M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite répondre à Mme le ministre d’État qui a fait allusion à ma démarche.
Dans le face à face entre le magistrat et l’avocat membre du CSM, c’est aussi l’indépendance du magistrat qui est en cause.
L’impartialité d’apparence, qui doit absolument s’ajouter à l’impartialité de fond, nous renvoie à ce face à face de l’avocat qui plaide pour son client, et non dans l’intérêt général, et du magistrat, susceptible de voir sa carrière en partie mise en cause par l’avocat. C’est là que se pose le problème de l’impartialité.
Le risque d’une invalidation au titre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est beaucoup plus important que le risque d’inconstitutionnalité.
La volonté du constituant de prévoir la présence d’un avocat est totalement indiscutable, Adrien Gouteyron a eu raison de le signaler. Mais elle ne doit porter atteinte à l’impartialité nécessaire à la justice.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
(Mme Monique Papon remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Article 6 bis
Après l’article 10 de la même loi organique, sont insérés deux articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés :
« Art. 10-1. – Les membres du Conseil supérieur exercent leur mission dans le respect des exigences d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et de dignité. Ils veillent au respect de ces mêmes exigences par les personnes dont ils s’attachent les services dans l’exercice de leurs fonctions.
« Saisie par le président d’une des formations du Conseil supérieur de la magistrature, la formation plénière apprécie, à la majorité des membres la composant, si l’un des membres du Conseil supérieur a manqué aux obligations mentionnées à l’alinéa précédent. Dans l’affirmative, elle prononce, selon la gravité du manquement, sa suspension temporaire ou sa démission d’office.
« Art. 10-2. – Aucun membre du Conseil supérieur ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires sur une affaire lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d’un doute l’impartialité de la décision rendue.
« La formation à laquelle l’affaire est soumise veille au respect de cette exigence, en décidant, sur saisine de son président, à la majorité des membres la composant, le déport du membre concerné. »
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
sont insérés deux articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés
par les mots :
est inséré un article 10-1 ainsi rédigé
II. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun membre du Conseil supérieur de la magistrature ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires sur une affaire lorsque sa présence ou sa participation pourrait entacher d'un doute l'impartialité de la décision rendue.
III. – Alinéa 3
1° Première phrase
Remplacer les mots :
à l'alinéa précédent
par les mots :
aux alinéas précédents
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
prononce, selon la gravité du manquement, sa suspension temporaire ou
par les mots :
peut prononcer
IV. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. La commission des lois a réécrit l’article 6 bis du projet de loi. Je propose de modifier sa rédaction sur deux points.
Il s’agit, d’une part, de limiter à la démission d'office la sanction applicable à un membre du Conseil supérieur de la magistrature qui aurait manqué à ses obligations déontologiques ou aux règles de déport.
La sanction de suspension temporaire me paraît inadaptée au fonctionnement d’un organisme tel que le CSM. Il me semble qu’un membre sanctionné pour avoir méconnu des obligations déontologiques ne saurait, ensuite, participer aux délibérations, sauf à risquer d’entacher l’autorité même de l’institution. Je fais en outre remarquer que, au Conseil constitutionnel, la sanction est la démission d’office. En la matière, je crois vraiment préférable d’aller jusqu’au caractère définitif de la sanction et je ne vois pas comment la sanction temporaire pourrait être envisageable.
Il s’agit, d’autre part, de supprimer la possibilité pour les formations du CSM d’imposer le déport d’un de leurs membres, et cela pour la même raison que précédemment : le risque de déstabilisation du membre du Conseil et de l’institution.
Le mécanisme proposé par la commission des lois fait en effet courir un risque de « décrédibilisation » du membre du Conseil, exclu contre sa volonté, ce qui est tout de même très lourd. On retrouve le même problème : qu’en est-il de l’autorité des décisions prises si, par la suite, il revient ?
C’est la raison pour laquelle, tout en comprenant et en acceptant la nouvelle rédaction, je propose ces deux modifications susceptibles de simplifier le dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le travail du rapporteur est souvent un travail bien ingrat ! Je m’y plierai néanmoins, madame la présidente ! (Sourires.)
L’amendement du Gouvernement présente deux objets.
En premier lieu, il vise à supprimer la sanction de suspension temporaire, au motif qu’elle serait trop légère, que seule la démission d’office serait une sanction adéquate à un manquement aux obligations déontologiques.
Or il apparaît à la commission que toutes les violations d’obligations déontologiques ne se valent pas. Certaines peuvent être même commises de bonne foi : par exemple, on peut simplement oublier que l’on a eu partie liée à telle ou telle circonstance et que l’on a été amené à prendre position.
Il faut, selon nous, réserver à la formation plénière du CSM la faculté d’apprécier si un manquement mineur relève d’une erreur non intentionnelle, qui ne devrait être sanctionnée, à titre d’avertissement, que par une suspension temporaire. Nous pensons même que, à défaut, la formation plénière risquerait de refuser de prononcer la démission d’office du membre ayant involontairement, et sur un point mineur, manqué aux obligations de sa charge, laissant paradoxalement ce manquement non sanctionné. Sous la IIIe ou la IVe République, madame le garde des sceaux, on aurait parlé de marteau-pilon pour écraser une mouche ! (Sourires.)
En second lieu, l’amendement vise à supprimer la procédure qui prévoit que la formation compétente pourra décider le déport d’un de ses membres, au motif qu’elle serait unique et qu’elle emporterait un risque de « décrédibilisation » de l’institution. Il nous semble néanmoins judicieux de maintenir le dispositif proposé.
Je note tout d’abord que, si la récusation d’un juge est en principe décidée par une instance tierce, un tel schéma n’est pas envisageable pour une instance située hors de toute hiérarchie, tel le Conseil supérieur de la magistrature.
De plus, il est absolument nécessaire de donner au CSM les moyens d’écarter un membre qui refuserait de se déporter. Et nous ne sommes plus là dans les hypothèses d’école !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh non !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les auditions auxquelles j’ai procédé l’ont bien montré, le CSM s’est trouvé à diverses reprises devant ce type de situation.
Tous les cas de déport ne sont pas évidents, et il est tout à fait possible qu’un membre refuse de bonne foi de se déporter et reçoive le soutien de plusieurs autres membres. Seule une décision rendue à la majorité permettra d’établir la nécessité ou non du déport.
Par ailleurs, la question du déport ne peut se régler exclusivement avec la sanction de la démission d’office. En effet, pour qu’elle intervienne, il faut que le membre ait effectivement manqué à son obligation déontologique et qu’il ait participé à l’examen ou à la délibération de l’affaire pour laquelle il aurait dû se déporter. Or cette participation entachera d’un doute l’impartialité de la décision rendue dans l’affaire en cause. Faute de disposer d’une intervention a priori, le CSM exposerait sa décision à la contestation, même si, a posteriori, le manquement constaté venait à être sanctionné.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission des lois est défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Michel, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
d'impartialité
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et d'intégrité.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Notre rapporteur, M. Lecerf, avait introduit dans le texte un certain nombre de qualités dont devaient être dotés les membres du CSM. M. Houillon, rapporteur à l’Assemblée nationale, a rappelé que les trois notions d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité, intégrées au texte par le Sénat, correspondaient aux principes fondamentaux de la déontologie judiciaire telle qu’elle avait été dégagée par l’Institut des hautes études sur la justice.
Or, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, avait souhaité que l’on remplace l’exigence d’intégrité par celle de dignité. Comme le font souvent les parlementaires, les députés, ne voulant ni faire de peine à M. Nadal ni renoncer à leur texte, ont gardé le terme d’intégrité et ont ajouté celui de dignité ! (Sourires.)
Par cet amendement, je vous propose de supprimer le mot « dignité », car je ne sais pas ce que, en l’espèce, il signifie. On peut être digne lorsque l’on est condamné par un tribunal ou par une cour d’assises. D’ailleurs les journaux le disent, et aujourd’hui encore : telle haute personnalité se montre « digne » devant la Cour de justice de la République. Est-elle pour autant « digne » d’être membre du Conseil supérieur de la magistrature ? Si elle est intègre, impartiale et indépendante, oui !
Bref, je crois que, ici, le mot « dignité » n’a aucun sens et je propose de le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’Assemblée nationale a ajouté aux exigences déontologiques l’exigence de dignité. Cela trouve vraisemblablement son origine dans le serment prêté par les magistrats de « se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat ».
La dignité ne peut qu’ajouter à l’autorité morale de l’institution. Et, si vous me permettez cette boutade, la dignité devrait, par exemple, éviter que l’on emprunte la carte bleue d’un collègue pour aller se distraire ! (Sourires.)
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Même avis.
J’ajoute que la notion de dignité se trouve dans l’ordonnance portant statut des magistrats, où elle est citée à trois reprises.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6 bis.
(L'article 6 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 6 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 15 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Nul ne peut participer aux nominations de la juridiction dont il est membre. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 7
(Non modifié)
L’article 11 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature est nommé par décret du Président de la République sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour parmi les magistrats justifiant de sept ans de services effectifs en qualité de magistrat. Il est placé en position de détachement et ne peut exercer aucune autre fonction. Il est désigné pour la durée du mandat des membres du Conseil supérieur et peut être renouvelé une fois dans ses fonctions. » ;
2° Au troisième alinéa, après le mot : « secrétariat », est inséré le mot : « général ».
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
ladite cour
insérer les mots :
, après avis conforme de la formation plénière,
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 7 prévoit la nomination du secrétaire général du CSM par le Président de la République, sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette même cour.
Nous considérons que sa désignation doit faire l’objet d’un avis conforme de la formation plénière du CSM. Les modalités de nomination inscrites à l’article 7 donnent trop de place à la décision du Président de la République. Elles vont à l’encontre de la nécessaire indépendance du CSM.
Le rôle de son secrétaire général est important au regard de la place qu’occupe cette institution, dont l’autorité doit être renforcée. Il serait inopportun qu’elle soit entachée par une nomination n’impliquant pas l’ensemble du CSM.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En première lecture, le Sénat avait prévu que la formation plénière rendrait un avis simple et non un avis conforme sur la proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour de nomination du secrétaire général. L’Assemblée nationale a supprimé cet avis simple au motif qu’une telle compétence n’est pas prévue par la Constitution.
Prenant en considération cet argument, la commission des lois n’est pas revenue sur cette suppression, estimant que, selon toute vraisemblance, la proposition conjointe formulée par les deux présidents de formation du CSM sera convenable et visera à garantir la nomination d’un secrétaire général susceptible de travailler efficacement, sous l’autorité des deux présidents, avec chacun des membres du CSM.
La commission ne peut être que défavorable à cet amendement, même si elle est parfaitement consciente de l’importance de la fonction du secrétaire général.
Il est d’ailleurs déjà parfois relativement difficile d’obtenir une proposition conjointe du premier président et du procureur général. Si l’on ajoute un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, cela deviendra extrêmement compliqué !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Comme le rapporteur, j’estime que le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour sont parfaitement qualifiés pour proposer, surtout s’ils le font conjointement, le candidat dont le profil correspond le mieux à la fonction.
Pourquoi veut-on absolument renforcer l’autorité du secrétaire général, qui, en réalité, a des pouvoirs de gestion et d’administration, mais ne dispose d’aucun pouvoir de décision ? Ce serait vouloir rendre considérable une fonction de soutien certes très importante, mais qui n’est pas stratégique au regard des décisions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, le secrétaire général du CSM dispose tout de même d’un très grand pouvoir au sein de cette institution ! La preuve en est qu’un certain nombre de ceux qui ont exercé cette fonction ont mené par la suite des carrières très brillantes, comme Mme Simone Veil, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, notre ancien collègue Hubert Haenel, qui est désormais membre du Conseil constitutionnel, et j’en passe !
C’est le secrétaire général qui fixe l’ordre du jour du CSM, en accord avec le directeur des services judiciaires, dont il est le bras armé au sein de cette institution. Tout le monde le sait ! Tenons donc compte du fonctionnement réel du CSM !
Entourer de certaines garanties la nomination de son secrétaire général me semblait aller de soi. Vous ne souhaitez pas, néanmoins, vous engager dans cette voie : tant pis !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis
L’article 12 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 12. – L’autonomie budgétaire du Conseil supérieur est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances. »
Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il s’agit d’un amendement que nous avons déjà évoqué, en quelque sorte par anticipation.
Je partage avec le rapporteur et la commission des lois l’objectif de garantir les crédits nécessaires au fonctionnement du CSM et de permettre à ce dernier d’en disposer pour accomplir ses missions. Toutefois, nous ne nous accordons pas nécessairement sur la meilleure façon d’assurer l’autonomie du CSM dans l’utilisation effective de ces crédits.
Je considère pour ma part, et l’Assemblée nationale en a également jugé ainsi, que l’autonomie budgétaire est déjà assurée dans le cadre actuel. Les actions menées par le Conseil supérieur de la magistrature ainsi que les moyens qui lui sont alloués sont clairement identifiés au sein du programme 166, et le Conseil est totalement maître de l’utilisation de ses crédits.
La commission des lois, elle, entend rapprocher le Conseil supérieur de la magistrature d’autres institutions qui représentent également un certain pouvoir. Or celles-ci ne se trouvent pas exactement dans la même situation que le CSM.
Mais je crains surtout, ainsi que je l’ai déjà dit, que le CSM ne dispose pas d’un poids suffisant pour défendre son budget, qui est de plus relativement limité. Maintenir les crédits du Conseil supérieur de la magistrature au sein du programme où ils figurent actuellement, c’est donc les protéger. Les crédits dévolus au CSM bénéficient en outre ainsi d’une garantie supplémentaire dans la mesure où ce programme est examiné chaque année par le Sénat et par l’Assemblée nationale.
J’entends bien que l’on puisse souhaiter donner au CSM une complète indépendance par rapport à la direction du ministère qui est responsable de son budget. Il est peut-être nécessaire d’y réfléchir, mais je n’ai pas forcément de meilleure solution en tête. Hors du cadre de la séance, j’évoquais avec M. le rapporteur l’éventualité d’un rattachement des crédits au secrétariat général du ministère ; toutefois, dans un tel cas de figure, ne risque-t-on pas de prétendre que le secrétaire général, ou l’administration, se trouve en mesure de faire pression sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Nous devons aussi être attentifs à ce problème.
Quoi qu'il en soit, je suis prête à chercher avec M. le rapporteur et avec la commission des lois les moyens d’une plus complète indépendance du CSM, mais, pour le moment, mon amendement vise à garantir et cette indépendance et les crédits qui sont dévolus au Conseil, parce que les seconds conditionnent la première. Dans cette perspective, le ministre de la justice et son administration me semblent les mieux à même de défendre les intérêts du CSM face aux logiques budgétaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous avons déjà largement entamé ce débat lors de la discussion générale. Je le répète, nous devons revenir à la théorie des apparences : le Conseil supérieur de la magistrature, qui, pour l’opinion, est le juge des juges, doit être au-dessus de tout soupçon. Or, à l’heure actuelle, c’est la même autorité, à savoir le directeur des services judiciaires, qui fixe les crédits du Conseil supérieur de la magistrature et qui sollicite l’avis de ce dernier sur les propositions de nominations. Ce point heurte la commission des lois. D'ailleurs, au cours des auditions, le premier président de la Cour de cassation comme le procureur général près cette juridiction ont souligné qu’une telle situation leur semblait peu compatible avec l’indépendance qui doit être reconnue au CSM dans l’exercice de ses missions constitutionnelles.
Certes, nous cheminons avec Mme le ministre d’État vers l’adoption de solutions qui pourraient être unanimement approuvées. Toutefois, pour que ce processus se poursuive, pour que notre cheminement ne s’interrompe pas, je crains qu’il ne soit indispensable d’émettre un avis défavorable sur cet amendement. (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7 bis.
(L'article 7 bis est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
L’article 14 de la même loi organique est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’empêchement, le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour peuvent être suppléés respectivement par le magistrat visé au 1° de l’article 1er et par le magistrat visé au 1° de l’article 2. » ;
2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour délibérer valablement lorsqu’elles siègent en matière disciplinaire, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège et celle compétente à l’égard des magistrats du parquet comprennent, outre le président de séance, au moins sept de leurs membres. Dans les autres matières, chaque formation du Conseil supérieur délibère valablement si elle comprend, outre le président de séance, au moins huit de ses membres. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 9
Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Portelli et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est abrogé.
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Le présent projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution confie de lourdes charges au premier président de la Cour de cassation en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature.
En conséquence, il conviendrait de supprimer la formation spéciale de la Cour de cassation compétente en matière de questions prioritaires de constitutionnalité, que le premier président est toujours contraint de présider, et laisser aux formations de droit commun de cette juridiction le soin de trancher des questions prioritaires de constitutionnalité.
Le premier président ne jugerait que les questions les plus délicates, traitées par les formations de la Cour les plus solennelles. La procédure proposée devant la Cour de cassation serait donc identique à celle qui a déjà été retenue au Conseil d'État.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a hésité, car cet amendement tend à modifier des dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009, dont l’encre est à peine sèche…
Il n’en reste pas moins que cette loi organique a créé, pour rendre des arrêts sur les questions préalables de constitutionnalité, une formation ad hoc qui est présidée par le premier président de la Cour de cassation et qui comprend les présidents de chambre et deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
Il est vrai également que cette nouvelle mission confiée au premier président de la Cour de cassation s’ajoute à celles que lui confie la révision constitutionnelle de 2008, à savoir la présidence de la formation du siège et de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On aurait pu y songer plus tôt…
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Et je n’insiste pas sur les obligations relatives au respect de la parité entre magistrats et non-magistrats : si le premier président ne peut assumer cette présidence, il faudra obliger un autre membre du CSM, qui cette fois serait un non-magistrat, à ne pas siéger…
On peut s’interroger sur le caractère soutenable, pour une même autorité, du cumul de tant de responsabilités, qui supposent de longs temps d’audience, a fortiori si le nombre des questions prioritaires de constitutionnalité connaît une augmentation. Or on sait que 132 d’entre elles ont d'ores et déjà été adressées à la Cour de cassation depuis le 1er mars dernier.
Comme l’a souligné notre collègue Catherine Troendle, la loi organique du 10 décembre 2009 ne comporte pas d’indications sur les formations du Conseil d'État chargées d’exercer le filtre. Le droit commun du code de justice administrative s’applique donc à cette juridiction.
Dès lors, le maintien de la formation de filtrage de la Cour de cassation ne paraît pas indispensable. Sa suppression pourrait même alléger le traitement des questions prioritaires de constitutionnalité. Aussi la commission des lois a-t-elle émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Force est de le constater, alors que plus de 220 questions prioritaires de constitutionnalité sont pendantes devant la Cour de cassation, aucune n’a encore fait l’objet d’une transmission au Conseil constitutionnel, ni d'ailleurs d’un refus de transmission.
L’inadaptation du dispositif qui est actuellement prévu pour instruire ces questions n’est sans doute pas tout à fait étrangère à ce retard… Parmi les causes de ce dernier figure peut-être la charge de travail que représente la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, qui incombera désormais au premier président de la Cour de cassation, en sus de ses autres tâches. Il ne semble donc guère opportun que celui-ci préside la formation spéciale compétente pour examiner les questions prioritaires de constitutionnalité dont la Cour est saisie.
Je m’en remets, par conséquent, à l’avis de la commission.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 9.