compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, et le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-888 du 29 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis respectivement à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
3
Dépôt d'une note d'information au Parlement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la note d’information au Parlement sur les suites données au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Elle a été transmise à la commission des lois et à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Elle est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné du dépôt de cette note d’information.
4
Demande d'examen d’un projet de loi selon la procédure normale
M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date du 17 février, M. Jean-Pierre Bel a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux, inscrit à notre séance du lundi 22 février, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
5
Récidive criminelle
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (projet n° 111, texte de la commission n° 258, rapports nos 257 et 279).
Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 5 ter, dont je rappelle les termes.
Article 5 ter (suite)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 706-47-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 peuvent être soumises à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 131-36-4 du code pénal, soit postérieurement à celle-ci, dans le cadre de ce suivi, d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté, conformément aux dispositions des articles 706-53-19, 723-30, 723-37, 731-1, 763-3 et 763-8 du présent code, dans les cas et conditions prévus par ces articles.
« L’injonction de soins peut également comprendre un traitement anti-hormonal prescrit par le médecin traitant conformément aux dispositions de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique.
« Les personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins. » ;
2° L’article 706-53-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement en rétention de sûreté, dans les conditions prévues par le troisième alinéa, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
3° L’article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent, pouvant donner lieu, selon les cas, à la délivrance des mandats prévus par l’article 712-17, à la suspension de la mesure d’aménagement prévue par l’article 712-18, à l’incarcération provisoire prévue par l’article 712-19, ou au retrait ou à la révocation de la mesure prévue par l’article 712-20, le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
4° Le quatrième alinéa de l’article 717-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce traitement peut être celui prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
5° (Supprimé)
6° (Supprimé)
7° L’article 723-29 est ainsi modifié :
a) Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Les mots : « ou aux réductions » sont remplacés par les mots : « et aux réductions » ;
8° Après l’article 723-31, il est inséré un article 723-31-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-31-1. – La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire conformément à l’article 723-29 doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.
« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut, à cette fin, demander le placement du condamné, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut également ordonner que l’expertise prévue par l’article 723-31 soit réalisée par deux experts. » ;
9° (Supprimé)
10° L’article 723-35 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La décision prévue au premier alinéa peut également être prise, après avis du juge de l’application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
11° (Supprimé)
12° La dernière phrase du dixième alinéa de l’article 729 est ainsi rédigée :
« La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues et assortie d’une expertise médicale ; s’il s’agit d’un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, cette expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido, mentionné à l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;
13° Après l’article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :
« Art. 732-1. – Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’un des crimes visés à l’article 706-53-13, et qu’elle a fait l’objet d’une libération conditionnelle avec injonction de soins, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l’article 706-53-15, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la période de libération conditionnelle, en la plaçant sous surveillance de sûreté avec injonction de soins pour une durée de deux ans.
« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu’après expertise médicale constatant que le maintien d’une injonction de soins est indispensable pour prévenir la récidive.
« Les deuxième à cinquième alinéas de l’article 723-37 sont applicables, ainsi que l’article 723-38. » ;
14° Après l’article 723-38, il est inséré un article 723-38-1 ainsi rédigé :
« Art. 723-38-1. – La surveillance judiciaire est suspendue par toute détention intervenant au cours de son exécution et ne découlant pas d’un retrait de tout ou partie de la durée des réductions de peine décidé en application de l’article 723-35, et elle reprend, pour la durée restant à courir, à l’issue de cette suspension. » ;
15° Après le premier alinéa de l’article 733, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins, conformément à l’article 731-1 du présent code. » ;
16° Après le deuxième alinéa de l’article 763-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;
17° Le dernier alinéa de l’article 763-6 est ainsi rédigé :
« Après avis du procureur de la République, le juge de l’application des peines peut, après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, décider par ordonnance motivée de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, sans qu’il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement, dès lors qu’il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu’un traitement n’est plus nécessaire. » ;
18° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 763-7 est ainsi rédigée :
« Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les ans.
19° L’article 763-8 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable y compris si la personne placée sous suivi socio-judiciaire avait fait l’objet d’une libération conditionnelle. » ;
20° Au deuxième alinéa de l’article 786, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 3711-1, les références : « les articles 131-36-4 et 132-45-1 » sont remplacées par la référence : « l’article 131-36-4 » ;
2° (Supprimé)
III. – (Non modifié) L’article 132-45-1 du code pénal est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 51 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 17 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 17 à 20, la question du diagnostic de dangerosité criminelle n’étant pas vraiment élucidée. On demande au médecin de se prononcer sur la dangerosité criminelle alors que ce dernier – d’autres orateurs l’ont dit, mais il faut le répéter –, s’il peut diagnostiquer des pathologies, peut difficilement se prononcer sur le futur risque de récidive.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour présenter l'amendement n° 51.
Mme Virginie Klès. Le texte proposé pour l’article 723-31-1 du code de procédure pénale prévoit que la situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.
Cet article donne une compétence concurrente au juge d’application des peines et au procureur de la République pour demander le placement du condamné aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et pour saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, ainsi que pour ordonner la réalisation d’une expertise par deux experts.
Cette compétence concurrente nous paraît surprenante et nous n’en voyons pas vraiment l’utilité. On parle assez régulièrement de simplification, en matière législative notamment, et nous aurions préféré une rédaction semblable à celle de l’article 763-5 du code de procédure pénale qui prévoit que, en cas d’inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire ou de l’injonction de soins, le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner la mise à exécution de l’emprisonnement.
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
L'expertise prévue par l'article 723-31 et ordonnée par le juge de l'application des peines ou le procureur de la République est réalisée par deux experts.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, nous partageons les arguments qui viennent d’être développés.
Le dispositif prévu par le Gouvernement assigne un poids démesuré à l’expert. Ce dernier tient entre ses mains le sort d’une personne, puisque c’est essentiellement en fonction de son expertise que seront appréciés le risque de récidive et la dangerosité potentielle de la personne.
Il ne nous semble pas pertinent de donner tant de poids à un seul expert, et il nous paraît donc indispensable que l’expertise soit menée par deux experts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les dispositions que les amendements identiques nos 28 et 51 visent à supprimer apportent des garanties pour éviter la récidive et pour favoriser la réinsertion de l’intéressé, notamment l’examen avant la date prévue pour leur libération de la situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire et la faculté de placer le condamné pour une durée comprise entre deux et six semaines dans le Centre national d’observation.
Il nous semble en outre intéressant d’encourager l’ensemble des dispositions allant dans le sens d’un examen de plus en plus scientifique de la dangerosité, de façon à mieux lutter contre la récidive.
Par ailleurs, les compétences concurrentes du procureur de la République et du juge de l’application des peines sont assez classiques et se retrouvent à de multiples reprises.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 79 rectifié est un peu différent : il vise à confier l’expertise à deux experts pour ne pas donner trop de poids à une seule personne.
Cet amendement soulève une double objection.
Première objection, son champ d’application est ambigu. Il ne vise, nous semble-t-il, que l’hypothèse de l’article 723-31-1, c'est-à-dire le cas où les personnes sont seulement susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire. Une expertise sera réalisée par deux experts lorsque la personne est simplement susceptible de faire l’objet d’une surveillance judiciaire, alors que, lorsque le juge de l’application des peines aura prévu une surveillance judiciaire, la décision ne relèvera que d’un seul expert. N’est-il pas quelque peu paradoxal de soumettre à des conditions plus exigeantes une procédure qui ne conduira pas nécessairement à une surveillance judiciaire ?
Seconde objection, il semble préférable de s’en tenir à l’appréciation du juge de l’application des peines ou du procureur. L’intervention de deux experts n’est pas indispensable dans tous les cas et peut peser lourdement sur les frais de justice, a fortiori avec l’abaissement de dix ans à sept ans du quantum de peine prononcé autorisant la surveillance judiciaire.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 28 et 51, qui visent à revenir sur une disposition améliorant la prévention de la récidive et l’évaluation de la dangerosité des criminels. En outre, le texte revu et amélioré par la commission des lois du Sénat me semble répondre aujourd'hui à une exigence.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 79 rectifié. En effet, comme l’a dit M. le rapporteur, nous sommes arrivés à un juste équilibre, et créer une dualité d’experts constituerait une lourdeur totalement inutile.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur les amendements nos 28 et 51.
Mme Virginie Klès. J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur, mais je n’ai pas compris quelle amélioration ou quelle plus-value apportait cette compétence concurrente. C’est déjà souvent ainsi, a-t-il indiqué.
Mais légiférer, n’est-ce pas l’occasion de s’interroger sur ce qu’il faudrait changer, plutôt que de dire que c’est déjà souvent ainsi ?
Par conséquent, je maintiens mon amendement et ma position !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 51.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 22 et 23, 28 à 33 et 42 à 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à la suppression de plusieurs alinéas de l’article 5 ter.
En effet, ces alinéas prévoient la possibilité de retirer tout ou partie de la durée de réduction des peines ainsi que la possibilité d’ordonner la réincarcération dans les cas de condamnation d’une personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru. La législation en vigueur ne prévoit pas d’impunité dans ce cas-là, que je sache ; il n’est donc pas nécessaire de renforcer les sanctions qui peuvent déjà être prises.
En outre, ces alinéas prévoient que la libération conditionnelle avec injonction de soins peut être suivie d’une surveillance de sûreté avec injonction de soins pendant deux ans après expertise médicale. Or, on le sait, la surveillance de sûreté peut mener à la rétention de sûreté en cas de manquement aux obligations, rétention qui peut être prolongée à vie… Bref, la libération conditionnelle devient quasiment une possibilité de toujours réincarcérer.
Enfin, ces alinéas prévoient la possibilité de placer sous surveillance de sûreté les personnes faisant l’objet d’un suivi socio-judiciaire et mises sous libération conditionnelle, créant là encore une possibilité d’enfermement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté.
En fait, tous ces alinéas étendent le champ d’application de la rétention de sûreté en durcissant les dispositifs existants. Nous ne sommes pas favorables à ce genre de logique : les manquements aux obligations doivent faire l’objet de sanctions – c’est un fait – mais, ensuite, il faut améliorer les dispositifs existants.
M. le président. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les alinéas 28 à 31 visent à insérer dans le code de procédure pénale un article 732-1 aux termes duquel il sera possible de prononcer une mesure de surveillance de sûreté à l’encontre d’une personne bénéficiant d’une libération conditionnelle avec injonction de soins.
Il nous paraît totalement illogique de permettre la libération conditionnelle avec injonction de soins d’un condamné, qui implique que celui-ci présente des garanties suffisantes en matière de réinsertion et d’absence de risque pour la société, et de prévoir dans le même temps qu’il puisse faire l’objet d’une nouvelle mesure de sûreté. Est-ce à dire que l’article 732-1 instituerait une présomption de méfiance contre l’appréciation du juge de l’application des peines en donnant à la juridiction régionale de la rétention de sûreté le pouvoir de la remettre en cause ?
De surcroît, la surveillance de sûreté, selon les termes mêmes du Conseil constitutionnel, ne peut intervenir que si la personne présente un risque toujours actuel – encore une fois, c’est contradictoire avec une libération conditionnelle – et si d’autres mesures moins attentatoires aux libertés ne sont pas possibles.
Il nous paraît donc indispensable de supprimer les deux alinéas visés.
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
un an
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement porte sur l’alinéa 29. Je relève d’ailleurs que la discussion commune proposée par le service de la séance n’apporte rien à la clarté du débat, puisque font l’objet d’une discussion commune des amendements qui portent sur des alinéas et des sujets totalement différents les uns des autres. Mais enfin, suivons le service de la séance pour l’incompréhension générale de nos débats !
L’amendement n° 52, qui porte donc sur l’alinéa 29, est un amendement de coordination avec nos amendements précédents : comme nous l’avons déjà largement développé, nous sommes hostiles à l’augmentation de la durée de la surveillance de sûreté, qui passerait ici de un an à deux ans.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéas 44 et 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. C’est un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l’amendement no 29, la commission a émis un avis défavorable. Il faut effectivement prendre garde à une assimilation, qui serait totalement erronée, entre surveillance judiciaire et surveillance de sûreté.
La surveillance judiciaire intervient dans le cadre de l’exécution de la peine et n’a strictement rien à voir avec la surveillance de sûreté. Qui plus est, vous le savez, la prolongation d’une surveillance judiciaire en surveillance de sûreté ne peut intervenir que dans l’hypothèse d’une condamnation à plus de quinze années d’emprisonnement. Pour le reste, la surveillance judiciaire présente, en termes de contrôle, des intérêts indiscutables pour la société, mais également pour la personne concernée.
La disposition que l’amendement no 81 rectifié vise à supprimer s’inspire d’une proposition formulée dans le rapport Lamanda. Chacun convient que ce rapport était tout à fait intéressant, mais, problème après problème, proposition après proposition, les avis tendent à diverger…
Pourtant, cette proposition tentait de régler une situation paradoxale. En effet, si la libération conditionnelle est révoquée en raison d’une violation des obligations imposées au condamné, celui-ci sera réincarcéré. Il ne pourrait alors être soumis à un contrôle à l’issue de sa détention que s’il est de nouveau libéré sous la forme d’une surveillance judiciaire. Or, les obligations fixées au titre de la surveillance judiciaire étant très proches de celles de la libération conditionnelle, pourquoi seraient-elles mieux respectées si elles ont été enfreintes une première fois ?
Le Premier président de la Cour de cassation, M. Lamanda, recommandait ainsi qu’au terme de la détention de l’intéressé une surveillance de sûreté soit possible. C’est ce que prévoit l’article 5 ter.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement no 81 rectifié.
Enfin, la commission a émis un avis également défavorable sur les amendements nos 52 et 84 rectifié, qui tendent tous deux à une coordination avec des dispositions qui n’ont pas été adoptées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?