Mme Dominique Voynet. Sur la forme, j’en conviens, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement porte sur un sujet de droit électoral et « n’a pas sa place dans ce projet de loi » : il est facile d’anticiper sur votre argumentation, puisqu’elle est la même pour tous les amendements de cette nature.
Sur le fond, considérez que cet amendement constitue une sorte d’acte de foi dans les régions. Vous expliquez d’ailleurs régulièrement vouloir faire de l’échelon régional un pôle fédérateur et dynamique, doté de compétences lui offrant un véritable rayonnement territorial et légitimé par une gouvernance renforcée.
Je vous rejoins sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : la région apparaît en effet aujourd’hui, à l’heure de l’Europe, comme la dimension propice au déploiement des politiques publiques qui assurent le dynamisme des territoires, en matière d’emploi, de formation, de recherche, d’innovation ou encore de développement économique durable.
Cela étant, une fois les motivations exposées, il serait logique de mettre concrètement en musique cette ambition régionale !
En ce qui concerne les compétences, nous l’avons déjà dit, nous regrettons que leur clarification soit reportée à un texte ultérieur. Nous pressentons la suppression de la clause générale de compétence des régions, inscrite plus loin dans ce projet de loi. Cela ne les aidera pas, bien évidemment, à valoriser leur territoire. Au contraire !
À l’heure où l’État se désengage de nombreux domaines qui relevaient jusqu’ici de sa compétence, sans transférer pour autant les ressources financières correspondantes, on peut légitimement s’interroger sur le devenir des diverses politiques aujourd’hui largement soutenues par les régions et les autres collectivités, notamment la politique culturelle. Quelle est donc la logique de cette réforme, monsieur le secrétaire d’État ? Souhaitez-vous encourager l’émergence de régions fortes, comme cela est affirmé dans l’exposé des motifs du projet de loi, ou entendez-vous continuer de les affaiblir, comme vous le faites, en rognant leur domaine de compétence et en les empêchant de consolider leurs ressources ?
Dans une perspective démocratique, il me semble important d’instaurer un mode de scrutin permettant de faire valoir pleinement le fait régional, en évitant à la fois la « cantonalisation », dénoncée par certains membres de mon groupe, et la départementalisation qui sous-tend l’actuel mode de scrutin. Un scrutin de liste régionale, paritaire, me paraîtrait de nature à nourrir l’idéal régional.
Pour éviter la surreprésentation du département le plus peuplé, nous avons par ailleurs prévu que 50 % au plus des élus pourraient être issus de celui-ci. C’est, hélas, une tendance de fond : afin de garantir l’assiduité et de faciliter la participation de leurs représentants au conseil économique et social régional, la tentation est grande, pour les associations, les organisations syndicales et les chambres consulaires, de désigner des personnes issues du département où se trouve la capitale régionale. C’est particulièrement vrai dans les régions où l’un des départements est beaucoup plus peuplé que les autres, par exemple Midi-Pyrénées ou le Languedoc-Roussillon.
Cette disposition, qui répond à la préoccupation exprimée tout à l’heure par Jacques Blanc au sujet de la représentation équitable des différentes composantes du territoire régional, vise à instaurer un mode de scrutin rendant à l’ensemble régional sa cohérence et son lustre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mme Voynet a deviné l’avis de la commission ! Je ne peux que lui confirmer que son amendement n’a pas sa place dans ce projet de loi, mais qu’il la trouvera certainement dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite simplement faire observer que, dans une région ne comptant que deux départements, comme celle que vous et moi connaissons bien, monsieur le président, il serait extrêmement difficile d’appliquer le dispositif présenté par Mme Voynet : comment faire alors en sorte que le nombre de conseillers territoriaux issus du département le plus peuplé n’excède pas 50 % de l’effectif total de l’assemblée ? (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 640 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2512-1 est ainsi rédigé :
« Les affaires de la commune de Paris sont réglées par les délibérations d’une assemblée dénommée " conseil de Paris ", présidée par le maire de Paris. » ;
2° L’article L.2512-2 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 2512-5, après les mots : « son règlement intérieur », les mots : « en distinguant les règles applicables aux délibérations du conseil en formation de conseil municipal et en formation de conseil général » sont supprimés ;
4° À l’article L. 2512-8, après les mots : « du conseil de Paris », les mots : « siégeant en formation de conseil municipal ou de conseil général » sont supprimés ;
5° Les articles L. 3411-1 à L. 3412-2 sont abrogés.
II. - Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités territoriales, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
III. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Ce sujet a déjà été abordé tout à l’heure par M. Dominati et moi-même, à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 603 rectifié.
Le présent amendement a un double objet.
En premier lieu, Paris étant à la fois une commune et un département, nous demandons que les fonctions de conseiller général soient exercées à l’avenir par les conseillers territoriaux, et donc que le conseil municipal de Paris soit dissocié du conseil général.
En second lieu, il nous paraît nécessaire que les conseillers territoriaux de Paris soient élus non pas à la proportionnelle, comme le prévoit le texte actuel du projet de loi, mais dans des circonscriptions territoriales. Cela permettrait que les quelque 2 millions d’habitants de la capitale, où un ménage sur deux est constitué par une personne vivant seule, selon les statistiques de l’INSEE, connaissent au moins leurs élus.
En réponse à notre amendement précédent, M. Mercier a indiqué, comme l’avait déjà fait M. le ministre de l’intérieur devant la commission des lois, que la réforme concernant Paris serait traitée dans le projet de loi relatif au Grand Paris. J’ai alors objecté à M. Mercier que ce dernier texte ne comporte pas, pour l’heure, de volet institutionnel.
Je vous repose donc la question, monsieur le secrétaire d’État, par le biais du présent amendement : comment cet aspect institutionnel sera-t-il intégré dans la réflexion sur le Grand Paris ? Ne serait-il pas envisageable de traiter le problème à l’occasion de la discussion de l’article 5 du présent projet de loi, consacré aux métropoles ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le régime spécifique du Conseil de Paris en supprimant la compétence départementale de celui-ci. Je rappelle que le périmètre de la commune de Paris est strictement identique à celui du département de Paris : la double compétence des conseillers de Paris relève donc de considérations de bonne gestion.
La modification proposée ne semble pas pouvoir être envisagée dans l’immédiat, dans la mesure où il importe de tenir compte des conséquences institutionnelles qu’entraînera la réforme du Grand Paris. Vous disposerez donc de deux occasions pour représenter votre suggestion, mon cher collègue : soit lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris, soit, si vous estimez que la situation n’évolue pas assez rapidement, lors de l’examen du projet de loi n° 61, que nous aborderons à la fin du deuxième trimestre.
Pour ces raisons, la commission souhaiterait que cet amendement soit retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je ne peux que confirmer l’avis émis cet après-midi par mon collègue Michel Mercier et demander le retrait de cet amendement, en attendant la fin des discussions sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Il sera alors temps de décider si celui-ci sera applicable ou non aux représentants de Paris au conseil régional d’Île-de-France.
Si cet amendement n’était pas retiré, le Gouvernement serait dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l’amendement n° 640 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à l’heure, M. Mercier nous a indiqué, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que la question de l’élection des conseillers territoriaux dans des circonscriptions territoriales sera traitée dans le projet de loi consacré spécifiquement à ce sujet. Nous sommes d’accord.
Cependant, M. Mercier nous a également dit que la séparation entre conseil général et conseil municipal serait évoquée lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris. Or, ce texte, en son état actuel, ne comporte pas de volet institutionnel !
Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si vous confirmez les propos de votre collègue M. Mercier sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 640 rectifié est retiré.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je souhaiterais cependant obtenir une réponse à ma question !
Chapitre II
Élection et composition des conseils communautaires
Articles additionnels avant l’article 2
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « de l’article L. 2121-22 » sont supprimés.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Masson et Adnot, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 5212-7, le dernier alinéa de l’article L. 5214-7 et le dernier alinéa de l’article L. 5216-3 du code général des collectivités territoriales sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, le délégué titulaire empêché désigne en priorité pour le remplacer l’un des délégués suppléants de la commune qu’il représente ; à défaut, il peut donner procuration au délégué titulaire de son choix ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Cet amendement tend à lever une ambiguïté, en permettant à une commune de se faire représenter par un suppléant de son choix. Cette mesure me paraît de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Dans quelques instants, nous examinerons, à l’article 2, l’amendement n° 512 rectifié bis, présenté par M. Charasse, qui règle le problème de manière plus complète. Je souhaiterais donc, mon cher collègue, que vous retiriez votre amendement à son profit ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Puisque le Gouvernement et la commission préfèrent donner satisfaction à M. Charasse, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie, je retire mon amendement ! (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’est pas une question de personne !
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5211-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-6. – Les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus au suffrage universel direct dans les conditions fixées par la loi. Les autres établissements publics de coopération intercommunale sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7 du présent code. » ;
2° Les I et I bis de l’article L. 5211-7 sont abrogés ;
3° L’article L. 5211-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des articles L. 2121-33 et L. 2122-10 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 2121-33 », et les mots : « qui les a désignés » sont remplacés par les mots : « de la commune dont ils sont issus » ;
b) À la fin du troisième alinéa, les mots : « par le nouveau conseil » sont remplacés par les mots : « conformément aux dispositions de l’article L. 5211-6 » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale » ;
d) Les cinquième et dernier alinéas sont supprimés ;
4° L’article L. 5212-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut pour une commune d’avoir désigné ses délégués, cette commune est représentée au sein du comité du syndicat par le maire si elle ne compte qu’un délégué, par le maire et le premier adjoint dans le cas contraire. L’organe délibérant est alors réputé complet.
« Toute commune déléguée créée en application de l’article L. 2113-10 du présent code est représentée au sein du comité syndical, avec voix consultative, par le maire délégué ou, le cas échéant, par un représentant qu’il désigne au sein du conseil de la commune déléguée. » ;
5° L’article L. 5215-10 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article, qui traite de l’élection des conseillers communautaires, n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes.
Je ne m’étendrai pas sur le fait qu’il entérine la création des métropoles avant même que notre assemblée ne se soit prononcée sur le sujet. Nous y reviendrons certainement dans la discussion…
Nous avons déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’indiquer que nous n’étions pas opposés à ce que les électeurs aient leur mot à dire dans la désignation des délégués des communes au sein des conseils communautaires, et donc à la mise en œuvre de la méthode du fléchage des candidats.
C’est, semble-t-il, ce que l’on nous propose, mais la discussion parlementaire sur cette disposition est renvoyée à un projet de loi ultérieur. Cela ne saurait nous rassurer ! Il ne nous paraît d’ailleurs pas acceptable d’adopter un principe – encore un ! – sans avoir de prise sur la définition de ses modalités d’application.
Nous aurons l’occasion d’insister sur ce point au long du débat : notre conception de l’intercommunalité est fondée sur le volontariat et sur le libre choix des communes. Nous rejetons donc, en la matière, toute décision autoritaire.
Les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, ne sont pas et ne doivent pas devenir des collectivités territoriales, ni en droit ni en fait. Il s’agit avant tout de structures de coopération et de mutualisation, représentant les communes qui en sont membres. En conséquence, il nous apparaît absolument nécessaire de maintenir un lien institutionnel fort entre la commune, représentée par son conseil municipal, et la structure intercommunale.
Dans ces conditions, retenir un mode de scrutin fondé sur le suffrage universel direct, avec une élection autonome des conseillers communautaires, serait inopportun. Cela accroîtrait de fait les pouvoirs des intercommunalités au détriment de ceux des communes et légitimerait une forme de tutelle, ce que nous refusons.
Or la réforme proposée par le Gouvernement, sans jamais que cela soit explicitement dit, va précisément dans le sens de l’intégration des communes au sein des intercommunalités. La commission des lois évoque d’ailleurs, s’agissant de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, un « corollaire indispensable au fort degré d’intégration et aux larges compétences des EPCI à fiscalité propre ».
Nous savons donc bien quel est l’objectif de la majorité : donner la primauté aux intercommunalités pour, à terme, vider les communes de leur substance. Cela exige de créer des structures plus importantes, dont le modèle serait la métropole, cumulant pouvoirs et compétences.
Je pense que nous devons être très attentifs et refuser que l’intercommunalité se transforme en une machine à faire disparaître la démocratie communale et la libre administration des communes. L’alinéa 3 de l’article 2, en indiquant simplement que les délégués des communes seront élus au suffrage universel direct, laisse le champ libre à toute modification ultérieure. Or le projet de loi recouvre déjà trop de non-dits.
D’ailleurs, le rapport de la commission des lois souligne, à juste titre, que les dispositions incluses dans le projet de loi n° 61 pourront être modifiées par le débat parlementaire. Du flou s’ajoute donc au flou !
Effectivement, nous devrons pouvoir exercer notre droit d’amendement à cette occasion – du moins c’est ce que nous espérons, car, en définitive, peu de nos propositions sont acceptées par le Gouvernement… Néanmoins, nous restons méfiants et préférons donc le faire jouer dès aujourd’hui, afin de nous assurer que la méthode du fléchage ne pourra pas être remise en cause au bénéfice d’un autre mode de scrutin destiné à mettre en place, à la tête des intercommunalités, des équipes indépendantes dépourvues d’élus municipaux.
Les délégués communautaires sont et doivent rester liés au conseil municipal dont ils sont issus : telle est la philosophie qui sous-tend les amendements que nous avons déposés à cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Au moment où nous abordons la discussion des articles relatifs à l’intercommunalité, je souhaite préciser quelles sont nos propositions et nos positions sur ce thème.
Premièrement, nous avons beaucoup œuvré pour le développement de l’intercommunalité. En effet, on doit à la gauche la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui a créé les communautés de communes, et la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, qui a créé les communautés d’agglomération.
La méthode que nous avons toujours préconisée, celle de laisser la liberté de choix aux communes, a été, me semble-t-il, la bonne : l’intercommunalité a énormément progressé par le simple volontariat et concerne désormais plus de 92 % des communes.
Nous sommes donc attachés à la liberté des communes et, à cet égard, nous émettrons des réserves chaque fois qu’une disposition du projet de loi accordera un poids à nos yeux excessif aux représentants de l’État. Il nous semble qu’il faut encourager jusqu’au bout ce mouvement volontaire, qui a porté ses fruits.
Bien sûr, nous savons que le représentant de l’État devra forcément intervenir, ici ou là, quand il s’agira d’achever le processus, et nous ne nous y opposons pas. Mais nous estimons qu’il faut faire confiance autant que possible aux libertés communales.
Deuxièmement, nous pensons que l’intercommunalité, quelle que soit sa forme, ne doit jamais se traduire, explicitement ou implicitement, par la suppression des communes.
Nous avons besoin de deux niveaux : la commune est un échelon de proximité, tandis que l’intercommunalité permet de traiter des dossiers, relatifs par exemple au développement économique, à l’aménagement du territoire, à l’environnement, aux transports, que les communes ne peuvent prendre en charge seules.
En moins de quinze ans, nous avons donc assisté à ce que l’on pourrait appeler la révolution tranquille et silencieuse de l’intercommunalité. Le niveau communautaire est en progression, et nous proposons d’en tirer les conséquences. C’est pourquoi nous avons déjà présenté un amendement qui tendait à prévoir que la réalité des communautés soit prise en compte, à l’avenir, en particulier s’agissant du mode d’élection des élus départementaux. Nous le savons bien, dans nos territoires, les espaces de projets sont les communautés de communes, et non les cantons. Cela est une bonne chose, aussi pensons-nous que la région et le département doivent s’articuler autour de cette réalité montante de l’intercommunalité.
Troisièmement, de même qu’il faut des régions fortes, il faut des communautés fortes.
À cet égard, il est aujourd’hui indispensable d’accroître un certain nombre de compétences et de moyens accordés aux intercommunalités, dès lors que cette évolution s’opère toujours dans le respect des communes. Il n’y a pas là de contradiction ! En vérité, je pense même que ce sont les intercommunalités qui permettent le maintien des communes. Ainsi, sans elles, beaucoup de ces quelque 36 700 communes de France auxquelles nous tenons apparaîtraient comme n’étant pas viables. Le mouvement de l’intercommunalité a permis de conforter les communes !
Nous demandons donc plus de compétences, plus de moyens, plus de reconnaissance pour les communautés, et une bonne articulation entre celles-ci, les départements et les régions.
Reste la question de la démocratie, sur laquelle ma position sera quelque peu différente de celle de Mme Mathon-Poinat. Le débat est ancien et, pour nous, il n’est pas clos.
Le système du fléchage, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, sera à notre sens un progrès pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines. Toutefois, nous savons qu’il ne faut pas exagérer la portée de cette évolution : les citoyens continueront de se prononcer sur des listes municipales, certains candidats ayant vocation, en cas d’élection, à siéger à l’échelon intercommunal.
C’est pourquoi nous estimons qu’il faudra un jour se demander s’il est moins légitime d’élire au suffrage universel direct les délégués communautaires dans une métropole, qui procédera, si nous avons bien compris, d’un degré d’intégration plus fort que les communautés urbaines ou d’agglomération, que l’équipe municipale d’une commune de 60 habitants ou le conseiller général d’un canton urbain dont aucun habitant ne connaît le périmètre ni les compétences. Je vous assure, mes chers collègues, que la réalité cantonale n’est plus guère perceptible dans une grande ville, au point que, dans bien des cas, la population ignore jusqu’à l’identité du conseiller général !
Nous pensons donc que, si une communauté urbaine ou d’agglomération fait le choix de pousser plus loin l’intégration en constituant une métropole, il convient de poser la question de l’instauration du suffrage direct pour l’élection des conseillers communautaires, afin que les citoyens puissent faire entendre leur voix à cet échelon.
Tel est le débat que nous souhaitons ouvrir pour l’avenir. Il faudra, d’une manière ou d’une autre, traiter cette question de la démocratie.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.
Mme Dominique Voynet. Le présent article tend à instaurer l’élection des délégués siégeant au sein des intercommunalités au suffrage universel direct. C’est une très bonne chose !
Compte tenu de la montée en puissance des EPCI à fiscalité propre dans le paysage territorial et de l’étendue des compétences structurantes pour la vie locale à présent déléguées par les communes aux intercommunalités, il était essentiel, et même urgent, de permettre aux électeurs de désigner de façon directe, plus transparente et plus démocratique, les élus censés les représenter au sein de celles-ci.
Cette proposition a été avancée, pour la première fois, par Pierre Mauroy dans un rapport publié en 2000. Si le Sénat ne s’y était pas alors opposé, on peut imaginer qu’elle serait déjà entrée en vigueur. Je salue donc comme elle le mérite cette avancée pour les citoyens, devenue consensuelle, ou presque, au fil du temps.
Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, je regrette que nous ne puissions pas avoir une vision globale, cohérente de l’appareil législatif et institutionnel que vous nous proposez d’instituer. En effet, vous ne nous avez pas soumis de texte parachevant et simplifiant l’intercommunalité. Au contraire, nous le verrons plus loin, le présent projet de loi met en place des modalités d’organisation différentes, certes intéressantes, voire nécessaires dans le cas des métropoles, mais qui ne seront pas davantage lisibles pour nos concitoyens. Par ailleurs, puisque le Gouvernement semble tenir à réformer la gouvernance des régions et des départements, nous aurions aimé qu’il élabore un texte ad hoc.
L’article 2 tend donc à prévoir que les délégués communautaires seront élus au suffrage universel direct – cela est très bien ! – « dans les conditions fixées par la loi ». La définition des modalités de cette élection est par conséquent renvoyée à une loi ultérieure, au risque de nuire à l’intelligibilité du dispositif.
Le Conseil constitutionnel a pourtant fait sienne l’exigence d’intelligibilité de la loi, qu’il mentionne notamment dans des décisions de 1999 et de 2006. Selon ce principe, et conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le législateur doit adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. (M. Michel Charasse acquiesce.)
Je ne reviens pas sur l’amendement présenté, à l’article 1er, par nos collègues de l’Union centriste, qui est venu déposer un brouillard épais sur une situation déjà pour le moins floue, s’agissant des modalités de l’élection des conseillers territoriaux. Mais, monsieur le rapporteur, puisque vous avez déjà annoncé que vous entendiez donner un avis favorable à l’amendement de M. Charasse, je tiens à dénoncer une méthode qui s’apparente à du teasing législatif, méthode que je juge contre-productive et qui nuit à la lisibilité de la loi pour les citoyens. Vous nous expliquez qu’il est hors de question d’ouvrir un débat sur le mode de scrutin envisagé et excluez de traiter de certains principes dans le cadre de ce projet de loi : attendez-vous, pour aborder les questions de fond, un signal, sous la forme d’un éventuel amendement ou sous-amendement émanant d’un groupe de cette assemblée ? Le débat n’a même pas lieu d’être sur ce point, monsieur le rapporteur, puisque vous venez de reconnaître que c’est bien ainsi que vous entendiez procéder.
Dans l’attente de votre réponse définitive, monsieur le secrétaire d'État, laissez-moi vous faire remarquer que vous vous exposez, une fois de plus, à la censure du Conseil constitutionnel. La cohérence de la loi n’est pas garantie, l’examen des dispositions étant saucissonné entre plusieurs textes et dispersé au fil du temps. Je ne peux que regretter cet état de choses, qui nuit à la qualité de notre travail et à sa perception par nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. Si j’avais eu la responsabilité de préparer un projet de loi sur la réforme des collectivités locales, je ne l’aurais peut-être pas rédigé de cette façon.
M. Dominique Braye. « Peut-être » !