M. Christian Poncelet. Exact !
M. Aymeri de Montesquiou. Sachant qu’il faut aller plus loin dans la tenue de la dépense publique, le grand emprunt, qui nous sera prochainement proposé, s’apparente à un « plan de relance bis », prenant certes en charge les investissements indispensables que le budget est incapable d’assumer, mais alourdissant encore plus notre dette.
Mes chers collègues, ne nous trompons pas de débat ! Ne confondons pas l’indispensable endettement par des investissements nécessaires pour préparer l’avenir, comme le plan de relance ou comme doit l’être également le grand emprunt, avec un endettement qui est devenu structurel !
Concernant le plan de relance, nous constatons que celui-ci a été bien calibré, avec une efficacité réelle. Sur ce dernier point, il suffit de considérer les performances de notre pays aux deuxième et troisième trimestres. Des mesures comme la « prime à la casse », qui a véritablement soutenu l’industrie automobile, ou les investissements dans les infrastructures publiques se sont révélées assez efficaces.
Hélas ! les chiffres du chômage ne sont pas, quant à eux, au rendez-vous. Quand on compare les résultats des plans de relance allemand et français, on constate que celui qu’ont engagé nos voisins, qui comporte un volet de soutien plus fort de l’emploi, a effectivement eu des effets positifs en matière d’activité et de lutte contre le chômage.
À cet égard, la comparaison avec l’Allemagne est extrêmement intéressante : malgré une récession trois fois plus forte que celle qu’a enregistrée la France, ce pays a maintenu relativement son niveau d’emploi. La situation du chômage s’y est beaucoup moins dégradée qu’en France.
S’agissant de nos recettes, celles-ci sont en constante dégradation en raison non seulement de la crise, mais aussi de notre incapacité à réduire les niches fiscales et de l’obstination à maintenir un bouclier fiscal, justifié en période de croissance, mais injuste en temps de crise.
Je salue ici la ténacité de la commission des finances, qui, chaque année, persiste dans son indépendance à l’égard du politiquement correct.
Une loi de finances rectificative peut corriger, ajuster et, éventuellement, infléchir la loi de finances en cours d’exécution. Celle de 2009 a déjà connu deux collectifs et deux décrets d’avance. Elle n’a pas vocation à créer de nouvelles dépenses, prévisibles et récurrentes, comme la prime de Noël, ni à les sous-budgétiser volontairement, comme c’est le cas de la prime pour l’emploi. Ces mesures devraient figurer dans la loi de finances initiale.
Je dirai un mot sur les contributions internationales – 84 millions d’euros pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » –, auxquelles s’ajoutent les surcoûts liés aux opérations extérieures, les OPEX, dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONU.
Leur calendrier est certes décalé par rapport à notre calendrier budgétaire, mais il est connu, et l’on devrait prévoir les dépenses en conséquence. Ce sont plus de 227 millions d’euros qui ont dû être ouverts par le décret d’avance du 9 novembre et 223 millions d’euros par ce projet de loi sur le programme « Équipement des forces » de la mission « Défense ».
Les dépenses liées aux OPEX, peuvent et doivent être diminuées par leur mutualisation au niveau de l’Union européenne. C’est une exigence d’équité. En effet, il n’est pas normal que des États qui envoient des soldats risquant leur vie sur des théâtres extérieurs soient de plus seuls à payer la mobilisation de ces forces. Comme je l’avais proposé lors de la discussion budgétaire sur l’action extérieure de l’État, nous devons mutualiser les dépenses au niveau de l’Union, équilibrer la charge entre tous les membres, d’autant que la majorité des opérations se déroulent sous l’égide européenne. Cela renforcerait la réalité d’une solidarité entre les États de l’Union et démontrerait qu’il existe une politique européenne de défense.
M. Michel Charasse. C’est l’ONU qui devrait financer cela, comme autrefois !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, il est indispensable que vous, plus que tout autre, nous présentiez un calendrier chiffré pour éliminer notre déficit structurel. Il est indispensable, aussi, que vos propositions apparaissent comme réalistes et sincères, et non politiquement habiles. Alors, suivez, je vous prie, le conseil du prix Nobel de littérature de l’an 2000, Gao Xingjian : « La sincérité mène à l’exactitude ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce collectif de fin d’année 2009, nous sommes en présence de la troisième loi de finances rectificative pour cette année. Elle se traduit par une nouvelle aggravation de la situation des comptes publics puisque le solde budgétaire enregistre un déficit de plus de 140 milliards d’euros.
Ce déficit est atteint malgré les annonces réitérées et claironnantes du plan de relance, et la dégradation de la situation économique et sociale du pays trouve donc sa traduction dans l’état des comptes de la nation comme dans celui de la sécurité sociale
Nous ne pouvons, comme a tenté de le faire le Président de la République, nous satisfaire de subir cette année une récession moins élevée que celle de l’Allemagne fédérale ou du Royaume-Uni.
La progression du chômage, le ralentissement de l’activité économique, l’aggravation de la vie quotidienne pour des millions et des millions de nos compatriotes : telle est la dure réalité.
Le nombre des inscrits à Pôle emploi a progressé de plus de 670 000 depuis le début de l’année ; ainsi, on compte désormais plus de 4 millions de personnes privées d’emploi dans les trois premières catégories de chômeurs recensés.
Bien évidemment, Pôle emploi est dans l’incapacité de faire face à une telle situation, comme le traduit le mouvement revendicatif de son personnel.
Une nouvelle fois, le Gouvernement envisage de recourir aux services d’agences d’intérim et aux cabinets de recrutement privés pour faire face à l’afflux de ces sans-emploi. Pourtant, si l’on en juge par les résultats, les premières expériences menées à ce propos n’ont pas été très pertinentes ni très concluantes.
La crise de l’emploi dans notre pays n’est pas liée à une supposée médiocre qualité du service public, encore que l’insuffisance des moyens et les restructurations à la hussarde n’aient rien arrangé. En fait, la recherche épuisante du profit par les entreprises, au détriment de l’emploi et du travail, est la véritable cause de la perte d’emploi, dont nous voyons les conséquences sur les chiffres du chômage.
Dans le même temps, le nombre des procédures collectives ne cesse d’augmenter. Pourtant, les banques, quoique généreusement aidées par l’État, continuent de se faire « tirer l’oreille » pour aider les petites et moyennes entreprises, alors que ces dernières sont bien souvent celles qui créent ces emplois indispensables à la réinsertion des chômeurs.
La contraction du volume du crédit bancaire aux PME n’a pas empêché les mêmes banques de réaliser cette année d’importants profits, qu’elles s’apprêtent à distribuer généreusement à leurs dirigeants en bonus, primes et avantages divers.
L’indignation vertueuse du Président de la République, tentant d’emboîter le pas du Premier ministre britannique, M. Brown, semble s’être assez rapidement dissipée devant le rappel au « principe de réalité » formulé par les banquiers eux-mêmes et relayé par Mme la ministre de l’économie, soucieuse comme à son habitude d’éviter de « plomber les banques françaises ».
Voilà où mène un plan de sauvetage des banques qui n’en était pas un et qui s’est limité à apporter, en abondance, l’argent public aux banques, alors empêtrées dans leurs propres dérives, sans garanties ni contreparties !
L’annonce, hier, en conseil des ministres, d’un projet de taxation temporaire des bonus accordés aux dirigeants de banques ou aux traders ne change que peu de chose. On continue d’avoir beaucoup de peine à faire légitimement contribuer les entreprises au financement de l’action publique, et les mesures qui sont prises ne le sont que sous la contrainte d’une opinion publique légitimement révoltée par des pratiques aussi incompréhensibles.
N’oublions pas, cependant, qu’il faudra bien un jour poser de manière beaucoup plus précise la question de la fiscalité des entreprises, puisqu’un récent rapport de la Cour des comptes vient de confirmer ce que nous avançons depuis fort longtemps.
Les plus grandes entreprises, celles dont l’insertion dans l’économie globalisée est la plus forte, celles qui figurent dans le CAC 40, sont passées maîtres dans l’art de l’optimisation fiscale, celle-ci ayant été grandement facilitée par des décennies de mesures encourageant une telle évasion fiscale.
L’aggravation de la situation des comptes publics trouve également sa traduction dans l’explosion de la dette de l’État. Au rythme actuel, nous devrions atteindre, à la fin de décembre, une dette publique de 1 200 milliards d’euros, dette dans laquelle la part des titres de court terme devient de plus en plus préoccupante.
Quand le Président de la République présente le célèbre grand emprunt de 35 milliards d’euros, il oublie évidemment de rappeler que, durant le seul mois de juin dernier, l’État a levé pour 60 milliards d’euros de bons du Trésor à court terme ! Cela, vous en conviendrez, relativise immédiatement la portée du fameux « grand emprunt ».
Nous ne sommes pas des partisans fanatiques du choix du désendettement à tout prix comme ligne directrice budgétaire, mais nous considérons, sur le fond, que ni la dette accumulée ni le grand emprunt ne constituent des solutions acceptables pour financer l’action publique si, dans le même temps, rien n’est fait pour redresser les recettes fiscales.
D’ailleurs, à l’annonce des priorités formulées par le Président de la République, tout laisse penser que le grand emprunt, en faisant porter le poids des intérêts et du remboursement du capital sur les seuls comptes publics, donnera en fait à quelques groupes privés l’occasion de s’enrichir sur le dos de la collectivité.
Venons-en au contenu du présent projet de loi de finances rectificative. Aucune mesure relative aux recettes n’est prise dans ce collectif. Cela signifie que le Gouvernement entend laisser filer le déficit. Notre pays s’expose ainsi au risque de rétorsion de la Commission européenne. Il pourrait se voir signifier de prétendues mesures de redressement qui seront encore plus nuisibles que les maux dont souffrent nos comptes publics. Mais il sera alors toujours possible de soutenir que c’est l’Europe qui les impose.
Le traité de Lisbonne ne met aucunement la France à l’abri de telles dispositions, alors même que c’est la philosophie générale de la construction européenne dont il découle qui est, pour une grande part, à l’origine des difficultés que nous connaissons.
En ce qui concerne la seconde partie de projet de loi de finances, les dispositifs destinés à la lutte contre la fraude fiscale ne nous semblent pas particulièrement opérants. La lutte contre la fraude est certes une nécessité, mais force est de constater que, depuis plusieurs années, le problème est plutôt celui de l’évasion fiscale, c’est-à-dire tout ce qui permet à quelques personnes ou entreprises bien informés de payer le moins d’impôt possible, et ce en toute légalité.
En matière de lutte contre les paradis fiscaux, outre le fait que les principaux paradis fiscaux ne sont pas réellement désignés, il faudrait peut-être commencer par balayer devant notre porte et faire en sorte qu’ils disparaissent et de notre territoire national et de l’Union Européenne !
Outre la transposition dans notre législation de règles communautaires en matière de contrôle douanier et de fiscalité indirecte, le collectif de fin d’année présente, comme d’habitude, une série hétéroclite de dispositions n’ayant le plus souvent qu’un lien extrêmement limité entre elles. Leur seul point commun est, a priori, de constituer des mesures de caractère fiscal, mais sans grandes lignes cohérentes dans leur définition ni dans leur application. Nous aurons l’occasion de revenir sur certaines de ces dispositions lors de la discussion des articles.
Il est en effet temps de cesser de voter la prorogation de tel ou tel dispositif fiscal dérogatoire sans jamais en analyser l’efficacité ou l’utilité.
Pour le reste, dans la mesure où ce collectif prolonge les choix politiques et budgétaires que nous avons combattus dès l’automne 2008, nous ne pourrons évidemment que voter contre l’ensemble du texte. (Mme Nicole Bricq applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le cinquième projet de loi de finances rectificative soumis au Parlement en un peu plus d’un an. Cette succession, peu habituelle, reflète la gravité de la crise que nous traversons et la nécessité d’intervenir de façon répétée pour soutenir l’économie.
Le sauvetage du système financier, les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, l’allégement de l’impôt sur le revenu, l’accélération des projets d’investissement public, les prêts aux constructeurs automobiles, pour ne citer que ces exemples, ont été décidés successivement au cours de l’année 2009.
Ces mesures visent à soutenir l’ensemble des secteurs – l’industrie, la banque, l’immobilier – et des agents économiques – les entreprises et les ménages bien sûr, mais aussi les collectivités territoriales.
En associant mesures fiscales, dont l’impact est immédiat, et mesures budgétaires, dont l’effet se fait sentir progressivement, le plan mis en œuvre par le Gouvernement accompagne la reprise dans le temps.
La première observation qu’appelle ce plan de relance, c’est qu’il a été bien calibré et bien orienté. Non seulement les montants engagés nous semblent appropriés – environ 39 milliards d’euros sur le budget de l’État, une vingtaine de milliards d’euros sur la sécurité sociale –, mais ils ont été orientés essentiellement vers l’investissement, et ce choix était le bon.
Monsieur le ministre, cela m’amène à formuler une seconde observation sur la distinction que vous effectuez entre les dépenses liées au plan de relance et les autres dépenses. Je m’interroge sur la pertinence de cette distinction dans la mesure où il est clair que les dépenses hors plan de relance ont elles aussi été touchées par la crise. C’est vrai à la baisse, le meilleur exemple étant évidemment la réduction de la charge de la dette due à la faiblesse des taux d’intérêts et de l’inflation. C’est malheureusement vrai également à la hausse, notamment en matière de dépenses sociales.
Il nous semble en outre difficile de distinguer les dépenses de relance des dépenses « normales » selon leur caractère renouvelable ou non. Cette distinction est inopérante concernant l’augmentation des prestations sociales, mais on peut aussi douter de sa pertinence en matière de dépenses engagées sur le budget de l’État.
La plupart d’entre elles ne seront pas reconductibles, certes, mais peut-on affirmer qu’aucune ne le sera ? Sans doute pas ! Il serait d’ailleurs opportun de nous interroger ouvertement sur la pérennisation de certaines dépenses. Dans cette optique, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si les crédits du Fonds d’investissement social seront éteints au 31 décembre 2010 ou s’ils seront pérennisés ?
Peut-être serait-il plus simple et plus sincère, d’un point de vue budgétaire, de raisonner à partir de la situation globale de nos comptes, comme le fait la Commission européenne.
Entreprendre cette analyse globale de nos comptes publics est un exercice périlleux tant les chiffres peuvent donner le tournis. Permettez-moi à mon tour de les rappeler rapidement : 140 milliards d’euros pour le déficit budgétaire de l’État en 2010, 8,2 % du PIB pour le déficit des administrations publiques, 84 % du PIB, enfin, pour le ratio de notre dette publique, qui a augmenté de près de 20 points en deux ans.
J’insisterai sur un dernier chiffre, 56 milliards d’euros, qui représente la différence entre les recettes budgétaires prévues en loi de finances initiale et le montant effectivement constaté dans ce collectif.
M. Christian Poncelet. C’est vrai !
M. Christian Gaudin. Devant cet effondrement des recettes, nous devons nous concentrer sur la maîtrise de la dépense. À cet égard, nous voulons saluer les efforts pour contenir la dépense publique.
Je ne pense pas aux 5 milliards de charges financières qui ont pu être économisés. Cette économie ne résulte pas d’une action particulière, si ce n’est le travail remarquable de l’Agence France Trésor. C’est un fait. Nous pouvons certes nous en réjouir, mais il n’y a pas lieu de nous en féliciter.
Je pense en revanche aux efforts réels qui sont entrepris pour contenir nos dépenses de fonctionnement. Il faut bien évidemment poursuivre ces actions et, de façon ciblée, aller plus loin. Toutefois, mes chers collègues, cela ne suffira pas !
Au cours de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2010, je m’étais permis d’évoquer la façon dont le Canada a assaini ses finances publiques voilà maintenant quelques années. Sans y revenir, permettez-moi de tirer de cette expérience étrangère un enseignement très simple : pour redresser notre situation budgétaire, il faut bien évidemment réduire nos dépenses, mais aussi stabiliser nos recettes.
Cela paraît très simple, assez clair, et pourtant, cette année encore, nous avons emprunté une autre voie. Nous avons diminué des recettes fiscales importantes, par exemple en abaissant le taux de TVA dans la restauration. Nous n’avons pas gagé à due concurrence toutes les dépenses fiscales qui ont été initiées, alors qu’un engagement avait été pris en ce sens. Mes chers collègues, l’insoutenable légèreté de notre dette publique ne durera pas. Dès l’an prochain, les taux d’intérêt repartiront à la hausse,…
M. Christian Poncelet. Eh oui !
M. Christian Gaudin. … et l’inflation ne tardera pas à suivre. Nous ne pouvons plus, nous ne pouvons tout simplement plus continuer sur cette voie !
En ce sens, le plafonnement des niches fiscales à 20 000 euros et 8 % du revenu imposable, adopté à l’unanimité en commission mixte paritaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, est un signal très positif.
Pour en revenir au présent projet de loi de finances rectificative pour 2009, je tiens à souligner le signal très positif qui est adressé à nos partenaires européens et internationaux en matière de lutte contre les paradis fiscaux.
Quelques mois seulement après le sommet du G20 à Pittsburgh, en septembre dernier, les dispositions proposées dans ce collectif font de la France un pays pionnier dans ce domaine. J’espère que cela incitera nos partenaires à avancer dans la même direction.
L’année dernière, je concluais mon intervention en affirmant que moralisation et responsabilisation sont les seuls mots d’ordre que l’on peut défendre si l’on veut sortir de la crise et ne pas y replonger. Mes chers collègues, je me réjouis sincèrement que ces paroles trouvent aujourd’hui un écho concret.
Le groupe de l’Union centriste votera, dans sa grande majorité, ce projet de loi de finances rectificative pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit dans un contexte exceptionnel puisque notre pays subit une crise économique sans précédent.
Le budget pour 2009 a donc été essentiellement axé autour d’un plan de relance économique qui visait à amortir le choc de la crise.
Notre politique de relance massive, très volontariste et ciblée sur les investissements, a indéniablement eu des effets positifs sur notre économie en 2009.
Selon le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, M. Patrick Devedjian, pour la période 2009-2010, le Gouvernement estime que le plan de relance permettra de créer ou de sauvegarder 400 000 emplois, dont un peu plus de 250 000 sur la seule année 2009.
Le très sérieux journal britannique Financial Times a estimé que l’économie de la France s’est révélée l’une des plus résistantes du monde industriel. Il considère en outre que les mesures prises par le gouvernement français ont permis d’éviter « une récession encore plus marquée ».
Pour autant, même si nous semblons mieux nous en sortir que nos voisins européens, la crise a tout de même eu un très fort impact sur la France.
Le déficit de l’État a atteint le record historique de 141 milliards d’euros en 2009. Ce chiffre est vertigineux, mais je tiens à rappeler que notre vrai déficit, le déficit structurel, n’est que de 45 milliards d’euros. Près de 57 milliards d’euros proviennent d’une baisse des recettes liée à la crise économique, et 39 milliards d’euros correspondent au plan de relance et ne sont pas des fonds perdus.
En faisant le choix d’une relance par l’investissement, nous recueillerons dans l’avenir les fruits de l’argent investi. Nous sommes à une période charnière, celle de la sortie de crise. Il faut la consolider, conforter un retour de la croissance encore très fragile.
Le groupe UMP se réjouit que le Gouvernement ait décidé de conserver cette dynamique de l’investissement, au travers du grand emprunt, dont les détails nous ont été présentés voilà quelques jours par le Président de la République.
Il salue les priorités choisies par le chef de l’État dans trois secteurs créateurs de richesses, porteurs de croissance et d’emplois, que sont les technologies vertes, les technologies de l’information et la recherche universitaire.
Le contrôle de l’utilisation effective des 35 milliards d’euros du grand emprunt pour des dépenses d’avenir, dans des secteurs prioritaires aujourd’hui identifiés, relèvera d’ailleurs du Parlement, qui devra pleinement jouer son rôle de contrôle.
Le grand emprunt devra en partie garantir l’avenir, un avenir dont les perspectives doivent être éclairées à la lumière de cette année 2009, qui va le marquer durablement.
Nous devons sans doute nous résoudre à l’idée de ne jamais retrouver un niveau de croissance comparable à celui que nous avons pu connaître avant la crise.
Il faut aussi tenir compte des intérêts de la dette. Aujourd’hui, nous avons pu bénéficier de leur baisse significative ; mais qu’en sera-t-il demain ?
Le présent collectif prévoit que, grâce à cette baisse significative des taux d’intérêt et à la faiblesse de l’inflation, les intérêts de la dette payés par l’État devraient baisser de 5,1 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales.
Malgré l’augmentation de 1,2 milliard d’euros des prélèvements sur recettes, principalement au profit de l’Union européenne, la hausse des dotations versées à la sécurité sociale en raison de la crise économique et les dépenses exceptionnelles liées à la grippe H1N1, l’État aura donc économisé quelque 2 milliards d’euros.
Le groupe UMP se félicite que le collectif budgétaire prévoie d’employer cette marge de 2 milliards d’euros pour le remboursement des dettes de l’État à l’égard des organismes sociaux. Au total, la dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, qui s’élevait à 3,5 milliards d’euros à la fin de 2008, sera ramenée à moins de 1 milliard d’euros à l’issue de cette année.
S’il est le fruit de données difficilement maîtrisables, comme l’inflation ou l’évolution des taux d’intérêt, ce résultat traduit également une stricte maîtrise des dépenses, dont l’évolution est plus que gelée en valeur par rapport à 2008.
Le groupe UMP sait gré au Gouvernement de son effort constant dans ce domaine, notamment au travers des mesures de révision générale des politiques publiques, ou RGPP, et de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Les mesures de lutte contre la fraude fiscale en France et contre l’évasion fiscale à l’étranger, présentées dans le présent collectif, participent aussi de cette volonté de maîtriser notre budget, à commencer par nos capitaux, qui doivent rester en France.
Il faut en outre remédier à une fraude, au travers notamment de l’économie souterraine, qui est estimée à plusieurs dizaines de milliards d’euros. D’aucuns parlent de 40 milliards d’euros, soit l’équivalent de notre déficit structurel ! Cette situation est absolument inacceptable au regard du niveau actuel de nos déficits et de notre endettement.
Lutte contre la fraude fiscale, lutte contre l’évasion vers des paradis fiscaux, maîtrise des dépenses, voilà la trilogie que notre groupe soutient dans ce collectif.
C’est pourquoi le groupe UMP votera sans réserve ce projet de loi de finances rectificative pour 2009. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Christian Poncelet. Monsieur le ministre, j’espère que votre participation assidue à nos travaux vous vaudra des indemnités pour heures supplémentaires ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre pays, durement atteint par la crise d’une gravité exceptionnelle qui a frappé la plupart des nations, a bénéficié d’un actif soutien financier du Gouvernement aux entreprises et a pu, grâce aux aides attribuées au secteur économique, enregistrer la fin de la récession ; il s’est par la suite engagé dans la sortie de crise.
Il n’est donc pas anormal que les nombreuses interventions de l’État, qui, comme l’ont dit les uns et les autres, ont fortement contribué à favoriser le rétablissement financier et la reprise économique, trouvent leur traduction budgétaire dans le présent collectif ; on y recense une augmentation relative des dépenses et un sensible accroissement des pertes de recettes qui ont accompagné les mesures ainsi mises en œuvre.
Dès l’abord, la question se pose donc de savoir si le déficit atteint en 2009, que l’on peut qualifier d’historique en raison de son montant de 141 milliards d’euros, résulte pour l’essentiel de crédits massivement attribués, dans le cadre de la relance, par le Gouvernement aux différents acteurs financiers et économiques.
Initialement fixé, pour 2009, à 66,9 milliards d’euros, il a par conséquent plus que doublé au cours de l’exercice. Par rapport à 2008, la dégradation est importante : le déficit est ainsi passé de 3,4 à 4,4 points de PIB en loi de finances initiale, puis, avec ce troisième collectif pour 2009, il a atteint le niveau de 8,2 points de PIB.
C’est dire que, d’une année sur l’autre, la détérioration s’est nettement aggravée : de 4,8 points de PIB ! Monsieur le ministre, quelles sont les causes exactes de cette situation, étant précisé que, selon notre excellent rapporteur général ici présent, M. Philippe Marini,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie !
M. Christian Poncelet. … dans cet ensemble, l’aide fournie au titre du plan de relance figurerait à hauteur de 1,2 point de PIB ? Peut-être convient-il de rechercher une explication dans le bas niveau des recettes : celui-ci serait, selon le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, « la conséquence des choix budgétaires faits depuis 2000, qui ont contribué à affaiblir la capacité de l’État à financer les politiques publiques qu’il met en œuvre ».
Plus généralement, n’est-on pas conduit, pour voir clair, à constater qu’il existerait, selon certains services administratifs, une sorte de part incompressible, dite « structurelle », du déficit, estimée à 44 milliards d’euros ? Or, si l’on peut avoir une approche conjoncturelle du déficit, force est de reconnaître, comme l’a relevé M. le rapporteur général, que le déficit structurel, quant à lui, est un concept ambigu. Ce n’est pas une base fondamentale dans l’élaboration de la structure budgétaire.
Plus préoccupante est la part du déficit dans le budget annuel : ainsi, pour 2009, elle représente près de 39 % du budget, ce qui signifie que deux cinquièmes environ des dépenses effectuées sont payés par des recettes à venir. À un tel niveau, la contrainte qui s’impose n’est-elle pas d’abord de contenir le déficit, même si la tentation est grande, comme dans de nombreux pays, de le « laisser filer » ?
Au surplus, la forte progression de ce déficit budgétaire s’accompagne de l’augmentation, également forte, du déficit public, c’est-à-dire de celui de l’ensemble des administrations et organismes publics. Évalué à 160 milliards d’euros pour 2009, celui-ci représente 8,3 points de PIB. Dès lors, il n’est pas étonnant que l’on observe l’accroissement de l’encours de la dette tandis que l’on relève paradoxalement une progression apparemment limitée de la charge des intérêts.
En conséquence, dans le présent collectif, de substantielles économies – 5,11 milliards d’euros –, constatées sur la charge de la dette de l’État, par suite de la faiblesse de l’inflation et, surtout, du très bas niveau des taux d’intérêt, permettent de procéder ainsi à l’assainissement des relations financières avec la sécurité sociale, tout en limitant la dépense globale de l’État au montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2009.
Une telle situation, monsieur le ministre, ne saurait durer, et on pourrait, avec le retour de la croissance tant annoncé, enregistrer une remontée significative des taux d’intérêt. N’y a-t-il pas lieu de craindre que, dans ces conditions, « l’effet taux » ne compense plus « l’effet volume » ?
Parallèlement, quand on se réfère à la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement tendant à favoriser le retour des recettes par la croissance et à tenir les dépenses, on est en droit de se demander si la relance de l’économie peut être longtemps subordonnée à un appel massif au marché financier. Celui-ci apprécie, certes, aujourd’hui la signature de l’État et couvrira la souscription du grand emprunt – 22 milliards d’euros – destiné, dans le cadre d’un schéma de gouvernance indépendant et d’une gestion budgétaire autonome que j’approuve – c’est une excellente initiative, et il faut persévérer –, à fournir les ressources nécessaires au redéploiement des universités et au développement de la recherche et des nouvelles technologies.
Malgré les précautions prises, le lancement de cet emprunt, qui s’ajoutera à ceux qui sont destinés à assurer la gestion courante de l’État, ne risque-t-il pas de rendre les marchés plus attentifs à notre capacité à contenir l’endettement, quand bien même le moment choisi pour procéder à cette opération paraît des plus favorables, compte tenu du niveau des taux d’intérêt et du caractère relativement bas de la charge de la dette ?
Mais le problème de fond qui nous est posé n’est-il pas de réussir l’ajustement du déficit public et de revenir au respect du pacte de stabilité, tant réclamé, et dont l’application apparaît si difficile ?
À cet effet, le Gouvernement avait, semble-il, jusqu’à une date récente, opté pour une certaine stabilité fiscale. Or, si le projet de loi de finances pour 2010 supprime la taxe professionnelle sur les investissements productifs, il crée parallèlement une taxe carbone qui, dans certains secteurs comme le textile – j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur l’ennoblissement et la teinturerie –, se traduira par des augmentations d’imposition supérieures aux gains réalisés grâce à la suppression de la taxe professionnelle.
C’est ainsi qu’une entreprise me faisait remarquer que, si elle gagnait 100 000 euros d’un côté avec la suppression de la taxe professionnelle, elle en perdait 300 000 en raison de la création de la contribution carbone. Il faudra donc être très vigilant !
Dans le même temps, la chancelière d’Allemagne décidait cependant de procéder à d’importants allégements fiscaux pour soutenir davantage la reprise. Certains parlementaires ont alors préconisé l’amortissement de la dette par la réduction des impôts, oubliant sans doute que, à la différence de notre voisin allemand qui était déjà revenu à l’équilibre budgétaire avant la récession, notre pays n’est jamais parvenu à résorber l’augmentation de sa dette publique.
D’autres parlementaires ont estimé que le moment était venu, au contraire, d’accroître les impôts et de lever certains verrous fiscaux, notamment ceux qui sont applicables aux niches fiscales.
Il faut le reconnaître, nous avons progressé – et le Parlement y a pris sa part – dans le domaine du plafonnement des niches fiscales, grâce, en particulier, à la commission des finances, à son président et à son rapporteur général. Mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de parvenir à une véritable remise à plat de l’ensemble des niches fiscales, dont la pertinence doit être mieux évaluée.
Plus généralement, monsieur le ministre, ne faut-il pas retenir comme enseignement de la crise que l’on ne saurait, sauf dans les limites étroites d’un plan de relance, chercher la sortie d’une crise, née d’un endettement excessif, par un recours à de nouvelles dettes ?
C’est dire par là que l’évolution tant de la dette que du déficit public relève plus que jamais d’un choix politique courageux, fondamental, et l’on ne saurait admettre encore longtemps que notre pays soit la seule grande puissance dont le dernier excédent budgétaire remonte à trente-cinq ans.
Parlant sous le contrôle de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, à l’époque ministre de l’économie et des finances, je rappelle que nous avons présenté le budget de 1975 avec un léger excédent. C’est le dernier budget présenté en équilibre. Depuis, on s’est engagé – nous l’avions prédit – dans la spirale infernale des déficits. On sait comment on y entre, on ne sait pas comment on en sort ! (M. Jean-Pierre Fourcade approuve.)
C’est d’ailleurs dans la voie du rétablissement que nous guide la Commission européenne, en demandant à la France, à l’Espagne et à l’Allemagne, de ramener, d’ici à 2013, le déficit dans la limite des 3 % du PIB prévus par le pacte de stabilité, pacte sollicité et qui doit être appliqué.
Le Premier ministre a indiqué qu’il présentera au Parlement, au début de 2010, une stratégie de finances publiques qui donnera les moyens de descendre au-dessous des 3 % de déficit. Comme le Gouvernement prévoyait jusque-là de ramener le déficit public à 5 % en 2013, en se basant sur une croissance de 2,5 % par an à compter de 2011, comment entend-il atteindre cet objectif ? Sera-t-il conduit à élargir l’assiette des prélèvements par une diminution de la dépense fiscale, ce qui paraîtrait la solution la plus efficace en l’absence de décision portant augmentation des impôts, dont on trouvera pourtant dans le projet de loi de finances pour 2010 des signes avant-coureurs ? J’ai parlé de la taxe carbone, je pourrais aussi parler de la taxe sur les réseaux.
Mes chers collègues, dans tous les cas, on vérifiera la justesse, d’une part, de l’observation de Jacques Rueff, selon qui « il n’y a pas de déficits sans pleurs » et, d’autre part, de la sagesse populaire qui est là pour nous rappeler que « les emprunts d’aujourd'hui sont les impôts de demain ».
Quoi qu’il en soit, des efforts, voire des sacrifices devront être consentis par toutes et par tous. C’est le prix à payer nécessaire pour retrouver les équilibres depuis longtemps perdus. Comme l’écrivait Jean de la Fontaine : « En toute chose, il faut considérer la fin ».
Monsieur le ministre, le contribuable d’aujourd'hui et le contribuable de demain sont impatients de savoir quel avenir leur est réservé en matière d’impôt pour demain ; je vous remercie de bien vouloir les rassurer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)