Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de nous prendre pour des idiots !
M. Thierry Repentin. C’est un faux naïf !
M. Jean-Pierre Leleux. Il faudra un autre texte pour débattre à la fois de la règle électorale et de la parité : ce n’est pas l’objet aujourd’hui. (Mêmes mouvements.) Si vous me permettez d’aller jusqu’au bout, je dirai que ces débats sont de faux procès à l’égard de notre groupe majoritaire,…
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Leleux. … qui a les mêmes préoccupations,…
M. Martial Bourquin. Enfin !
M. Jean-Pierre Leleux. … mais souhaiterait les traiter dans le cadre de la loi concernée.
M. Charles Guené. Voilà !
M. Jean-Pierre Leleux. Si nous voulons restaurer un bon climat entre nous, et abandonner ce qui pourrait être perçu comme de la mauvaise foi, je demande simplement à l’opposition de s’engager à ne pas redéposer sur ce futur texte les amendements qu’elle a présentés aujourd’hui dans un contexte différent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. le président. Sur quel article ?
M. Jean-Pierre Sueur. Sur l’organisation de nos travaux.
M. le président. La présidence est-elle mal assurée ?
M. Jean-Pierre Sueur. Au contraire, monsieur le président, et je vous en félicite.
M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais simplement faire observer qu’il n’est pas d’usage, dans notre assemblée, de mettre en cause des personnes absentes et qui ne peuvent donc se défendre.
À la suite des déclarations de M. Cornu, je souhaiterais dire la vérité des choses.
M. Bruno Sido. On s’en moque !
M. Jean-Pierre Sueur. Celui qui a traité de cette question, ce n’est pas moi,…
M. Bruno Sido. Ce n’est pas moi non plus !
M. Jean-Pierre Sueur. … c’est M. Cornu.
Le parti socialiste a désigné comme tête de liste, dans le département du Loir-et-Cher, une candidate qui n’avait pas votre faveur, monsieur Cornu. Mon cher collègue, rien ne vous empêche de vous inscrire : la prochaine fois, vous donnerez votre avis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’était pas un rappel au règlement !
M. Michel Mercier, ministre. J’ai écouté calmement toutes les demandes qu’ont présentées les membres du Sénat, notamment celle de M. Leleux, et je vais tenter d’y répondre.
Le texte qui est aujourd’hui en discussion peut, certes, faciliter la création des conseillers territoriaux, mais il peut aussi servir dans d’autres hypothèses,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Yannick Bodin. Ce n’est pas évoqué dans l’exposé des motifs ! (M. Michel Boutant brandit ledit exposé des motifs.)
M. Michel Mercier, ministre. Il n’y a pas que les écrits ; la parole est importante au Parlement, car elle permet de s’expliquer. Sinon, nous n’aurions pas besoin de nous réunir.
Le Gouvernement a déposé un texte concernant les conseillers territoriaux. J’ai bien entendu les demandes qui émanent de toutes les travées et qui visent à obtenir des précisions sur le nombre de conseillers par département et par région, ainsi que sur la parité.
Pour que le Gouvernement puisse travailler à la question du nombre de sièges, deux préalables doivent être levés. Le premier, c’est le découpage des circonscriptions législatives, en tenant compte des observations que le Conseil constitutionnel sera éventuellement amené à formuler. Second préalable, il faut connaître les résultats du recensement…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est la loi !
M. Michel Mercier, ministre. … conformément à la loi, madame Borvo Cohen-Seat, qui s’applique toujours ! Ce résultat que nous obtiendrons dans quelques semaines permettra de calculer exactement le nombre de sièges.
Le Gouvernement a toujours travaillé avec la commission des lois du Sénat sur tous ses textes, et il entend bien continuer à le faire. Toutes les précisions qui nous ont été demandées seront naturellement fournies lors de la première réunion que le président de cette commission voudra bien convoquer sur le texte électoral.
Nous n’examinons, pour l’heure, qu’un texte de concomitance. Nous répondrons à toutes ces questions une fois les préalables levés et lorsque la commission travaillera sur le sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
M. Yves Daudigny. J’ai entendu tout à l’heure certains attribuer des notes. Il n’y a pas dans cette salle de professeurs et d’élèves, nous sommes tous des sénateurs de la République égaux, du moins je l’espère, en droits et en devoirs ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Pourquoi, mes chers collègues, ce dialogue qui ressemble parfois à un dialogue de sourds ? Pourquoi des questions simples qui demeurent sans réponse ? Pourquoi des amendements de bons sens qui sont qualifiés de hors sujet ? Tout simplement parce que nous travaillons aujourd’hui à l’envers.
Dans la suite de tous les tomes qui contiennent la réforme que vous envisagez, monsieur le ministre, nous avons commencé par l’examen du dernier ! Quel aurait été l’ordre logique ? Il aurait été de créer d’abord les conseillers territoriaux, à supposer qu’il se trouve une majorité pour le faire ; ensuite, il serait apparu en toute logique nécessaire de réduire les mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux pour aboutir à l’élection de ces conseillers territoriaux.
Pourquoi ce travail à l’envers ? Parce que vous confondez vitesse et précipitation, certainement pour répondre à l’impatience du Président de la République. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas qu’aujourd’hui le débat soit marqué par une si grande incohérence.
Je soutiendrai évidemment cet amendement, parce qu’il est de simple bon sens, parce qu’il répond aujourd’hui à l’exigence d’information et de vérité des citoyens et des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Un de nos collègues souhaitait tout à l’heure ramener un peu de logique dans nos débats. Ce qu’il oublie, c’est qu’il y a une certaine urgence puisque nous examinerons probablement dès le 18 janvier le projet de loi qui réforme complètement les collectivités territoriales et qui établit, définitivement et clairement cette fois, le conseiller territorial.
M. le ministre a décrit les contraintes qui existent, en particulier la contrainte démographique. Mais il en est d’autres sur lesquelles il passe vite !
La première contrainte, qui a déjà été clairement rappelée, c’est la réduction du nombre de conseillers territoriaux par rapport au nombre total de conseillers généraux et régionaux. Le calcul est simple, il suffit de diviser pour obtenir deux moitiés, je passe. Mais son application se heurte à une autre contrainte, qui est le lien avec la population : diminuer de moitié le nombre d’élus, cela ne veut pas dire pour autant que chaque circonscription comptera 20 000 électeurs, pour reprendre le nombre qui a été avancé. Nous sommes donc là face à une difficulté.
La troisième difficulté, c’est qu’il faut que les conseils généraux comptent assez d’élus pour pouvoir « tourner ». Or, dans les premières simulations, si l’on se contentait de diviser le nombre d’habitants par 20 000, on arrivait dans certains cas à 6 ou 7 conseillers généraux : c’est insuffisant.
M. Marleix nous a donc expliqué qu’un plancher serait fixé, bien entendu à un niveau plus élevé : il serait établi à 15, voire à 20 élus. Le problème, c’est que dans ces conditions, si l’on veut respecter la proportionnalité dans la représentation de la population, il faut augmenter d’autant le nombre des conseillers territoriaux dans les gros départements !
M. Bruno Sido. Non ! C’est là qu’est l’erreur !
M. Jean-Claude Peyronnet. Mais si ! Prenons l’exemple de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le rapport entre la population des Alpes-de-Haute-Provence et celle des Bouches-du-Rhône est d’environ 1 pour 14 ou 15. Afin de respecter la proportionnalité dans la représentation de la population, il faudrait, en tenant compte des autres départements de la région, une assemblée territoriale régionale comptant, estimation à la louche, 400 membres. Il faut donc fixer aussi un plafond ! Dès lors, nous voilà confrontés à un gros problème : le principe de la proportionnalité en matière de représentation de la population n’est plus du tout respecté. Or nous savons tous, le Gouvernement le premier, que, lorsque la répartition en question lui sera présentée, le Conseil constitutionnel froncera les sourcils, à tout le moins, et demandera peut-être que la copie soit revue.
C’est probablement cet ensemble de contraintes multiples qui, beaucoup mieux que l’absence des résultats définitifs du recensement, explique que le Gouvernement tarde tant à nous donner ces résultats. Or il serait important d’en disposer puisque, encore une fois, il est prévu de commencer dans un mois la discussion sur la réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, pour explication de vote.
Un sénateur UMP. Oh non ! Nous sommes suffisamment éclairés, ça va !
Mme Josette Durrieu. Nous voici au cœur du débat.
M. Bruno Sido. Nous ne sommes pas encore au cœur du débat !
Mme Josette Durrieu. Nous n’y sommes pas encore ?
M. Bruno Sido. Nous n’y serons pas avant samedi ou dimanche !
Mme Josette Durrieu. Si nous n’y sommes pas encore, c’est parce que vous n’avez pas envie que nous l’abordions ce soir ! Pour autant, nous avons beau tourner autour, nous y sommes, et il semble évident que vous trouvez assez dérangeant de parler de ce qui, finalement, est l’essentiel de cette réforme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, parce que ce n’est pas l’objet du texte.
Mme Josette Durrieu. Chacun s’est employé à relever toute la gesticulation qui entoure le synchronisme à l’envers de cette réforme, je n’y reviens pas. Je voudrais en revanche évoquer plus longuement l’élu, l’électeur et l’assemblée dont il est question en ce moment. (M. Bruno Sido s’exclame.)
En ce qui concerne l’élu, deux points sont à souligner : on institutionnalise le cumul des mandats – il faut le faire ! – et on lamine la parité.
Mme Maryvonne Blondin. Oui !
Mme Josette Durrieu. L’un d’entre nous l’a fait observer tout à l’heure, le mot « laminer » est fort, mais c’est le mot juste. Et tout cela, pour aboutir sans doute à l’élection d’un membre de l’UMP. Vous finirez par y arriver !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais c’est noble ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Josette Durrieu. C’est probablement noble, mais ce n’est pas juste.
Dans ce débat, les mots essentiels sont lisibilité, égalité, sincérité.
M. Bruno Sido. Voilà !
Mme Josette Durrieu. Nous finirons probablement par trouver la sincérité du scrutin, mais seulement quand vous aurez admis qu’il faut commencer à en parler. Qu’il en soit question dès ce soir, cela vous dérange.
L’élection dans le cadre de ces listes à la proportionnelle, c’est une première, et pas seulement pour la France : je pense que c’est une première tout court !
M. Pierre-Yves Collombat. Une première mondiale !
Mme Josette Durrieu. Européenne en tout cas, probablement !
Un élu qui peut gagner son siège sans que son nom ait seulement recueilli de suffrages, qui peut obtenir un mandat grâce à des voix qui ne lui appartiennent pas, il est évident que l’on aurait pu ne pas y penser : vous avez su l’inventer, sans doute en toute sincérité. Il n’empêche que jusqu’à présent, dans notre tradition démocratique, un candidat était élu quand son nom, ou la liste dont il était membre, avait obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Quant aux remplaçants…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme Josette Durrieu. Ces remplaçants au scrutin uninominal, tout comme ces remplaçants au scrutin de liste qui seront l’un des « suivants de liste » de titulaires élus dans les conditions que nous venons d’indiquer,…
M. Charles Guené. Elle nous embrouille !
Mme Josette Durrieu. … auront réellement, auront effectivement le droit de remplacer le titulaire dans des organismes extérieurs. Voilà aussi qui est nouveau ! C’est assez original, cela me paraît assez dangereux, mais cela figure dans le texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je crois que si nous avons fini pour le 14 juillet, ce sera bien !
Mme Josette Durrieu. Quant à l’électeur, celui que l’on respecte au point de vouloir lui rendre tout plus lisible, plus simple, quand on lui dit que l’on va « recycler » ses voix, recycler les voix des battus pour les redistribuer et en sortir des élus, il ne comprend pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Elle est en train de réinventer les apparentements ! C’était quand, d’ailleurs ? En 1953 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bonne année, 1951 ! (Sourires.)
Mme Josette Durrieu. Mes collègues et moi-même tournons un petit peu dans nos circonscriptions, nos départements, voire nos cantons : sincèrement, l’électeur ne comprend pas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne sais plus quel gouvernement c’était… Peut-être le gouvernement Queuille ?
Mme Josette Durrieu. Il faudra également expliquer où sont la légalité et la sincérité de ce scrutin ; je pense que vous aurez du mal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sous la IVe République, on a tout inventé !
Mme Josette Durrieu. Il y a tout de même une certaine perversité à faire siéger dans l’assemblée à laquelle ce vote va nous conduire, aux côtés des conseillers qui auront été élus dans les conditions que nous avons décrites, des élus qui pourront utiliser les voix des candidats battus pour constituer une majorité !
Se pose aussi un problème de gouvernance : avec une seule élection pour deux assemblées, une seule élection pour deux fonctions différentes – un de nos collègues évoquait tout à l’heure une assemblée de proximité et une assemblée de programmation –, certaines choses finiront par être difficiles à concilier. Il me semble en outre que nous ne nous soucions guère de la conformité de ce dispositif avec la charte européenne de l’autonomie locale ! (Murmures d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est fini !
M. Robert del Picchia. En effet, c’est fini !
Mme Josette Durrieu. Il y a, là aussi, un certain nombre de choses à dire.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est terminé !
Mme Josette Durrieu. Je voudrais terminer (Ah ! sur les travées de l’UMP) en évoquant la disparité qui se fera jour aussi entre les départements et prolonger l’intervention de M. Krattinger à l’instant.
Dans la région Midi-Pyrénées, la Haute-Garonne aura sans doute beaucoup d’élus, les Hautes-Pyrénées nettement moins.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exact.
Mme Josette Durrieu. S’ils sont plus d’une trentaine en Haute-Garonne, ils devraient, si l’on applique le même mode de répartition des sièges, être onze dans les Hautes-Pyrénées. (Vive impatience sur les travées de l’UMP.) À ceci près que l’on modifiera les chiffres pour, à un certain moment, ajouter une surreprésentation.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est fini !
Mme Josette Durrieu. Dans l’exemple que j’ai pris, les Hautes-Pyrénées passeraient de onze à dix-huit élus.
M. Bruno Sido. Cela fait six minutes !
Mme Josette Durrieu. Cela signifie, par conséquent, que les voix de certains électeurs seraient plus lourdes que celles de certains autres ! (Bruyantes protestations sur les travées de l’UMP.)
La question est posée, car, incontestablement, on aboutira à une inégalité. (Brouhaha sur les mêmes travées.)
M. François Trucy. On ne parle pas aussi longtemps ! Pas ça, monsieur le président !
Mme Josette Durrieu. Mes chers collègues, vous avez toute possibilité pour répondre ! (Ça suffit ! sur les travées de l’UMP.) Vous avez surtout toute possibilité pour nous éclairer, car, incontestablement… (Le brouhaha se poursuit, contraignant l’oratrice à s’interrompre.)
Incontestablement, vous êtes tout à fait sereins face à ces projets de loi que le Parlement s’apprête à examiner et qui, pour notre part, nous préoccupent profondément. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, il faut que nous soyons clairs. Si vous voulez le chahut, d’accord !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous allons demander un rappel au règlement ! C’est inadmissible !
MM. François Trucy et Gérard Cornu. Faites respecter le règlement, monsieur le président !
M. le président. J’ai l’habitude de faire respecter les temps de parole ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Deux minutes de plus !
M. le président. Que les choses soient claires, monsieur Cornu : sans les interruptions continuelles, Mme Durrieu n’aurait pas autant dépassé son temps de parole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Nouvelles protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Ce n’est pas tolérable ! C’est nul !
M. le président. Non, ce n’est pas nul ! Je vous demande d’être correct et poli ! C’est tout ! (Exclamations bruyantes sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Mais, monsieur le président, vous n’êtes pas correct avec moi !
Un sénateur de l’UMP. Nous voulons une présidence équitable et impartiale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Et voilà !
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Peyronnet, Sueur et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy, Povinelli et Collomb, Mme Alquier, MM. Bérit-Débat, Berthou, Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Daudigny et Fichet, Mme Ghali, MM. Guérini, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Patriat, Percheron, Rebsamen, Sergent et Signé, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour toute élection locale ou nationale au suffrage universel direct, majoritaire ou proportionnel, un scrutin à deux tours est organisé.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet. (M. Jean-Claude Peyronnet recherche ses documents. – Impatience bruyante sur les travées de l’UMP.)
Plusieurs sénateurs de l’UMP. L’amendement n’est pas défendu ! Il tombe !
M. le président. C’est moi qui assure la présidence !
M. Bruno Sido. C’est pour vous aider ! L’amendement est tombé !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur Peyronnet.
M. Bernard Frimat. Dis-leur de contrôler leur impatience !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je comprends l’impatience de mes collègues, mais je ne comprends pas leur énervement. Il me semble, monsieur le président, que nous n’avons aucune raison de nous énerver ! Nous pouvons rester tout à fait calmes, monsieur Sido !
Un sénateur socialiste. Vous êtes là pour un moment, alors…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous ne nous énervons pas, nous expliquons !
Mme Évelyne Didier. Si vous voulez, nous pouvons multiplier les interventions !
M. Jean-Claude Peyronnet. À la lecture de cet amendement, monsieur Sido, vous n’avez pas manqué de remarquer que sont mentionnées toutes les élections ayant lieu en France, à l’exception du scrutin sénatorial et du scrutin européen. C’est que l’un n’est pas un scrutin au suffrage universel direct et que l’autre est un scrutin original, qui a des caractéristiques propres.
Pour ce qui concerne les autres scrutins, il nous semble tout à fait essentiel d’inscrire dans la loi – et ultérieurement, si possible, dans la Constitution – que, dans la République, le scrutin normal est un scrutin à deux tours.
Cette question a déjà fait couler beaucoup d’encre, monsieur le ministre, et de nombreux articles sont parus depuis que le Président de la République a inventé cette incongruité qu’est le scrutin à un tour, scrutin d’une brutalité extrême qu’il avait lui-même dénoncée, évoquant un scrutin brutal qu’il faudrait pondérer.
La pondération n’est opérée que par cette autre incongruité que sont les 20 % qui devraient modérer la brutalité de ce scrutin et rendre possible la représentation des « petits » partis, cela dit sans mépris. Or il a été abondamment démontré, notamment par mon collègue Alain Anziani, qu’en réalité ils n’en bénéficieront pas et que, par conséquent, ce scrutin est mauvais.
Quoi qu’il en soit, dans la tradition française, le scrutin à deux tours fait partie de notre identité républicaine. Il s’agit, en quelque sorte, d’une loi constitutionnelle non écrite puisque ce scrutin à un tour a fait l’objet de plusieurs débats dans l’histoire de la République française…
M. Jean-Claude Peyronnet. … et, chaque fois, il a été repoussé. Les républicains, sous la IIe, la IIIe et la IVe République, nous ont montré la voie en débattant de ce sujet ; il faut donc que le scrutin à deux tours reste la règle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Peyronnet, cet amendement est admirable !
Tout d’abord, même si ces dispositions sont adoptées, elles sont dépourvues de valeur normative. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut se lier lui-même. Cela n’empêcherait donc pas le Parlement de mettre en place des scrutins à un tour.
Ensuite, vous écrivez – c’est tout de même extraordinaire ! – que des scrutins proportionnels à deux tours sont organisés. Je ne sais pas ce que c’est !
Plusieurs sénateurs socialistes. Et les régionales ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, vous avez tort ! Ce sont des scrutins de liste avec prime majoritaire. C’est comme pour les élections municipales : cela n’a jamais été un scrutin proportionnel ! Vous confondez scrutin de liste et scrutin proportionnel.
M. Bruno Sido. C’est grave !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est quand même paradoxal !
M. Bruno Sido. Ah oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le seul moment où il y a eu des élections au scrutin proportionnel, c’était pour les élections législatives de 1986, avec un scrutin à un tour.
M. Robert del Picchia. Ce qui a amené le Front national à l’Assemblée nationale !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les élections européennes sont effectivement des élections au scrutin proportionnel à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, par définition, un scrutin proportionnel est à un tour.
Le scrutin de liste est à deux tours, avec une prime majoritaire ; c’est le cas des élections municipales et régionales. Et le scrutin majoritaire est à deux tours, cela a toujours été ainsi.
Sur le fond, votre amendement n’est pas conforme aux règles en matière de scrutin, et vous le savez fort bien !
La commission émet donc un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Vous êtes pris en flagrant délit d’inexactitude, monsieur le président de la commission des lois !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Ne dites pas n’importe quoi !
M. Alain Anziani. Vous nous expliquez que la proportionnelle n’existe pas pour les élections régionales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Dites-nous comment vous calculez ensuite le nombre d’élus. Dans une élection régionale, pour déterminer le nombre d’élus sur une liste, vous regardez le pourcentage de voix obtenues par chaque candidat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Mais si, bien entendu ! C’est une proportionnelle de liste, mais une proportionnelle quand même !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, revoyez votre code électoral !
M. Alain Anziani. Avec un scrutin majoritaire, ceux qui arrivent en tête sont élus, tandis qu’à la proportionnelle on tient compte du nombre de voix obtenu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour un scrutin de liste aussi !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec cet amendement, nous sommes revenus sur une question très importante et sur laquelle j’aimerais avoir l’éclairage du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas nécessaire !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez dit votre attachement au dialogue, ce qui ne nous étonne pas de votre part. Personne, à ce jour, ne nous a expliqué pourquoi il était opportun sur le fond de mettre en œuvre un scrutin à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À cause de la proportionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai remarqué, mes chers collègues – M. le ministre va sans doute nous éclairer –, que dans les assemblées d’élus, l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France, des villes petites, moyennes et grandes,…
M. Bruno Sido. Les maires ruraux !
M. Jean-Pierre Sueur. …les maires ruraux, personne n’a demandé un scrutin à un tour.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est parce qu’il y a la proportionnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas non plus entendu des collègues, dans cet hémicycle, proposer un tel système dans un passé récent.
Dans ces conditions, le Gouvernement peut-il nous expliquer pourquoi il serait tout à coup pertinent de mettre en œuvre un mode de scrutin qui permette à un candidat ayant obtenu 22 %, 23 %, voire 24 % des voix d’être élu ?
Avec le scrutin à deux tours, on sait bien qu’au deuxième tour c’est le candidat arrivé en tête qui est élu et qu’il rassemble en général une majorité qui est la majorité des suffrages. Quel argument justifie d’y renoncer pour instaurer un scrutin qui permette à une minorité d’exercer le pouvoir ? On nous dit qu’il faut le faire !
Je vois que vous avez l’air réjoui, monsieur le conseiller !...