Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec cet article 13 bis, élaboré par notre commission, la vision à long terme qui inspire cette réforme devient plus claire. Comme il l’a indiqué dans son rapport, M. Courtois entend ainsi ouvrir « une perspective » aux territoires qui, « pour des raisons particulières » – on ne saura pas lesquelles ! –, « souhaitent pousser plus loin l’intégration entre deux niveaux territoriaux ».
Ainsi, le Président de la République avait raison de se féliciter, la semaine dernière à la télévision, que la Martinique et la Guyane ouvrent la voie à la mise en place de la loi dont nous discutons les termes. Au fond, puisque M. Sarkozy l’a voulu, le Sénat le fait !
Ainsi, bien que cette loi prévoie déjà la quasi-disparition des communes et des départements, avec une intercommunalité renforcée et obligatoire, avec les métropoles et les pôles métropolitains, avec la disparition des conseillers généraux et régionaux et les diverses fusions possibles entre collectivités territoriales, il fallait aller encore plus loin dans la désorganisation et le démantèlement de nos institutions locales.
Nos départements pourront disparaître totalement en fusionnant avec leur région en une nouvelle collectivité locale dont on ne sait rien, même pas le nom – mais je suis sûr que vous en trouverez un ! Quelles seront ses compétences, sa gouvernance, le statut de ses élus ? On n’en sait rien, mais votre majorité est poussée à rendre ces fusions possibles par la loi. Nous pensons qu’il vaudrait mieux y réfléchir plus sérieusement.
Avec différents amendements acceptés en commission et en séance, ce projet de loi prend la forme de plus en plus affirmée d’un projet de loi d’orientation, qui renvoie à des textes ultérieurs. Nous percevons une certaine inquiétude parmi vous quant à ces textes, mais à partir du moment où l’on accepte cette loi, il faut admettre que l’on s’engage largement. Cependant, ce texte n’est pas un véritable projet de loi d’orientation et les règles qui sont attachées à ce type de loi ne sont pas respectées : nous votons des principes, des possibles, sans aucune précision normative !
Le texte qui en résulte ferait peut-être un excellent programme électoral, mais il ne peut être considéré comme une loi. D’importants éléments font pour le moins défaut pour rendre lisible et intelligible ce projet de loi, ainsi que quelques règles pourtant importantes, notamment celles concernant les majorités requises pour conduire, à chaque étape, à la création de ce nouveau type de collectivité.
Par ailleurs, il nous semblait que l’objectif de cette réforme était de réduire le prétendu « millefeuille ». En fait, à chaque article, nous en rajoutons !
En revanche, une chose est sûre : toutes nos collectivités locales actuelles – oui, toutes ! – sont appelées à disparaître à plus ou moins brève échéance. Avec cet article ajouté, c’est bien la disparition totale des départements qui est ainsi programmée. Aussi sommes-nous résolument opposés à ce projet : c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article 13 bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, sur l’article.
M. Jean-Pierre Chevènement. Tout à l’heure, Michel Charasse rappelait que les départements font corps avec la République. Avec l’article 13 bis, tel qu’il a été introduit par la commission des lois, la disparition des départements est annoncée : c’est clair ! Ils disparaissent, dès lors qu’une région et plusieurs départements qui la composent demandent à former une unique collectivité à statut particulier.
Avons-nous simplifié le millefeuille, en créant, à côté des départements et des régions, des collectivités à statut particulier ?
Nous connaissons un précédent, mes chers collègues, c’est l’exemple de la Corse. Cet exemple est-il heureux ? Posez-vous la question ! Croyez-vous que l’on résout des problèmes, pour la plupart sociaux ou culturels, par l’octroi de statuts ? Avec l’article 13 bis, vous introduisez sur le continent, en métropole, des statuts d’outre-mer : on parlera de collectivités « d’outre-terre ».
Prenez l’exemple de la fusion de la région Alsace avec ses deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin : vous obtiendrez une collectivité « d’outre-terre » entre Vosges et Rhin, une sorte d’euro-région qui se baladera entre la France et l’Allemagne, mais vous aurez fait œuvre de déconstruction. Évidemment, il s’agit d’une école à la mode en philosophie, pourtant, avant d’appliquer les concepts derridiens à l’organisation territoriale du pays, vous feriez mieux d’y réfléchir à deux fois ! En effet, après la Corse, l’Alsace ! Pourquoi pas la Bretagne ou la Normandie ? Il n’y a plus de terme à cette course folle !
Au contraire, réintroduisons un peu d’ordre et de rigueur ! La loi n’est bonne que si on ne la modifie pas trop souvent. Le département, qui a fait ses preuves depuis plus de deux siècles, ne mérite pas d’être ainsi assassiné, au détour d’un article bis introduit, sans doute avec de bonnes raisons, par la commission des lois. Pour faire œuvre de législation, il faut avoir une vue longue des choses. Créer une collectivité territoriale sur le modèle de l’outre-mer en France métropolitaine n’est pas raisonnable !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l'article.
M. Bruno Sido. Nous avons d’abord examiné l’éventuelle existence de communes nouvelles. C’était un sujet très important et il était traité de manière extrêmement détaillée dans le projet de loi.
Nous sommes ensuite passés à l’éventuelle fusion des départements et des régions, possibilité que le projet de loi tend à décrire dans son principe, mais non dans le détail.
Et, comme nous sommes cartésiens dans notre pays, nous en arrivons naturellement, au travers d’un article nouveau introduit par la commission des lois, à la possibilité pour les départements de fusionner avec la région pour créer, comme l’indiquait M. Jean-Pierre Chevènement, un OVNI métropolitain.
Le caractère laconique du texte de cet article 13 bis démontre bien que le législateur, du moins le rédacteur, ne croit pas beaucoup à cette possibilité. Il semble bien plus convaincu par les nouvelles communes, auxquelles il consacre plusieurs pages et dont il détaille le processus de création.
S’agissant des regroupements de départements et de régions, nous venons quasi-unanimement de poser des limites très sérieuses : in fine, la moitié des populations concernées doit s’être prononcée.
L’article 13 bis, quant à lui, présente beaucoup d’intérêts sur le plan intellectuel. En revanche, il n’a pratiquement aucune portée et il est très laconique. Je suis prêt à en discuter, puisqu’il semble intéresser un certain nombre d’entre nous, mais nous pourrions le supprimer que je n’y verrais pas d’inconvénient…
M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet article 13 bis vise à prévoir qu’une région et les départements la composant puissent demander à fusionner en une unique collectivité à statut particulier, par délibération concordante de leurs assemblées délibérantes.
On peut s’interroger sur l’utilité d’une telle disposition alors que, comme le rappelle le rapport de la commission des lois – qui est pourtant censé la motiver –, le premier alinéa de l’article 72 de la Constitution prévoit déjà qu’une collectivité spéciale peut être créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités.
Mieux encore, le Conseil constitutionnel a jugé, dès 1982, dans sa décision n° 82-138 DC du 25 février 1982, que « les dispositions de l’article 72 qui, dans un alinéa concernant tant les collectivités de la métropole que celles d’outre-mer, donnent compétence à la loi pour créer d’autres collectivités territoriales, ne sauraient voir leur application réduite aux seules collectivités d’outre-mer ».
Dans cette même décision, il ajoute : « La disposition de la Constitution aux termes de laquelle " toute autre collectivité territoriale est créée par la loi " n’exclut nullement la création de catégories de collectivités territoriales qui ne comprendraient qu’une unité. »
Enfin, il rappelle que « telle a été l’interprétation retenue par le législateur lorsque, en métropole, [celui-ci] a donné un statut particulier à la ville de Paris et, outre-mer, il a créé la collectivité territoriale de Mayotte ».
Par ailleurs, le fait que, dans le rapport de la commission des lois, on tente de justifier l’intérêt de cet article par la seule réflexion menée à ce sujet par des élus alsaciens me laisse quelque peu perplexe quant à l’approche retenue par les auteurs du projet de loi. En effet, cet article, comme toute disposition législative, a ou devrait avoir une portée nationale.
À force de vouloir rajouter des couches, on finit par construire des usines à gaz. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 13 bis tend, non pas à créer une nouvelle collectivité à statut particulier, mais à préciser la procédure par laquelle les collectivités qui le souhaitent et leur population peuvent être associées à la création éventuelle, par le législateur, d’une nouvelle collectivité se substituant à une région et aux départements qui la composent.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. La commission des lois a introduit cet article 13 bis, qui vise à définir une procédure spéciale intervenant avant la création, par la loi, d’une nouvelle collectivité territoriale.
Cette procédure, mise en œuvre dans le cas où une région et des départements décident de fusionner, inclut notamment une consultation des électeurs des collectivités concernées et précise comment les résultats de cette consultation doivent être appréciés.
Mais, chaque fois, c’est bien le législateur qui créera la nouvelle collectivité, conformément à l’article 72 de la Constitution.
Cet article n’a donc pas pour objet d’instituer, aujourd’hui, une nouvelle collectivité. Il tend simplement à décrire la procédure selon laquelle une telle collectivité pourrait être créée.
Le Gouvernement, soutenant cette initiative de la commission des lois, émet en conséquence un avis défavorable sur l’amendement de suppression.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 235, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La proposition de fusion est soumise à l'approbation des personnes inscrites sur les listes électorales des communes de chacun des départements concernés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je viens d’expliquer pourquoi cet article 13 bis nous paraît inutile, voire dangereux.
Je voudrais tout de même revenir sur les modalités qu’il tend à prévoir pour l’instauration d’une nouvelle collectivité.
Il est stipulé, à l’alinéa 5, que « les personnes inscrites sur les listes électorales des communes de chacun des départements concernés sont consultées sur l’opportunité de ce projet ».
Cette formulation manque singulièrement de clarté. Nous proposons donc de la remplacer par la phrase suivante : « La proposition de fusion est soumise à l’approbation des personnes inscrites sur les listes électorales des communes de chacun des départements concernés ».
En effet, il serait inacceptable qu’en plus de poursuivre un objectif dommageable, c’est-à-dire l’effacement des départements, on prive les populations concernées d’un véritable pouvoir de décision et que leur seul droit soit celui d’une vague consultation sur un dossier dont elles ne maîtrisent pas tous les éléments.
C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 548 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans les conditions prévues par les articles L.O. 1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement est un amendement de coordination avec l’ensemble de nos précédentes propositions. Les consultations locales intervenant dans le cadre de la création de nouvelles collectivités doivent relever du régime du référendum local.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Seul le législateur est compétent pour instituer, en application du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution, une collectivité à statut particulier. Son pouvoir d’appréciation en la matière ne peut être soumis à l’approbation d’une partie de la population seulement.
En revanche, il est essentiel que le législateur, éventuellement appelé à se prononcer, examine la position des élus locaux et celle des citoyens des territoires concernés, ce que permet la consultation proposée par le présent texte.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 235.
Quant à l’amendement n° 548 rectifié, il vise à soumettre l’ensemble des consultations prévues par les articles 12, 13 et 13 bis aux dispositions relatives au référendum local des articles L.O. 1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.
Cet amendement tend à préciser le régime applicable à cette consultation en renvoyant au régime général des référendums locaux. La dépense de la consultation sera à la charge des collectivités concernées. La commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Permettez-moi simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler que la procédure décrite dans l’article 13 bis intervient avant la décision, qui sera prise par le Parlement.
On ne peut pas être plus précis que la rédaction retenue par la commission des lois pour définir la consultation dans l’article 13 bis. Il s’agit d’une consultation des électeurs inscrits sur la liste électorale des communes situées dans les départements concernés.
La création de la nouvelle collectivité sera décidée par le Parlement et il n’appartient pas à une section du peuple de s’approprier les pouvoirs du peuple tout entier. Si nous voulions donner force de décision à la consultation, celle-ci devrait être nationale, et non plus réservée aux seuls habitants des collectivités en cause.
Mme Catherine Troendle soutiendra dans quelques instants un amendement tendant à apporter des clarifications intéressantes sur cette consultation, amendement sur lequel j’émettrai un avis favorable. Il s’agira de préciser que le législateur apprécie les résultats dans chacun des départements et au niveau de la région.
Il n’empêche que la décision lui revient bien. C’est le législateur et lui seul – c’est-à-dire soit le Parlement soit, dans le cas d’une loi référendaire, le peuple – qui dispose de la compétence constitutionnelle pour créer une nouvelle collectivité.
C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur les deux amendements en discussion.
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les résultats de la consultation sont appréciés dans la région et dans chacun des départements concernés.
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Mes chers collègues, je vais défendre cet amendement avec beaucoup d’enthousiasme, puisque M. le ministre a déjà annoncé qu’il lui réservait un avis favorable.
Il est prévu d’organiser systématiquement une consultation des électeurs sur l’opportunité de la fusion d’une région avec les départements qui la composent. Mais, contrairement au dispositif de consultation électorale applicable en matière de regroupements de communes, de départements ou de régions, les résultats sont appréciés au seul niveau de la région.
Je vous propose donc de compléter ce dispositif et de faire en sorte que les résultats soient appréciés non seulement au niveau de la région, mais également au niveau de chaque département concerné.
M. René-Pierre Signé. Nous n’avons pas fini de voter !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que la consultation organisée dans la perspective de la fusion d’une région et de départements est appréciée dans la région et dans chacun des départements concernés.
La consultation n’a qu’une valeur indicative, dans la mesure où la fusion ne peut être décidée que par le législateur.
Le fait d’apprécier la consultation à chacun des niveaux concernés permettra au législateur de se prononcer en connaissant correctement la position de la population de chacune des collectivités.
L’avis de la commission est très favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l'heure, je suis très favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 485 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, B. Fournier, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Jarlier, Carle, Juilhard et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la région et les départements qui demandent à fusionner comprennent des zones de montagne, l'avis des comités de massif est préalablement requis.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Cet amendement, qui va dans le même sens que celui qu’a brillamment défendu tout à l’heure notre collègue, rappelle l’existence des comités de massifs. Alors que l’on veut incontestablement renforcer le rôle de ces comités de massifs dans la mise en œuvre des politiques de développement et, demain peut-être, des politiques européennes, il importe qu’ils soient consultés en cas de projet de fusion de départements dans une région.
Ce n’est pas une proposition révolutionnaire,…
M. Jean-Pierre Sueur. Non !
M. Jacques Blanc. … mais elle permettrait de marquer dans le texte de loi que l’on a tenu compte de la réalité des comités de massifs qui jouent, je le répète, un rôle important dans l’élaboration des politiques de la montagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Une telle consultation, qui reste une simple consultation, permettra de verser au débat un avis informé sur une problématique locale spécifique.
La commission est donc favorable à cet amendement sous réserve d’une légère modification. Je suggère en effet à M. Jacques Blanc de remplacer, in fine, le mot « requis » par le mot « recueilli ».
M. le président. Monsieur Jacques Blanc, acceptez-vous la modification que propose le rapporteur ?
M. Jacques Blanc. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 485 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Hérisson, B. Fournier, Faure, Revet et Pierre, Mme Payet et MM. Jarlier, Carle, Juilhard et Bernard-Reymond, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la région et les départements qui demandent à fusionner comprennent des zones de montagne, l'avis des comités de massif est préalablement recueilli.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. J’aimerais faire plaisir à M. Jacques Blanc mais, honnêtement reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si l’avis du comité de massif est différent de celui des électeurs, on se retrouvera dans une situation un peu difficile.
M. Jean-Pierre Sueur. Le comité sera consulté d’abord !
M. Michel Mercier, ministre. Vous n’en savez rien ! Cela dit, nous ne sommes qu’en première lecture ; il faut probablement du temps pour convaincre tout le monde de voter des articles dont la rédaction gagnerait à être juridiquement un peu plus fondée.
Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voterai cet amendement, car il me paraît sage de demander l’avis du comité de massif.
Monsieur le ministre, bien entendu, le comité de massif rendrait son avis avant la consultation des électeurs et, par conséquent, ces derniers en seraient informés. Je pense que c’est dans cet ordre que les choses doivent se dérouler.
En effet, dans le cas contraire, après que le peuple se serait exprimé, le comité de massif émettrait un avis formel qui n’aurait aucun sens puisqu’il pourrait aller à l’encontre du suffrage universel. Il me paraît donc logique de recueillir d’abord l’avis du comité de massif. Cet avis est rendu public, il est argumenté et ensuite on sollicite le suffrage universel et c’est le peuple qui s’exprime.
J’ajoute que ma collègue et amie Bernadette Bourzai, qui a plaidé au sein de notre groupe avec beaucoup de conviction et d’enthousiasme, nous a convaincus de l’intérêt de prévoir, à de nombreux articles, l’avis du comité de massif. Dès lors qu’il s’agissait d’un avis, nous y avons souscrit.
Mais cela dit, il existe aussi des gens qui vivent en plaine, des riverains d’un fleuve, d’un littoral, et, après tout, les représentants de ceux qui vivent dans ces différents territoires pourraient tout à fait demander à émettre un avis. J’irai même jusqu’à dire que les gens qui habitent dans des quartiers très défavorisés, qui sont en grande difficulté, en grande précarité, pourraient aussi exprimer un avis, celui des communes en difficulté.
Je dis tout cela avec le sourire et avec beaucoup de sympathie pour nos amis qui sont élus de la montagne et qui ont souvent été oubliés. On a trop longtemps, au sein de la République, méconnu les contraintes et les grandes difficultés qui se posent dans certaines vallées immenses et peu peuplées.
Si je soutiens la nécessité de recueillir l’avis du comité de massif, il me paraît également important de prendre en compte la pluralité des avis qui peuvent être exprimés par les Français, mais, in fine, de toute façon, c’est le suffrage universel – et je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point – qui a le dernier mot.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Je serais très heureux que cet amendement soit voté puisqu’il rejoint ceux que j’ai défendus tout à l’heure.
L’avis qui sera rendu en amont, par le comité de massif, ne sera nullement incompatible avec la consultation de la population, comme l’a dit M. Sueur. Il est important, en cas de projet de fusion au sein d’une région, de s’assurer qu’il y a une cohérence entre le massif de montagne et l’organisation administrative qui sera rattachée à la région dont il dépendra.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. M. Sueur a tout à l’heure, dans la seconde partie de son propos, parfaitement développé ce que je souhaitais dire, mais nous n’arrivons pas à la même conclusion, puisque, lui, va voter l’amendement alors que, moi, pour les mêmes raisons, j’ai le regret de le dire à ses auteurs, je ne le voterai pas.
En effet, on complique les choses. On est en train de monter une usine à gaz. Si l’on demande l’avis de tout le monde, cela ne fonctionnera pas. Il faut demander l’avis du peuple, c’est lui qui doit être informé normalement, correctement, et qui doit se prononcer, sinon on n’en sortira pas. On a déjà voté un amendement sur la montagne alors que, dans les agglomérations, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez pourtant voté la loi montagne !
M. Christian Cointat. On doit prendre en compte les intérêts de tous, sinon cela ne peut pas fonctionner !
Donc, mes chers collègues, en dépit de toute la sympathie que m’inspire la montagne et de la grande amitié que j’ai pour Jacques Blanc, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Les comités de massifs, créés par la loi montagne, existent. Ils ont pour responsabilité d’élaborer des programmes de développement, dont certains sont financés par les régions, les départements, l’État ou même par l’Europe. C’est pourquoi il nous paraît naturel qu’avant de consulter la population on puisse l’éclairer par un avis recueilli en amont.
Dans ces comités de massifs, siègent à la fois des représentants de la région intéressée et du département éventuellement concerné ainsi que des responsables de l’ensemble du territoire du massif. Cet amendement n’est dirigé contre personne, ni contre les habitants des plaines ni contre ceux du littoral. Il s’agit simplement d’éviter tout risque de perte de cohérence en tenant compte des réalités existantes.
M. le président. L'amendement n° 236, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Avant les mots :
la création
insérer les mots :
En cas d'accord,
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est cohérent avec les positions que nous avons précédemment défendues.
En ajoutant une strate supplémentaire à des institutions que vous trouvez déjà bien trop compliquées, vous faites preuve d’un manque évident de cohérence. Nous sommes opposés à la création de cette nouvelle collectivité qui ne fera que complexifier le paysage. Cependant, nous souhaitons respecter le choix des populations. Dès lors, si l’on considère le choix des populations comme important, il faut ajouter, comme nous le proposons, les mots « en cas d’accord » ; refuser cet ajout signifie que l’on ne veut pas tenir compte de l’avis des populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme sur l’amendement n° 235, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement est contraire à l’article 3, deuxième alinéa, de la Constitution : avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Constitution a bon dos !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l'article 13 bis.
M. Bruno Sido. De la discussion naît la lumière. J’ai mieux compris au cours de ce débat quel était l’intérêt de l’article 13 bis. En définitive, il aurait été plus clair d’écrire au début de l’alinéa 4 : « Une région et deux départements qui la composent… » (Sourires.)
Il est quand même dommage, dans une loi d’une aussi grande portée générale, de régler de telles questions, au détour d’un article ou d’un amendement, sans le dire explicitement. Après tout, si les deux départements en question veulent fusionner en une seule collectivité, on peut faire une loi particulière et en discuter vraiment.
Je vais m’abstenir sur cet article pour donner tort à tous ceux qui disent que les départements vont disparaître par absorption dans les régions. Je ne voterai pas personnellement cet article 13 bis parce que ce serait ouvrir la boîte de Pandore pour toutes les autres régions et tous les autres départements qui constituent ces régions.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote sur l’article.
M. Adrien Gouteyron. Dussent certains en être surpris, j’ai apprécié les propos qu’a tenus M. Chevènement tout à l'heure, avant l’examen de cet article 13 bis. (M. le ministre sourit.) Je vois que cela ne surprend pas M. le ministre.
Moi non plus, je ne voterai pas cet article. Je comprends l’intention de la commission. J’ai bien vu que l’on avait serré les boulons autant que possible et pris certaines précautions, notamment par l'amendement n° 103, présenté par Mme Troendle, que j’ai voté.
J’ai apprécié l’intervention du ministre qui a bien fixé les responsabilités et la valeur des consultations des uns et des autres : la consultation de la population de deux départements, même s’ils constituent une région, ne vaut pas la consultation du peuple français et des parlementaires qui le représentent. C’est clair, c’est net, monsieur le ministre, et cela devrait nous tranquilliser, au moins sur les plans juridique et institutionnel.
Mais je me demande quelle pourra être l’attitude du Parlement si, dans les deux départements et la région concernée, les populations se prononcent massivement pour la fusion. J’imagine l’embarras des parlementaires et je m’interroge sur les risques que pourrait créer une telle situation.
C'est la raison pour laquelle je vais m’abstenir sur cet article. Tout en comprenant l’initiative de la commission, je ne peux pas, en conscience, le voter.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.