M. Rémy Pointereau. Cela signifie qu’il n’y a pas de prix !
M. le président. Monsieur Pointereau, qu’advient-il de votre amendement ?
M. Rémy Pointereau. Je le retire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), monsieur le président, mais je ne suis toujours pas convaincu, car il n’y aura pas de prix. Même si une marchandise fait l’objet d’un super bon de commande, avec toute la réglementation possible et imaginable, si, pendant une période donnée, cette marchandise est en excédent sur le marché, l’acheteur trouvera toujours le moyen de ne pas payer le prix qui convient. C’est la raison pour laquelle je souhaitais que soit prévu un prix indicatif.
M. le président. L’amendement n° 214 rectifié est retiré.
Monsieur Jarlier, qu’en est-il de l’amendement n° 509 rectifié ?
M. Pierre Jarlier. Je le retire, monsieur le président, bien que, comme M. Pointereau, je ne sois pas convaincu par ce qui vient de nous être dit. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Gérard Le Cam. Personne n’y croit !
M. Pierre Jarlier. Les « modalités de détermination du prix », ce n’est véritablement pas un prix minimum. Or, ce dont nos producteurs ont besoin, c’est d’un prix minimum à la commande.
M. le président. L’amendement n° 509 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié ter, présenté par MM. Pointereau, Pierre et Vasselle, Mme Des Esgaulx et MM. Cornu, Houel, Billard et Mayet, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 440-1 du chapitre préliminaire du titre IV du livre IV du code de commerce, il est inséré un article L. 440-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 440-2. - Le Gouvernement présente au Parlement un bilan annuel de la mise en œuvre du présent titre et de son impact sur le secteur agricole et agroalimentaire. Ce bilan est établi, notamment, sur la base des informations figurant dans le rapport d'activités visé à l'article L. 440-1 [rapport d'activité annuel de la Commission d'examen des pratiques commerciales], dans le rapport de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires visé à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, des pratiques commerciales et de la jurisprudence en la matière, ainsi que de l'intensité de la concurrence observée dans les zones de chalandise. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. La loi de modernisation de l'économie, ou LME, comporte en matière de négociations commerciales deux innovations majeures, en forme de contreparties : d'un côté, la libre négociation des tarifs des fournisseurs – avantage conféré aux commerçants – et, de l'autre, la réduction des délais de paiement des fournisseurs. Il faut rappeler que les agriculteurs sont parfois payés un an, voire dix-huit mois après la mise en culture de leur production. L'application de la LME aux campagnes commerciales devrait donc aboutir à de nouveaux équilibres dans les négociations.
Or les négociations commerciales en 2010 ont été plus difficiles que jamais : dates butoir insuffisamment respectées, interprétations abusives de la négociabilité des conditions générales de vente malgré les avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, la CEPC. Les fournisseurs, qu'il s'agisse des entreprises agricoles ou des PME du secteur agroalimentaire, subissent les effets économiques de ces dérives.
Ainsi que le Conseil économique, social et environnemental l'avait recommandé dans son avis de 2009 sur la formation des prix alimentaires, « il convient de mesurer les effets de la liberté de négociation sur les fournisseurs de l'amont, producteurs et industriels. Il faut également s'assurer d'une transmission réelle des réductions de prix jusqu'aux consommateurs. »
C'est pourquoi il est proposé que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement un bilan évaluant les incidences de la négociabilité des conditions générales de vente sur les secteurs agricoles et alimentaires, en s'appuyant sur les avis et recommandations émis par la CEPC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement ouvre le champ des rapports. Il est vrai que, par définition, je ne suis pas très favorable aux rapports, qui ont tendance à se mutiplier, encombrant nos étagères (M. Paul Raoult s’exclame.), et que personne ne lit car cela risquerait de faire voler la couche de poussière qui les enrobe.
M. Paul Raoult. C’est de l’anti-intellectualisme !
M. Gérard César. Je souhaite entendre au préalable le Gouvernement, car nous abordons, avec cet amendement, une série d’amendements sur la LME, et il serait intéressant de connaître la position du ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas ministre du commerce, je suis simplement ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, ce qui suffit largement à mes loisirs ! Par conséquent, nous ne souhaitons pas ouvrir le débat sur l’application en cours de la loi de modernisation de l’économie qui, elle, touche à d’autres sujets (M. Paul Raoult s’exclame de nouveau.), a d’autres effets et dont on a tiré un certain nombre de conséquences.
Je souhaite que l’on restreigne notre débat aux seules questions agricoles, et celles qui ont été soulevées sont des questions de fond. Le débat que nous aurons sur le renforcement de l’Observatoire des prix et des marges, sur les moyens dont il disposera, est important. C’est sur ces sujets qu’il faut se concentrer, au lieu d’ouvrir un autre débat totalement différent sur les pratiques commerciales, les délais de paiement et autres questions qui ne sont pas de mon ressort.
M. le président. Monsieur le ministre, s’agit-il d’une demande de retrait ?...
M. Rémy Pointereau. Sagesse ? (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Je demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel, sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je partage tout à fait la position du ministre. Le changement des règles de la LME concerne l’industrie agroalimentaire mais pas uniquement.
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche n’a pas vocation à modifier les règles du jeu dans les relations entre la distribution et l’ensemble des secteurs industriels.
Dans son rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi de modernisation de l'économie, notre collègue Mme Élisabeth Lamure préconisait d’abord de renforcer les contrôles afin de mieux faire appliquer la LME en ce qui concerne la négociabilité des conditions générales de vente, avant d’envisager des modifications législatives.
Le bilan de la LME n’est pas encore complet. Je rappelle que la convention unique n’existe que depuis mars 2009. Nous avons à peine une année de recul et je crois qu’il faudra, d’ici peu de temps – et Mme Lamure en est convaincue – refaire le point sur l’application de la LME, notamment pour ce qui est des règles de modernisation du commerce et de l’industrie.
M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 52 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Qu’un bilan soit fait est justement ce que je souhaitais en demandant ce rapport. Si Mme Lamure présente un amendement qui va dans le même sens que le mien, je lui laisserai la priorité puisqu’elle a rapporté la LME. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et M. Chatillon, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elles sont applicables de plein droit à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services d'une même catégorie à la date d'entrée en vigueur qu'elles indiquent. »
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Mon amendement a justement été cosigné par Mme Lamure ! Il est d'ailleurs consécutif au rapport qu’elle a établi. Nous avons beaucoup travaillé sur ces sujets, et la série d’amendements portant articles additionnels après l’article 4 que nous avons déposés tend à montrer qu’un problème d’application de la LME se pose.
Mme Nathalie Goulet. S’il n’y en avait qu’un…
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas l’ignorer, vous qui êtes parfaitement au fait de ces sujets, surtout après avoir travaillé à Matignon.
Cela étant, je comprends bien la position de M. le ministre de l’agriculture et de M. César, rapporteur de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Mais les amendements que nous avons déposés visent aussi à alerter, parce que les conditions générales de vente, les CGV, sont actuellement très fragilisées par une interprétation erronée, extrémiste, dirai-je même, de la LME.
Les fournisseurs sont de plus en plus confrontés à des conditions générales de vente dérogatoires, des demandes de report, voire des refus d'appliquer le tarif de l'année sur la base duquel ont été négociés et conclus les accords commerciaux.
L'objectif de la LME, qui était de garantir une négociation commerciale équilibrée à partir d'un socle commun à tous les clients, est donc détourné.
Comment garantir un revenu décent à la filière amont –et cela concerne particulièrement le milieu agricole – lorsque, en aval, le tarif n’est pas appliqué dans la majorité des cas ?
Il apparaît donc, selon moi, nécessaire de réaffirmer que les CGV constituent le socle incontournable de la négociation commerciale à partir desquelles peut s'ouvrir une négociation commerciale avec l'acheteur. C’est vraiment très important.
Je sais bien que cela vous pose un problème, monsieur le ministre, parce que vous n’êtes pas en charge du commerce. Mais cela pose aussi un problème à l’ensemble des fournisseurs, qui, face à quatre ou cinq centrales d’achat, sont très nombreux. La disproportion qui caractérise le rapport des forces justifie que l’on intervienne. Ce projet de loi est l’occasion d’adresser un signe fort à l’ensemble des producteurs et des fournisseurs pour leur dire que cela suffit, que la loi ne doit plus être ainsi bafouée.
M. Gérard Bailly. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Gérard Cornu, par cet amendement, ainsi que par ceux qui vont suivre, qui sont également relatifs à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, soulève un vrai sujet.
En effet, le rééquilibrage des relations entre fournisseurs et distributeurs, qui était un des objectifs de la LME, comme vient de le rappeler Gérard Cornu, ne semble pas avoir été pleinement atteint.
Les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs demeurent marquées du sceau du déséquilibre.
Néanmoins, il apparaît que les modifications des conditions générales de vente dans le sens de leur renforcement dépassent largement le cadre des relations commerciales dans le secteur agricole, qui est l’objet même de cette loi.
Le bilan de l’application de la loi de modernisation de l’économie n’est pas encore complet. En effet, le groupe sénatorial chargé du suivi de la LME avait, dans son rapport, indiqué qu’il serait souhaitable de légiférer à nouveau sur cette question mais seulement après qu’un véritable contrôle aura été mis en place et aura permis d’établir un bilan complet.
C’est la raison pour laquelle j’ai répondu tout à l’heure à Rémy Pointereau que ce bilan était en cours et qu’il était nécessaire que Mme Lamure ou un autre de nos collègues de la commission de l’économie puisse refaire le point sur l’application de la LME, car c’est un vrai problème qui est posé aujourd’hui.
Monsieur le ministre, là encore, je souhaite connaître votre point de vue, étant rappelé que vous n’êtes pas ministre du commerce et de l’artisanat, comme vous l’avez fort opportunément souligné.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Cornu, rouvrir le chantier de la LME pose au ministre de l’agriculture que je suis un vrai problème de principe. Comme vous l’avez dit vous-même, j’ai suffisamment travaillé sur ces sujets dans d’autres fonctions pour ne pas ignorer les problèmes que posent les conditions générales de vente et le déséquilibre existant dans le rapport de force entre les uns et les autres.
La LME, qui a été bien portée par Hervé Novelli, avec le soutien de Christine Lagarde, a permis d’améliorer les choses. Donc, rouvrir l’un des points déjà traités me pose un vrai problème de principe.
M. le président. Monsieur Cornu, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Certes, il est normal que cela pose au ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche un vrai problème, mais nous sommes là aussi pour légiférer. Il n’est pas rare que, lors de l’examen de certains projets de loi, nous tentions, afin d’améliorer certains dispositifs, de faire passer quelques « cavaliers ». Notre rôle de législateur est d’être quand même à l’écoute du terrain, en l’occurrence des fournisseurs, qui sont confrontés à un grave problème.
Je retire mon amendement,…
Mme Évelyne Didier. C’est dommage !
M. Gérard Cornu. … mais, j’y insiste, il faut régler ce problème, car, vraiment, cela suffit.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et M. Chatillon, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au septième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, après le mot : « vente », sont insérés les mots : « justifiées par des contreparties concrètes et vérifiables de ce dernier, ».
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Marc Daunis. Autant le retirer tout de suite !
M. Gérard Cornu. Effectivement ! Si j’ai bien compris, il n’est pas fait montre d’ouverture en ce qui concerne la LME. Je retire donc mon amendement, cela nous fera gagner du temps !
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.
L'amendement n° 141 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au septième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, après les mots : « conditions particulières de vente », sont insérés les mots : « justifiées par la spécificité des services rendus ».
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, mes chers collègues, je le signale d’emblée, il y a très peu de chance que nous retirions notre amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Nous allons vous rendre service, monsieur le ministre, en faisant en sorte que la fameuse LME ne contamine pas la LMA.
En effet, notre amendement tend à apporter des corrections à l’article L. 441-6 du code de commerce, qui a été modifié par la loi de modernisation de l’économie.
Faut-il le rappeler, le groupe socialiste s’est toujours opposé à cette loi présentée il y a seulement deux ans par la majorité actuelle. Sous couvert de suppression des marges arrière, la LME a facilité la négociation de « marges avant », tout aussi opaques. Par la suppression du délit de pratiques discriminatoires, les tarifs du vendeur sont rendus librement négociables. L’acheteur peut donc se faire octroyer des avantages financiers sans justifier de contreparties réelles.
C’est bien la LME qui a entériné cette décision, puisque les services rendus par le client devaient auparavant justifier l’octroi des conditions particulières de vente. Et c’était bien l’objectif de cette loi de faire sauter tous les verrous au nom de la concurrence libre et non faussée. À l’époque, le Gouvernement affichait sa volonté de faire baisser les prix en prétendant augmenter – de manière artificielle ! – le pouvoir d’achat des ménages.
Deux ans plus tard, nous voyons les résultats de cette politique : d’un côté, des prix à la consommation qui n’ont pas baissé, voire qui ont augmenté, et, de l’autre, des fournisseurs – entreprises de l’agroalimentaire et producteurs agricoles – pressurés. Les deux extrémités de la chaîne alimentaire en ont pâti.
Les premiers bilans de la mise en application des dispositions de la LME relatives aux relations commerciales sont critiques : les relations commerciales se sont détériorées, les fournisseurs disposant d’encore moins de pouvoir de négociation et n’osant pas dénoncer les abus par peur d’être disqualifiés du marché. Il y a quelques mois, le Gouvernement a d’ailleurs assigné devant le juge neuf enseignes dont les pratiques et les contrats se sont révélés abusifs.
Le rapport de Mme Lamure au Sénat ou celui de MM. Ollier et Gaubert à l’Assemblée nationale soulignent que, dans la pratique, « les conditions d’achat » du distributeur se substituent purement et simplement aux conditions générales de vente et que les conditions particulières de vente permettent d’exercer une pression sur les fournisseurs, dans la mesure où le distributeur peut faire valoir ses prétentions particulières dans une relative opacité.
Ils notent aussi que des pratiques illégales se développent, comme l’obligation faite par les distributeurs à leurs fournisseurs de signer des contrats assortis de clause de garanties de marges ou de demandes de compensations financières, afin de s’aligner sur les prix du concurrent.
Mais comment pouvait-il en être autrement dans un secteur commercial où dominent, cela a été évoqué à plusieurs reprises, cinq ou six grosses centrales d’achat ?
Nous vous avions pourtant mis en garde il y a deux ans contre cette libéralisation sans encadrement des négociations commerciales, qui s’apparente à la loi du plus fort.
Nous vous proposons donc aujourd’hui, monsieur le ministre, en quelque sorte une session de rattrapage, la session de septembre. (Mme Patricia Schillinger s’esclaffe.) Comme en 2008, nous vous demandons de préciser que « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services, de conditions particulières de vente justifiées par la spécificité des services rendus ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Ma démarche sera la même que voilà quelques instants : mêmes causes, mêmes effets. Nous aurons, j’en suis certain, un débat dans cet hémicycle pour faire le point sur la LME et examiner les difficultés qu’elle soulève. Ce débat pourra en particulier être animé par Mme Lamure, si elle est choisie par le président de la commission de l’économie pour approfondir cette question.
Je ne m’en remets pas à la sagesse du ministre de l’agriculture, car, nous l’avons bien dit, c’est le ministre du commerce et de l’artisanat qui est compétent en la matière.
Si l’amendement est maintenu, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je maintiens bien sûr mon amendement. J’observe que la non-réponse du ministre et du rapporteur revient à reconnaître tacitement les dysfonctionnements que j’évoquais. Monsieur le ministre, vous n’arriverez pas plus à vous débarrasser de la LME que le capitaine Haddock de son sparadrap ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, il ne me semble pas très correct de refuser de répondre à la question qui vous est posée en vous défaussant sur un autre membre du Gouvernement ! Nous le savons très bien, le revenu des agriculteurs dépend forcément de la capacité à négocier avec les industriels et les centrales d’achat.
La LMA et la LME, c’est du pareil au même ! La LMA va dériver comme la LME et connaîtra le même échec.
Mme Jacqueline Panis. C’est votre point de vue !
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, puisque vous ne voulez pas contrôler les prix et les volumes, la négociation devra se faire avec les 4 ou 5 centrales d’achat. Pour prendre un exemple que je connais assez bien, la coopérative laitière Yoplait-Candia, en concurrence avec Danone, a engagé avec les grands groupes de la distribution une négociation, qui s’est avérée difficile, et a finalement été obligée de « casser » les prix.
Quand Aldi et Lidl sont arrivés, Yoplait-Candia a, dans un premier temps, refusé de leur vendre du lait sans sa marque. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Danone ayant accepté, Yoplait-Candia a dû s’aligner et vendre plus de 40 % de son lait, sans marque, à ces deux enseignes, à un prix encore plus bas.
La LMA n’apporte aucune solution à ce problème. Que peuvent des coopératives face à Carrefour, Auchan, Lidl ou Aldi ? La loi que nous élaborons restera lettre morte.
Monsieur le ministre, en Nouvelle-Zélande, une seule coopérative collecte 98 % du lait. C’est la même chose dans les pays scandinaves : au Danemark, il y a un seul collecteur qui négocie. À nous, on interdit de se grouper à plus de 400 producteurs, car nous serions alors en infraction aux règles du droit de la concurrence.
Nous devrions être tous traités de la même façon, alors qu’aujourd'hui les situations sont très différentes selon les pays. Les Allemands vendent leur lait en Europe, en France notamment, et non à l’extérieur, pour gagner des parts de marché sur le marché européen – tout comme d’ailleurs dans le secteur industriel, pour diverses raisons, sociales et économiques. C’est bien le signe que la politique européenne pose problème.
Monsieur le ministre, vous n’échapperez pas à cette question, à laquelle nous devons réfléchir, car, pour que les agriculteurs aient des revenus corrects, il faudra bien maîtriser les volumes et les prix aux niveaux européen et national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Jacqueline Panis. En Allemagne, il n’y a pas les 35 heures !
M. Gérard Bailly. Eh oui, il n’y a pas les 35 heures !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Mon amendement est très proche de celui du groupe socialiste, mais, je tiens à le préciser, nos positions sont totalement divergentes.
Chers collègues de l’opposition, vous n’avez pas voté la LME. Vous auriez pourtant dû le faire, car c’est une excellente loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous vouliez combattre les marges arrière : nous l’avons fait. Vous le savez, elles ont quasiment disparu.
Le seul problème qui continue de se poser est celui de l’application de la loi. Actuellement, certains groupes s’autorisent à ne pas appliquer la LME, en ce qui concerne aussi bien les conditions générales de vente, les CGV, que les conditions particulières de vente, les CPV. (M. Gérard Le Cam s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, nous avons, le 12 janvier dernier, ici même, fait le point sur la LME. Excepté une modeste intervention de ma part qui portait sur RFI, le débat a concerné le statut de l’auto-entrepreneur. Il est vraiment dommage que toutes les observations faites aujourd'hui par les uns et les autres n’aient pas été formulées à cette occasion, lors du contrôle parlementaire de la loi. D’autant que M. Hervé Novelli s’est toujours montré extrêmement ouvert sur la question des ajustements qui pourraient être apportés à ce texte.
Les amendements présentés de part et d’autre de l’hémicycle sont tout à fait légitimes. Il faudra les représenter à la première occasion, dans l’une des prochaines navettes, même si notre ordre du jour est déjà très chargé.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, nous faisons tous dans cet hémicycle le même constat : la LME est contournée, elle ne joue pas son rôle. Pour notre part, nous pensons que nous avons vraiment bien fait de ne pas la voter, parce que les arguments avancés à l’époque sont ceux que nous retrouvons aujourd'hui.
Par ailleurs, si les 35 heures expliquent les problèmes de l’agriculture française, pourquoi ne pas les avoir supprimées, alors que vos amis et vous-mêmes êtes au pouvoir depuis 2002 ? Ce n’est pas la peine de faire la LMAP ! Soyons sérieux, le différentiel de prix entre l’Allemagne et la France ne s’explique en réalité que pour 5 % ou 6 % par les 35 heures. Il ne faut pas lancer des arguments sans fondement. (Mme Esther Sittler s’exclame.)
M. le ministre et M. le rapporteur nous disent que la LME, c’est un autre problème, qui sera abordé plus tard. Certes, mais il est impossible d’examiner la LMAP sans traiter parallèlement la LME. Sans cela, soit nous faisons fausse route, soit notre travail ne servira à rien.
Qui plus est, monsieur Le Maire, vous êtes certes le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, mais vous êtes également un membre du gouvernement de M. Fillon et donc, à ce titre, un ministre transversal. Vous pouvez porter de nombreux sujets, comme les retraites, les déficits, l’éducation, l’économie.
M. Gérard Cornu. Il n’est pas encore Premier ministre !
M. Didier Guillaume. Je comprends bien que cette situation peut vous poser problème eu égard à la « subsidiarité » institutionnelle entre collègues. Si cela est possible, peut-être faudrait-il faire venir ici Hervé Novelli, comme le suggère notre collègue Nathalie Goulet.
Je comprends tout à fait que notre collègue Gérard Cornu ait retiré son amendement par solidarité majoritaire, car cela lui a été demandé par le Gouvernement. Mais nous devons aller plus loin dans la réflexion. Selon nous, ne pas aborder dans ce projet de loi la refondation, ou la revoyure, de la LME serait une grossière erreur. En effet, tout ce que nous pourrons dire aujourd'hui pourra être contrecarré demain. Je le répète, la LME est complètement contournée. Elle n’est pas adaptée à la réalité des faits, ce qui pose un réel problème économique.
Cela a été excellemment souligné tout à l’heure par Paul Raoult, la question qui se pose est celle de l’agriculture que nous voulons demain. Voulons-nous garder notre tradition agricole française, qui est faite, vous l’avez tous évoqué, mes chers collègues, de multifonctionnalités, de polycultures, de petites entreprises agricoles comme de grands groupes agricoles performants et concurrentiels au niveau européen et mondial ?
Nous, nous pensons qu’il faut les deux.
Notre agriculture est compétitive, mais elle doit l’être davantage, peut-être grâce à la LMAP, en allant gagner des parts de marché en Europe et dans le reste du monde. C’est indispensable. Voilà pourquoi il faut de grandes structures.
Dans le même temps, si le Cantal, le Gers, la Drôme ou d’autres départements…
Mme Nathalie Goulet. L’Orne !