M. Jean-Pierre Sueur. L’argument se retourne !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme tous les départements ruraux, les Hautes-Pyrénées sont sous-représentées au chef-lieu de région. La remarque vaut pour le Cantal, qui n’a que cinq conseillers régionaux, un chiffre très faible par rapport aux effectifs de la région. Il en va de même pour les autres départements qui ont été cités. La création des conseillers territoriaux donnera une chance aux départements ruraux d’avoir une représentation beaucoup plus forte au sein des conseils régionaux. Or c’est là que se décident bien des choses, notamment les investissements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous regardez où se nichent les investissements des conseils régionaux, il apparaît que les départements ruraux ne sont pas les plus gâtés actuellement. Ils sont plutôt mal traités dans l’ensemble, même s’il peut y avoir des exceptions. C’est un vrai sujet de débat. Il est préoccupant, et j’espère que nous saisirons l’occasion de l’ouvrir.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourriez-vous cesser de nous prendre pour des demeurés ?
À notre légitime demande de savoir à peu près combien il y aura de conseillers territoriaux par département, vous nous répondez invariablement deux choses.
Tout d’abord, vous nous rappelez les principes : la représentativité essentiellement démographique, la prise en compte des territoires, avec un seuil minimum, la réduction de moitié du nombre des élus et les dangers de conseils régionaux pléthoriques.
Pris séparément, ces principes sont parfaits. Simplement, comment arrivez-vous à les combiner ? Comment parvenez-vous à concilier l’exigence d’une représentation minimale sans arriver à des conseils régionaux de 300 ou 400 membres ? C’est cela le problème ! Cessez donc de nous répéter la même chose !
Par ailleurs, vous invoquez le recensement glissant, le retard, pris de notre fait, dans le découpage des circonscriptions… Tout cela n’est pas sérieux ! Si nous concevons que vous ne puissiez pas nous donner des chiffres à l’unité près pour tel ou tel endroit, il est difficilement compréhensible que vous ne puissiez le faire à deux ou trois près : ce n’est en effet pas le recensement qui changera à ce point les choses ! Souffrez donc que nous n’aimions pas que vous vous moquiez de nous ! C’est tout !
Par conséquent, tant que vous n’aurez pas donné des chiffres à peu près vraisemblables, nous vous poserons inévitablement la question !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. En complément de ce que vient de dire M. Collombat, je souhaiterai relever une petite contradiction.
Jusqu’à présent, le débat était un véritable dialogue de sourds – quelque peu surréaliste, comme je l’ai dit tout à l’heure –, dans lequel il nous était systématiquement répondu que nos questions portaient non pas sur le présent texte mais sur un prochain projet de loi.
Dans la réponse que vous venez d’apporter, monsieur le secrétaire d'État, vous esquissez cependant quelques perspectives et, à mon avis, vos propos devraient amener mes collègues à méditer.
Ainsi, vous avez dit que, dans les départements à caractéristique rurale, les petits départements, le nombre de conseillers ne devrait pas descendre au-dessous de la quinzaine et que le nouveau système leur assurerait une meilleure représentation à l’échelon du conseil territorial ou – j’ignore quel nom lui sera donné demain – de l’assemblée territoriale.
À voir les simulations présentées dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, il apparaît néanmoins que les représentants de ces petits départements – même si, en fin de compte, la proportionnalité est un peu « trafiquée » – se noieront dans la masse régionale ; je ne suis donc pas sûr qu’ils seront mieux entendus qu’ils ne le sont aujourd'hui !
Je me demande par ailleurs si, derrière les arguments que vous avez développés tout à fait au début, à l’instigation du Président de la République, en faveur de la division par deux du nombre des élus, qui seraient trop nombreux et trop coûteux, il ne s’agissait pas plutôt – cela n’a jamais été dit mais on l’a souvent sous-entendu – de mettre au pas certaines collectivités territoriales, conseils généraux ou conseils régionaux, dirigées par des majorités qui ne conviennent pas au pouvoir aujourd'hui en place.
Bien que le Gouvernement reste dans le flou, se dévoile ainsi petit à petit la volonté qui anime véritablement la réforme dont nous débattrons demain. Mes chers collègues, il faut nous y préparer !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 336 du code électoral et du troisième alinéa de l’article L. 364 du même code, le mandat des conseillers régionaux et celui des membres de l’Assemblée de Corse élus en mars 2010 expireront en mars 2014.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, sur l'article.
M. Jean-Claude Peyronnet. Les arguments qui nous ont été opposés ne valent pas vraiment.
Tout le monde aura en effet noté comme moi que ce texte, qui organise la simultanéité des élections, s’est vu adjoindre une étude d’impact identique à celle qui accompagne deux des autres textes. Voilà pourquoi un premier argument tenant au fait que, en évoquant d’autres textes, nous sortons du cadre spécifique du présent projet de loi, ne tient pas.
Le second argument, selon lequel nos amendements n’auraient pas de valeur normative, ne tient pas davantage.
Je vous le rappelle, en effet, cette étude d’impact extrêmement large, qui porte notamment sur les questions électorales, est visée par le Conseil constitutionnel. Elle a donc une pleine valeur juridique.
Monsieur le secrétaire d'État, plus on cherche, plus on trouve sur cette affaire des conseillers territoriaux... J’ai découvert ce matin dans Le Figaro un argument que je regrette de n’avoir pas trouvé moi-même et à propos duquel je souhaiterais connaître votre avis.
Lorsque, dans un département, il y aura invalidation d’une élection au suffrage uninominal à un tour, puisque tel est le mode de scrutin que vous souhaitez introduire, que se passera-t-il, puisque les comptes seront à refaire, pour les 20 % d’élus au scrutin de liste ? Tous ces élus seront-ils invalidés ou y aura-t-il un nouveau décompte ?
Y avez-vous réfléchi ? J’aimerais en tout cas vraiment que le Gouvernement réponde à cette question pour que nous puissions mieux comprendre un dispositif aujourd'hui encore assez flou.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Pour notre part, nous souhaitons des régions fortes : à l’heure européenne, il faut que les régions soient porteuses de projets, d’outils de structuration du territoire, qu’elles aient des ambitions et les moyens de leurs ambitions.
Or il y a quelque fatalité dans les lois sur les régions. Je me souviens tout à fait de la loi dite Raffarin que notre collègue alors Premier ministre était venu nous présenter comme un projet clairement régionaliste, en nous annonçant que l’heure de la régionalisation était arrivée.
Toujours est-il qu’au terme du débat, après diverses péripéties,…
M. Bernard Frimat. Des élections régionales !
M. Jean-Pierre Sueur. … notamment, en effet, des élections régionales, nous avions constaté que ladite loi, si elle était certainement départementaliste, était fort peu régionaliste.
Nous avons gardé, quant à nous, cette idée de régions fortes, car c’est très important pour notre pays.
Puisque nous arrivons au second article de ce projet de loi, qui traite justement des élections régionales, je pose la question : le dispositif que le Gouvernement nous propose dans ce projet de loi et dans ceux qui suivront est-il de nature à renforcer les régions ?
Je ne le crois pas.
Ce que met en place le Gouvernement est confus. Je connais d’ailleurs un président de conseil général qui a dit que cette réforme allait se traduire par une départementalisation des régions. C’est en effet une lecture possible de la réforme, quoique, symétriquement, on puisse aussi, me direz-vous, la lire comme une régionalisation des départements.
En somme, la seule chose qui est claire, c’est que c’est confus ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et personne ne s’est risqué à tenter de me prouver le contraire...
Lorsque l’on se penche de surcroît sur les modalités électorales, on peut certes en conclure que les futurs conseillers territoriaux seront les grands défenseurs de la région, mais on peut soutenir tout autant qu’ils seront fort logiquement les défenseurs de leur département au sein de la région.
Voilà pourquoi je ne crois pas que l’idée régionale gagnera à cette réforme.
À l’instant, monsieur le secrétaire d'État, mon collègue Jean-Claude Peyronnet vient de vous poser une question de droit électoral qui n’est pas du tout anodine ; elle ne souligne que l’un des nombreux paradoxes, l’une des nombreuses incohérences qui découleront de ce scrutin totalement incompréhensible, totalement injuste et totalement injustifié que vous nous proposez.
Je rappelle en effet que les représentants à l’échelon de la région seront pour une part élus, on ne sait trop comment, grâce aux voix des candidats qui auront été battus, ou non élus. Ce seront donc les élus des non-élus, et ces élus pourront même, ce qui est finalement assez confortable, présider leur assemblée !
S’il n’y a aucune clarté quant au statut de ces élus-là, il y a également confusion quant à leur mode de désignation, et je crains que l’on ne donne pas plus de pouvoirs, plus de prérogatives, plus de lisibilité, plus de transparence aux régions et que l’on ne s’engage dans une voie contraire à celle dans laquelle nous pensons qu’il faut aller, celle de régions fortes.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Les arguments que je développerai à propos de l’article 2 seront naturellement en partie les mêmes que ceux que j’ai développés à propos de l’article 1er.
Derrière cet article 2, qui vise donc à raccourcir le mandat des conseillers régionaux, se profile la création, on l’a dit, d’un nouveau type d’élu : le conseiller territorial.
Aurons-nous vingt et un conseillers territoriaux en Dordogne ? Les élus de terrain s’inquiètent beaucoup de savoir comment ils seront représentés au niveau régional, mais je ne m’attarde pas sur cette question.
Je ne reviens pas davantage sur la source d’insécurité juridique que viennent de pointer les deux orateurs qui m’ont précédé, bien que l’insécurité soit réelle, puisque, comme nos collègues l’ont dit, les candidats de liste pourront être élus avec les voix des battus.
Mon intervention portera plutôt sur deux autres points, et d’abord sur le fonctionnement de l’assemblée régionale – ou territoriale -, avec des élus territoriaux qui auront la charge de représenter tout à la fois un territoire départemental et un territoire régional.
Comme l’a bien précisé Jean-Pierre Sueur, ces élus devront remplir une double fonction : non seulement ils auront à déployer, pour la région, une vision d’avenir, une vision stratégique de développement, et ce non seulement à l’échelon national mais aussi à l’échelon européen – on voit ce que cela implique en termes de projets économiques, d’infrastructures, d’initiatives en matière de formation, notamment – mais aussi, ils devront, sur le terrain, régler les problèmes locaux, notamment de voirie, de pont, d’aménagement divers…
Je ne vois pas comment ces deux fonctions peuvent être menées de front et je pense que l’une en pâtira.
Il y aura donc un conflit de fonction qui se doublera, de surcroît, comme l’a souligné Yves Krattinger, d’un conflit d’intérêt, notamment lorsqu’un président d’assemblée régionale et un président d’assemblée départementale de couleurs politiques différentes devront siéger et travailler ensemble. Je me demande comment certains dossiers un peu complexes pourront avancer…
Ensuite, le nouveau mode de scrutin pose également un certain nombre de problèmes, à commencer par la parité, qui, bien qu’étant un principe constitutionnel, ne peut plus être assurée - de nombreuses collègues se sont d’ailleurs exprimées à cet égard – auquel j’ajoute le problème de la place faite à la diversité.
Dans un département comme la Dordogne, sur vingt ou vingt-cinq conseillers territoriaux, cinq seulement seront élus à la proportionnelle, et les autres seront rattachés à un canton voué à être redécoupé. Comment, dans ces conditions, préserver au sein des listes à la fois parité et diversité ?
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article 2, qui ne nous satisfait pas. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, sur l’article.
M. Yannick Bodin. Nous refusons cet article 2 pour les mêmes raisons que celles qui nous ont conduits à refuser l’article 1er.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle constance !
M. Yannick Bodin. Je m’exprimerai, à propos de cet article 2, comme je l’ai fait à l’occasion de l’examen de l’article 1er, sur la question de la parité.
Oui, j’enfonce le clou, et je répète, pour la vingtième fois peut-être – sans doute faudra-t-il y revenir encore à de nombreuses reprises –, que le projet de réforme des collectivités territoriales constitue une atteinte au principe de parité en politique.
Tout d’abord, ce projet ne s’inscrit pas dans l’article 1er de la Constitution, dont je rappelle les termes du second alinéa : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».
On peut donc s’interroger sur la constitutionnalité d’un projet de loi qui entraîne un recul de la parité.
De fait, les rapports et les études d’impact de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes montrent que, avec le mode de scrutin uninominal, non soumis à des règles de parité, les femmes sont toujours sacrifiées.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
L’Assemblée nationale compte aujourd’hui 81,5 % d’hommes contre 18,5 % de femmes.
En mars 2008, lors des élections cantonales, avec un mode de scrutin uninominal, il y avait 79,1 % de candidats contre donc seulement 20,9 % de candidates.
De même, en termes d’élus et non plus de candidats cette fois, on compte 86,9 % de conseillers généraux contre 13,1 % de conseillères générales.
En 2004, en revanche, lors des dernières élections régionales, grâce à la loi relative à la parité qui s’imposait dans toute sa force obligatoire, 47,6 % des conseillers régionaux élus étaient des femmes. C’était donc un grand pas vers la parité.
En proposant, pour l’élection des conseillers territoriaux, un mode de scrutin qui s’apparente à celui qui est retenu pour l’élection des conseillers généraux, vous cassez la dynamique qui avait été engagée grâce à la réforme du mode d’élection des conseillers régionaux.
Comme le démontrent toutes les simulations, si ce projet de loi était adopté, les femmes ne représenteraient encore que 20 % environ des conseillers territoriaux, ce qui est non seulement inadmissible mais franchement contraire au sens de l’histoire.
Où sont donc la modernité et l’équité dans cette réforme ?
Je rappelle, en outre, que la loi du 31 janvier 2007 rend obligatoire le respect de la parité dans la composition des exécutifs. Or l’adoption du projet de loi relatif aux conseillers territoriaux rendrait inapplicable cette loi, pourtant récente.
Il s’agit d’un recul pour le droit des femmes, donc pour la démocratie. Sans réponse définitive et positive de votre part sur cette question essentielle, nous ne pourrons que voter contre cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. À ce stade du débat, nous avons perdu l’ambition, les uns comme les autres, de nous convaincre mutuellement. Je veux cependant verser au débat la contribution suivante, relative au mode d’élection des conseillers territoriaux.
Ce mode d’élection prend, je cite, « de plus en plus le tour d’un accident industriel qui menace l’ensemble du projet. Ces nouveaux élus doivent remplacer en 2014 les conseillers généraux et régionaux. Objectif : en réduire le nombre par deux et permettre de mieux coordonner les politiques locales.
« Ceci posé, restait à trouver un mode de scrutin. Or le cahier des charges relève de la quadrature du cercle. Le scrutin doit tout à la fois conserver une part de scrutin uninominal sur la base d’une circonscription cantonale et introduire une dose de proportionnelle. Il doit également assurer une juste représentation des territoires ruraux tout en conservant un normal respect de la démographie. [...] La solution proposée est celle d’un “ scrutin uninominal compensé ”, inédit en France. [...] Au passage, ce mode de scrutin complexe réduit la parité à la portion congrue, alors qu’elle est aujourd’hui la règle dans les régions. Il ne dégage pas non plus à coup sûr de majorité.
« Voici pour la théorie. Mais, dans la pratique, ce mode de scrutin pose d’importants problèmes. Si l’élection d’un conseiller territorial dans un canton venait à être annulée, l’élection de ses collègues élus à la proportionnelle et procédant du même vote serait également frappée d’annulation. Substituer les suffrages issus de la partielle pour les réintroduire dans le pot commun proportionnel est constitutionnellement douteux et politiquement hasardeux. Une annulation dans un canton pourrait donc obliger à organiser un nouveau scrutin dans tous les cantons du département ! [...] À cet écueil pratique – et peut-être fatal – s’ajoutent d’importantes difficultés politiques. La gauche, aujourd’hui à la tête d’une majorité de départements et de régions, rejette catégoriquement ce mode de scrutin [...] ». Nous l’avons suffisamment montré ici !
Mais je poursuis :
« On n’est d’ailleurs pas forcément davantage convaincus à droite. [...] À l’UMP, Jean-François Copé, Bernard Accoyer, Alain Juppé, Nadine Morano, entre autres, ont fait part de leurs réserves, qui sur le choix du tour unique, qui sur l’abandon de la parité. “ Le scrutin à un tour signe un constat d’échec pour la majorité et pour les principes qui ont présidé à la création de l’UMP ”, déplore François Baroin. “ Nous serons accusés – est-ce à tort ? – de manipulation, et je crains l’effet boomerang ”, ajoute Christian Jacob. En France, la tradition des élections à deux tours est très forte. Au moins aussi forte que celle qui voit une majorité sanctionnée dans les urnes quand elle modifie un mode de scrutin ».
L’article que je viens de citer n’est pas extrait de Libération ou du Canard enchaîné, mais du Figaro daté du 16 décembre 2009, c’est-à-dire de ce matin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. J’applaudis Le Figaro !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait déjà un bon moment que nous répétons la même chose,... (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais il le faut !
À l’occasion de mon intervention sur l’article 1er, je vous ai dit que vous n’étiez pas obligés de modifier dès à présent la durée du mandat des conseillers généraux. S’agissant du mandat des conseillers régionaux, j’ai bien compris que vous vouliez le réformer dès maintenant.
Outre qu’il nous semble tout à fait anormal de préjuger d’une réforme qui n’est pas encore votée, nous sommes absolument défavorables au regroupement des élections locales, argument avancé au soutien de la présente réforme.
Vouloir constituer deux blocs électoraux, l’un pour les élections nationales, l’autre pour les élections locales, sans oublier les élections européennes, ne me paraît ni pertinent ni bon pour la démocratie. En effet, en regroupant toutes les élections locales, concernant donc les communes, les départements, du moins jusqu’à leur disparition, et les régions, vous donnerez inévitablement à ces scrutins un caractère national. Il s’agira en quelque sorte d’élections globales au plan local.
Vous allez d’ailleurs dans le même sens que le Président de la République, qui veut d’ores et déjà donner un caractère national aux élections régionales de 2010.
Nous y sommes opposés car, si les élections locales sont bel et bien politiques, elles sont différentes des autres. J’en veux pour preuve que, dans les communes, les départements et les régions, les candidats aux élections présentent des programmes adaptés aux réalités locales, avec des objectifs locaux qui correspondent aux attentes locales de la population locale.
Il sera beaucoup plus difficile de présenter de tels programmes lorsque toutes les élections seront regroupées, car la plus grande confusion régnera : on ne saura plus pour quel candidat ni pour quel programme voter.
Ce regroupement va de pair avec la suppression de la compétence générale des départements, qui vont d’ailleurs disparaître, et des régions. Or une collectivité territoriale sans compétence générale n’est plus en mesure de s’administrer librement : c’est simplement un rouage de l’État qui met en œuvre la politique de l’État.
On le voit, la nationalisation des scrutins locaux va de pair avec l’étatisation des choix et des décisions. Bien évidemment, nous y sommes opposés.
S’agissant précisément des conseillers régionaux, l’adoption de l’article 2 nous engagerait d’ores et déjà dans une voie inacceptable. Cet article est en effet contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales qui, inscrit dans la Constitution, est le b.a.-ba de la décentralisation. Sans libre administration des collectivités territoriales, la décentralisation n’existe pas.
Au sujet de la parité, je me contenterai de vous raconter une anecdote destinée à vous faire réfléchir à d’éventuelles solutions.
Entre 1996 et 1997, avant donc le vote de la loi rendant la parité obligatoire, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes avait auditionné les partis politiques pour leur demander comment ils comptaient renforcer la place des femmes dans la vie politique, notamment lors des prochaines élections législatives. À cette question, le secrétaire général du RPR de l’époque répondit qu’il entendait présenter à ces élections des « tickets » où le titulaire et le suppléant seraient de sexe différent. Cela signifiait alors forcément, compte tenu du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale – et il le reconnut bien volontiers ! –, que, dans 95 % des cas, l’homme serait titulaire et la femme, suppléante. Et le secrétaire général du RPR d’expliquer de bonne foi, car il était sans doute honnête et convaincu, que les femmes pourraient ainsi apprendre sur le terrain, pendant cinq ans, leur futur métier de député, pour peut-être se présenter comme titulaires à l’élection suivante.
Cette réponse, je dois le dire, avait déclenché une certaine hilarité au sein de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Pourquoi ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai observé que vous n’aviez pas réitéré de tels propos. Vous avez bien tenté de nous proposer à nouveau cette idée de « ticket » entre un homme titulaire et une femme suppléante pour les élections législatives, mais vous ne l’avez pas justifiée de cette manière. Soutenir que les femmes doivent arpenter, ou plutôt labourer le terrain pour pouvoir – un jour, un jour peut-être –, se présenter comme candidates titulaires à des élections, posait sans doute un léger problème !
Alors, je vous en prie, épargnez-nous l’argument de la pédagogie pour tenter de nous faire croire que vous œuvrez pour la parité, alors que, en réalité, vous organisez son recul.
Nous avons beaucoup bataillé pour voir la parité inscrite dans la Constitution. Vous y étiez opposés. Aujourd'hui, oserez-vous mettre en cause ce principe ?
Nous demandons la suppression de l’article 2 et, s’il devait ne pas être supprimé, nous voterions contre !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Puisque nous nous apprêtons à réduire la durée du mandat des conseillers régionaux qui vont être élus dans quelques semaines, évoquons la future composition des conseils régionaux au regard du projet de loi instituant les conseillers territoriaux qui seront appelés à siéger dans ces conseils. C’est un peu compliqué, mais ce n’est pas de mon fait !
Au cours de plusieurs mois d’auditions, de réunions de commissions diverses et après de nombreux rapports sur l’éventualité d’une réforme des collectivités territoriales, de très nombreuses voix se sont élevées pour décrire l’urbanisation de notre société comme un phénomène contemporain majeur.
Dans les premiers textes mis en débat sur les réformes à venir, il a même été question de créer une nouvelle collectivité de plein exercice : la métropole. Sans aller vers cette extrémité, le projet de loi dont nous débattrons crée de nouveaux EPIC dénommés « métropoles » et des « pôles métropolitains ». C’est dire l’importance que le Gouvernement semble attribuer à ces sphères géographiques regroupant des centaines de milliers d’habitants.
Sans vouloir entamer d’ores et déjà un débat sur ces enjeux, je tiens à dire mon étonnement devant la future composition des conseils régionaux dans lesquels siégeront les conseillers territoriaux que le Gouvernement s’apprête à créer. En effet, d’après les dernières déclarations de M. Marleix, ici présent, il semble que les zones rurales et les départements ruraux seraient privilégiés en raison du nombre de leurs élus, au détriment des zones et des départements très urbanisés.
Les équilibres actuels entre départements au sein des conseils régionaux vont être fortement bouleversés, au seul profit des départements à faible population.
Comment justifier un tel choix, contraire à la reconnaissance du fait urbain ? Et pourquoi minimiser la représentation des populations vivant dans les villes ?
N’est-ce pas en totale contradiction avec des enjeux que vous semblez pourtant faire vôtres ? Mais sans doute n’ai-je pas compris qu’il s’agit, en fait, de deux questions distinctes : l’une relative à la concentration, au sein des métropoles, de compétences plus larges que celles qui sont réservées aux communes, l’autre relative, pour dans trois ans, aux pouvoirs politiques futurs des conseils régionaux.
En fait, le charcutage électoral que prépare le Gouvernement ira jusqu’à tenter de favoriser la reprise des régions par sa majorité.
Scrutin majoritaire à un tour, redécoupage des cantons, primauté aux zones rurales, déséquilibre des représentations départementales au sein des conseils régionaux : tout est fait pour vous permettre de reprendre les départements et les régions, qui semblent vous échapper.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront contre l’article 2.