M. Jean-Pierre Plancade. Ainsi que mon excellent collègue et ami Gérard César le rappelait en fin d’après-midi, le groupe du RDSE, non pas têtu mais tenace, demeure favorable à l’assurance obligatoire.
Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué que, au fond, les agriculteurs n’en voulaient pas. Mais est-ce vraiment un argument ? Si vous demandiez aux automobilistes de ce pays s’ils veulent le maintien de l’assurance automobile obligatoire, je ne pense pas qu’ils vous répondraient tous oui avec enthousiasme !
Lorsque nous avions déposé une proposition de loi sur le sujet en 2008 – parce que notre groupe, comme d’autres, réfléchit à différents problèmes et s’efforce d’y trouver des solutions –, Daniel Soulage nous expliquait déjà qu’il n’était pas contre, mais que c’était tout de même difficile… Il a repris cet argument tout à l’heure, et Dieu sait s’il est expert dans ces questions.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, cher Daniel Soulage, je vous le dis : quand on aime on ne compte pas ! Or vous êtes en train de compter, et c’est aussi pour cette raison que nous proposons de rendre cette assurance obligatoire pour l’ensemble des agriculteurs. Je ne crois pas utile, en cet instant, de reprendre tous les arguments qui ont été brillamment développés en ce sens par divers collègues. (M. Jacques Mézard applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 546 rectifié, présenté par MM. Collin et Plancade, Mme Escoffier et MM. Fortassin et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
l'utilité ainsi que les modalités envisageables pour la mise en place, en réponse à des circonstances exceptionnelles,
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Je considère qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 421 rectifié, présenté par M. Carrère, Mmes Nicoux, Herviaux et Bourzai, MM. Guillaume, Botrel, Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
- à la mise en place d'un fonds de gestion des risques forestiers qui contribuerait au financement des aides au développement de l'assurance contre les dommages causés aux forêts privées et publiques, à l'indemnisation des calamités forestières et au soutien des actions de reconstitution des massifs.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je voudrais d’abord rendre hommage au ministre, à son esprit de décision et à sa grande compétence. Il a su convaincre ses collègues, en particulier ceux des finances, de la nécessité de mettre en place un mécanisme de réassurance publique.
Comme l’a souligné le président de la commission cet après-midi, c’est la première fois que nous voyons figurer une mesure relative à la réassurance publique dans un texte de loi.
Monsieur le ministre, je vous demanderai d’ailleurs de transmettre nos félicitations à Mme Lagarde. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Écoutez, chers collègues, je puis vous assurer que le président de la commission et moi-même – et j’associe Daniel Soulage, car nous avons fait bloc sur ce sujet au sein de la commission de l’économie – avons travaillé de manière très constructive sur ce dossier non seulement avec M. le ministre de l’agriculture, mais aussi avec Mme Lagarde et M. le ministre du budget. Il est en effet nécessaire, quand les capacités de la réassurance privée ne dépassent pas 700 millions d’euros, que les sinistres les plus importants soient couverts par une caisse de réassurance publique.
Je me félicite de la mise au point de cette troisième version de l’article 10. Il est en effet tout à fait pertinent, plutôt que de prévoir un simple rapport sur le développement de l’assurance récolte – chacun sait l’amour que j’ai pour les rapports ! – d’envisager plus concrètement les conditions et modalités d’un mécanisme de réassurance publique
La voie est ainsi ouverte à la définition d’un mécanisme de réassurance de nature à apaiser les inquiétudes de ceux qui craignent que le développement de l’assurance récolte ne bute sur un manque de réassurance.
Mes chers collègues, la commission est donc favorable à l’amendement n° 659, qui est fondamental
La commission n’a pas pu examiner le sous-amendement n° 680. Je m’exprimerai donc à titre personnel.
Ce sous-amendement précise avec raison que la réassurance prévue par l’amendement n° 659 concerne le secteur agricole, ce que, dans la précipitation, on a oublié de préciser. J’y suis donc favorable.
S’agissant du sous-amendement n° 681, je souligne que l’amendement du Gouvernement présente l’intérêt de tracer un cadre clair pour la définition d’un mécanisme de réassurance publique dans le secteur agricole. Autant on pouvait envisager d’étendre, dans une certaine mesure, le champ du rapport prévu à l’origine dans l’article 10 de ce projet de loi, autant il faut concentrer le dispositif maintenant proposé sur la réassurance publique et non le diluer dans des sujets sur lesquels il serait beaucoup moins opératoire. L’avis est donc défavorable.
Je suggérerai à M. Mirassou de rattacher sa proposition de créer un plan d’épargne forestière, contenue dans le sous-amendement n° 682, à l’un des articles consacrés à l’activité forestière. Je pense d’ailleurs que le dispositif proposé par la commission à l’article 16 bis le satisfera au moins en partie, car il apporte des réponses positives aux forestiers.
En tout cas, à l’article 10, le sous-amendement n° 682 me paraît mal placé, et j’émets un avis défavorable.
Je demande à M. Retailleau de bien vouloir retirer son sous-amendement n° 683. Je ne suis pas sûr qu’un rapport de plus sur l’indemnisation et la couverture des risques en agriculture apporterait grand-chose…
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 279, car il ne nous semble pas pertinent de faire appel à l’INRA pour la question de l’assurance climatique.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 163 rectifié, relatif au secteur de l’arboriculture fruitière. Ce dernier sera bien sûr traité dans l’étude sur la réassurance publique, de même que la viticulture et les autres secteurs. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de mentionner spécifiquement ce secteur, qui n’est pas le seul à faire l’objet d’une couverture insuffisante par les produits assurantiels.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 431, relatif à l’extension du champ du rapport aux soutiens publics nécessaires au développement de l’assurance récolte, car il vise à apporter une précision qui ne nous semble pas nécessaire. La question de la nécessité de soutiens publics étant évidemment incluse dans la mention des conditions du bon développement de l’assurance récolte.
Concernant l’amendement n° 545 rectifié, je pense, d’une part, que l’extension aux fourrages est l’un des principaux défis du développement de l’assurance récolte et, d’autre part, qu’il n’est pas encore temps de prévoir une obligation d’assurance, d’autant que cette obligation ne permettrait pas aux agriculteurs de bénéficier des aides européennes.
Comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre, en vertu de l’article 68 du « bilan de santé » de la PAC, l’Europe lie le financement des 100 millions d’euros au fait que l’assurance n’est pas obligatoire.
Le président de la commission et moi-même souhaitons surtout mutualiser le plus possible cette assurance aléas climatiques, de façon que les couvertures, en particulier pour les fourrages – mais en fait pour toutes les productions agricoles –, soient effectives.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Il en va de même en ce qui concerne l’amendement n° 546 rectifié.
Sur l’amendement n° 421 rectifié, la position de la commission est la même que celle que j’ai développée à propos du sous-amendement n° 682
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Si vous le permettez, monsieur le président, je me contenterai de donner l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements, mais, auparavant, je m’arrêterai très brièvement sur l’alternative entre assurance obligatoire et incitation à l’assurance.
À cet égard, je maintiens les deux arguments que j’ai déjà avancés.
Tout d’abord, les agriculteurs sont très largement défavorables à l’assurance obligatoire et, contrairement à ce qui a pu être dit, une telle position ne peut laisser le ministre de l’agriculture indifférent ; ou alors, autant dire qu’on légifère sans se soucier des demandes des citoyens !
Ensuite, s’agissant des règles communautaires, je voudrais apporter quelques précisions à Didier Guillaume, mais je demanderai à mon cabinet de lui transmettre une note détaillée sur le sujet.
L’article 68 du « bilan de santé » de la PAC, qui correspond au règlement (CE) n° 73/2009, permet l’utilisation de crédits communautaires pour la prise en charge des contrats d’assurance. Cette subvention communautaire s’élève à 100 millions d’euros pour la France.
Le règlement (CE) n° 639/2009 portant modalités d’exécution du règlement (CE) n° 73/2009 précise, en son article 4, que « le soutien spécifique ne saurait servir à couvrir les coûts liés au respect [des exigences légales] ».
Autrement dit, si vous faites de l’assurance une exigence légale, les mesures de soutien spécifique tombent, les 100 millions d’euros d’origine communautaire disparaissent. Sans être un juriste particulièrement expérimenté, je peux vous dire que le règlement du Conseil est, de ce point de vue, extrêmement clair.
M. Plancade a dit tout à l’heure : « Quand on aime, on ne compte pas ! » C’est là, certes, une belle formule ! Il reste que, en l’occurrence, les 100 millions d’euros en question seraient à la charge des agriculteurs, pas à celle l’État, qui n’a pas les moyens de les financer. Quand on aime, on ne compte pas, soit, mais c’est d’autant plus facile qu’il s’agit de l’argent des autres, en l’espèce, celui des agriculteurs…
Le sous-amendement n° 680 me paraît particulièrement opportun. Le Gouvernement y est favorable.
Il est, en revanche, défavorable au sous-amendement n° 681, qui restreint le champ d’une disposition que nous avons voulu aussi large que possible, valant pour toutes les filières.
Sur le sous-amendement n° 682, l’avis est également défavorable. Je vous propose, monsieur Mirassou, de traiter cette question de l’assurance forêt dans les articles 15 et suivants, qui sont relatifs à l’exploitation forestière.
Je vous suggère, monsieur Retailleau, de retirer votre sous-amendement n° 683, car nous voulons éviter de multiplier les rapports. Vous aurez noté que nous avons tenu à proposer, pour l’article 10, une rédaction dans laquelle ce terme n’apparaît plus.
M. le président. J’observe que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Monsieur Guillaume, le sous-amendement n° 681 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. Je le retire monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 681 est retiré.
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 682.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, vous nous avez donné rendez-vous cinq articles plus loin.
M. Gérard César, rapporteur. Je l’avais déjà suggéré !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais c’est M. le ministre qui a parlé en dernier ! N’en déduisez pas, monsieur le rapporteur, que la parole du ministre a plus de poids que la vôtre ! (Sourires.) Quoi qu’il en soit, j’attends avec impatience la discussion de l’article 15.
Je saisis cette occasion pour expliquer au passage que, les uns et les autres, nous avons évoqué des cas bien particuliers, des situations très précises. Pour ma part, j’ai essayé de décrire la situation des Landes, un des départements les plus vastes de notre pays. Je vous donne donc rendez-vous, monsieur le ministre, dans quelques minutes, en espérant qu’entre-temps, un avatar de la tempête Klaus n’y aura pas fait de nouveaux dégâts !
M. le président. Je crains que ce rendez-vous ne soit reporté à quelques heures ! (Sourires.)
Dans l’immédiat, je suppose, monsieur Mirassou, que vous retirez le sous-amendement…
M. Jean-Jacques Mirassou. Oui, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 682 est retiré.
Monsieur Retailleau, le sous-amendement n° 683 est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Je ne m’oppose pas d’emblée au retrait de ce sous-amendement, mais je voudrais que M. le ministre prenne un engagement. En effet, on ne dépose pas des sous-amendements pour se faire plaisir !
Pour une fois, une première dans notre histoire, on a constaté – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre – qu’un événement climatique particulièrement grave entraînait une perte de récoltes pour les années à venir. La reconnaissance du caractère très exceptionnel de cette calamité signifie-t-elle qu’on renonce à améliorer les mécanismes de solidarité et de garantie de qualité agricole ?
Monsieur le ministre, si vous prenez l’engagement que la catastrophe subie cette année par les agriculteurs sera prise en compte à l’avenir, alors, je veux bien retirer mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous rassure, monsieur Retailleau : la destination du Fonds national de garantie contre les risques agricoles, appelé à remplacer le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, va tout à fait dans le sens que vous évoquez.
Je veux bien m’engager à ce que, lors de la préparation des décrets d’application concernant la mise en place du nouveau fonds, nous examinions attentivement cette question très précise de la perte des récoltes futures, une hypothèse qui avait rarement été envisagée, mais qui pourrait se reproduire.
M. le président. Monsieur Retailleau, êtes-vous suffisamment rassuré pour retirer le sous-amendement n° 683 ?
M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 683 est retiré.
La parole est à Mme David, pour explication de vote sur l’amendement n° 659, modifié.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez souligné que, en voyant apparaître dans un projet de loi la notion de réassurance publique pour le secteur agricole, nous vivions un moment quasiment historique. J’en mesure toute l’importance.
Pour autant, l’ensemble des arguments que vous avez avancés ne nous ont pas complètement convaincus.
Monsieur le rapporteur, vous avez écrit que le rapport prévu par la commission à l’article 10 était très important en raison de la grande technicité des sujets qui y seraient traités. Or toute cette technicité disparaît dans la rédaction nouvelle proposée par le Gouvernement.
Non seulement elle disparaît, mais vous avez évoqué, monsieur le ministre, au sujet du mécanisme de réassurance publique, des « modalités formelles ». Qu’entendez-vous par là ? J’ai un peu de mal à imaginer que ces modalités formelles vont englober l’ensemble des domaines que devait préalablement couvrir le rapport prévu à l’article 10.
Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’un article court était sans doute plus efficace. La lecture de nos lois de finances m’inciterait à vous donner raison tant leurs articles sont longs et compliqués. Je persiste quand même à penser qu’il est important de pouvoir s’appuyer sur des articles de loi qui précisent bien les choses et les encadrent sur le plan juridique.
Par ailleurs, qui vous aidera à réaliser l’analyse vous permettant d’envisager ces modalités formelles du mécanisme de réassurance publique ? Je vous ai proposé de solliciter l’INRA, et je regrette de ne pas être suivie par M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Ce n’est pas le rôle de l’INRA !
Mme Annie David. Il est vrai qu’aujourd’hui l’INRA n’effectue pas ce type d’analyses pour le Gouvernement, mais il passe tout de même pour quatre ans un contrat d’objectifs. Pourquoi ne pas intégrer de telles études dans ses objectifs afin que cet institut public puisse éclairer le Gouvernement dans ses choix sur ces sujets.
Enfin, quelle place laisserez-vous à l’assurance privée ? Tout à l’heure, notre collègue Marie-Agnès Labarre vous a dit que nous étions favorables à une mutualisation et à un mécanisme de solidarité en ce qui concerne la réassurance.
Vous le voyez, monsieur le ministre, même si je mesure l’importance de cette inscription de la réassurance publique en matière agricole dans un texte législatif, j’ai un peu du mal à comprendre dans quelles conditions elle pourra se réaliser.
Notre collègue Gérard Le Cam n’étant pas à nos côtés, je ne prendrai pas une décision qu’il pourrait regretter. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 659.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Cette mesure franco-française de réassurance publique qui nous est proposée aujourd’hui me paraît aller dans le bon sens.
Je voudrais féliciter tous ceux qui ont œuvré pour que l’on s’engage dans cette voie : M. le ministre, M. le président de la commission, M. le rapporteur et M. Soulage, qui travaille sur ce dossier depuis un certain temps.
Cela étant, il est évident que la réassurance publique ne va pas tout résoudre. Ce qui permettra de changer réellement les choses, ce sont des prix rémunérateurs au niveau européen.
Il faut aussi savoir que, de toute façon, le système des calamités agricoles tel qu’il était ne pouvait plus fonctionner parce qu’il était excessivement complexe : ainsi, il fallait faire une moyenne sur cinq ans en enlevant l’année la plus forte et l’année la plus faible afin d’obtenir les 27 %. Sauf à se trouver dans une situation financière très dégradée, il était extrêmement difficile d’obtenir quoi que ce soit.
Je le répète, la mesure proposée va dans le bon sens, mais elle ne pourra être mise en œuvre que s’il existe une volonté politique européenne. Je demande donc à M. le ministre de continuer à agir pour la régulation des marchés, la préférence communautaire, le déblocage des restitutions à l’exportation et la remise en place des prix à l’intervention.
J’en profite pour vous livrer quelques éléments sur ce qui se passe aux États-Unis en termes de soutien public. Il est important de faire savoir à ceux qui suivent ce débat quelle est la situation réelle des agriculteurs américains, dont on pourrait dire qu’ils bénéficient d’un système « ceinture et bretelles » ! (Sourires.)
Aux aides directes découplées instituées en 1993 par le Farm Bill s’ajoutent des aides compensatoires en fonction d’un prix de référence qui assurent à chaque producteur un prix minimum pour chaque grande production végétale.
Il existe, en outre, des aides contra-cycliques variables, qui sont égales à la différence entre le prix effectif, c’est-à-dire le prix moyen du marché, et un objectif de prix qui est fixé dans la loi agricole.
À côté de tout cela, les assurances agricoles couvrent les variations de rendement ou de chiffre d’affaires et garantissent les producteurs contre toutes les calamités agricoles. Les primes sont financées à hauteur de 60 % par des fonds publics, l’État fédéral prenant également en charge les frais de gestion et les réassurances.
En somme, si un grand pas est franchi ce soir au niveau franco-français, au regard des mécanismes qui sont à l’œuvre outre-Atlantique, nous sommes des Lilliputiens ! Comment peut-on être compétitif quand les producteurs américains bénéficient de tous ces soutiens, d’une authentique assurance récolte, d’un chiffre d’affaires ou d’un rendement garanti quels que soient les aléas climatiques ?
J’aimerais savoir ce qu’en pense M. le ministre. Quelles solutions pense-t-il trouver à l’échelon européen pour essayer de maintenir la régulation des prix, qui est essentielle ?
Je voterai, bien sûr, l’amendement du Gouvernement, qui constitue incontestablement une avancée, mais il reste beaucoup de chemin à faire à la fois au niveau européen et au sein de l’OMC pour assurer notre compétitivité à l’échelle mondiale. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, je ne vous ferai qu’un reproche : vous êtes trop modeste ! Car nous assistons à un véritable événement ! Et cet événement apporte la preuve que ce texte est bien une loi de modernisation. Oui, aborder le problème de l’assurance pour tout ce qui touche à l’agriculture, récoltes comprises, cela relève bien de la modernisation, de même que l’engagement de l’État en matière de réassurance.
Il y a donc indéniablement une approche nouvelle, que vous avez su faire passer.
Rendons hommage à votre action, mais aussi à celle de la commission, de son rapporteur, de son président. Rendons hommage au travail de M. Soulage, qui se bat depuis longtemps.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’est pas le seul !
M. Jacques Blanc. Bien sûr ! Vous avez été nombreux à batailler, sur toutes les travées !
D’ailleurs, je trouve que le Sénat donne ce soir un bon exemple d’un travail positif.
Le ministre a accepté de prendre un engagement. Ce n’est pas toujours facile quand on est au Gouvernement !
M. Paul Raoult. Vous en savez quelque chose ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Il n’est pas plus facile d’obtenir aujourd'hui l’assentiment de Bercy que ça ne l’était, jadis, d’obtenir celui de la rue de Rivoli !
Il a fallu un travail approfondi pour parvenir à une proposition qui devrait déboucher, dans les six mois suivant la promulgation, sur la possibilité de développer l’assurance privée avec une réassurance publique.
Rendons aussi hommage à l’Europe, qui met tout de même 100 millions d’euros à notre disposition pour rendre l’adhésion à l’assurance plus attractive. On ne peut pas prétendre vouloir aller de l’avant et, dans le même temps, reprocher à l’Europe de penser qu’on peut faire confiance à nos agriculteurs !
Notre excellent collègue et ami Jean-Pierre Plancade disait que « quand on aime, on ne compte pas ». Pourtant, de temps en temps, il vaut quand même mieux compter un peu ! (Sourires.) Les agriculteurs, eux, ils comptent ! Et ils ont bien besoin de ces 100 millions d’euros qui viennent diminuer le montant de leurs cotisations !
Depuis le début de l’examen de ce texte, nous sommes en train d’élaborer un nouveau système, qui repose sur des approches nouvelles telles que les contrats ou l’agriculture d’entreprise. Il ne s’agit évidemment pas de grandes entreprises ! Quand on est l’élu d’un département comme la Lozère, on connaît l’importance des petites exploitations agricoles de montagne. Or ce sont justement elles qui ont besoin de cette sécurité nouvelle que nous leur permettons d’acquérir par un acte volontaire.
Les agriculteurs sont capables de percevoir l’intérêt qu’ils ont à s’assurer, quand ils le peuvent. Et ils le pourront d’autant mieux que ces crédits rendront le prix des assurances plus accessible !
Nous avons confiance dans le sens des responsabilités du chef d’entreprise qu’est l’agriculteur, quelle que soit la taille de son exploitation et bien qu’il soit confronté à une situation mondiale difficile. Au demeurant, ce n’est pas nouveau ! Les difficultés succèdent aux difficultés : je n’oublie pas que les États-Unis ont reproché aux Européens leurs interventions publiques en faveur de l’agriculture, alors qu’ils allaient, eux, encore bien plus loin en la matière !
Enfin, je souhaite remercier le ministre parce qu’il se bat pour la régulation et prend des positions fermes en matière de défense de la politique agricole commune. Il a osé, lui, défendre la préférence communautaire, qui était, avec l’unicité des prix, au fondement de la politique agricole commune, avant même qu’existe l’euro !
Les montants compensatoires monétaires, la libre circulation et la préférence communautaire étaient les trois piliers de la seule grande politique européenne, celle de notre agriculture. Et c’est la France qui porte cette volonté et ce message !
Même si la discussion a été franche, des amendements ont été adoptés, émanant d’ici ou de là, et j’ai le sentiment que nous donnons, avec cette loi de modernisation, un bon exemple de débat démocratique sur un texte important, qui doit redonner l’espérance à nos agriculteurs. En effet, nous avons besoin des agriculteurs dans notre pays : sans eux, il n’y aura ni aménagement du territoire ni cohésion territoriale. Alors, bravo pour ce que nous faisons ce soir ! (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Paul Raoult. Ça, c’était du pur Jacques Blanc !
M. Jacques Blanc. Du bon, j’espère !
M. Gérard César, rapporteur. De l’excellent Jacques Blanc, mon cher collègue ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. Je voudrais d’abord dire à mon ami Jean-Pierre Plancade, qui évoquait tout à l’heure l’assurance obligatoire, ainsi qu’à notre collègue Didier Guillaume, que je fais totalement miennes les réponses que leur a apportées M. le ministre.
Aujourd’hui, les agriculteurs ne sont pas franchement favorables à l’assurance obligatoire. Les échanges que j’ai eus dans mon département à ce sujet m’en ont convaincu. C’est sans doute regrettable, mais c’est ainsi ! Or notre mission, aujourd'hui, n’est pas de contraindre, mais de convaincre. Si nous y parvenons, peut-être les choses évolueront-elles dans le bon sens.
La remarque qu’a faite notre collègue Jacques Blanc est également à retenir. Si la situation économique de nos agriculteurs était meilleure, ils seraient probablement un peu moins réticents.
Quant à la position de Bruxelles, elle ne laisse pas place au doute : il est certain que, en instituant l’assurance obligatoire, nous perdrions les 100 millions d’euros.
Je voudrais maintenant revenir sur la question de la réassurance publique pour répéter que mes collègues et moi-même souhaitons la mise en place d’un système semblable à celui qui existe dans un grand nombre de pays.
Bien sûr, nous reconnaissons que la situation est très difficile, mais nous saluons le travail considérable que le ministre a accompli pour aboutir à une avancée.
Je suis et je reste un paysan. Je crois donc que, chaque fois qu’on peut faire un pas en avant, il faut le faire. Par conséquent, nous voterons l’amendement présenté par M. le ministre, même si nous aurions souhaité autre chose. Pour ma part, j’aurais préféré, monsieur le ministre, que vous renonciez à l’emploi du conditionnel. Mais nous faisons confiance à votre volonté d’aller réellement de l’avant.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Il est vrai qu’on peut se réjouir de la rédaction de cet article 10, et notamment de la mention d’un mécanisme de réassurance publique dans le secteur agricole. J’estime en effet que cette mesure peut marquer un progrès important vers un peu plus de solidarité vis-à-vis du monde agricole.
Toutefois, si l’on examine tous les problèmes que pose cette assurance, avant même d’en arriver à la réassurance publique, on touche à mon avis à un problème fondamental : comme l’observait M. Soulage, l’assurance récolte – ou l’assurance agricole – dépendra aussi du revenu des agriculteurs. On pourra faire tous les textes qu’on voudra, on peut souhaiter que cette assurance soit obligatoire – tout en maintenant la solidarité nationale, car elle reste essentielle à mes yeux –, tant que le revenu des agriculteurs ne sera pas suffisant pour leur permettre de vivre, il ne leur permettra pas non plus de s’assurer.
J’ai eu l’occasion d’assister, tout à fait par hasard, à une présentation par un agent d’un groupe d’assurance de ses produits à un agriculteur qui souhaitait obtenir des informations en vue de souscrire un contrat. Je peux vous dire que, lorsqu’un agriculteur n’a dégagé aucun bénéfice pendant plusieurs mois de suite et qu’on lui propose un contrat d’assurance dont la prime se situe encore, pour les quelques mois restants de l’année, aux alentours de 800 euros, ce n’est pas la peine d’aller plus loin : même s’il mesure les risques qu’il court en ne s’assurant pas, pour lui, il est hors de question de souscrire un contrat ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)