compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Jean-Pierre Godefroy.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 11 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels après l'article 11

Modernisation de l'agriculture et de la pêche

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en procédure accélérée du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 11.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 11 bis (Nouveau)

Articles additionnels après l'article 11 (suite)

Mme la présidente. L'amendement n° 587, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise, Patient et Antoinette, Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement étudie la mise en place d'un plan spécifique outre-mer de recherche-développement dans le domaine de l'agronomie, afin d'encourager et de coordonner les différents organismes de recherche et de répondre au mieux aux attentes des professionnels.

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au défi de la compétitivité, l'État doit aujourd'hui renforcer son soutien à la recherche qui est menée dans les départements d’outre-mer en matière agronomique.

Les centres de recherche dans les départements d’outre-mer contribuent à améliorer, dans le respect de l'environnement, l'avenir économique de l'agriculture. Par exemple, le « plan chlordécone » a eu l'intérêt de regrouper l'action d'une quinzaine d'organismes de recherche ; mais il l’a fait parfois au détriment d'une collaboration efficace. Dans la perspective de l'après-2010, un échelon de coordination devrait être encouragé, afin de tirer profit au mieux des recherches élaborées.

Il est donc souhaitable d'envisager, en liaison avec les différents organismes de recherche, la mise en place d'un plan spécifique outre-mer de recherche-développement dans le domaine de l'agronomie, afin de répondre au mieux aux attentes des professionnels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Permettez-moi tout d’abord, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collèges, de vous saluer. Nous aurons probablement l’occasion de nous revoir avant la fin de la semaine…

M. Yvon Collin. Le moins possible ! (Sourires.)

M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes tous d’accord, mon cher collègue !

Cet amendement reprend la proposition n° 36 de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par Serge Larcher et dont le rapporteur était Eric Doligé, proposition dont je vous rappelle les termes : « Mettre en place un plan spécifique outre-mer de recherche-développement dans le domaine de l’agronomie ».

La disposition proposée par cet amendement ne semble cependant pas relever du domaine législatif.

Par ailleurs, dans le cadre des mesures annoncées par le Conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, le Gouvernement s’était engagé, dans ce domaine, à accentuer les transferts de technologies et l’innovation dans les outre-mer. Cela devrait notamment se traduire, au cours du premier semestre 2010, par la mise en place d’un réseau de valorisation de la biomasse en outre-mer.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Mais elle souhaite bien entendu connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. L’idée est pertinente, mais je ne crois pas que ce type de mesures doive être inscrit dans la loi.

Par ailleurs, je rappelle que l’État s’est doté, dans le cadre de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur, d’un vrai référentiel en matière de stratégie nationale de recherche et d’innovation. L’adoption d’une telle disposition pourrait s’avérer plus pertinente dans ce contexte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Nous en convenons, la disposition proposée relève sans doute du domaine réglementaire. Toutefois, nous souhaiterions que M. le ministre s’engage fermement sur cette question, qui est vraiment spécifique. En effet, le nombre de pôles et de cellules de recherche dans le domaine de l’agronomie étant particulièrement important dans les territoires ultra-marins, il semble nécessaire de les regrouper.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame Herviaux, je vous le confirme, le Gouvernement a pris un engagement ferme dans le cadre des états généraux de l’outre-mer.

Mme la présidente. Dans ces conditions, l’amendement n° 587 est-il maintenu, monsieur Patient ?

M. Georges Patient. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 587 est retiré.

Articles additionnels après l'article 11
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article additionnel après l'article 11 bis

Article 11 bis (nouveau)

I. – L’article 64 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Il est ajouté un 6 ainsi rédigé :

« 6. Le bénéfice forfaitaire viticole tient compte de la qualification sous laquelle est vendu le vin récolté, le cas échéant après déclassement volontaire de tout ou partie de la production. » ;

2° À la fin du 1, la référence : « 5 » est remplacée par la référence : « 6 ».

II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l’État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Nous abordons l’examen d’une série d’articles insérés dans le projet de loi par la commission. En effet, cette dernière, au cours de ses réunions, a estimé nécessaire d’intégrer dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche un volet relatif aux charges fiscales et sociales. Elle a donc adopté des amendements dont certains n’émanaient pas de votre rapporteur.

Le texte me semble avoir été ainsi été enrichi, bien qu’il n’ait pas été évident d’obtenir de telles avancées dans le contexte budgétaire et fiscal actuel ! Mais l’urgence de la situation et la nécessité d’améliorer la compétitivité de notre agriculture rendaient indispensable une telle évolution.

Toutefois, au cours de la discussion générale, j’avais également souhaité que le débat en séance publique permette de nouvelles avancées, dont certaines, notamment l’aide à la reconversion des exploitants agricoles, pourraient ne pas être comprises dans le champ du texte. Ce serait un signal important envoyé aux agriculteurs. D’ailleurs, comme vous le savez, monsieur le ministre, le président du Sénat et le président de la commission de l’économie sont très attentifs aux avancées qui pourront être réalisées sur ce point.

Il est en effet très important de prévoir des aides à la reconversion, ou de les renforcer, afin d’offrir une réelle perspective de mutation aux exploitations rencontrant des difficultés majeures. De tels dispositifs pourraient bien évidemment s’inscrire dans le cadre des plans de développement des filières que vous comptez mettre en place. Ils existent d’ailleurs déjà pour certaines filières, notamment celle du lait.

Cette question doit selon moi être abordée sous deux angles.

D’une part, il convient de permettre, dans certains cas, une réorientation des productions, afin de redonner de la compétitivité aux exploitations ou de les réorienter vers des secteurs porteurs ou des méthodes de production plus performantes.

D’autre part, dans certains cas plus difficiles, il est nécessaire d’offrir aux agriculteurs devant cesser leur activité de réelles perspectives de reconversion, éventuellement vers d’autres métiers, ce qui implique également de travailler sur la formation.

Il nous faut aller plus loin dans ces deux directions.

Ces mesures, que seul le Gouvernement peut prendre et qui nécessitent un effort budgétaire à court terme, sont essentielles si l’on veut offrir un réel espoir à nos agriculteurs et assurer la pérennité de notre agriculture.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement puisse prendre, dans le cadre de nos débats sur ce projet de loi, un engagement devant le Sénat dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, sur l'article.

Mme Odette Herviaux. Nous soutenons la position de M. le rapporteur sur l’article 11 bis, qui résulte d’ailleurs d’un amendement défendu par notre collègue Roland Courteau et adopté, dans sa grande sagesse, par la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la présidente, je souhaite répondre à Gérard César et à Odette Herviaux, en rappelant ce que j’ai dit au cours de la discussion générale.

À mes yeux, la loi constitue un élément essentiel pour l’évolution de l’agriculture française, la donne agricole mondiale ayant été totalement renouvelée.

Le dispositif que nous sommes en train d’adopter dans le cadre de cette loi doit permettre à l’agriculture française de prendre rapidement un tournant – elle aurait d’ailleurs dû le prendre un peu plus tôt ! –, afin de ne pas se laisser dépasser par un certain nombre d’États, membres ou non de l’Union européenne, notamment l’Allemagne qui a désormais beaucoup d’avance dans un certain nombre de filières agricoles.

Toutefois, je l’ai toujours dit, la loi devra s’appuyer sur deux éléments complémentaires.

Le premier, c’est la réforme de la politique agricole commune et la régulation des marchés européens. Les contrats, par exemple, ne fonctionneront que s’il y a aussi une régulation des marchés agricoles européens dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune.

Je me bats sur les deux fronts : d’un côté la loi, de l’autre la réforme de la politique agricole commune et la régulation des marchés européens. Ce second combat, que je mène avec une vigilance particulière, est indispensable, notamment pour disposer de visibilité quant aux volumes, à la production et aux interventions en cas de crise.

Le second élément est constitué par les plans de développement, filière par filière. Chaque filière a des problèmes particuliers à étudier, à analyser, notamment en termes de compétitivité, et a des décisions particulières à prendre.

Pour ce qui concerne la filière du porc, notamment, qui concerne directement la Bretagne, toute une série de mises aux normes nouvelles devront être effectuées d’ici à 2013, ce qui pose un problème majeur. En effet, si nous appliquons strictement les orientations de l’Union européenne, leur coût global atteindra 370 millions d’euros, ce qui paraît difficilement supportable. Il est donc nécessaire d’examiner cette question dans le cadre d’un plan de développement de la filière de la viande, et notamment de la filière du porc.

Dans la filière du lait, il existe des écarts considérables entre les coûts de production – j’en ai déjà parlé au cours de ce débat –, et ce alors que les exploitations peuvent n’être séparées que d’un kilomètre. Il faudra également trouver des solutions pour réduire ces écarts, dans le cadre d’un plan de développement de la filière. Sont-ils dus à une mécanisation excessive ou à une trop grande extension de l’exploitation ? Le quota laitier, fixé à 200 000 ou à 210 000 litres, est-il suffisant ?

S’agissant du calendrier, j’ai réuni hier pour la deuxième fois les DRAAF, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, au sujet de ces plans de développement. Elles m’ont fourni des éléments d’analyse complémentaires, qui nous permettront d’approfondir notre réflexion sur ce sujet. J’ai également rencontré toutes les organisations syndicales représentatives – je dis bien « toutes » – pour examiner l’évolution souhaitable de ces plans de développement. Je pense que, d’ici au mois de septembre prochain, nous pourrons mettre en place un certain nombre de ces plans, notamment dans la filière laitière où les besoins sont sans doute les plus importants.

Ces plans de développement iront bien sûr de pair avec des investissements, qui permettront de moderniser les filières, et des aides à la reconversion auxquelles, je le sais, le président du Sénat, M. Gérard Larcher, est particulièrement attaché – nous en avons longuement parlé ensemble –, de même que le rapporteur, Gérard César, et le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine. Il nous faudra apporter des réponses spécifiques aux attentes des agriculteurs, qui ne cessent de nous interroger en matière de formation, de reconversion et d’investissement. Les plans de développement permettront d’apporter sur tous ces sujets des réponses qui sont maintenant urgentes.

Je conclurai mon propos par une réflexion plus politique. Nous pouvons espérer que la conjoncture, dans un certain nombre de filières, sera meilleure en 2010 qu’elle ne l’a été en 2009. Par exemple, dans la filière du lait, les prix ont commencé à remonter depuis que la Commission européenne a enfin accepté, comme nous l’avions demandé, d’intervenir sur les marchés.

Or c’est justement au moment où la conjoncture est un peu plus favorable qu’il nous faut, loin de se satisfaire de la situation sans rien faire, prendre les décisions qui s’imposent dans le secteur agricole, y compris en matière d’aides à la reconversion.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le ministre, je partage tout à fait votre point de vue : ce projet de loi de modernisation de l’agriculture améliorera la sécurisation du revenu des agriculteurs, notamment dans le cadre des contrats et des assurances contre les aléas.

Mais une agriculture moderne peut se révéler fragile durant certaines périodes. Dès lors, les agriculteurs rencontrant des difficultés doivent pouvoir bénéficier d’un mécanisme d’aide.

Actuellement, il existe le dispositif AGRIDIFF, ou « agriculteurs en difficulté », dont l’appellation déplaît beaucoup aux exploitants agricoles, qui sont des chefs d’exploitation.

Cela étant, cette procédure est incontournable puisqu’elle s’accompagne d’une analyse technique et financière de l’exploitation agricole.

Dès lors qu’une reconversion est recommandée, celle-ci peut revêtir deux aspects : ou bien une réorientation de l’exploitation vers des productions offrant des perspectives de revenus à l’agriculteur, ou bien une reconversion de l’exploitant lui-même au moyen d’une formation.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un point que j’ai eu l’occasion d’aborder avec le président Gérard Larcher. Un certain nombre d’exploitations agricoles sont confrontées à des difficultés telles que, à un moment donné, elles ne procurent plus aucun revenu à l’agriculteur : ce dernier ne peut alors plus payer ses charges d’exploitation et ne dispose même plus des moyens lui permettant de faire vivre sa famille ! Certes, il existe la procédure AGRIDIFF, que j’évoquais à l’instant, mais il faut souligner que le revenu de solidarité active est totalement inadapté aux exploitants agricoles.

Il peut être psychologiquement très choquant, pour un exploitant, de devoir recourir à un dispositif dénommé « agriculteurs en difficulté ». Les termes ne sont pas anodins. C’est pourquoi je propose de mettre en place une structure que nous pourrions désigner par les termes « commission d’expertise sur l’avenir des exploitations agricoles », qui œuvrerait dans le même esprit que celui dans lequel a été mis en place le dispositif AGRIDIFF. Elle aurait vocation à tracer de nouvelles perspectives pour les agriculteurs, tout en continuant à leur offrir un support technique et financier. Elle pourrait par exemple aider les agriculteurs en difficultés à restructurer les dettes de leur exploitation en leur octroyant, peut-être pendant six mois, une aide mensuelle, ou bien leur dispenser des conseils techniques.

Nous devons être réactifs.

Mme la présidente. L'amendement n° 687, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’un amendement de suppression de gage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 687.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 bis, modifié.

(L'article 11 bis est adopté.)

Article 11 bis (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 11 ter (Nouveau)

Article additionnel après l'article 11 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 547 rectifié, présenté par MM. Tropeano et Collin, Mme Escoffier, MM. Alfonsi, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 11 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au 2° de l'article 438 du code général des impôts, le montant : « 3,55 » est remplacé par le montant « 1 ».

II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Robert Tropeano, vise à réduire le droit de circulation sur les vins, à défaut de pouvoir réduire à 5,5 % la TVA qui leur est applicable.

Au-delà de son objet, sans doute irréaliste, voire surréaliste, il est surtout l’occasion d’appeler votre attention, monsieur le ministre, sur les graves difficultés que connaît la viticulture, en particulier celle des régions méridionales.

En dépit des immenses efforts qu’elles ont engagés depuis quelques années en faveur de la qualité, désormais reconnue, de nombreuses exploitations sont en perdition avec des revenus qui ont chuté au cours des deux dernières années de 40 % à 60 %, voire plus encore dans l’Hérault. Les causes sont connues – baisse particulièrement sévère des exportations au bénéfice des autres vins européens, notamment italiens et espagnols, et de ceux du « Nouveau Monde », effondrement des prix, hausse des coûts de production – mais les solutions, malheureusement, le sont un peu moins.

Certes, les vignerons ont pu bénéficier de certaines des mesures du plan de soutien à l’agriculture, mais l’enveloppe allouée est loin de pouvoir satisfaire les demandes.

Sont-ils alors condamnés à l’arrachage ? En vingt ans, le Languedoc-Roussillon a déjà perdu plus de la moitié de ses vignes, dont certaines étaient ancrées dans ce terroir depuis le Moyen Âge. Cette région représente 76 % de la surface autorisée à l’arrachage lors des deux dernières campagnes, avec plus de 20 000 hectares arrachés. Quel gâchis !

Depuis des années, les viticulteurs se sont appliqués à améliorer leurs cépages, à changer leurs cuves, pour atteindre une technicité hors pair. Aujourd’hui, le Languedoc-Roussillon a les moyens de ses ambitions. La diversité et la complémentarité de ses vins, son image d’authenticité et la qualité de ses produits comptent parmi ses meilleurs atouts.

Ce système de primes à l’arrachage n’est-il pas absurde, monsieur le ministre ? On ferait mieux de financer les vignerons pour les maintenir sur leurs terres, pour les aider à moderniser. La viticulture a un rôle économique, touristique, paysager et écologique. Bientôt, il n’y aura plus que de la garrigue, et les incendies pourront courir de Montpellier à la mer !

Pourquoi avoir privilégié l’arrachage avec cessation d’activité et non l’arrachage ciblé des vignes les moins productives ? Bref, au moment où se négocie la réforme de l’Organisation commune de marché, cette question est stratégique, d’autant que la consommation mondiale semble remonter.

L’autre sujet qui inquiète la filière viticole française tient à la libéralisation des droits de plantation. Alors que, voilà quelques années, a été révélé le chiffre de 400 000 hectares de plantations illicites dans plusieurs pays du sud de l’Europe, comment admettre l’arrachage, qui est un crève-cœur pour beaucoup de viticulteurs français ? Va-t-on laisser faire n’importe quoi n’importe où ?

Monsieur le ministre, je vous rejoins sur la nécessité de renforcer la promotion de nos vins sur les marchés extérieurs. Il faut aider et encourager les acteurs de la filière à se regrouper et à investir, afin de mieux équilibrer l’offre à la demande et d’acquérir un poids et une visibilité réelle à l’exportation. De ce point de vue, les dispositions du projet de loi vont dans le bon sens.

Enfin, et je conclurai sur ce point, il doit certainement être possible, plutôt que de diaboliser le vin, fleuron de l’image et de la gastronomie française, de le valoriser tout en respectant les exigences de santé publique.

Le matin, alors qu’on est à jeun, est le meilleur moment pour parler sereinement de la qualité des vins français. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue, vous soulevez un réel problème.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a procédé à une revalorisation annuelle des tarifs des droits indirects sur les alcools et des droits de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels. S’agissant de ces derniers droits, il existe trois tarifs : 8,77 euros par hectolitre pour les vins mousseux, 3,55 euros par hectolitre pour les autres vins et 1,25 euro par hectolitre pour les cidres. Désormais, ils rapportent à l’État 115 millions d’euros par an.

Monsieur Collin, le coût budgétaire de la disposition que vous proposez serait très important.

M. Yvon Collin. Surréaliste ! (Sourires.)

M. Gérard César, rapporteur. En outre, je m’interroge sur la pertinence d’une réduction des droits de circulation sur les vins : le cas échéant, l’écart avec ceux qui sont applicables aux vins mousseux deviendrait important, cependant que ces droits seraient inférieurs à ceux qui sont applicables au cidre.

Même si, comme vous, je souhaite que nous puissions regagner des parts de marché à l’exportation, j’estime que l’adoption de cet amendement remettrait en cause l’ensemble du classement des boissons soumises à droits de circulation.

J’ajoute que Roland Courteau, Raymond Couderc et moi-même envisageons, dans le cadre du groupe d’études de la vigne et du vin, d’organiser au Sénat, au cours de l’automne, un colloque consacré aux bienfaits pour la santé d’une consommation modérée de vin – disant cela, je regarde notre collègue Mme Payet (Sourires.)… –, avec la présence de professeurs de médecine de tous horizons.

M. Yvon Collin. C’est reconnu depuis longtemps !

M. Gérard César, rapporteur. Comme vous le savez, l’Organisation mondiale de la santé recommande une consommation quotidienne de deux verres de vin pour les femmes et de trois verres pour les hommes.

Mme Isabelle Debré. Un verre pour les femmes !

M. Gérard César, rapporteur. Au final, je confirme à notre collègue Yvon Collin que son amendement est irréaliste. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même si le vin fait chanter, le Gouvernement émet malheureusement un avis défavorable sur cet amendement à 65 millions d’euros. Cette disposition serait trop coûteuse pour les finances publiques.

Je profite de cette occasion pour réitérer le soutien que le Gouvernement entend apporter à la filière vitivinicole, notamment dans votre département du Tarn-et-Garonne, monsieur Collin.

Par ailleurs, je répète que le Gouvernement français est totalement opposé à la libéralisation des droits de plantation, qu’il faut maintenir dans le cadre de la régulation européenne des marchés agricoles. Cette libéralisation entraînerait de très graves difficultés pour le secteur vitivinicole.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Même si je souscris à certains des propos de M. le rapporteur et de M. Collin, je ne voterai pas cet amendement. Autant le vin, lorsqu’il est consommé très modérément, peut sans doute être considéré comme un breuvage agréable bénéfique pour la santé, autant il peut se révéler particulièrement dangereux dans certains cas, notamment pour les femmes enceintes. Il est bon de le rappeler à l’approche de la fête des mères.

Ce n’est pas tant le montant des droits qui lui sont applicables qui est problématique que le prix souvent très abusif auquel est vendu le vin dans certains lieux de fête, notamment les restaurants.

M. Jean-Pierre Plancade. Il faut savoir mettre de l’eau dans son vin ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 547 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)