imposent à ce sujet.
Premièrement, si rien ne change, il y aura dans dix ans deux fois moins de médecins généralistes qu’actuellement. Selon l’Ordre des médecins, leur nombre devrait passer, dans mon département, de 1 400 à moins de 600 médecins.
Deuxièmement, comme cela a déjà été signalé, la profession se féminise, 70 % à 80 % de jeunes femmes s’orientent vers cette spécialité. Cette évolution est très positive, mais les femmes médecins ont des contraintes familiales très différentes de celles de leurs collègues masculins et, donc, une moindre disponibilité.
Comment faire face à cette situation ?
Madame la ministre, selon vos chiffres, le taux d’étudiants ayant choisi la médecine générale est passé, en trois ans, de 37 % à 49 %, ce qui est très encourageant si ceux-ci s’installent dans le secteur libéral.
Le travail actuellement mené par notre ancien collègue Michel Mercier pour favoriser l’accès aux soins en tout point du territoire est tout aussi encourageant.
Depuis quinze jours, un programme national est lancé qui financera 250 maisons de santé pluridisciplinaires sur la période allant de 2010 à 2013.
De plus, un faisceau d’actions sera mis en œuvre pour inciter les jeunes praticiens à exercer dans les territoires ruraux. Tout d’abord, l’accueil de stagiaires sera obligatoire dans les maisons de santé. En outre, 400 contrats d’engagement de service public seront prévus, pour la période couvrant les années 2010 à 2012, en milieu rural. C’est d’ailleurs ce que notre groupe demandait lors de l’examen de la loi HPST.
Une politique active de lutte contre les déserts médicaux semble donc enfin se mettre en place. C’est très bien ! Mais je crois profondément qu’il faudra inventer, à l’avenir, d’autres conditions d’exercice de la médecine générale.
Pour conclure, je reviendrai à l’intitulé de la loi. Le texte a sérieusement traité de la question de l’hôpital et de la réorganisation territoriale du système de santé, mais le patient n’est-il pas le grand absent de la réforme ?
Au niveau local, au sein du Pays d’Artois que je préside, j’ai organisé une consultation sur la manière dont la population ressent sa prise en charge médicale. C’est aussi, et peut-être surtout, à l’aune de ce ressenti qu’il nous appartiendra in fine de juger la loi HPST. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand on prend la parole à ce stade du débat, on peut craindre de répéter un certain nombre de choses. Mais tous les membres de cette assemblée, ou presque, partagent des interrogations similaires et il est normal que chacun puisse s’exprimer.
Nous débattons aujourd’hui de l’application de la loi hôpital, patients, santé et territoires, qui constitue effectivement une vaste réforme de notre système de santé et a fait l’objet de longs débats, avec plus de 1 300 amendements examinés en séance l’année dernière.
Depuis son adoption par notre Haute Assemblée, le 24 juin 2009, qu’en est-il de cette loi et de sa mise en œuvre ?
Sans répéter l’ensemble des débats, il me paraît utile de rappeler quelques-unes des principales dispositions du texte, dispositions qui manifestent la volonté, partagée par notre groupe, de moderniser notre système de santé.
Cette volonté de modernisation répond à un souci de justice et d’efficacité dans l’accès aux soins pour nos concitoyens.
Outre le plan Hôpital 2012, qui consacre un investissement de 10 milliards d’euros à la rénovation des bâtiments et à la modernisation des systèmes d’information – cette somme n’est pas insignifiante et permettra d’effectuer d’importants travaux –, la loi HPST porte sur l’organisation de notre système de soins. Pour ce faire, elle prévoit notamment le développement du principe de coopération, une gouvernance plus efficace et un pilotage territorial unifié.
S’agissant du principe de coopération, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, la loi vise deux types de coopérations.
D’une part, pour remédier aux blocages existant entre les secteurs privé et public, elle permet de décloisonner notre système de soins. Ainsi, il est prévu que des accords puissent être passés entre les deux secteurs pour les associer et leur permettre de réaliser en commun des missions de service public.
D’autre part, afin d’améliorer la répartition de l’offre de soins, la loi favorise la coopération entre les établissements publics au moyen de la communauté hospitalière de territoire, la CHT, et du groupement de coopération sanitaire, le GCS. Ces deux dispositifs permettent d’adapter nos structures de santé aux besoins territoriaux et d’équilibrer l’offre de soins. Ils correspondent parfaitement à l’esprit de rationalisation et de mutualisation que nous avons souhaité promouvoir.
Néanmoins, il s’est avéré que les conditions de fonctionnement des GCS manquaient de précision et de clarté. Je vous serai donc reconnaissant, madame la ministre, de nous éclairer sur ce point, d’autant que ce dispositif, visant à lutter contre la fracture territoriale dans l’offre de soins, constitue un élément essentiel de la réforme. J’appuie ces propos sur mon expérience de président d’un conseil d’administration d’hôpital : nous voyons bien à quelles difficultés ce manque de précision nous expose.
S’agissant de la gouvernance du système de soins, notre Haute Assemblée a permis de rendre plus efficiente la gestion de l’hôpital public en équilibrant les pouvoirs des instances dirigeantes entre l’administration et les médecins. Tout le monde, me semble-t-il, le reconnaît aujourd’hui et je voudrais rendre hommage à Alain Milon, qui a fourni un travail important pour accroître les pouvoirs du corps médical.
La bonne mise en place de ces dispositifs de gouvernance suppose évidemment le concours des directeurs d’hôpitaux et de tous les professionnels médicaux. Il va de soi que nous approuvons l’implication de l’ensemble des intervenants médicaux dans le processus décisionnel.
Toutefois, madame la ministre, nous nous interrogeons sur leur niveau d’information quant à la mise en œuvre concrète de la loi, qui entraînera un véritable bouleversement de leur quotidien. Une information supplémentaire et pratique doit être adressée à tous ces intervenants médicaux, ce qui bénéficiera, par la suite, à l’efficience de la gouvernance.
S’agissant du pilotage de ces mesures – j’en viens donc à mon troisième point –, la loi a créé les agences régionales de santé. Cette disposition phare de la loi est intimement liée à la volonté de parvenir à une réforme efficace et pérenne.
En effet, il n’aurait pas été cohérent d’envisager cette profonde refonte de notre système de santé sans en confier les rênes à une structure unifiée, capable d’avoir une vue d’ensemble sur la chaîne des soins d’un territoire.
Ces agences, au nombre de vingt-six, ont pour mission de réguler, orienter et organiser l’offre de services de santé pour satisfaire aux besoins de la population, en décloisonnant notre système par une approche transversale des secteurs sanitaire et médico-sanitaire.
En procédant à leur mise en place dès le 1er avril dernier, madame la ministre, vous avez démontré l’ambition du Gouvernement de mettre en œuvre le plus rapidement possible cette réforme.
Quels enseignements tirez-vous, aujourd’hui, de la période de préfiguration des ARS ? Où en sommes-nous exactement de leur mise en place ?
Enfin, la loi met en place une véritable politique de transparence à l’égard des patients, à travers la publication d’indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Nous nous interrogeons toutefois, madame la ministre, sur la nature des indicateurs de performance qui peuvent être mis en place pour un système de santé global. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
À la lumière des quelques éléments que je viens de rappeler, cette loi représente une avancée considérable dans l’accès aux soins, la modernisation de la profession libérale et la lisibilité de l’organisation des hôpitaux. Bien sûr, il s’agit maintenant de la rendre effective.
Les esprits chagrins se lamenteront en avançant que l’application de la loi est actuellement loin d’être satisfaisante. C’est évident !