Mme Catherine Tasca. Nous voterons évidemment contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de faire surtout l’éloge de la politique menée par la France en matière d’asile – éloge que nous ne faisons pas nôtre – pour ne pas nous répondre directement sur le cœur de notre proposition de résolution, à savoir les réfugiés afghans.

La situation de ces derniers, souvent de très jeunes hommes, revient malheureusement très souvent dans l’actualité. Il y a quelques jours encore, Calais était le théâtre d’une évacuation musclée.

Une évidence devrait pourtant s’imposer à tous : la conception classique de l’asile ne permet pas de répondre à ce type de situation. Il nous faut convaincre l’Europe d’avoir une vision plus ambitieuse de l’asile et de mettre enfin en œuvre la mécanique de protection temporaire.

Celle-ci a été créée par la directive de juillet 2001 relative à la protection temporaire et n’a trouvé à ce jour aucune application. Nous pensons qu’elle devrait s’appliquer aux réfugiés afghans en provenance d’Afghanistan et du Pakistan.

L’application à la lettre des termes de cette directive semble, aux yeux de certains, interdire le recours à l’octroi d’une protection temporaire pour les Afghans. Mais il est des moments où le droit doit pouvoir être adapté aux situations de crise extrême, et non l’inverse.

En effet, les deux conditions motivant le refus d’application de cette protection temporaire ne me semblent pas pouvoir être opposées de bonne foi.

La première, c’est l’exigence d’un afflux massif de refugiés qui puisse mettre en cause le bon fonctionnement des systèmes d’asile. Comment ne pas considérer l’ampleur de l’exil des Afghans ? Depuis des années, ceux-ci fuient leur pays en masse. Un réfugié sur quatre dans le monde est originaire d’Afghanistan et 96 % d’entre eux arrivent dans les pays voisins, au Pakistan et en Iran.

S’ils sont moins nombreux à accomplir le voyage jusqu’en Europe, c’est que la route est longue et semée d’embûches. En dépit de ces difficultés, ils sont plus de 9 000 à avoir fait le chemin jusqu’en Europe au premier semestre 2009, dont 700 vers la France. Ils se classent ainsi au troisième rang, après les Irakiens et les Somaliens. Cela me semble tout de même constituer un flux de réfugiés particulièrement significatif, qui devrait interpeller chacun d’entre nous sur la nécessité d’agir en urgence.

La seconde condition, c’est une dangerosité et une insécurité telles dans le pays d’origine qu’elles ne permettent pas aux personnes déplacées d’y retourner.

Qui peut aujourd’hui contester la situation de guerre sur le territoire afghan ? Nos pensées vont d’ailleurs au soldat français qui est tombé hier. Qui peut aujourd’hui contester que ce sont les populations civiles qui paient le plus lourd tribut à ce conflit ? L’Afghanistan n’est pas un pays sûr, monsieur le ministre, à tel point que le programme de rapatriement dans ce pays des réfugiés installés au Pakistan a été interrompu cet été.

En tout état de cause, cela ne devrait pas dispenser l’Europe de prendre sa part à une solution rapide et temporaire. De nombreux États européens viennent de décider l’envoi de renforts supplémentaires – 1 000 hommes pour l’Italie et 500 pour le Royaume-Uni, notamment. Ils ont donc le devoir d’apporter leur contribution à l’accueil temporaire des réfugiés. Et si le dispositif de la protection temporaire est si contraignant qu’il ne peut jamais être mis en œuvre, il faut en changer. Il n’est pas possible de s’en tenir au statu quo.

Avec cette proposition de résolution européenne de mon collègue Louis Mermaz et du groupe socialiste, apparentés et rattachés, nous souhaitons faire bouger le cadre juridique européen pour promouvoir une plus grande protection temporaire de ces populations.

Nous voudrions pouvoir compter sur notre assemblée pour adopter cette proposition de résolution, plutôt qu’elle ne vote cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Nous voudrions pouvoir compter sur la France pour agir auprès des instances européennes afin que soit enfin déclenché l’octroi de la protection temporaire aux réfugiés afghans.

Allez-vous, mesdames, messieurs les membres de la majorité, décevoir cette attente en vous réfugiant dans un juridisme stérile, sur la base d’un texte communautaire, la directive de 2001, dont force est de constater qu’elle est mort-née ? L’adoption de notre proposition de résolution européenne ouvrirait la voie à une révision sérieuse de cet état de droit inopérant.

C’est pourquoi, comme je l’ai dit en introduction de mon propos, nous voterons contre cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1 de M. Cointat, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de résolution.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 183
Contre 152

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de résolution européenne est rejetée.

Exception d'irrecevabilité (début)
Dossier législatif : proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire
 

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 11 février 2010 :

À neuf heures :

1. Proposition de loi visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d’affaires soumis à l’impôt sur les sociétés, présentée par Mme Annie David et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche (n° 194, 2009-2010).

Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 256, 2009-2010).

À quinze heures :

2. Proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (n° 236, 2009-2010).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 259, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 260, 2009-2010).

3. Proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l’alimentation en eau et de l’assainissement des particuliers, présentée par M. Christian Cambon et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (n° 228 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 242, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 243, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART