M. René Beaumont. Je me permets d’attirer l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur les incidences économiques et environnementales de l’insuffisante information des adjudicateurs de marchés publics concernant la certification des produits utilisés et des systèmes de management mis en œuvre pour leur fabrication dans le domaine du transport de l’eau et de l’assainissement.
Les normes européennes, ou normes EN, et les normes de l’Organisation internationale de normalisation, ou normes ISO, n’étant pas obligatoires dans ces domaines, les soumissionnaires peuvent être tentés d’utiliser des produits non conformes et moins onéreux. Or, le choix du prix le plus bas au détriment de la qualité conduit immanquablement au risque d’un fonctionnement défectueux, voire d’une usure accélérée, des ouvrages livrés.
Les modalités de délivrance de la certification de conformité peuvent par ailleurs avoir des effets pervers, dans la mesure où des fournisseurs, notamment extérieurs à l’Union européenne, ont la possibilité soit de procéder à une auto-déclaration de conformité de leurs produits aux normes, soit de recourir à des organismes certificateurs ne présentant pas nécessairement toutes les garanties de technicité et d’efficacité.
Dans ces conditions, la décision du pouvoir adjudicateur, même quand elle est fondée sur une pluralité de critères faisant intervenir, outre le prix, la qualité et la valeur technique de l’offre, n’est pas nécessairement éclairée par une information sûre et pertinente. Le coût économique et environnemental de cette situation, s’il ne semble pas avoir été évalué, est certainement considérable.
La même situation a, en outre, des incidences importantes sur la compétitivité relative des fabricants dont les produits et les systèmes de management sont certifiés par des organismes français ou européens accrédités par des instances membres de la Coopération européenne pour l’accréditation par rapport à ceux de leurs concurrents non soumis aux mêmes exigences.
En conséquence, quelles mesures serait-il possible de prendre rapidement pour favoriser une meilleure connaissance par les pouvoirs adjudicateurs de la certification des produits et des systèmes de management utilisés par les soumissionnaires, sans bien sûr porter atteinte au principe de la libre concurrence ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, Mme Lagarde m’a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants sur les questions d’adjudication de marchés publics et sur le rôle de la certification de produits et de systèmes de management pour la fabrication dans le domaine du transport de l’eau et de l’assainissement.
Lorsqu’ils passent un marché, dans le domaine de l’eau et de l’assainissement comme dans les autres, les acheteurs publics doivent définir les prestations attendues par des spécifications techniques. Ils ne sont plus tenus de faire référence à des normes homologuées mais ils ont toujours la faculté de le faire.
Pour vérifier la conformité des produits aux exigences spécifiées, les adjudicateurs peuvent exiger que les candidats fournissent des certificats de qualifications professionnelles et des certificats de qualité. Reste que l’acheteur doit être capable de choisir, parmi les qualifications proposées, celles qui sont les plus adaptées à la réalisation du marché. L’organisme de qualification doit d’ailleurs présenter toutes les garanties d’indépendance et de fiabilité requises pour que la présomption de conformité qu’il propose au travers de ses qualifications soit jugée recevable.
Les autorités de la concurrence sont attentives à ce que les certificats ne ferment pas l’accès au marché et ne faussent pas la concurrence. D’ailleurs, ce n’est en aucun cas ce que vous demandez, monsieur le sénateur. Ainsi, l’exigence d’un certificat de qualification au stade de la sélection des candidats ne doit conduire ni à imposer le choix du titulaire du marché ni à exclure certains candidats.
Le code des marchés publics prévoit que, lorsque l’adjudicateur demande aux candidats de produire des certificats, il doit accepter « tout moyen de preuve équivalent ». Cette preuve est à la charge du candidat, mais l’adjudicateur ne peut pas la refuser à la légère, sous peine d’être accusé d’entrave aux échanges. Elle peut être apportée par tout moyen approprié, par exemple un dossier technique du fabricant ou un rapport d’essai d’un organisme reconnu.
Selon le code des marchés publics, les « organismes reconnus » sont les laboratoires d’essai ou de calibrage, ainsi que les organismes d’inspection ou de certification conformes aux normes européennes applicables, y compris ceux qui sont installés dans d’autres États membres. Lorsqu’une offre fait référence à une norme étrangère, l’administration peut demander au soumissionnaire de produire l’attestation de l’AFNOR, l’Association française de normalisation, établissant l’équivalence demandée.
Tout certificat, attestation ou référence ne constitue pas, par principe, une preuve recevable. Il a été jugé par exemple que des « certificats de capacité » ou de « compétences » signés par des architectes ne sont pas « de même nature que ceux délivrés par des organismes professionnels » et ne peuvent « être regardés comme équivalents à ces derniers ».
Consciente de ces difficultés, l’ancienne Commission centrale des marchés, la CCM, avait rédigé, en 1999, une recommandation relative à l’utilisation des normes et des certifications dans les spécifications et à l’appréciation des équivalences. Même si la réglementation a évolué sur ces questions, ce document conserve tout son intérêt en termes d’aide à la décision des acheteurs publics.
Plus récemment, un consortium européen réunissant, sous l’égide de la Commission européenne, quatorze partenaires issus de la commande publique et de la normalisation, parmi lesquels l’Association pour l’achat dans les services publics, l’APASP, a mis au point un guide destiné à faciliter l’usage des normes par les acheteurs publics. Ce guide – le manuel « Steppin » – a été traduit en français au début de l’année 2009. Il constitue un vecteur essentiel d’information des pouvoirs adjudicateurs en matière de certification des produits dans les marchés publics.
Il semble donc à Mme Lagarde que, en l’état actuel de la réglementation, les acheteurs publics disposent déjà des outils leur permettant de s’assurer de la qualité des prestations demandées.
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse très complète, qui témoigne d’ailleurs de l’existence de disparités en termes de qualité des certifications, selon que les organismes chargés de les établir sont ou non européens.
J’observe que ce problème se rencontre dans beaucoup d’autres domaines, par exemple ceux des transports, que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État, ou du commerce des animaux : la France est toujours en pointe pour la normalisation, tandis que ses partenaires européens, et a fortiori les pays non membres de l’Union européenne, s’affranchissent volontiers d’exigences poussées en la matière. Devant cette situation, une solution simple serait d’imposer que tout produit entrant sur le territoire de l’Union européenne soit certifié par un organisme agréé par celle-ci. Ce n’est pas le cas actuellement, et la délivrance de certifications de convenance qui en résulte parfois coûte très cher à l’adjudicateur, c’est-à-dire à la collectivité publique, tout en faussant complètement la concurrence. Je m’insurge contre ce phénomène récurrent : imposer à nos entreprises les plus hautes exigences en matière de normalisation est certes louable, mais cela les pénalise face à des concurrents qui, n’étant pas soumis aux mêmes contraintes, pratiquent des prix plus bas.
mise en place d'un service régional d'archéologie à la réunion
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, auteur de la question n° 716, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être présent parmi nous pour répondre à ma question.
L’histoire de la Réunion a été profondément marquée par près de deux siècles d’esclavagisme sur les trois cent cinquante ans qu’elle compte. Occultée jusque récemment, cette période obscure fait aujourd’hui l’objet d’une volonté de réhabilitation, affirmée par les états généraux de l’outre-mer.
À la Réunion, cela se manifeste en particulier par les travaux d’historiens et d’associations, par diverses célébrations, comme celle du 20 décembre, ou encore par l’inauguration, en octobre dernier, d’une stèle rendant hommage aux esclaves morts sans sépulture, sur l’initiative de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise.
Cette volonté de rétablir la mémoire des esclaves achoppe toutefois sur le manque de sources : les traces écrites émanent non pas des esclaves, mais des dominants. Seule l’archéologie pourrait pallier ces lacunes.
Or, alors que la France, dans les années soixante-dix, s’est dotée d’une archéologie moderne et structurée couvrant l’ensemble de son territoire, la Réunion n’a pu bénéficier des dispositions appliquées en métropole et dans les autres régions ultramarines dans ce domaine. De ce fait, elle ne dispose pas de service régional d’archéologie attaché à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC.
Outre que cette anomalie va à l’encontre des articles 1er, 2, 3, 4 et 5 de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique signée par la France à Malte en 1992, elle porte gravement préjudice à la connaissance de l’histoire de la Réunion. Ainsi, à la Réunion, la prévention archéologique est quasiment inexistante, des sites mis au jour sont compromis et des vestiges disséminés. De facto, un pan de l’histoire réunionnaise, celle des opprimés, est condamné inéluctablement à demeurer dans l’obscurité. Sans archéologie, comment comprendre l’héritage du marronnage dans la société réunionnaise actuelle, en termes de pratiques culturelles, d’imaginaire, de connaissance et d’utilisation des espèces florales indigènes et endémiques, de médecine traditionnelle ?
De même, le vivre-ensemble réunionnais, cité en exemple à l’heure des questionnements identitaires, ne résulte pas uniquement de l’organisation sociale régentée par le politique pendant la période esclavagiste. Le métissage s’est élaboré dans les pratiques intimes vécues dans le cadre familial, pratiques qui n’ont pas, ou peu, été décrites ni relatées, et qui nous sont parvenues grâce à la mémoire orale. Quels qu’aient été les tensions, les affrontements, les exclusions vécus par les Réunionnais au cours de leur histoire, c’est ce métissage qui a permis à l’identité réunionnaise d’être disposée à s’enrichir des apports de toutes les composantes de la population, indépendamment des hiérarchies sociales et culturelles imposées par le système.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire s’il est possible d’appliquer les textes législatifs et réglementaires, en créant le service régional d’archéologie à la Réunion ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous dire que, à titre personnel, je suis profondément sensible à votre question. Dans une autre vie, alors que je dirigeais les programmes de la chaîne de télévision TV 5, la préparation d’une émission de vingt-quatre heures en continu à la Réunion m’a donné l’occasion de me pencher sur ce problème de l’archéologie et de la mémoire. J’ai alors pu constater qu’il y avait beaucoup à faire dans ce domaine, l’histoire de la Réunion ayant été surtout écrite, comme vous l’avez très justement souligné, madame la sénatrice, par les possédants, par les maîtres. Or l’histoire des autres, qui a été terriblement négligée, est nécessaire pour construire une histoire commune.
Parcourant des chemins du marronnage, j’ai pris conscience de la dureté physique des épreuves épouvantables infligées aux esclaves, des conditions terribles dans lesquelles ils devaient survivre. Les vestiges – outils, habitations, souvenirs divers – qu’ils ont laissés méritent à l’évidence d’être inventoriés et étudiés. Ce propos liminaire vous montrera, madame la sénatrice, à quel point je juge votre demande digne d’être étudiée dans un esprit positif.
J’accorde la plus haute importance à la part que l’archéologie doit prendre dans la connaissance des territoires d’outre-mer en général, et tout spécialement de l’île de la Réunion. La recherche archéologique se développe : je tiens à signaler, notamment, les travaux des chercheurs du Centre de recherche sur les sociétés de l’océan Indien de l’université de la Réunion. Je rappelle en outre que ma prédécesseur avait pris la décision, en 2007, d’envoyer une mission exceptionnelle pour encadrer la mise au jour de vestiges humains sur le site de Saint-Paul, après le passage du cyclone Gamède.
Je souligne aussi que depuis 2007 existe une Commission interrégionale de la recherche archéologique outre-mer, qui élabore la programmation scientifique des recherches concernant des sujets tels que les premiers peuplements, les habitations, l’esclavage et le marronnage, les installations industrielles, ainsi que la genèse et le développement des espaces urbains.
J’ajoute, enfin, que l’archéologie réunionnaise ne saurait être conçue sans situer l’île au cœur du vaste espace maritime qui l’entoure et qui l’inscrit dans un système de relations et d’échanges variés avec les territoires voisins. Je demande ainsi au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines d’être particulièrement attentif à cet aspect. Si l’on songe, par exemple, aux relations maritimes qui existaient entre la Réunion et l’île Rodrigues, on peut présumer que des épaves de bateaux naufragés et autres vestiges attendent là aussi d’être mis au jour.
C’est pour ces raisons que nous étudions, avec le préfet de région et le directeur régional des affaires culturelles, la perspective d’ouvrir dans les meilleurs délais un poste de conservateur régional de l’archéologie chargé de la Réunion au sein de la direction régionale des affaires culturelles. Il permettra que l’action de l’État en matière d’étude et de protection du patrimoine archéologique puisse s’exercer à la Réunion de la même manière et avec la même ambition que sur le reste du territoire national. Je précise que, dans le cadre des redéploiements internes du ministère, j’ai obtenu que le budget de la DRAC locale connaisse une augmentation qui me permettra certainement de financer ce poste.
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le ministre, je suis très touchée de votre réponse, dont je vous remercie vivement. L’absence de service régional d’archéologie à la Réunion est vécue comme une injustice. Par exemple, des corps ont été découverts sur un site, mais les services de la gendarmerie, pensant de bonne foi avoir affaire à un crime collectif, ont tout piétiné en menant leur travail d’enquête, alors que des recherches archéologiques auraient dû être effectuées. Je pense que la création d’un service ad hoc permettra de remédier à de telles situations.
revitalisation rurale et démographie médicale
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 758, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d’État, la couverture médicale constitue une préoccupation majeure en milieu rural, en particulier en Auvergne et dans mon département de Haute-Loire, dont vingt-deux des trente-cinq cantons sont situés en zones de revitalisation rurale. Cette situation recouvre de nombreuses inquiétudes spécifiques : les services au public se raréfient, y compris dans le domaine médical, qu’il s’agisse des médecins, des dentistes ou des kinésithérapeutes, voire, dans certains secteurs, des services infirmiers libéraux.
Je voudrais évoquer plus particulièrement le cas des secteurs très ruraux situés en zone de montagne difficile.
Compte tenu de la faiblesse des activités administratives ou bancaires, certains secteurs de cette France rurale, la « France d’en bas » comme d’aucuns l’appellent, perdent régulièrement de leur population. Cette érosion est malheureusement contagieuse. Depuis quelques mois, nous constatons que des espaces importants seront bientôt dépourvus de présence médicale, ce qui nuira très fortement à la sécurité de la population et compliquera le maintien à domicile de nos aînés.
Une telle situation entraînera inévitablement une augmentation des placements en établissements, avec le coût que cela implique. La désertification continuera ainsi à faire son œuvre et rendra nos territoires moins attractifs et de plus en plus inhospitaliers. L’absence de couverture médicale créera, demain, des semi-déserts. Or une présence médicale est indispensable, et même vitale, notamment pour nos aînés : parmi les priorités, elle précède celle de la gendarmerie ou des pompiers.
Aujourd’hui, alors que l’on compte en moyenne un médecin pour 320 habitants sur le territoire français, le ratio est de un pour 345 en Auvergne et de un pour 523 dans la Haute-Loire ! Telle est l’inquiétante réalité dans ce département. Et encore ne s’agit-il que d’une moyenne : si l’on prenait uniquement en compte les zones rurales, le résultat serait effrayant, en particulier pour des régions comme la Margeride ou le Mézenc.
Madame la secrétaire d’État, de graves disparités se font jour entre les zones urbanisées et les zones dites « enclavées ». Dans certaines villes, il y a des médecins en surnombre, avec les conséquences que cela peut entraîner… J’ai conscience que le problème n’est pas simple, en raison du principe de la liberté d’installation. Mais gouverner, n’est-ce pas prévoir ?
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il, notamment sur le plan législatif, pour permettre au monde rural de bénéficier de ce que j’appellerais la parité médicale ? Dans l’éducation nationale ou la gendarmerie, les personnes recrutées sont généralement affectées, pour leur premier poste, dans la France rurale, la France profonde…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports. Monsieur le sénateur, Mme Bachelot-Narquin m’a chargée de vous transmettre la réponse suivante.
Assurer l’égal accès aux soins pour tous nos concitoyens est effectivement un principe républicain et constitue le fil rouge de l’action du Gouvernement. C’est pour répondre à ce défi que la ministre de la santé et des sports a organisé les états généraux de l’organisation de la santé, qui ont permis d’identifier une série de mesures concrètes, qu’elle s’est ensuite attachée à mettre en œuvre.
Tout d’abord, la contrainte pesant sur les médecins a été allégée, par le biais d’une incitation à diminuer le nombre de secteurs de garde. Une mission nationale d’appui, constituée pour faciliter l’application de cette mesure, a ainsi accompagné plusieurs départements dans la recherche d’une organisation plus pertinente.
Grâce aux agences régionales de santé, les ARS, les règles d’organisation et de financement de la permanence des soins seront assouplies pour mieux être adaptées aux besoins des patients et aux réalités locales.
Par ailleurs, Roselyne Bachelot-Narquin et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ont mis en place la filière universitaire de médecine générale. Dès 2009, des postes supplémentaires d’enseignants ont été créés, et ce mouvement se poursuivra dans les prochaines années. Le deuxième stage de deuxième cycle de médecine générale sera redéfini, afin que les étudiants puissent l’effectuer le plus rapidement possible et découvrir ainsi tôt cette spécialité. La création de cette filière universitaire a permis que, en 2009, près de la moitié des futurs internes – 49 % d’entre eux, contre 37 % en 2004 – aient choisi la médecine générale. Il faut s’en réjouir.
Pour compléter ces mesures, le nombre d’internes formés dans chaque région et chaque discipline sera désormais fixé en fonction des besoins de la population. De plus, des « contrats d’engagement de service public » seront proposés, dès la prochaine rentrée universitaire, à des étudiants en médecine et à des internes. En contrepartie du versement d’une allocation mensuelle, ces étudiants s’engageront à exercer dans des zones identifiées comme sous-denses.
Enfin, nous avons à cœur de faciliter l’émergence de nouveaux modes d’exercice répondant mieux aux aspirations des médecins.
C’est précisément pour encourager et soutenir ces évolutions décisives que la ministre de la santé et des sports a souhaité une vaste réforme du système de santé, volonté qui s’est concrétisée par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dont les décrets d’application sont en cours de parution.
Plusieurs outils seront rapidement mis à la disposition des médecins.
Par exemple, ils pourront organiser la prise en charge de leurs patients sur la base d’une nouvelle répartition des tâches avec les autres professionnels ; ces protocoles de soins seront naturellement conclus sur leur initiative.
Les médecins se verront par ailleurs proposer par les ARS des contrats collectifs, conclus sur la base du volontariat, afin de soutenir financièrement leurs initiatives. Dotés de budgets pluriannuels significatifs, ces contrats leur donneront la possibilité, notamment, de renforcer leur secrétariat ou de disposer de plus de temps pour faire face à des situations complexes.
Les schémas régionaux d’organisation sanitaire ambulatoires, consensuels et non opposables, permettront de faire converger les aides et politiques incitatives et de soutenir les projets répondant à de vrais besoins de santé.
Enfin, si les problèmes d’accès aux soins persistent localement, les ARS pourront proposer aux professionnels de santé exerçant dans les zones sur-dotées des « contrats santé solidarité », afin que ceux-ci consacrent plusieurs demi-journées par mois à l’exercice de la médecine dans les zones moins denses.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, tout est donc mis en œuvre pour répondre à notre souci commun, c’est-à-dire assurer une plus juste répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d’État, j’apprécie votre réponse, très précise et d’une grande qualité. Ayant eu l’occasion de me pencher sur ce sujet à l’occasion de l’élaboration de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », j’ai pu constater qu’il n’est pas facile d’imposer une présence médicale dans tel ou tel secteur sous-doté. Je prends acte des incitations mises en place afin de remédier aux problèmes que rencontre la France profonde.
augmentation des prix des médicaments
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 686, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Alain Fauconnier. J’ai à plusieurs reprises alerté Mme la ministre de la santé et des sports sur le caractère tout à fait singulier que présente, selon moi, l’augmentation des prix de certains médicaments, y compris les plus utiles aux patients. En effet, en quelques années, leur prix a été multiplié par quatre ou cinq, dès lors qu’ils ne sont plus remboursés par la sécurité sociale.
Ainsi, le collyre Catacol 0,1 %, vendu 1,39 euro naguère, l’est aujourd’hui au prix de 5,64 euros. Cet exemple, dont je sais pertinemment qu’il est loin d’être unique, ne sort pas d’un recueil de statistiques officielles : il m’a été donné par un retraité peu argenté de ma commune, Saint-Affrique, qui en compte beaucoup, à l’instar de nombre de villes et villages de France où nos aînés font attention à leurs dépenses, y compris lorsqu’elles ont trait à leur santé, allant parfois jusqu’à renoncer à certaines prescriptions médicales, faute de moyens suffisants.
Voilà quelques jours, j’ai enfin reçu réponse à une question écrite sur le sujet que j’avais posée il y a plusieurs mois. Mais son contenu m’a laissé tellement perplexe que je réitère ma question aujourd'hui. Tels sont, en substance, les arguments que Mme Bachelot-Narquin a développés dans sa réponse :
« Lorsqu’un médicament n’est plus remboursé par la sécurité sociale, son prix jusqu’alors administré est librement fixé par les différents opérateurs et déterminé par le jeu de la concurrence. Dans certains cas, les laboratoires pharmaceutiques relèvent à cette occasion le prix de leur médicament, qui n’avait pas été réévalué depuis de nombreuses années afin de pouvoir le maintenir sur le marché. […] Malgré les mesures du Gouvernement, il peut arriver que les prix de certains médicaments non remboursables soient augmentés fortement. Il appartient dans ce cas au patient de faire jouer la concurrence entre officines en comparant les prix de vente des médicaments. »
Madame la secrétaire d'État, de tels arguments m’ont stupéfié. Imagine-t-on un patient aller d’une pharmacie à l’autre, en ville, ou d’une commune à l’autre, en zone rurale, dépensant du temps et de l’essence, pour comparer le prix d’un collyre et gagner un ou deux euros ? Le Gouvernement semble ignorer les distances entre deux officines dans la France profonde, notamment en zone de montagne ou de semi-montagne !
Mais le meilleur est à venir : en guise de conclusion, Mme Bachelot-Narquin m’a indiqué que « les patients peuvent également discuter avec leur pharmacien ou leur médecin des alternatives thérapeutiques au traitement qu’ils suivent afin d’en diminuer le coût, si cela est possible ».
Comme dans Molière, tout est dans la nuance : « si cela est possible »… Est-il possible à un patient, comme le suggère Mme la ministre, de marchander les médicaments, de négocier une prescription, de donner son avis au médecin et au pharmacien comme s’il était compétent pour se substituer à eux et, en définitive, rédiger lui-même l’ordonnance ?
Madame la secrétaire d'État, en demandant pourquoi les prix des médicaments qui ne sont plus remboursés par la sécurité sociale connaissent une brutale augmentation, j’avais cru poser une question sérieuse. J’espère obtenir ce matin une réponse qui le soit également !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.