Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

Mmes Michelle Demessine, Christiane Demontès.

1. Procès-verbal

2. Saisine du Conseil constitutionnel

3. Ratification des nominations à une commission mixte paritaire

4. Candidatures à une commission d’enquête

5. Récidive criminelle. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Discussion générale : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Jean Louis Masson, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Alain Anziani, Jacques Mézard, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Virginie Klès, M. Robert Badinter, Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme la ministre d'État.

Clôture de la discussion générale.

6. Nomination des membres d'une commission d’enquête

7. Récidive criminelle. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Exception d’irrecevabilité

Motion no 2 de M. Robert Badinter. – MM. Charles Gautier, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; M. Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 1 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État, M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet par scrutin public.

Article additionnel avant l'article 1er A

Amendement n° 14 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet par scrutin public.

Article 1er A

Amendements identiques nos 16 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 39 de M. Alain Anziani. – Mme Éliane Assassi, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er A

Amendement n° 15 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Article 1er

Amendement n° 17 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Amendements nos 40 et 41 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 69 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 1er bis 

Amendements identiques nos 18 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 42 de M. Alain Anziani. – Mme Éliane Assassi, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 70 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendement n° 19 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

8. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

9. Renvois pour avis

10. Récidive criminelle. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 2 bis

Amendements nos 20 et 21 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 3

Amendement no 22 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet.

Amendement n° 23 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 43 rectifié de M. Alain Anziani. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des amendements nos 23 et 43 rectifié.

Adoption de l'article.

Article 4

Amendements identiques nos  24 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 95 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 5. – Adoption

Article 5 bis 

Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendements identiques nos 25 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 44 de M. Alain Anziani et 71 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Éliane Assassi, MM. Alain Anziani, Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des trois amendements.

Amendements nos 45 à 47 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani.

Amendement n° 96 de M. Alex Türk. – M. Alex Türk.

M. le rapporteur, Mme la ministre d'État, M. Alex Türk. – Rejet des amendements nos 45, 46 rectifié et 47 ; retrait de l’amendement no 96.

Reprise de l’amendement no 96 rectifié par M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani. – Adoption de l’amendement no 96 rectifié.

Amendement n° 4 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Adoption.

Amendement n° 72 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Retrait.

Amendement n° 66 de M. Alex Türk. – M. Alex Türk. – Retrait.

Amendements identiques nos  48 de M. Alain Anziani et 74 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Charles Gautier, Jacques Mézard.

M. le rapporteur, Mme la ministre d'État, Jean-Pierre Michel, Alex Türk. – Rejet des amendements identiques nos 48 et 74 rectifié.

Amendement n° 67 rectifié de M. Jean-Paul Amoudry. – MM. Jean-Paul Amoudry, le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 5 ter 

MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Michel.

Amendements identiques nos  49 de M. Alain Anziani et 75 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mmes la ministre d'État, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 26 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 5 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.

Amendement n° 98 de la commission et sous-amendement no 103 de M. Nicolas About. – MM. le rapporteur, Nicolas About.

Amendement n° 77 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.

Amendements nos 6 à 12 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur pour avis.

Amendements nos 80 rectifié, 82 rectifié et 83 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.

M. le rapporteur, Mme la ministre d'État, M. Nicolas About. – Retrait des amendements nos 5, 10, 77 rectifié, 80 rectifié, 82 rectifié, 83 rectifié et du sous-amendement no 103 ; rejet des amendements nos 26 et 8 ; adoption de l’amendement no 98, 6, 7, 9, 11 et 12.

Amendement n° 27 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendements identiques nos  50 de M. Alain Anziani et 78 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Alain Anziani, Jacques Mézard.

M. le rapporteur, Mme la ministre d'État. – Rejet des amendements nos 27, 50 et 78 rectifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Christiane Demontès.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

3

Ratification des nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 16 février 2010 prennent effet.

4

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v.

Je vous rappelle que cette commission d’enquête a été créée sur l’initiative du groupe Communiste, Républicain et Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, en application de l’article 6 bis du règlement du Sénat, qui prévoit, pour chaque groupe, un « droit de tirage » pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information par année parlementaire.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

5

 
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Discussion générale (suite)

Récidive criminelle

Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (projet de loi n° 111, texte de la commission n° 258, rapports nos 257 et 279).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte dont j’ai eu l’honneur de vous saisir a pour objectif d’amoindrir le risque de récidive criminelle.

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 24 novembre dernier et vous est soumis aujourd’hui après un travail dont je veux saluer la qualité et la pertinence, effectué en particulier par votre commission des lois et singulièrement par son rapporteur, M. Jean-René Lecerf.

À mon sens, et ce n’est pas la première fois que nous évoquons ce sujet, la qualité du travail législatif dépend largement de la bonne entente qui peut exister non seulement entre l’Assemblée nationale et le Sénat, mais aussi entre le Gouvernement et le Parlement.

Nous avons travaillé sur ce texte dans un climat fait de franchise, de responsabilité et de confiance, et je tiens à le relever. Je ne doute pas qu’il en sera de même pour le débat qui s’ouvre aujourd'hui.

Nos concitoyens sont légitimement très sensibles à ce phénomène préoccupant qu’est la récidive et il est de notre devoir de chercher à les protéger. Nous avons déjà abordé cette thématique à l’occasion de l’examen du projet de loi pénitentiaire. À présent, nous devons nous pencher sur un certain nombre de cas plus particuliers.

Le présent projet de loi répond à une double finalité.

D’une part, il vise à compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, conformément aux demandes de précisions formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de février 2008. M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, avait alors été chargé d’un rapport. Je tiens, là aussi, à souligner la qualité du travail qu’il a effectué, sur le plan juridique comme sur le plan humain. Nous en tirons aujourd'hui les conséquences.

D’autre part, le projet de loi tend à renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux.

Un certain nombre d’événements qui se sont produits au cours des derniers mois, voire des dernières années – le phénomène n’est pas nouveau –, nous interpellent et suscitent une incompréhension totale de la part de nos concitoyens, ce qui est humainement très compréhensible.

L’incarcération est aujourd'hui la première des réponses pénales à l’acte criminel grave. Pour autant, nous savons que la prison n’est pas toujours une réponse suffisante. Ainsi, nous avons vu récemment que des personnes, à l’issue d’une incarcération, d’ailleurs sous des statuts différents, pouvaient être amenées à récidiver. Nous devons donc nous interroger de manière très pragmatique sur ce type de situations.

De mon point de vue, les Français attendent de l’État qu’il sache mieux les protéger face aux risques que font peser un certain nombre de récidivistes. Cela implique certainement – inutile de prétendre le contraire – de la fermeté.

D’ailleurs, nous disposons de textes législatifs qui règlent une partie du problème. Je pense notamment à la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, notamment les dispositions relatives aux « peines plancher », qui s’appliquent désormais pleinement.

Néanmoins, pour mieux prévenir la récidive, la fermeté doit également aller de pair avec des réponses adaptées, correspondant davantage aux situations et aux enjeux.

Certains criminels présentent un risque grave de récidive. Notre problème est d’empêcher cette récidive, de prévenir le danger que ces personnes représentent non seulement pour autrui, mais également parfois pour elles-mêmes.

Pour cela, un seul moyen : il faut assurer le suivi de ces individus. Je parle d’un suivi judiciaire, mais également, dans un certain nombre de cas, d’un suivi médical et psychiatrique. Cela peut commencer en prison, mais également continuer hors les murs.

Le projet de loi tend à la fois à répondre aux exigences qui avaient été posées par le Conseil constitutionnel et à trouver des solutions pour éviter la récidive, notamment des personnes les plus dangereuses.

Le texte consolide donc les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008 et institue un certain nombre de nouvelles dispositions visant à garantir un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison.

Tout d’abord, il s’agit de garantir l’effectivité des mesures de sûreté. Sur la base du rapport Lamanda, deux objectifs sont visés : d’une part, clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté ; d’autre part, renforcer l’efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

D’une part, les conditions de placement en rétention de sûreté sont clarifiées. C’était effectivement l’une des demandes du Conseil constitutionnel.

Le placement en rétention de sûreté supposera que l’intéressé ait été en mesure de bénéficier pendant sa détention d’une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée. En effet, comment imposer des contraintes à des individus si un certain nombre de dispositions préalables n’ont pas été adoptées ?

La rétention de sûreté n’interviendra que dans le cas où un simple renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive. Bien entendu, dans ce cas, nous veillerons à faire en sorte que l’aide juridique soit garantie aux personnes placées en rétention de sûreté et que celles-ci puissent bénéficier de l’assistance d’un avocat.

D’autre part, nous voulons renforcer l’efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

Les possibilités de placement sous surveillance de sûreté sont étendues. La surveillance de sûreté peut intervenir soit à l’issue d’une surveillance judiciaire accompagnant une libération anticipée – vous connaissez bien ce processus – soit directement à la sortie de prison.

Par ailleurs, si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l’exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues. Elles pourront reprendre à l’issue de l’exécution de la peine.

Là encore, il y a une certaine logique : puisque la mesure de suivi est prévue pour une période donnée, il est normal qu’elle puisse être assurée dans son intégralité.

Enfin, des personnes remises en liberté dans l’attente d’une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permet de faire face à un certain nombre de situations. Nous répondons également à des demandes de précisions qui avaient été formulées lors de l’adoption d’une précédente loi.

Pour autant, la protection des citoyens contre les criminels dangereux ne saurait se limiter au temps de l’incarcération.

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental nous a permis de franchir une première étape dans la prévention contre la récidive des infractions sexuelles ou violentes. De nouvelles mesures doivent nous permettre d’aller plus loin dans le suivi des criminels les plus dangereux.

Le texte a trois objectifs à cet égard. Il s’agit, premièrement, de renforcer le suivi médico-judiciaire des délinquants et des criminels sexuels ; deuxièmement, d’assurer, après leur libération, le contrôle et la surveillance effectifs des criminels présentant le plus grand risque de récidive ; troisièmement, et je pense que nous sommes tous conscients de cette nécessité, de garantir une meilleure protection des victimes.

Je reprendrai un à un ces trois objectifs.

D’abord, premier objectif, nous voulons renforcer le suivi médico-judiciaire des délinquants et des criminels sexuels.

Un traitement inhibiteur de la libido peut être administré dans le cadre d’une injonction de soins. Il ne s’agit bien que d’une possibilité car, tout le monde le sait, ce n’est pas la réponse à tout acte criminel en matière sexuelle. Pour autant, de tels traitements sont d’une efficacité reconnue pour un certain nombre de cas. Il faut donc veiller à faire en sorte qu’ils soient effectivement appliqués.

Dans le cadre du suivi socio-judiciaire, si le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate.

Ainsi, le non-respect de l’injonction de soins pourra être sanctionné par l’incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire, ou par le placement en rétention de sûreté, si la personne est sous surveillance de sûreté.

En outre, tous les cas d’incidents graves ou d’interruption de traitement devront être signalés. Le suivi implique en effet de savoir si les mesures qui ont été ordonnées sont bien respectées.

Or, nous le savons bien, car les exemples sont nombreux, certains délinquants tentent de contourner leur traitement soit en ne s’y soumettant pas, soit en prenant des médicaments qui viennent interférer avec lui.

Le texte voté par l’Assemblée nationale prévoyait un mécanisme d’information centré sur le médecin coordonnateur, et ce pour assurer le strict respect du secret médical. La commission des lois du Sénat a visiblement décidé de supprimer ce dispositif.

Je suis cependant obligée de poser ici la question de l’efficacité du dispositif ainsi amputé : le juge doit être informé par le médecin de toute interruption du traitement ; sinon comment sanctionner le non-respect d’une obligation prononcée par lui ? Si le juge est maintenu dans l’ignorance, comment garantir l’efficacité du suivi ?

Je précise qu’il s’agit ici non pas du médecin traitant, mais du médecin coordonnateur. Le médecin traitant s’adressera, lui, au médecin coordonnateur.

Par ailleurs, c’est un élément également important pour la protection du secret médical, le médecin coordonnateur doit avoir l’obligation simple d’informer le juge sur l’exécution de la mesure et non sur le protocole médical suivi, lequel relève du secret médical.

J’estime que la circulation de l’information entre des personnes strictement habilitées et directement concernées par le suivi renforce la protection de tous.

Le deuxième objectif de ces nouvelles mesures est d’assurer le contrôle et la surveillance des criminels après leur libération.

Pour cela, il faut renforcer l’information des acteurs directement concernés, notamment celle des services enquêteurs.

La première de mesures de prévention contre la récidive consiste à savoir où, sur le territoire, se trouvent les personnes qui sortent de prison, étant précisé qu’il s’agit de condamnés pour des actes graves.

Je suis donc favorable à ce que soient communiquées aux services de police et de gendarmerie, dont la mission est aussi de protéger nos concitoyens, l’identité et l’adresse des criminels dangereux sortant de prison.

Le texte actuel prévoit de limiter cette information aux cas des détenus condamnés à des peines de plus de cinq ans. On peut s’interroger sur ce seuil. Il me semble que, pour assurer pleinement la sécurité de nos concitoyens, un seuil de trois ans serait plus adapté. Je rappelle qu’il s’agit de personnes déjà condamnées à ces peines maximales de trois ou de cinq ans et non de personnes qui encourraient de telles peines.

Les délits sexuels, notamment, sont en eux-mêmes très significatifs et peuvent être annonciateurs de crimes beaucoup plus graves. J’ajoute qu’ils sont extrêmement traumatisants pour les victimes, en particuliers pour les plus jeunes d’entre elles.

Par ailleurs, pour renforcer l’efficacité du travail des policiers et des gendarmes, il convient également de moderniser le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles. Une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées doit être envisagée, ce qui me paraît la moindre des choses.

Renforcer l’information des magistrats est également un point important. Une meilleure connaissance du parcours individuel du condamné doit permettre au juge de mieux évaluer son profil et sa dangerosité. C’est un élément capital dans la lutte contre la récidive mais aussi contre les crimes pouvant être commis en prison.

En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas acceptable que nous ayons eu à déplorer un cas de cannibalisme au centre pénitentiaire de Rouen tout simplement parce que le juge n’avait pas été pas informé de l’état mental du détenu.

Je souhaite que, pour chaque détenu le justifiant, soit créé un dossier de personnalité unique comprenant l’ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées dans le cadre d’une procédure pénale ou lors de l’exécution d’une mesure de sûreté.

Le juge doit avoir entre les mains tous les éléments qui lui sont nécessaires pour apprécier de la façon la plus exacte possible la personnalité de l’individu. C’est, encore une fois, la moindre des choses.

De même, le bon sens veut que les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire soient inscrites au casier judiciaire. L’autorité judiciaire doit en effet avoir connaissance de ces éléments lorsqu’elle poursuit ou juge une personne qui a déjà fait l’objet d’une telle mesure.

Le troisième objectif de ces nouvelles dispositions est de mieux garantir la protection des victimes contre les multirécidivistes.

Il n’est pas tolérable qu’un criminel puisse, en sortant de prison, s’installer près des lieux d’habitation ou de travail de sa victime. Il me semble que ce point fait l’unanimité sur vos travées.

Dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve ou d’un aménagement de peine, la juridiction de jugement ou de l’application des peines doit pouvoir interdire à un condamné de paraître dans les lieux de travail ou d’habitation de la victime.

Je souhaite que toute personne condamnée pour un crime sexuel et bénéficiant d’un aménagement de peine soit obligatoirement soumise à cette interdiction par le juge de l’application des peines, sauf – il faut toujours préserver la liberté du juge en la matière – décision contraire motivée.

De plus, je souhaite que les services de police ou de gendarmerie puissent, quand ils constatent la violation d’une interdiction de s’approcher de la victime, interpeller l’intéressé et le déférer devant le juge de l’application des peines, si celui-ci l’estime nécessaire, éventuellement aux fins d’incarcération. Aujourd’hui, ces services n’ont aucun moyen légal pour intervenir, ce qui est tout de même assez paradoxal.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, ce texte vise à répondre à des demandes précises qui avaient été formulées sur un certain nombre de conditions de la mise en œuvre de la loi de février 2008. Il contient des mesures de bon sens, établies à partir de réalités qui ne sont pas nouvelles et de faits d’actualité récurrents. Il tend également à prendre en compte une attente profonde de nos concitoyens.

Protéger les Français, ce n’est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois l’acte commis. Nos compatriotes doivent attendre de nous une démarche également préventive et proactive qui repose sur l’évaluation lucide et efficace des risques de récidive.

Il ne s’agit en rien d’empêcher les condamnés d’avoir une nouvelle chance après qu’ils ont purgé leur peine. Il s’agit simplement de reconnaître que le risque de récidive est réel dans un certain nombre de cas. Nous manquerions à notre devoir de protection à l’égard de nos concitoyens si nous ne prenions pas des mesures préventives en ce sens.

En adaptant le suivi médico-judiciaire, en mutualisant les informations et en assurant la tranquillité des victimes, nous franchirons une étape supplémentaire dans la prévention de la récidive. C’est bien cette ambition qui doit nous guider.

Garantir la sécurité à nos concitoyens relève de notre responsabilité partagée, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale que l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre dernier, après engagement de la procédure accélérée, et sur lequel le Sénat est aujourd’hui appelé à se prononcer, nous impose un bref rappel historique.

Il puise sa raison d’être initiale dans la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008 sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, devenu la loi du 25 février 2008.

Outre quelques importantes réserves d’interprétation, le Conseil constitutionnel a considéré que la rétention de sûreté, bien que n’étant « ni une peine ni une sanction ayant le caractère d’une punition », ne saurait « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction » être appliquée de manière rétroactive.

Ainsi, les personnes condamnées avant la publication de la loi ou après cette date mais pour des faits commis antérieurement ne pourront pas faire l’objet d’un placement direct en rétention de sûreté à l’issue de leur période de réclusion. Cette hypothèse se trouvait donc reportée à un avenir lointain puisque le champ d’application de la rétention de sûreté, vise, je vous le rappelle, les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à quinze ans de réclusion criminelle pour assassinat, meurtre, tortures, actes de barbarie, viol, enlèvement, séquestration commis sur un mineur ou pour les mêmes infractions, avec circonstance aggravante, sur une victime majeure.

Cette jurisprudence constitutionnelle n’avait pas surpris la commission des lois du Sénat, puisque le rapporteur que j’étais déjà à l’époque avait tenu la même analyse et défendu la même position devant la Haute Assemblée au nom du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

En revanche, le Conseil constitutionnel a admis l’application immédiate de la surveillance de sûreté qui, elle-même, peut pourtant conduire à la rétention de sûreté.

Le jour même de la promulgation de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le Président de la République, Mme le garde des sceaux l’a rappelé il y a quelques instants, invitait le Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, à présenter « toutes propositions utiles d’adaptation de notre droit pour que les condamnés exécutant actuellement leur peine et présentant les risques les plus grands de récidive puissent se voir appliquer un dispositif tendant à l’amoindrissement de la récidive ».

M. Vincent Lamanda, dans le rapport remis le 30 mai 2008, suggère de modifier sur certains points la loi du 25 février 2008 afin d’en combler les lacunes ou d’en corriger les insuffisances. Il comporte également de nombreuses propositions concrètes qui n’emportent pas de traduction législative, mais qui touchent, notamment, à l’adaptation des conditions de prise en charge des délinquants sexuels.

Nous souhaiterions, madame le ministre d’État, recueillir votre sentiment sur les aspects non législatifs du rapport Lamanda, document dont l’intérêt est très largement reconnu.

Prenant acte à la fois des conséquences nécessaires de la décision du Conseil constitutionnel et des propositions de nature législative du Premier président de la Cour de cassation, le projet de loi initial déposé par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale ne comportait que sept articles dont les principaux pouvaient aisément rencontrer l’assentiment général.

Ainsi, l’article 1er consacre dans la loi la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel posant pour la juridiction régionale de la rétention de sûreté l’obligation de vérifier que la personne condamnée a été en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge et de soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre.

L’article 2 prévoit que le placement en rétention de sûreté, qui doit demeurer l’ultime recours, n’est possible que si un renforcement des obligations dans le cadre de la surveillance de sûreté se révèle insuffisant pour prévenir la récidive criminelle.

L’article 4 permet d’ordonner une surveillance de sûreté dès la libération d’une personne qui avait été incarcérée en raison d’un manquement aux obligations fixées dans le cadre d’une surveillance judiciaire et à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées.

L’article 5 prévoit la rétribution de l’avocat assistant une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, s’agissant de décisions prises à l’encontre de celle-ci pour assurer le bon ordre du centre.

L’ensemble de ces dispositions ne nous aurait pas retenus très longtemps, mais l’Assemblée nationale a adopté un texte largement étoffé, qui met en œuvre de nouvelles orientations, s’articulant autour de quatre thématiques principales.

Premièrement, les députés ont étendu le champ d’application de la surveillance judiciaire et de la surveillance de sûreté : la durée de surveillance de sûreté est portée de un à deux ans ; le quantum de peine permettant le placement sous surveillance de sûreté à l’issue de la surveillance judiciaire ou du suivi socio-judiciaire est abaissé de quinze à dix ans ; le seuil de peine prononcée permettant de placer une personne condamnée sous surveillance judiciaire est abaissé de dix à sept ans.

Parallèlement, la loi du 25 février 2008 avait prévu l’application de la rétention et de la surveillance de sûreté aux crimes les plus graves commis sur majeur, dès lors qu’ils l’ont été avec une circonstance aggravante, sans avoir cependant pris en compte ces crimes lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale, qui est pourtant une circonstance aggravante générale. L’Assemblée nationale a remédié à cette incohérence.

Deuxièmement, l’Assemblée nationale a renforcé les dispositions concernant la prescription de traitements antihormonaux pour les délinquants sexuels.

Ainsi, la personne qui refusera soit de commencer, soit de poursuivre le traitement inhibiteur de libido proposé dans le cadre de l’injonction de soins s’exposera au retrait de son crédit de réduction de peine si elle est détenue, à une incarcération si elle exécute sa peine en milieu ouvert, à une réincarcération si elle est placée en surveillance judiciaire, à une rétention de sûreté si elle est placée en surveillance de sûreté.

Afin de permettre d’améliorer l’évaluation de la dangerosité, la situation des personnes susceptibles d’être placées sous surveillance judiciaire devra être examinée par le juge de l’application des peines et pourra donner lieu à un examen par le centre national d’observation, le CNO.

Par ailleurs, le code de la santé publique est modifié afin de rendre obligatoire le signalement par le médecin traitant du refus ou de l’interruption d’un traitement inhibiteur de libido.

Troisièmement, l’Assemblée nationale a mis en place un nouveau répertoire relatif aux expertises psychiatriques des personnes poursuivies ou condamnées et introduit de nouvelles obligations concernant les fichiers existants, tels le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles, le FIJAIS, ou le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG.

Quatrièmement, les députés ont adopté une définition plus précise des interdictions de paraître en certains lieux et instauré un dispositif visant à prévenir leur violation. Pour les auteurs de crimes sexuels ou violents, le prononcé de l’interdiction de rencontrer la victime serait obligatoire. Dans l’hypothèse où une personne soumise à une interdiction de paraître violerait ses obligations, elle pourrait être appréhendée d’office par les services de police ou de gendarmerie et retenue pour une durée de vingt-quatre heures, afin de permettre sa présentation devant le juge, qui pourrait procéder à sa réincarcération.

Signalons encore l’adoption de deux amendements par l’Assemblée nationale, visant à ce que l’identité et l’adresse des personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru soient communiquées aux services de police ou aux unités de gendarmerie lorsque leur incarcération prend fin, d’une part, et à ce que l’observatoire indépendant chargé de collecter et d’analyser les données relatives aux infractions créé par la récente loi pénitentiaire publie aussi, dans son rapport annuel, des données statistiques relatives à l’exécution réelle des peines en fonction des peines prononcées.

Si la commission des lois partage bien évidemment le souhait manifesté par l’Assemblée nationale de renforcer la lutte contre la récidive, elle estime cependant indispensable d’apporter ou de rétablir certaines garanties pour mieux encadrer plusieurs des dispositions votées par les députés.

Ainsi, l’abaissement de quinze à dix ans de la durée de la peine de réclusion criminelle permettant l’application de la surveillance de sûreté soulève, selon la commission, des objections sérieuses, voire dirimantes, de caractère constitutionnel. En effet, la méconnaissance d’une obligation de la surveillance de sûreté peut entraîner un placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Or, dans sa décision du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de la rétention de sûreté dans la mesure où, « eu égard à l’extrême gravité des crimes visés et à l’importance de la peine prononcée par la cour d’assises, le champ d’application de la rétention de sûreté apparaît en adéquation avec sa finalité ».

Par le biais de la modification du quantum de peine retenu pour la mise en œuvre de la surveillance de sûreté, dont il constitue en quelque sorte le sas, le champ d’application de la rétention de sûreté se trouverait ainsi nécessairement étendu, en contradiction avec les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel…

M. Robert Badinter. Très juste !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … et la volonté du législateur de 2008 de réserver ces dispositifs, d’une nature totalement nouvelle, aux crimes d’une exceptionnelle gravité.

En outre, avec le suivi socio-judiciaire et la surveillance judiciaire, le dispositif français comporte déjà des mécanismes progressifs et efficaces pour exercer un suivi, après la peine, des personnes considérées comme dangereuses.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois a maintenu, pour l’application de la surveillance de sûreté, le seuil d’une condamnation à quinze ans de réclusion criminelle.

Elle a par ailleurs confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté la responsabilité de s’assurer de l’effectivité de l’offre de soins pendant la détention, précisé les conditions dans lesquelles l’intéressé pourrait demander la mainlevée d’une mesure de surveillance de sûreté, et rappelé que, dans tous les cas, le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté exigeait une méconnaissance des obligations imposées à la personne faisant apparaître une particulière dangerosité, caractérisée par une probabilité très élevée de récidive.

La commission des lois s’est ensuite attachée à clarifier le cadre juridique dans lequel un traitement antihormonal peut être prescrit.

Elle a ressenti la nécessité d’indiquer sans ambiguïté que la prescription d’un tel traitement relevait de la compétence exclusive du médecin traitant et tiré toutes les conséquences de l’affirmation unanime du corps médical selon laquelle cette prescription n’est pertinente, le cas échéant, qu’au moment ou à l’approche de la libération du condamné.

Si elle a supprimé l’obligation, pour le médecin traitant, d’informer le juge de l’application des peines ou l’agent de probation du refus ou de l’interruption d’un traitement inhibiteur de libido, estimant que cette contrainte ne pourrait que dissuader les médecins de prendre en charge des injonctions de soins, à rebours de l’objectif visé, la commission a néanmoins maintenu le principe d’une information obligatoire par le médecin traitant, mais en la soumettant à des conditions particulièrement strictes.

Cette obligation ne vaudrait que si le refus ou l’interruption du traitement intervient contre l’avis du médecin traitant. Ce refus ou cette interruption devra concerner le traitement dans son ensemble, et pas seulement le traitement antihormonal,…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … qui ne constitue que l’une des composantes éventuelles de la prise en charge médicale. Le médecin traitant passerait nécessairement par l’intermédiaire du médecin coordonnateur, afin qu’une concertation puisse s’établir sur la situation née de l’attitude du patient. Le secret médical serait respecté et le destinataire de l’information serait le juge de l’application des peines, à charge pour lui de la communiquer à l’agent de probation.

La commission des lois a également récrit une partie des dispositions concernant le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, en réservant notamment à l’autorité judiciaire l’accès à ce fichier. S’agissant du FIJAIS, elle a maintenu les règles actuelles relatives à la fréquence de justification des adresses, au demeurant déjà rigoureuses, d’autant que les modifications introduites par l’Assemblée nationale comportaient ou bien un risque d’inconstitutionnalité, ou bien une complexification considérable de la gestion du fichier par le casier judiciaire.

Enfin, la commission des lois a cherché à améliorer et à préciser la rédaction des dispositions introduites par l’Assemblée nationale concernant l’information des services de police et de gendarmerie sur les adresses des personnes condamnées au moment de leur libération, ainsi que les missions de l’observatoire indépendant chargé de la collecte et de l’analyse de dossiers statistiques concernant la récidive. Quelques semaines après la promulgation de la loi pénitentiaire, il m’a semblé paradoxal de laisser entendre que les aménagements de peine ne s’inscriraient pas dans une conception pragmatique de l’exécution de la peine permettant de favoriser la réinsertion et de lutter contre la récidive, mais seraient une sorte de cadeau consenti au condamné.

Mes chers collègues, nous sommes amenés à voter beaucoup de réformes dans le domaine de la justice, trop sans doute, de l’avis même des magistrats les plus éminents. Encore faut-il veiller à la cohérence de notre droit, si nous ne voulons pas le voir ressembler à la tapisserie de Pénélope ! Ce projet de loi doit s’inscrire dans un arsenal législatif dense et complexe, comprenant notamment la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, qui a mis en place le suivi socio-judiciaire, la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui a créé la surveillance judiciaire, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, enfin la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il nous faut donc prendre garde à ne pas revenir aujourd’hui sur ce que nous avons adopté hier, et qui n’a souvent guère eu le temps d’être appliqué.

Enfin, je ne puis passer totalement sous silence l’une des faiblesses essentielles de notre droit, qu’il s’agisse de notre système carcéral ou de notre politique de lutte contre certaines violences aveugles et contre la récidive : je veux parler de la prise en charge, dans notre pays, des malades mentaux.

MM. Nicolas About, rapporteur pour avis, et Gilbert Barbier. Effectivement !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La fermeture d’un grand nombre de lits psychiatriques et la distinction, sans doute assez manichéenne, entre abolition et altération du discernement ont amené en prison bien des personnes pour lesquelles le sens de la peine apparaît évanescent, qui ne peuvent trouver dans l’univers carcéral les meilleures conditions de soins et qui sortiront de prison après de longues années, car l’altération du discernement est devenue une circonstance aggravante – demi-fou, double peine –, sans que la sécurité de la société et leur propre sécurité soient pour autant assurées.

Les ministères de la justice et de la santé devraient prendre l’initiative conjointe d’organiser une réflexion sur ce lancinant problème. Le profil de la seule personne placée aujourd’hui en surveillance de sûreté oblige à reconnaître que la question de la prise en charge de la maladie mentale ne saurait être totalement absente de notre débat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la volonté de protéger la société contre ceux que l’on considère comme fous et dangereux est ancienne ; la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire assignait déjà « à la vigilance et à l’autorité des corps municipaux […] le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés et les furieux laissés en liberté et par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ».

La possibilité d’interner une personne sans son consentement, c’est-à-dire l’hospitalisation d’office, définie dans le code de la santé publique, découle de ce pouvoir de police, dans l’exercice duquel le juge n’intervient pas. En regard de cette possibilité de contrainte par corps destinée à empêcher les troubles à l’ordre public, la faculté de proposer des soins comme alternative ou complément à la peine de prison a été reconnue au juge, en 1954 pour les seuls alcooliques, puis en 1958 pour tous les malades.

En moins de dix ans, ces deux dispositifs ont été complétés par quatre textes : la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs ; la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ; enfin, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

La loi du 12 décembre 2005 a ainsi permis au juge d’ordonner une hospitalisation d’office dans les cas où l’irresponsabilité pénale d’un malade fait que celui-ci ne sera pas condamné. Mais surtout, l’intitulé même des textes adoptés depuis 1998 montre bien à quelles problématiques ils visent à répondre : les infractions sexuelles et la récidive.

L’élaboration de mesures spécifiques concernant les délinquants sexuels récidivistes résulte d’une prise de conscience récente de l’ampleur des violences faites aux femmes et aux enfants.

La loi du 17 juin 1998 a été suscitée par l’augmentation du nombre d’infractions sexuelles constatées au cours des dix années précédentes, augmentation qui résulte pour une part importante de la rupture du silence des victimes, grâce au combat féministe engagé depuis les années soixante-dix. Cette libération de la parole n’est pas achevée, puisque les études sociologiques menées entre 2000 et 2006 ont révélé un doublement du nombre de personnes ayant déclaré avoir été victimes de violences sexuelles au cours de leur vie, alors que le nombre de plaintes est resté stable sur la même période.

Ce décalage entre le nombre d’affaires jugées et la visibilité accrue des violences faites notamment aux femmes et aux enfants, permise par des témoignages plus nombreux et la médiatisation des cas, a entraîné un renforcement progressif de la législation. Cela étant, il ne paraît pas en avoir résulté une plus grande efficacité !

La loi du 17 juin 1998, qui a créé le suivi socio-judiciaire et la possibilité d’injonction de soins pour les délinquants sexuels, est unanimement saluée par les soignants. Si l’expertise psychiatrique antérieure au procès établit que l’accusé dont le discernement n’était pas aboli au moment des faits aurait intérêt à bénéficier de soins médicaux, le juge peut assortir sa condamnation d’une injonction de soins. À l’issue de la peine, le condamné devra donc accepter d’être traité ou, à défaut, retourner en prison.

Ce dispositif permet au moins de préserver le principe du consentement aux soins, tout en imposant une contrainte suffisamment forte, le retour en prison. C’est un point important pour surmonter le refus de soins, qui est l’une des principales difficultés rencontrées par les médecins.

J’insiste sur le fait que le consentement aux soins n’est pas simplement un droit qu’il convient de protéger. C’est également une nécessité médicale, tout particulièrement pour le traitement des maladies mentales. On ne peut obtenir de résultats durables si le malade n’adhère pas au traitement. Tout le travail du médecin sera donc de parvenir à construire ce consentement durable du condamné, contraint par l’injonction d’accepter des soins, afin de le conduire à devenir un patient, c’est-à-dire une personne engagée dans une démarche de soins et qui en accepte la lenteur et les incertitudes.

L’injonction de soins est considérée par les médecins qui sont prêts à s’occuper des délinquants sexuels comme le moyen de commencer le traitement : la justice aide donc à amorcer une thérapeutique. Chacun est dans son rôle, puisque le juge de l’application des peines s’assure qu’il y a bien respect de l’injonction, tandis que le médecin traitant prescrit la thérapeutique qui lui semble appropriée.

Pour qu’il y ait une séparation nette entre pouvoir judiciaire et médecine, un médiateur a été créé en la personne du médecin coordonnateur, qui est l’interlocuteur du juge et rencontre à intervalles réguliers le patient pour s’assurer du suivi thérapeutique. Mais ce médiateur n’interfère pas avec les prescriptions du médecin traitant. Le seul pouvoir dont il dispose est de refuser que le condamné n’ait recours qu’à un psychologue traitant. Il peut imposer que l’injonction de soins soit confiée à un médecin, ce qui paraît tout à fait adapté aux enjeux.

Cette séparation claire entre justice et soins est aujourd’hui, à mon sens, remise en cause. On demande en effet à la médecine d’assurer une mission qui n’est pas la sienne, « protéger la société », en attendant d’elle qu’elle empêche les personnes criminellement dangereuses de nuire. Or la dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminelle ne se recouvrent pas, en réalité, bien que la confusion soit assez fréquente.

Un psychiatre peut déterminer le risque d’auto-agressivité, voire d’hétéro-agressivité d’un malade, mais même l’hétéro-agressivité n’est pas directement corrélée avec le risque de commettre un crime ou un délit. La criminologie est une science en devenir, qui a elle-même beaucoup de mal à évaluer la dangerosité d’un condamné, et donc le risque de récidive. On s’accorde même à reconnaître que le meilleur outil en la matière est un instrument presque totalement empirique, le tableau actuariel. Ce tableau, du type de ceux qui sont utilisés par les compagnies d’assurances pour établir leurs primes, est une sorte de barème qui, en confrontant différents critères liés au condamné et aux faits qui lui sont imputés, propose une estimation de son risque de récidive. C’est dire le degré de fiabilité qu’on peut lui accorder…

Est-il légitime de faire compenser par la médecine les incertitudes de la criminologie ? La loi du 25 février 2008, en instaurant la rétention de sûreté, a prévu la possibilité d’interner les personnes dangereuses dans des établissements de soins. C’était là, à mon sens, créer un risque d’amalgame : toute personne dangereuse n’est pas soignable, hélas, en l’état actuel de la médecine. La dangerosité n’est pas une pathologie, et on ne peut pas soigner tous les psychopathes.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a souhaité se saisir de deux articles de ce projet de loi, insérés par l’Assemblée nationale dans le texte initial. En effet, elle craint que ces dispositions ne renforcent la confusion entre justice et soins, en suggérant que le juge pourrait prescrire, voire imposer un traitement.

Le traitement en question est ce que les urologues ont appelé la « castration chimique ». Il s’agit en fait d’un traitement inhibiteur de la testostérone et donc, dans une certaine mesure, de la libido. Le terme de « castration », pour symbolique qu’il soit, me paraît par conséquent impropre, sans compter que les effets du traitement sont parfaitement réversibles. Je parlerai donc, même si l’expression est imparfaite, de traitement antihormonal.

Par ailleurs, outre cette obligation de prescription qui, comme je l’indiquais, ajoute à la confusion, le texte impose de demander aux experts d’apprécier l’utilité du traitement et prévoit que toute interruption de celui-ci entraînera un retour en prison ou en rétention de sûreté. C’est là un cas unique, où l’on attache à une forme de thérapie des conséquences judiciaires graves !

Il est vrai que le traitement antihormonal dispose d’un statut légal particulier. C’est même une curiosité : il est le seul médicament qui figure explicitement dans le code de la santé publique comme pouvant être prescrit. C’est sur l’initiative du rapporteur de la commission des lois du Sénat, François Zocchetto, que cette disposition complétant l’article L. 3711-3 du code de la santé publique avait été introduite dans la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

Cette manière d’agir avait d’ailleurs, à l’époque, une raison précise. Les effets des traitements antihormonaux sur les délinquants sexuels n’avaient été découverts que récemment et les médicaments identifiés, utilisés pour soigner le cancer de la prostate, n’avaient pas d’indication en matière de pathologie mentale. Il fallait donc impérativement donner une base légale à leur utilisation, pour régler les questions d’assurance des médecins et de prise en charge du traitement par la sécurité sociale. Voilà pourquoi une telle disposition avait été insérée dans la loi.

Cette exception – l’inscription d’un type de traitement dans le code de la santé publique – ne se justifie plus aujourd’hui. Il existe désormais trois médicaments susceptibles d’être prescrits par tout médecin pour traiter ce que l’annuaire Vidal caractérise comme la « déviance sexuelle ». Ces médicaments sont pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Le traitement a fait ses preuves et, comme tout médicament, il comporte ses indications, qui sont d’ailleurs encore discutées, ainsi que, ne l’oublions pas, ses contre-indications.

Mes chers collègues, comprenez bien qu’il ne s’agit en aucun cas d’un traitement miracle : il ne peut soigner que de 5 % à 10 % des délinquants sexuels – je devrais plutôt dire qu’il permet de les calmer un peu – et, parce qu’il crée une andropause, il a des effets secondaires importants sur la santé de ceux qui le prennent. Dans le cadre d’une thérapeutique normale, un médecin peut donc commencer un tel traitement, puis décider de le modifier, de l’interrompre ou même de l’abandonner totalement tout en continuant d’autres soins. Le malade doit-il pour autant retourner en prison ?

Surtout, ce n’est pas un traitement pour condamnés dangereux. Les médecins qui le prescrivent à l’hôpital ont dans leur clientèle de nombreuses personnes qui souffrent de pulsions envahissantes, mais qui luttent pour ne pas passer à l’acte et qui ne l’ont jamais fait. Le traitement antihormonal les y aide.

Faire d’un type de traitement une panacée, voire une obligation légale, revient à laisser entendre à l’opinion publique et aux familles que la médecine a les moyens d’empêcher les délinquants sexuels de récidiver.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est important de le dire !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cela est faux et dangereux, car tout échec serait désormais considéré comme un échec de la médecine. Or celle-ci tente de soigner, mais ne peut « neutraliser », et n’est pas faite pour cela.

Grâce à l’excellent travail mené par M. le rapporteur, le texte adopté par la commission des lois, saisie au fond du projet de loi, a apporté de nombreuses clarifications. Tout a été fait pour réduire la confusion entre le rôle du juge et celui du médecin et pour préserver le secret médical.

Il est apparu toutefois à la commission des affaires sociales que l’on devait aller plus loin, en supprimant toute référence au traitement antihormonal et en mettant fin à l’exception dont il fait l’objet dans le code de la santé publique. Le médecin traitant doit mettre en œuvre le meilleur traitement, sans privilégier une molécule ou une forme de prise en charge particulière. Il doit le faire sans contrainte, motivé par la seule volonté de suivre son patient et de s’assurer de l’observance du traitement par celui-ci, avec bien entendu le devoir d’informer le médecin coordonnateur ou le juge si l’observance n’est pas respectée.

C’est à cette condition, à mon sens, que justice et santé pourront continuer à œuvrer ensemble et sans ambiguïté pour le soin et la protection des personnes. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord formuler une remarque de forme.

On nous soumet régulièrement des projets de loi relatifs à la police ou à la justice, et le caractère quelque peu récurrent de ces textes, surtout à la veille d’échéances électorales, m’amène à m’interroger.

Certes, ces sujets sont importants et pertinents, mais est-il nécessaire que soient examinés, la même semaine, un projet de loi portant des dispositions pénales au Sénat et un projet de loi relatif à la sécurité intérieure à l’Assemblée nationale ? Ne serait-il pas plus judicieux d’élaborer un grand texte visant à la fois à modifier le code pénal et à légiférer en matière de police ?

En effet, il me paraît inopportun de nous soumettre de manière répétitive des projets de loi portant sur ces thèmes. Il semble que le Gouvernement cherche ainsi davantage à donner l’impression qu’il s’occupe de lutter contre la délinquance, par le biais de la police ou de la justice, qu’à prendre de réelles mesures dans ce domaine. Il serait souhaitable d’aborder ces dossiers dans une plus grande sérénité.

Pour ma part, je ne suis pas du tout hostile à un renforcement des mesures pénales ou des moyens de la police. Pour lutter contre la délinquance, au sens large du terme, tant la coercition que la dissuasion sont nécessaires.

Toutefois, il ne convient pas de nous présenter un projet de loi en réaction à chaque fait divers, comme le fait le gouvernement actuel. Ce n’est pas là une bonne façon de légiférer ! On ne sait plus où l’on en est, tant les modifications du droit, en particulier du code pénal, se succèdent à un rythme accéléré. Il serait bon d’adopter une démarche plus cohérente en la matière.

Par ailleurs, je déplore vivement que le Gouvernement recoure à la procédure accélérée sur un sujet comportant une forte dimension morale, tel que celui qui nous occupe aujourd’hui. C’est inacceptable !

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !

M. Jean Louis Masson. Quelle mouche a donc piqué le Gouvernement ? Si l’urgence est réelle, pourquoi n’a-t-il pas agi plus tôt ?

M. Jean-Pierre Sueur. Bonne question !

M. Jean Louis Masson. Il est pourtant en fonctions depuis 2007 !

Le Parlement est traité d’une façon inacceptable ! À l’Assemblée nationale, la procédure du vote bloqué est systématiquement utilisée. Les scrutins y sont regroupés le mardi, et l’hémicycle est vide le reste de la semaine. Au Sénat, le Gouvernement recourt à la procédure accélérée. User de tels moyens coercitifs est indécent !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jean Louis Masson. C’est se moquer du Parlement ! Sur des sujets de société, à portée morale, il n’est absolument pas cohérent de procéder ainsi ! Chacun peut avoir son point de vue sur cette question, mais, selon moi, nous assistons à un dévoiement de la procédure parlementaire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non, c’est la conséquence de la réforme constitutionnelle !

M. Jean Louis Masson. Je le répète, je ne suis pas du tout hostile, sur le principe, au contenu de ce projet de loi. Je suis tout à fait d’accord pour que l’on instaure des mesures de rétention, de sûreté ou de surveillance, mais je désapprouve radicalement l’attitude du Gouvernement, qui ne peut que susciter des problèmes au Parlement. D’ailleurs, un incident s'est déjà produit voilà quelque temps, quand un de nos collègues s’est trompé d’urne lors d’un scrutin public. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Il serait temps que le Gouvernement change de méthode !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le Gouvernement donne effectivement le vertige au législateur. Pour la quatrième fois depuis 2005, nous sommes sommés de légiférer selon la procédure d’urgence, devenue procédure accélérée, sur le sujet de la récidive criminelle. Les lois précédentes sont-elles caduques ? Insuffisantes ? Mal appliquées ? Voilà déjà trois questions auxquelles il faudrait répondre.

Vous avez déclaré à l’Assemblée nationale, madame la garde des sceaux, que le présent projet de loi répond à une attente de l’opinion publique. C’est ce que vos prédécesseurs avaient déjà affirmé en 2005, en 2007 et en 2008.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, chaque crime odieux suscite l’horreur et conduit à s’interroger sur les comportements humains, sur la capacité de la société à apporter des réponses, sur celle des pouvoirs publics à appliquer les lois.

Toutefois, répondre à l’émotion que suscite un tel crime par une nouvelle loi, c’est laisser croire que la loi aurait en elle-même la vertu d’apporter une réponse immédiate et qu’il suffit de la modifier pour régler les problèmes. Le législateur ne devrait pas l’accepter.

Les effets de la loi pénale sur les criminels dangereux ne peuvent être immédiats, sauf à croire que la menace empêche le crime. Il n’est donc pas possible de statuer aujourd’hui sur les effets des lois que nous avons votées depuis 2005.

On sait aussi – les études menées sur de longues périodes le montrent – que les évolutions de la délinquance et de la criminalité dépendent de multiples facteurs et que l’existence d’un lien direct avec la loi pénale est difficile à démontrer.

Ainsi, la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a instauré le suivi socio-judiciaire, après la sortie de prison, avec possibilité d’injonction de soins pour les délinquants sexuels. Comment mesurer les effets de cette loi sur des criminels lourdement condamnés postérieurement à 1998 ? Cela n’a pas empêché le législateur de voter la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, créant la surveillance judiciaire des personnes dangereuses, la surveillance électronique mobile et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS. Selon le rapport de la commission des lois, la surveillance judiciaire est peu appliquée.

La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs prévoit des peines plancher et le suivi médical et psychiatrique des personnes condamnées, notamment pour des infractions de nature sexuelle. Elle a rendu obligatoire l’injonction de soins, alors que, comme le souligne la commission des affaires sociales dans son rapport pour avis, tous les délinquants sexuels ne sont pas susceptibles de traitement.

Vous signalez, madame la garde des sceaux, 14 000 condamnations de récidivistes à des peines égales à la peine plancher, sans d’ailleurs qu’il soit possible de savoir – et pour cause – à quelle peine ils auraient été condamnés en l’absence de peine plancher. Là aussi, quel recul pouvons-nous avoir sur l’application de la loi de 2007 ?

La loi du 25 février 2008 a instauré la surveillance et la rétention de sûreté. Le Gouvernement entendait, avec cette loi, afficher sa volonté de mettre la population à l’abri de récidivistes dangereux. Nous avons combattu, à l’époque, ce dispositif qui permet, au nom d’une dangerosité supposée, d’enfermer des gens sans qu’ils aient commis une nouvelle infraction. Outre qu’un tel dispositif est inconcevable au regard de notre droit, le Gouvernement voulait le rendre rétroactif. Le Conseil constitutionnel ayant censuré cette disposition, vous vous appuyez aujourd’hui sur sa décision pour revoir la loi.

Un meurtre horrible, celui de Mme Marie-Christine Hodeau, a été l’occasion d’inscrire à l’ordre du jour le présent projet de loi, afin de poursuivre dans la même voie, sans s’interroger sur l’applicabilité des lois.

Le nombre de personnes emprisonnées est en constante augmentation. En moins de trente ans, la population carcérale a doublé. Les peines de sûreté, les peines plancher ont allongé les durées de détention. Faute de personnel, le long temps de la prison n’est pas utilisé pour soigner et pour réinsérer. Francis Évrard, kidnappeur du petit Enis, a ainsi été enfermé pendant trente-deux ans sans être soigné ni suivi sur le plan psychiatrique ! Hélas, la loi pénitentiaire, dont l’application est restée loin des ambitions affichées, ne permettra pas de modifier la situation.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pour certains, la prison est parfois le premier contact avec la médecine !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est certain, c’est que, malgré l’aggravation des sanctions pénales, la société demeure violente, et le devient même de plus en plus. Tout le monde est d’accord sur ce point.

L’exemple des États-Unis est éclairant à cet égard. Alors que la répression y est particulièrement forte, ce pays compte, proportionnellement, dix fois plus de personnes incarcérées que la France. La peine de mort y est toujours pratiquée, pourtant les homicides sont trois fois plus fréquents que chez nous.

La politique d’élimination, qui réduit le délinquant à son acte, lui conteste toute capacité d’évolution, n’a absolument pas fait ses preuves. Or la rétention de sûreté pousse cette logique à l’extrême. Une telle politique criminalise la maladie mentale, amalgame folie et dangerosité, soins et sanctions pénales. De très nombreux psychiatres refusent que leur discipline devienne une gardienne de l’ordre social, en totale contradiction avec la finalité du soin, le temps et l’individualisation qui lui sont nécessaires.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales a bien mis en évidence cette problématique, à laquelle nous devons être très attentifs. Or la circulaire du 11 janvier dernier signée conjointement par Mme Bachelot et M. Hortefeux est venue encore renforcer l’inquiétude des psychiatres. Désormais, il appartiendrait aux préfets de département et, à Paris, au préfet de police de décider des sorties d’essai d’hospitalisation d’office, selon le seul critère du risque de trouble à l’ordre public, toutes considérations sanitaires étant écartées. Que deviendra l’aménagement thérapeutique que constituent depuis 1990 les sorties d’essai ?

Cette logique est dangereuse : c’est faire croire à l’opinion publique que le risque zéro est possible et que, en quelque sorte, la relégation d’un certain nombre de personnes répondrait au principe de précaution. C’est une illusion, et il est grave de fonder une politique et la loi sur une illusion.

Que l’on me permette, à cet instant, de citer M. Lamanda : « Une société totalement délivrée du risque de la récidive criminelle, sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus une société humaine. »

Entendons-nous bien : il n’y a pas, dans cet hémicycle, d’un côté ceux qui auraient le souci des victimes et de leurs proches, de l’autre ceux qui prendraient le parti des agresseurs. La souffrance des victimes est insupportable, et l’empathie à leur égard naturelle. Elle l’a toujours été. Oui, il faut répondre à leur souffrance, à leur attente d’une sanction. Mais le rôle de la justice, c’est de juger l’accusé pour ce qu’il a fait, d’apporter un apaisement aux victimes et de les indemniser s’il y a lieu ; c’est de rendre un jugement équitable, au rebours de la vengeance.

C’est pourquoi l’instrumentalisation de la souffrance à des fins politiques est inacceptable. Aussi me paraît-il nécessaire d’affirmer, même si je crains de ne pas être entendue aujourd’hui, que le législateur doit dire que cela suffit, qu’il faut cesser de légiférer dans l’urgence, sans s’interroger sur l’utilité des lois précédentes, sans avoir évalué leur application.

Je constate pourtant que, dans son rapport, M. Lamanda, sollicité pour faire des propositions après l’avis rendu par le Conseil constitutionnel sur la loi de 2008, a émis vingt-trois recommandations très intéressantes. La plupart d’entre elles concernent les moyens de l’application des lois : la recherche en criminologie, la gradation dans le suivi des mesures de surveillance judiciaire, le renforcement, en nombre et en qualité, des moyens de l’administration pénitentiaire, notamment du service de l’application des peines, le renforcement de services de psychiatrie.

Le Gouvernement ne retient pas, tant s’en faut, l’essentiel de ces recommandations ; il préfère l’affichage d’une nouvelle loi.

On l’a bien vu, la discussion de ce projet de loi à l’Assemblée nationale a donné lieu à tous les débordements. D’aucuns auraient voulu que les juges de l’application des peines informent les maires de l’installation dans leur commune de certains condamnés ! Pourquoi ne pas en publier la liste sur internet, comme cela s’est fait aux États-Unis ? Certains auraient voulu porter la durée de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures en cas de séquestration ou d’enlèvement, rendre imprescriptibles les crimes de pédophilie !

En tout état de cause, l’Assemblée nationale, qui avait déjà, en 2008, élargi le champ d’application de la rétention de sûreté, a procédé à une extension et à une aggravation méthodiques des dispositions du projet de loi. Le nombre de ses articles, tous plus inquiétants les uns que les autres, est passé de sept à dix-neuf. Un effet d’affichage trompeur a été obtenu avec l’inscription dans le texte de la castration chimique : le mot était lâché !

Au final, le texte comprend des dispositions extrêmement graves, qui outrepassent même la logique de la rétention de sûreté, dont l’application devait être subsidiaire et exceptionnelle, réservée aux infractions les plus graves.

Les députés avaient prévu d’abaisser de quinze à dix ans le quantum de peine pour la surveillance de sûreté et donc, in fine, pour la rétention de sûreté, qui se trouverait alors banalisée. La durée des peines augmentant constamment, le placement en rétention de sûreté deviendrait quasiment la règle.

M. Lecerf, rapporteur au fond, et M. About, rapporteur pour avis, ont très légitimement écarté un certain nombre de dispositions introduites par l’Assemblée nationale. Je leur en sais gré. Leurs propositions permettent d’encadrer certains dispositifs, de supprimer des incohérences et de lever des atteintes à des principes fondamentaux.

Il n’en demeure pas moins que ce projet de loi, dans ses grands axes, s’inscrit dans une spirale répressive.

Il étend la rétention de sûreté par le biais d’une sanction de l’inobservation d’obligations.

Il vise à renforcer la surveillance sous diverses formes : surveillance judiciaire et de sûreté, création d’un nouveau fichier et extension des modalités de fichage actuelles, avec un accroissement des risques d’interconnexion – on sait ce qu’il en est, à cet égard, du casier judiciaire et du système de traitement des infractions constatées. Ces mesures seront sans doute inapplicables, mais elles témoignent d’une évolution dangereuse.

Au travers de ce texte, le traitement est considéré avant tout comme une sanction. Le fin du fin, en la matière, aurait tout de même été d’instaurer le traitement anti-libido, qui plus est prescrit par le juge, le médecin devant en outre informer ce dernier du refus ou de l’arrêt du traitement.

Pour notre part, lors de l’examen du texte par la commission des lois, nous avons demandé que soient prises en considération les recommandations du président Lamanda avant toute nouvelle législation. Nous avions même déposé des amendements en ce sens. La commission les a rejetés, pour des raisons de forme, mais a néanmoins admis que le débat était nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable, qui sera défendue tout à l’heure. Peut-être des réponses nous seront-elles alors apportées, mais j’en doute… Nous avons déjà soulevé en vain nombre de ces questions à l’occasion d’autres débats parlementaires, notamment lors de l’élaboration de la loi pénitentiaire.

Quant à la fermeture annoncée d’antennes des services pénitentiaires d’insertion et de probation, en lien avec la suppression de tribunaux, elle me laisse tout aussi sceptique.

Avec la RGPP, le budget de la justice pour 2010 s’inscrit une nouvelle fois dans le cadre de la diminution des dépenses publiques, que le Gouvernement ne cesse de présenter comme inévitable. Une augmentation de seulement 3,42 % ne permet pas de répondre aux besoins actuels, d’autant que les crédits connaissant la plus forte hausse sont ceux qui serviront à financer la réalisation de nouvelles places de prison.

Plutôt que des lois votées à la va-vite, il faut des moyens importants pour assurer la prise en charge des délinquants sexuels. Ainsi, au Canada, grâce à une telle mobilisation, il semble qu’au moins un délinquant sexuel sur deux puisse être considéré comme guéri. Or combien de fois faudra-t-il souligner le niveau calamiteux de l’offre de psychiatrie en prison dans notre pays et, plus généralement, l’état catastrophique de la psychiatrie publique ?

C’est une évidence, il faut protéger la société, mais les solutions proposées – aggraver les peines, mettre à l’écart, enfermer – ne sont pas pertinentes. Pourtant, vous persévérez dans cette logique, comme en témoigne ce nouveau projet de loi. Après la rétention de sûreté renforcée, qu’allez vous inventer quand un nouveau drame se produira ?

En démocratie, la fin ne justifie pas les moyens. Nous ne voterons pas ce texte : comme je l’ai déjà dit, cela suffit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous allons débattre d’un nouveau projet de loi relatif à la récidive criminelle, le quatrième en quatre ans et demi, le deuxième en moins de deux ans.

Quelles impérieuses raisons vous conduisent à faire et à défaire ainsi la loi, madame la garde des sceaux ? J’en vois une, compréhensible : vous avez commis l’erreur de rendre votre précédente loi rétroactive.

Le Conseil constitutionnel vous a rappelé le principe, pourtant élémentaire, de la non-rétroactivité des lois. Vous auriez alors pu vous contenter d’une loi de rattrapage « technique », pour prendre en compte les réflexions du Premier président de la Cour de cassation, immédiatement missionné par le Président de la République.

Je reconnais que tel avait d’ailleurs été le choix initial de la Chancellerie. Mais force est de constater que ce texte « sage » n’a pas résisté à l’émotion suscitée par l’affaire de Milly-la-Forêt. Nous avons ainsi assisté à une sorte de déferlement de réactions venues des rangs de votre majorité à l’Assemblée nationale. Nous avons même entendu Mme Morano accuser le parti socialiste de « se ranger du côté des assassins »…

Je voudrais remercier le Sénat d’avoir fait preuve de davantage de modération : les commissions des lois et des affaires sociales, sous l’impulsion de MM. Lecerf et About, ont écarté les aspects les plus redoutables de ce projet de loi. Je leur en donne acte, mais ce texte demeure à nos yeux inacceptable, tant dans son inspiration que dans ses principes.

Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué avec honnêteté que votre projet de loi est inspiré par le souci de rassurer l’opinion, qui a peur, nous dit-on, de la délinquance, de la récidive. Tel est le socle de ce travail législatif. Il me semble que le législateur devrait se poser la question suivante : l’opinion a-t-elle toujours raison ?

Est-il certain qu’il y ait aujourd’hui plus de délinquance et de récidive qu’hier ? La délinquance ne serait-elle pas plutôt mieux connue, plus médiatisée, s’agissant notamment des crimes sexuels, qu’elle ne l’était auparavant ?

J’ai tenté de faire la lumière sur ce point, mais la tâche est ardue car les rapports ne comportent guère de statistiques.

Le rapport Lamanda nous apprend tout de même qu’il y avait deux fois moins d’assassinats ou de viols sur mineurs à la fin des années quatre-vingts qu’un siècle plus tôt. Une forte augmentation des viols a été enregistrée entre 1976 et 1998, suivie d’une décroissance, sauf concernant les mineures. Quant à la récidive, toujours selon le rapport du Premier président de la Cour de cassation, elle n’était le fait en 2005 que de moins de 3 % des personnes condamnées pour assassinat, ce pourcentage étant un peu plus élevé, il est vrai, pour les délinquants sexuels.

À cet égard, le rapport de M. Lecerf indique que le taux de réitération serait de 1,8 % pour les viols et de 5,3 % pour les affaires de mœurs. Quant à celui de M. Zocchetto, il avançait, pour l’année 2005, un taux moyen de récidive de 2,6 % pour les crimes et de 6,6 % pour les délits, avec de fortes disparités selon la nature de l’infraction.

J’ai également consulté les travaux du professeur Tournier, qui souligne avec raison qu’il faut distinguer la récidive au sens légal de la re-condamnation concernant des délits différents commis par une même personne.

Que conclure de tous ces éléments ? Tout d’abord, il est irrationnel de légiférer si souvent en disposant de si peu de données objectives. Ensuite, les statistiques insuffisantes que nous possédons ne permettent pas de constater une aggravation de la délinquance ou de la récidive sur un siècle, ni même depuis les années quatre-vingt-dix.

Pour autant, nous avons tous, bien entendu, la volonté de prévenir la récidive ; reste à savoir quelle est la meilleure voie pour y parvenir. Votre réponse est simple, madame la garde des sceaux : elle consiste à distinguer la sanction et la responsabilité.

Voilà un an, ici même, lors des débats sur la loi pénitentiaire, nous avions été nombreux, sur toutes les travées, à aboutir à une autre réponse après nous être posé ces questions difficiles : à quoi sert la prison ? Quel est le sens de la peine ? Il nous avait semblé que la prison devait d’abord servir à prévenir la récidive.

Un an plus tard, nous n’avons pas beaucoup progressé… Plutôt qu’un énième projet de loi sur la récidive, nous aurions apprécié que l’on nous présente une évaluation des actions menées en prison pour éduquer une population souvent analphabète, pour soigner des femmes et des hommes dont 40 % sont atteints de troubles mentaux, pour humaniser la prison et, partant, le détenu, en bref pour préparer la sortie, donc la réinsertion.

Or vous avez fait un autre choix, celui non pas de préparer la sortie, mais de l’interdire définitivement. La rétention de sûreté n’a pas d’autre sens.

Cette idée n’est pas nouvelle : c’est en fait le principe de la relégation de 1885. À l’époque, le détenu était relégué de façon définitive dans une colonie, une fois sa peine purgée ; aujourd’hui, il fera l’objet d’une mesure de rétention de sûreté. La géographie a changé – nous n’avons plus de colonies –, tout comme le vocabulaire – la « présomption irréfragable d’incorrigibilité » d’hier est devenue la « dangerosité » –, mais la peine demeure la même.

Même amendée par la commission des lois, la rétention de sûreté remet en cause un principe fondamental de notre droit pénal : la privation de liberté doit sanctionner une infraction. Désormais, un individu pourra perdre sa liberté non pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il pourrait faire. Je sais que certains défendent l’idée que la rétention de sûreté n’est pas une sanction, mais celui qui la subit ne partage pas cet avis ! La CEDH n’a d’ailleurs pas encore rendu son arbitrage sur la question, mais nous avons à l’esprit l’arrêt « Mücke contre Allemagne » du 17 novembre 2009.

Vous apportez une deuxième réponse à la récidive, cette fois en matière de délinquance sexuelle.

Ne laissons pas croire que, grâce à la science, la justice aurait mis la main sur une solution miracle. N’entretenons pas non plus ce fantasme que la castration constituerait le moyen radical de combattre la récidive sexuelle. Et si, ma foi, elle ne peut être physique, qu’elle soit au moins chimique…

Il est de notre rôle, ainsi que du vôtre, de dénoncer de telles chimères. Les traitements anti-libido peuvent peut-être rassurer l’opinion, mais, les psychiatres ne cessent de le rappeler, ils ne sauraient être efficaces s’ils sont administrés aux patients – car il s’agit bien de patients – contre leur gré.

La commission a eu la sagesse de remettre de l’ordre dans les rôles de chacun : juge, expert, médecin.

Vous présentez une troisième solution au travers de votre texte : la constitution d’un fichier. Comme cela a été indiqué ce matin en commission, il existe déjà soixante-dix fichiers de police ; ce serait donc le soixante et onzième !

Il s’agit cette fois d’un répertoire des données de procédures. Les organisations de magistrats ont souligné l’inutilité d’un tel fichier. La CNIL, quant à elle, s’inquiète, car elle n’a pas été consultée à ce sujet et rien ne garantit la confidentialité des informations.

Votre arsenal comporte enfin une quatrième solution : la défiance envers les magistrats. C’est une constante depuis maintenant huit ans. La latitude dont disposent les juges pour individualiser les peines et les adapter à la personnalité du condamné est sans cesse réduite.

Que l’on ne se méprenne pas sur le sens de mon intervention : chaque crime commis en état de récidive est une tragédie pour les victimes et un échec pour la société. Cependant, la législation dictée par l’émotion et la surenchère ne résoudront rien. Il existe d’autres moyens de lutter contre la récidive, que nous avons exposés lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire.

Pour conclure, je voudrais livrer à votre réflexion des propos tenus en 1885 par Clemenceau à l’Assemblée nationale au sujet de la relégation de 1885, et qui pourraient parfaitement s’appliquer à la rétention de sûreté :

« Vous n’aurez rien fait que d’éloigner le condamné de notre vue ; le problème sera demeuré le même, et, si vous ne tentez rien pour améliorer le condamné, pour le réformer, vous aurez dépensé des sommes énormes, vous aurez soustrait les criminels à la vue de la vieille Europe, mais vous n’aurez fait, ni réforme sociale, ni réforme pénale, ni réforme criminelle ; vous aurez recouru à un misérable expédient pour masquer le crime, mais vous l’aurez maintenu, que dis-je ? vous l’aurez créé vous-mêmes plus abominable que vous ne le connaissez ici. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, neutraliser le criminel ne saurait suffire à fonder une politique pénale moderne. À nos yeux, il convient tout à la fois de réduire le risque de récidive et d’endiguer la vague sécuritaire. En effet, nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la rétention de sûreté ou les peines plancher constituent un progrès.

Loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et, maintenant, projet de loi de février 2010 tendant à « amoindrir le risque de récidive criminelle » : le choix des mots est intéressant…

Traiter, renforcer, amoindrir : où est la cohérence dans cette cascade législative – dans cette récidive législative, allais-je dire –,…

M. Jacques Mézard. … aggravée par le recours à la procédure accélérée ? Il s’agit là d’une récidive législative réitérée en dépit des injonctions !

Il est également significatif que l’expression « amoindrir la récidive » ait été utilisée par le Président de la République dans son courrier du 25 février 2008 missionnant M. Lamanda, quatre jours après la décision du Conseil constitutionnel censurant deux dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté, dont sa rétroactivité, contraire à un principe élémentaire de notre droit, comme l’avait d’ailleurs fort justement souligné la commission des lois.

Selon M. le rapporteur, dont nous saluons encore une fois le travail, le sens de l’humain et la capacité à amoindrir les excès de la majorité des députés, « le rapport Lamanda a suggéré de modifier sur certains points, d’ailleurs limités, la loi du 25 février 2008 […], afin d’en corriger les lacunes ou les insuffisances ». C’est dire les difficultés posées par des lois découlant d’affaires médiatiques.

Nous déplorons, une fois encore, la réaction législative à des faits divers médiatisés, suscitant à très juste titre l’indignation et l’exaspération de nos concitoyens ; mais ni les discours sécuritaires ni les lois sécuritaires ne résoudront les problèmes, et nous le savons tous. Je ne suis en effet pas convaincu que les analyses et les objectifs des uns et des autres soient très éloignés.

Ceux qui, voilà moins de trente ans, s’opposaient à l’abolition de la peine capitale, au motif qu’elle entraînerait une multiplication des crimes de sang, égaraient sciemment l’opinion ; ceux qui, aujourd’hui, soutiennent que l’alourdissement des peines freinera la récidive l’égarent tout autant.

Ces lois à répétition manifestent clairement une certaine défiance à l’égard des magistrats, qui n’appliqueraient pas la loi avec suffisamment de sévérité. Peines plancher, rétention de sûreté : il s’agit d’encadrer davantage leur pouvoir d’appréciation. Pour les gardes à vue, ne vous méfiez pas des avocats ! Pour les sanctions, ne vous méfiez pas des magistrats ! Quel triste constat, sinon, pour l’image de notre justice…

Le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale est inquiétant. Il faut reconnaître qu’il diffère de celui du Gouvernement. Avec un grand sens de la mesure et de la diplomatie, M. le rapporteur a estimé que certaines orientations « soulevaient des difficultés juridiques et pratiques ». Hommage lui soit rendu !

Nous savons tous qu’il ne faut point considérer la récidive comme un problème général, que l’apparition de la sanction résoudrait. Les formes de récidive sont en effet très diverses, c’est pourquoi l’individualisation des peines est indispensable.

Nous savons tous que le problème de l’irresponsabilité pénale pour maladie mentale n’est toujours pas correctement réglé : l’ancien article 64 a-t-il vraiment été amélioré ? C’est une question que l’on doit se poser aujourd’hui.

Nous savons tous que le meilleur moyen d’éviter la récidive à l’expiration d’une peine d’emprisonnement, c’est de préparer la sortie du détenu, surtout lorsque l’incarcération fut longue. Car le danger de la sortie, c’est aussi la solitude !

Protéger les victimes, éviter la récidive : ce sont des objectifs que nous partageons tous, sans aucun angélisme, en tant que responsables convaincus que la société doit se protéger des comportements délictuels.

Je me souviens des propos du rapporteur du projet de loi pénitentiaire sur la variabilité des taux de récidive selon le type d’établissement pénitentiaire.

Il est particulièrement regrettable que le présent projet de loi ne soit pas accompagné des études d’impact nécessaires, notamment sur les traitements hormonaux.

Toute récidive est une récidive de trop. Cela étant, raisonnons au-delà de l’affichage et du sensationnel : en moyenne, le taux de récidive est de 2,5 % à 3 % pour les crimes – nous sommes d’accord pour dire que c’est beaucoup trop – et de 6,5 % pour les délits, mais avec des différences considérables selon le type de délinquance. Marteler l’opinion publique avec la récidive criminelle, ce n’est pas de la politique pénale, c’est de la politique à usage médiatique, voire électoral.

Ne pas tenir compte du rapport de la Commission d’analyse et de suivi de la récidive, qui concluait que « l’essence de la peine est d’être aménagée », ce n’est pas choisir l’efficacité.

Oui, la récidive régresse lorsqu’il y a libération conditionnelle ; oui, elle régresse avec les peines alternatives à l’emprisonnement ; oui, elle régresse en fonction des conditions de détention ; oui, elle régresse grâce à un suivi socio-judiciaire. La surpopulation carcérale, souvent dénoncée à juste titre par M. le rapporteur, l’absence de préparation à la sortie : voilà des facteurs de récidive. Notre collègue Yves Détraigne, lors de la séance du 26 juillet 2007, avait précisément déclaré qu’« il faut en finir avec les sorties non préparées, c’est-à-dire les sorties sèches ».

Le rapport de M. Lecerf et celui, tout à fait admirable, de M. About contiennent des analyses pertinentes, humaines, correspondant à la réalité du terrain, témoignant d’une connaissance approfondie des problèmes. Mais nous estimons qu’il existe une certaine inadéquation entre ces analyses et les textes législatifs successifs.

Avant même que l’on ait eu le temps d’évaluer l’application des lois précédentes, l’Assemblée nationale a porté de un à deux ans renouvelables la durée de la surveillance de sûreté, abaissé de quinze à dix ans le quantum de peine prononcée permettant la surveillance de sûreté et de dix à sept ans le seuil de peine prononcée pour le placement sous surveillance judiciaire, le tout assorti d’un nouveau répertoire relatif aux expertises psychiatriques et de nouvelles obligations portant sur les fichiers existants. On n’attend même pas de voir comment le système fonctionne pour le modifier en fonction de l’affichage médiatique recherché.

Il s’agit là d’une dérive catastrophique ! Je vous remercie, madame le ministre d’État, des propos pertinents, et même indispensables, que vous avez tenus à la suite d’un récent fait divers concernant une personne âgée.

Vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, une seule mesure de surveillance de sûreté a été prise à ce jour… Nous considérons que les dispositions législatives et réglementaires existantes permettaient dans une large mesure d’atteindre les objectifs en matière de lutte contre la récidive. Ce qui manque toujours, ce sont les moyens humains et matériels d’appliquer sur le terrain la loi pénitentiaire. Le rapport de M. Lecerf met à juste titre en exergue « l’absence de structures adaptées », en contradiction avec l’article 763-7, et même le manque de moyens dans les structures existantes. Il rappelle également la pénurie de psychiatres, la faiblesse du nombre de spécialistes formés à la prise en charge thérapeutique de la délinquance sexuelle, l’insuffisance du nombre de médecins traitants, le fait que quarante tribunaux de grande instance et dix-sept départements sont dépourvus de médecins coordonnateurs. Voilà la réalité !

Je salue à nouveau la sagesse de la commission des lois d’avoir réservé le répertoire des données à caractère personnel à l’autorité judicaire et de ne pas en avoir rajouté pour le fichier des délinquants sexuels, qui compte déjà 43 000 inscrits !

Quant au traitement anti-libido, il était temps d’affirmer que sa prescription relevait de la seule compétence du médecin traitant, en supprimant l’obligation, pour ce dernier, d’informer le juge de l’application des peines du refus ou de l’interruption du traitement. Nous savons gré aussi à M. About d’avoir rappelé qu’il ne fallait pas assigner à la médecine un rôle qui ne peut être le sien, que « soigner n’est pas la même chose qu’empêcher de nuire »,…

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jacques Mézard. … qu’ « une attention disproportionnée était accordée aux traitements antihormonaux », qui doivent être prescrits comme tout autre médicament, et que, surtout, la médecine ne saurait être instrumentalisée à des fins de défense sociale.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jacques Mézard. Le serment d’Hippocrate a encore un sens : « Dans toute maison où je serai appelé, je n’entrerai que pour le bien du malade. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jacques Mézard. Le juge ne doit pas prescrire un traitement, le médecin ne doit pas juger.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jacques Mézard. La criminalité est l’une des expressions de la nature humaine, de sa profonde complexité, comme le concluait le magistrat Serge Portelli dans son ouvrage Récidivistes ; cette complexité est incompatible avec les « solutions toutes faites, toutes plus régressives les unes que les autres, qui font le bonheur des bateleurs de foire et le succès des démagogues ».

Madame le ministre d’État, une pause dans la frénésie législative sécuritaire, des moyens pour mieux préparer la sortie de prison des détenus et pour améliorer encore le système de libération conditionnelle, dont le rapport Lamanda met en lumière les résultats satisfaisants en matière de lutte contre la récidive : voilà la meilleure injonction de soins pour la tranquillité des bons citoyens, pour la réinsertion des délinquants et, tout simplement, pour la justice. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui concerne un sujet particulièrement grave. Comme vous le soulignez, madame le ministre d’État, « première des libertés, la sécurité est la condition de toutes les autres ». Vivre en sécurité dans une société démocratique telle que la nôtre est en effet un droit légitime de nos concitoyens ; c’est pour nous, parlementaires, un devoir de le garantir.

Les peines d’emprisonnement constituent la première réponse aux actes criminels les plus graves. Cependant, force est de constater qu’elles se révèlent parfois insuffisantes pour protéger efficacement notre société.

L’actualité médiatique nous rappelle fréquemment la réalité des drames engendrés par la récidive. Si notre action politique ne saurait être dictée par l’émotion que suscitent de tels événements, ce projet de loi répond concrètement à une attente essentielle des Français, que nous ne pouvons ignorer.

La sécurité constitue en effet une aspiration très forte de nos concitoyens. À ceux qui nous accuseraient de ne réagir que sous le coup de l’émotion, j’indiquerai que plusieurs de nos voisins européens ont déjà entrepris une telle évolution législative depuis plusieurs années.

Certes, les taux de récidive en matière criminelle sont faibles : 0,5 % pour les homicides et 1 % pour les auteurs d’agressions sexuelles sur mineurs. Néanmoins, il est de notre responsabilité de mieux protéger l’ensemble de nos concitoyens, de mieux protéger les victimes d’actes d’autant plus insupportables qu’ils sont commis en récidive de crimes d’une particulière gravité. Au-delà des pourcentages, il s’agit de centaines de personnes qui ont eu à connaître l’horreur.

Les évolutions législatives récentes intervenues au travers de la loi du 10 août 2007, qui a institué des peines plancher pour les multirécidivistes, et de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, ont déjà apporté de nombreuses réponses au problème qui nous occupe aujourd’hui.

Cependant, sur le fondement du principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions essentielles de la loi du 25 février 2008. Les propositions formulées dans son rapport par M. Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, qui ont été intégrées au texte qui nous est soumis permettront de remédier à ces différentes difficultés techniques.

Surtout, si ces lois ont apporté des réponses à la fois fermes et proportionnées au problème de la récidive, il nous faut aujourd'hui aller plus loin. Il s’agit non pas de voter un énième texte en la matière, mais de faire preuve de lucidité et de pragmatisme face à l’évolution constante de la délinquance et de la criminalité. Nous devons nous adapter en permanence. Tel est le sens de votre action au Gouvernement, madame le ministre d’État. Je m’en réjouis, comme l’ensemble des membres du groupe UMP.

Je voudrais maintenant évoquer les six apports du présent projet de loi qui me paraissent essentiels.

Premièrement, au-delà des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, ce projet de loi pallie certaines lacunes de la loi relative à la rétention de sûreté.

La rétention de sûreté pourra désormais s’appliquer aux auteurs de crimes de meurtre, de torture ou d’actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration commis en état de récidive légale contre des personnes majeures, ce qui n’était pas le cas auparavant.

De plus, le texte vise à rendre effectives les interdictions de paraître dans certains lieux et de rencontrer la victime, dont il garantit ainsi la tranquillité. Il permet en effet aux forces de l’ordre d’être informées de l’installation des criminels libérés sur le territoire : l’identité et l’adresse des condamnés à une peine de cinq ans d’emprisonnement au moins devront être communiquées aux services de police et de gendarmerie à l’issue de leur détention.

En outre, le texte renforce la sanction prévue dans le cas où un condamné ne respecterait pas l’interdiction d’entrer en contact avec sa victime. Jusqu’à présent, la violation de cette interdiction ne constituait qu’un motif éventuel de réincarcération. Parce que cette violation ne constituait pas une infraction, les forces de l’ordre ne disposaient pas de la faculté de placer la personne concernée en garde à vue, même dans l’attente de sa présentation au juge de l’application des peines en vue de décider de sa réincarcération. Pour pallier ce vide juridique, il est instauré une mesure de rétention pendant vingt-quatre heures garantissant au condamné les mêmes droits que ceux de la garde à vue.

Deuxièmement, le texte met en place une politique de prévention de la récidive.

En effet, en tant que législateur, notre responsabilité est non seulement de réprimer les actes de délinquance, mais aussi de les prévenir. Ce projet de loi me paraît ainsi véritablement complémentaire de la loi pénitentiaire que nous avons récemment adoptée, car la meilleure prévention de la récidive, c’est avant tout la réinsertion.

Seulement, nous ne pouvons être laxistes à l’égard des criminels qui présentent les risques les plus graves de récidive. Là aussi, le pragmatisme doit nous guider : à la déclaration de culpabilité doit correspondre une peine, à la reconnaissance de la dangerosité une mesure de sûreté.

Troisièmement, le présent texte protège les criminels contre eux-mêmes.

En réduisant la dangerosité des criminels, nous ne protégeons pas que nos concitoyens : nous protégeons aussi les intéressés contre eux-mêmes. C’est pourquoi le renforcement de leur suivi ne saurait être uniquement judiciaire ; il doit aussi être médical et psychiatrique. Le projet de loi prévoit ainsi, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, que tout placement en rétention de sûreté sera désormais conditionné au préalable à une prise en charge médicale, sociale ou psychologique du condamné pendant sa détention.

Quatrièmement, le texte instaure des garanties en matière de suivi des criminels hors de la prison.

Le projet de loi ne fait pas que répondre à la décision du Conseil constitutionnel. Il instaure également, sur l’initiative des députés, de nombreuses garanties en termes de suivi des criminels en dehors de la prison : d’une part, le placement sous surveillance de sûreté pourra intervenir soit à l’issue d’une surveillance judiciaire, soit directement à la sortie de prison ; d’autre part, des mesures de contrôle pourront être mises en œuvre à l’égard de personnes remises en liberté dans l’attente d’une procédure de révision.

Cinquièmement, le projet de loi tend à améliorer la circulation de l’information à destination des magistrats et des équipes médicales.

L’organisation de notre système judiciaire et médical ne permet pas de rendre suffisamment compte de la dangerosité des criminels. Par exemple, jusqu’à aujourd’hui, les expertises réalisées pendant l’instruction n’étaient pas transmises aux équipes médicales amenées à soigner le condamné en détention. Ce cloisonnement et l’absence de centralisation des données ont parfois contribué à ce que certaines décisions judiciaires soient prises sans que le juge saisi dispose des informations pertinentes pour évaluer la dangerosité d’un criminel.

C’est pourquoi la création du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires va dans le bon sens. Regroupant les « expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires », ce répertoire permettra de faciliter la prise d’une décision éclairée quant à la dangerosité des personnes condamnées ou poursuivies pour une infraction passible d’un suivi socio-judiciaire.

Afin de favoriser une meilleure information des forces de l’ordre, le projet de loi renforce en outre les obligations de l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles. Les personnes qui y sont inscrites devront ainsi justifier de leur adresse plus fréquemment, à savoir tous les six mois, voire tous les trois mois pour les plus dangereuses d’entre elles.

Sixièmement, le présent projet de loi renforce l’incitation au traitement inhibiteur de libido.

La référence à ce traitement dans le code de la santé publique constitue une innovation majeure de ce projet de loi. C’est une nouvelle pierre apportée à l’édifice de la lutte contre la récidive.

Cela étant, le droit à la sécurité nous paraît tout aussi essentiel que le respect des libertés individuelles. Dans un État de droit tel que le nôtre, l’un ne va pas sans l’autre. Si ce texte a pour objet principal de mieux protéger les victimes, nous ne saurions pour autant bafouer les droits fondamentaux des condamnés.

À ce titre, je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, M. Lecerf, qui a su trouver un subtil équilibre entre respect du secret professionnel et volonté de décloisonner les relations entre le corps médical et les services judiciaires. Votre amendement, monsieur le rapporteur, visant à instituer l’obligation, pour le médecin traitant, d’informer le médecin coordonnateur lorsqu’un condamné, contre son avis, refuse ou interrompt un traitement proposé dans le cadre d’une injonction de soins, apporte un excellent outil de lutte contre la récidive.

La commission des lois, constamment guidée, sous l’impulsion notamment de son président, M. Hyest, par la recherche d’un équilibre entre respect des libertés individuelles et nécessité de prévenir la récidive, a apporté des modifications essentielles au texte. Le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission des lois, prévoit explicitement la faculté de mainlevée de la surveillance de sûreté, dont la durée a été portée de un à deux ans par l’Assemblée nationale. C’est un point très important.

En outre, nous nous félicitons de ce que, sur l’initiative de M. le rapporteur, le seuil de la peine pour l’application de la surveillance de sûreté ait été rétabli à quinze ans. En respectant l’avis du Conseil constitutionnel, le Sénat est bien dans son rôle de garant des libertés.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la discussion de ce texte était attendue depuis que le Conseil constitutionnel avait censuré une partie des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et que le Président de la République avait chargé le Premier président de la Cour de cassation de lui faire des propositions en vue d’amoindrir le risque de récidive criminelle.

Cela étant, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus tout à fait celui qui avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2008, lequel ne comportait que quelques articles destinés principalement, comme l’a d’ailleurs rappelé M. le rapporteur, à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et à prendre en compte les propositions du rapport Lamanda.

À la suite d’une affaire tragique et largement médiatisée impliquant un récidiviste, le Gouvernement a soudainement décidé d’engager la procédure accélérée alors que le texte était depuis onze mois déjà sur le bureau de l’Assemblée nationale. En outre, de nouvelles dispositions, destinées en partie, il faut bien le dire, à rassurer l’opinion publique, ont été ajoutées au cours de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Nous voici donc à nouveau, je le crains, devant ce que l’on appelle parfois la « législation d’émotion », c’est-à-dire devant un texte dont on peut se demander si sa finalité principale n’est pas tant d’améliorer et de rendre plus efficace notre arsenal juridique que d’apaiser l’émotion populaire. Car enfin, nous examinons aujourd’hui le quatrième texte sur la récidive en à peine quatre ans, après la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. J’ajoute que n’entrent pas dans ce décompte les textes sur la sécurité intérieure, qui ne cessent, eux aussi, de se multiplier…

En 2005 déjà, à la suite d’un rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le traitement de la récidive des infractions pénales, les députés Pascal Clément et Gérard Léonard déposaient un texte ayant pour objet de « placer la lutte contre la récidive au cœur de la politique pénale », selon deux grands axes : réprimer plus sévèrement les récidivistes ; prévenir plus efficacement la récidive grâce à un meilleur suivi des condamnés les plus dangereux.

À l’époque déjà, les sénateurs centristes s’inquiétaient que l’on veuille compléter le dispositif existant en matière de lutte contre la récidive sans s’interroger d’abord sur la manière dont étaient appliquées les dispositions en vigueur du code pénal.

À l’époque déjà, nous souhaitions qu’il soit d’abord remédié au fait que le tiers des peines de prison prononcées ne soient pas exécutées…

À l’époque déjà, nous réclamions qu’aucune remise de peine ou libération conditionnelle ne soit accordée sans qu’ait été préalablement pris en compte l’état de dangerosité du condamné.

À l’époque déjà, nous voulions d’abord que plus de moyens financiers soient consacrés au suivi et à la réinsertion des détenus, que des moyens humains et matériels suffisants permettent d’assurer en prison le suivi médical nécessaire à certains d’entre eux, en particulier aux condamnés pour infractions sexuelles, et d’éviter qu’un détenu ne soit livré à lui-même à sa sortie de prison.

À l’époque déjà, nous savions que la vacance de 3 000 postes de psychiatre était éminemment symptomatique de l’abandon d’une partie de la chaîne pénale. Nous savions aussi que la France comptait vingt-six services médico-psychologiques régionaux pour environ 190 établissements pénitentiaires et que ces services ne pouvaient prendre en charge que 40 % de la population carcérale.

Aujourd’hui, où en est-on ?

Dix ans après la création du suivi socio-judiciaire, quarante tribunaux, répartis entre dix-sept départements, n’ont toujours pas de médecins coordonnateurs, ce qui rend le dispositif inapplicable.

La première des UHSA, les unités hospitalières spécialement aménagées créées, voilà huit ans, par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 et qui doivent permettre la prise en charge psychiatrique en détention des criminels et délinquants sexuellement dangereux, n’ouvrira que dans un mois…

Par ailleurs, la réduction des budgets consacrés aux frais de justice ne permet pas toujours de payer correctement les expertises demandées.

Bref, alors qu’un hebdomadaire paru ce matin rappelait que nous avons voté vingt-trois lois depuis 2002 pour durcir le code pénal, avec la création chaque fois de nouveaux délits, il est temps de se demander si, avant d’adopter d’autres mesures législatives encore, auxquelles l’opinion finira par ne plus croire, on ne devrait pas d’abord se donner les moyens, d’une part, d’améliorer les conditions de détention afin d’éviter que la prison ne transforme de petits délinquants en criminels, d’autre part, de rendre plus effectives en même temps que plus efficaces les mesures de suivi et de réinsertion existantes, afin de réduire le risque de récidive.

En effet, si la prison a pour rôle de punir, elle doit aussi avoir pour mission de préparer la sortie du détenu et sa réinsertion dans la société, ce qui permettrait, plus sûrement que par le simple durcissement des peines d’enfermement, de limiter le risque de récidive, sachant que, quoi que l’on fasse, celui-ci ne sera jamais nul.

Nous sommes conscients du fait que l’état de nos finances publiques ne permet pas forcément de remédier au rythme souhaitable à l’insuffisance des moyens consacrés, dans la chaîne pénale, à la prise en charge médicale et psychiatrique du détenu, ainsi qu’à la préparation et au suivi de sa sortie.

En tout état de cause, faisons en sorte, madame le ministre d’État, que cette nouvelle loi ne soit pas un simple cache-misère.

Cela étant dit, comme l’ensemble des orateurs précédents, je tiens à féliciter et à remercier M. Lecerf, qui, après avoir marqué de son empreinte et de son humanisme la loi pénitentiaire, a su examiner ce texte sur la récidive en dépassant la simple réaction émotionnelle et en évitant de tomber dans la surenchère.

Nous ne pouvons donc qu’approuver les dispositions proposées par M. le rapporteur et adoptées par la commission des lois, telles que celles qui tendent à revenir sur le durcissement du texte voté par l’Assemblée nationale ou celles qui rendent au médecin toute sa place dans la prescription et le suivi des soins.

Compte tenu des améliorations apportées au texte en commission, et sous réserve que l’équilibre trouvé ne soit pas remis en cause au cours du débat, le groupe de l’Union centriste votera majoritairement le présent projet de loi, en souhaitant toutefois qu’il ne nous en soit pas soumis d’autre sur ce thème sans que l’on se soit d’abord donné les moyens de mettre en œuvre les mesures existantes. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si seulement on pouvait parler de sécurité avec sérénité, selon des objectifs inscrits dans la durée, avec lucidité, à l’abri de l’émotion – aussi vive soit-elle pour les victimes – que soulève inévitablement tout fait divers…

Si seulement on pouvait parler de sécurité sans autre objectif que l’efficacité dans le respect des fondements de la République, c'est-à-dire hors de toutes visées électoralistes, sans démagogie ni populisme…

Mais voilà, une fois de plus, nous en sommes réduits à examiner un projet de loi qui n’est que la traduction d’un emballement, voire d’un affolement, tant législatif que technologique !

La loi et le progrès technologique sont effectivement deux outils qui devraient être au service de la société, et notamment bien sûr de sa sécurité, mais il importe avant tout de nous interroger d’une part sur nos besoins réels et sur nos objectifs, d’autre part sur la réelle efficacité de ces outils et sur leurs limites. L’avons-nous fait ?

Autrement dit, nous sommes-nous posé la question du comment et du pourquoi ? La réponse, malheureusement, est « non ». Une fois de plus, on a confondu besoin et envie.

Tant à l’égard de la législation que des technologies, le Gouvernement se fige dans une forme de « consumérisme » incontrôlé et frénétique. C’est certes une attitude qui relève du phénomène de société, mais que les décideurs cèdent à la pression de celui-ci est grave, d’autant qu’il s’agit ici de sécurité.

Il est grave que le Gouvernement cède aux pressions médiatiques mais aussi aux pressions que suscite l’émotion, car si l’émotion des victimes est normale, humaine, légitime, elle ne prend pas en compte l’intérêt public.

Ce texte est liberticide, mensonger et inefficace.

Il est liberticide parce qu’il punit une intention, et même une probabilité d’intention, probabilité de surcroît estimée selon des méthodes elles-mêmes très contestables.

Il est liberticide parce qu’il prévoit la création de nouveaux fichiers sans définir la moindre procédure d’utilisation, qu’il s’agisse de la consultation, de la correction ou de l’effacement des données, ce qui est d’autant plus critiquable que ces nouveaux fichiers sont inutiles : donnons-nous plutôt les moyens d’entretenir et d’utiliser efficacement les fichiers, en nombre bien suffisant, qui existent déjà !

Il est mensonger parce qu’il donne de l’homme une image binaire et robotique, pas même vétérinaire.

Il fait de l’individu la somme de gènes et d’hormones dont tout le comportement humain découlerait. Ces hormones, nous les sécrétons tous ! L’individu ne peut se réduire à son patrimoine génétique et à son système hormonal : il a un cerveau, une intelligence qu’il utilise, des émotions qu’il ressent. C’est la maîtrise de ses émotions et de son intelligence qui distingue l’homme tant du robot que de l’animal.

Votre vision binaire et robotique de l’individu conditionne pourtant vos conceptions en matière de traitement des délinquants sexuels, le présent texte se cantonnant presque exclusivement aux traitements chimiques. Mais comment imaginer qu’une simple injection d’hormones puisse modifier un comportement humain ?

Oui, la chimie peut aider certains délinquants, dans le cadre d’un traitement général et d’un suivi médical faisant appel à d’autres thérapeutiques, et permettre la maîtrise de certaines pulsions, mais il ne s’agit en aucun cas de la potion magique d’Astérix et Obélix, comme on voudrait nous le faire accroire.

Ce texte est inefficace – et toujours mensonger –, car, alors qu’il devrait prétendument tendre à une récidive nulle, il est au contraire « promoteur » de récidive.

En premier lieu, il est déresponsabilisant pour le délinquant : si celui-ci récidive, ce ne sera pas sa faute, mais celle du juge, qui l’aura laissé sortir, du médecin, qui l’aura mal évalué, du travailleur social, qui l’aura mal suivi. Ce texte entretient ainsi le délinquant dans une illusion, celle d’être incapable de se développer et de changer.

En second lieu, ce n’est pas en persistant dans l’erreur qui consiste, comme d’autres l’ont dit avant moi, à aggraver les peines de loi en loi que l’on rendra la prison dissuasive.

Les textes existants devraient déjà être suffisamment dissuasifs pour que l’on ne compte pas sur des rétentions de sûreté pour empêcher tous les passages à l’acte liés à des pulsions.

Personnellement, je n’ai aucun complexe à parler de sécurité, de prison et de répression – j’ai été confrontée à suffisamment de cas, ne serait-ce que dans ma commune –, mais, pour améliorer la prévention comme la répression de la récidive, je préfère m’attacher à analyser les succès et à mettre en place les moyens nécessaires pour qu’ils puissent être reproduits.

Ayons le courage de dire que la sortie de prison se prépare dès l’incarcération.

Ayons le courage de dire que la meilleure prévention de la récidive est la réinsertion ainsi que la prise de conscience de leur responsabilité par les auteurs des actes.

Ayons le courage de dire que jamais le taux de récidive ne sera nul.

Ayons le courage de dire que la surveillance peut passer par d’autres moyens que le bracelet électromagnétique. Ainsi, comme l’a écrit M. Lamanda dans son rapport, un téléphone portable permettant à un délinquant et à son médecin de se parler en cas de difficulté serait beaucoup plus efficace, même si un effort de pédagogie serait nécessaire pour l’expliquer à la population.

On a le droit de se tromper, pas celui de mentir. Dans la mesure où l’on confond punition et prévention, éducation et surveillance, autorité et création d’angoisse, protection et espionnage, je ne pourrai que voter contre le présent projet de loi, justement parce que je respecte beaucoup trop les victimes pour leur mentir en leur disant qu’il va mieux les protéger et mieux protéger la société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Mes chers collègues, je commencerai, comme il convient, et comme j’ai plaisir à le faire, par des félicitations adressées au rapporteur de la commission des lois et à M. About. Ils ont su remettre les pendules à l’heure et rappeler quelques vérités fortes, trop souvent perdues de vue.

Il est nécessaire, et tout à fait souhaitable, que justice et médecine coopèrent étroitement et que leur collaboration se déroule de la meilleure des façons, dans des conditions arrêtées par concertation entre elles. Il est regrettable, et souvent détestable quant aux conséquences, que l’une se substitue à l’autre. On a pu voir les risques totalitaires qu’encourait une société – heureusement fort éloignée de la nôtre – lorsque la psychiatrie prenait la place de la justice.

Or je tiens à dire que, sur ce point, la loi de 2008 – d’ailleurs mal accueillie par les psychiatres et les juges – a consacré une double dérive, à propos de laquelle, madame le garde des sceaux, j’avais mis en garde votre prédécesseur : cette loi a, d’une part, psychiatrisé la justice, et, d’autre part, judiciarisé la psychiatrie.

Je commencerai par la judiciarisation de la psychiatrie, en rappelant que la procédure d’irresponsabilité pénale – au demeurant parfaitement inutile, compte tenu des dispositions de notre droit – est née d’une volonté de répondre à une émotion, légitime celle-là, face au malheur qui a frappé deux personnes décédées du fait de l’acte d’un irresponsable total.

Au-delà de cet aspect, en soulignant tout de même qu’il s’agit d’une rupture historique avec la tradition française, qui ne permet pas que l’on juge – et c’est bien de juger qu’il s’agit dans la nouvelle procédure – les déments, j’en viens à ce qui nous concerne ici plus particulièrement, à savoir cette psychiatrisation de la justice qui marque la rétention de sûreté.

À cette occasion, on a consacré le concept, le plus flou qui soit, de « dangerosité criminologique », concept dont les contours demeurent à ce jour encore bien incertains et la mise en œuvre bien difficile, sinon périlleuse.

Lorsqu’il s’est agi d’appliquer les dispositions prévues par la loi, on s’est trouvé aussitôt en grande difficulté ; j’ai évoqué la résistance des psychiatres et je sais également le mécontentement et la défiance de la magistrature. En effet, l’économie de cette loi entraîne une rupture avec l’ordre juridique fondamental qui a prévalu depuis la Révolution. Je rappelle qu’en France, jusqu’à présent, nul n’avait jamais été détenu pour un autre motif que celui d’être fortement soupçonné d’une grave infraction – c’est la détention provisoire – ou d’être condamné pour avoir commis un crime.

Avec la rétention de sûreté, une personne peut être détenue après l’expiration de sa peine non plus pour un crime qu’elle aurait commis ou qu’elle serait suspectée d’avoir commis, mais au titre d’un crime virtuel qu’elle pourrait éventuellement être amenée à commettre en fonction de sa dangerosité. Cette situation semble impraticable sur le plan juridique pour les personnes qui pourraient être soumises à un tel dispositif, puisque sombrent alors les principes du droit pénal et de la procédure pénale de notre pays, dont le premier est la présomption d’innocence.

Comment se défendre contre l’accusation non plus d’avoir commis tel crime, mais de porter en soi le germe d’un crime virtuel ? Comment se défendre sinon en protestant ? Qui décide d’un tel chef d’accusation, au nom de quoi, et selon quelle méthode ? Dans la réalité, ce sont des experts psychiatres qui se voient transférer la responsabilité de la décision. Dès cet instant, nous quittons la justice de responsabilité, qui est le fondement même d’une société de liberté, pour une justice de sûreté, alors que les périls et dérives du concept de dangerosité et des multiples acceptions qu’on lui connaît ont déjà été observés ailleurs.

Le corps judiciaire et les psychiatres ont résisté et ont considéré avec beaucoup de défiance le cadeau empoisonné qu’on leur faisait.

Madame la garde des sceaux, vous n’êtes en rien responsable de ce qui est advenu antérieurement ; je voudrais néanmoins vous poser une question.

Pour justifier l’examen de ce projet de loi selon la procédure d’urgence – aujourd’hui, tous les projets de loi font l’objet d’une déclaration d’urgence en France, en tout cas dans le domaine pénal –, on nous a dit que pas moins de trente-deux condamnés dangereux seraient libérables dans les mois à venir et qu’il fallait absolument prendre des dispositions à leur sujet ; il était donc urgent d’instaurer la rétention de sûreté.

Dans le rapport présenté à l’époque par M. Lecerf, les chiffres étaient plus complexes : il s’agissait de cinquante-huit condamnés, parmi lesquels tous n’étaient pas susceptibles de se voir imposer une rétention de sûreté. En tout cas, le jour où l’on a débattu de ce projet de loi au Sénat, un grand quotidien avait publié une liste de trente-deux personnes susceptibles de… je n’ose dire « bénéficier », parlons plutôt de personnes « qui auraient pu être soumises à la rétention de sûreté ».

J’ai suivi la mise en œuvre de cette rétention de sûreté dont on proclamait l’urgence en m’appuyant sur le seul compte rendu du Dalloz. À ce jour, je n’ai relevé qu’un seul cas de surveillance de sûreté. La décision longuement commentée qui y fait référence ne mentionne aucun autre jugement de ce type, puisqu’il s’agit d’une « première décision », rendue en avril 2009.

Dans ces conditions, madame la ministre, je suis en droit de vous poser la question suivante : que sont devenues les trente et une autres personnes, pour lesquelles se doter de l’instrument de la rétention de sûreté était indispensable ? Nous avons à notre disposition la surveillance de sûreté…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas de rétroactivité, monsieur Badinter !

M. Robert Badinter. Certes, monsieur le président de la commission des lois, mais a-t-on jamais prononcé une telle décision ? En dehors du cas de la surveillance de sûreté que je viens d’évoquer, publiée dans le Dalloz, il n’y aucun exemple d’application de la rétention de sûreté. Les trente et un autres détenus auraient-ils donc été libérés, purement et simplement, sans mise en place de la surveillance de sûreté que nous devons à M. Lecerf ?

Je souhaite que vous demandiez à vos services de vous informer sur le sujet, madame la ministre, car si c’était le cas, si ces détenus dont on redoutait le comportement ont été libérés ou vont l’être, cela voudrait dire que trente et une personnes dangereuses sont à l’heure actuelle dans la nature, sans surveillance de sûreté.

Quelle était alors l’utilité de cette loi ? Pourquoi a-t-on refusé de ne laisser que la surveillance de sûreté, comme le prévoyait M. Lecerf ? En un mot, la situation appelle des éclaircissements.

Fallait-il, pour autant, légiférer comme nous le faisons aujourd’hui ?

Pour dire les choses simplement et de la manière la plus prompte, nous devons le projet de loi dont nous sommes saisis à l’irritation et à l’impatience du Président de la République à la suite de l’annonce de la décision du Conseil constitutionnel.

Très franchement, celle-ci était pour le moins prévisible. Comme le disait déjà Mirabeau, la non-rétroactivité constitue le dernier ou le premier rempart de la liberté. On ne peut plaisanter avec le principe de non-rétroactivité de la loi pénale quand on sait ce que sa violation a pu signifier à des époques sinistres de notre histoire.

On savait donc qu’il y aurait inévitablement, dans ce domaine, une décision fondée sur la non-rétroactivité. Sitôt rendue, la décision impliquait un report d’une quinzaine d’années pour la rétention de sûreté, puisque celle-ci ne pouvait être appliquée qu’à l’issue d’une peine purgée pour des faits commis après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Pour autant, nous ne faisions pas face à un vide législatif, puisqu’il était possible de recourir à la surveillance de sûreté. Le Président de la République a néanmoins saisi le Premier président de la Cour de cassation. La compétence de M. Lamanda est bien connue, et l’avis qu’il a rendu comportait des indications d’ordre réglementaire intéressantes, mais je ne crois pas que ce soit la vocation du premier magistrat de France de voler au secours des lois votées lorsqu’elles ne satisfont pas l’exécutif.

Compte tenu de l’inflation législative actuelle, il n’était nul besoin de proposer un nouveau projet de loi. Sans aller jusqu’à dire que les quelques recommandations d’ordre législatif de M. Lamanda s’apparentaient à du « cosmétique », on peut en tout cas souligner leur caractère de détail et affirmer que la déclaration d’urgence ne s’imposait pas.

Nous attendions, pensant que cet épisode tenait à la difficulté du quotidien et aux irritations permanentes de la vie publique et que nous passerions à des questions plus sérieuses, quand est survenue une tragédie, encore une, une femme ayant été assassinée dans des conditions odieuses au cours d’un jogging en forêt par un ancien détenu.

L’émotion suscitée par cette affaire a entraîné une réponse législative, puisque c’est ainsi que nous fonctionnons désormais. Aucune interrogation n’a été exprimée sur ce qui aurait pu être fait, sur ce qui aurait dû être fait ; je pense à d’autres affaires et drames. La logique fut de dire : « nous nous trouvons dans cette situation, il faut agir, alors on agit ».

Un projet de loi reprenant les propositions de M. Lamanda a été mis en discussion. Aucune difficulté ne se présentait, la procédure aurait pu aller très vite. Puis, à l’Assemblée nationale, tout a changé : l’esquif a été surchargé, pour devenir un cargo législatif.

À la faveur de cet emportement, nous nous sommes trouvés en présence d’un texte qui comportait à la fois des dispositions inconstitutionnelles, et d’autres qui s’avéraient à certains égards inutiles ; à la place, on aurait parfaitement pu recourir à des mesures réglementaires ou formuler des recommandations aux parquets s’agissant des mesures effectives ordonnées par le juge dans le cadre de l’application d’une décision de libération conditionnelle concernant les obligations du condamné, notamment celle de s’abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné. Bref, on aurait pu procéder autrement.

Par ailleurs, un nouveau fichier a été créé, comme s’il ne pouvait plus y avoir de disposition de droit pénal sans un fichier. Là aussi, nous pouvions parfaitement nous satisfaire de ce qui existait en effectuant les ajustements nécessaires par la voie réglementaire.

À l’évidence, ce texte a une valeur symbolique et politique, comme toujours. On nous dit qu’il faut lutter contre la récidive : nous sommes tous d’accord ! Qui serait pour la récidive ? Se trouverait-il un citoyen, a fortiori un législateur ou un juriste, pour s’affirmer favorable à la récidive ? Non !

En réalité, il s’agit non pas de fabriquer des textes à prétexte en réaction à une émotion légitime, mais d’avoir les meilleures lois possibles. Car, il faut le dire, si en cinq ans nous avons fait quatre lois contre la récidive, c’est que nous sommes de bien médiocres législateurs, incapables de prévoir ce qui peut advenir.

Au lieu de procéder comme nous le faisons aujourd’hui, en rédigeant des textes dans la précipitation, qui ont la singularité à la fois d’exaspérer le boulevard du Palais et de désespérer la rue Soufflot, nous devrions prendre le temps d’un peu de réflexion, procéder à une concertation un peu plus large entre autorité judiciaire et autorité médicale, et regarder ce qui se fait d’utile ailleurs ; c’est ce que la commission des lois a si souvent désiré, nous le savons bien. Nous aurions alors des textes durables, au lieu d’avoir des textes toujours remis en chantier. J’ai quelquefois moi aussi le sentiment d’être devenu un multirécidiviste législatif…

Les choses étant ce qu’elles sont, j’en reviens au texte d’aujourd’hui transmis par l’Assemblée nationale, qui est un texte réflexe ; affirmer que l’on défend la sécurité des Français reste, il est vrai, toujours électoralement profitable, surtout en cette saison.

Au-delà de ce constat, nous voterons les amendements ô combien raisonnables de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, et refuserons les autres. Croyez-moi, l’heure est plus à la réflexion qu’à la précipitation dans ce domaine grave. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui est le quatrième sur la récidive en quatre ans, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

Officiellement, ce projet de loi vise à mettre en œuvre un dispositif de rechange, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel relative à la rétention de sûreté.

En dépit des réserves claires du Conseil constitutionnel, le Gouvernement, aidé en cela par le rapport Lamanda, a entrepris d’aller au bout de sa logique.

Il en résulte, après une lecture à l’Assemblée nationale, un texte fourre-tout, dangereux, qui témoigne d’une approche extrêmement sécuritaire de la notion de récidive.

Fruit d’une inventivité répressive devenue obsessionnelle, ce projet de loi est un nouveau texte de circonstance, d’affichage, pour lequel nos ministres sont même allés très loin dans le populisme pénal, en évoquant, par exemple, la castration physique comme solution possible dans le cadre de la lutte contre la récidive.

Au-delà de la méthode, très contestable, c’est le texte lui-même qui souffre de nombreuses incohérences. Il constitue en fait le prolongement de la loi relative à la rétention de sûreté, que nous avions fermement combattue ! Ce projet de loi est une étape supplémentaire dans une régression majeure de notre droit pénal : on ne jugera plus une personne pour les faits qu’elle a commis, mais pour ceux qu’elle est susceptible de commettre, en raison de sa dangerosité supposée.

Nous sommes résolus à combattre cette mesure de rétention de sûreté, comme d’ailleurs la surveillance de sûreté, car nous estimons qu’il s’agit là d’une grave dérive, consistant à instaurer une peine après la peine.

Combattre ce dispositif sur le terrain du droit, ce n’est pas être du côté des assassins, comme l’a suggéré un ministre en exercice. Ces propos scandaleux témoignent d’une grave méconnaissance des principes juridiques qui régissent le droit à la liberté et à la sûreté.

Combattre ce dispositif, au contraire, c’est être du côté du droit, d’une justice fondée non pas sur le virtuel, mais sur des faits matériels établis.

Ce dispositif a été présenté, en 2008, comme exceptionnel. Or il nous est proposé, par ce projet de loi, d’en élargir le périmètre, sans qu’aucune étude d’impact des dispositions votées voilà deux ans n’ait été réalisée. Vous nous proposez de banaliser des mesures de sûreté sans qu’aucun impératif particulier ne le justifie.

Pis encore, alors même que la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 2008 était très claire quant à l’inapplicabilité de la rétention de sûreté aux personnes actuellement détenues, vous avez réussi à contourner cette exigence par un tour de passe-passe juridique. Ainsi, en vertu du présent projet de loi, une personne déjà condamnée à dix ans de réclusion criminelle pourrait être placée sous surveillance de sûreté à l’issue de sa peine et se voir imposer, en cas de manquement à ses obligations, une mesure de rétention de sûreté. On parvient ainsi au même résultat, en dépit de la décision du Conseil constitutionnel, qui est ici tout simplement contournée, pour ne pas dire bafouée.

Selon nous, ce texte est une insulte à l’égard du Conseil constitutionnel, puisqu’il vise à introduire dans notre droit, par une contorsion juridique, ce qu’il avait refusé il y a deux ans. Il est également une insulte à l’égard des défenseurs des droits humains, car il introduit dans notre droit des principes qui lui sont étrangers et que notre tradition juridique a toujours soigneusement écartés : c’est l’avènement de « l’homme dangereux ». Ce texte repose tout entier sur cette idée nauséabonde : il est possible d’enfermer à vie une personne en raison de sa dangerosité présumée, et donc de son état.

Par une manœuvre habile, mais grossière, ce texte multiplie les hypothèses de placement immédiat sous surveillance de sûreté et, par conséquent, en rétention de sûreté. Ces mêmes mesures, qui devaient être exceptionnelles, sont aujourd’hui banalisées, et le seront sans doute encore plus demain, lorsque surviendra le prochain fait divers.

Voilà le problème majeur : nous légiférons en fonction de faits divers, en nous fondant sur nos émotions. Cela n’est ni acceptable ni digne du travail législatif !

Enfin, si nous nous opposons à ce texte, comme nous nous sommes opposés à la loi relative à la rétention de sûreté –qui demeure, à nos yeux, une peine sans infraction ! –, c’est parce qu’il est, lui aussi, contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans une décision récente, en date du 17 décembre 2009, nous a d’ailleurs donné en partie raison, en jugeant que le système de la détention de sûreté en vigueur en Allemagne, dont vous vous êtes inspiré, constitue une peine, et non une mesure de sûreté.

Ce constat a une conséquence directe dans notre droit interne : il détruit la fragile argumentation du Conseil constitutionnel, qui opère une distinction entre mesure de sûreté et peine, distinction dont vous abusez aujourd’hui afin de priver de liberté des personnes en l’absence d’infraction, en raison de leur seul état !

Je suis convaincue qu’un jour viendra où la Cour européenne des droits de l’homme condamnera le système que vous avez créé et que ce texte prolonge. Ce jour-là, ce sera la victoire du droit contre la surenchère populiste et médiatique à laquelle vous vous livrez depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier une nouvelle fois M. Lecerf de son travail et de ses propositions.

Plusieurs orateurs m’ont demandé ce qu’étaient devenues les propositions contenues dans le rapport de M. Lamanda.

Parmi les mesures non législatives, ce rapport préconisait notamment le développement de la formation initiale et continue en criminologie clinique des différents professionnels concernés. La formation initiale des magistrats prend en compte ce besoin. L’École nationale de la magistrature, qui intègre d’ores et déjà cette discipline dans ses programmes, développera son offre de formation continue, en organisant des stages et des formations pluridisciplinaires.

Il était également suggéré d’augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation, afin de permettre aux SPIP de spécialiser une partie de leurs effectifs dans le suivi renforcé, avec le soutien d’équipes pluridisciplinaires départementales ou interdépartementales. Dans cette perspective, 516 créations de poste ont été prévues dans le budget de la justice pour 2010.

Le rapport Lamanda préconisait par ailleurs d’intégrer la prévention de la récidive dans les missions des SPIP. Dans cette optique, nous avons lancé une expérimentation tendant à adapter le suivi au profil des personnes placées sous main de justice, la prévention de la récidive s’organisant à partir de diagnostics à visée criminologique. Cette expérimentation est actuellement en cours sur onze sites pilotes. Si elle donne des résultats satisfaisants, elle pourra être généralisée dès 2011.

Comme toute matière scientifique, la criminologie, qui n’est pas une discipline nouvelle – je me souviens avoir suivi des cours de criminologie lorsque j’étais étudiante –, est appelée à progresser. Je rappelle, à cet égard, que le Gouvernement a souhaité la création d’une chaire de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, ce qui est un signe fort de l’attention que nous portons au développement de l’enseignement et de la recherche dans cette discipline. La criminologie sera également intégrée dans le champ des travaux de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ.

Les mesures que je viens d’énumérer reprennent donc des propositions contenues dans le rapport de M. Lamanda.

Pour le reste, M. le rapporteur a détaillé les propositions de rétablissement d’une partie des dispositions du projet de loi initial, qui a été modifié par des amendements de l’Assemblée nationale ; je l’en remercie.

En ce qui concerne les initiatives conjointes des ministères de la justice et de la santé que vous avez appelées de vos vœux, monsieur le rapporteur, je rappelle que, dès mon arrivée à la Chancellerie, je me suis entretenue avec Mme Bachelot-Narquin afin d’envisager un travail commun de nos cabinets sur l’ensemble des problématiques présentant de près ou de loin un intérêt pour nos deux ministères. Des réunions se tiennent régulièrement et ont déjà donné de premiers résultats, notamment en matière de sensibilisation de certains personnels médicaux, en particulier les psychiatres, à l’importance de leur présence en milieu pénitentiaire. Nous savons tous, et je reviendrai ultérieurement sur cette question, que le manque de psychiatres en prison est un véritable problème, lié à un manque non pas de moyens – ceux-ci ont été considérablement accrus –, mais de motivation. Depuis trois mois, nous voyons se créer des groupes de professionnels à l’échelon local, et la situation semble s’améliorer.

Il est évident, monsieur About, que les traitements inhibiteurs de la libido ne constituent pas la solution miracle, qui serait appropriée dans tous les cas. Je l’avais précisé dans mon intervention liminaire. Ils conviennent à certaines catégories de personnes, dont je me garderai de quantifier l’effectif, et doivent le plus souvent être accompagnés d’autres traitements. Pourquoi caricaturer les choses en disant que c’est la seule solution que nous proposons ? Ce n’est pas du tout mon approche ! Ces traitements représentent une réponse parmi d’autres : c’est en combinant plusieurs mesures de nature distincte – mesures médicales, de suivi, de probation, présence de forces de police et de gendarmerie – que nous parviendrons à lutter contre la récidive. Vous avez souligné à juste titre qu’il est nécessaire de recueillir l’adhésion de la personne au traitement pour que celui-ci puisse être efficace.

Il est demandé aux médecins non pas de prendre en charge le problème de la délinquance, mais de concourir, en tant que sachants, dans la mesure de leurs connaissances et de leur expérience, à l’évaluation de la personnalité afin de déterminer le mode d’intervention le plus adapté. C’est en ce sens que les médecins font partie du processus de prise en charge. L’articulation de leur mission avec celle des magistrats est tout à fait essentielle, mais doit s’inscrire dans le respect de l’identité de chacun et donc, bien entendu, dans le respect de la déontologie médicale. J’insiste sur ce point, que j’avais sans doute évoqué trop rapidement lors de mon intervention liminaire.

Je ferai observer à M. Masson que l’on peut toujours dire qu’un texte intervient à la veille d’une échéance électorale, dans la mesure où nous sommes en permanence à la veille d’une consultation ! On ne pourra donc jamais échapper à ce reproche, sauf évidemment à renoncer à présenter des textes législatifs… Il faut être un peu plus sérieux que cela : la nécessité du présent projet de loi se fait sentir depuis un certain temps déjà, et voilà cinq mois qu’il a été examiné par l’Assemblée nationale ! M. Masson semble ignorer, par ailleurs, les effets de la réforme constitutionnelle, mais c’est son affaire !

Les propos de Mme Borvo Cohen-Seat comportaient un certain nombre d’inexactitudes, que je vais maintenant tenter de rectifier.

Vous avez ainsi prétendu, madame le sénateur, que le nombre de personnes emprisonnées était en augmentation. Or c’est faux : il a diminué au cours des trois dernières années, et l’on compte maintenant quelque 2 000 détenus de moins. C’est là un fait incontestable, et je pourrai vous communiquer les chiffres précis à cet égard.

Selon vous, le temps passé en prison ne serait pas utilisé aux fins de soins. Là aussi, c’est faux, puisque des dispositions du projet de loi visent au contraire à organiser les soins en détention.

En outre, vous affirmez que notre politique réduirait le délinquant à l’acte qu’il a commis, sans prendre en considération sa personnalité. C’est exactement le contraire, le présent projet de loi tendant précisément à ce qu’il soit tenu compte de sa psychologie et de son psychisme. J’observe d’ailleurs que vous soutenez parallèlement que le délinquant doit être jugé à l’aune de ce qu’il a fait : vos propos sont quelque peu contradictoires…

Nous avons, les uns et les autres, la responsabilité importante d’accomplir un acte législatif, au service de nos concitoyens. La criminalité et la délinquance évoluent : dès lors, le droit doit s’adapter pour tenir compte d’un certain nombre de données nouvelles. Tous les gouvernements ont élaboré des lois pénales.

M. Guy Fischer. À ce rythme-là, jamais !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement a donc le devoir d’apporter des réponses concrètes aux évolutions de la criminalité. C’est ce que nous faisons, tout en tenant compte des considérants du Conseil constitutionnel. Nous nous inscrivons ainsi dans la droite ligne du fonctionnement des institutions.

Je ne reviendrai pas sur le fait que le présent projet de loi ne confond pas les soins et la sanction. Il identifie précisément le rôle du médecin et celui du juge.

Mme Borvo Cohen-Seat a en revanche raison de souligner, à l’instar de MM. Mézard et Détraigne, qu’une nouvelle loi est inefficace si elle n’est pas mise en œuvre grâce à des moyens adaptés. C’est justement ce à quoi s’emploie le ministère de la justice, notamment en créant de nouveaux postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou en publiant des circulaires comme celle du mois d’octobre dernier : il faut à la fois des moyens et des textes pour fixer un cadre.

Monsieur Anziani, vous nous reprochez d’avoir présenté deux projets de loi en deux ans sur le même sujet. Or, dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait demandé au Gouvernement d’apporter certaines précisions, il était normal que nous nous conformions à sa requête. Comment aurait-il pu en être autrement ? Nous avons en outre procédé à quelques ajouts, après nous être aperçus que le dispositif de protection des victimes comportait une lacune. Cela relève de notre responsabilité.

Je ne crois pas, monsieur Anziani, qu’il soit inutile de mettre en place un répertoire des expertises et des enquêtes sociales concernant les détenus. Nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer ce point lors de l’élaboration de la loi pénitentiaire. Ce répertoire constituera un outil d’individualisation de l’incarcération, qui permettra de rendre celle-ci plus efficace et de mieux lutter contre la récidive. Pensez-vous inutile de permettre aux forces de police et de gendarmerie d’interpeller un individu qui va à la rencontre de sa victime alors qu’il lui a été interdit de l’approcher ? Le présent texte est nécessaire, puisqu’il comporte des dispositions rendant possible une telle intervention.

Ce projet de loi ne constitue nullement une marque de défiance à l’égard des magistrats, que j’ai toujours défendus, y compris dans cet hémicycle lorsque d’aucuns ont émis des doutes sur leur déontologie ou leur motivation. Il leur offre au contraire un certain nombre d’éléments nouveaux. Ce n’est pas manifester de la défiance envers les magistrats que de rendre automatique l’interdiction aux criminels sexuels de s’approcher de leur victime. Dans le cas, qui a été évoqué tout à l’heure, de la joggeuse assassinée, une cour d’assises avait oublié de mentionner une telle interdiction. Le texte vise à apporter une protection aux victimes contre une telle omission, qui peut résulter des circonstances, mais le magistrat conservera la possibilité de lever l’interdiction : le Gouvernement reconnaît le droit d’appréciation du juge et lui témoigne ainsi toute sa confiance.

Monsieur Mézard, il est évidemment nécessaire de préparer la sortie de prison des détenus. La loi pénitentiaire traite largement de ce sujet.

La prise en compte de la maladie mentale soulève des problèmes difficiles. Comme je l’ai déjà dit, le ministère de la justice agit de concert avec le ministère de la santé et les obstacles tiennent moins à un manque de moyens financiers qu’à une insuffisance de la motivation des médecins.

Enfin, le médecin coordonnateur doit informer du non-respect de l’obligation de soins le juge de l’application des peines. Les magistrats doivent pouvoir disposer d’un maximum d’informations.

Madame Des Esgaulx, je vous remercie de votre approche lucide et pragmatique de problèmes extrêmement complexes. Notre mission est d’essayer de définir les meilleures solutions possibles.

De ce point de vue, vous avez rappelé à juste titre, madame le sénateur, que le présent texte a notamment pour objet de décloisonner les interventions des différents acteurs chargés du suivi des délinquants. Si chacun se cantonne à son champ d’action, on perd en efficacité, dans ce domaine peut-être encore plus que dans d’autres. En effet, sans information partagée, il n’est pas possible de travailler correctement. Il faut donc non pas opposer les intervenants, mais leur permettre au contraire de coordonner leurs actions et d’être complémentaires, tout en respectant, je le redis, la déontologie de chaque profession. De même que la chaîne de la sécurité me paraît être la clé de l’efficacité de la lutte contre la délinquance, la chaîne de l’application des peines est la clé d’une lutte efficace contre la récidive.

Monsieur Détraigne, vous avez souligné avec raison la nécessité d’augmenter le nombre de médecins coordonnateurs, qui s’élève, à ce jour, à 218. Pour l’heure, treize départements de métropole et trois d’outre-mer n’en ont pas. Par un arrêté pris au mois de mars dernier, nous avons permis à des médecins non psychiatres de devenir médecins coordonnateurs. Une formation de cent heures est prévue pour leur permettre d’acquérir les connaissances qui pourraient leur manquer dans cette perspective. Les premiers médecins coordonnateurs issus de cette formation seront désignés prochainement. Cette démarche devrait nous permettre de combler les lacunes actuelles. Il s’agit en effet, monsieur le sénateur, d’une condition sine qua non.

La mise en place des unités d’hospitalisation spécialement aménagées a certes pris beaucoup de temps, mais je me tourne vers ceux qui avaient eu l’idée initiale de ce dispositif : entre les lois de 1998 et de 2002, quatre ans se sont écoulés, et ce laps de temps aurait pu être utilisé pour avancer. Quoi qu’il en soit, nous agissons : la première unité ouvrira en 2010, la deuxième en 2011, à Lyon. Mme Bachelot-Narquin et moi-même avons obtenu l’installation immédiate d’une unité par région pénitentiaire, alors qu’il avait été initialement prévu d’attendre le retour d’expérience des deux premières unités avant de décider de la suite. En tout état de cause, une forte motivation des médecins est nécessaire.

Madame Klès, l’adjectif « liberticide », que vous avez employé, est excessif. Devant la douleur éprouvée par certains de nos concitoyens et l’ampleur des problèmes, notre devoir à tous est de nous montrer modérés et justes : c’est une condition de notre crédibilité.

Quand on entend reprocher à un texte d’être mensonger ou inefficace, il ne faut pas soi-même recourir à des mensonges pour étayer son propos… Par ailleurs, vous nous accusez de céder aux victimes, mais il s’agit simplement, pour nous, d’être à l’écoute des Français. Tel n’est peut-être pas votre choix, mais c’est en tout cas celui que j’ai fait quand je me suis engagée en politique. Notre devoir est d’être à l’écoute des plus fragiles, dans tous les domaines. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Il est en outre inexact, pour ne pas dire mensonger, de soutenir que le Gouvernement a présenté le traitement des délinquants sexuels comme une potion magique. J’ai bien indiqué, dans mon propos liminaire, que tel n’était pas le cas ; cette mesure, qui doit être accompagnée d’autres, ne vaut que pour certaines personnes. Pourquoi pratiquez-vous la caricature ?

Par ailleurs, vous déclarez que la sortie de prison se prépare dès l’incarcération. Dans ces conditions, pourquoi avez-vous protesté et crié au scandale quand nous avons présenté la loi pénitentiaire et affirmé qu’une approche différenciée des personnes détenues était nécessaire pour que le temps de détention puisse être utile ? Aujourd’hui, vous vous contredisez ! Malgré vous, nous avons inscrit dans la loi pénitentiaire des dispositions permettant la prise en compte de la personnalité du détenu dès son entrée en prison, afin d’apporter les réponses les plus efficaces possibles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Virginie Klès. Nous l’avons voté, mais nous le regrettons !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Badinter, je suis convaincue de la nécessité d’une entente entre la justice et la médecine, dans le strict respect du rôle de chacune.

Et c’est bien parce que j’y crois que, à travers ce projet de loi, nous ne demandons pas aux psychiatres de juger, mais seulement de dire à un magistrat si les soins mis en œuvre avec l’accord du patient sont acceptés ou refusés, voilà tout !

À travers le présent texte, nous ne demandons pas davantage au juge de soigner ; à l’évidence, seul un médecin peut et doit décider d’un protocole thérapeutique et d’un traitement médical.

Il ne s’agit pas non plus ici de prendre des mesures contre un crime seulement virtuel : le fondement juridique de toute décision, c’est l’existence d’une précédente condamnation qui crée un risque de récidive. C’est en se fondant sur une « première condamnation » que le Conseil constitutionnel a considéré qu’une telle mesure ne pouvait être rétroactive, mais cette référence est bien présente ici.

La rétention de sûreté n’est donc pas une incarcération pour un crime qui n’est pas commis : elle est le prolongement d’une peine dont le fondement réside dans un crime qui a déjà été perpétré et dans un risque de récidive, tel qu’il résulte de la personnalité du condamné.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois qu’il est tout aussi dangereux d’évoquer la « psychiatrisation de la justice » que de considérer que les juges ne doivent pas tenir compte de la psychologie ou du psychisme d’une personne ayant déjà commis un crime. Nous devons être très attentifs sur ce point, car de tels sous-entendus ne sont profitables à personne !

De même, monsieur Badinter, je suis quelque peu étonnée d’entendre un juriste de votre envergure affirmer qu’un projet de loi n’était pas nécessaire pour mettre en œuvre les propositions du rapport Lamanda, les dispositions qui ont été ajoutées à la première version de ce texte pouvant être adoptées par voie réglementaire.

Pardonnez-moi, mais pour créer une interdiction de paraître en certains lieux à la suite d’une condamnation, il fallait bien un texte de loi ! Nous ne pouvions agir autrement. C’était possible autrefois, mais cette pratique a suscité un certain nombre d’oublis et de difficultés.

De même, il était nécessaire de passer par un texte législatif pour permettre à la police ou à la gendarmerie d’interpeller une personne qui ne respecte pas une interdiction.

Ce projet de loi était donc juridiquement nécessaire, j’y insiste ; dans cette matière aussi nous devons faire preuve de modération et de pragmatisme.

Madame Alima Boumediene-Thiery, de longs développements ne seront pas nécessaires pour vous répondre. Vous avez déclaré : « Nous avons combattu la rétention de sûreté – et même, si je vous ai bien compris, la surveillance de sûreté ! –, donc nous sommes opposés à ce texte. » Madame la sénatrice, tout est dit. Il est inutile pour moi d’entrer dans les détails ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Discussion générale (suite)

6

Nomination des membres d'une commission d’enquête

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission d’enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame : MM. François Autain, Gilbert Barbier, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Marcel Deneux, Claude Domeizel, Guy Fischer, Bruno Gilles, Jean-Pierre Godefroy, Michel Guerry, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Odette Herviaux, MM. Alain Houpert, Jean-Jacques Jégou, Mme Christiane Kammermann, MM. Serge Lagauche, Marc Laménie, Jacky Le Menn, Alain Milon, Mme Patricia Schillinger, M. Alain Vasselle, membres de la commission d’enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Exception d'irrecevabilité

Récidive criminelle

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Mes chers collègues, nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Anziani et C. Gautier, Mme Klès, M. Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2 du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n° 258, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la motion.

M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis chargé de vous présenter les raisons pour lesquelles les membres de mon groupe ont décidé de déposer cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui caractérise tout à fait la politique pénale du Gouvernement, puisqu’il est un amalgame des clichés qui encombrent les médias sur les délinquants dangereux.

Je le tiens à le rappeler, l’origine de ce texte est marquée par la censure partielle de la loi du 25 février 2008 par le Conseil constitutionnel : le présent projet de loi a été déposé à peine quelques mois plus tard, en novembre 2008, afin de contourner les considérants du Conseil constitutionnel et de tenter de rendre immédiatement applicable la loi censurée.

À l’origine, ce texte, réduit à quelques articles, ne contenait que de rares dispositions. Il traînait sur le bureau de l’Assemblée nationale, sans que le Gouvernement se décide à l’inscrire à l’ordre du jour du Parlement, car il ne voyait là aucune urgence particulière.

Toutefois, un événement tragique a bouleversé le fond et la forme de ce projet de loi : le meurtre d’une femme par un criminel sexuel récidiviste a relancé le débat médiatique ; la présidence de la République a de nouveau surenchéri.

Ce texte, qui était en sommeil, s’est révélé le support idéal pour une démonstration de force du Gouvernement, qui l’a modifié en profondeur par voie d’amendements et qui a engagé la procédure accélérée, faisant croire ainsi aux Français qu’il était particulièrement réactif.

Le principe de proportionnalité semble ici totalement oublié. Un meurtre, aussi atroce et violent soit-il, justifie-t-il le recours systématique à une réforme pénale ?

Comme nous l’avons rappelé à de multiples reprises, ce projet de loi est le quatrième texte relatif à la récidive que nous examinons en quatre ans, sans même évoquer la réforme pénitentiaire, qui nous était présentée comme fondamentale !

Quel aveu d’échec ! Car si la politique pénale et pénitentiaire du Gouvernement était efficace, nous n’aurions pas à modifier sans cesse le code et la procédure applicables en la matière !

Sommes-nous de si mauvais législateurs que nous devions constater, après chaque fait divers, que nous n’avions rien prévu pour parer ce risque, ou alors adopté des dispositions mal adaptées ? Si tel est le cas, évitons une nouvelle erreur et attendons le prochain fait divers, qui, inévitablement, justifiera le vote d’un nouveau texte ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, nous sommes maintenant arrivés à la limite du discours erroné sur la politique de la « tolérance zéro ». La multiplication des textes, depuis 2002, alors que le nombre des crimes les plus graves reste constant, voire augmente, prouve quotidiennement que la surenchère répressive ne sert à rien, ou même est dangereuse, puisqu’elle peut autoriser tous les arbitraires !

Le seul principe de proportionnalité semble donc suffire à rendre irrecevable ce projet de loi dans son ensemble. Toutefois, malgré une forme très technique, le présent texte comporte également des dispositions qui sont attentatoires à nos principes démocratiques fondamentaux.

En effet, madame le garde des sceaux, les membres du groupe socialiste ont été sollicités par de nombreux acteurs de la procédure pénale, qui s’inquiétaient des mesures contenues dans ce texte.

Reprenons les points les plus graves. J’en citerai trois.

Premièrement, ce projet de loi présente un danger parce qu’il étend, de façon injustifiée, des dispositifs d’exception.

Madame le garde des sceaux, la surveillance ou la rétention de sûreté ont été présentées dans la loi du 25 février 2008 comme des mesures exceptionnelles, et voilà que, au premier drame qui survient, vous tentez de les généraliser ! Ainsi, la surveillance de sûreté ne sera plus révisée chaque année, mais seulement tous les deux ans.

De même, à l’article 2 bis, la personne est déclarée libre de refuser son placement sous surveillance électronique mobile, dans le cadre de la surveillance de sûreté, mais elle sera alors passible d’une rétention de sûreté !

Ce texte facilite largement le glissement de la surveillance à la rétention de sûreté. Nous assistons donc déjà, deux ans après la mise en place de cette dernière, à sa banalisation !

Enfin, dans le cadre des dispositions relatives à l’injonction de soins et à la surveillance judiciaire, les condamnés pourraient obtenir des réductions de peine. Le refus ou l’arrêt du traitement entraînerait un placement en rétention de sûreté dans le cadre de la surveillance de sûreté.

Il est d’ailleurs utile de rappeler ici que les psychiatres et les experts sont unanimes pour déclarer que les injonctions de soins ne servent absolument à rien dans la plupart des cas.

Deuxièmement, les auteurs de ce texte entretiennent l’illusion qu’une surveillance constante est possible et normale après l’exécution de la peine.

Le projet de loi contient des mesures d’interdiction de paraître en certains périmètres, qui sont tout à fait inutiles puisqu’il existe déjà dans le code pénal des mesures d’interdiction de séjour.

De même, les mesures d’injonction de soins, qui, je le rappelle, n’ont jamais prouvé leur efficacité, font apparaître entre le rôle du juge et celui du médecin une certaine confusion, qu’il serait tout à fait dangereux d’aggraver.

Comme chacun des textes que présente en ce moment le Gouvernement, celui-ci étend encore le fichage. Il alourdit les obligations pesant sur les personnes inscrites au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS. Il étend le Fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, aux personnes « déclarées coupables », et non plus seulement « condamnées ».

Enfin, il crée un nouveau fichier baptisé « Répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires ».

Ce fichier, qui ne porte pas son nom, recueillera tous les dossiers, expertises, examens et évaluations des experts. Inutile de préciser que ce nouveau répertoire n’a pas fait l’objet d’une consultation de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, puisqu’il est de toute façon en totale contradiction avec les conclusions du rapport sur les fichiers de police réalisé par nos collègues députés Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti.

Nous sommes en plein système de « fichéosurveillance », comme je le soulignais déjà lors de l’examen d’un précédent texte.

Je le répète, le travail de notre collègue Jean-René Lecerf au sein de la commission des lois du Sénat a permis d’adoucir les mesures les plus attentatoires à nos principes démocratiques. Le texte que nous examinons aujourd’hui a été en quelque sorte édulcoré par rapport à celui que nous avons examiné en commission, mais il n’en reste pas moins totalement contraire à notre philosophie en matière de politique pénale !

Mes chers collègues, nous comptons parmi nous l’éminent défenseur de l’abolition de la peine de mort. Or la rétention de sûreté n’est-elle pas une sorte de peine de mort sociale ? Les discours de la majorité actuelle laissent supposer qu’il faudrait trouver une solution pour écarter définitivement de la société certains délinquants, au motif qu’il serait impossible que ceux-ci ne récidivent pas !

Nous sommes sur une pente très glissante : se trouve justifiée ici la privation de liberté d’un homme non pour les faits qu’il a commis, mais pour ceux qu’il pourrait éventuellement perpétrer !

Que fait-on alors du risque d’erreur judiciaire et de l’idée qu’un homme peut comprendre ses erreurs et se racheter ? On fait croire aux Français qu’un criminel l’est par essence, à vie, et qu’il n’existe aucune chance qu’il ne récidive pas. On le condamne donc à un enfermement perpétuel.

Certes, des possibilités de révision régulière sont prévues. Toutefois, dans un tel contexte, qui, magistrat ou médecin, prendra la responsabilité de décréter que telle ou telle personne ne récidivera jamais ? Pourtant, l’analyse objective et raisonnée des situations vécues ne justifie en rien cette dangereuse théorie !

Je ne reviendrai pas sur les chiffres parfaitement édifiants de la récidive. Ils ont été commentés, disséqués, analysés. Ils sont incontestables !

La rétention de sûreté que la majorité nous présente comme une solution miracle ne concernerait qu’une petite dizaine d’individus. Que ce texte soit applicable aujourd’hui ou dans vingt ans, il ne vise en fait que certains cas, heureusement très rares, de criminels.

Le discours du : « Avons-nous le droit de fermer les yeux ? » est insupportable lorsque l’on prend connaissance des moyens, qui vont sans cesse diminuant, alloués aux médecins et aux unités psychiatriques.

Il en est de même pour ceux dévolus aux services d’aménagement des peines. Ces observations étaient d’ailleurs parfaitement soulignées dans le rapport Lamanda et faisaient l’objet de recommandations, hélas non suivies d’effets.

Je voudrais, pour conclure, évoquer la castration chimique. Mes collègues ont déjà tout à fait démontré pourquoi la castration chimique imposée et généralisée est une absurdité, je ne m’y attarderai donc pas. Mais l’expression elle-même est utilisée à dessein pour frapper les esprits puisqu’un traitement hormonal – et c’est de cela qu’il s’agit – n’est en rien une castration. Cette mesure prouve, une fois de plus, la finalité médiatique de ce texte.

M. Nicolas About. C’est l’expression employée par les urologues !

M. Charles Gautier. Au regard de tous ces arguments, et malgré les modifications de notre rapporteur qui s’est appliqué à nettoyer ce texte de ses pires assertions, le groupe socialiste en arrive à la conclusion évidente que plusieurs principes de nature constitutionnelle sont violés dans ce texte. Nous relayons donc ici les demandes des syndicats de psychiatres hospitaliers experts judiciaires, qui demandent au minimum l’abandon de la procédure accélérée.

Par conséquent, nous invitons tous nos collègues à voter cette motion d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je formulerai tout d’abord quelques remarques d’ordre général sur cette exception d’irrecevabilité.

Il est curieux de présenter l’intervention du Président de la République et sa demande de rapport au premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, comme la volonté de contourner la décision du Conseil constitutionnel. S’il avait souhaité, à Dieu ne plaise, contourner cette dernière, ce n’est pas au premier magistrat de France qu’il aurait pu demander conseil ! Il s'agissait tout simplement à trouver des solutions pour faire face aux risques actuels de récidive. Nous avons d’ailleurs été nombreux à souligner le grand intérêt que présente le rapport Lamanda, dont on peut tirer aujourd’hui un grand parti, tant d’ailleurs sur des aspects législatifs que sur des aspects réglementaires.

En outre, je ne partage pas votre pessimisme sur les textes que nous avons votés. La loi pénitentiaire a été adoptée à une assez large majorité par la Haute Assemblée, puisque nos collègues socialistes se sont simplement abstenus, manifestant ainsi la part qu’ils avaient prise à son élaboration et l’intérêt de cette réforme.

Mme la ministre d’État nous a rappelé une très heureuse nouvelle, à savoir la diminution du nombre de personnes incarcérées depuis maintenant deux ans. L’encellulement individuel, qui n’était qu’un rêve il y a peu, devient de plus en plus fondé à se réaliser et pourrait se concrétiser dans les années qui viennent. Le moratoire que nous avons voté pourrait bien être le dernier.

Par ailleurs, les dispositions que nous avons votées ne me paraissent pas mériter l’exception d’irrecevabilité. En d’autres termes, elles ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles.

À propos de la surveillance de sûreté qui va passer de un à deux ans, vous savez qu’il faut se préoccuper de son renouvellement à l’issue d’une période de six mois, et que l’on souhaite dans le même temps que la juridiction de la rétention de sûreté puisse être attentive à l’évolution de la personne. Sur une période aussi courte, il était difficile de ne pas solliciter de manière systématique le renouvellement de la surveillance de sûreté. Ce sera beaucoup plus facilement envisageable avec un délai de deux ans. La commission des lois a en outre prévu une possibilité de mainlevée tous les trois mois, ce qui veut dire que les libertés de la personne seront parfaitement protégées.

Certains ont dénoncé l’absence de liberté de refuser le placement sous surveillance électronique mobile ou l’injonction de soins, dans la mesure où la sanction serait prise de manière automatique. À les entendre, en cas de refus, on basculerait de la surveillance de sûreté à la rétention de sûreté. Il n’y a rien de tel dans le texte ! Celui-ci préserve à chaque fois intégralement la liberté de choix des autorités qui auront à décider. Le texte rappelle seulement que le refus ou l’interruption d’un traitement constitue une méconnaissance des obligations fixées au condamné mais il n’entraîne aucune conséquence obligatoire.

Certains parlent de fichage généralisé. Qui peut ignorer, pourtant, que le répertoire des données à caractère personnel dans le cadre des procédures judiciaires qui est mis en place est extrêmement différent des fichiers que nous connaissions jusqu’à présent ? Son rôle est de permettre au juge, notamment, une appréhension plus fiable de la situation de la personne. Qui peut ignorer que ce répertoire constituera la plupart du temps une aide pour la personne poursuivie, et non un outil de stigmatisation ou de caractère répressif ?

Quant à l’expression « castration chimique », je pense qu’il faut la bannir. Nous n’y voyons nullement une panacée, comme en témoignent les propos de M. About et le rapport de la commission des lois. Un traitement médicamenteux peut avoir un intérêt dans certaines circonstances pour certains délinquants sexuels. Il ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

La différence fondamentale entre nous vient de ce que l’opposition refuse le principe même de la rétention de sûreté, tandis que la majorité l’a accepté. La loi relative à la rétention de sûreté a été votée, et je suis de ceux qui estiment que, pour une part très limitée – que je qualifierais d’homéopathique – de personnes détenues, la société court des risques considérables à les remettre un jour en liberté. Mais, comme nous l’avions dit lors de l’examen de ce texte, seul un nombre extrêmement limité de personnes est concerné. Actuellement, la seule personne placée en surveillance de sûreté est d'ailleurs plus proche du malade mental que du délinquant.

J’attendais les arguments d’inconstitutionnalité, et j’avoue que je ne les ai pas trouvés.

En refusant l’abaissement du quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance de sûreté introduit par l’Assemblée nationale, la commission des lois a rendu sa virginité d’origine au projet de loi. L’abaissement de ce quantum de quinze ans à dix ans aurait dans une certaine mesure contribué à banaliser la rétention de sûreté, puisque la surveillance de sûreté est un sas vers la rétention de sûreté. La commission des lois, en proposant de revenir sur cette modification, n’a pas semblé susciter l’opposition de Mme le ministre d’État, bien au contraire.

Pour le reste, je ne vois pas l’ombre d’une esquisse d’inconstitutionnalité : c’est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir rejeter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. M. le rapporteur a déjà présenté les arguments, je serai donc brève.

Moi non plus, je ne vois pas en quoi un texte qui a précisément pour finalité de se ranger à des remarques du Conseil constitutionnel serait inconstitutionnel, et je n’ai pas trouvé, dans les propos de M. Gautier, d’arguments convaincants.

Son argumentaire manque non seulement de crédibilité, mais il contient même un certain nombre d’erreurs. Je ne reviendrai pas sur toutes celles qu’a relevées par M. Lecerf et me contenterai de formuler une question : un meurtre mérite-t-il un texte législatif ? La réponse est « oui » s’il est révélateur d’un certain nombre de lacunes. Notre société évolue et nous avons le devoir d’adapter notre législation aux nouvelles possibilités ; nous le devons à la sécurité de nos concitoyens.

Dans la mesure où ce que nous faisons porte une atteinte à la liberté de certaines personnes, une loi est nécessaire. Le législateur doit se poser la question de la proportionnalité entre l’exigence de sécurité et la défense des libertés. C’est ce que nous faisons.

Ce texte est sans doute perfectible, et vous aurez l’occasion de déposer des amendements, mais son examen est nécessaire. C’est pourquoi il me paraît indispensable de rejeter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je passe sur la confusion entre fichier, dossier personnel et répertoire, ou sur les moyens alloués aux médecins et à la réinsertion, sur lesquels j’ai déjà répondu tout à l’heure en exposant les moyens supplémentaires qui ont été dégagés en la matière.

Je voudrais par ailleurs faire remarquer que les membres de l’opposition sénatoriale sont les seuls à avoir employé l’expression « castration chimique » dans ce débat.

M. Charles Gautier. C’est l’expression courante dans les journaux !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous ferions en effet preuve de sagesse en nous gardant d’utiliser cette expression, même si elle est d’origine médicale.

Je vous rejoindrai néanmoins sur un point : nous légiférons sur des cas qui, Dieu merci, sont très rares, mais malheureusement toujours trop nombreux. Outre le meurtre de Marie-Christine Hodeau, que vous avez cité, je rappellerai également, au cours de la même période, le viol d’un jeune garçon par un récidiviste. D’autres événements de ce type sont à déplorer. Dans mon département, j’ai eu à rencontrer les familles de victimes décapitées par une personne aux lourds antécédents. Ce ne sont pas des situations auxquelles on peut demeurer imperméables.

Notre mission consiste à légiférer, mais aussi à rester attentifs aux drames humains. C’est notre part d’humanité et nous ne devons pas l’oublier dans un hémicycle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, « castration chimique », le mot est choquant, en effet ! Nul ici ne l’a employé pour l’épouser ou pour le cautionner, mais pour le dénoncer. Nous sommes, sur l’ensemble des travées, opposés à l’utilisation de ce vocabulaire. J’observe d’ailleurs que, dans l’ensemble des rapports publiés sur ce sujet, il est recommandé de ne pas utiliser cette expression absurde de « castration chimique », qui nous renvoie dans une impasse. En réalité, vous nous faites là un mauvais procès, puisque nous sommes précisément opposés à l’emploi de cette expression.

Sur le fond, je voudrais reprendre un argument de M. Badinter sur lequel personne n’a répondu. Il a mis l’accent tout à l’heure sur un point très important, que l’on a passé sous silence : la confusion des pouvoirs. Le Président de la République, mécontent d’une décision du Conseil constitutionnel, s’est adressé au premier magistrat de France pour lui demander de jouer les arbitres, ou du moins les conseillers.

Or, dans une République, il y a une séparation des pouvoirs. Est-il bien normal que le pouvoir exécutif sollicite l’autorité judiciaire, alors que celle-ci devrait contrôler d’autres pouvoirs, et notamment le pouvoir exécutif ? Je crois que c’était une erreur. Lorsqu’une erreur ou une maladresse est commise, fût-ce par le Président de la République, il ne faut pas l’accepter.

Enfin, plus précisément sur la question de l’inconstitutionnalité, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit tout à l’heure notre excellent collègue Charles Gautier,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n’a rien dit !

M. Alain Anziani. … mais l’article 8 ter du projet de loi que vous nous soumettez me semble poser une difficulté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. Gautier ne l’a pas évoqué !

M. Alain Anziani. Cet article dispose en effet : « Les dispositions du code de procédure pénale relatives à la surveillance judiciaire et à la surveillance de sûreté dans leur rédaction résultant des chapitres Ier, Ier bis et Ier ter de la présente loi sont immédiatement applicables après la publication de la présente loi. »

Le Conseil constitutionnel aura peut-être à se prononcer sur l’application immédiate de certaines dispositions. Par une sorte de glissement, l’application immédiate de la surveillance de sûreté se transposerait à la rétention de sûreté. Voilà une difficulté.

Certes, de nombreuses dispositions du projet de loi peuvent faire l’objet de discussions, mais, sur ce point, sans doute le texte qui nous est soumis gagnerait-il à être plus clair. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Le motif principal d’inconstitutionnalité réside dans la loi précédente, mais est encore élargi par ce texte, dont l’objectif principal est de permettre l’application de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental de façon immédiate, puisque celle-ci n’aurait d’effet que dans un très grand nombre d’années.

Or la rétention de sûreté est une peine – nous pouvons tourner autour du pot, si vous m’autorisez cette expression, mais, dans la mesure où elle est décidée par le juge, c’est bien de cela qu’il s’agit – qui rétablit de fait la perpétuité.

Évidemment, elle se distingue de l’internement psychiatrique. Il est inutile de revenir sur ce débat qui a déjà eu lieu. Toutefois, il nous faut constater que le problème de la définition des troubles de la personnalité demeure. Le législateur n’en est pas responsable, cela tient sans doute aux incertitudes de la psychiatrie.

Toujours est-il que, par des glissements successifs, on en vient à officialiser le rétablissement de la perpétuité, de la relégation définitive ou de la mort sociale, peu importe comment on l’appelle. C’est très grave, notamment au regard des principes fondamentaux de notre droit qui sont rappelés dans la Constitution.

Madame la garde des sceaux, vous avez affirmé que les arguments que j’avais faits valoir étaient des contrevérités. Pour qu’il soit inscrit au Journal officiel que vous m’avez à tort taxée de menteuse, je rappelle avoir fait remarquer que, en moins de trente ans, la population carcérale avait doublé. Et même si elle a baissé légèrement récemment, cela ne change strictement rien à cette réalité, qui fonde toute mon argumentation. Pour ma part, je continue de penser qu’il n’existe pas de lien direct entre l’aggravation de la loi pénale et les évolutions de la criminalité. Évidemment, à cette question de fond, vous ne répondez pas !

Par ailleurs, je ne nie pas que les intentions de soins en milieu carcéral existent – c’est d’ailleurs sur ce point que le rapporteur m’a répondu –, mais, dans ce domaine comme en amour, seuls les actes comptent. Ainsi, Francis Évrard, le meurtrier du petit Enis, a passé trente-deux ans en prison sans soins ni suivi psychiatrique !

Voilà qui doit nous conduire à réfléchir à l’applicabilité et à l’application des lois que nous votons et non à nous conduire comme des girouettes élaborant sans cesse des textes tendant à confirmer ou à aggraver les lois que nous avons déjà adoptées ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite revenir sur les deux griefs d’inconstitutionnalité avancés par Alain Anziani, auxquels je n’ai pu répondre lorsque j’ai donné l’avis de la commission sur la motion, puisque Charles Gautier ne les avait pas évoqués, et qui me semblent ne pas pouvoir prospérer.

Certes, la surveillance de sûreté peut prolonger les obligations du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire. Il n’en reste pas moins que seules pourront y être soumises les personnes condamnées à au moins quinze années d’emprisonnement pour les crimes que vous connaissez.

C’est pourquoi la modification du seuil pour le placement en surveillance judiciaire – de dix ans à sept ans – ne change rien. Même si elle est en surveillance judiciaire, la personne condamnée à une peine d’emprisonnement inférieure à quinze ans ne pourra être placée en surveillance de sûreté, encore moins en rétention de sûreté.

J’en viens à l’article 8 ter, dont le premier alinéa dispose : « Les dispositions du code de procédure pénale relatives à la surveillance judiciaire et à la surveillance de sûreté dans leur rédaction résultant des chapitres Ier, Ier bis et Ier ter de la présente loi sont immédiatement applicables après la publication de la présente loi. »

Je tiens à souligner que la quasi-totalité des dispositions du projet de loi concerne la procédure pénale. Certes, l’article 112-2 du code pénal prévoit qu’une règle de procédure pénale plus sévère ne peut avoir une application rétroactive. Toutefois, contrairement au principe de non-rétroactivité des incriminations et des peines plus sévères, cette règle n’a pas valeur constitutionnelle mais n’a qu’une valeur législative. Le législateur peut donc y déroger par une disposition expresse. Tel est précisément l’objet de l’article 8 ter. Par conséquent, sur ce point non plus, il n’y a pas inconstitutionnalité.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 155 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article additionnel avant l'article 1er A

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n° 258, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, faut-il le rappeler encore une fois, c’est à la suite d’un fait divers atroce que ce texte, enterré pendant un an, a été inscrit à l’ordre du jour des travaux du Parlement.

Si de tels faits sont de véritables drames auxquels nous ne pouvons évidemment que compatir, leur réutilisation à des fins politiques est inadmissible. Ils ne peuvent justifier une surenchère sécuritaire et répressive. C’est pourtant une pratique à laquelle le Gouvernement a désormais systématiquement recours depuis 2002, où chaque événement tragique fait naître ou resurgir un projet de loi.

En 2008, le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental avait été présenté au Parlement dans un contexte identique. Ce n’est pourtant ni l’émotion ni la peur que chacun d’entre nous peut ressentir qui doivent guider l’action du législateur.

En s’appuyant sur des émotions, le législateur manipule l’opinion publique, s’en sert pour conduire une politique toujours plus attentatoire aux libertés publiques. En nous laissant guider par la peur, par l’obsession sécuritaire, nous sommes incidemment conduits par prudence à enfermer toujours plus longtemps – et pourquoi pas à perpétuité – et à surveiller toujours davantage, au nom d’un principe de précaution qui se fonde sur une appréciation non objective et non scientifique de l’éventualité qu’une personne condamnée ayant purgé sa peine puisse récidiver.

On manipule l’émotion légitimement ressentie, on fait peur en agitant des faits divers, dans cette société du spectacle dénoncée par Guy Debord, où le crime devient une marchandise médiatique jouant sur une fascination morbide. Tout se passe comme Daniel Boorstin l’affirmait dans les années soixante : « Nous n’allons pas mettre l’image à l’épreuve de la réalité, mais mettre la réalité à l’épreuve de l’image ».

Ces faits divers souffrent d’une distorsion médiatique et politique. Ils mettent toujours plus en avant des événements tragiques, mais heureusement isolés, et laissent ainsi penser, à tort, à une inflation de ces crimes, dont le principal avantage est de permettre la mise en place d’une politique de contrôle, de surveillance, d’enfermement et de justifier des mesures attentatoires aux libertés publiques !

Si l’on s’efforce un tant soit peu de sortir de l’émotion, ce qui est de notre devoir et ce qu’ont fait deux chercheurs en criminologie, Annie Kensey et Pierre-Victor Tournier, on constate que la récidive de crime à crime ne représente que 1 % des cas !

À chaque horrible assassinat relayé par les médias, devrons-nous durcir davantage la loi ? La rétention de sûreté créée en 2008 franchissait déjà des limites bien dangereuses en permettant l’enfermement d’un condamné, une fois la peine purgée, sans jugement, sans nouveau fait, pour une durée indéterminée et au motif d’une dangerosité impliquant une éventualité de récidive : la prison après la prison pour un fait non commis.

Ce dispositif inadmissible est aujourd’hui encore durci, avec, entre autres, mais pas seulement, la quasi-obligation de suivre un traitement antihormonal. Mais quelle sera la prochaine étape ? Doucement mais sûrement, cette surenchère peut nous mener aux réactions les plus dangereuses.

Aujourd’hui, on enferme de manière indéfinie les condamnés dangereux ayant des troubles mentaux au lieu de les soigner, mais demain peut-être les éliminera-t-on définitivement pour s’assurer qu’ils ne récidivent pas. Cette logique est bien trop dangereuse et nous devons la refuser.

Aussi, à des fins que nous pouvons clairement qualifier d’opportunistes et d’électoralistes, ce projet de loi permet au Gouvernement d’afficher sa prétendue efficacité dans la lutte contre la récidive en exploitant la fibre sensible de l’insécurité.

Eh oui, madame la ministre d’État, entre un texte sur les violences de groupe, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2, et le texte qui nous occupe aujourd’hui, il faudrait être naïf pour ne pas voir un tir groupé sur l’insécurité, thème cher à votre formation politique, à l’aube d’échéances électorales !

C’est toujours le même scénario et, encore une fois, nous n’y échappons pas !

Là est également le problème : la loi sert encore une fois de support de communication au Gouvernement. Elle lui permet, dans une démarche, que je qualifierais de populiste et d’électorale, de justifier d’une prétendue action dont la nécessité, je l’ai dit mais je le répète, est davantage fondée sur la capacité à agiter les peurs populaires qu’à s’appuyer sur une quelconque réalité de ce que représente la récidive.

Ce projet de loi est le quatrième à s’attaquer à la récidive depuis 2002 ! Si un constat devait être fait, j’aurais plutôt tendance à penser que cette multiplication de lois prouve l’incapacité des dispositions prévues précédemment à régler le problème et une vraie nécessité à changer de politique pénale.

Ce projet de loi s’inscrit davantage dans une démarche de communication. On pourrait imaginer qu’il vient pallier une absence ou une insuffisance de dispositifs, mais ce n’est évidemment pas le cas. Comme le souligne le rapport « Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux » du 30 mai 2008 de Vincent Lamanda, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, notre arsenal juridique est déjà suffisamment coercitif pour prévenir les risques de récidives.

En effet, la loi du 27 juin 1990 permet d’interner les malades mentaux, criminels ou non, préventivement, en dehors de toute conduite délictueuse ou de crime. La loi du 17 juin 1998 institue le suivi socio-judiciaire qui permet d’imposer aux condamnés des obligations telles que le placement sous surveillance électronique mobile et l’injonction de soins.

Le 12 décembre 2005, une nouvelle loi crée le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et assortit la surveillance judiciaire d’un grand nombre d’obligations dans le délai de la réduction de peine accordée, notamment l’assignation à domicile et le maintien à distance des mineurs.

Enfin, la loi de 2008 instaure la rétention et la surveillance de sûreté qui permet tout de même l’enfermement à vie de criminels jugés dangereux selon un pronostic arbitraire !

Pour lutter contre la récidive, la loi ne fait pas défaut, loin de là. En créer une nouvelle est ainsi complètement inutile. Ce nouveau projet de loi venant s’ajouter à une profusion de mesures législatives n’est pas seulement inutile, il est également inadmissible.

Il illustre à quel point le Gouvernement méprise le travail des parlementaires. Il l’utilise bel et bien, n’hésitant pas à déposer projet de loi sur projet de loi, s’en servant comme d’un instrument d’affichage politique et ne se souciant guère de la qualité du travail produit ni du bon fonctionnement démocratique.

La dernière loi portant création de la rétention et de la surveillance de sûreté n’est que partiellement appliquée, pourtant, ce nouveau projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en novembre 2008.

Ainsi, alors que le Gouvernement s’est permis d’attendre un an entre son dépôt et son inscription à l’ordre du jour fin 2009, le projet de loi est soudainement décrété urgent ! Quel motif peut donc justifier si soudainement la nécessité d’adopter une loi en procédure accélérée alors qu’une année a pu s’écouler sans que cela semble primordial ?

Surtout, si urgence il y a, elle vient du Gouvernement qui souhaite couper court au débat parlementaire : il est urgent d’amputer toujours davantage le Parlement des maigres pouvoirs qu’on a encore daigné lui laisser !

Et je ne suis pas seule à le penser : l’excès est tel que MM. Larcher et Accoyer ont annoncé la création d’un groupe de travail pour « améliorer la qualité de la loi et les conditions de son élaboration ». Eux-mêmes font le constat d’une loi qui devient trop déclarative et qui se dévalorise, d’une loi redondante, dont le projet de loi d’aujourd’hui est une parfaite illustration. « Une bonne loi », affirment-ils encore, « nécessite un temps de réflexion incompressible. Il en va de la sécurité juridique de nos concitoyens et du bon fonctionnement de la démocratie ».

Cet élément justifie à lui seul, pour le bon fonctionnement de la démocratie, que la délibération du projet de loi soit suspendue pour rétablir des conditions de débats parlementaires convenables !

Cependant, si ce seul élément le justifie pleinement, malheureusement, le contenu du texte nous donne encore bien d’autres raisons de l’invoquer.

En effet, nous sommes face à un constat invraisemblable : une absence totale d’étude d’impact. C’est alarmant. Comment débattre intelligemment, qui plus est, en procédure accélérée, si aucune étude d’impact sérieuse n’a été effectuée au préalable pour évaluer l’effet des lois précédentes pourtant nombreuses ?

Cette absence de transparence est véritablement problématique. L’adoption d’une nouvelle loi dans un domaine où le Gouvernement a tant légiféré ces dernières années ne doit se faire qu’après analyse des conséquences et de l’utilité des lois précédemment adoptées.

Cependant, on ne comprend que trop bien les raisons de cette absence : effectuer une étude d’impact reviendrait à supposer que cette loi a une autre intention que celle de donner l’illusion d’une action du Gouvernement. Cela mettrait également en lumière le fait que la plupart des mesures législatives d’ores et déjà adoptées par le Parlement en matière de récidive n’ont tout simplement pas les moyens de s’appliquer et sont inefficaces, et pour cause ! Nous avons ainsi souligné, par le biais d’amendements déposés en commission des lois et inspirés du rapport Lamanda, l’absence de moyens accordés à la justice.

Il est ainsi nécessaire de renforcer les secrétariats des services de l’application des peines des juridictions. Leur nombre insuffisant, face à l’augmentation spectaculaire de l’activité des juges de l’application des peines, peut se traduire par des retards dans le traitement des dossiers.

Dans le même esprit, il est indispensable que le Gouvernement augmente le nombre de conseillers d’insertion et de probation, de façon à permettre aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, d’effectuer des suivis renforcés et de mettre en place un accompagnement adapté à chaque condamné pour prévenir efficacement le risque de récidive.

Nous vous proposons également d’augmenter les effectifs des médecins coordonnateurs et les moyens dont sont dotés les services médicaux psychologiques afin de pallier leur pénurie dans le système judiciaire. À l’heure actuelle, les injonctions de soins ne peuvent être mises en place de façon satisfaisante dans plus de la moitié des juridictions !

Il paraît ainsi d’autant plus inutile de généraliser l’injonction de soins et de rendre le traitement antihormonal quasiment obligatoire que le suivi médical ne pourrait être effectif.

Enfin, une attention particulière doit être portée à la médecine pénitentiaire, en complétant la formation des médecins, en particulier des psychiatres, et en revalorisant les conditions matérielles de leur intervention en milieu pénitentiaire. Cette proposition entend remédier à l’insuffisance de l’intervention des médecins psychiatres dans les lieux de détention.

De plus, l’utilisation et les effets des traitements inhibiteurs de libido doivent impérativement faire l’objet d’une étude approfondie ! Leur utilité et leur efficacité ne sont pas avérées, leur utilisation est largement contestée par grand nombre de médecins et leurs effets secondaires sont encore mal connus ; il paraît donc aberrant de généraliser de tels traitements sans une meilleure connaissance de leurs effets réels et de leur capacité à apporter véritablement des solutions à des problèmes dont il ne faut pas oublier l’origine avant tout psychologique.

Une question se pose : comment appliquer des décisions de prise en charge psychiatrique des personnes en prison sans moyens humains et budgétaires supplémentaires ?

Or la France est le pays d’Europe qui dépense le moins par habitant pour sa justice : elle occupait en 2008 le trente-cinquième rang européen, avec un budget représentant seulement 2 % de celui de l’État.

Mais si cette absence d’étude permet également au Gouvernement d’éviter d’affronter les véritables causes de la récidive, la situation dramatique des prisons françaises et la nécessité d’entreprendre de véritables réformes adaptées sont frappantes.

Les conditions de détention dans les prisons françaises sont inhumaines, avec une augmentation du nombre de suicides en prison et des conditions de travail de l’ensemble des personnels totalement dégradées. La surpopulation carcérale, avec 55 000 places de prison pour 63 000 personnes incarcérées, est d’ailleurs la conséquence immédiate de la multiplication des lois répressives censée apporter des solutions à la récidive criminelle.

Le résultat est, bien au contraire, la création de structures inhumaines, non adaptées à la survie et qui peuvent entrainer de nouvelles souffrances, de nouvelles pathologies et de nouvelles violences. La prison est le véritable espace de l’injustice sociale, de la misère et de la souffrance. En cela, elle est elle-même créatrice de violence et de récidive. Il est donc urgent de changer de politique pénale, en se dirigeant vers un accompagnement et un suivi social, médical et judiciaire adapté, pendant les détentions.

L’accumulation de mesures pénales répressives ne résoudra en rien la question délicate de la récidive, elle l’aggravera même davantage, tant que les prisons françaises resteront cette « humiliation pour la République », selon les termes utilisés par la commission d’enquête sénatoriale, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2000.

Je finirai en citant Vincent Lamanda, dans son rapport intitulé « Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux ».

« Le phénomène [de récidive criminelle], à des degrés divers, selon les lieux et les époques, marque malheureusement l’histoire du monde. C’est pourquoi, il faut s’efforcer de le juguler au mieux, faute de pouvoir jamais le supprimer.

« L’objectif […] était bien celui-là : viser à une meilleure appréhension de ce risque, inhérent, en quelque sorte, à la nature humaine, et rechercher les moyens de le réduire toujours. […]

Il ne pouvait s’agir d’atteindre l’illusoire idéal d’une société sans récidive criminelle, mais de contribuer à éclairer […] une société qui, consciente de sa propre part de violence, se doit d’être lucide et vigilante à la fois. »

La lucidité, madame la ministre d’État, doit nous faire voir toute la responsabilité de l’État, de par son incapacité à donner les moyens nécessaires à la prévention de la récidive criminelle pour que les mesures existantes puissent s’appliquer.

La vigilance nous pousse aujourd’hui à affirmer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte, dangereux pour la loi, le Parlement, la justice française et la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mme Assassi fait des propositions tout à fait intéressantes qui reprennent d'ailleurs certaines mesures de caractère non législatif prônées par le rapport Lamanda.

Vous évoquez notamment, madame Assassi, l’augmentation souhaitable du nombre de conseillers d’insertion et de probation. Je ne peux qu’être d’accord. Mme la ministre d’État nous a d'ailleurs dit que quelques progrès avaient été réalisés sur ce point.

De la même manière, il est hautement souhaitable de renforcer les secrétariats des juges d’application des peines. Nous pouvons également tous être d’accord avec cette proposition, comme avec la nécessité de renforcer le nombre des médecins coordonnateurs. Sur ce dernier point, les moyens financiers ont été augmentés récemment. Toutefois, cela ne suffit pas ; il faut encore développer l’intérêt des médecins pour cette fonction. À cet égard, des efforts financiers ont été réalisés puisque leur indemnité a été presque doublée.

En revanche, l’intervention de Mme Assassi s’appuie également sur deux idées reçues que je ne peux pas partager.

La première concerne l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement. Je n’ai pas constaté un tel affaiblissement, je suis très heureux de le dire, ni dans la loi pénitentiaire ni dans ce texte. Même si l’on peut regretter la multiplication des procédures accélérées, le Parlement a eu l’opportunité de montrer ses compétences. Depuis la dernière révision constitutionnelle, c’est davantage le cas encore avec la discussion en séance publique du texte modifié par la commission compétente. Ce n’est pas un mince avantage pour le Parlement.

Ce thème de l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement n’est d’ailleurs pas récent. Je me souviens d’un débat où le Premier ministre Georges Pompidou, devant les députés, me semble-t-il, avait déclaré en substance : si je comprends bien, vous n’existez pas, ou à peine, et le Gouvernement n’est guère mieux loti ; notre débat ressemble à un exercice de style autrefois prisé, celui du dialogue des morts. (Sourires.)

Pour le reste, je cherche assez vainement les justifications de cette motion tendant à opposer la question préalable.

Si j’en crois ce qui est indiqué dans son objet, il n’y aurait pas eu, au sujet de la récidive, suffisamment de travaux menés, de documents et de rapports publiés pour que nous puissions nous prononcer aujourd’hui en toute connaissance de cause.

Pourtant, pour s’en tenir à la période la plus récente, nombreux sont les rapports disponibles sur la récidive, qu’il s’agisse de ceux de MM. Burgelin et Lamanda, ou de celui de MM. Gautier – présent parmi nous aujourd’hui – et Goujon.

Nous pouvons simplement regretter de ne pas avoir de statistiques suffisamment précises, puisque, en matière criminelle, le taux de récidive oscille, selon les sources, entre 1 % et 5 %. Certains avancent même – je suis loin de les croire ! – le taux de 24 %. Le jour où l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sera en mesure de travailler de manière performante, il nous fournira sans doute des statistiques intéressantes. Rappelons en effet que cet organisme n’a été mis en place que très récemment. Il nous faudra donc faire preuve d’un peu de patience !

Pour justifier son propos, Mme Assassi a invoqué une autre raison : ce texte ne servirait à rien.

Or il y est tout de même prévu un certain nombre de mesures de codification, à la suite des réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel. Voilà, me semble-t-il, une heureuse initiative. Il y a, en outre, tous les points qui ont été cités par les uns et par les autres, notamment par Mme la ministre d’État. Ainsi, une personne soumise à certaines obligations ne pouvait pas, hier, être interpellée immédiatement par les services de police et de gendarmerie ; ce ne sera plus le cas demain. De telles dispositions constituent un réel progrès de l’État de droit.

Par conséquent, je ne vois, pour ma part, aucune raison valable pour suivre nos collègues du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est dommage !

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Je n’abuserai pas de la patience de la Haute Assemblée, M. le rapporteur ayant parfaitement répondu à Mme Assassi.

Je voudrais simplement, madame, vous rassurer sur un point. Vous prétendez que notre démarche relève de la communication pure. Or je suis en mesure d’affirmer, pour avoir longuement parcouru la presse ces derniers jours, que personne ne parle de ce projet de loi sur la récidive.

Mme Éliane Assassi. Pas en ce moment !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous travaillons, comme il est normal, pour l’intérêt général, et non pour la presse. Telle n’est d’ailleurs pas, vous le savez très bien, ma façon de faire.

Vous avez déploré un manque de moyens : nous vous avons donné suffisamment de précisions pour vous montrer que vous aviez tort. Certes, et je vous en rends grâce, votre discours reflète la position politique constante de votre parti sur ces questions. Mais je note également que, élections après élections, les Français vous disent ce qu’ils en pensent ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est bas ! On en reparlera !

Mme Éliane Assassi. Attendez-vous au pire, madame le ministre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce type d’argument n’est pas digne du Parlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes tous, sur l’ensemble de ces travées, convaincus de la nécessité de lutter contre la récidive, sauf que nous n’avons pas les mêmes idées sur les moyens à mettre en œuvre.

De mon point de vue, la meilleure solution, c’est de prohiber toute sortie de prison sèche. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est dans la loi pénitentiaire !

M. Jean-Pierre Michel. Il faut un accompagnement, soit par un sursis avec mise à l’épreuve, soit par une libération conditionnelle.

Se pose alors immédiatement le problème des moyens. Malgré vos assurances, madame le garde des sceaux, tout le monde sait très bien que, sur le terrain, ceux-ci sont insuffisants, dans le domaine non seulement du contrôle et du suivi judiciaires, mais aussi de la psychiatrie.

Je parle en connaissance de cause, puisque je préside une association qui s’occupe de soigner environ 500 000 personnes souffrant de problèmes psychiatriques. Malgré nos efforts, en dehors des lits d’hôpitaux, tout vient à manquer pour couvrir les besoins de la population. Si les gens ne viennent pas se faire soigner à l’hôpital, nous ne pouvons pas nous en occuper, faute de temps pour les relancer et aller les chercher.

En réalité, la bonne application de ce texte, et donc son vote, est remise en question par trois constats préalables.

Le premier, c’est l’insuffisance des moyens.

M. le rapporteur lui-même en convient, puisqu’il nous proposera tout à l’heure, par le biais d’un amendement adopté ce matin même en commission des lois, le report de certaines mesures au cas où les moyens nécessaires feraient défaut, l'objectif étant notamment de permettre au Centre national d’observation – CNO – de Fresnes de travailler dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le deuxième, c’est l’absence d’étude d’impact, que nous avons déplorée en commission.

Bien sûr, vous n’allez pas manquer de me dire que le projet de loi a été déposé avant qu’un tel document soit rendu obligatoire. Lors de son examen à l’Assemblée nationale, les députés ont, paraît-il, sensiblement enrichi le texte. Mais je pose la question : les amendements qu’ils ont déposés reflétaient-ils véritablement leur libre arbitre ou étaient-ils suscités, voire téléguidés, par le Gouvernement ? (Mme Michèle Alliot-Marie exprime son désaccord.)

M. Charles Gautier. On peut le penser !

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, vous et moi avons été députés : nous savons bien ce qu’il en est à cet égard !

Une étude d’impact aurait été nécessaire. Aujourd’hui encore, nous avons besoin d’informations supplémentaires, ne serait-ce que sur le traitement destiné à atténuer la libido, au sujet duquel les médecins et M. le rapporteur ont exprimé leur grande interrogation. Un certain nombre d’individus, qu’ils soient ou non délinquants, d’ailleurs, suivent ce traitement : quels résultats donne-t-il ? Peut-on vraiment traiter ces personnes ? Sont-elles toutes consentantes ? Voilà autant de questions sur lesquelles nous n’avons pas obtenu de réponse, alors que nous nous apprêtons à inscrire cette disposition dans la loi !

Le troisième constat préalable concerne l’extension des fichiers judiciaires.

Il est ainsi prévu de créer un nouveau répertoire de données à caractère personnel, lequel, bien entendu, n’a pas fait l’objet d’un avis de la CNIL, alors qu’il soulève nombre d’objections. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est le président de la CNIL lui-même, qui ne siège pourtant pas de ce côté-ci de l’hémicycle. M. Türk a ainsi indiqué en commission qu’il existait déjà des systèmes analogues, notamment les fichiers Cassiopée et APPI, qui pourraient être développés, et ajouté que la numérisation des procédures pénales était en cours.

L’insuffisance des moyens, l’absence d’étude d’impact, en particulier sur le traitement antilibido, le problème de la prolifération des fichiers, sans consultation ni avis de la CNIL sur le nouveau répertoire, voilà les trois préalables essentiels qui font défaut à ce texte. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable !

M. Charles Gautier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la garde des sceaux, je me fais une autre idée du débat parlementaire et du débat politique tout court. Je pourrais moi aussi céder à la facilité et vous dire que le Président de la République, qui a organisé toute sa propagande sur le thème de la sécurité, ne s’en trouve pas pour autant récompensé par sa cote de popularité… Mais ce genre d’argument n’a pas sa place au Parlement !

La motion tendant à opposer la question préalable est parfaitement justifiée. En tant que parlementaires, nous nous devons, avant tout, d’identifier les objectifs que nous voulons atteindre.

Certes, en apparence, nos positions peuvent sembler converger. Notre groupe entend, lui aussi, encourager toute mesure propre à prévenir les crimes et la récidive, et faire en sorte que justice soit rendue.

Pourtant, à force de constater que nous légiférons à tour de bras, que nous en sommes à la quatrième loi sur la récidive et à la dix-septième en matière pénale depuis 2002, avec le succès que l’on sait, il est légitime de se poser des questions. C’est bien ce que nous faisons au travers de cette motion, en vous interrogeant, principalement, sur la réalité des moyens permettant d’évaluer l’action du législateur dans ce domaine.

Cette inflation législative n’est-elle qu’un affichage permanent ? En tout cas, elle aboutit à des résultats que vous-même semblez ignorer. Pour vous justifier, vous vous contentez de dire qu’il y a des crimes. Oui, c’est un fait, il y a des crimes horribles ! Et, pour répondre à vos insinuations, la compassion, l’empathie à l’égard des personnes qui souffrent est largement partagée, y compris, je vous l’assure, par les membres du Parti communiste !

En l’espèce, notre désaccord est total. Non, nous ne faisons pas œuvre législative en refusant de procéder, au préalable, à une évaluation de notre action, et en continuant à adopter, en permanence, des lois d’affichage qui se succèdent les unes aux autres, sans que les professionnels, et encore moins nos concitoyens, comprennent les raisons qui nous poussent à légiférer de nouveau ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle perte de temps !

M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 156 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 138
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la rétention de sûreté et à la surveillance de sûreté

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article 1er A (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel avant l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est abrogée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut que les choses soient très claires. Cet amendement vise à abroger la loi instaurant la rétention de sûreté. Ce n’est pas faute d’avoir, en son temps, longuement débattu du problème, mais il est évident que nous n’avons pas été entendus !

Il était inconcevable que le Conseil constitutionnel valide l’application rétroactive de la rétention de sûreté à des personnes condamnées avant la publication de la loi. Il l’a donc censurée. Mais il a, en revanche, validé le reste du texte et admis le principe d’une peine après la peine. Or, comme vous le savez, nous sommes totalement hostiles à une telle possibilité.

Nous nous soucions évidemment de combattre la récidive et de suivre les criminels dangereux ! Mais le sujet en cause se situe à la limite entre la psychiatrie et la justice. Or la loi relative à la rétention de sûreté le traite sur un mode qui ne nous paraît pas du tout adapté. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je le dis une fois encore, il ne faut pas confondre notre travail de législateur avec la tapisserie de Pénélope ! Nous n’avons pas à défaire en 2010 ce qui a été fait en 2008 ! Si la loi du 25  février 2008   relative à la rétention de sûreté a été votée, c’est parce que nous sommes, en majorité, favorables à l’existence de cette peine. Notre souhait est qu’elle soit appliquée à dose particulièrement homéopathique.

Il va de soi que la commission ne peut être que défavorable à cet amendement.

M. Jean-Louis Carrère. Achille est revenu ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous sommes ici pour élaborer un texte de loi répondant à de vraies problématiques.

Ces problématiques, elles sont de deux natures. Il s’agit, d’abord, de remplir l’obligation qui nous a été faite par le Conseil constitutionnel de nous adapter à un certain nombre d’exigences nouvelles auxquelles ne répondait pas le texte de 2008. Nous allons nous y employer en prenant pour base le rapport Lamanda qui nous aidera à faire une œuvre législative utile, cohérente avec les observations du Conseil constitutionnel et avec la loi précédente.

Il s’agit, ensuite, de tenir compte d’un certain nombre de problèmes, dont aucun d’entre vous ne conteste la réalité, et qui sont d’une actualité moins récente qu’on ne le dit puisqu’ils durent depuis de longs mois. Aujourd’hui encore, un quotidien régional que j’ai cru apercevoir sur certaines travées relate l’agression d’un jeune garçon par une personne récidiviste. Nous voyons bien que les problèmes sont réels.

Cela ne signifie pas pour autant que les lois précédentes ne servaient à rien ! Bien sûr qu’elles ont une utilité ! Mais l’expérience met en évidence un certain nombre de lacunes que nous allons nous efforcer de combler de la façon la plus pragmatique possible.

Je ne prétends pas que le texte qui a été soumis à votre commission était parfait. J’ai moi-même exprimé, à l’Assemblée nationale, mon désaccord sur un certain nombre d’amendements qui ont néanmoins été adoptés.

Il est d’autant plus important et utile d’améliorer encore, par des amendements, la rédaction telle qu’elle ressort du travail remarquable effectué par votre rapporteur, afin d’aboutir à un texte qui réponde aux problématiques que j’ai évoquées.

Ce texte, je le répète, ne s’apparente nullement à une affaire de communication avant des élections ! Soumis à l’Assemblée nationale voilà déjà un certain temps, la faible publicité qui l’entoure nous donne l’occasion de travailler en toute sérénité. Mon souhait est que nous l’abordions de la façon la plus sereine et la plus pragmatique possible, animés par le souci de répondre à une attente de nos concitoyens. Pour satisfaire leur aspiration à vivre plus en sécurité, il nous reste à régler les quelques problèmes en suspens. Ils ne concernent qu’un faible nombre de personnes et nous n’aurons pas à porter atteinte aux libertés. Encore faut-il les résoudre pour éviter ces drames humains qui ressurgissent régulièrement et qui montrent que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.

Ce qui est en cause, ce n’est pas une absence de moyens. Pour pallier celle qui existe dans d’autres domaines, la loi de finances pour 2010 a consenti des efforts importants qui devront être poursuivis.

Même si nous disposions de toute une panoplie de moyens, notamment pour la réinsertion, des moyens dont certains dépendent d’ailleurs non du ministère de la justice, mais du ministère de la santé – nous sommes ici dans le domaine de la psychiatrie  – il subsisterait néanmoins des problèmes. Et ce texte va permettre de les régler.

Je pense, en particulier, au cas où une personne condamnée à la suite d’une agression grave ou d’un crime, enfreint l’interdiction de revenir à proximité de sa victime. Le projet de loi apporte une réponse sur laquelle j’ai cru comprendre que l’ensemble de l’hémicycle s’accorde.

Encore faut-il accepter le débat. Le Sénat a rejeté les deux motions de procédure. Cet amendement vise, à nouveau, à empêcher l’examen du projet de loi. Abordons-le, essayons de l’améliorer ! Après quoi, vous voterez les uns et les autres en fonction de votre conviction. Mais il faut commencer par élaborer le texte le mieux adapté pour régler un certain nombre de problèmes.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 157 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er A
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article additionnel après l'article 1er A

Article 1er A

(Non modifié)

Le deuxième alinéa de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou, lorsqu’ils sont commis en récidive, de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 39 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 16.

Mme Éliane Assassi. L’article 1er A introduit par l’Assemblée nationale ajoute à la qualification d’aggravation pour les actes visés, celle de récidive. Or, comme le précise le rapport de la commission des lois, « l’état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d’aggravation- susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité ».

Autrement dit, quand la récidive est constituée, elle aggrave la répression de l’infraction poursuivie en augmentant le maximum de la peine encourue. Pourquoi les députés de la majorité ont-ils ajouté cette précision ? Étant donné la philosophie du texte que nous examinons, même corrigé par la commission des lois, il est à craindre que cette nouvelle rédaction ne cache une volonté de faire de la rétention de sûreté une modalité « ordinaire » de la peine, alors qu’elle doit demeurer une décision exceptionnelle, selon l’article 706-53-13 du code de procédure pénale.

Comme nous éprouvons beaucoup de craintes en la matière, nous demandons la suppression de l’article 1er A.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 39.

M. Alain Anziani. Nous avons contesté et refusé de voter la loi qui avait institué la rétention de sécurité. Or aucun élément nouveau ne justifie, à notre avis, l’extension proposée par le rapporteur de l’Assemblée nationale.

Au nom de la cohérence, nous demandons évidemment la suppression de cette extension. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Aux termes de l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux crimes d’assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d’enlèvement ou de séquestration commis sur mineurs et, à la condition qu’ils aient fait l’objet de circonstances aggravantes, commis sur majeurs.

Le législateur de 2008 n’avait cependant pas prévu, s’agissant des majeurs, que ces mêmes crimes, commis en état de récidive légale, entrent dans le champ d’application de la rétention de sûreté. Or, comme Mme Assassi en est d’ailleurs convenue, l’état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d’aggravation qu’il importe également de prendre en compte.

Les conditions de la récidive légale sont suffisamment strictes pour que l’on ne puisse vraiment pas parler de « banalisation » de la rétention de sûreté ! Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. À mon sens, le texte issu des travaux de la commission comble une réelle lacune ; M. le rapporteur vient d’ailleurs de le souligner. Il convient évidemment de conserver de telles dispositions.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article 1er

Article additionnel après l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par quatre phrases ainsi rédigées :

« La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté doit être examinée dès le premier mois qui suit leur condamnation. Les personnes condamnées sont ainsi placées pour une durée de six semaines au centre national d'observation. À l'issue de cette évaluation, un parcours individualisé d'exécution de la peine est déterminé sur la base d'une concertation entre l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire. Ce parcours fait l'objet d'une actualisation au cours de la détention. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de repli. J’avais d’ailleurs déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Selon M. le rapporteur, la demande que je formule dans cet amendement serait déjà satisfaite par la loi du 25 février 2008. (M. le rapporteur acquiesce.) Or permettez-moi de vous dire que ce n’est pas le cas !

Certes, en apparence, il y a effectivement une similitude entre ce que je prône et le dispositif prévu par la loi. Mais, pour bien connaître les conditions dans lesquelles les évaluations sont menées dans les établissements pénitentiaires, je continue de penser que l’évaluation doit se faire dès l’incarcération !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Notre différend avec Mme Nicole Borvo Cohen-Seat porte sur une période de onze mois.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En effet, lors de l’examen du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, nous avions prévu que les personnes susceptibles de faire l’objet d’une rétention de sûreté seraient soumises à deux évaluations, la première ayant lieu dans l’année suivant l’incarcération et la seconde se déroulant un an avant la sortie de prison.

Il est, me semble-t-il, important qu’il puisse y avoir une certaine stabilisation de la personne avant de procéder à l’évaluation. Ainsi, selon le Centre national d’observation de Fresnes, une durée d’observation relativement importante est nécessaire, car les deux premières semaines sont quasiment perdues.

De la même manière, le projet de loi n’interdit pas que l’évaluation puisse avoir lieu avant l’expiration du délai de douze mois ; cela peut se faire plus tôt. Simplement, nous offrons la possibilité d’utiliser ce délai. Il s’agit de condamnations qui sont longues. Je ne vois donc pas l’intérêt de modifier le texte sur ce point.

En réalité, nous partageons pleinement les préoccupations qui sous-tendent l’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serais même tenté de dire que nous allons plus loin. En effet, alors qu’elle propose de placer la personne au Centre national d’observation pour une durée de six semaines, le projet de loi prévoit une durée de six semaines « au moins ».

Pour le reste, nous proposons exactement la même chose en matière de mise en place du parcours individualisé d’exécution de la peine.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. À l’instar de M. le rapporteur, j’estime que la demande de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est déjà prise en compte non seulement par la lettre la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, mais également par l’esprit de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

Vos préoccupations, madame la sénatrice, me paraissent donc totalement satisfaites. C’est la raison pour laquelle j’aurais tendance à solliciter le retrait de cet amendement.

M. Charles Revet. Sait-on jamais ? (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, vous m’en voyez désolée, mais je persiste et signe !

Je n’ai pas forcément l’esprit de contradiction, mais procéder à une évaluation dès l’incarcération ou dans un délai d’un an, ce n’est pas exactement la même chose ! Sans doute me rétorquerez-vous qu’il est difficile de faire l’évaluation dans les deux premières semaines. Soit… Mais un délai d’un an, c’est énorme !

Bien entendu, quand j’évoque l’évaluation dès l’incarcération, cela peut être dans le premier ou les deux premiers mois qui suivent. Une évaluation au bout d’un an d’emprisonnement, ce n’est vraiment pas la même chose. La question est capitale. L’essentiel est que la prise en charge commence dès l’incarcération à la suite d’une condamnation ; il s’agit alors de la sanction de l’acte qu’on a commis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er A
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Article 1er bis

Article 1er

I (nouveau). –  Avant le dernier alinéa de l’article 706-53-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre ».

II. – (Non modifié) L’article 706-53-15 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté ne peut prononcer une rétention de sûreté qu’après avoir vérifié que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l’alinéa précédent. »

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 1er constitue incontestablement une amélioration.

En effet, il prévoit que la personne condamnée bénéficie, pendant l’exécution de la peine, d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre et que cette vérification est préalable à tout placement en rétention de sûreté.

Cependant, nous y sommes opposés, et ce pour deux raisons.

D’une part, cet article s’inscrit dans le cadre de la rétention de sûreté. C’est donc par cohérence que nous nous y opposons.

D’autre part, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, votre refus de notre précédent amendement démontre à l’évidence que nous n’avons pas la même conception de la prise en charge de la personne incarcérée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a quasiment fait les questions et les réponses.

En effet, l’hostilité de nos collègues membres du groupe CRC-SPG à l’égard de la rétention de sûreté, que nous avons bien comprise, les amène à prendre position contre un article dont ils reconnaissent pourtant l’intérêt.

Dans la mesure où tout le monde reconnaît que l’article 1er est positif, nous ne pouvons qu’être défavorables à sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

médicale, sociale et psychologique adaptée

par les mots :

et de soins adaptés

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Compte tenu des débats que nous avons eus de ce matin en commission, nous retirons l'amendement n° 40.

M. le président. L’amendement no 40 est retiré.

L'amendement n° 41, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

médicale, sociale et psychologique adaptée

par les mots :

et de soins adaptés

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous retirons cet amendement, pour les mêmes raisons que l’amendement précédent.

M. le président. L’amendement no41 est retiré.

L'amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et à son état médical

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet d’élargir les critères sur lesquels la juridiction régionale de sûreté peut être appelée à se prononcer pour décider d’une mesure de sûreté.

Si le Conseil constitutionnel a voulu encadrer les conditions dans lesquelles une telle mesure peut être ordonnée, en la subordonnant au fait que le condamné a pu bénéficier d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée à son trouble de la personnalité, il nous paraît stigmatisant de réduire l’appréciation de l’opportunité de la rétention au seul état psychiatrique, aussi important soit-il.

L’état médical de la personne en cause doit également être mis en balance pour déterminer s’il est compatible avec une mesure d’enfermement supplémentaire pouvant durer plusieurs années.

Le problème de la rétention de sûreté, système que nous réprouvons parce qu’il est contraire à nos principes, pose en outre la question de la sortie. Imaginez qu’une personne récidive après être sortie du dispositif de rétention de sûreté ; cela arrivera forcément. Songez alors à la responsabilité de ceux qui auront autorisé cette sortie…

C’est pourquoi nous considérons qu’il est nécessaire au moins d’élargir les critères.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme notre collègue Jacques Mézard vient de le souligner, la précision qu’il souhaite introduire dans le projet de loi va bien au-delà de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.

Il convient de rappeler que la rétention de sûreté vise les personnes souffrant d’un trouble de la personnalité. Or il s’agit de vérifier que le placement en rétention de sûreté n’a pas pu être évité par des soins pendant la période de détention concernant spécifiquement ce trouble de la personnalité.

En revanche, au regard de la spécificité de la rétention de sûreté, il ne paraît pas réellement pertinent de vérifier si la personne a reçu une prise en charge adaptée à son état médical, entendu de manière générale.

En outre, pour visiter très souvent des établissements pénitentiaires, je peux faire le constat suivant : si, et c’est regrettable, les soins psychiatriques ne sont pas toujours à la hauteur de ce que nous serions en droit d’attendre, les soins somatiques en milieu carcéral sont, en revanche, des soins de très grande qualité, souvent même très supérieurs aux soins qui pourraient être pratiqués à l’extérieur.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Compte tenu des conditions qui encadrent le placement d’un individu en rétention de sûreté, nous avons deux possibilités : soit le condamné souffre de problèmes médicaux liés à son trouble de personnalité, et le dispositif proposé par les auteurs de cet amendement est surabondant par rapport à ce qui a été prévu ; soit la personne souffre de problèmes médicaux sans lien avec son trouble de la personnalité et son éventuelle dangerosité, et le présent projet de loi n’est pas le bon cadre pour prendre une telle décision.

La précision souhaitée par M. Mézard me paraît donc inappropriée, et j’ai beaucoup de mal à comprendre l’intérêt d’un tel amendement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 1er bis 

Le même code est ainsi modifié :

1°  Le premier alinéa de l’article 706-53-19 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« La mainlevée de la surveillance de sûreté peut être demandée selon les modalités prévues à l’article 706-53-17. » ;

2° À la fin du premier alinéa de l’article 723-37, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° À la fin du premier alinéa de l’article 763-8, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 18 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 42 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 18.

Mme Éliane Assassi. L’article 706-53-19 du code de procédure pénale prévoit qu’une personne peut faire l’objet d’une surveillance de sûreté d’une durée d’un an renouvelable, si elle « présente des risques » de commettre les infractions visées par la rétention de sûreté. La surveillance de sûreté peut être ordonnée dans trois situations : après une rétention de sûreté, après une surveillance judiciaire ou après un suivi socio-judiciaire.

La majorité à l’Assemblée nationale a étendu la durée de cette surveillance de sûreté à deux ans. Apparemment, selon elle, une durée d’un an serait trop courte au regard de la durée nécessaire pour la procédure de renouvellement.

La commission des lois n’a pas remis en cause cette durée, mais elle a intégré « en contrepartie » – ce sont les termes qui figurent dans le rapport – un article prévoyant la possibilité pour l’intéressé de demander la mainlevée de la surveillance de sûreté, comme cela a été prévu pour la rétention.

Bien entendu, nous sommes favorables à l’inscription dans la loi de cette possibilité de mainlevée. D’ailleurs, mes chers collègues, si nous n’avions pas eu à examiner en urgence et sous pression le texte de février 2008, peut-être y aurions-nous pensé alors…

Mais demander la mainlevée suppose d’exercer une démarche juridique, ce que certains intéressés ne feront pas, faute d’être aidés dans leur initiative.

Pour notre part, nous refusons le doublement de la durée initiale de la surveillance de sûreté, qui aggrave la loi du 25 février 2008, à laquelle nous nous opposons. Selon nous, elle tend à banaliser ce mode de surveillance, qu’il est déjà – hélas ! – possible de renouveler indéfiniment. Il s’agit d’une mesure censée être ordonnée de manière exceptionnelle.

La prochaine étape sera-t-elle l’extension de la durée initiale de la rétention de sûreté elle-même également à deux ans, puisque le rapport de l’Assemblée nationale souligne que la procédure est, là encore, trop courte ?

En outre, nous le savons, dans les faits, plus on allonge les délais de surveillance, plus on allonge ceux du réexamen de la situation de l’intéressé. Pourtant, ce dernier n’a pas à subir les contraintes liées à la procédure.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er bis.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 42.

M. Alain Anziani. Amendement identique, raisonnement identique.

L’article 1er bis vise à prévoir l’allongement de un à deux ans de la durée de surveillance de sûreté. Je connais les objections qui nous ont été faites ce matin et qui nous seront sans doute opposées tout à l’heure.

La première objection est d’ordre technique : un an serait une durée trop courte. Selon moi, cette objection ne tient pas ou elle a peu de poids face à la réalité. Cette mesure est une sanction qui portera atteinte, d’une certaine façon, à la liberté de la personne concernée. Il n’est pas bon d’opposer un raisonnement de type administratif à cette atteinte à la liberté.

La seconde objection tempère cette critique. Une telle sanction ne serait pas grave puisqu’il existe une possibilité de demander une mainlevée. Mais encore faut-il, Mme Éliane Assassi vient de le souligner, que la personne concernée soit en état de former une telle demande.

Il ne s’agit pas uniquement d’un état psychologique, mais il s’agit aussi d’un état matériel et d’une disposition d’esprit. Nous connaissons tous un certain nombre de personnes qui ont renoncé à la société parce qu’elles se disent que la liberté n’est plus faite pour elles. Ces personnes n’auront sans doute pas la culture nécessaire pour demander une mainlevée.

Il me paraît beaucoup plus sage de prévoir une possibilité de contrôle annuel et non pas tous les deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je précise à notre collègue Alain Anziani que nous sommes dans le cadre de la surveillance de sûreté. Les personnes concernées ne seront donc pas incarcérées, elles seront libres.

En l’état du droit, le renouvellement de la surveillance de sûreté intervient dans les mêmes conditions que la décision initiale : lorsque la surveillance de sûreté suit une surveillance judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, le juge de l’application des peines ou le procureur de la République doit alors saisir la juridiction régionale de la rétention de sûreté six mois avant le terme prévu pour l’une ou l’autre de ces mesures.

Ce délai quasi incompressible permet, notamment, la réalisation de l’expertise médicale constatant la persistance de la dangerosité. Il est donc nécessaire d’engager la procédure de renouvellement alors même que la moitié de la durée de la mesure n’est pas encore écoulée.

Dans ces conditions, la demande de renouvellement de la surveillance de sûreté se fera de manière quasi systématique. S’il s’écoulait un temps un peu plus long, les autorités responsables pourraient formuler une demande d’arrêt de cette surveillance de sûreté.

Par ailleurs, ainsi que l’a souligné Mme Assassi, nous avons prévu une possibilité de mainlevée qui se fera, comme pour la rétention de sûreté, tous les trois mois. La possibilité de reconduction est donc extrêmement fréquente.

Je précise, en outre, qu’une assistance juridique est possible et qu’une aide juridictionnelle est susceptible d’apporter un appui à la personne sous surveillance de sûreté.

Je suis également parfaitement conscient du fait que les personnes qui se trouvent dans cette situation présentent parfois des troubles psychiatriques lourds. C’est d’ailleurs le cas de la seule personne aujourd'hui sous surveillance de sûreté.

Pour ce type de personnes, il est préférable de prévoir un délai plus long, qui permettra à l’autorité investie du pouvoir de demander la prorogation de ne pas y recourir de manière systématique.

La commission est défavorable à ces deux amendements, même si elle comprend les raisons qui les sous-tendent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. De très nombreuses garanties procédurales encadrent déjà la surveillance de sûreté. De plus, l’intéressé peut demander à tout moment la mainlevée, ce qu’a prévu la commission des lois du Sénat. Nous disposons là d’un système très équilibré.

En outre, je rappelle qu’un délai de deux ans s’applique déjà en Allemagne. Cette disposition va donc dans le sens d’une harmonisation européenne.

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 42.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. Alinéas 3, 5 et 7

Supprimer ces alinéas

II. Alinéa 4

En conséquence, supprimer la référence :

b)

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement est fortement similaire aux deux amendements précédents.

L’Assemblée nationale, sur proposition des députés de la majorité, a fait passer dans l’article 1er bis de un à deux ans la durée de la surveillance de sûreté, ce qui n’était pas le projet initial du Gouvernement.

Les défenseurs de cette position ont, notamment, soutenu que, en l’état actuel du droit, le renouvellement de la mesure de surveillance devait être engagé dès le placement initial en surveillance de sûreté.

Nous sommes opposés aux mesures de sûreté, par principe, et nous ne pouvons accepter cette argumentation, qui n’était d’ailleurs pas celle du Gouvernement au départ, laquelle revient à subordonner l’exercice d’une liberté fondamentale, à savoir celle d’aller et venir, à de simples considérations d’organisation administrative et pratique.

C’est s’engager dans une voie dangereuse, qui consiste à s’appuyer sur le manque de moyens alloués aux services pénitentiaires et d’application des peines pour justifier un durcissement de la sanction pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est similaire aux deux amendements précédents. La commission y sera donc également défavorable.

Je précise que les possibilités de mainlevée sont très sécurisantes puisque après un délai de trois mois la personne placée sous surveillance de sûreté pourra demander qu’il soit mis fin à la mesure. Il sera mis fin d’office à la surveillance de sûreté si la juridiction n’a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet, aucune autre demande ne pourra être déposée avant l’expiration d’un délai de trois mois.

Il existe donc une gradation permettant de demander la mainlevée à tout moment.

Par ailleurs, ce délai n’est pas uniquement imposé par des contraintes de personnel, par exemple une pénurie de magistrats. Il est lié au fait que la personne a été placée sous surveillance de sûreté parce qu’elle présente un danger de récidive pour des faits particulièrement graves. Afin de lever cette décision, une expertise est donc nécessaire. Cette dernière est techniquement complexe et prend du temps.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. En cohérence avec l’avis donné sur les deux précédents amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
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Article 2 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 2

(Non modifié)

I. – L’article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté prévu à l’alinéa précédent ne peut être ordonné qu’à la condition qu’un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-53-13. »

II. – Au dernier alinéa de l’article 723-37 du même code, les mots : « du dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « des quatre derniers alinéas ».

III. – Au second alinéa de l’article 763-8 du même code, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième ».

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 2 est inspiré de la recommandation 12 du rapport Lamanda, dont le Gouvernement n’a pris en compte que trois recommandations sur vingt-trois.

Malheureusement, cette disposition renforce les possibilités de placement en rétention de sûreté. Encore une fois, cette mesure, qui devait rester exceptionnelle, risque de se banaliser, d’autant que l’article 8 ter du présent projet de loi prévoit que le dispositif de surveillance de sûreté s’applique de manière immédiate.

C’est un moyen astucieux de contourner la décision du Conseil constitutionnel et d’aller rapidement vers la rétention de sûreté dans un certain nombre de cas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il existe une incompréhension sur cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat pense que l’article 2 facilitera et banalisera la rétention de sûreté. Or c’est exactement le contraire puisqu’il prévoit que « Le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté prévu à l’alinéa précédent ne peut être ordonné qu’à la condition qu’un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l’article 706-53-13. »

Le droit en vigueur présentait le risque de faire basculer automatiquement la personne en rétention de sûreté, en cas d’entorse aux obligations de la surveillance de sûreté.

Conformément aux recommandations de M. Lamanda, il convient de se demander si d’autres obligations de surveillance de sûreté ne permettent pas d’éviter de recourir à une telle extrémité. Je pense, par exemple, au placement sous surveillance électronique mobile.

Cet article, loin de banaliser la rétention de sûreté, vise à conserver le caractère homéopathique de la mesure. Nous devrions donc tous être d’accord pour rejeter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. M. le rapporteur l’a très bien souligné, cet article a pour objet de limiter les capacités de placement en rétention de sûreté.

Je ne comprends donc pas Mme Nicole Borvo Cohen-Seat qui, en toute logique, devrait retirer son amendement.

Par ailleurs, madame la sénatrice, j’ai évoqué les quatre principales recommandations du rapport Lamanda mises en œuvre dans ce texte, mais il y en a d’autres, qui ne relèvent pas du domaine législatif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 (Texte non modifié par la commission) (début)
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Discussion générale

8

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, actuellement en cours d’examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

9

Renvois pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi n° 130 (2009-2010), adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des finances.

J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 292, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des finances.

10

Article 2 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
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Article 2 bis

Récidive criminelle

Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.

Discussion générale
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Article 3

Article 2 bis

L’article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté avertit la personne placée sous surveillance de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en œuvre sans son consentement mais que, à défaut ou si elle manque à ses obligations, le placement dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté pourra être ordonné dans les conditions prévues par l’alinéa précédent. »

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 20 répond à un souci de cohérence générale avec notre position de principe sur la surveillance et la rétention de sûreté : il tend donc à la suppression de l’article 2 bis.

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 21, qui est un amendement de repli.

M. le président. Je suis saisi de l’amendement n° 21, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de pouvoir ordonner le placement en centre socio-médico-judiciaire, la juridiction d’application des peines adopte tous les moyens intermédiaires adaptés et prévus dans le cadre de la surveillance de sûreté par le 1° et le 2° de l’article 723-30. »

Veuillez poursuivre, madame Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En cas de refus de porter un bracelet électronique, qui constitue un manquement aux obligations de la surveillance de sûreté, nous souhaitons que tous les moyens intermédiaires soient envisagés avant le placement en rétention de sûreté. Celui-ci ne doit intervenir qu’en dernier recours.

Tel est l’objet de l'amendement n° 21.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Par souci de cohérence, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 20.

Quant à l’amendement n° 21, il vise à instaurer des garanties relatives au caractère subsidiaire d’un placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté qui sont déjà prévues par l’article 2, article que nos collègues du groupe CRC-SPG souhaitaient supprimer par l’amendement n° 19 !

Je précise, par ailleurs, que le placement n’est pas ordonné par le juge de l’application des peines, mais par le président de la juridiction régionale de rétention de sûreté.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est logique avec elle-même en proposant la suppression de l’article 2 bis. Je peux le comprendre, car l'amendement n° 20 est également cohérent avec l’amendement n° 14 rectifié qui tendait à supprimer l’ensemble des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Mon raisonnement est tout aussi logique : à partir du moment où l’on admet l’utilité du présent projet de loi, qui peut être aménagé sur certains points et que le travail réalisé en commission a d’ailleurs permis d’améliorer, on ne peut pas accepter un amendement qui vise soit à le supprimer en totalité, soit à en annuler une disposition essentielle.

Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, l’article 2 bis prévoit que la personne placée sous surveillance de sûreté est informée de droits supplémentaires ou des conditions dans lesquelles vont s’exercer un certain nombre de mesures, il ne serait donc pas logique d’accepter un amendement de suppression.

Je ne vois donc que deux solutions : soit vous retirez cet amendement, madame Nicole Cohen-Seat, mais j’ai cru comprendre, depuis le début de cette discussion, que telle n’était pas votre logique, soit le Gouvernement émet un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 21, il est satisfait ; le Gouvernement y est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
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Article 4

Article 3

L’article 706-53-21 du même code devient l’article 706-53-22 et après l’article 706-53-20, l’article 706-53-21 est ainsi rétabli :

« Art. 706-53-21. – La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure. »

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 22 vise à supprimer l’article 3, en cohérence avec notre opposition totale à la rétention de sûreté.

Je défendrai en même temps l’amendement de repli n° 23, monsieur le président, qui vise à garantir une égalité de traitement entre tous les condamnés en matière de rétention et de surveillance de sûreté.

Si ces mesures sont seulement suspendues lorsqu’intervient une détention au cours de leur exécution, il faut alors que la juridiction régionale de sûreté confirme leur reprise dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, quelle que soit sa durée.

En effet, toute possibilité d’évolution de l’état de santé mentale du condamné doit être prise en compte, quelle que soit la durée de la peine. Si des soins adaptés sont dispensés durant la rétention, ce qui doit ou devrait être le cas, il faut prendre sérieusement en compte les possibilités de progrès des condamnés et l’éventualité que l’évolution de leur état de santé mentale soit suffisamment significative pour justifier la fin du placement en rétention de sûreté. Il n’est pas admissible qu’un condamné subisse le maintien de mesures de sûreté sans que leur absolue nécessité soit avérée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 22 reçoit un avis défavorable, puisque la commission n’est pas favorable à l’abrogation de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

En ce qui concerne l’amendement n° 23, il convient d’observer que le texte dont nous débattons a déjà beaucoup évolué. En effet, le projet de loi initial prévoyait que, lorsqu’une personne soumise à une surveillance de sûreté ou à une rétention de sûreté était incarcérée pour une infraction qu’elle avait commise, sa situation devait être réexaminée à sa libération par la juridiction régionale de rétention de sûreté, dès lors que la détention avait excédé un an. La commission a estimé que cette durée était un peu longue, dans la mesure où des soins doivent être délivrés en prison, selon l’exigence du Conseil constitutionnel, pour traiter les troubles dont souffre la personne. Elle a donc ramené ce délai d’un an à six mois.

En revanche, il ne lui paraît pas justifié d’obliger la juridiction à se prononcer de nouveau sur le placement en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté pour une personne condamnée à une très courte durée d’emprisonnement – quelques jours parfois – pendant laquelle, parce que sa situation a peu de chance d’évoluer, les éléments ayant justifié un placement en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté n’ont sans doute pas changé.

Nous pensons donc qu’un délai de six mois correspond à la juste mesure, c’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. L’amendement n° 22 recueille un avis défavorable, puisque l’article 3 du projet de loi reprend les recommandations du rapport Lamanda relatives à la suspension de la mesure de surveillance ou de rétention de sûreté lorsqu’une détention intervient au cours de son exécution.

En ce qui concerne l’amendement n° 23, comme vient de le dire M. le rapporteur, il est extrêmement difficile, pour des raisons objectives, de descendre en dessous du délai de six mois recommandé par la commission. Mon avis est donc également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois,

par les mots :

Quelle que soit la durée de la détention,

Cet amendement a déjà été défendu, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois

par les mots :

À l’issue de la détention

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. On pourrait se demander pourquoi notre amendement tend à supprimer toute référence à la durée de détention. Il faut savoir que, selon le Conseil constitutionnel, le temps de détention doit permettre une prise en charge effective et adaptée à la personne. Or, les conditions qui ont justifié le placement sous surveillance ou en rétention de sûreté – souvent le refus de soins – pourraient ne plus être réunies à l’issue de la détention.

La commission a ramené le délai d’un an à six mois, ce qui représente une amélioration tout à fait indéniable, mais nous souhaitons aller beaucoup plus loin. Nous proposons donc que la juridiction régionale de la rétention de sûreté se préoccupe de l’évolution de tout ancien condamné nouvellement incarcéré, quelle que soit la durée de la détention. Elle doit en effet vérifier que la personne concernée a effectivement bénéficié d’une prise en charge adaptée en détention, comme le prévoit l’article 1er du projet de loi.

Elle doit également évaluer la pertinence, au regard de ces nouveaux éléments, de son placement ou de son maintien sous surveillance de sûreté ou en rétention de sûreté.

Pour cela, la notion de durée de détention nous gêne et nous jugeons préférable que ces dispositions s’appliquent dans tous les cas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, notre avis est défavorable.

D’une part, il faut tout de même songer un peu aux conditions quotidiennes de fonctionnement de la juridiction régionale de la rétention de sûreté.

D’autre part, il ne faudrait pas en arriver au fait qu’une incarcération très courte, de quelques jours, devienne une opportunité pour la personne de voir augmenter ses chances de sortie de surveillance de sûreté.

Un délai de six mois nous semble, dans ces conditions, une bonne mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous partageons l’avis défavorable de la commission, pour des raisons pratiquement identiques à celles que j’ai exposées lors de la discussion de l’examen de l’amendement n° 23.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

L’article 723-37 du même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut également, selon les modalités prévues à l’article 706-53-15, ordonner une surveillance de sûreté à l’égard d’une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l’article 723-35 à la suite d’une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une des infractions mentionnées à l’article 706-53-13. La surveillance de sûreté s’applique dès la libération de la personne. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 95 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La commission des lois a fort opportunément procédé au retrait d’une disposition votée par la majorité à l’Assemblée nationale et qui prévoyait de ramener de quinze à dix ans le quantum de la peine susceptible d’être suivie d’une surveillance de sûreté à l’issue de la surveillance judiciaire.

Une telle disposition était à mon sens inconcevable : d’abord, parce que le seuil de dix ans est précisément celui prévu pour la surveillance judiciaire par l’article 723-29 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle ; ensuite, comme vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux, et comme l’a également confirmé le Conseil constitutionnel, parce que la surveillance de sûreté est une disposition exceptionnelle pour des faits d’une extrême gravité.

Un tel dispositif juridique est tellement dérogatoire aux principes fondamentaux de notre droit qu’il ne saurait en aucun cas être banalisé. Apparemment, tout le monde est d’accord sur ce point !

Le risque existe pourtant, puisque a été intégré, à l’article 4, une nouvelle extension du champ d’application de la surveillance de sûreté. Cela étend en conséquence la possibilité d’un placement en rétention de sûreté, celui-ci pouvant constituer, selon la loi, la sanction de la violation des obligations de la surveillance de sûreté.

Une sanction extrêmement grave pourra donc être prononcée contre l’intéressé, au seul motif que le manquement à ses obligations ferait apparaître un « risque » de récidive, ce qui n’est pas tout à fait induit.

Outre ces observations, nous sommes évidemment assez hostiles au dispositif de surveillance de sûreté, tel qu’il est issu de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Nous proposons donc la suppression de l’article 4.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 95 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous partageons les motifs qui viennent d’être exposés. Étant opposés au principe, nous ne pouvons être qu’opposés à l’extension du dispositif !

L’article 4, en dépit des efforts manifestes de la commission des lois pour revenir sur les dispositions retenues par l’Assemblée nationale – efforts que nous saluons –, vise à étendre encore davantage les mesures de sûreté, en abaissant le quantum de peine ouvrant la possibilité de prononcer une mesure de surveillance de sûreté à l’issue d’une mesure de surveillance judiciaire.

Selon nous, le fait d’étendre le dispositif revient déjà à ouvrir la porte à d’autres mécanismes reposant sur le même principe, principe, je le répète, auquel nous nous opposons fermement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’article 4 vise effectivement à étendre le régime de la surveillance de sûreté, mais cette extension est bienvenue et remédie à un paradoxe justement dénoncé par le rapport Lamanda.

Je vais m’expliquer, mes chers collègues, tout en vous priant d’excuser de la technicité de mon argumentation : elle est inévitable.

Cet article, que les amendements présentés tendent à supprimer, vise à permettre l’application de la surveillance de sûreté à une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées.

En effet, une surveillance de sûreté ne pouvant être ordonnée que dans le prolongement d’une surveillance judiciaire, elle ne peut être décidée directement après la libération d’une personne incarcérée en raison de la révocation de l’intégralité des réductions de peine. En d’autres termes, si celles-ci ont toutes été retirées, la surveillance de sûreté ne peut intervenir dans le prolongement de la surveillance judiciaire, celle-ci étant devenue impossible.

Ainsi, paradoxalement, la surveillance de sûreté peut être ordonnée uniquement lorsque la surveillance judiciaire est menée à son terme sans incident et, partant, lorsque l’intéressé présente les meilleurs gages d’une possible réinsertion.

L’article 4 tend à corriger cette anomalie qui, vous l’avouerez, mes chers collègues, était particulièrement choquante.

Notre avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Notre avis est également défavorable puisque l’article 4 vise à tirer les conséquences du rapport Lamanda.

Le travail de M. Vincent Lamanda a été salué et, comme j’ai cru le comprendre, tout le monde s’est à peu près accordé sur un certain nombre de ses recommandations. Il serait tout de même paradoxal qu’on nous demande aujourd’hui de retirer des dispositions tirant les conséquences de ces recommandations.

C’est pourquoi je ne peux qu’être en désaccord avec la suppression de cet article 4.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 95 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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(Non modifié)

Article 5

Article 5
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Article 5 bis

(Non modifié)

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° L’intitulé de la troisième partie est complété par les mots : « et aux personnes placées en rétention de sûreté » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article 64-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa est également applicable aux missions d’assistance à une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, s’agissant des décisions prises à son encontre pour assurer le bon ordre du centre. » – (Adopté.)

(Non modifié)
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Article 5 ter (début)

Article 5 bis 

Après le titre XX du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XX bis ainsi rédigé :

« Titre XX bis

« Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires

« Art. 706-56-2. – Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, tenu par le service du casier judiciaire sous l’autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à faciliter et à fiabiliser la connaissance de la personnalité et l’évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions.

« Le répertoire centralise les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes mentionnées à l’alinéa précédent qui ont été réalisés :

« 1° Au cours de l’enquête ;

« 2° Au cours de l’instruction ;

« 3° A l’occasion du jugement ;

« 4° Au cours de l’exécution de la peine ;

« 5° Préalablement au prononcé ou durant le déroulement d’une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté ;

« 6° En application des articles 706-136 ou 706-137 ;

« 7° Durant le déroulement d’une hospitalisation d’office ordonnée en application de l’article 706-135 du présent code ou de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique.

« En cas de décision de classement sans suite, hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées.

« Les informations contenues dans le répertoire sont directement accessibles, par l’intermédiaire d’un système de télécommunication sécurisée, aux seules autorités judicaires.

« Les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées par l’autorité judiciaire ou l’administration pénitentiaire d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité peuvent également être destinataires, par l’intermédiaire de l’autorité judiciaire et pour l’exercice de leurs missions, des informations contenues dans le répertoire.

« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles le répertoire conserve la trace des interrogations et consultations dont il a fait l’objet, ainsi que la durée de conservation des informations inscrites et les modalités de leur effacement. » 

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La commission des lois a largement récrit cet article, qui porte sur le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Si elle a clarifié la nature des données susceptibles d’être collectées et encadré l’accès à ce répertoire, en le réservant à l’autorité judiciaire, il demeure un problème de fond, qui agite d’ailleurs notre commission depuis plusieurs mois. Quel régime souhaitons-nous donner aux répertoires ou aux fichiers ? Quel contrôle le Parlement est-il en mesure d’exercer sur ceux-ci ? Comment s’assurer que ces outils sont compatibles avec le droit de toute personne au respect de sa vie privée ?

Nous sommes parvenus à un consensus : les fichiers doivent être créés par la loi. D’ailleurs, c’est la recommandation qui a été proposée par nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier dans leur excellent rapport intitulé : « La vie privée à l’heure des mémoires numériques ».

Lorsque nous revendiquons le droit pour le Parlement d’exercer un contrôle sur ces fichiers ou sur ces répertoires, il ne s’agit pas seulement d’en autoriser le principe : il s’agit également d’en contrôler le contenu.

Dans notre rôle de protection des libertés individuelles, nous ne pouvons nous contenter de donner notre aval à la création de ces fichiers ou de ces répertoires sans contrôler leur contenu et leur compatibilité avec les principes relatifs au respect de la vie privée. Or c’est exactement ce qui nous est proposé avec l’article 5 bis : donner un blanc-seing à un répertoire, dont le contenu sera fixé par le pouvoir réglementaire !

Nulle part dans cet article ne sont précisées les modalités et conditions de fonctionnement de ce répertoire. Ces éléments sont, semble-t-il, renvoyés à un décret en Conseil d’État, avec un contrôle préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Je note la volonté de notre collègue Alex Türk de donner un peu plus de place à la CNIL dans ce processus, mais je crois que nous devons exiger beaucoup plus que cela. Nous devons prévoir dans la loi toutes les modalités, la durée de conservation, les modalités d’effacement, de même que nous devons y inscrire le droit, fondamental, d’accès et de rectification aux données enregistrées.

Si le Sénat, ou plus largement le Parlement, renonce à ces exigences, il renonce de fait à son rôle de protection des libertés fondamentales. Parce qu’il s’agit d’une garantie démocratique, nous ne le souhaitons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Éliane Assassi. L’article 5 bis tend à créer un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Si le principe d’une telle base de données n’est pas choquant, cet article 5 bis pose tout de même des problèmes relativement sérieux.

D’abord, il faut être clair : c’est un énième fichier qui est créé !

Ce fichier porte sur des données sensibles – notamment de santé –, données à caractère personnel collectées à toutes les phases de procédures judiciaires antérieures, de l’enquête à l’exécution de la peine. Pourtant, l’avis de la CNIL n’a pas été sollicité.

Seraient inscrites dans ce fichier les personnes condamnées, mais aussi les personnes poursuivies, autrement dit présumées innocentes. S’il est compréhensible que des données recueillies dans une affaire en cours, sur une personne non encore condamnée, puissent faire l’objet d’une consultation par les magistrats et experts, l’inscription au fichier ne saurait être possible avant la condamnation.

Ce fichier a pour finalité une connaissance de la personnalité et de l’évaluation de la dangerosité de ces personnes, poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle elles peuvent encourir – je dis bien simplement encourir – un suivi socio-judiciaire. Vous avouerez, mes chers collègues, que ce champ est bien large...

Il en va de même du contenu du fichier ! Celui-ci comprend toutes les pièces des examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires. Pourquoi ne pas se contenter de leur liste et de leurs conclusions ? Je note d’ailleurs que la commission des affaires sociales a instauré une limite à cette longue liste.

S’agissant des modalités, l’article 5 bis tend à renvoyer à un décret en Conseil d’État. Rien n’est dit de la durée de conservation. Quant à la « promesse » d’effacement en cas de classement sans suite, de décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, on voit ce qu’il en est du casier judiciaire ou du système de traitement des infractions constatées, le fameux STIC.

Il est totalement illusoire de penser que les moyens actuels de la justice permettront de faire fonctionner ce nouveau fichier dans de bonnes conditions.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, examinant la situation de la France en matière d’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, soulignait dans son rapport de juillet 2008 que la France devait veiller à ce que « la collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi ». Nous en sommes loin !

Par ailleurs, quel droit d’accès pour les personnes concernées ? La commission des lois a réservé l’accès à ce fichier à l’autorité judiciaire. C’est bien le moins !

Enfin, une question : quel est le véritable intérêt de ce répertoire, sachant qu’une expertise se fait à un moment précis, que la situation de la personne concernée peut avoir évolué et nécessite en tout état de cause de nouvelles évaluations, sachant aussi combien la notion de dangerosité est peu fiable ?

Nous proposons donc, pour l’heure, la suppression de l’article 5 bis.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Alain Anziani. Ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, le président de la CNIL a formulé des observations qui, toutes, nous ont paru pertinentes. Il rappelé avec bon sens qu’un fichier devait toujours être l’objet d’une grande attention et a précisé qu’il existait en France environ soixante-dix fichiers.

M. Alex Türk. Cinquante-huit !

M. Alain Anziani. Soit. Est-il besoin d’en créer un cinquante-neuvième ? En l’état, ce cinquante-neuvième fichier serait-il entouré de toutes les garanties nécessaires ? Nous craignons que non.

Autre question : ce fichier est-il utile ? Nous disposons déjà d’un nombre considérable de fichiers. La justice elle-même dispose de systèmes informatiques, notamment CASSIOPEE, chaîne applicative supportant le système d’informations opérationnel pour le pénal et les enfants, même si cette application ne semble pas, aujourd’hui, rencontrer un succès fabuleux.

D’autres systèmes aujourd’hui existent en la matière ; la numérisation des pièces de procédure, par exemple, est en cours et l’on peut donc se demander si tout cela n’était pas suffisant.

Enfin, se pose la question du fonctionnement pratique du système ? Un fonctionnement correct suppose que les greffes disposent des moyens nécessaires. Or l’ensemble des organisations que nous avons entendues nous disent que ce n’est pas le cas. Elles ont calculé que, compte tenu des effectifs actuels, les greffes ne peuvent pas prendre en compte 35 000 dossiers de plus par an, qu’il leur faudrait ensuite transmettre pour permettre la mise en place de ce fichier. Ils ne se voient pas manipuler autant de dossiers, auxquels il faudrait peut-être aussi ajouter les 41 000 actes de violences conjugales qui ont été enregistrés en 2007.

Nous ne voyons donc pas la pertinence de ce fichier, qui, comme tout fichier, recèle par ailleurs des dangers, même si l’on essaie de les limiter. Il ne paraît pas utile dans la mesure où d’autres systèmes existent et, de surcroît, il ne pourra peut-être pas être mis en œuvre. La sagesse devrait donc nous inciter à renoncer à la création de ce qui n’est ni utile ni nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 71 rectifié.

M. Jacques Mézard. J’en appelle tout simplement, par cet amendement de suppression, à l’esprit cartésien de notre rapporteur.

En effet, après avoir incité la commission à encadrer ce fichier qui sera réservé à la seule autorité judiciaire, il nous indique, ayant entendu les représentants des organisations de magistrats, que ceux-ci « se sont interrogés sur l’intérêt de ce répertoire ». Je lis le rapport de M. Lecerf : « Ils ont d’abord relevé que la connaissance des expertises antérieures n’éviterait pas de recourir à de nouvelles expertises requises en particulier par la loi pour toutes les infractions de nature sexuelle visées par l’article 706-47-1 du code de procédure pénale.

« En outre, selon la contribution de l'Union syndicale des magistrats, l’USM, avec l'implantation de CASSIOPEE – du moins lorsque cet outil sera opérationnel, car il ne l’est pas encore, comme l’a rappelé le président de la CNIL – “toute juridiction, tout enquêteur et même l'administration pénitentiaire au stade de l'exécution de la peine pourront, à l'échelon national, à moindre frais, être informés de l'ensemble des investigations ordonnées dans le cadre des procédures concernant la personne soupçonnée ou condamnée, à charge pour eux de solliciter la communication du rapport”. »

La conclusion de notre cartésien rapporteur est néanmoins : « les dispositions proposées devraient contribuer à limiter la déperdition des informations ».

Je suis extrêmement étonné par cette conclusion compte tenu des trois paragraphes qui la précèdent. Cela justifie amplement la suppression de cet article. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur craint que son cartésianisme n’ait à souffrir ! (Sourires.)

Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, répertoire qui a été créé par les députés, centralise des expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru.

Le répertoire proposé devrait contribuer à limiter la déperdition des informations que beaucoup des experts psychiatriques que j’ai entendus ont constatée lorsque la même personne était poursuivie dans des procédures distinctes ou même lors des étapes successives d’une même procédure.

Notre commission a, en outre, et vous l’avez reconnu, apporté certaines clarifications et surtout proposé de réserver l’accès direct aux informations contenues dans le répertoire à la seule autorité judiciaire.

Les experts judiciaires et les personnes devant procéder à une évaluation de la dangerosité dans le cadre d’une procédure judiciaire n’accéderaient à ces informations que par l’intermédiaire des magistrats.

J’ai visité, voilà peu, la maison d’arrêt de Rouen : dans cet établissement, deux détenus ont été tués par leurs codétenus à un an d’intervalle.

M. Charles Revet. C’est exact !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si certains renseignements avaient pu être communiqués, ce drame aurait peut-être été évité. Je n’en suis pas sûr, mais c’est une possibilité.

Il existe des établissements pénitentiaires où le partenariat, l’échange d’informations opérationnelles se déroulent convenablement entre le corps médical et l’administration pénitentiaire. Dans d’autres établissements – et ces problèmes sont d’abord profondément humains –, cette transmission d’informations ne se fait absolument pas. Par conséquent, si ce répertoire peut éviter certains drames, il serait dommage de s’en priver.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Tout d’abord, sur la forme, je souligne que, si le Conseil d’État et la CNIL n’ont pas été consultés sur la création de ce répertoire, c’est que celui-ci a été introduit par voie d’amendement. Mais la CNIL et le Conseil d’État seront bien entendu consultés dans le cadre du décret d’application qui est prévu par le texte. De toute façon, la CNIL n’est saisie que des décrets.

Ensuite, sur le fond, je précise que le répertoire a effectivement pour objet, comme vient de le dire le rapporteur, de faciliter l’évaluation de la personne par le juge. Cela permettra aussi de respecter le principe de la personnalité des peines et facilitera le suivi socio-judiciaire. À cet outil nouveau correspond donc bien une fonction tout à fait spécifique, et toutes les garanties nécessaires ont été apportées.

L’application CASSIOPEE, quant à elle, n’a rien à voir avec la chaîne pénale. L’utilisation de CASSIOPEE, que certaines préconisent, poserait par ailleurs un problème puisque, comme vous l’avez dit vous-même, ce système est accessible à un plus grand nombre de consultants et, dès lors, nous ne pourrions, comme nous le voulons, réserver l’information aux seuls juges.

Par conséquent, c’est au rejet de ces amendements que la rationalité doit conduire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25, 44 et 71 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 45, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Supprimer les mots :

poursuivies ou

II. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je présenterai en même temps les amendements nos 45, 46 rectifié et 47.

Il s’agit d’amendements de repli puisque nous conservons le fichier. Ils visent à en préciser le contenu.

Dans l'amendement n° 45, nous proposons que ne figurent dans le fichier que les informations relatives aux personnes condamnées. Nous pourrions tous souscrire à cet amendement. Mais je vois bien l’argument qui va nous être opposé et qui consiste à dire : « Ne vous inquiétez pas ! Les personnes poursuivies seront fichées, mais dès qu’elles seront mises hors de cause, cela figure dans le texte, elles feront ensuite l’objet d’un effacement. »

Franchement, pouvez-vous nous donner aujourd’hui l’assurance que cet effacement sera automatique ? Cela nécessite des moyens matériels que l’administration n’aura peut-être pas. Nous connaissons d’autres cas dans lesquels l’effacement devait avoir lieu et n’est jamais intervenu.

C’est pourquoi il me semble beaucoup plus sage de réserver l’inscription dans ce fichier uniquement à des personnes condamnées, ce qui devrait d'ailleurs aller de soi.

Dans l'amendement n° 46 rectifié, nous demandons que soient exclues du répertoire créé par l’article 5 bis les personnes qui ont été dispensées de peine pour cause d’irresponsabilité pénale. En effet, si ces personnes ont été dispensées de peine pour irresponsabilité pénale, c’est qu’elles ont été reconnues comme malades. Dans ce cas, les données les concernant sont relatives à leur maladie et doivent figurer dans un dossier médical, non dans un dossier judiciaire. Là aussi, j’en appelle au cartésianisme évoqué tout à l’heure par M. Mézard.

Enfin, l'amendement n° 47 vise à exclure du fichier les personnes condamnées non inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Toutes les personnes condamnées sont inscrites au bulletin n° 1, mais seulement certaines le sont au bulletin n° 2. C’est l’autorité judiciaire qui opère la distinction. Elle peut considérer que les personnes qui ont été condamnées à des peines légères pour des infractions mineures ne doivent pas être handicapées par leur passé judiciaire dans la recherche d’un emploi, notamment dans la fonction publique.

L’autorité judiciaire veut ainsi marquer qu’il y a un devoir d’oubli. Dès lors, pourquoi ce devoir d’oubli voulu par l’autorité judiciaire ne se traduirait-il pas ensuite sur le plan administratif ? Pourquoi devrait-on lui opposer un devoir de perpétuité s’agissant d’une infraction mineure. Cela peut concerner, par exemple, un jeune militant qui, un jour, lors d’une manifestation, commet une infraction mineure et sera finalement dispensé de peine : le voilà pourtant fiché dans le répertoire des personnes qui peuvent présenter une certaine dangerosité. Cela ne correspond pas à notre conception de la démocratie !

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 13

Supprimer les mots :

hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal,

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 47, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

de relaxe ou d'acquittement,

insérer les mots :

ou pour les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire

Cet amendement a également été défendu.

L'amendement n° 96, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. L’objet de cet amendement est de prévoir une durée de conservation maximale des données, conformément à la règle d’or observée dans tous les pays de l’Union européenne, y compris en France. Il ne peut donc s’agir que d’un oubli, car on fixe toujours une limite à la conservation des données.

Ce qui est préoccupant dans cette affaire, c’est que, si nous ne le faisions pas, nous nous distinguerions de nos partenaires européens et nous rejoindrions les États-Unis, qui, précisément, s’opposent au principe européen en affirmant qu’il n’est pas nécessaire de fixer une telle limite.

J’ajoute que, dans la proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier, la préoccupation du droit à l’oubli est partout présente et que c’est également une priorité affichée par le secrétariat d’État chargé du développement l’économie numérique.

Je propose donc que l’on s’aligne sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré que, en vertu du principe de proportionnalité, une durée de trente ans était raisonnable. J’ai le sentiment qu’une telle durée ne devrait pas remettre en cause l’efficacité du fichier.

Cette durée doit incontestablement être fixée dans la loi elle-même, de manière à encadrer l’ensemble du dispositif. Cela est d’autant plus important que nous assistons aujourd'hui à une multiplication des fichiers. C’est une évidence que l’on ne peut nier. Si le pouvoir exécutif juge nécessaire de mettre en place ce fichier, il doit donc, en même temps, s’assurer qu’il est parfaitement encadré.

Il faudra également mettre en place les moyens d’assurer la maintenance, car il faut bien reconnaître que c’est souvent par là que pèche le traitement de données personnels dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. À propos de l'amendement n° 45, qui est un amendement de repli tendant à réserver le répertoire des données à caractère personnel aux seules personnes condamnées, la commission estime qu’il faut distinguer deux aspects : la consultation des données et la conservation des données.

La consultation des données est surtout – pour ne pas dire exclusivement – pertinente pour les personnes poursuivies. En effet, à quoi sert la consultation des données si la personne est déjà condamnée ?

S’agissant de la conservation des données, des dispositions précises sont prévues au treizième alinéa de l’article 5 bis afin de permettre l’effacement des données en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 46 rectifié tend à supprimer la référence aux décisions d’irresponsabilité pénale lorsqu’elles sont assorties de mesures de sûreté. Les expertises réalisées dans ce cadre peuvent toutefois être utiles pour permettre une meilleure connaissance de la personnalité de l’intéressé, ce qui est le principal objet du répertoire.

C'est la raison pour laquelle la notion de droit à l’oubli ne peut pas être invoquée dans une hypothèse où le contenu du répertoire peut servir la personne concernée, par exemple un malade mental qui bénéficierait tout à fait naturellement de l’irresponsabilité. La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 47 vise à écarter du répertoire les données concernant des personnes dont les condamnations ne figurent pas au bulletin n° 2 du casier judiciaire, c'est-à-dire celui qui est également accessible aux administrations. Cependant, le casier et le répertoire n’obéissent pas aux mêmes finalités : le premier doit permettre une meilleure connaissance du passé pénal de l’individu, tandis que le second vise à mieux cerner la personnalité de la personne poursuivie, ce qui, il ne faut pas l’oublier, peut aussi être utilisé pour sa défense. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 96 prévoit de fixer dans la loi la durée de conservation des données du répertoire. En la matière, le législateur a appliqué jusqu’à présent des règles différentes. Ainsi, les durées de conservation pour le fichier national des empreintes génétiques ont été renvoyées au décret. En revanche, celles visant le fichier des auteurs d’infractions sexuelles sont déterminées dans la partie législative du code de procédure pénale. Il est vrai que, dans ce cas, l’inscription au FIJAIS est source d’obligations pour la personne, ce qui n’est pas le cas d’une mention au répertoire prévu par l’article 5 bis.

Devant ces contradictions, la commission a décidé de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. En préambule, je voudrais préciser à M. Anziani un point qui me paraît essentiel : le répertoire des données personnelles ne vise pas toutes les infractions, mais seulement celles pour lesquelles un suivi socio-judiciaire est encouru, autrement dit les meurtres, les viols et les agressions sexuelles. Il n’est donc ni dans la logique du texte ni dans nos intentions d’inscrire dans ce répertoire les personnes ayant participé à des manifestations !

En ce qui concerne l’amendement n° 45, je précise que toutes les données relatives à des personnes ayant fait l’objet d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement seront bien entendu immédiatement effacées. Faut-il pour autant interdire l’inscription dans le répertoire des expertises et des analyses relatives à des personnes poursuivies et en attente de jugement ?

Prenons le cas d’une personne poursuivie dans différentes procédures pour faits de viols. Ne serait-il pas absurde qu’un magistrat instruisant l’une de ces affaires ne puisse avoir accès, par le biais de ce répertoire, aux expertises psychiatriques réalisées dans une autre procédure menée en parallèle ? C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne les amendements nos 46 rectifié et 47, auxquels le Gouvernement est défavorable, les explications de M. le rapporteur étaient parfaitement claires et je les reprends à mon compte.

En ce qui concerne l’amendement de M. Türk, je voudrais rappeler, à la suite de M. le rapporteur, que la durée de conservation des données enregistrées dans un fichier ne relève normalement pas du domaine de la loi. Comme les assemblées seront amenées à débattre d’ici peu de la procédure pénale, cette question sera réexaminée en tenant compte de la réalité et des droits ou obligations qui peuvent en résulter.

Bien légiférer implique de distinguer ce qui relève du domaine législatif de ce qui relève du domaine règlementaire ; sinon, nous serons confrontés à un envahissement législatif qui rendra la loi illisible.

De la même façon, le législateur n’a pas à se substituer à la CNIL, qui doit pouvoir, en la matière, jouer son rôle. J’entendais tout à l’heure des propositions qui tendaient à substituer le Sénat et l’Assemblée nationale à cette autorité ! Cela n’est pas une bonne chose, car chacun doit faire son travail.

Sur le fond, la durée de trente ans proposée ne me semble pas acceptable, car elle n’est pas cohérente avec la durée d’inscription au casier judiciaire des faits criminels, qui est de quarante ans.

Imaginons une personne condamnée à une peine de trente ans pour des faits de nature sexuelle, qui ont forcément été particulièrement graves. Si elle commet de nouveaux faits à sa sortie de prison, devons-nous nous priver d’un accès simple et rapide aux expertises qui avaient été réalisées avant et qui peuvent donner un éclairage sur la personnalité de l’intéressé ? De nouvelles expertises seront sans doute menées, mais les anciennes peuvent être utiles pour le juge.

C’est la raison pour laquelle je demanderai à M. Türk de bien vouloir retirer son amendement, d’autant que la CNIL sera saisie des dispositions relatives au fichier. Nous devrons examiner les cas que je viens d’évoquer, mais, je le répète, l’amendement ne me semble pas s’accorder avec le texte. À défaut d’un retrait, je serais obligée d’y être défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Türk, maintenez-vous l'amendement n° 96 ?

M. Alex Türk. J’accepte de retirer mon amendement, car il me semble difficile d’arriver à mes fins !

Je précise que la durée de trente ans que j’ai proposée fait référence à la jurisprudence de la CEDH. En vertu du principe de proportionnalité, qui est tout de même un principe cardinal en la matière, elle a considéré que cette durée était raisonnable pour le FIJAIS. Ma proposition n’est donc pas extravagante ! Il serait donc bon que, dans le cadre réglementaire, la durée soit aussi limitée que possible ; en tout cas, elle ne devrait pas atteindre quarante ans.

Certes, le droit à l’oubli ne peut être le même pour celui qui n’a rien à se reprocher et pour celui qui a commis des actes tels qu’il représente un danger pour la société. En revanche, il faut admettre qu’il est légitime si, au bout de trente ans, on n’a plus entendu parler de la personne. De toute manière, en cas de récidive à l’issue de la peine, le dossier sera entièrement revu et les expertises faites trente ans auparavant n’auront plus guère de valeur scientifique.

C'est la raison pour laquelle j’estime qu’il serait bon de reprendre dans la partie réglementaire ce délai raisonnable de trente ans.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous examinerons très prochainement une proposition de loi de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne qui donnera l’occasion à M. Türk de déposer un amendement ou d’intervenir pour fixer une règle générale en la matière et ainsi éviter que les décisions ne soient prises au coup par coup.

M. Alain Anziani. Nous reprenons l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 96 rectifié.

Vous avez la parole pour explication de vote, monsieur Anziani.

M. Alain Anziani. Nous sommes tout à fait favorables à la proposition d’Alex Türk, dont les propos devraient, mes chers collègues, tous vous convaincre. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur, mais ce qui pourrait être bon demain l’est déjà aujourd'hui. Pourquoi attendre pour clarifier une situation inacceptable, alors que nous avons la possibilité de le faire dès ce soir ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer le mot :

, examens

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Chacun reconnaît l’intérêt du répertoire proposé, mais le terme trop vaste d’« examens » laisse planer une ambiguïté sur la nature des documents susceptibles d’y figurer. Mon amendement tend donc à le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La référence aux « examens » est sans doute excessivement large. Il semble suffisant de s’en tenir aux expertises ordonnées dans le cadre de la procédure pénale, ainsi qu’aux évaluations telles que celles qui peuvent être établies par exemple par le centre national d’observation.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le terme « examens » revêt une signification très précise dans le code de procédure pénale. Les articles 60 et 77-1 précisent que le procureur ou les officiers de police judiciaire peuvent faire procéder à tout « examen » technique ou scientifique dans le cadre d’une enquête. Le code prévoit également que les juges d’instruction peuvent ordonner des « examens » médicaux ou psychologiques.

La suppression de ce terme, qui ne me semble pas recouvrir une notion trop large, risquerait d’empêcher, pour des raisons purement formelles, le versement au répertoire d’un certain nombre de données utiles. Sans être dirimante, elle serait dommageable pour la précision et l’exactitude de notre droit.

Je demande donc à M. About de bien vouloir retirer son amendement, même si je comprends tout à fait son point de vue. Il pourrait éventuellement être envisagé de préciser que le terme d’« examens » doit s’entendre au sens du code de procédure pénale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Si l’on doit entendre le mot « examens » dans un sens large, il faut alors supprimer les autres termes, car il les englobe tous. Madame le garde des sceaux, vous avez indiqué que les examens couvraient notamment les évaluations et les expertises. Cela prouve que le terme « examens » doit être interprété dans son acception médicale.

Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 72 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes visées par le présent répertoire disposent d'un droit d'accès aux informations les concernant, et de rectification de celles-ci, notamment lorsqu'une donnée nouvelle permet de modifier l'appréciation de leur situation et de leur dangerosité potentielle.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Le droit fondamental pour chacun d'accéder aux données à caractère personnel doit a fortiori être ouvert aux personnes contre lesquelles une mesure de sûreté peut être prononcée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement rappelle un principe essentiel déjà posé par la loi informatique et libertés et qu’il ne semble donc pas indispensable de mentionner dans le présent projet de loi.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cette précision sera inscrite dans le décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.

En conséquence, monsieur Mézard, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Jacques Mézard. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en application des dispositions des articles 26 et 29 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.

II. - Alinéa 17

Après le mot :

précise

insérer le mot :

également

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Ce matin, en commission, le rapporteur de la proposition de loi « Détraigne-Escoffier » m’a demandé si j’accepterais de le retirer, sous le bénéfice qu’il prendrait les initiatives nécessaires afin que l’avis de la CNIL soit publié. Si cette publication est une question de principe, j’admets bien volontiers que la proposition de loi serait un meilleur véhicule législatif.

Mme le ministre d’État a indiqué à l’instant qu’il n’était pas nécessaire de rappeler le droit de chaque personne à accéder à des données à caractère personnel la concernant, à en demander la rectification ou éventuellement l’effacement. Ces dispositions figurent en effet dans la loi de 1978, modifiée en 2004.

C’est pourquoi mon amendement se borne à indiquer qu’il faut se référer à l’article 26 de ladite loi, qui concerne la publication de l’avis motivé de la CNIL, et à l’article 29, qui a plus précisément trait au droit d’accès. Or ce dernier n’est pas visé dans le présent projet de loi. Il ne s’agit pas là d’une simple argutie juridique, il y a un vrai problème d’articulation.

Quoi qu’il en soit, je reconnais que cette question peut aisément être réglée dans le cadre du décret. Je vais donc retirer mon amendement, d’autant que le principe sera examiné dans le cadre de la proposition de loi qui doit venir prochainement en discussion.

M. le président. L’amendement n° 66 est retiré.

Les amendements nos 48 et 74 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 48 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 74 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

rendu public

La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l’amendement n° 48.

M. Charles Gautier. L’article 5 bis, introduit par l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, crée un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Il faut rappeler que les modalités de recueil et d’effacement des informations ainsi que les conditions du droit d’accès de la personne concernée ne figuraient pas dans le texte issu de l’Assemblée nationale et étaient renvoyées à un décret. Il s’agit pourtant de données sensibles concernant la santé ou les préférences sexuelles.

La commission des lois du Sénat a procédé à une nouvelle rédaction de cet article afin de la clarifier et de renforcer les garanties en matière de libertés publiques. Il est ainsi précisé que les données concernant les personnes ayant bénéficié d’une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement sont immédiatement effacées. En outre, les experts et les médecins ne pourront accéder aux données du répertoire qu’au travers de l’autorité judiciaire et non pas directement. Elle a également mieux encadré l’intervention du pouvoir réglementaire.

Nous regrettons toutefois que la commission n’ait pas retenu la préconisation de notre collègue Alex Türk, par ailleurs président de la CNIL, qui proposait que l’avis de cette dernière, qui doit précéder le décret en Conseil d’État, soit rendu public.

Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié.

M. Jacques Mézard. Je fais miennes les observations de M. Gautier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces amendements visent à préciser que l’avis de la CNIL doit être motivé et rendu public.

Le principe de la publicité des avis de la CNIL fait l’objet d’une proposition de loi qui a été déposée par M. Türk, ce qui explique notamment pourquoi il a retiré son amendement. Il n’est donc peut-être pas souhaitable d’anticiper ce débat au détour d’amendements qui réserveraient la publicité de l’avis à un cas précis.

Cela étant, la commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. L’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose déjà que l’avis de la CNIL doit être publié. Il est inutile d’inscrire que la loi doit être respectée : c’est une évidence !

Ces deux amendements sont donc sans objet. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Nous voterons ces amendements.

Oui, la loi de 1978 prévoit que les avis de la CNIL doivent être publiés chaque année dans un rapport écrit. Mais celui-ci paraît parfois un an, voire plus, après que la CNIL a remis ses avis.

Nous, nous demandons que l’avis devienne public le jour même où il est rendu, ce qui change tout !

M. le président. La parole est à M. Alex Türk, pour explication de vote.

M. Alex Türk. Pour répondre à M. Michel, je vais être conduit à prendre la défense du Gouvernement. (Sourires.)

Lorsque Mme le ministre d’État évoque la publication, elle parle du décret spécifique et non du rapport. (Mme la ministre d’État opine.)

Vous avez mille fois raisons, madame le garde des sceaux, l’article 26 vise la publication et la motivation. C’est précisément pourquoi je suis intervenu. J’aurais souhaité en effet que le présent texte fasse référence à cet article afin de bien montrer que l’on est dans son champ d’application.

Si j’ai retiré mon amendement, notamment à la suite de la demande qui m’a été faite ce matin en commission, c’est parce que je sais que cette question sera abordée dans le cadre de la proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 74 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Détraigne et Maurey et Mmes Férat et Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les données concernant les mineurs font l'objet d'une durée de conservation spécifique, inférieure à celle applicable aux majeurs.

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe d’une durée de conservation spécifique pour les données relatives aux mineurs, inférieure à celle prévue pour les majeurs.

Cette mesure s’inspire directement de l’article 29 bis de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit déposée par M. Warsmann, député, et qui a pour objet de modifier l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 afin de préciser que, s’agissant des fichiers liés à la prévention des atteintes à la sécurité publique ou destinés à la réalisation des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, les durées de conservation des données relatives aux mineurs doivent être inférieures à celles applicables aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l’intérêt du mineur.

La distinction entre les données relatives aux majeurs et aux mineurs résulte du principe de proportionnalité, instauré par la loi du 6 janvier 1978. La CNIL, chargée de veiller au respect et à l’application de cette loi, considère que le recueil d’informations relatives aux mineurs doit avoir un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique.

En référence à ces principes, le projet de décret en Conseil d’État portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique prévoit des durées de conservation plus courtes pour les mineurs.

Si la proposition de loi de M. Warsmann ne concerne que les fichiers de prévention des atteintes à la sécurité publique et non les fichiers de police judiciaire, il convient néanmoins de rappeler que le cadre réglementaire de certains fichiers de police judiciaire prévoit une différence de durée de conservation. Ainsi, le décret relatif au STIC, le système de traitement des infractions constatées, prévoit que les données seront conservées pendant vingt ans pour les majeurs et cinq ans pour les mineurs.

Enfin, il convient de rappeler que les articles 3-1 et 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant disposent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions des autorités administratives ou des organes législatifs, et reconnaissent à tout enfant convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, la détermination d’une durée de conservation spécifique pour les mineurs répond à une préoccupation légitime. Faut-il pour autant en poser le principe dans la loi ? La question mérite d’être posée. Sur ce point, la commission souhaite solliciter l’avis du Gouvernement.

Sur la forme, un problème se pose. En effet, aux termes de l’amendement n° 96 rectifié, qui vient d’être adopté, la conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.

Notre collègue Amoudry devrait donc insérer un alinéa ainsi rédigé : « Pour les mineurs, cette durée de conservation ne peut excéder vingt ans » – je dis vingt ans, mais ce pourrait être une autre durée de même ordre. Sans une telle rectification, son amendement ne serait plus cohérent.

Quoi qu’il en soit, nous attendons du Gouvernement une première réponse sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Sur le fond, je rappelle que les fichiers judiciaires ne prévoient pas une durée de conservation moindre pour les mineurs. De même, les condamnations en matière correctionnelle ou criminelle prononcées à l’encontre d’un mineur demeurent au casier judiciaire aussi longtemps que les condamnations prononcées contre un majeur.

Il ne s’agit pas des données relevant de la loi du 2 décembre 2009. Ici, nous sommes sur des faits d’une particulière gravité et pour lesquels, je le répète, il n’y a pas de distinction de la durée dans le cadre du casier judiciaire. Il y a donc une certaine logique à ce qu’il n’y ait pas non plus de distinction quand il s’agit d’un répertoire de données qui permettent à un juge – et uniquement à un juge, je le rappelle – de porter une appréciation sur la personnalité.

Sur la forme, il me paraît que cette précision relève davantage du décret que de la loi.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaiterais donner mon avis sur la proposition de M. le rapporteur visant à ramener à vingt ans la durée de conservation spécifique aux mineurs. Pourquoi pas quinze ans ? Pourquoi pas vingt-cinq ans ? Décider de cette durée de manière quelque peu hâtive me semble hasardeux.

J’accéderai à la demande de retrait de Mme le ministre d’État si elle veut bien nous assurer que, dans les décrets à venir, le principe d’une durée plus courte que pour les majeurs sera acquis.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Non, je ne peux pas vous donner satisfaction en la matière.

Nous sommes bien obligés de faire un certain parallèle avec le casier judiciaire. Or la législation concernant le casier judiciaire n’opère pas de distinction dans la durée d’inscription des condamnations criminelles. N’oubliez pas que le casier judiciaire sera plus largement ouvert que le répertoire.

Je veux bien que nous réfléchissions à ce problème : nous en aurons le temps au moment de la préparation du décret, et je suis tout à fait prête à en discuter avec vous.

Les dispositions que nous examinons concernent des personnes qui ont commis des actes particulièrement graves ; il s’agit de cas exceptionnels. Le fichier n’est pas destiné à les stigmatiser, mais à permettre à un juge, et uniquement à un juge, de porter un regard éclairé dans le cas où interviendraient d’autres événements de même nature.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je prie mon collègue M. Amoudry de m’excuser de lui donner un problème complexe à résoudre sur l’heure, en lui demandant de fixer une durée de conservation des données concernant les mineurs au cas où il ne retirerait pas son amendement.

Si ce n’était pas fait, nous nous retrouverions avec un texte incohérent puisque nous aurions fixé dans la loi la durée de conservation pour les majeurs tout en renvoyant aux décrets la durée de conservation pour les mineurs : ce serait quand même un peu surréaliste !

M. le président. La parole est à M. Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Mme la ministre d’État a fait référence aux règles qui régissent le casier judiciaire. Or je dois rappeler que le raisonnement que je me suis permis de développer repose sur deux références législatives : le principe de proportionnalité, issu de la loi de 1978, et la convention internationale des droits de l’enfant, laquelle fait état d’infractions à la loi pénale dont des mineurs peuvent s’être rendus coupables et pose le principe de la facilitation de leur réintégration dans la société.

Madame le ministre d’État, dans la hiérarchie des normes, la loi en vigueur sur le casier judiciaire l’emporte-t-elle sur les deux autres références législatives que je viens de citer ?

M. Guy Fischer. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je vous rappelle qu’il s’agit ici des délits sexuels et que l’objectif, en la matière, n’est pas de poser un problème aux jeunes ou de les empêcher de se réinsérer. L’objectif est simplement de permettre à un magistrat, confronté à une nouvelle action, d’avoir accès à des données existantes propres à l’éclairer.

Je le répète, ces données ne seront pas diffusées à l’extérieur ! Il ne s’agit pas ici de mettre en cause la protection des mineurs, ou plutôt des « anciens mineurs », car ils ne le sont évidemment plus au bout de vingt ou trente ans. Il s’agit simplement d’aider un magistrat éventuellement amené à choisir entre plusieurs décisions de pouvoir le faire en étant totalement éclairé, et cela éventuellement dans l’intérêt de l’intéressé

Il faut aussi s’en remettre avec confiance au juge qui, en possession de données, saura mesurer si elles peuvent l’éclairer ou non dans sa décision. Voilà comment je vois les choses.

M. Jean-Paul Amoudry. Au vu des explications de Mme la ministre, je retire mon amendement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L'amendement n° 67 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.

(L'article 5 bis est adopté.)

Chapitre Ier bis

Dispositions relatives à l’injonction de soins et à la surveillance judiciaire

Article 5 bis
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article 5 ter (interruption de la discussion)

Article 5 ter 

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 706-47-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 peuvent être soumises à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 131-36-4 du code pénal, soit postérieurement à celle-ci, dans le cadre de ce suivi, d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté, conformément aux dispositions des articles 706-53-19, 723-30, 723-37, 731-1, 763-3 et 763-8 du présent code, dans les cas et conditions prévus par ces articles.

« L’injonction de soins peut également comprendre un traitement anti-hormonal prescrit par le médecin traitant conformément aux dispositions de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique.

« Les personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins. » ;

2° L’article 706-53-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement en rétention de sûreté, dans les conditions prévues par le troisième alinéa, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;

3° L’article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent, pouvant donner lieu, selon les cas, à la délivrance des mandats prévus par l’article 712-17, à la suspension de la mesure d’aménagement prévue par l’article 712-18, à l’incarcération provisoire prévue par l’article 712-19, ou au retrait ou à la révocation de la mesure prévue par l’article 712-20, le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;

4° Le quatrième alinéa de l’article 717-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce traitement peut être celui prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;

5° (Supprimé)

6° (Supprimé)

7° L’article 723-29 est ainsi modifié :

a) Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept » ;

b) Les mots : « ou aux réductions » sont remplacés par les mots : « et aux réductions » ;

8° Après l’article 723-31, il est inséré un article 723-31-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-31-1. – La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une surveillance judiciaire conformément à l’article 723-29 doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.

« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut, à cette fin, demander le placement du condamné, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

« Le juge de l’application des peines ou le procureur de la République peut également ordonner que l’expertise prévue par l’article 723-31 soit réalisée par deux experts. » ;

9° (Supprimé)

10° L’article 723-35 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La décision prévue au premier alinéa peut également être prise, après avis du juge de l’application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;

11° (Supprimé)

12° La dernière phrase du dixième alinéa de l’article 729 est ainsi rédigée :

« La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d’une libération conditionnelle qu’après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues et assortie d’une expertise médicale ; s’il s’agit d’un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, cette expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido, mentionné à l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;

13° Après l’article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :

« Art. 732-1. – Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’un des crimes visés à l’article 706-53-13, et qu’elle a fait l’objet d’une libération conditionnelle avec injonction de soins, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l’article 706-53-15, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la période de libération conditionnelle, en la plaçant sous surveillance de sûreté avec injonction de soins pour une durée de deux ans.

« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu’après expertise médicale constatant que le maintien d’une injonction de soins est indispensable pour prévenir la récidive.

« Les deuxième à cinquième alinéas de l’article 723-37 sont applicables, ainsi que l’article 723-38. » ;

14° Après l’article 723-38, il est inséré un article 723-38-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-38-1. – La surveillance judiciaire est suspendue par toute détention intervenant au cours de son exécution et ne découlant pas d’un retrait de tout ou partie de la durée des réductions de peine décidé en application de l’article 723-35, et elle reprend, pour la durée restant à courir, à l’issue de cette suspension. » ;

15° Après le premier alinéa de l’article 733, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins, conformément à l’article 731-1 du présent code. » ;

16° Après le deuxième alinéa de l’article 763-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d’une injonction de soins. » ;

17° Le dernier alinéa de l’article 763-6 est ainsi rédigé :

« Après avis du procureur de la République, le juge de l’application des peines peut, après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, décider par ordonnance motivée de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, sans qu’il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement, dès lors qu’il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu’un traitement n’est plus nécessaire. » ;

18° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 763-7 est ainsi rédigée :

« Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les ans.

19° L’article 763-8 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable y compris si la personne placée sous suivi socio-judiciaire avait fait l’objet d’une libération conditionnelle. » ;

20° Au deuxième alinéa de l’article 786, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ». 

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 3711-1, les références : « les articles 131-36-4 et 132-45-1 » sont remplacées par la référence : « l’article 131-36-4 » ;

2° (Supprimé)

III. – (Non modifié) L’article 132-45-1 du code pénal est abrogé.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.

M. Guy Fischer. Avec cet article 5 ter, vous entendez aller encore un peu plus loin dans ce que de nombreux professionnels de la santé, notamment les psychiatres, appellent « l’instrumentalisation de la médecine ». Ce risque a d’ailleurs déjà été pointé par notre collègue M. About dans le rapport pour avis qu’il a remis au nom de la commission des affaires sociales.

Avec cette injonction de soins, vous êtes parvenus fort habilement à contourner les obstacles législatifs qui vous faisaient face. Vous n’imposez aucun soin aux personnes condamnées, vous les laissez libres de les accepter ou de les refuser. Sauf que leur refus pourrait avoir pour conséquence le placement en rétention de sûreté. Aussi le condamné est-il « libre » d’accepter, ou d’être placé en rétention de sûreté…

Si cette disposition vous permet de satisfaire aux engagements fondamentaux de la France, et d’éviter notamment une sanction de la Cour européenne des droits de l’homme, elle pose tout de même la question de l’efficacité de cette politique. En effet, comme tous les experts le disent, spécialement en prison, un véritable lien de confiance est nécessaire entre le soignant et le soigné.

La rédaction actuelle de l’article L. 131-36-4 du code pénal, comme celle de cet article 5 ter nous semblent créer une ambiguïté entre les missions des magistrats, des soignants et des gardiens. II suffit pour s’en convaincre de lire le quatrième alinéa de cet article et de s’apercevoir que le magistrat est devenu, de fait, un prescripteur de soins.

En réalité, sous couvert de cette approche thérapeutique, le chantage que je viens de dénoncer vise encore une fois à limiter les risques sociaux. Le recours à la rétention de sûreté en est le parfait exemple. Ce faisant, vous accentuez ce qui constitue pour nous l’une des faiblesses de notre système pénal, à savoir la prédominance, pour ne pas dire l’exclusivité, qui est donnée à sa mission de protection de la société, en refusant de donner à la réinsertion et au traitement médical des personnes condamnées la place que ces deux missions devraient avoir dans un système équilibré.

Dans notre groupe, nous sommes convaincus qu’il faut nécessairement agir sur ces deux domaines que sont la réinsertion et l’accompagnement médical et psychologique pour réduire le risque de récidive. Telle n’est pas votre conception, et l’action thérapeutique que vous proposez sert plus à justifier une accentuation des contrôles et des sanctions.

L’accompagnement des personnes condamnées, notamment pour des violences sexuelles, exige que nous inventions, loin des logiques d’affichage, un accueil et un accompagnement médical et psychologique de qualité.

C’est pourquoi nous saluons le rapport remis par M. About. Nous partageons sa conviction de la nécessité de tout mettre en œuvre pour permettre une meilleure prise en charge de la souffrance et de la maladie mentale. Je voudrais rappeler à ce titre que, par deux fois, le manque d’encadrement médical et les conditions d’incarcération des détenus psychiques ont été qualifiés par la Cour européenne des droits de l’homme de « traitements inhumains et dégradants ».

L’article 5 ter n’entraîne en rien une amélioration de l’offre de soins en milieu carcéral. Il n’est que la consécration d’une réponse unique, le traitement inhibiteur de libido, à toutes les personnes visées dans ce projet de loi. Nous y reviendrons par la suite, dans la discussion des amendements que nous présenterons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je sollicite de votre indulgence l’autorisation de revenir quelques instants sur l’amendement précédent qui a été retiré par M. Amoudry, amendement que nous aurions pu reprendre si nous en avions eu le temps !

En effet, madame le garde des sceaux, il existe tout de même un droit des mineurs qui comporte des dispositions particulières, notamment sur le casier judiciaire. L’article 770 du code de procédure pénale dispose que, à la demande du mineur ou du procureur de la République, le tribunal pour enfants peut, si le mineur devenu majeur a réussi sa réinsertion, enlever du casier judiciaire toute décision – y compris, je le suppose, un arrêt criminel – qui y figurerait.

Les arguments que vous avez employés pour convaincre M. Amoudry ne sont donc pas tout à fait exacts ; je tenais à le dire.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 75 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 5 ter vise à généraliser les traitements diminuant la libido, couramment appelés « castration chimique », dans le cadre des injonctions de soins.

Madame la ministre, j’ai le regret de vous dire que c’est vous-même, lors d’une interview au sujet de l’affaire de Mme Marie-Christine Hodeau à Milly-la-Forêt, qui avez nommé ce traitement « castration chimique ». Je ne fais donc que reprendre cette expression, que je trouve fort malheureuse.

Concernant ce traitement chimique, je souhaiterais vous lire une déclaration du docteur Zaguri, qui est chef de service au centre psychiatrique du bois de Bondy et expert psychiatre près la cour d’appel de Paris, qui nous donne beaucoup d’explications. Je le cite :

« Dans l’immense majorité des cas, les délinquants sexuels ne sont pas des malades mentaux. Ils ne relèvent pas d’un traitement psychiatrique. Un traitement prescrit sans leur consentement n’est d’aucune utilité. Il faut expliquer à l’opinion publique que des crimes que l’on dit “sexuels” ne concernent pas la sexualité, ou fort peu.

« En effet, les observations cliniques répétées et les études à grande échelle, comme celles qui ont été réalisées sur tous les criminels sexuels au Québec, montrent que la plupart de ces actes n’ont rien à voir avec le sadisme sexuel. Les viols ne sont pas commis par des hommes sexuellement frustrés, mais par des sujets qui s’emparent de la sexualité comme d’une arme, pour exprimer leur destructivité, leur emprise et leur domination. »

« Autrement dit, l’idée communément partagée qu’il suffirait de tarir les pulsions sexuelles à la source par la castration chimique, voire par la castration physique – débat qui vient d’être relancé – est une lourde erreur dans l’immense majorité des cas. »

Donc, de l’avis même de ces experts, la solution que vous aviez proposée à ce moment-là n’est pas la panacée.

Par ailleurs, ce traitement est inégalement toléré par les patients. Il agit différemment sur les individus et peut même entraîner de nombreux effets secondaires.

Autre difficulté, et non des moindres : ce traitement, qui s’inscrit dans la durée, a un coût indéniable. Certains condamnés, parmi les plus démunis, ne pourront pas payer ces soins, au risque de voir leur sort aggravé. Ou alors, ils devront faire un choix entre les soins et l’indemnisation de la victime. La solution serait le remboursement du traitement par la sécurité sociale, comme c’est le cas en Belgique depuis 2009. Mais aucune étude d’impact n’a été réalisée sur ce point.

Enfin, de nombreux médecins considèrent que les traitements administrés dans le cadre d’une obligation de soins sont inefficaces en ce que le patient n’adhère pas à la thérapie.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article, qui nous paraît de surcroît inutile au regard du droit existant, puisqu’il est déjà tout à fait possible d’administrer ce type de traitement dans le cadre d’une injonction de soins, et que cela se pratique déjà.

M. le président. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement tend lui aussi à supprimer l’article 5 ter. Je rappelle que cet article ne figurait pas dans le projet de loi initial et qu’il a été introduit dans le texte par l’Assemblée nationale. Comme l’a relevé M. le rapporteur, il prévoit d’ajouter trois articles au code de procédure pénale et d’en modifier dix-sept autres. En outre, il modifie deux articles du code de la santé publique et un article du code pénal. Il s’agit donc non pas de modifications mineures, mais de changements extrêmement importants.

Cet article comporte deux éléments fondamentaux. D’une part, il prévoit que, lorsqu’une injonction de soins est prononcée, elle « peut comporter un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido ». D’autre part, il prévoit que le fait pour la personne sous surveillance de sûreté de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu constitue une méconnaissance des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement automatique en rétention de sûreté. Comme nous l’avons déjà dit lors de la discussion générale, cette disposition tend à banaliser la rétention de sûreté et vise, il faut bien le dire, à contourner la décision du Conseil constitutionnel.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de l’article 5 ter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que le traitement antihormonal, ou traitement inhibiteur de libido, ne mérite ni l’excès d’honneur …

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … ni l’indignité dont il est l’objet de la part de certains.

Les médecins que nous avons auditionnés sont tous d’accord sur le fait que ce traitement est non pas une sanction, mais un véritable soin. Le docteur Bernard Cordier par exemple considère qu’il apporte un soulagement effectif et rapide à des patients confrontés à des conflits intérieurs très violents. Ce traitement peut donc être utile dans certains cas, pour certains types de délinquants sexuels, à condition toutefois d’être prescrit pour une durée limitée. Il ne peut en effet pas être suivi pendant des années, car il entraîne alors des effets secondaires particulièrement lourds. Il n’en demeure pas moins que ce traitement a une utilité indiscutable dans un certain nombre de cas.

Par ailleurs, je tiens à rassurer notre collègue Jacques Mézard : il n’y a strictement aucun risque d’automaticité de la sanction. D’ailleurs, même si nos collègues députés ont présumé ce risque, ce dont je ne suis pas du tout sûr, la commission des lois du Sénat a pris des précautions afin que le placement en rétention de sûreté ou l’incarcération ne soient possibles que si un ensemble de conditions sont réunies. Il faudrait par exemple qu’il n’y ait aucun autre moyen d’éviter la récidive et que la surveillance de sûreté et l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ne soient pas suffisantes.

Je le répète : la sanction ne sera pas automatique et ce type de traitement est indiscutablement utile, au moins dans un certain nombre de cas.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Permettez-moi de revenir sur le dernier point évoqué par M. le rapporteur. Le projet de loi ne prévoit pas de sanction automatique en cas d’arrêt d’un traitement inhibiteur de libido. Certes, il prévoit de manière explicite que l’arrêt du traitement peut justifier, selon les cas de figure, soit une mesure de rétention de sûreté, soit la délivrance d’un mandat, soit une incarcération, soit la suspension d’une mesure d’aménagement, mais, dans tous les cas, l’opportunité de la sanction relève toujours de l’appréciation du juge, ce qui est primordial.

On ne peut pas, d’un côté, vouloir faire totalement confiance au juge et, de l’autre, refuser de lui laisser la possibilité d’adapter une sanction éventuelle.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La méfiance que suscite l’article 5 ter tient à l’importance du débat auquel il a donné lieu à l’Assemblée nationale et à la façon dont s’y est nouée la discussion.

Une idée principale est ressortie de ce débat, puis a ensuite été très médiatisée.

Certes, madame le ministre d’État, vous me direz que vous ne travaillez pas pour les médias, mais vous ne pouvez pas les empêcher de s’exprimer. Même s’il est vrai que, en général, les médias amplifient certains aspects, il n’en demeure pas moins qu’ils s’emparent des traits saillants d’une politique, en la circonstance de la politique pénale. Peut-être ce débat date-t-il un peu désormais, mais, en tant que législateur, nous sommes obligés d’en tenir compte.

Même si M. le rapporteur et la commission des lois ont déposé un certain nombre d’amendements visant à revenir à des dispositions moins extravagantes que celles qui ont été adoptées à l’Assemblée nationale, il n’en demeure pas moins que l’injonction de soins et la « castration chimique » sont apparues comme étant les mesures phares du projet de loi. Si j’emploie l’expression « castration chimique », même si elle est inappropriée, c’est parce qu’elle a été largement utilisée sur les bancs de l’Assemblée nationale, puis reprise à satiété. Cette « castration » a été présentée comme étant la solution miracle, donnant lieu immédiatement, en cas de non respect de l’obligation de soins, à un placement en rétention de sûreté.

Mes chers collègues, nous sommes responsables vis-à-vis de nos concitoyens de ce que nous disons et de ce que nous faisons. Il faut donc cesser de simplifier les problèmes à l’extrême et de faire croire à nos concitoyens, d’une part, qu’il existe des solutions miracles et, d’autre part, que, si les condamnés les refusent, ils n’ont qu’une issue possible : l’enfermement à vie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 75 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 11, 24, 26, 27 et 34 à 37

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer la totalité des alinéas de l’article 5 ter relatifs au traitement antihormonal.

Avant tout il aurait été opportun de réaliser une étude sur les effets du traitement antihormonal, plus couramment et improprement appelé « castration chimique ». Tel était d’ailleurs le sens de l’un des amendements que nous avions déposés en commission des lois. Avant de généraliser la mise en œuvre de ce traitement, il conviendrait en effet de connaître sa capacité réelle à traiter les problèmes de ceux qui commettent des infractions sexuelles. Le fait que les experts ne soient pas unanimes sur ce sujet devrait nous inciter à la plus grande prudence, notamment sur la possibilité de suivre un tel traitement en prison.

Nous devons légiférer en toute connaissance de cause et ne pas ignorer les effets secondaires, qui sont réels. Nous ne devons pas non plus attendre d’un traitement chimique qu’il résolve des troubles d’origine psychique. Ainsi, selon certains spécialistes, ce traitement ne pourrait soigner que 5 % à 10 % des délinquants sexuels !

Plus précisément, nous nous opposons au dispositif mis en place afin de préserver de manière factice le principe du consentement aux soins du patient. En effet, plusieurs alinéas de l’article 5 ter disposent que le condamné peut refuser de suivre ou de poursuivre un traitement antihormonal mais que son refus sera considéré comme un manquement à ses obligations.

Ainsi, si la personne est sous surveillance de sûreté, elle pourra être placée en rétention de sûreté. Si elle est sous suivi socio-judiciaire, son refus pourra entraîner une suspension des mesures d’aménagement de peine ou une incarcération provisoire. Bref, autant dire que le consentement aux soins risque d’être biaisé, la personne condamnée consentant aux soins afin de ne pas encourir les sanctions prévues en cas de refus ou d’interruption du traitement. Or je rappelle que le consentement aux soins n’est pas seulement nécessaire au regard de la loi, mais qu’il est véritablement indispensable pour des raisons médicales, car de ce consentement découle l’efficacité du traitement.

À la lecture de cet article, il apparaît que ses rédacteurs se soucient moins de la capacité réelle de ce traitement à guérir une pathologie médicale que de la possibilité qu’il représente d’empêcher un criminel de passer à l’acte.

Ainsi le terme de « castration chimique » choisi pour parler de ce traitement est-il révélateur de la véritable intention des rédacteurs du texte : rendre physiquement impossible une infraction sexuelle sans s’attaquer aux causes du trouble comportemental. Traiter les effets et non la cause, voilà l’erreur ! C’est oublier que ce traitement n’est que temporaire et que, une fois interrompu, les troubles psychologiques subsisteront.

Peut-être le fantasme inavoué de certains législateurs en instaurant la castration chimique aujourd'hui est-il de régler définitivement le problème en passant à la castration physique demain ?

Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons nécessaire la suppression de la totalité des alinéas concernant le traitement antihormonal.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le texte de la commission des lois prévoit que c’est bien le médecin traitant qui prescrit le traitement antihormonal : « L’injonction de soins peut également comprendre un traitement anti-hormonal prescrit par le médecin traitant ». Néanmoins, une ambiguïté demeure dans cette formulation.

Cela signifie-t-il que le traitement a été prescrit avant l’injonction ou cela signifie-t-il que le traitement sera prescrit par le médecin traitant après l’injonction ? Quel est le sens du participe passé ? On ne le sait pas.

Nous ne pouvons pas imaginer qu’il existe une possibilité pour le juge de demander dans le prononcé de l’injonction ou à l’occasion de celui-ci la prescription du traitement antihormonal. Le juge ne doit indiquer aucun traitement, il prononce simplement une injonction de soins sur le conseil d’experts qui lui ont assuré que c’était bon pour la personne concernée.

Dès lors, puisque cet alinéa n’ajoute absolument rien à l’état du droit, si ce n’est une confusion que nous considérons dommageable, nous proposons de le supprimer.

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Lorsqu'une injonction de soins est ordonnée, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido conformément aux dispositions de l'article L.3711-3 du code de la santé publique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à rédiger l’alinéa 4 afin d'indiquer sans ambiguïté que, s'il appartient au juge d'ordonner une injonction de soins, le choix d'un traitement inhibiteur de libido relève de la compétence exclusive du médecin traitant.

M. le président. Le sous-amendement n° 103, présenté par M. About, est ainsi libellé :

Alinéa 3 de l'amendement n° 98

Supprimer les mots :

conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La nouvelle rédaction proposée par la commission des lois pour l’alinéa 4 de l’article 5 ter me paraît satisfaisante, sous réserve que le dernier bout de la phrase soit supprimé afin qu’il ne soit plus fait référence à l’article L 3711-3 du code de la santé publique.

Je le rappelle, cette référence avait été introduite parce que, l’indication n’existant pas alors, il fallait permettre au médecin de prescrire ce type de traitement dans ce type d’indication et d’en permettre le remboursement.

En tout état de cause, il est clair qu’il appartiendra au médecin de mettre en œuvre le meilleur traitement pour son patient et d’adapter, de modifier ou de supprimer – soit temporairement, soit définitivement – ce traitement.

Ce n’est que le refus du patient de suivre le traitement ou d’observer correctement les prescriptions qui devront entraîner sa dénonciation auprès du juge et d’éventuelles sanctions, mais je ne vois pas ce qui peut justifier de faire référence à un traitement plutôt qu’à un autre.

Il n’y a qu’un bon traitement, celui qui doit être administré au patient pour améliorer la situation épouvantable dans laquelle il peut se trouver, et ce n’est pas toujours le traitement inhibiteur de libido, puisque celui-ci n’agit que dans 5 % à 10 % des cas.

Il faut également traiter les 90 % de cas restants et, bien entendu, dans ces cas aussi, quand le sujet n’acceptera pas le suivi ou le traitement, il faudra prendre des mesures à son égard.

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Peut constituer une méconnaissance...

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit de tenter de ne pas tomber dans un système, certes pas forcément d’automaticité, mais de nature tout de même à aboutir à des décisions excessives. Une marge d’appréciation doit subsister.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Les amendements nos 6 à 12 de la commission des affaires sociales sont des amendements de coordination, monsieur le président, et je les considère comme étant défendus.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

L'amendement n° 8, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

Ces amendements ont déjà été défendus.

L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Peut constituer pour le condamné...

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Les amendements nos 80 rectifié, 82 rectifié et 83 rectifié sont également des amendements de coordination.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

L'amendement n° 10, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Après les mots :

réalisée par deux experts

supprimer la fin de cet alinéa.

L'amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Rédiger ainsi le début de cet alinéa

Peut constituer pour le condamné....

L'amendement n° 11, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi le début de cet amendement :

Peut constituer pour le condamné...

L'amendement n° 12, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

Ces amendements ont déjà été défendus.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 26.

Elle a en effet elle-même fait en sorte que l’injonction de suivre un traitement antihormonal ne trouve pas à s’appliquer pendant la détention puisqu’il est certain que commencer un tel traitement quinze années avant la libération n’a guère de sens. Il nous a même été indiqué que le mettre en œuvre trop rapidement empêcherait de le faire au moment utile, c'est-à-dire à l’approche de la libération.

Comme notre collègue Guy Fischer, la commission n’approuvait pas le texte sur ce point, mais elle estime que les amendements qu’elle a votés ont permis de régler les problèmes.

De la même manière, elle a précisé que le traitement antihormonal s’intégrait dans un traitement global, dont il n’était qu’une partie, et n’avait donc pas à être distingué d’une manière aussi nette qu’il avait pu l’être.

La commission demande le retrait de l’amendement n° 5 au profit de son amendement n° 98, amendement qu’elle a déposé à la suite du débat en son sein et par lequel elle propose une réécriture de l’alinéa 4 de nature à lever toute ambiguïté.

Elle a émis un avis négatif sur le sous-amendement n° 103, en cohérence avec l’avis négatif qu’elle émettra sur l’amendement n° 13 qui sera très bientôt examiné.

S’agissant de l’amendement n° 77 rectifié, elle estime que le texte proposé par le projet de loi recherche un équilibre délicat entre obligation et libre consentement aux soins. Les inquiétudes de M. Mézard doivent cependant être tempérées par deux considérations.

D’abord, le constat d’une méconnaissance ne contraint jamais le juge à prononcer une mesure. Le juge demeure toujours libre de son appréciation.

Ensuite, comme le prévoit le texte adopté en commission, le refus de suivre ou de poursuivre un traitement ne pourrait entraîner un placement en rétention de sûreté que si les autres conditions prévues pour un tel placement étaient également réunies.

Les préoccupations exprimées par ses auteurs étant ainsi quasi intégralement satisfaites, la commission demande donc le retrait de l’amendement n° 77 rectifié.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 6.

Le septième alinéa de l’article 5 ter prévoit que le refus ou l’interruption d’un traitement antilibido constitue, pour une personne placée sous surveillance de sûreté, une méconnaissance de ses obligations.

M. About considère qu’il n’y a pas lieu de viser plus particulièrement le traitement antilibido. Son amendement aurait pour effet de considérer comme méconnaissance d’une obligation le refus ou l’interruption de tout traitement. Dès lors que cette prise en charge médicale peut aussi comporter un traitement antilibido, l’amendement ne semble pas appeler d’objection.

Elle est de même favorable à l’amendement n° 7.

Cet amendement, qui répond à la même logique que l’amendement n° 6, a pour effet de considérer comme une violation par le condamné des obligations qui lui incombent tout refus ou toute interruption d’un traitement sans viser en particulier le traitement antihormonal.

La commission est en revanche défavorable à l’amendement n° 8.

L’alinéa que cet amendement a pour objet de supprimer prévoit que le traitement prescrit par un médecin traitant à un condamné détenu peut être un traitement antilibido.

Il ne s’agit là, bien sûr, que d’une simple faculté. Il peut être toutefois intéressant de laisser cette précision dans la loi afin d’indiquer qu’un traitement antilibido peut être engagé dans la perspective de la libération de la personne pour favoriser sa réinsertion dans la société dans les premiers mois de sa sortie, qui constituent, chacun le sait, une période de fragilité.

L’amendement n° 80 rectifié appelle les mêmes observations que l’amendement n° 77 rectifié et donc une demande de retrait ou un avis défavorable.

L’amendement n° 9, autre amendement de coordination, appelle les mêmes observations que les amendements précédents. L’alinéa mentionne ici le refus ou l’interruption d’un traitement antilibido comme une méconnaissance des obligations de la surveillance judiciaire et la commission des lois a émis un avis favorable.

Elle demande le retrait de l’amendement n° 10, contre lequel elle émettra sinon un avis défavorable.

L’alinéa 27 prévoit que, préalablement à la libération conditionnelle d’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, l’expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l’opportunité, dans le cadre d’une injonction de soins, du recours à un traitement antilibido.

M. About estime que les deux experts n’ont pas à se prononcer sur l’opportunité d’un tel traitement. La commission avait déjà supprimé la précision selon laquelle, au stade présentenciel, l’expert était interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins. En effet, à cette étape de la procédure, il apparaissait prématuré d’envisager un mode de traitement qui ne pourrait être mis en œuvre de manière pertinente qu’à la fin de la détention.

En revanche, dans le cas visé par l’amendement, à savoir la libération conditionnelle toute proche d’une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité et donc appelée à sortir, l’avis des deux experts peut être utile, étant rappelé qu’il ne s’agit que d’un avis destiné à éclairer l’appréciation du médecin traitant.

S’agissant de l’amendement n° 82 rectifié, la commission émet les mêmes observations que pour l’amendement n° 77 rectifié : elle le considère comme quasi intégralement satisfait et en souhaite le retrait ou, à défaut, le rejet.

L’amendement n° 11 est un amendement de coordination, l’alinéa mentionnant ici le refus de l’interruption d’un traitement antilibido comme une méconnaissance des obligations de la libération conditionnelle. La commission a émis un avis favorable.

Toujours comme pour l’amendement n° 77 rectifié, la commission considère que l’amendement n° 83 rectifié est quasi satisfait : elle en souhaite le retrait et, à défaut, son avis sera défavorable.

Enfin, l’amendement n° 12 relève de la même logique que les amendements précédents de M. About, l’alinéa mentionnant ici le refus ou l’interruption d’un traitement antilibido comme une méconnaissance des obligations du suivi socio-judiciaire.

La commission a émis un avis favorable sur ce dernier amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il sera peut-être plus simple que je dise à quoi je suis favorable et qu’on en déduise à quoi je suis défavorable ! (Sourires.)

Ainsi, je suis favorable à l’amendement n° 98. La rédaction proposée est effectivement plus claire et correspond aux objectifs recherchés.

Sur le sous-amendement n° 103 à cet amendement n° 98, j’ai, comme le rapporteur, un avis réservé, car, s’il est vrai que la mention dans le code de la santé publique d’un traitement antihormonal ne répond plus exactement aux mêmes nécessités juridiques qu’en 2005, la suppression de cette mention pourrait être une source d’incompréhension pour les médecins traitants…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas pour les médecins traitants !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … et avoir pour effet de freiner la prescription d’un traitement qui peut agir dans certains cas, si ce n’est pas – tout le monde en est d’accord – dans tous cas.

Il me semble par ailleurs également important de conserver dans la loi des mesures qui rejoignent les préoccupations exprimées par le comité consultatif national d’éthique médicale.

Sur l’amendement n° 6, déposé par M. About et accepté par la commission, ainsi d’ailleurs que sur tous les amendements de coordination, je m’en remets à la sagesse du Sénat, en soulignant qu’il s’agit effectivement de sanctionner le refus de suivre tout traitement et non pas uniquement le refus de suivre un traitement antihormonal.

S’agissant ensuite de l’amendement n° 77 rectifié de M Mézard, je crois qu’il importe de rappeler, comme l’a d’ailleurs fait le rapporteur, les dispositions du projet de loi.

Le fait de refuser un traitement antihormonal prescrit par le médecin dans le cadre d’une injonction de soins constitue, de façon évidente, une méconnaissance de ses obligations par la personne sous surveillance et c’est cette méconnaissance de ses obligations qui peut – et c’est bien une faculté que prévoit le texte – justifier le placement de cette personne en rétention de sûreté si le juge l’estime nécessaire.

Le projet de loi est donc bien précis en la matière et, je le répète, il ne saurait y avoir la moindre automaticité. Il me semble donc que cet amendement devrait être retiré.

J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements, excepté sur l’amendement de la commission des lois et sur les amendements de la commission des affaires sociales – en particulier des amendements de coordination – acceptés par M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Monsieur le rapporteur pour avis, le sous-amendement n° 103 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je vais le retirer.

Dans la mesure où le rapporteur a donné un avis favorable aux amendements de coordination de la commission, et que le Gouvernement, ayant confiance en la Haute Assemblée, s’en remet à sa sagesse, je considère que nous avons satisfaction au fond. Tous les traitements étant mis sur un pied d’égalité, le médecin pourra choisir et fera ce qu’il doit faire sans avoir à s’attacher à tel ou tel traitement en particulier.

Le retrait de la dernière partie de l’amendement n° 98 serait peut-être incompris par le grand public, mais pas du tout par les médecins, madame la ministre. Pardonnez-moi d’insister, mais vous avez dit tout à l’heure qu’une telle suppression pourrait être une source d’incompréhension pour les médecins ; ces derniers – Dieu merci ! – ont les compétences nécessaires pour comprendre cette décision.

En revanche, le grand public y verrait peut-être un recul du Parlement sur la volonté de s’attaquer à toutes les pathologies visées et de s’interdire d’utiliser certains types de traitements, alors que ce n’est pas le cas.

La logique étant claire pour tous les parlementaires et pour tous ceux qui liront nos débats, je retire le sous-amendement n° 103.

M. le président. Le sous-amendement n° 103 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 77 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 80 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur About, souhaitez-vous maintenir l’amendement n° 10 ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

Monsieur Mézard, souhaitez-vous maintenir l’amendement n° 82 rectifié ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 82 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Mézard, souhaitez-vous maintenir l’amendement n° 83 rectifié ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 83 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 27, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 16

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous demandons la suppression des alinéas qui abaissent le seuil de la peine pouvant donner lieu à un placement sous surveillance judiciaire de dix à sept ans, généralisant ainsi cette pratique.

On élargit donc le champ d’application de la surveillance judiciaire de manière considérable ! Notre rapporteur estime que l’abaissement de ce seuil aura pour conséquence une augmentation de 51 % du nombre de personnes pouvant être placées sous surveillance judiciaire !

Je ne m’appesantirai pas sur les difficultés des juridictions à faire face à cette considérable augmentation compte tenu de leurs moyens actuels. Mais quelle est la justification de cette mesure, si ce n’est l’élargissement continu des possibilités de surveillance et de rétention ?

Il ne faut en aucun cas céder à la tentation dangereuse et abusive de prévenir le risque de récidive en enfermant et surveillant toujours davantage.

Aucun élément ne permet d’affirmer que le dispositif de surveillance judiciaire n’est pas assez large à l’heure actuelle.

C’est pourquoi nous souhaitons supprimer ces alinéas.

M. le président. Les amendements nos 50 et 78 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 50 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 78 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 50.

M. Alain Anziani. Je souscris évidemment aux arguments qui ont été développés par Mme Borvo Cohen-Seat à l’instant.

Je voudrais ajouter une autre considération qui rejoint les débats du début de l’après-midi.

Cet alinéa, comme d’autres, va poser un problème constitutionnel, je regrette de le souligner une nouvelle fois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Alain Anziani. Je vais essayer d’être clair.

On voit bien ce qui va se passer. Je reprends l’image que j’ai utilisée tout à l’heure : partons d'un dispositif de surveillance judiciaire ; s’il n’est pas respecté, il pourra glisser vers la rétention de sûreté et s’accompagnera alors de l’application immédiate prévue par l’article 8 ter. Par ce biais, la rétention de sûreté sera d’application immédiate.

J’ai entendu tout à l’heure la réponse du rapporteur. C’est vrai qu’il ne faut pas confondre les dispositions pénales, qui ne peuvent pas être rétroactives si elles sont plus dures pour la personne concernée, et les dispositions du code de procédure pénale qui, elles, n’obéissent pas à la même règle de non-rétroactivité.

On oublie cependant un petit détail : les dispositions de procédure pénale peuvent tomber sous le principe de non-rétroactivité dans la mesure où elles aggravent la situation de la personne et portent atteinte aux libertés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas rétroactif !

M. Alain Anziani. De telles dispositions poseront donc à nouveau un problème de constitutionnalité. Nous vous aurons alertés sur cette difficulté.

M. le président. La parole est à M. Mézard, pour défendre l’amendement n° 78 rectifié.

M. Jacques Mézard. Mes arguments se situent dans la continuité des explications données par M. Anziani.

Je souhaite revenir sur la motivation exprimée par M. Lecerf dans son excellent rapport. J’ai l’impression que le fait de maintenir la disposition ramenant de dix à sept ans le quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance judiciaire constitue plutôt une poire pour la soif destinée aux députés, pour qu’il leur reste quelque chose après la destruction partielle de leur travail.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur, vous dites vous-mêmes, en vous référant à une décision du Conseil constitutionnel, que « l’extension du champ d’application de cette mesure ne paraît pas poser de problème de droit ». Je vous ai connu plus affirmatif, à juste titre, dans un certain nombre d’autres articles.

Vous ajoutez : « Il peut être utile de soumettre à des mesures de surveillance des personnes condamnées à des peines égales ou supérieures à sept ans d’emprisonnement et présentant encore une dangerosité ». Mais je ne vous sens pas extrêmement convaincu dans ces écrits.

La suite est tout de même inquiétante, puisque vous dites que « la commission n’ignore pas que cette disposition alourdira encore la charge des juges de l’application des peines ». Les informations que vous avez obtenues de la direction des affaires criminelles et des grâces vous permettent en outre d’affirmer que « l’abaissement de ce seuil aurait pour effet d’accroître de 51 % le nombre de personnes éligibles à la surveillance judiciaire », ce qui impliquera, je vous cite encore : « un renforcement des moyens qui leur sont dévolus ». Ce dernier énoncé reste un peu hypothétique, pour ne pas dire « angélique », pour reprendre des propos que j’ai déjà tenus lors de la discussion générale.

Ces modifications ne sont donc absolument pas convaincantes et me semblent dangereuses ; elles ont surtout pour but de faire plaisir à la majorité des députés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il y a tout de même un élément qui n’est pas contestable, je le rappelle : la surveillance judiciaire a été considérée clairement par le Conseil constitutionnel comme une modalité d’application de la peine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’abaissement du quantum de la peine prononcé permettant l’application de cette mesure peut donc s’appliquer immédiatement, dès lors que la loi le prévoit expressément ; tel sera le cas à l’article 8 ter du projet de loi.

Je reconnais la pertinence de l’argumentation de M. Anziani. Je ne souhaite pas me lancer dans des prévisions sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais la différence est tout de même fondamentale entre la modification du quantum prévue pour la surveillance judiciaire, et celle prévue pour la surveillance de sûreté.

Abaisser de quinze à dix ans le quantum de la peine prononcé permettant le placement sous surveillance de sûreté aboutissait au résultat suivant : des personnes non visées par la loi de 2008 pouvaient tomber sous le coup de la surveillance de sûreté et, dès lors qu’elles ne respectaient pas les obligations prévues dans ce dispositif, elles risquaient de basculer dans le régime de la rétention de sûreté. Cette disposition posait un problème constitutionnel particulièrement grave ; j’avais même utilisé à son égard l’adjectif « dirimant ».

Il en va autrement de la surveillance judiciaire. Nous parlons en l’occurrence de modalités d’application de la peine : on se contente de prévoir que la surveillance judiciaire pourra être décidée à partir de sept ans d’emprisonnement, plutôt qu’à partir de dix ans. La surveillance judiciaire est également une modalité de protection de la société et de la personne visée.

Puisqu’il s’agit d’une modalité d’application de la peine, je ne suis pas choqué que l’on envisage de concevoir plus largement ce qui doit relever de la surveillance judiciaire. Le risque d’inconstitutionnalité, que je n’aurais pas pris dans le cas de la surveillance de sûreté, je suis prêt à le prendre pour la surveillance judiciaire, car nous sommes dans le cadre de dispositions de procédure pénale, qui ne sont pas soumises au principe de non-rétroactivité. Il sera d’ailleurs précisé clairement dans la loi que le texte est d’application immédiate.

M. Mézard refuse que nous banalisions un dispositif aussi sévère que celui de la surveillance judiciaire. Or ce qui est particulièrement sévère, selon moi, ce sont les dispositifs, totalement nouveaux dans notre droit, de la surveillance de sûreté et de la rétention de sûreté prévus dans la loi de 2008 et que la commission a repris dans ce texte, en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le dispositif de la surveillance judiciaire, qui s’assimile plutôt à celui du suivi socio-judiciaire, en est très éloigné.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Par souci de cohérence, je tiendrai les même propos qu’à l’Assemblée nationale. J’avais alors émis des réserves quant à l’abaissement des seuils de la surveillance judiciaire et de la surveillance de sûreté. Je me réjouis d’ailleurs que la commission soit revenue sur la baisse du seuil de la surveillance de sûreté, qui me paraissait poser de graves problèmes constitutionnels.

L’abaissement du seuil de la surveillance judiciaire ne me paraît pas nécessaire et semble plutôt poser problème. Cela étant dit, j’ai bien entendu l’argument du rapporteur. Comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’examen d’un amendement similaire, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 78 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents a souhaité que, lorsqu’il n’est pas prévu de séance de nuit dans l’ordre du jour, nous levions la séance à vingt-trois heures cinquante. Si nous commencions l’examen des trois amendements qui viennent en discussion commune, nous serions contraints d’interrompre nos débats à un moment inopportun. La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.

Article 5 ter (début)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Discussion générale

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 18 février 2010 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 257, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 258, 2009-2010).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 279, 2009-2010).

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : Jeudi 18 février 2010, à 11 heures.

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART