M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.

M. le président. À mon grand regret, mon cher collègue, je ne puis vous donner la parole pour explication de vote sur cette motion puisque, ainsi que je l’ai bien précisé tout à l'heure, en cette circonstance, la parole ne peut être accordée pour explication de vote qu’à un représentant de chaque groupe. Or vous faites partie de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. J’en suis désolé, mais je ne fais qu’appliquer le règlement.

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je me dois d’être extrêmement précis afin d’éviter toute confusion.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cette motion n° 1 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour mettront dans l’urne un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre, un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir, un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants. (Rires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la transparence !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est bien présidé !

M. Robert del Picchia. Si cela avait été présidé comme cela hier, il n’y aurait pas eu de problème !

M. le président. Mes chers collègues, le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Exception d'irrecevabilité (début)
Dossier législatif : projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Discussion générale

11

Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales et la commission des finances ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées, et je proclame Mme Annie Jarraud-Vergnolle membre du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active, créé en application de l’article 2 du décret n° 2009-1112 du 11 septembre 2009, et M. Bernard Angels membre du Conseil d’orientation du service des achats de l’État, créé en application de l’article 5 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

12

Exception d'irrecevabilité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Question préalable

Renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

Nous en sommes parvenus à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n° 132, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, auteur de la motion.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’introduction du rapport fait au nom de la commission des lois, notre collègue M. Courtois nous garantit, sans rire, que « l’adoption du présent texte est de nature à préserver la pleine souveraineté du Parlement ».

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Mais oui !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait, et je vous remercie de m’avoir lu attentivement !

Mme Josiane Mathon-Poinat. M. le rapporteur se sent tout de même obligé de préciser que « l’adoption de ce projet de loi ne ferait en rien obstacle à ce que les assemblées décident finalement, à l’issue de leurs discussions sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, de renoncer à créer une nouvelle catégorie d’élus ».

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

Mme Josiane Mathon-Poinat. D’ailleurs, selon lui, l’instauration future des conseillers territoriaux ne serait qu’un but parmi d’autres de ce projet de loi.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Après cette mise en garde, nous pouvons passer à la lecture du premier chapitre, qui s’intitule : « Une concomitance indispensable à la mise en place des conseillers territoriaux et bénéfique pour la démocratie locale ». La mise en garde est donc promptement oubliée...

Deux arguments sont avancés pour nous faire croire que cette réforme n’a pas pour seul but d’entériner l’instauration des conseillers territoriaux avant même que la loi soit débattue : la concomitance des élections cantonales et régionales permettrait, primo, de lutter contre l’abstention et, secundo, de déconnecter les élections locales des élections nationales. Nous allons confronter ces deux arguments à la réalité des faits, et je peux vous dire par avance que, en guise d’arguments, nous n’avons là que des prétextes !

En premier lieu, selon le rapport, la simultanéité des élections cantonales et régionales permettrait « de dynamiser la démocratie locale ». Ainsi, « comme l’affirme le comité pour la réforme des collectivités locales, la concomitance, en rendant les élus plus facilement identifiables par leurs électeurs, “renforcerait [le] poids [de ces élections] dans la vie locale et ne pourrait, en conséquence, que favoriser la clarté des choix démocratiques” ».

Impossible d’apporter le moindre crédit à cette déclaration puisqu’elle ne repose sur aucune donnée tangible et vérifiable. Il ne s’agit que d’une pure déclaration de principe, un lieu commun ne correspondant à aucune réalité statistique, démographique ou politique. Cette affirmation n’est qu’un exercice de rhétorique puisque rien n’empêche d’affirmer le contraire. Pourquoi, en effet, ne pas penser que la concomitance d’élections entraîne inexorablement des effets pervers comme des risques de confusion dans l’esprit des électeurs sur les enjeux propres à chacune de ces élections et des interférences entre les campagnes électorales ?

Il est difficile de trancher, car l’abstentionnisme va chercher ses causes dans des phénomènes bien plus complexes, qui ont plus à voir avec la sociologie de l’électorat qu’avec de simples questions de calendrier. La concomitance ne constitue même pas l’embryon d’une solution. Pour preuve : la simultanéité des élections cantonales et municipales des 9 et 16 mars dernier n’a pas empêché une abstention record.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est le rapport qui permet de conclure plutôt à une absence de lien entre concomitance et participation puisqu’il y est écrit noir sur blanc qu’une telle « corrélation ne révèle pas forcément un rapport de causalité ». Autrement dit, le rapport se contredit lui-même et la seule chose que nous pouvons affirmer est que nul ne sait si la concomitance d’élection a une influence, bonne ou mauvaise, sur la participation.

Deuxième argument avancé dans le rapport : « La nécessité d’une déconnection entre les enjeux locaux et les enjeux nationaux ».

Selon le rapporteur, la proximité dans le temps de scrutins locaux et de scrutins nationaux serait « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ». Mais est-ce réellement le temps qui est responsable de cette confusion ? N’est-ce pas plutôt un choix délibéré du pouvoir politique ?

A priori, cette année, nous ne connaîtrons pas d’autre rendez-vous électoral que les régionales. Or cela n’empêche pas le Président de la République de descendre dans l’arène pour les élections de mars prochain. La feuille de route adressée par ce dernier aux cadres de l’UMP réunis en conseil national à Aubervilliers ne laisse aucun doute : il s’agit de faire tomber les régions tenues par la gauche, qui sont considérées comme autant de contre-pouvoirs à l’action de l’exécutif.

D’ailleurs, tous les responsables de l’UMP ont proclamé que les régionales revêtiront une dimension nationale et constitueront donc un test pour l’Élysée. Rien de surprenant, dès lors, qu’en cette période le pouvoir nous ressorte ses épouvantails électoraux : l’insécurité, l’identité nationale, l’immigration..., autant de thèmes démagogiques et confus permettant de contourner les vrais enjeux, autant d’appels du pied à un électorat d’extrême droite dont les voix seront fort utiles pour ce scrutin.

Mais quid des questions de fiscalité, d’emploi, d’éducation, d’urbanisme, de démocratie, de culture, bref, des réels enjeux locaux ?

Les arguments selon lequel ce projet de loi serait une opportunité pour faire progresser la démocratie locale sont donc totalement irrecevables. Contrairement aux affirmations du rapporteur, l’unique et seul objet du projet de loi est de permettre la création des conseillers territoriaux, rien de plus. L’exposé des motifs de ce texte ainsi que l’engagement de la procédure accélérée l’attestent très largement.

Il est proprement scandaleux de vouloir nous faire entériner les conséquences d’une réforme avant même d’en avoir débattu. Que nous dira-t-on lorsque nous devrons débattre de la mise en place des conseillers territoriaux ? Sans doute que le Parlement a déjà validé le principe en changeant la durée des mandats des actuels conseillers généraux et régionaux ! Le stratagème est quelque peu grossier... Mais peut-être est-ce la seule façon qu’a trouvé le Gouvernement pour faire passer en force une réforme qui n’est même pas voulue par sa propre majorité.

En effet, la future instauration des conseillers territoriaux est l’objet d’une forte contestation, tous bords et institutions confondus. Ainsi, dans une note confidentielle en date du 15 octobre qui a filtré dans la presse, le Conseil d’État lui-même a mis en garde le Gouvernement contre deux dispositions du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.

L’observation essentielle portait sur le mode de scrutin retenu dans le texte présenté : les magistrats le jugent susceptible de porter atteinte à « la légalité comme à la sincérité du suffrage », s’appuyant sur les « modalités complexes de la combinaison opérée » entre scrutins majoritaire et proportionnel.

Le Conseil d’État précise même que « le mode de scrutin retenu n’apparaît pas de nature à garantir, ni au conseil général ni au conseil régional, l’établissement d’une majorité stable propre à assurer le bon fonctionnement de ces collectivités territoriales ».

Enfin, il estime que ce mode de scrutin « peut, en outre, permettre qu’une liste ayant recueilli au niveau régional moins de voix qu’une autre puisse néanmoins obtenir plus de sièges qu’elle », ce qui a d’ailleurs été rappelé par M. Sueur lors de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Certes, l’avis du Conseil d’État n’a qu’une valeur consultative, mais celui-ci est loin d’être le seul à nous alerter quant aux dérives qu’entraînerait cette réforme. Ainsi, de nombreuses femmes politiques, toutes tendances confondues, voient dans le projet de création des conseillers territoriaux un « recul pour la parité » et, là aussi, c’est le choix du mode de scrutin pour élire les futurs conseillers territoriaux qui en est la cause.

Dans un communiqué commun, les présidentes des délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, Mme Marie-Jo Zimmermann, du Sénat, Mme Michèle André et du Conseil économique, social et environnemental, Mme Françoise Vilain, ont dénoncé ce choix, soulignant que, « dans le cadre des scrutins uninominaux, non soumis à des mesures paritaires contraignantes, les femmes sont toujours sacrifiées par les partis politiques », du moins par certains.

En effet, avec ce nouveau mode de scrutin, 80 % des conseillers territoriaux seront élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, dans lequel les dispositions favorisant la parité sont très peu efficaces puisqu’on élit une seule personne, que ce soit un homme ou une femme. Seuls 20 % des conseillers territoriaux seront élus à la proportionnelle, où la parité est obligatoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans les conseils généraux, en 2008, seules 12,3 % de femmes ont été élues, alors que, aux élections régionales de 2004, le scrutin de liste à la proportionnelle a permis l’élection de 47,6 % de femmes.

Pour ces raisons, l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes a alerté le 1er avril – et ce n’était pas une plaisanterie ! - le Président de la République et le Premier ministre, dont il dépend, sur le « nécessaire respect de la parité dans l’élaboration de la réforme des collectivités territoriales ». L’Observatoire en « appelle solennellement à la vigilance sur les risques d’une régression en matière de parité entre les femmes et les hommes, induits par la généralisation du mode de scrutin uninominal ». Selon ses propres calculs, la proportion de conseillères passera de 23 % aujourd’hui à 19,6 % avec le nouveau mode de scrutin : il s’agit donc d’un recul net et incontestable.

Cette régression, le cabinet d’Alain Marleix, dont je regrette l’absence en cet instant, ne la conteste d’ailleurs pas. Il affirme même avec un certain aplomb que cette inégalité sera compensée par le renforcement de la présence des femmes au niveau local en abaissant le seuil de la parité aux communes de 500 habitants. Selon M. Marleix, de cette façon, les femmes devraient mécaniquement faire une entrée massive dans les conseils de communauté de communes.

M. Pierre Hérisson. C’est vrai, il y en aura 70 000 de plus !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’une disposition qui peine à nous convaincre puisque les intercommunalités ne sont soumises à aucune contrainte paritaire. Mais surtout, quel mépris ! Vous venez encore de le prouver, mon cher collègue !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Quel mépris vis-à-vis non seulement des femmes, mais aussi des assemblées parlementaires !

Le pouvoir décisionnel se trouve-t-il au conseil régional ou dans les villages de 500 habitants ? Les femmes ne seraient donc légitimes qu’à œuvrer politiquement au niveau le plus local, pour ne pas dire « microlocal » ? Ne seraient-elles pas capables d’agir au-delà ? Y aurait-t-il, selon M. Marleix et vous-même, puisque vous semblez le suivre, monsieur Hérisson, des différences d’aptitudes intellectuelles, sans doute, politiques, certainement, techniques, peut-être même, suivant que l’on est homme ou femme ?

La misogynie inhérente à ce texte n’est pas le seul grief que l’on peut formuler, mais ce n’est pas l’un des moindres ! Le Gouvernement s’est dit ouvert à un débat sur cette question, mais, dans le même temps, il essaie de faire passer sa réforme en pièces détachées, espérant ainsi la diluer au gré de l’actualité politique. Nous considérons, pour notre part, qu’il est impossible de débattre de ce texte avant même d’avoir résolu la question de la parité et, d’une manière générale, la réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je retiendrai deux parties dans l’argumentation de Mme Mathon-Poinat : la concomitance et la déconnexion.

Tout d’abord, comme je le précise dans mon rapport, force est de constater que, dans les faits, la concomitance a eu des effets bénéfiques sur la participation électorale. En effet, selon les statistiques fournies par le ministère de l’intérieur, le taux d’abstention aux élections cantonales, qui était supérieur à 50 % lors des élections de 1988, a fortement chuté avec l’instauration, en 1992 – à la suite d’une loi adoptée en 1990, c'est-à-dire sous un gouvernement de gauche –, d’élections régionales et cantonales concomitantes, puisqu’elle ne représentait plus que 29,8 % au premier tour, avant de remonter à 40 % environ lors des élections de 1994.

Si cette corrélation n’est pas systématiquement établie, on s’aperçoit que, lorsqu’il y a concomitance, le taux de participation augmente. Je n’y peux rien, ce sont les chiffres !

M. Pierre-Yves Collombat. On n’établit pas une corrélation comme cela !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mais si !

Ensuite, la nécessité d’une déconnection entre les enjeux locaux et nationaux a été rappelée à plusieurs reprises par notre commission. Dans un excellent rapport sur la loi du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007, M. Jean-Jacques Hyest soulignait à l’époque que la « confusion » provoquée par une trop grande proximité dans le temps de scrutins locaux et de scrutins nationaux était « susceptible de favoriser l’abstention électorale » et de « brouiller les enjeux respectifs de chaque élection ».

La mise en place d’une démarcation nette est d’ailleurs reconnue comme un motif d’intérêt général par le Conseil d’État. Cette position a été confirmée par le Conseil constitutionnel en 2005, celui-ci ayant appelé le législateur à modifier le calendrier électoral pour éviter une « concentration de scrutins » préjudiciables à la clarté des enjeux portés par chaque élection.

L’intérêt d’une telle concomitance est donc doublement manifeste. C’est la raison pour laquelle je l’appuie de tout mon poids.

Quant au mode de scrutin, ce que vous avez dit, madame Mathon-Poinat, est tout à fait vrai.

Mme Odette Terrade. Vous le reconnaissez !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je suis prêt à débattre de la parité et du mode de scrutin, mais pas dans le cadre de ce projet de loi ! Dans les six mois qui nous restent…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est du bricolage !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je vous le rappelle, ce projet de loi ne vise pas à organiser l’élection des conseillers territoriaux. S’il est vrai que le mode de scrutin retenu par le Gouvernement pose problème – je suis prêt à le reconnaître avec vous –, il ne nous appartient pas d’en débattre aujourd’hui.

Pour autant, je suis tout à fait prêt à rouvrir le débat au moment de la discussion du projet de loi relatif à la création des conseillers territoriaux. Peut-être pourrons-nous, sans entraver l’action du Gouvernement, trouver un système qui corresponde à une nouvelle inspiration.

Mme Odette Terrade. Comptez sur nous pour vous le rappeler, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Sur ce point, je vous fais confiance, ma chère collègue. Les femmes ayant bonne mémoire, les assemblées qui respectent la parité possèdent également cette qualité !

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis très défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur vient d’apporter une réponse parfaitement argumentée.

Je souhaite simplement rappeler que ce texte, dont l’objet est de rendre concomitantes les élections régionales et départementales, a le même fondement que la loi du 11 décembre 1990.

À cet égard, permettez-moi de citer des extraits de l’exposé des motifs de ce texte, présenté au nom de M. Michel Rocard, par MM. Pierre Joxe et Jean-Michel Bayet : « L’objectif fondamental du projet de loi est de lutter contre l’abstentionnisme. […] Il convient de faire en sorte que les citoyens soient appelés aux urnes moins souvent, en institutionnalisant l’organisation simultanée de plusieurs consultations générales ».

Ce texte, que je tiens à votre disposition, comportait deux dispositions principales : d’une part, les conseillers généraux sont élus pour un mandat de six ans et, d’autre part, leur élection a lieu en même temps que le renouvellement des conseils régionaux. Le texte que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas autre chose.

S’agissant de la parité, j’ai répondu tout à l’heure à une intervention de Mme Didier. Je le redis de la façon la plus claire possible : avant la discussion du projet de loi électoral relatif aux conseillers territoriaux, le Gouvernement travaillera avec l’ensemble des forces politiques pour régler de façon satisfaisante cette question.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, une vieille règle de base, à laquelle, j’en suis sûr, vous êtes fidèle, veut que l’on ne donne pas les conclusions d’un travail avant même de l’avoir commencé !

M. Jean-Pierre Sueur. Comment fait-on avec un scrutin uninominal ?

M. Michel Mercier, ministre. Sur la motion tendant à opposer la question préalable, j’émets le même avis défavorable que la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, nous votons des projets et non pas des brouillons de projets ! « Vous verrez bien, on fera notre possible… » : quelle incontestable modernisation de notre assemblée !

La moindre des choses, c’est de s’engager !

Ce texte comporte certaines dispositions qui auraient pu être acceptées par l’ensemble du Sénat. Je pense notamment au renouvellement simultané des conseils généraux. Mais son couplage avec les élections régionales pose problème, surtout s’il s’agit de mettre en place, comme cela est précisé dans l’exposé des motifs, des conseillers territoriaux dont nous ne savons encore rien ! Leur création sera-t-elle votée par notre assemblée ? Comment seront-ils élus ? Combien seront-ils par département ? Reconnaissez-le, les interrogations en ce domaine sont très nombreuses.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le Parlement qui vote les lois !

M. Pierre-Yves Collombat. La foi est une vertu théologale qui vous anime très certainement ! Tel n’est pas notre cas ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

M. François-Noël Buffet. Le groupe UMP, se rapportant aux arguments développés par M. le rapporteur, votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable.

Il convient tout de même de rappeler que toutes les associations d’élus locaux ont demandé la concomitance de ces élections,…

M. Pierre-Yves Collombat. Les conseillers généraux !

M. François-Noël Buffet. … qu’elles considèrent comme un excellent principe. Dans son rapport, notre collègue Claude Belot a également demandé son instauration. Cessez donc, chers collègues de l’opposition, de justifier par tous les moyens des positions purement opportunistes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je rappelle également que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cette motion.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

M. Pierre-Yves Collombat. Rappelez les couleurs !

M. le président. Je n’y manquerai pas, mon cher collègue !

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. Ceux qui souhaitent voter pour remettront aux secrétaires un bulletin blanc ; ceux qui souhaitent voter contre remettront un bulletin bleu ; ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Je vous signale que M. Yvon Collin, président du groupe RDSE délègue, par la présente, le droit de vote du groupe RDSE au groupe Union centriste.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 109 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté. (MM. Gérard César et Jackie Pierre applaudissent.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux
Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi, par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n° 132, 2009-2010) (Procédure accélérée).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la motion.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous procédons à une explication de texte forcenée.

Pour les uns, il faut s’en tenir à la lettre, c'est-à-dire à deux petits articles qui n’emporteraient pas de grandes conséquences.

Pour les autres, il vaut mieux se référer à l’esprit de la loi, qui vise à organiser un grand chambardement territorial en 2014.

Bien entendu, je rejoins ce dernier point de vue, préférant en effet m’inspirer, en digne girondin, des travaux de Montesquieu.

Cet auteur nous dit qu’une loi est toujours le reflet d’autre chose : d’une vision, d’une volonté, d’un projet.

Je me tourne donc vers le Gouvernement : quelle est votre vision, quel est votre projet, quelle est votre volonté, monsieur le ministre ? Il suffit de poser cette question pour en connaître la réponse : le projet, la volonté, la vision de ce texte organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux est de faire place nette pour le conseiller territorial.

C’est l’un des cinq motifs que je vais développer et qui justifient ma demande de renvoi à la commission.

Tout d’abord, nous pourrions, me semble-t-il, en terminer avec ces débats non pas polémiques, mais sans grand intérêt. Assumez votre réforme ! Si de hauts responsables politiques n’avaient pas souhaité engager cette réforme territoriale, nous ne serions pas en train d’examiner ce texte ! Qui peut, en toute honnêteté, le nier ?

Il n’est pas difficile de trouver mention du conseiller territorial, et si le ministre nous rappelait encore tout à l’heure que ce n’était pas là le bon débat, relisez-vous ! Le conseiller territorial est présent dans les douze lignes de ce projet de loi. Il est également présent dans l’exposé des motifs, dès le premier paragraphe, comme le rappelait Jean-Pierre Sueur, où il est précisé que « les conseillers généraux et les conseillers régionaux formeront un ensemble unique d'élus, les conseillers territoriaux ». Le conseiller territorial apparaît aussi tout au long de l’étude d’impact, et seule sa création explique l’emploi de la procédure accélérée.

Permettez-moi de souligner à ce sujet que le Gouvernement, comme chacun l’a noté, s’était engagé à ne pas recourir à cette pratique. Aujourd’hui, vous nous dites que l’urgence électorale permet l’utilisation de cette procédure sur ce texte particulier. Nous pouvons d’ailleurs le comprendre au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En fait, nous ne vous reprochons pas de réduire la durée des mandats – ce n’est pas le débat. Sauf erreur de ma part, le législateur y a procédé à neuf reprises sous la Ve République.

En revanche, j’attire votre attention sur les observations du Conseil constitutionnel au sujet des lois de concomitance. Selon lui, il appartient au législateur de préciser les modalités matérielles d’organisation destinées à éviter toute confusion dans l’esprit de l’électeur. Votre texte permet-il d’éviter toute confusion dans l’esprit de l’électeur ? Je ne le crois pas.

Le deuxième motif de renvoi du texte à la commission se fonde sur une question simple : pourquoi nous proposez-vous cette réforme ? Si nous ne partageons pas ses conclusions, le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur la jugeait nécessaire car il y aurait trop de collectivités qui coûteraient trop cher.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de relever à nouveau vos contradictions. MM. Brice Hortefeux et Alain Marleix, ou vous-même certainement, nous disent souvent le plus grand bien des travaux du Sénat. Et pourtant ses travaux, notamment le rapport de la mission confiée à notre collègue Claude Belot, s’opposent à vous sur un certain nombre de points. Que dit le rapport Belot ? Qu’il y a trop de collectivités ? Non ! Que ces collectivités coûtent trop cher ? Non !