M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que j’ai l’honneur d’examiner aujourd’hui avec vous s’inscrit pleinement dans le chantier engagé par le Gouvernement pour développer l’offre d’accueil des jeunes enfants. En tant que ministre en charge de la famille, je suis très attaché à mettre en œuvre cette priorité de notre politique familiale.
Avant d’en venir à celle-ci, je tiens à remercier les orateurs inscrits dans la discussion générale, Mmes Pasquet, Campion et Laborde, ainsi que MM. Kergueris et Gournac, de m’avoir autorisé à prendre la parole avant eux. Étant convoqué par le Président de la République à l’Élysée, il se peut que je ne sois pas en mesure d’entendre l’ensemble de leurs interventions, mais, si tel devait être le cas, mon collègue et ami Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, qui s’intéresse beaucoup à ces questions, viendrait me suppléer.
Notre politique familiale, comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, vise trois objectifs, qui sont d’ailleurs complémentaires : soutenir la natalité dans notre pays, l’une des plus fortes de l’Union européenne avec un taux de fécondité de deux enfants par femme, chance qu’il nous faut préserver ; permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ; enfin, conforter le taux d’activité professionnelle de ces dernières.
Le développement de la garde d’enfants participe ainsi pleinement de l’action conduite par mon ministère pour atteindre cet objectif majeur qu’est la progression de l’égalité professionnelle et de la parité entre les hommes et les femmes.
Je n’en salue que davantage l’initiative de Jean Arthuis, que je tiens à féliciter personnellement pour la grande qualité de son travail, de même que je félicite Alain Lambert et Jean-Marc Juilhard, ainsi, évidemment, qu’André Lardeux, le rapporteur, toujours attentif à ces sujets.
En créant les conditions favorables aux regroupements ou maisons d’assistants maternels, les MAM – j’espère que Mme le garde des sceaux ne réclamera pas de droits d’auteur ! (Sourires) –, cette proposition de loi apporte une solution innovante aux besoins non seulement des parents, mais aussi des professionnels et des élus locaux.
Avant de revenir sur les avantages de ce dispositif, vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler les différents axes de notre action depuis 2007 pour offrir à l’ensemble des familles une solution en matière de garde d’enfants, ce qui était, vous le savez, un engagement du Président de la République.
Nous avons, je tiens à le souligner, veillé à diversifier les modes de garde, notre mot d’ordre en ce domaine étant bien l’adaptation aux besoins des familles, bien sûr, mais aussi aux particularités des territoires et des situations, ce qui est, l’exemple de la Mayenne l’a démontré, une nécessité.
Grâce à la nouvelle convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales pour 2009-2012, nous disposons de moyens concrets pour développer la garde d’enfants.
D’ici à 2012, nous ouvrirons 200 000 solutions supplémentaires d’accueil du jeune enfant grâce au fonds national d’action sociale, qui sera porté de 3,8 milliards à 5 milliards d’euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 7,5 % par an.
Ces 200 000 solutions supplémentaires se répartiront de façon bipartite entre, d’une part, 100 000 offres d’accueil chez les assistants maternels et d’autre part, 100 000 places d’accueil collectif.
L’accueil collectif comprendra 8 000 places en jardin d’éveil, que nous expérimenterons d’ici à 2012, ainsi que 1 500 places en micro-crèche, pour tenir compte de la situation des territoires ruraux.
Nous créerons en outre 10 000 places de crèche d’entreprise, financées par l’augmentation du crédit d’impôt famille, que nous avons fait passer de 25 % à 50 % en 2009.
En faveur des assistants maternels – qui sont le plus souvent des assistantes maternelles –, nous avons d’ores et déjà adopté des mesures concrètes.
D’abord, nous les avons autorisés, en 2009, à accueillir jusqu’à quatre enfants, au lieu de trois précédemment. Cette mesure, dont vous ne manquerez pas, mesdames, messieurs les sénateurs – Mme Dini, en particulier – de vous souvenir, car elle a fait l’objet de discussions ici, leur permet d’améliorer leurs revenus et, partant, renforce l’attractivité de leur profession.
Nous avons ensuite ouvert, dans la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2010, aux assistants maternels le prêt à l’amélioration de l’habitat, qui leur permet désormais de disposer d’un montant atteignant 10 000 euros à taux zéro pour adapter leur logement à leur activité professionnelle.
Enfin, nous avons revalorisé de 10 % le complément mode de garde pour les parents travaillant en horaires atypiques, notamment la nuit, afin de mieux prendre en compte leurs besoins.
La présente proposition de loi poursuit cette dynamique tout en apportant une avancée notable : les regroupements d’assistants maternels, que vous avez expérimentés en Mayenne, cher président Arthuis, vont en effet permettre aux parents de faire garder leur enfant en toute sécurité et à un coût raisonnable, pour eux comme pour la collectivité.
Sans revenir longuement sur les nombreux atouts, déjà exposés par l’auteur de la proposition de loi et par le rapporteur, de cette solution, je souligne qu’elle permet d’accroître l’offre d’accueil, avantage appréciable dans des quartiers urbains à forte densité ou dans certaines zones rurales, d’élargir l’amplitude horaire, notamment grâce à la délégation d’accueil, et de rassurer certains parents du fait de la présence d’une équipe d’assistants maternels.
Enfin, elle répond aux besoins des assistants maternels eux-mêmes, qui, souvent, ne peuvent exercer leur profession faute de disposer d’un espace adéquat. Les maisons d’assistants maternels leur permettront de surmonter cette contrainte. De surcroît, le travail en équipe constituera sans doute une source de motivation supplémentaire.
Outre qu’il allie simplicité et souplesse, ce mode de garde respecte les exigences de qualité et de sécurité, raison pour laquelle cette solution innovante me paraît excellente.
Certains points sont cependant susceptibles de susciter des inquiétudes ou d’appeler des précisions ; les amendements le montreront sans doute.
S’agissant tout d’abord de la convention, le rapporteur a exposé pour quelles raisons elle devait avoir un caractère facultatif : l’imposer uniformément risquerait en effet de constituer une contrainte administrative excessive pour certaines collectivités, comme d’ailleurs pour les assistants maternels.
En revanche, donner aux conseils généraux et aux assistants maternels qui le souhaitent la possibilité de formaliser leur engagement pour des raisons d’organisation permettra de tenir compte, avec souplesse, des particularités locales, dans le respect de la décentralisation et du principe de libre administration des collectivités locales.
Certains craindront peut-être que cette souplesse ne nuise à la qualité de l’accueil ou à la sécurité de l’enfant. Je tiens à les rassurer d’emblée : la proposition de loi apporte toutes les garanties nécessaires. Nous restons en effet dans le cadre fixé par le service de protection maternelle et infantile et ce dernier devra jouer pleinement son rôle à chaque étape de la mise en place et du suivi d’une MAM, ainsi que dans la formation des assistants maternels.
Il en va de même pour la délégation temporaire d’accueil : celle-ci permet aux parents d’autoriser l’assistant maternel qu’ils emploient, si celui-ci est malade, par exemple, à déléguer l’accueil de leur enfant à l’un de ses collègues travaillant dans la même maison. C’est encore un élément de souplesse.
La proposition de loi prévoit clairement que cette délégation doit être notifiée dans les contrats de travail ainsi que dans les contrats d’assurance des assistants maternels concernés. Nous restons donc dans une relation de gré à gré entre un employeur – les parents – et un assistant maternel, relation aussi encadrée et sécurisée que pour un assistant maternel travaillant à son domicile, ce qui met fin aux préoccupations que suscitait ce point.
En définitive, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, le développement des regroupements d’assistants maternels traduit une plus grande écoute des différents acteurs, parents, professionnels et élus locaux, tous soucieux de voir les jeunes enfants accueillis dans de bonnes conditions, en même temps qu’il participe pleinement à la diversification des solutions de garde. Le Gouvernement félicite ceux qui en ont pris l’initiative et y apporte donc tout son soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Je remercie tout d’abord Mme Pasquet, qui a eu l’obligeance de me permettre d’intervenir avant elle afin que je puisse aller adresser mes vœux aux habitants de ma bonne ville du Pecq.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays a la chance d’être le pays européen qui a le plus fort taux de fécondité. La politique familiale française se doit donc d’être ambitieuse pour répondre à l’attente des familles en matière de garde d’enfants.
Des efforts ont été faits. Comme l’indique le rapport de la commission, la France consacre aux aides et services de garde d’enfant entre 1 % et 1,5 % de son produit intérieur brut, soit un niveau proche de celui de la Suède ou du Danemark, pays qui font figures de modèles en la matière.
Le nombre de places en crèche a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007. Malheureusement, cela ne suffit pas pour répondre aux besoins de la population. De nombreuses familles n’obtiennent pas de place en crèche, et la garde d’enfant à domicile reste très onéreuse.
Les modes de garde des enfants se sont diversifiés par la force des choses.
Les parents ont de plus en plus recours à une assistante maternelle s’occupant de plusieurs enfants, chez elle, à son propre domicile.
Certains optent pour un système de « garde partagée », permettant à une nourrice de garder plusieurs enfants dans chaque foyer alternativement.
La présente proposition de loi vise à aller plus loin en permettant le regroupement d’assistantes maternelles à l’extérieur de leur domicile. Ce mode de garde existe avec succès depuis plus de quatre ans dans plusieurs départements. De surcroît, il a été autorisé dans son principe par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Il reste à donner à cette expérimentation réussie un cadre juridique et opérationnel. C’est l’objet du présent texte.
Comme l’a dit notre excellent rapporteur, les MAM présentent plusieurs avantages, et d’abord pour les assistantes maternelles elles-mêmes.
Tout d’abord, nombreuses sont les personnes qui ne peuvent pas exercer la profession d’assistante maternelle parce que leur domicile ne répond pas aux critères d’agrément, cas auquel je suis confronté dans ma ville. Généralement, leur logement est trop petit pour permettre la garde de plusieurs enfants, situation qui se présente surtout dans les grandes villes où les loyers sont chers.
Davantage d’assistantes maternelles pourront dorénavant être agréées, ce qui est très positif.
Quant aux assistantes maternelles déjà agréées, si leur habitation est située dans une zone où la demande est trop faible, elles pourront trouver des offres en exerçant leur profession à un autre endroit, dans un autre quartier, voire dans une commune voisine.
Sur le plan professionnel, les assistantes maternelles bénéficieront du travail en équipe dans cette maison commune et pourront partager leurs expériences, ce qui ne peut qu’être favorable à l’exercice de leur profession.
Soyons sans crainte, mes chers collègues, il n’y a là aucun risque de concurrence avec les autres modes de garde ou même avec les assistantes maternelles déjà en activité. Il s’agit plutôt d’une extension de l’offre qui bénéficiera à tous et permettra aux maires de répondre à la demande, souvent très pressante, de leurs concitoyens.
La formule est également avantageuse pour les parents. Nous savons combien la confiance joue un rôle essentiel dans le choix d’une garde d’enfant. L’enfant sera gardé dans un cadre sécurisé par des assistantes maternelles connues des parents, à qui ils pourront confier leur enfant avec sérénité.
Un contrat de travail formalisera cette relation. L’autorisation de délégation et les noms des assistantes maternelles concernées devront y figurer. Les assistantes maternelles auront, par ailleurs, l’obligation de s’assurer.
L’enfant ne se trouvera pas dans le cadre familial de l’assistante maternelle. Il ne sera au contact que d’assistantes maternelles, ce qui est une formule que certains parents peuvent préférer.
J’ajoute que cette proposition de loi répond également à l’attente de parents ayant des contraintes d’horaires, notamment ceux qui travaillent selon des horaires décalés. Il s’agira même souvent, pour eux, de la seule solution de garde disponible.
Comme notre rapporteur l’a expliqué en commission, il est hors de question de pouvoir confier un nourrisson dès l’aube à une assistante maternelle et de le reprendre tard le soir. Simplement, il restera pour une durée normale sous la surveillance d’assistantes qui se succéderont. Les rythmes des enfants seront donc respectés. Le dispositif permet une certaine souplesse, mais il ne tolère pas les débordements...
Enfin, je me réjouis que la création de maisons d’assistants maternels permette à de nombreuses communes d’augmenter et de diversifier l’offre de garde d’enfants.
Pour une commune, la création d’une MAM représente un coût financier moins élevé que le fonctionnement d’une crèche. Ainsi, en Mayenne, dans le département de notre collègue et ami Jean Arthuis, qui a pris l’initiative de déposer cette proposition de loi – qu’il en soit ici remercié –, la municipalité d’Evron a calculé que le coût de fonctionnement d’une crèche était sept fois plus élevé que celui d’une maison d’assistants maternels.
Le plus souvent, la commune participe à la création d’une telle maison en fournissant les locaux. Cependant, les assistantes maternelles étant payées directement par les parents, elles ne sont pas financièrement à la charge des communes.
Comme l’a souligné notre excellent collègue Jean-Marc Juilhard dans son très intéressant rapport d’information intitulé « Accueil des jeunes enfants en milieu rural : développer une offre innovante », les MAM constituent un outil de lutte contre la désertification de nos campagnes. Pour pouvoir s’installer et vivre dans une commune, les familles doivent pouvoir y trouver pour leurs enfants un mode de garde qui leur convienne.
On le voit, cette proposition de loi va permettre des avancées tout à fait notables.
Je rappellerai en conclusion que, selon ses auteurs, 300 000 à 400 000 parents, des mères dans leur immense majorité, sont contraints d’arrêter de travailler pour garder eux-mêmes – ou plutôt « elles-mêmes » ! – leur enfant. La possibilité de trouver un lieu d’accueil de leur enfant est donc essentielle pour de nombreuses familles, et notamment pour les foyers percevant de faibles revenus.
La question de la garde d’enfants devrait nous permettre de nous rassembler, au-delà des clivages politiques, autour de ce texte qui répond à l’attente de nos concitoyens. Pour sa part, bien évidemment, le groupe UMP l’adoptera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail massif des femmes a radicalement bousculé les habitudes des familles en matière de garde d’enfants. Si, voilà deux siècles, cette responsabilité incombait automatiquement aux femmes, aux mères, cela n’est matériellement plus possible aujourd’hui. Cette question devient ainsi un véritable enjeu de société puisque la France, avec un taux de natalité supérieur à deux enfants par femme, est, avec l’Irlande, le pays le plus performant en la matière.
Cette situation est moins liée à une politique supposément nataliste de notre pays qu’à l’existence de mesures sociales et législatives protégeant les salariées désirant devenir mères. Pour autant, elle est souvent synonyme, pour de très nombreux parents, d’importantes difficultés. Il manque en effet près de 350 000 places de garde, tous modes confondus. Selon le Gouvernement, 200 000 places seulement feraient défaut ; ce constat explique les objectifs contenus dans la convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la CNAF, convention qui ne prévoit la création que de 100 000 places en accueil collectif et de 100 000 places en garde individuelle, c’est-à-dire chez les assistants maternels.
Ce manque de place est aujourd’hui criant, comme nous l’avions dénoncé à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Notre collègue Guy Fischer faisait alors référence à une étude menée en Corse par une association familiale, et selon laquelle 43 % des couples qui n’ont pas recours à un mode de garde payant, soit qu’ils puissent compter sur leur famille, soit que l’un des deux parents ait réduit ou interrompu son activité professionnelle, en sont privés pour des raisons financières. Ce taux atteint même 63 % pour les familles monoparentales, particulièrement s’il s’agit de la mère.
La seconde justification de la renonciation au mode de garde payant est l’absence de place dans les structures collectives, en particulier dans les crèches. Cela est très logique et étroitement lié au premier motif dans la mesure où les crèches pratiquent des tarifs différenciés en fonction des revenus : pour les familles les plus modestes, la crèche reste le mode de garde le moins onéreux.
Il résulte de cette situation que 65 % des familles interrogées sur les améliorations à apporter à notre système de garde réclament clairement l’augmentation du nombre de places en crèche.
Loin de nous l’idée de stigmatiser les parents qui ont choisi de faire garder leur enfant par un assistant maternel, ou les professionnels concernés qui sont dans leur immense majorité des hommes et des femmes de qualité, totalement dévoués à leur métier.
C’est dans ce contexte de pénurie, néanmoins, que le Gouvernement, soutenu par la majorité, a fait le choix d’accroître par de nombreux moyens la capacité d’accueil des assistants maternels. C’est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez modifié les règles d’attribution de l’agrément départemental, étendu l’extension du prêt à l’amélioration de l’habitat aux assistants maternels et décidé de porter à quatre le nombre d’enfants que les assistants maternels sont autorisés à garder. Il convient d’ajouter à cette liste la diminution du nombre d’heures de formation exigées pour bénéficier d’un agrément, qui est passé de soixante à trente heures. Cette dernière décision, contre laquelle nous nous sommes élevés, nous incite à penser que vous privilégiez le quantitatif sur le qualitatif ; ce n’est pas acceptable, en particulier dans un domaine aussi sensible que celui de l’accueil des jeunes enfants, personnes vulnérables s’il en est.
Chacun se souvient, bien sûr, de l’amendement de nos collègues Lardeux et Arthuis tendant à généraliser l’expérimentation menée en Mayenne et dans les Alpes-Maritimes concernant les regroupements d’assistants maternels et déposé à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Il a été adopté par notre assemblée, mais la commission mixte paritaire ne l’a pas conservé ; on le retrouve aujourd’hui dans cette proposition de loi, avec la dénomination « maisons d’assistants maternels ».
Nous avions voté contre cette disposition, car nous considérions que la généralisation de cette expérimentation n’était pas de nature à répondre durablement aux difficultés que rencontrent les familles les plus modestes.
Je dois reconnaître que les trois regroupements que nous avons visités en Mayenne semblent fonctionner de manière convenable et qu’ils répondent, notamment, à la demande de certaines familles de bénéficier d’un mode de garde prenant en compte les horaires atypiques. Indéniablement, ces regroupements peuvent aussi correspondre à la volonté d’un certain nombre d’assistants maternels, qui éprouvent le besoin de travailler de manière plus collective ou qui souhaitent exercer leur activité professionnelle dans un lieu distinct de leur domicile, en raison notamment des changements qui interviennent au sein de leur famille, comme le vieillissement de leurs propres enfants.
M. Jean Arthuis. Très bien !
Mme Isabelle Pasquet. Nous entendons cependant prendre position à l’égard de ces regroupements de la même manière que nous le ferions à propos d’un nouveau mode de garde collectif de la petite enfance car, au final, c’est bien de cela que nous parlons aujourd’hui.
Force est de constater, face à ce mode de garde collectif qui ne dit pas son nom, que les règles en matière de sécurité, de qualité d’accueil, d’information et de formation des professionnels sont très insatisfaisantes, notamment lorsqu’on les compare à celles qui sont en vigueur dans les crèches familiales ou les micro-crèches. À titre d’exemple, le second alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article L. 421-23 du code de l’action sociale et des familles ne fait pas référence à une durée d’expérience professionnelle qui pourrait être requise pour une assistante maternelle déjà agréée souhaitant exercer dans une MAM. En revanche, les assistantes maternelles postulant pour un emploi en micro-crèche doivent justifier de cinq ans d’ancienneté dans leur profession.
D’une manière plus générale, nous regrettons, là encore, que les règles minimales en matière d’accueil collectif, comme le projet éducatif ou encore l’encadrement nécessaire pour travailler dans de telles structures, soient totalement absentes. Il est pourtant bien différent de travailler chez soi et de manière individuelle et de travailler dans un local distinct de l’habitation et de manière collective. Ce dernier mode d’exercice requiert des compétences particulières, comme « celles relatives à l’animation et la gestion d’un groupe d’enfants, celui-ci pouvant aller jusqu’à 16 jeunes enfants d’âges différents, des relations avec de nombreux parents, le positionnement dans des situations de conflit professionnel et le recours à un dispositif de régulation », ainsi que le souligne à raison le collectif « Pas de bébés à la consigne ! » dont est membre l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles, l’UFNAFAAM.
Pour toutes ces raisons et pour celles que nous aurons l’occasion de développer dans la suite de la discussion, je ne partage pas votre allégresse, monsieur Arthuis. À défaut de l’adoption de nos propres amendements, nous n’aurons d’autre choix, dans l’intérêt des enfants, et dans le respect des parents et des professionnels, que de voter contre le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.
M. Joseph Kergueris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte II de la décentralisation a permis aux collectivités d’innover pour répondre au mieux aux besoins locaux ; elles ne s’en sont pas privées.
C’est sur la base de ces libertés nouvelles que, dans une dizaine de départements, a été expérimentée une formule très prometteuse en matière d’accueil des jeunes enfants : les maisons d’assistants maternels.
À la suite de l’initiative pionnière de notre collègue Jean Arthuis dans la Mayenne, le département dont j’ai l’honneur de présider le conseil général, le Morbihan, a été l’un des premiers à lancer cette expérimentation ; elle dure depuis plus de quatre ans et, à nos yeux, elle a largement fait ses preuves.
Or, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, au moment où cette formule relevant jusqu’à présent de la seule expérimentation devrait être consacrée et institutionnalisée, elle est à maints égards menacée ; le présent projet de loi présente donc un caractère absolument indispensable. En effet, les maisons d’assistants maternels constituent la meilleure réponse à un besoin local criant.
Nous sommes victimes du succès de notre politique nataliste. Comme l’a rappelé le rapporteur, la France affiche l’un des taux de fécondité les plus élevés de l’Union européenne ; mais, en aval, le rythme de développement des infrastructures n’est pas satisfaisant. L’offre d’accueil, même si elle a beaucoup crû au cours des dernières années, reste grandement insuffisante. Un chiffre résume bien la situation : à son rythme actuel de développement, les besoins ne pourraient théoriquement être couverts qu’en 2021.
Dans ces conditions, l’offre d’accueil doit absolument être développée. Parmi les différentes formules de garde envisageables, les maisons d’assistants maternels sont les mieux adaptées à l’accueil des enfants en grand nombre. Elles présentent, par rapport à l’accueil par une assistante maternelle seule, à la garde à domicile et à l’accueil en établissement, des avantages à la fois économiques, sociaux et, si j’ose dire, mécaniques.
Premièrement, l’avantage économique : l’accueil par une assistante maternelle, qu’elle exerce sa profession seule ou dans le cadre d’un regroupement, constitue la solution la moins onéreuse, tant pour la famille que pour la collectivité. En effet, tandis que l’assistante maternelle est accessible à toutes les bourses, la garde à domicile reste réservée aux foyers les plus aisés. Du point de vue de la collectivité, les assistantes maternelles, payées directement par les parents, ne sont pas une charge pour la commune ; l’aide en nature ou en espèce que cette dernière peut apporter reste toujours inférieure au coût de fonctionnement d’une crèche. Je ne m’attarderai pas sur le coût de création d’une place en crèche…
Deuxièmement, l’avantage social : les maisons d’assistants maternels peuvent offrir des horaires de garde beaucoup plus souples que les établissements collectifs – les différents orateurs qui m’ont précédé l’ont indiqué –, horaires comparables à ceux de la garde à domicile. C’est leur immense atout. Cette offre correspond à un besoin vital de nombreux parents travaillant en horaires décalés. De plus, contrairement à la garde à domicile, les maisons d’assistants maternels favorisent aussi la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge.
Troisièmement, le développement des maisons d’assistants maternels devrait mécaniquement emporter augmentation des capacités d’accueil, en permettant l’accès à la profession de personnes dont le logement est exigu ou non conforme aux critères requis pour l’agrément par la PMI, ou encore dont l’habitation est située dans une zone où la demande est trop faible, et de celles qui ont du mal à concilier leur activité et leur vie familiale.
Tels sont les considérations et les constats qui nous ont incités, en tant que présidents de conseil général, à miser sur ce mode innovant d’accueil des jeunes enfants.
L’expérimentation menée a largement porté ses fruits. Mais alors que l’heure est à sa consécration législative, elle est plus que jamais menacée par la convention type que la Caisse nationale des allocations familiales voudrait imposer.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a bien fait entrer les maisons d’assistants maternels dans la loi, en soumettant leur ouverture à la signature d’une convention entre elles, le conseil général et la caisse d’allocations familiales. Or la convention type élaborée par la CNAF en application de ce texte, et qui nous a été soumise le 29 juillet dernier, compromet tout le dispositif.
Je ne m’étendrai pas longuement sur ses insuffisances, d’autres orateurs l’ayant déjà abondamment fait et très bien fait avant moi.
Cette convention est de nature non seulement à porter un coup d’arrêt au développement des maisons d’assistants maternels à l’avenir, mais aussi à déstabiliser et à remettre en cause celles qui existent déjà. Le résultat est exactement inverse à celui que nous escomptions. Convenons qu’il s’agit là d’un tour de force !
Au cœur du problème se trouve évidemment la délégation d’accueil, décrite par le menu par d’autres que moi. Je n’y reviendrai donc pas.
Or vous savez, mes chers collègues, que la convention type de la CNAF interdit purement et simplement la délégation d’accueil. Rien que pour cette raison, elle n’est pas acceptable. D’autre part, elle est extrêmement complexe.
C’est pour réagir à cette condamnation annoncée des maisons d’assistants maternels que Jean Arthuis, Alain Lambert et moi-même, notamment, avons protesté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous l’avons fait avec d’autant plus de vigueur que nous sommes confrontés à ce qui nous paraît être un cas manifeste et inacceptable d’entrave à la décentralisation.
Quoi qu’il en soit, la convention de la CNAF incarne l’opposé de ce dont ont besoin les maisons d’assistants maternels : un cadre juridique spécifique et opérationnel, visant à faciliter leur développement dans des conditions sécurisées et respectueuses des prérogatives et des libertés départementales.
Nous entendions les doter d’un tel cadre juridique en déposant l’amendement que nous avions défendu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous avons vivement regretté que la commission mixte paritaire ne nous suive pas.
Cependant, nous ne pouvons que nous réjouir aujourd’hui du soutien du Gouvernement : rendez-vous avait en effet été pris pour que notre amendement soit transformé en une proposition de loi. C’est désormais chose faite.
La présente proposition de loi répond très exactement à la problématique des maisons d’assistants maternels.
D’une part, elle autorise explicitement la délégation d’accueil. Dans le contrat de travail, les parents pourront autoriser l’assistant qu’ils emploient à déléguer temporairement l’accueil de leur enfant à un ou plusieurs de ses collègues exerçant dans la même maison. Chaque professionnel devra s’assurer en conséquence.
Le dispositif offre une triple sécurité : les parents gardent la maîtrise de leur contrat de travail ; les assistants maternels conservent un contrat de travail identique ; les présidents de conseil général seront protégés par la loi et, en conséquence, leur responsabilité ne pourra plus être engagée.
D’autre part, ce texte respecte les principes de la décentralisation, auxquels chacun d’entre nous, dans cet hémicycle, est, j’en suis convaincu, profondément attaché.
Ainsi donne-t-il le choix aux conseils généraux de recourir ou non à une convention. Le cadre global étant sécurisé par la loi, la convention ne s’imposera plus nécessairement, ce qui est parfaitement rationnel.
De plus, et c’est heureux, le texte confie le contrôle des maisons d’assistants maternels aux services de la PMI. C’est pourquoi il est adapté à la problématique juridique résultant de la nécessité de développer ces établissements.
J’ai certes le sentiment de répéter des propos qui ont déjà été tenus. Mais, monsieur le ministre, vous qui êtes expert en la matière, vous savez que la répétition est le fondement de la pédagogie. (Sourires.) J’espère qu’en nous livrant tous à cet exercice, nous arriverons à convaincre le plus grand nombre. Sachez que, convaincus, les membres du groupe Union centriste le sont déjà et qu’ils voteront donc la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.