Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sept années se sont bientôt écoulées et la question de l’indemnisation des sinistrés demeure. Cela fait sept années que des familles ont tout perdu, qu’elles ont vécu des drames psychologiques et financiers, qu’elles se sont battues et se battent encore pour leur dignité et contre l’injustice. Ce sont sept années douloureuses que ces familles ont vécu dans l’attente ; elles ne doivent plus attendre.
La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle à plus d’un titre et ses conséquences ont été dramatiques pour beaucoup.
Elle a été exceptionnelle par son intensité : 138 000 sinistrés, des dégâts estimés à 1 108 millions d’euros par la Caisse centrale de réassurance. Or, comme cela a été dit, le gouvernement de l’époque n’a pas apporté une réponse à la hauteur de la situation.
Une enveloppe budgétaire de procédure d’indemnisation exceptionnelle a été adoptée à l’occasion de la loi de finances pour 2006. Son montant de 180 millions d’euros a été porté par le Parlement à 218,5 millions d’euros. Inexistante pour certains, elle s’est révélée bien insuffisante pour les autres. Le compte n’y était pas ; je suis certaine que vous en conviendrez.
Exceptionnelle, la sécheresse de 2003 l’est également par ses caractéristiques. Les critères scientifiques traditionnels employés pour reconnaître l’état de catastrophe naturelle se sont avérés peu opérationnels. Des assouplissements et des réaménagements ont été nécessaires. Ils ont ainsi abouti à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour environ 4 000 communes sur plus de 8 000 qui l’avaient sollicité !
Comme l’ont rappelé nos collègues au nom de la commission des finances, tant le rapport d’information fait au nom de cette commission que l’opiniâtreté et le travail réalisé par nos collègues Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste nous permettent aujourd’hui d’avoir ce débat.
Toutefois, ces réajustements ont été opérés en fonction de considérations budgétaires, afin d’éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT n’entraîne l’appel en garantie de l’État. À ce titre, ils ont été ressentis par les sinistrés et les élus comme manquant d’objectivité.
Enfin, la sécheresse de 2003 a mis en évidence les imperfections du zonage météorologique utilisé. Ainsi, des communes voisines qui, pourtant, avaient des caractéristiques géologiques identiques se sont vu appliquer des traitements différenciés, au seul motif qu’elles étaient rattachées à des zones différentes.
Improvisation, arbitraire et incompréhension sont les qualificatifs que nous avons tous entendus et que nous entendons encore dans nos permanences ou lors de nos rencontres avec les sinistrés, pour décrire la gestion de cette catastrophe.
Le déplacement du groupe de travail dans le département que je représente, l’Essonne, a mis en exergue les difficultés extrêmes vécues par les familles, difficultés que je reprendrai pour illustrer ce qu’a vécu et ce que vit encore un trop grand nombre de concitoyens dans l’ensemble des départements qui ont été cités au cours de ce débat.
Parmi les familles visitées, l’une d’elle, habitant Saint-Michel-sur-Orge, a vu son dossier rejeté en préfecture à la suite d’une erreur d’interprétation d’un rapport d’expertise. En 2006, les devis s’élevaient à plus de 80 000 euros de travaux. Aujourd’hui, la situation est bloquée. Ce couple proche de la retraite ne peut pas emprunter auprès d’organismes financiers en raison de problèmes de santé et de l’âge.
Dans une autre commune essonnienne, Arpajon, une femme seule a bénéficié d’une aide de 25 000 euros, alors que la consolidation de son logement était estimée à 120 000 euros. La commune n’ayant pas été reconnue en CAT-NAT, les assurances n’interviendront pas.
L’indemnité exceptionnelle mise en place n’a apporté aucune solution juste et raisonnable aux dommages de 2003. Très insuffisante en général, elle a pu aussi, de façon exceptionnelle, être anormale, voire excessive dans certains cas. C’est la raison pour laquelle je suis pleinement favorable à la demande faite par le groupe de travail sénatorial de mise en œuvre d’une indemnisation complémentaire.
De même, il faut reverser la totalité du reliquat du fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation aux victimes. La proposition de réserver ces indemnisations à ceux qui ont déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et réalisé une expertise préalable va dans le bon sens, j’y insiste, monsieur le secrétaire d'État.
L’adaptation des normes de construction, l’information des acquéreurs, la sensibilisation des élus de communes exposées au risque argileux ainsi que des recommandations à leur intention sont également indispensables.
La sécheresse de 2003 a mis en évidence un dispositif de reconnaissance qui manque de transparence. Ce point concerne notamment la définition de « l’intensité anormale d’un agent naturel ». Elle ne rend pas précisément compte des critères et des seuils physiques retenus pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
Des aménagements sont donc nécessaires. Ils doivent répondre à un triple objectif, à savoir la transparence, l’équité et la rapidité. Mais le maintien d’un régime obligatoire faisant appel à la solidarité ne peut être remis en cause.
Si la prise d’arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale, je suis favorable aux préconisations du rapport, précédées de celles que contenait le texte de Mme Nicole Bricq et de ses collègues socialistes, qui sont une incitation à décentraliser l’élaboration de la prise de décision de déclaration de l’état de catastrophe naturelle. Il est urgent que l’objectivation des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle entre en vigueur rapidement, afin que les élus et les citoyens en aient connaissance.
L’énorme travail des associations de sinistrés, qui sont très présents ce matin dans nos tribunes et que, à mon tour, je salue, a mis en évidence les multiples dysfonctionnements, opacités ou traitements discriminatoires d’une préfecture à une autre. Il est d’ailleurs regrettable que ces derniers ne soient pas plus associés aux réformes en cours.
J’aimerais croire que ce travail n’a pas été vain ; mais les événements récents tendent à prouver que le Gouvernement n’a pas encore su tirer les leçons de cette catastrophe. J’en veux pour preuve les difficultés rencontrées par les familles et les élus victimes des périodes de sécheresse de 2005 et de 2009.
Une fois encore, l’Essonne, comme d’autres départements, est touché fortement et les communes se battent encore aujourd’hui pour obtenir des réponses quant à leur classement en CAT-NAT.
La mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia apportera à son tour analyses et propositions sur les questions de responsabilité.
Souhaitons que tous ces travaux parlementaires qui se succèdent soient un jour suivis d’effet, tant sur la prévention des risques, la répartition des indemnisations, la transparence des décisions et des critères que sur les seuils retenus. Nos concitoyens l’attendent ; le Gouvernement doit nous entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, étant le dernier orateur,…
Mme Nicole Bricq. Mais non le moindre ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Alduy. … je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit. Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d’État, sur l’ensemble des travées de cette assemblée, les analyses et le diagnostic sont les mêmes, et chacune et chacun d’entre nous approuve le très bon rapport présenté par nos collègues Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon.
Je me limiterai à vous dire mon ressenti et à vous faire partager quelques instants le désarroi et la révolte des familles de mon département, dont l’association est ici présente (L’orateur montre une des tribunes du public.), qui continuent de se battre pour obtenir la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle des communes de Perpignan et de Cabestany.
Au travers de cette évocation, monsieur le secrétaire d’État, j’espère vous convaincre – mais je sais que vous êtes déjà convaincu ! – qu’il est grand temps à la fois de réformer le régime d’indemnisation et de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, et de le compléter par des mesures réglementaires de prévention et d’information, comme cela est préconisé dans le rapport.
Rendez-vous compte, le 1er avril 2010 nous parlons encore de la sécheresse de 2003 !
Mme Nicole Bricq. Et ce n’est pas une mauvaise plaisanterie !
M. Jean-Paul Alduy. Dans mon département, 144 familles continuent de se battre – je dis bien « de se battre » ! – depuis sept ans contre ce que j’appellerai l’acharnement des différents ministères concernés.
Qu’on en juge ! À la fin de 2005, un arrêté interministériel exclut les communes de Perpignan et de Cabestany. Nous faisons appel et nous obtenons du tribunal administratif l’annulation de l’arrêté. Ce texte, sur le détail duquel je ne reviendrai pas, démontre, à l’évidence, que les critères définis sont inopérants ; nous gardons espoir.
En mars 2009, sentant qu’il allait perdre, l’État définit un nouvel arrêté avec les mêmes arguments et la même démarche. Bien évidemment, le tribunal administratif annule de nouveau cet arrêté. Et voilà que, en février dernier, on fait appel. On gagnera l’appel ! Mais que se passera-t-il ? On ira en cassation, un nouvel arrêté sera défini… Ce n’est pas sérieux !
Il s’agit véritablement d’un acharnement destiné à éviter de traiter le sujet au fond. Le rapport de nos collègues démontre les voies sur lesquelles on doit aujourd’hui s’engager pour, enfin, mettre un terme à ce dispositif.
Il est vrai que la procédure d’indemnisation a été exceptionnelle ; globalement, elle représente le tiers des indemnisations évaluées. Mais elle a été suivie d’un sentiment d’injustice et de désarroi qui a aggravé encore le ressenti et la situation locale.
Pendant sept années, des familles se sont endettées pour réaliser des travaux de première urgence, des maisons sont restées invendables et des ménages ont été mis en danger physiquement, financièrement et moralement.
Monsieur le secrétaire d’État, et ce sera ma conclusion car je ne suis pas là pour reprendre tout ce qui a déjà été dit sur l’ensemble des travées de cette assemblée, il est temps de clore ce dossier.
M. Bernard Vera. Très bien !
M. Jean-Paul Alduy. Et je ne vois pas d’autre méthode que la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Il est temps de le faire, car il y va de la crédibilité de la parole de l’État au moment où une autre catastrophe naturelle de grande ampleur vient de frapper la côte vendéenne.
Tel est mon ressenti. Comme Mme Nicole Bricq l’a dit tout à l’heure, je crois sincèrement que ce long débat au Sénat, ce véritable chemin de croix...
Mme Nicole Bricq. Une longue marche !
M. Jean-Paul Alduy. ... doit maintenant trouver sa conclusion,...
Mme Nicole Bricq. Sans crucifixion ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Alduy. ... effectivement, si possible sans crucifixion ! (M. Laurent Béteille applaudit. – Plusieurs sénateurs de l’Union centriste et du groupe socialiste applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la récente tempête Xynthia, qui a provoqué le décès de 53 de nos concitoyens et martyrisé le littoral vendéen et charentais, a conduit le Gouvernement à déclarer, sans délai, l’état de catastrophe naturelle pour quatre départements et à appliquer le droit commun pour les autres communes touchées.
Confronté à la sécheresse de 2003, le Gouvernement a également su prendre des mesures spécifiques et évolutives. C’est tout l’objet de ce débat au sein de la Haute Assemblée.
Avant d’apprécier l’action gouvernementale menée lors de la sécheresse de l’été 2003, phénomène naturel à cinétique lente, donc moins brutal et moins médiatique, je tiens à rappeler que la France est l’un des seuls pays européens, avec la Grande-Bretagne, à recenser la sécheresse comme catastrophe naturelle. Notre pays a d’ailleurs plus de mérite en la matière que notre voisin britannique, moins concerné par ce problème. Les autres pays comparables au nôtre considèrent qu’il s’agit d’un risque connu d’avance pour lequel une action préventive appropriée peut être menée, notamment en termes de techniques de construction ; c’est également un élément important de ce débat.
Je tiens à féliciter tous ceux qui ont participé à ce groupe de travail sur la sécheresse, et tout d’abord son président, Éric Doligé, ses rapporteurs Jean-Claude Frécon et Fabienne Keller, mais aussi ses autres membres : Nicole Bricq, Adrien Gouteyron, Jean-Jacques Jégou, Aymeri de Montesquiou et Bernard Vera, parmi lesquels certains viennent de s’exprimer.
Face à un phénomène climatique exceptionnel, l’État a su revoir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
En 2003, la nation a été confrontée à un phénomène climatique exceptionnel, tant sur le plan du nombre de communes concernées – plus de 8 000 sur quelque 36 000 ! – qu’en termes climatologiques. Ce phénomène climatique s’est produit pendant la période estivale alors qu’il intervient habituellement lors de la période hivernale.
Le Gouvernement, il faut également le rappeler, a tenu compte de cette double réalité en adaptant les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Sans cette initiative gouvernementale majeure, seules 200 communes auraient pu bénéficier classiquement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en application des critères antérieurs.
La commission interministérielle, composée à la fois des experts du ministère de l’écologie et de représentants de Bercy, sous la présidence du ministère de l’intérieur, est désormais chargée d’émettre des avis sur les demandes communales en appliquant des critères qui couvrent au mieux toutes les situations rencontrées. En effet, des données météorologiques précises fondées sur un rapport de Météo-France, associées à la présence vérifiée d’argile sur une partie du territoire de la commune, permettent de caractériser si le phénomène présente, conformément à la loi, un caractère anormal ou non.
La solidarité nationale, déconcentrée dans son exécution, répond à la demande des sinistrés.
Conscient que toutes les situations, notamment celles qui ont été signalées par les parlementaires et les maires, n’ont pu être réglées, malgré les adaptations techniques que je viens d’évoquer, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre un dispositif exceptionnel de solidarité nationale doté de 218,5 millions d’euros prévu par la loi de finances pour 2006, en faveur des sinistrés des communes non reconnues, alors qu’en principe ils ne pouvaient prétendre à aucune indemnisation.
Cet effort financier, important en période de difficultés budgétaires, a porté sur les dégâts les plus significatifs, touchant au rétablissement de l’intégrité de la structure, du clos et du couvert des résidences principales. En effet, le Gouvernement a souhaité concentrer l’aide exclusivement sur le foyer, jugé essentiel à la vie quotidienne des sinistrés, en faisant le choix de ne pas couvrir les dégâts occasionnés à des résidences secondaires.
Je rappelle à M. Collin que les agriculteurs sont éligibles au régime des calamités agricoles, notamment pour les dégâts aux récoltes et, pour les dommages causés aux bâtiments, au régime des catastrophes naturelles, et ce dans le respect des règles communes. Je vais évoquer avec le ministre de l’agriculture ces sujets que je connais bien car ils concernent aussi mon canton, et je tiendrai M. Collin informé des évolutions qui se feront jour sur ce dossier des calamités agricoles affectant les bâtiments.
Messieurs Béteille et Vera, l’instruction des dossiers, qui ont pu être déposés au terme d’un délai passé de deux à quatre mois, s’est effectuée au niveau des préfectures de chaque département, au plus près des réalités locales. Ces commissions composées des services compétents de l’État, assistées d’experts des assurances, ont traité près de 19 000 demandes. On recense un faible nombre de recours contentieux : moins de 2 %, soit 356 dossiers.
À cet égard, il est à noter, monsieur Alduy, que dans une grande majorité des cas, que ce soit au titre des catastrophes naturelles ou de l’article 110 de la loi de finances pour 2006, les juridictions administratives se prononcent dans le sens des arguments développés par l’État.
Au total, 84 % des communes ont été indemnisées, soit au titre des catastrophes naturelles, soit au titre du dispositif exceptionnel de l’article 110 de la loi de finances pour 2006.
Je tiens à préciser à Mmes Campion, Bricq, ainsi qu’à MM. Vera et Sueur, que la quasi-totalité de l’enveloppe des 218,5 millions d’euros a été consommée. Les « reliquats » de cette somme, soit 3,6 millions d’euros en juin 2009, ont déjà fait l’objet de nouvelles attributions aux sinistrés, au vu des demandes des préfets, pour un montant de 1,9 million d’euros. Les deux décisions déjà prises en 2009 et 2010 seront complétées jusqu’à épuisement des montants encore disponibles, soit 1,7 million d’euros. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Monsieur Doligé, votre groupe de travail sur la sécheresse l’avait souhaité, le Gouvernement vous a suivi.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est toujours la même somme !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je vous signale, monsieur Houel, que le chiffre évoqué de 20 % d’indemnisation correspond à une décision des compagnies d’assurance ou des mutuelles, sous la souveraine appréciation des tribunaux judiciaires. L’indemnisation de l’assuré par sa compagnie ne saurait évidemment concerner l’État, car il s’agit de relations contractuelles.
Messieurs Houel et Béteille, la situation des communes limitrophes s’explique aisément. Si elles ne relèvent ni des mêmes zones météorologiques ni des mêmes stations de référence, placées dans des situations différentes, avec des résultats différents, elles ne sauraient obtenir le même traitement.
Vous noterez cependant, comme M. Vera, que le Gouvernement a accepté, dans le cadre de l’article 110 de la loi de finances pour 2006, un amendement parlementaire accordant une enveloppe de 30 millions d’euros, sans préjudice des autres aides, aux sinistrés des communes limitrophes de communes reconnues en état de catastrophe naturelle. C’est d’ailleurs le cas pour un nombre significatif de dossiers dans votre département, monsieur Béteille : 100 sinistrés sont dans cette situation, sur un total de 246 dossiers éligibles.
Monsieur Doligé, je vous ai écouté et entendu, même si je dois attirer votre attention sur certains chiffres. Il y a eu 138 000 sinistres « catastrophes naturelles » indemnisés à hauteur d’un peu plus de 1 milliard d’euros, alors qu’au titre de l’article 110 de la loi de finances pour 2006, 12 000 sinistrés ont obtenu 218,5 millions d’euros.
Mais laissons là les comparaisons chiffrées. Il convient, au terme de ce débat, de se tourner vers l’avenir pour mieux appréhender ce phénomène et, dans la mesure du possible, le prévenir.
Une réforme en profondeur du régime des catastrophes naturelles, que souhaite également Jean-Paul Alduy, est nécessaire sur le plan tant législatif que réglementaire.
Après la tempête Xynthia, le Président de la République, dans son discours de La Roche-sur-Yon du 16 mars dernier, a tracé des perspectives claires pour améliorer le fonctionnement du régime global d’indemnisation des catastrophes naturelles. Cela sera fait dans les meilleurs délais, en étroite collaboration avec mes collègues Christine Lagarde, François Baroin et Jean-Louis Borloo.
Les travaux vont commencer, et nous devons viser trois objectifs : inciter à la prévention, favoriser une indemnisation rapide des sinistrés, offrir plus de visibilité qu’aujourd’hui à l’ensemble des acteurs sur les conditions de déclenchement des garanties « catastrophes naturelles ». L’État a donc bien pris en compte les préoccupations exprimées par votre groupe de travail. Ces objectifs, madame Keller, seront poursuivis dans le respect du principe de la solidarité nationale, qui est au cœur du régime « catastrophes naturelles ».
Au-delà de ces grands objectifs, nos travaux devront également s’intéresser aux modalités de traitement des sécheresses, en particulier en lien avec la question de la prévention. L’ensemble de ces points devra être discuté avec la représentation nationale.
Je tiens à souligner, à cet égard, que les phénomènes de retrait-gonflement des argiles ont représenté 42 % du coût des dommages « CAT-NAT » sur la période 1995-2006. C’est considérable quand on sait qu’il existe pour le risque sécheresse des moyens de prévention efficaces, étant donné le lien direct entre la qualité des bâtiments et leur vulnérabilité devant le risque de subsidence.
Des réflexions ont été menées sur l’adaptation des règles de construction au phénomène du retrait-gonflement des argiles. Vous pouvez compter, madame Keller, sur la détermination totale du Gouvernement pour donner une traduction réglementaire de ces avancées.
Mme Nicole Bricq. Quand ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur Doligé, ces travaux s’appuieront sur votre rapport d’information, dont je tiens à saluer encore une fois la grande qualité, et aussi sur le rapport des inspections de 2005, qui avait souligné les points positifs du dispositif assuranciel et institutionnel français tout en suggérant des pistes d’amélioration en termes de transparence et de prévention. Les inspections mettaient l’accent sur la coordination nécessaire entre les politiques de prévention, dont les mécanismes doivent être rendus plus efficaces, et l’indemnisation.
Messieurs Biwer et Frécon, depuis 2003, des progrès ont été réalisés en termes tant de cartographie que de plans de prévention des risques naturels.
Ainsi, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, a déjà cartographié soixante-cinq départements, soit les deux tiers, et tous seront consultables sur Internet au début de l’année 2011.
Par ailleurs, au 31 décembre 2009, 1 000 plans de prévention des risques naturels relatifs à la sécheresse ont été approuvés ; 1 288 sont actuellement prescrits. À cet égard, je me permets, monsieur Biwer, de rappeler qu’en 2003 seuls 514 plans de cette nature avaient été décrétés ; aucun n’avait encore fait l’objet d’une approbation.
Sans attendre cette nécessaire réforme, je puis d’ores et déjà vous annoncer des améliorations substantielles, qui correspondent, monsieur Doligé, aux remarques formulées par votre groupe de travail.
J’ai bien entendu le message délivré par M. Houel sur son département. Des instructions seront données au nouveau préfet de Seine-et-Marne, M. Jean-Michel Drevet, nommé hier en conseil des ministres, pour aller de l’avant et accélérer le traitement des dossiers. Je l’appellerai personnellement dès qu’il aura pris ses fonctions. Je ferai de même, monsieur Doligné, à l’égard du nouveau préfet de la région Centre, préfet du Loiret M. Moisselin, et je n’aurai garde d’oublier l’Essonne, monsieur Béteille.
Ces améliorations substantielles ont trait, par exemple, au zonage climatique de Météo-France dénommé « Aurore », antérieur à la sécheresse de 2003, qui a fait l’objet de vives critiques de la part d’un certain nombre d’élus, comme des sinistrés et de leurs associations. C’est pourquoi Météo-France a proposé un « quadrillage » plus fin du territoire, comportant des mailles de huit kilomètres sur huit. Les mesures et l’appréhension des problèmes liés à la sécheresse n’en seront que meilleures.
Il s’agit d’un progrès scientifique considérable par comparaison avec les outils dont nous disposions précédemment, une station de référence pouvant alors être distante du sinistre de plusieurs dizaines de kilomètres.
Monsieur Doligé, je vous annonce que désormais les 824 demandes communales relatives à la sécheresse de 2009 actuellement recensées par mes services feront l’objet d’un traitement grâce à ce nouvel outil d’analyse performant. Cela représente un espoir et constitue une avancée pour les communes concernées.
Le ministère de l’intérieur prendra une autre initiative au sujet des critères qui permettent d’estimer si, conformément à la loi du 13 juillet 1982, le caractère anormal de l’agent naturel est ou non avéré. Dès le mois d’avril, les organismes scientifiques, comme le Bureau de recherches géologiques et minières ou le Laboratoire central des ponts et chaussées, seront invités à coordonner leurs efforts avec les administrations concernées, pour améliorer la pertinence des critères et pour les rendre sinon incontestés – le seront-ils jamais ? –, du moins fondés sur les connaissances scientifiques les plus robustes et les plus pointues.
Il s’agit, vous l’aurez compris, de préserver l’originalité de la France en Europe en maintenant le risque lié à la sécheresse dans le cadre des catastrophes naturelles tout en améliorant l’appréhension du phénomène et sa prévention. Il conviendra cependant d’être attentif au respect de l’esprit de la loi du 13 juillet 1982, fondement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, afin d’assurer le meilleur équilibre possible entre, d’une part, l’indemnisation, jugée toujours trop faible, et, d’autre part, la nécessaire prévention, toujours estimée trop contraignante par nos concitoyens.
La maîtrise des prélèvements, qui constituent les ressources du régime, doit aussi être pour nous une « obligation de résultat ».
M. Jean-Pierre Sueur. Et l’indemnisation complémentaire ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a bien entendu vos messages. Il sera ouvert à toute proposition formulée dans le cadre d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative, sous le contrôle du président de la commission des finances de la Haute Assemblée, présent en cet instant dans l’hémicycle.
Comme je l’ai dit précédemment, il faut améliorer et réformer le fonctionnement du régime global d’indemnisation, conformément aux propos tenus par M. le Président de la République lorsqu’il s’est rendu en Vendée voilà quelques jours à la suite de la tempête Xynthia.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les conclusions que je voulais tirer avec vous au terme de l’important et enrichissant débat que nous avons eu ce matin. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Les applaudissements sont maigres et on en reste toujours à la même somme !
M. le président. Nous en avons terminé avec ce débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003.
3
Démission d'un membre d'une commission
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. François Fortassin, comme membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Candidatures à des commissions
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales en remplacement de Jacqueline Chevé, décédée, et le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à la place laissée vacante par M. François Fortassin, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Nomination de membres de commissions
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen et le groupe socialiste ont présenté des candidatures pour la commission des affaires sociales, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et la commission des finances.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
- M. François Fortassin, membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Michel Charasse, dont le mandat de sénateur a cessé.
- M. Serge Godard, membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à la place laissée vacante par M. François Fortassin, démissionnaire ;
- M. Ronan Kerdraon, membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de Jacqueline Chevé, décédée.
6
Avenir de l’industrie du raffinage en France
Discussion d'une question orale avec débat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 55 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre chargé de l’industrie sur l’avenir de l’industrie du raffinage en France.
Cette question est ainsi libellée :
« Alors que le Gouvernement prône la revitalisation de l’industrie française, qui a perdu 100 000 emplois depuis janvier 2009, et l’indépendance énergétique, le groupe Total a annoncé qu’il ne procéderait pas à la révision des installations, procédure préalable à l’autorisation d’exploitation. Cette décision, qui touche la raffinerie des Flandres de Dunkerque-Mardyck, relance les inquiétudes qui pèsent sur l’avenir de la raffinerie des produits pétroliers en France. Cette fermeture reportée de manière éhontée par le groupe pétrolier pour cause d’élections régionales, dans le plus grand mépris de ses salariés, est sans aucun doute le premier acte d’un désengagement plus large du marché du raffinage.
« La suppression des sites de raffinages entraînerait non seulement des effets désastreux dans le domaine de l’emploi, mais priverait également notre pays d’un outil industriel de première importance pour la politique énergétique.
« En effet, la construction de nouvelles unités de raffinage ou la délocalisation des sites nationaux dans les pays producteurs pose des difficultés stratégiques en termes d’indépendance énergétique. Le coût du transport des produits raffinés est beaucoup plus élevé que celui du pétrole brut. De plus, on peut légitimement s’inquiéter des risques de délocalisation pour la pétrochimie, très dépendante de l’industrie du raffinage et des prix des matières premières issues du pétrole. L’entreprise GPN, filiale de Total, usine chimique située à Mazingarbe, dans le Pas-de-Calais, est un exemple des répercussions de la politique du groupe sur une large palette d’activités industrielles. La cession de l’usine chimique à l’espagnol Maxam risque d’entraîner la suppression de soixante-quatorze emplois directs.
« Enfin, au moment où le Gouvernement met l’accent sur le développement durable, il devrait peser le coût environnemental en termes de transports de la délocalisation des activités de raffinage.
« Il souhaiterait donc connaître les intentions concrètes du ministre de l’industrie afin de relancer l’activité industrielle de raffinage en France. Il souhaiterait également connaître les actions qu’il entend mener pour que le groupe pétrolier Total adopte des choix conformes aux intérêts sociaux, économiques et environnementaux de la France. »
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, auteur de la question.